Christel prit les trois petites lettres et les mit à part sur un coin du bureau, comme pour ne pas les mêler aux autres : Quel bonjour empressé, se disait-elle, quel appel impatient et redoublé, quel gracieux chant d’avril devait-il en sortir pour celui qui les lirait ! […] qu’il est bien peu vrai que ce qu’on doit aimer, Aussitôt qu’on le voit, prend droit de nous charmer, Et qu’un premier coup d’œil allume en nous les flammes Où le Ciel, en naissant, a destiné nos âmes ! […] Le courrier de Paris arrivait vers deux heures et demie, à l’issue du dîner ; bien peu après, dès que sa mère lassée commençait à sommeiller, Christel s’approchait sans bruit du bureau et faisait rapidement le départ ; puis elle prenait la lettre pour Hervé, mise tout d’abord de côté, et la tenait longtemps dans sa main, et non pas sans trembler, comme si elle se fût permis quelque chose de défendu. […] Elle, au milieu de la chambre, debout, plus pâle que lui, répondait par monosyllabes sans comprendre, lorsque tout à coup, ne pouvant soutenir une lutte si inégale, elle se sentit chanceler, fit un geste comme pour se prendre à la grille, et tomba évanouie. […] On t’a vue, quand tu te prends à la jeunesse et à la beauté, t’y acharner avec violence, y revenir coup sur coup, pour les ébranler, comme avec sa hache le bûcheron furieux, et leur livrer de longs assauts dans des agonies terribles.
Rien d’étonnant, si, rapprochés de la condition souveraine, ils ont, comme les souverains, un conseil, un chancelier, une dette constituée, une cour39, un cérémonial domestique, et si l’édifice féodal revêt entre leurs mains le décor luxueux et compassé qu’il a pris aux mains du roi. […] D’autre part, en dédommagement de ses frais de justice, il reçoit les biens de l’homme condamné à mort et à la confiscation dans son domaine ; il succède au bâtard né et décédé dans sa seigneurie sans testament ni enfants légitimes ; il hérite du régnicole, enfant légitime, décédé chez lui sans testament ni héritiers apparents ; il s’approprie les choses mobilières, vivantes ou inanimées, qui se trouvent égarées et dont on ignore le propriétaire ; il prélève le tiers ou la moitié des trésors trouvés, et, sur la côte, il prend pour lui les épaves des naufrages ; enfin, ce qui est plus fructueux en ces temps de misère, il devient possesseur des biens abandonnés qu’on a cessé de cultiver depuis dix ans. — D’autres avantages attestent plus clairement encore que jadis il eut le gouvernement du canton. […] Tel est enfin le monopole du grand colombier à pied, d’où ses pigeons par milliers vont pâturer en tout temps et sur toutes les terres, sans que personne puisse les tuer ni les prendre […] Livré à lui-même et ramené subitement à l’état de nature, le troupeau humain ne saura que s’agiter, s’entre-choquer, jusqu’à ce qu’enfin la force pure prenne le dessus comme aux temps barbares, et que, parmi la poussière et les cris, surgisse un conducteur militaire, lequel d’ordinaire est un boucher. […] Amelot sur la Bourgogne en 1785. « Dans la subdélégation de Charolles, les habitants semblent à un siècle du temps actuel ; soumis aux droits féodaux, tels que la mainmorte, leur esprit et leur corps ne peuvent prendre aucun essor.
Par ces aspirations au progrès, par ces revendications sociales, par ces élans de charité, de bonté, de pitié, de foi ou de colère démocratiques, sa poésie prend un autre objet que le moi du poète. […] Hugo, évidemment, a manqué de mesure, comme il a manqué d’esprit : visant toujours au grand, il a pris l’énorme pour le sublime, et il a été extravagant avec sérénité. […] Cette construction supprime le signe de comparaison, elle établit l’équivalence, l’identité des deux objets dont l’un va prendre la place de l’autre dans l’imagination et la phrase du poète. […] Il raconte toutes les formes qu’ont prises dans l’humanité le rêve d’un idéal, la conception de la vie universelle, de ses causes et de ses fins : légendes indiennes, helléniques, bibliques, polynésiennes, scandinaves, celtiques, germaniques, chrétiennes, tous les dieux et toutes les croyances défilent devant nous et se caractérisent avec une étonnante précision. […] Leconte de Lisle, après ses deux admirables recueils, fut le maître incontesté de la poésie française ; autour de lui se groupèrent un certain nombre de jeunes poètes, qui prirent le nom de Parnassiens, lorsque l’éditeur Lemerre publia leurs vers dans le recueil du Parnasse contemporain Chacun y apporta son tempérament original, sa force de sentiment ou de pensée : le trait commun de l’école fut le respect de l’art, l’amour des formes pleines, expressives, belles.
Far exemple, combien de suicides sont causés par la honte, par la crainte de l’opinion, par le respect des préjugés (suicides des filles-mères, des maris trompés), par le sentiment d’intolérabilité que le groupe, surtout les groupes étroits et fortement intégrés, crée autour de l’individu sur lequel pèse une réprobation ou un ridicule ; par l’effort sournois ou violent du groupe pour éliminer l’individu qu’il a pris en grippe. […] La société a pris ses précautions là-contre. — Nous avons vu, à propos de l’antinomie politique, que le principe de la séparation des pouvoirs (séparation du pouvoir exécutif et administratif d’une part et du pouvoir judiciaire de l’autre) nous avons vu que ce principe ne protège nullement l’individu qui appartient, comme fonctionnaire, à une administration de l’État. […] Le mensonge individuel est celui dont l’individu prend l’initiative et qui est destiné à servir son égoïsme personnel. […] Il y a l’idéologie rationaliste, qui consiste à soutenir qu’il existe une vérité sociale qui s’impose aux individus ; que l’ordre social est un ordre logique, rationnel, devant lequel l’individu doit s’incliner. — Il y a l’idéologie égalitaire, dépendance de l’idéologie rationaliste, qui prend la forme juridique (tous les hommes sont égaux devant la loi) et la forme politique (tous les citoyens sont égaux devant l’État). — Il y a l’idéologie moraliste, qui consiste à surfaire l’importance de la morale et son pouvoir sur la conduite. […] « Ni Hobbes, ni Rousseau, dit-il, ne paraissent avoir aperçu tout ce qu’il y a de contradictoire à admettre que l’individu soit lui-même l’auteur d’une machine qui a pour rôle essentiel de le dominer et de le contraindre107. » — S’il y a contradiction, répondrons-nous, cette contradiction est dans notre constitution mentale elle-même ; dans la dualité de notre être et dans l’antagonisme qui met aux prises en nous deux âmes opposées : l’âme sociale et l’âme individuelle.
Un éditeur peut prendre tout Balzac et le livrer au plus ridicule des illustrateurs : pourquoi M. […] … [Maurice Montégut] Ouvrier qui prend des échafaudages pour un monument, Maurice Montégut dressa en vers hâtifs et rauques des drames qu’il croyait shakspeariens et qui, en effet, étaient peints noir et rouge. […] Et, quand il vient de publier un feuilleton de Montégut, il refuse de lui en prendre immédiatement un second. […] Mais le plus souvent il se laisse éblouir aux lumières fumeuses de la baraque devant quoi il bonimente ; il prend les planches branlantes qui le supportent pour le Parnasse ; il est un nigaud réjoui qui croit utile de ne pas rire, un ahuri qui fait l’informé. […] Parlez se traduit par « Prenez une voix ».
Il a rempli cet autre vœu de Fénelon : « Il ne faut prendre, si je ne me trompe, que la fleur de chaque objet, et ne toucher jamais que ce qu’on peut embellir. » Et, enfin, il semble avoir été mis au monde exprès pour prouver qu’en poésie française il n’était pas tout à fait impossible de trouver ce que Fénelon désirait encore : « Je voudrais un je ne sais quoi, qui est une facilité à laquelle il est très difficile d’atteindre. » Prenez nos auteurs célèbres, vous y trouverez la noblesse, l’énergie, l’éloquence, l’élégance, des portions de sublime ; mais ce je ne sais quoi de facile qui se communique à tous les sentiments, à toutes les pensées, et qui gagne jusqu’aux lecteurs, ce facile mêlé de persuasif, vous ne le trouverez guère que chez Fénelon et La Fontaine. […] Dans le peu qu’on nous donne ici de ses conseils à Mme de Maintenon, il sait mettre le doigt sur les défauts essentiels, sur cet amour-propre qui veut tout prendre sur soi, sur cet esclavage de la considération, cette ambition de paraître parfaite aux yeux des gens de bien, enfin tout ce qui constituait au fond cette nature prudente et glorieuse. […] On peut prendre Fénelon en défaut sur quelques points. […] Il unit en lui ces deux esprits, ou plutôt il les possède et les contient chacun dans sa sphère, sans combat, sans lutte, sans les mettre aux prises, sans que rien vienne avertir du désaccord, et c’est un grand charme.
Je rougis mille fois par jour de ces infiniment petits monuments qui sont dans notre infiniment petit Cabinet des antiques ; je rougis de l’avoir montré aux étrangers : qu’auront-ils pensé de l’intérêt que je prenais à tous ces bronzes de 7 à 8 pouces de hauteur, à ces deux ou trois têtes mutilées dont je voulais leur faire admirer la grandeur et la rareté ? […] Ce désir du retour finit par l’emporter sur celui qu’il avait eu d’abord de rester, et qui lui faisait dire énergiquement : « J’abandonnerai ce pays avec les regrets de Pyrrhus quand il fut contraint d’abandonner la Sicile. » Durant ce voyage d’Italie, il me semble voir deux instincts aux prises et en lutte au sein de l’abbé Barthélemy : il y a l’instinct pur de l’antiquaire, de l’amateur des vieux débris et du zélé collectionneur de médailles, qui se dit d’épuiser la matière et de rester ; et il y a l’écrivain, l’homme d’art moderne et de style, qui, à la vue de ces monuments épars et de cette ruine immense couronnée d’une Renaissance brillante, sent à son tour le besoin de se recueillir, de rentrer dans sa ruche industrieuse, et de composer une œuvre qui soit à lui. […] Gaie, modeste, pleine d’attentions, douée de la plus heureuse propriété d’expression, et d’une très grande promptitude de raison et de jugement, vous la prendriez pour la reine d’un poème allégorique. […] Tout le monde l’aime, excepté son mari, qui lui préfère sa propre sœur, la duchesse de Grammont, espèce d’amazone, d’un caractère fier et hautain, également arbitraire dans son amour et dans sa haine, et qui est détestée. — Mme de Choiseul, passionnément éprise de son mari, a été martyre de cette préférence, mais, à la fin, elle s’est soumise de bonne grâce ; elle a gagné un peu dans son esprit, et l’on croit qu’elle l’adore toujours. — Mais j’en doute. — Elle prend trop de peine à le persuader ! […] On en peut prendre quelque idée dans la correspondance même de Mme Du Deffand, et dans un petit poème héroï-comique de Barthélemy, appelé La Chanteloupée, qui est d’ailleurs bien frivole.
Causant avec un des officiers de son hôtel, qu’il savait l’ami intime du saint, il le prit un jour à partie et, le serrant de près, lui demanda : « Lequel aimez-vous davantage, ou lui ou moi ? […] C’est en France, c’est à Lyon qu’était saint François de Sales quand la mort le prit le 28 décembre 1622, consumé de zèle et accablé d’infirmités, à l’âge seulement de cinquante-cinq ans. […] Voyons saint François de Sales tel qu’il était, et ne nous prenons pas, comme les enfants, au-dehors et au détail ; voyons-le dans sa force et dans son élan intérieur, démêlons le jet de la source à travers son imagination vive, abondante, et si riante qu’elle paraît d’abord enfantine ; car il a non seulement de l’Amyot dans sa parole, il a du Joinville du temps de saint Louis. […] Saint François de Sales énumère les diverses sources d’où proviennent les jugements téméraires, et il ajoute : Plusieurs s’adonnent au jugement téméraire pour le seul plaisir qu’ils prennent à philosopher et deviner des mœurs et humeurs des personnes par manière d’exercice d’esprit. […] On conçoit, dans le temps, le succès d’un tel livre qui prenait les cœurs par la tendresse, attirait l’esprit par les belles images, et satisfaisait la raison par le fruit moral qu’on en recueillait34.
ce qui me frappe d’abord et ce qui frappera tout le monde, c’est cette unité de pensée qui commence, et qui, sortie des abîmes de l’homme et de son être, va prendre l’homme tout entier et s’asservir sa vie. […] De Maistre fut ce Stator magnifique, depuis le jour où il prit la plume jusqu’au jour où il la quitta. […] Ils trouvèrent un si joli tour de lui prendre, ou du moins de lui légèrement déshonorer, la plus puissante de ses plumes laïques, et ils s’y employèrent, allez ! […] Nous n’avons point à résumer ce qui n’est déjà qu’un magnifique résumé dans ces lettres, qu’il faut aller prendre où il est. Nous voulons seulement prouver que le comte de Maistre n’est pas plus un utopiste en arrière qu’il n’est un utopiste en avant et que sa rigueur politique, dont on a tant parlé et dont tant de gens parlent encore, n’est pas plus inflexible que celle de Dieu et de l’Histoire, des mains desquels il prend pieusement tous les faits, sans leur demander rien de plus que ce que l’ordre de la Providence et la conduite de l’homme y ont mis ou en ont ôté.
Il ne nous rend rien non plus pour nos mérites, quand une fois il nous les a pris. […] Cependant, il faut être juste, Primel et Nola et les dernières pièces de ce volume que Brizeux laisse à la Postérité, qui ne les prendra pas, je le crains bien, sont au-dessus, sans être très-haut, des pièces insupportablement affectées, métaphysiques, panthéistiques, et à contresens de toute manière sincère, qui composent le livre de La Fleur d’or. […] La Nationalité l’aurait pris et porté plus haut dans ses bras puissants, mais il ne fallait pas hésiter avec le génie de sa race, puisque l’autre génie, il ne l’avait pas. […] Ils ont pris tout le portefeuille. […] On le prendrait plutôt pour un sous-préfet que pour un poète idylliquement sauvage, — mon Dieu !
On se plaint, et depuis assez de temps, qu’il ne s’élève point dans le champ de l’imagination et de l’invention proprement dite d’œuvre nouvelle, de talent nouveau du premier ordre, qui prenne aussitôt son rang et se fasse reconnaître à des signes éclatants, incontestables ; on ne saurait faire entendre cette plainte dans le monde de l’érudition et de la critique ; elle serait injuste, et l’on aurait à l’instant à vous répondre en vous citant des noms qui se sont produits depuis ces dix ou douze dernières années et qui ont acquis dès leur début une célébrité véritable. […] Il s’était mis cependant à l’étude de l’Allemagne, et par l’Allemagne il s’était vu initié à ces sciences de formation moderne qui ont tant de peine à pénétrer chez nous et à y prendre pied, même après trente et quarante ans d’existence constatée et régulière. […] L’esprit scientifique moderne l’avait pris peu à peu et gagné, comme la lumière qui se lève à l’horizon et qui ne tarde pas à remplir tout l’espace. […] Cela peut sembler singulier à ceux qui le prennent pour un incrédule de voir que je le classe plus volontiers parmi les contraires.
Mais Le Brun fut longtemps aux prises avec la gêne et les chagrins domestiques. […] Partout, à la cour, à l’armée, Règne un dédain de renommée Qui fait la chute des États ; soit qu’il prélude à ses hymnes républicains dans les soirées du ministère Calonne ; soit même qu’en des temps horribles, auxquels ses chants furent trop mêlés38, et dont il n’eut pas le courage de se séparer hautement, il exhale dans le silence cette ode touchante, dont le début, imité d’un psaume, ressemble à quelque chanson de Béranger : Prends les ailes de la colombe, Prends, disais-je à mon âme, et fuis dans les déserts39. […] Son pinceau maigre, quoique étincelant, joue d’ordinaire sur un fond abstrait ; il ne prend guère de splendeur large que lorsque le poëte songe à Buffon et retrace d’après lui la nature.
il a vieilli dans les affaires sans y prendre une idée, sans atteindre à un résultat, cependant il se croit l’esprit des places qu’il a occupées ; il vous confie ce qu’ont imprimé les gazettes ; il parle avec circonspection même des ministres du siècle dernier ; il achève ses phrases par une mine concentrée, qui ne signifie pas plus que les paroles ; il a des lettres de ministres, d’hommes puissants, dans sa poche, qui lui parlent du temps qu’il fait, et lui semblent une preuve de confiance ; il frémit à l’aspect de ce qu’il appelle une mauvaise tête, et donne assez volontiers ce nom à tout homme supérieur ; il a une diatribe contre l’esprit à laquelle la majorité d’un salon applaudit presque toujours, c’est, vous dit-il, un obstacle à bien voir que l’esprit, les gens d’esprit n’entendent point les affaires. […] Ces réflexions ne sont point destinées, on le croira facilement, à détourner les femmes de toute occupation sérieuse, mais du malheur de se prendre jamais elles-mêmes pour but de leurs efforts. […] Enfin, si l’éclat de la célébrité d’une femme attire des hommages sur ses pas, c’est par un sentiment peut-être étranger à l’amour ; Il en prend les formes, mais c’est comme un moyen d’avoir accès auprès de la nouvelle sorte de puissance qu’on veut flatter. […] que de peines causées par les moyens sans nombre que l’envie prend pour la persécuter !
On ne songe même pas à condamner la rêverie dont je parlais tout à l’heure, l’activité créatrice de l’esprit du lecteur qui prend le texte seulement comme tremplin pour s’élancer dans les espaces du concevable ou de l’imaginable. […] On ne doit jamais négliger l’explication grammaticale ni l’explication historique ; mais on peut n’y voir qu’une préparation, n’y prendre que des points d’appui, soit pour une étude de goût, une analyse de sensations esthétiques, soit pour une recherche de l’usage et des applications actuelles de l’œuvre étudiée. […] Leur tradition ne se perdit pas, et l’explication française prit pied dans un assez grand nombre de classes. […] Dans tous les examens, primaires, secondaires, supérieurs, l’explication française avait pris peu à peu sa place.
Soulary, l’opinion courante, où il y a, naturellement, à prendre et à laisser. […] Cathos eût eu plaisir à entendre appeler un grain de poussière : « l’atome ailé qu’aucun pouvoir ne tue. » Elle eût approuvé cette périphrase qui signifie que l’homme, à l’automme, devient sérieux : Comme elle (la terre), son fils l’homme a pris un maintien grave ; De ses jours de folie il fait payer le tort Au devoir qui l’étreint dans son rude ressort ; et, dans la description d’une gypsie : Un amulette où l’art imite Quelque Diane au front cornu, Des deux seins fixant la limite, Veillait aux mystères du nu. […] L’aiglon qui marche à terre est un oiseau, moins l’aile, Et l’amour, dès qu’il prend de l’aile, est charité. […] Mais tout cela prend chez lui la même forme mignarde, entortillée, tarabiscotée, et cette forme est bien réellement son tout.
Ces grands airs, ces gestes immenses, ces prédilections farouches, cette superstitieuse vision de l’aristocratie, cette peur et cet amour du diable, ce catholicisme qui ne recouvre aucune vertu chrétienne, cette impertinence travaillée, ces colères, ces indignations, cet orgueil, cette façon emphatique et terrible de prendre les choses…, j’ai une peine infinie à y entrer. […] Or il semble bien que M. d’Aurevilly prenne pour profonde cette absence d’explication. […] Et comme, ayant pris la mieux reconnue des vanités, il a su l’égaler aux occupations qui passent pour les plus nobles, il nous fait aussi entendre par là que tout est vain. […] Soyez tranquille, la mort le prendra debout, niant le temps, la tête haute, superbe et redressé, et s’épandant en propos fastueux.
Aimer, c’est se donner plus que vouloir prendre ou retenir ; c’est se donner avec son cœur, son esprit et son âme : et ce don ne se peut faire qu’à une autre âme, à un autre esprit, à un autre cœur, dont un corps gracieux et désirable n’est, après tout, que l’enveloppe et le signe. […] Son adoration prend toutes les formes, même les plus niaises. […] Il dit que « la grande mission de la femme ici-bas étant d’enfanter, d’incarner la vie individuelle, elle prend tout par individu, rien collectivement et par masses », qu’elle sent à merveille l’amour, la sainteté, la chevalerie, et difficilement le droit ; enfin qu’elle est toujours plus haut ou plus bas que la justice. […] Devant des planches d’anatomie qui représentent la matrice après l’accouchement, Michelet est pris d’un délire pieux ; il sanglote de pitié, d’admiration et d’extase.
quelle manière transparente et large de prendre et de refléter la nature ! […] Il ne se renouvelait pas, et le monde prenait l’habitude de chants toujours nouveaux. […] Georges Rodenbach Chaque fois qu’il a pris parole : soit sur la page blanche où tombaient ses poèmes spontanés ; soit à la tribune ; dans les rues, les jours de révolution ; à l’Académie, où son discours de réception souleva d’un élan toutes les questions du temps et de l’éternité, chaque fois, ce fut vraiment « un concert », une voix pins qu’humaine, une vaste musique rebelle aux subtilités, mais qui enveloppait toutes les âmes dans ses grands plis. […] La volonté y a si peu de part, que certains chants, le viiie , notamment, sont composés de fragments que le poète n’a pas pris soin de relier ensemble.
La plupart des psychologistes ont pris parti pour le toucher, et la plupart des physiologistes pour la vue. […] Ce problème, tant de fois discuté, a pris nouvel aspect depuis la communication faite par Wheatstone à la Société royale, en lui présentant son stéréoscope. […] Pris dans leur ensemble, ils constituent tout un ordre de dispositions primitives, toute une structure primordiale qui sert de base à ce que l’être humain deviendra plus tard, au développement du sentiment, de la volition et de l’intelligence. […] Prenons acte toutefois de l’existence de cette spontanéité, de cette activité instinctive ; elle nous servira plus tard à mieux comprendre la nature de la volonté.
Jacques Vignot pourrait inscrire sur son cachet de diplomate ce titre que Guillaume le Conquérant prenait orgueilleusement dans ses chartes. […] On est choqué surtout du ton bref et net qu’elle prend pour signifier d’avance à sa grand’mère les actes respectueux qui lui permettront d’épouser Jacques, à l’heure dite, en dépit de toute sa famille. […] Il prend son bien où il le trouve, c’est-à-dire cinq louis dans la bourse de tous ceux avec qui il a soupé autrefois. […] Le père prend pour lui la faute de son fils ; à son insu, il se battra à sa place.
Il faudrait, après avoir pris mesure de la quantité totale de l’encéphale, déterminer pour quelle part le cervelet, les tubercules quadrijumeaux, les hémisphères, les lobes olfactifs, seraient dans cette somme. […] Si la forme est ce qu’il y a de plus essentiel dans le cerveau, il sera permis, à défaut d’autres moyens, de prendre le cerveau humain comme le type le plus parfait, puisque c’est l’homme qui est l’animal le plus intelligent. […] Leuret reconnaît aussi qu’il y a là un fait qui mérite d’être pris en grande considération, et il est très vrai que tous les animaux dont le cervelet est recouvert par le cerveau sont des animaux intelligents, et que beaucoup d’autres, où il est découvert, sont plus ou moins stupides. […] Les physiologistes emploient indifféremment les expressions de volume ou de masse, quoiqu’elles ne soient pas synonymes, l’une étant relative aux dimensions et l’autre à la quantité de matière ; mais en général les organes de même espèce contiennent d’autant plus de matière qu’ils sont plus gros : le volume étant ainsi proportionnel à la masse, on peut prendre l’un pour l’autre sans inconvénient.
Nous avons vu de ces intellectuels fameux nous rappeler au devoir patriotique, lorsque nous paraissions pris d’une velléité de regarder par dessus les murailles nationales pour voir ce que pouvait bien faire le voisin. […] Il nous a fallu un certain courage pour reconnaître, après un court examen, que ces farouches nationaux n’étaient au fond que des charlatans, de ceux qui amènent fatalement la ruine d’un peuple, quand il se laisse prendre à leurs pitreries. […] Quelques « bons esprits » penseront sans doute que l’optimisme, lorsqu’il atteint ce degré, prend un autre nom, et que le brusque éveil de la conscience française, somnolente et souriante, pourrait se produire un jour, lorsque toute possibilité de conjurer le péril aura disparu. […] La France semble encore posséder en elle des ressources suffisantes pour prendre ce dernier parti ; il est temps toutefois qu’elle se décide, car le manque de décision équivaut lui-même à la ruine.
Il passait devant la Sorbonne vers 1824, et un jeune étudiant de sa connaissance, qui sortait d’un cours célèbre, l’arrêtait, le prenait par le bouton de la redingote, et lui parlait ainsi : « Bonjour, cher monsieur, comment vous portez-vous ? […] Il était dans la philosophie comme un homme du monde dans sa maison ; il en faisait les honneurs avec un bon goût et une politesse exquise ; il allait au devant de ses hôtes, leur prenait la main, les conduisait sur tous les points de vue qui pouvaient les intéresser ou leur plaire. […] Il prenait pour lui toute la peine : il excusait d’avance la marche embarrassée des esprits lourds ; il leur demandait pardon de leur sottise, et se chargeait de leur faute avec toute la modestie de la science et de l’urbanité. […] Ils nous montrent comment des collections d’idées se rassemblent en une seule idée en se résumant sous un seul signe, comment la langue et la pensée marchent ainsi peu à peu vers des expressions plus abrégées et plus claires, comment la série immense de nos idées n’est qu’un système de transformations analogues à celles de l’algèbre, dans lequel quelques éléments très-simples, diversement combinés, suffisent pour produire tout le reste, et où l’esprit peut se mouvoir avec une facilité et une sûreté entières, dès qu’il a pris l’habitude de considérer les jugements comme des équations, et de substituer aux termes obscurs les valeurs qu’ils doivent représenter.
Il voyait que toutes les nations avaient leur Jupiter et leur Hercule ; il décida que son Jupiter Ammon était le plus ancien de tous, que tous les Hercule avaient pris leur nom de l’Hercule Égyptien. […] Les Égyptiens nous fourniront encore à l’appui de ce principe deux traditions de vanité nationale, savoir, que Jupiter Ammon était le plus ancien de tous les Jupiter, et que les Hercule des autres nations avaient pris leur nom de l’Hercule Égyptien. […] Les Grecs avaient commencé sous le règne de Psammétique à mieux connaître l’Égypte ; à partir de cette époque, les récits d’Hérodote sur cette contrée prennent un caractère de certitude. (3553.) […] Guerre de Tarente, où les Latins et les Grecs commencent à prendre connaissance les uns des autres.
Sous la Restauration, cette école, on le conçoit, dut avoir une bien insensible influence là où elle s’adressait ; les engagements étaient pris, les intérêts et les passions en jeu ; au milieu de ces clameurs aigres et retentissantes du parti, de ces voix de vieillards incurables et fanatiques, il y avait peu de place pour les calmes conseils de quelques jeunes hommes. […] Ce sentiment contradictoire entre lui et nous, qui affecte le ton général de l’ouvrage et perce en mille détails, n’est pas fondamental pourtant, puisqu’il n’empêche pas sa raison de rencontrer aux endroits capitaux la nôtre ; mais nous en avertissons expressément, parce que des lecteurs peu attentifs pourraient prendre le change et repousser à première vue, sur quelques mots blessants, un livre où il y a beaucoup à gagner pour toutes les classes d’esprits sérieux et sincères. […] La session de 1815 forme la partie historique la mieux traitée et la plus instructive du livre : les personnes honnêtement royalistes, qui se sont laissé prendre aux théories et à l’ancien droit français de la Gazette, ne pourront guère s’y maintenir après avoir lu le chapitre de M. de Carné.
avaient-ils pris un masque pour tromper la proscription ? […] Les principaux chefs insurgés furent pris, et périrent ; et aujourd’hui qu’on élève des mausolées à ces victimes, aujourd’hui qu’on voudrait faire retomber leur sang sur ceux qui eurent le droit de le verser, il est bon de remarquer qu’après tout, les affligeants trépas des Sombreuil et des Charettene doivent pas être imputés seulement à la valeur républicaine, et que, si les héros exhalèrent en mourant des ressentiments et des plaintes, ces plaintes et ces ressentiments s’adressaient à d’autres qu’à leurs vainqueurs. […] Mais le jeune Bonaparte, choisi par Barras pour veiller à la défense de l’Assemblée, ne se laissa pas prendre au dépourvu ; il manœuvra autour des Tuileries avec autant de résolution qu’au milieu d’un champ de bataille, et, selon l’expression de M.
Moreau prit la chose d’un ton ironique et léger, affectant de plaisanter sur cette conspiration du pot à beurre : la proclamation avait été envoyée et trouvée dans un panier à beurre. […] reprit vivement Napoléon, ne me parlez pas d’une religion qui ne me prend qu’à vie, sans m’enseigner d’où je viens et où je vais. » Napoléon touchait là du doigt les deux pôles de toute religion. […] Ainsi, par exemple, en ce qui concernait les attentats et guet-apens dont il pouvait être victime, Bonaparte avait vu de bonne heure qu’il n’y avait pas de moyen sûr d’y parer, si cela devait être : il avait donc pris le parti, non pas de s’étourdir là-dessus, mais de n’y point songer, de s’affranchir de toute émotion pénible à ce propos, et d’en faire abstraction totale : et ce qu’il avait décidé, il le tint.
Le soin qu’il prend en sa préface de vouloir identifier le népenthès avec l’opium est peine perdue ; je m’en tiens, en le lisant, au népenthès d’Homère ; et ce titre, assez dans le goût allemand, et qui fait appel à l’érudition grecque, résume à merveille pour moi la variété multiple, curieuse, amusante, l’instruction étendue, agréablement bigarrée, légèrement moqueuse, le bon sens raffiné et salutaire, la saveur en un mot d’un livre écrit par l’un des plus distingués littérateurs en une époque comme celle de Lucien, où l’on se rappelle encore de bien loin son Homère, et où l’on extrait avec recherche le suc de toutes choses. Je ne sais quel effet la littérature de ce temps-ci fera dans l’avenir à ceux qui la regarderont à distance respectueuse ; il est à croire que moyennant les inclinaisons de la perspective, et un peu, de bonne volonté et d’illusion chez les spectateurs, tout cela prendra une tournure, une configuration générale et appréciable, une sorte de simplicité. […] Ces articles, écrits tous à l’occasion de quelque représentation particulière, sans être des biographies ni des appréciations complètes, étincellent de vues neuves, de détails agréablement érudits, de comparaisons diverses, et prennent rang d’abord parmi les pièces et les jugements à consulter pour la connaissance littéraire de notre grand siècle.
Son entêtement aux prises avec les circonstances eut un piteux résultat : ne pouvant faire que la noblesse eût un pouvoir réel, il se rabattit sur des apparences, des formes vides : il défendit les prérogatives extérieures, les privilèges de vanité, toutes les distinctions qui mettaient une barrière entre les nobles et les bourgeois, entre les nobles d’épée et les robins, entre les pairs et tout le monde. […] Elles prennent aussi une couleur singulière par le tempérament, de l’homme qui les exprime. Mais prenons-y garde : il y a au xviiie siècle une foule de Saint-Simons au petit pied, toute une noblesse à l’esprit court, murée dans ses souvenirs et ses préventions, d’autant plus entêtée de ses vains privilèges que l’extérieur est tout ce qui lui reste ; courtisans, nobles de province, ce seront ceux-là qui se rendront insupportables au reste de la nation, exaspéreront les plus pacifiques, et nous condamneront par leur égoïsme inintelligent aux convulsions d’une révolution violente.
De bonne heure le généreux ermite de Croisset, pensant bien faire, a dû prendre à tâche de le déniaiser, de lui montrer les choses comme elles sont, de lui enseigner sa philosophie brutale et sa misanthropie truculente. […] Cette philosophie rudimentaire, non pas vraie (je l’espère du moins), mais irréfutable, qui a très bien pu être celle du premier anthropoïde un peu intelligent et à laquelle les hommes les plus raffinés des derniers âges finiront peut-être par revenir après un long circuit inutile ; cette philosophie que Maupassant a pris la peine de formuler dans un de ses derniers volumes (Sur l’eau), est la froide source, secrète et profonde, d’où venaient à la plupart de ses petits récits leur âcre saveur. […] Comment Olivier se met à aimer la jeune fille sans le savoir, et comment la comtesse s’en aperçoit et prend le parti désespéré d’en avertir son ami ; comment Bertin souffre d’aimer cette enfant — lui, un vieil homme — et comment la comtesse souffre de n’être plus aimée de ce vieil homme parce qu’elle n’est plus une jeune femme ; la lutte d’Olivier contre cette passion insensée et de la comtesse contre les premières flétrissures de l’âge ; et comment la jeune fille traverse tout ce drame (qu’elle a déchaîné) sans en soupçonner le premier mot ; et comment enfin les deux vieux amants assistent, impuissants, au supplice l’un de l’autre, jusqu’à ce qu’Olivier se réfugie dans une mort à demi volontaire : voilà tout le roman.
Pourtant cette cabotine, il faut le reconnaître, sait se maquiller et un dauphin prit un singe pour un homme. […] Car Abel Hermant a appris au bon endroit ce métier de pasticheur que la rue d’Ulm prend pour l’art de l’écrivain. Qu’on dise tout le mal qu’on voudra de l’École avec un grand E : il est certain que les fantômes qui sortent de ce monument savent prendre partout leur bien, je veux dire ce qu’il faut pour, devant des yeux naïfs, se matérialiser.
Peu s’en fallut que le soleil… Il ne restait plus à prendre que le ton de la tragédie ; et voilà La Fontaine qui le prend très-plaisamment, à l’occasion du désastre d’un poulailler. […] Vient ensuite le récit très-rapide de la mort des trois jeunes gens ; mais ce qui est parfait, ce qui ajoute à l’intérêt qu’on prend à ce vieillard et à la force de la leçon, ce sont les deux derniers vers : Et pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre Ce que je viens de raconter.
Il permet non seulement au jeune homme qui veut faire du progrès dans l’éloquence d’apprendre l’art du geste ; mais il consent encore qu’il prenne durant quelque-temps des leçons d’un comedien, et qu’il étudie sous ce maître les principes de l’art de la prononciation. […] Afin qu’elle pût prendre facilement un ton à l’octave au-dessus de celui sur lequel elle avoit dit ces paroles : nous nous aimions, pour prononcer, seigneur, vous changez de visage. […] Mais l’art des représentations théatrales où nos jeunes gens avoient pris un grand goût se perfectionna avant peu : d’abord on récitoit des vers faits sur le champ, mais bien-tôt on apprit, continuë Tite-Live, à faire des pieces suivies, et du temps du poëte Andronicus la récitation de quelques-unes de ces pieces se trouvoit déja être mesurée, et l’on en écrivoit déja la note pour la commodité des joüeurs de flutes.
Ils en usent ainsi par calcul de vanité et pour se faire prendre par la foule pour des intelligences supérieures. […] Ils existent ; il y en a même plus qu’on ne croit ; c’est une disposition d’esprit ; c’est l’attrait du mystère ; c’est la curiosité du caché, c’est l’attraction de l’abîme, c’est un vertige doux ; c’est le prestige exercé sur nous par ce qui nous dépasse, échappe à nos prises, nous défie. […] — Mais de même qu’en lisant un auteur simple on prend assez facilement l’habitude, par la lecture méditée, d’y mettre beaucoup de choses qu’il n’a point pensées ou qu’il n’a pensées qu’en puissance ; tout de même, en simplifiant les auteurs compliqués, ne leur fait-on pas le tort de leur ôter leur seul mérite ?
Carton-pâte qu’on prend pour du bronze ! […] Engoulevent de vanité comme tout poète et pris à la pipée des éloges de salon, il s’était donné à la duchesse du Maine et faisait l’espoir de cette coterie de Sceaux, puissante non par elle-même, car elle ne fut jamais qu’une conspiration de Trissotins, ayant pour chef une Philaminte, mais parce qu’elle représentait, dans les hautes classes, l’opposition au misérable gouvernement du duc d’Orléans. […] De même, il y a des esprits héroïques aussi à leur manière, qui ne craignent pas de dire nettement la vérité qui offense, de lever le fouet sur les lâches, les coquins, les infâmes ou les sots de leur temps, et ces esprits-là ne prendront pas pour eux la leçon à côté que leur donne de Lescure, en leur montrant les malheurs de La Grange-Chancel, qui ne fut pas, d’ailleurs, si malheureux, car pour faire ce service public de la satire qu’ont toujours respecté les hommes, il faut de rigueur du talent et de la conscience, et La Grange-Chancel n’en avait pas.
Rien ne fit trembler dans sa main et ne ternit sous sa paupière le pur cristal de la lorgnette qu’il promenait sur tous les étages de cette grande salle de spectacle qu’on appelle le monde, et quand, de son encoignure, il se prit tout à coup à dire ce qu’il voyait, de cette belle voix d’or qui ressemble à la voix de Montaigne, mais sans ses fêlures et ses quintes, nulle des clameurs que soulève d’ordinaire la beauté d’organe du génie ne couvrit cette magnifique voix d’une si pleine et si merveilleuse résonnance ! […] — de mettre leur grain de sel sur la queue de cet aigle d’intelligence, qu’on ne comprend pas plus aisément, par un tel procédé, que les enfants ne prennent de moineaux. […] Nous avons certainement beaucoup d’estime pour l’homme qui passe neuf ans de sa vie — une année de moins que pour prendre Troie — à purifier le texte imprimé d’un grand écrivain, à lui ôter, avec une loupe pour les voir mieux, ses plus imperceptibles grains de poussière, et à le rétablir dans toute la force et dans toute la beauté de ses points et de ses virgules ; mais il nous reste dans l’âme encore beaucoup d’estime que nous lui aurions offerte, et avec quel élan !
Dans ces débats qui durèrent longtemps, et dans lesquels tout Paris se poussa pour voir ce noble spectacle d’un homme qui fait face à tout et qui est plus fort d’agilité, de sang-froid, de fascination et de ressources, que les odieux rétiaires qui voulaient le prendre dans les questions qu’ils lui tendaient pour le jeter à ses bourreaux ; dans ces débats, Suleau, on peut le dire, médusa ses juges de sa beauté, de son impassibilité, de sa moquerie, de sa grâce dans l’impertinence. […] Mais appliquée aux époques excessives d’une Révolution qu’on cherche aujourd’hui à nous faire prendre intégralement comme le chef-d’œuvre de l’esprit humain et la réalisation de l’idéal moral le plus grandiose, sinon le plus pur (on y tient beaucoup moins), cette manière de concevoir l’histoire et de la regarder, dans les ombres et sous la portée des vieux murs, pour saisir ce qui s’y cache d’inepties, de lâchetés, de corruptions, de sales petites ignominies, serait excellente comme réfrigérant d’enthousiasme. […] Moraliste et politique tout à la fois, ainsi qu’il l’a supérieurement prouvé dans son beau fragment sur Paul-Louis Courier, ce faux canonnier à cheval, ce faux vigneron, ce faux républicain, ce faux bonhomme et ce faux écrivain, qui fit de la vieille prose française comme Vanderburgh fit de vieux vers, Auguste Vitu n’a pas, vous le voyez, en dépouillant Courier de sa morale et de sa politique, craint d’attaquer une de ces idoles qui prennent racine sur les piédestaux du préjugé ou des partis.
Mais justement parce que c’était vrai, Ozanam n’avait pas besoin d’ajouter à ses preuves de la vie poétique du Moyen Âge cette grande individualité du Dante, solitaire et tombé du ciel comme tous les grands poètes, et qui sont, prenez-y garde ! […] Comme je l’ai dit plus haut, il a gardé son indépendance, et non seulement vis-à-vis de ceux qu’il prend pour ses maîtres, mais vis-à-vis de ce Dante lui-même, en face duquel sa grande jeunesse aurait pu trembler. […] Ce sont ces deux qualités-là qu’il doit prendre à partie et développer.
Il faut prendre au pied de la lettre ce mot tracé par l’auteur, non par l’éditeur, à la tête de ce volume. […] Au bout de dix ans, l’impatience a pris Lefèvre-Deumier, ou, qui sait ? […] Son volume retardé a paru enfin, et presque au moment où lui disparaissait, arraché par une mort douloureuse et soudaine à son œuvre achevée ; et voilà comment les sons mélancoliques du Couvre-feu 25 ont pris tout à coup la tristesse profonde d’une agonie !
Le costume antique pris à André Chénier, qui du moins y avait moulé une beauté d’Antinoüs ou d’Alcibiade, a été, dans ces derniers temps, un peu défloré, sur le tremplin, par M. […] Pour être pris et dominé par l’Asie, il faut la prendre où elle est puissante, c’est-à-dire dans sa nature extérieure et son énergique matérialité ; il faut avoir le sens du visible plus développé que le sens de l’invisible, qui est le plus beau visible pour les poètes, ces grands spirituels ; il faut, enfin, être beaucoup plus peintre que poète, et c’est malheureusement l’histoire de M. le Conte de L’Isle, peintre, de facultés, auquel la toile a manqué.
Si, comme nous l’avons dit dans les axiomes, la science doit prendre pour point de départ l’époque où commence le sujet de la science, nous devons, pour nous adresser d’abord aux philologues, commencer aux cailloux de Deucalion, aux pierres d’Amphion, aux hommes nés des sillons de Cadmus, ou des chênes dont parle Virgile ( duro robore nati ). […] Partant de ce principe, nous établissons que l’homme dans l’état bestial, n’aime que sa propre conservation ; il prend femme, il a des enfants, et il aime sa conservation en y joignant celle de sa famille ; arrivé à la vie civile, il cherche à la fois sa propre conservation et celle de la cité dont il fait partie ; lorsque les empires s’étendent sur plusieurs peuples, il cherche avec sa conservation celle des nations dont il est membre ; enfin quand les nations sont liées par les rapports des traités, du commerce, et de la guerre, il embrasse dans un même désir sa conservation et celle du genre humain. […] Nous montrons dans les fables l’histoire civile des premiers peuples, lesquels se trouvent avoir été partout naturellement poètes. 2º Même accord avec les locutions héroïques, qui s’expliqueront dans toute la vérité du sens, dans toute la propriété de l’expression ; 3º et avec les étymologies des langues indigènes, qui nous donnent l’histoire des choses exprimées par les mots, en examinant d’abord leur sens propre et originaire, et en suivant le progrès naturel du sens figuré, conformément à l’ordre des idées dans lequel se développe l’histoire des langues (axiomes 64, 65). 4º Nous trouvons encore expliqué par le même système le vocabulaire mental des choses relatives à la société 40, qui, prises dans leur substance, ont été perçues d’une manière uniforme par le sens de toutes les nations, et qui dans leurs modifications diverses, ont été diversement exprimées par les langues. 5º Nous séparons le vrai du faux en tout ce que nous ont conservé les traditions vulgaires pendant une longue suite de siècles.