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1094. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Il faut donc prendre ces harangues pour de simples paroles assez exactement recueillies, où le maître (car Henri IV en est un) dit à sa manière à ceux dont il a besoin et qui lui résistent, qui lui viennent faire remontrance, des vérités parfois rudes, mais qu’il sait égayer d’un geste ou d’un sourire. […] Le roi tenait ce grave discours à ses officiers et gens de justice le 24 ; la veille, il avait écrit ces mots plus lestes à Gabrielle : « Ce sera dimanche (après demain) que je ferai le saut périlleux. » Ce mot a scandalisé à bon droit ; mais il ne faut jamais oublier que Henri IV, nonobstant les sentiments, avait une manière gaie involontaire de prendre et d’exprimer même ce qu’il avait de plus à cœur et de plus sérieux. […] Il recouvrait ce mépris que d’autres grands politiques n’ont pas pris la peine de dissimuler. […] vous ne m’auriez rien su mander qui me fût plus agréable que la nouvelle du plaisir de lecture qui vous a pris. […] Jung est de trop appliquer la méthode de Quintilien à Henri IV, de lui vouloir prendre la mesure comme à un ancien, de trop diviser et subdiviser son esprit, sa manière de penser et de dire, de séparer dans des compartiments divers ce qui n’a jamais fait qu’un, et ce qu’il vaudrait mieux accepter sous sa forme naturelle ; en un mot, de trop vouloir traiter comme un livre ce qui est un homme.

1095. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Bonstetten, déjà aguerri au monde, qui avait vu du pays et beaucoup comparé, ne se laissa point prendre à ces caresses et à ces flatteries : il s’en raille agréablement. […] Il est pris dans l’engrenage de la machine, et devient lui-même un des rouages. […] À toutes les tentatives qu’on faisait pour ébranler son autorité, il n’opposait qu’une défense : le soin qu’il prenait de la faire aimer. […] Des deux papiers je pris l’un pour l’autre ; je donnai gravement au fondé de pouvoir des religieuses le laissez-passer préparé pour les veaux. […] Quelques juges prenaient de l’argent de l’une et de l’autre partie ; d’autres plus délicats vendaient de bonne foi et ne recevaient que d’une main.

1096. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Une fois placé sur ce terrain, il n’y avait pas de raison pour ne pas s’en prendre également à Henri IV et à La Fontaine. […] J’omets sans doute bien des incidents de cette polémique et la part qu’y prit plus d’un combattant. […] D’autres journées sont moins heureuses ; il y a des jours gras (1811) où, faute d’argent, le carême commence pour lui plus tôt qu’il ne devrait : « Je n’ai pris aucun divertissement ; j’aurais bien voulu être auprès de vous, écrit-il à Quenescourt. […] Il est alors, comme tout le monde, pour la paix ; il ne fait point partie de la garde nationale et nese bat pas devant Paris : « Quant à moi, de mon château (rue de Bellefonds), j’ai vu prendre Ménilmontant et Montmartre, et j’ai vu les obus menacer ma bicoque sans trembler. […] Je passe sur la période militante de la vie de Béranger : la Correspondance n’offre qu’un intérêt médiocre durant ces quinze années ; elle ne prend son développement et son cours régulier qu’à dater de 1830 et à partir du second volume.

1097. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Lui, au contraire, il en a assez : il prend en pitié ce désir acharné de la lumière (Quæ lucis miseris tam dira cupido !) […] C’est ainsi qu’il a pris au poëte polonais Miçkiewicz l’idée d’une pièce dont voici le sujet. […] Il prend, par exemple, le groupe de Léda : il lutte avec le marbre par la pureté, la blancheur, la rondeur. […] « Prenez, me dit l’humble vicaire, qui me rappelle la douce lignée des vicaires anglais poëtes et à qui j’avais conseillé, en effet, de les lire dans l’original, ainsi que les poètes lakists, prenez que c’est un panier de fruits, — des fruits du petit jardin que vous avez créé dans ce maigre terrain de nos montagnes, qui ne sont pas, il s’en faut, celles du Westmoreland. […] L’âme immortelle veut des objets plus durables ; Elle s’y prend, s’y lie ; — ils sont inséparables ; Sure est leur compagnie, et sûr est leur amour.

1098. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Renan, qui publie cette Vie de Jésus, laquelle est à bien des égards une version et interprétation de l’Évangile, telle que le Vicaire savoyard l’eût conçue et désirée en ce temps-ci, vit tranquille, prend les bains de mer en Bretagne avec sa famille, et voit son livre se débiter, se lire, se discuter dans tous les sens. […] On l’appelait « le dénicheur de saints. » Chaque curé avait peur qu’il ne prît à partie celui de son église, et plus d’un lui tirait fort bas son chapeau, du plus loin qu’il le voyait. […] Entre ceux qui admettent, dans l’explication des choses humaines et des révolutions sublunaires ou célestes, le surnaturel et le miracle, et ceux qui ne l’admettent pas, il n’y a point à discuter : c’est à prendre ou à laisser. […] Renan, avec ses réserves qui font partie de sa force, me paraît être le champion philosophique le mieux approprié à cette seconde moitié du XIXe siècle, de cette époque dont le caractère est de ne point s’irriter ni se railler des grands résultats historiques, mais de les accepter et de les prendre à son compte, sauf explication. […] Cette Vie de Jésus, toute révérence gardée, a pris dans la classe moyenne des intelligences, comme le Petit Journal a pris parmi le peuple.

1099. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Ils pouvaient même donner à un traité une interprétation arbitraire : ainsi, lorsqu’ils voulurent abaisser les Rhodiens, ils dirent qu’ils ne leur avaient pas donné autrefois la Lycie comme présent, mais comme amie et alliée. » Il semblerait vraiment, à les voir agir, que Louis XIV et Louvois eussent étudié les Romains de plus près qu’ils ne l’avaient fait sans doute, et qu’ils eussent pris des leçons de cette politique tant vantée. […] Vous en donnerez un reçu à celui qui vous les remettra, et prendrez grand soin que le plomb mis auxdits ballots ne soit point gâté, en sorte que l’on connaisse, lorsque l’on vous les demandera, que lesdits ballots n’auront point été ouverts. » Ces ballots, dont la destination était si bien masquée, ne furent ouverts, et l’argent utilisé, qu’au moment de l’exécution. […] La ville prit l’alarme ; le tocsin sonna. […] N’est-ce pas du haut de son Minster que prit l’essor l’Hymne enflammé qui parcourut d’un coup d’aile toutes nos frontières et plana sur nos jeunes armées comme une Victoire ? […] Il était reconnu que Louvois, en campagne, prenait toutes les sûretés pour ce qui regardait sa précieuse personne.

1100. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

L’animal est un corps organisé qui se nourrit, se reproduit, sent et se meut, et non ce quelque chose informe et trouble qui oscille entre des formes de vertébré, d’articulé ou de mollusque, et ne sort de son inachèvement que pour prendre la couleur, la grandeur, la structure d’un individu. […] Tout le corps parle ; souvent, à défaut du mot, c’est le geste qui exprime ; une grimace, un haut-le-corps, un bruit imitatif deviennent signes à la place du nom ; pour désigner une allée de vieux chênes, la taille se dresse droite, les pieds se prennent au sol, les bras s’étendent raides, puis se cassent aux coudes en angles noueux ; pour désigner un fourré de chèvrefeuille et de lierre, les dix doigts étendus se recourbent et tracent des arabesques dans l’air, pendant que les muscles du visage se recourbent en petits plis mouvants. — Cette mimique est le langage naturel, et, si vous avez quelque habitude de l’observation intérieure, vous devinez à quel état intérieur elle correspond. […] V On peut assister de près à la naissance de ces noms généraux ; chez les petits enfants, on la prend sur le fait. […] » Ta est pris dans un sens trop vaste, vil faut que désormais ce mot désigne seulement la tête de celui à qui l’on parle. — L’endiguement va se faire ; de nouvelles expériences compléteront la tendance qui produisait le mot blanc, et, désormais achevée, elle correspondra non seulement à la présence de l’éclat, mais encore à la présence d’une certaine couleur. […] le gros sens populaire ; la tendance qui aboutit au nom ne correspond guère qu’à ce caractère-là. — Mais voici qu’un naturaliste m’ouvre un chat et me fait voir cette poche qu’on appelle l’estomac, ces petits tubes infiniment ramifiés qu’on nomme les veines et les artères, ce paquet de tuyaux lisses qui sont les intestins, ces bâtons, ces cages, ces cerceaux, ces boîtes ou demi-boîtes solides qui s’emmanchent les unes dans les autres et qui sont les os. — Je resterais là pendant six mois que je verrais toujours des choses nouvelles ; si je prends un microscope, ma vie n’y suffira pas ; et, à parler exactement, aucune vie ni série de vies ne peut y suffire ; par-delà les propriétés observées, il en restera toujours d’autres, matière illimitée de la science illimitée.

1101. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Il y a de la peine à prendre et des services à rendre pour quiconque est à peu près valide. […] Le poète mêle la bonne nature à la vie de ses gueux, qui prennent ainsi des airs de faunes autant que de « mendigots ». […] Au moment où nous allions peut-être le croire et nous attendrir, la grossièreté inévitable (qu’il prend pour franchise) des mots et des images fait évanouir l’élégie commencée et nous renfonce notre émotion dans la gorge. […] l’affreux poète qui, pour nous parler de la divine illusion d’amour, nous dit qu’il « a pris son fromage pour la lune » et dont le dernier mot est qu’il sera comme ces buveurs qui « restent soûls de la veille ». […] Tout, dans l’univers, prend à ses yeux des aspects priapiques.

1102. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Prenez les livres sacrés des anciens peuples, qu’y trouverez-vous ? […] Et pourtant, à bien prendre les choses, ce navire est au cap Horn plus près de son but qu’il ne l’était sur les bords de l’Orégon ! […] On prenait tant bien que mal les institutions ou les dogmes et on se les accommodait à sa guise. […] Dans une hypothèse que je suis loin de prendre d’une manière dogmatique, mais seulement comme une belle épopée sur le système des choses, la loi de Dieu ne serait pas autre. […] Prenons une famille de langues, qui renferme plusieurs dialectes, la famille sémitique par exemple.

1103. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

En 1677, Boileau ne prend pas sur ce ton les opinions du duc de Montausier. […] Le prince de Condé prit les deux poètes sous sa protection spéciale. […] Nous remarquerons sur la seconde assertion qu’on ne connaît d’écrits, où Boileau ait pris à défense de Racine contre Pradon, que son épitre à Racine, qui, comme je l’ai dit, parut en 1677 dans la même année que Phèdre ; et sa satire contre les femmes, dont j’ai parlé aussi, et qui est de 1693. […] S’il faut absolument adapter un nom propre au portrait peut-être idéal de cette précieuse, pourquoi ne prendrait-on pas celui de mademoiselle de Scudéry ? […] Un de ces biographes, qui mettent Racine aux prises avec l’hôtel de Rambouillet, nous assure que madame de Sévigné était de la coterie qui soutenait Pradon et dépréciait Racine, de sorte que ce pourrait bien être d’elle que Boileau eût voulu parler dans sa satire.

1104. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Quand ils touchèrent l’autre bord, le démiurge prit au creux de sa main quelques gouttes d’oubli. […] D’autres fois, notre psychologue prend n’importe quelle anecdote insignifiante et s’efforce de nous intéresser au mécanisme intérieur des personnages. […] Mais il dévalise sans scrupule les livres où il passe et il remplit ses volumes de bibelots disparates pris à toutes sortes de morts plus vivants que lui. […] De telles notes, restent longtemps claires pour qui les prit, mais elles font pour le lecteur un chaos lourd et mort. […] Si ce que je prends pour une erreur était une malice — … M. 

1105. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Pour bien connaître et pour comprendre le Portalis de la fin, il faut le prendre à sa source et l’étudier dès le commencement : cela nous sera facile, grâce aux secours de tout genre qui nous ont été donnés. […] Il ne se laisse point prendre au beau langage de Rousseau, ni à ses fastueux dehors qui affichent la vertu : selon lui, « cet étrange alliage de bien et de mal rend le mal plus dangereux en le déguisant ». […] C’est qu’il s’est déjà accoutumé à prendre la religion surtout par le côté pratique et moral : « La religion ne détruit point l’homme, mais elle établit le vertueux. » Ainsi acheminé, dès ses premiers pas, dans une voie de prudence et de droiture, le jeune homme devint, à dix-neuf ans, avocat au parlement d’Aix, et s’y concilia aussitôt l’estime. […] Ne pouvant le suivre dans la diversité des questions qu’il traita, je ne le prendrai que dans deux ou trois sujets et discours, qui me suffiront pour le caractériser. […] Un double courant de factions était aux prises : ceux mêmes qui voulaient rester immobiles et fidèles à la situation du milieu étaient entraînés par l’un ou par l’autre de ces courants profonds et contraires.

1106. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Je ne sais si Portalis s’était fait relire cet épisode avant de prendre la parole pour ses naufragés, mais ce même sentiment de piété, qui est propre à Virgile, respire dans son discours. […] L’État dans lequel ils prennent un asile forcé en répond au monde entier. […] Il chercha d’abord un asile en Suisse, à Zürich, où il connut l’ingénieux observateur Lavater, Meister, ancien secrétaire de Grimm, homme aimable, écrivain distingué en français, et qui n’avait pris du xviiie  siècle que ce qu’il avait de fin et d’honnête ; Mallet du Pan, qu’il retrouva ensuite à Fribourg-en-Brisgau, et avec qui il contracta une liaison de tendre attachement et d’estime. […] Deux mois après, Portalis eut la permission de rentrer dans sa patrie, et il devint presque aussitôt l’un des conseillers de l’homme qui, à cette première heure, prenait à tâche de s’entourer de tous les talents éprouvés et de toutes les lumières70. […] Il échappa aux discussions pénibles qui suivirent bientôt et qui mirent si fatalement aux prises, dans un duel scandaleux, ce pouvoir impérial et cette puissance ecclésiastique qu’il avait tout fait pour concilier.

1107. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

On juge que, le champ une fois ouvert aux conjectures, la malignité, l’envie, ou ce simple plaisir si naturel à tout homme de prendre son prochain en faute, se mirent de la partie et s’y jouèrent en tous sens. […] Le sujet des Deux Gendres est pris dans une anecdote très ancienne ; c’est celui qu’a traité Piron (dans Les Fils ingrats), et je ne serais pas surpris qu’un jésuite s’en fût emparé… M.  […] Lebrun-Tossa, et dont il parlait aussi négligemment que possible, n’était autre, à très peu près, sauf changement du nom des personnages, que la pièce de Conaxa retrouvée à la Bibliothèque impériale ; il ne croyait pas qu’on pût prendre la mesure exacte du secours qu’il avait reçu, dont il n’avait point parlé jusque-là et dont il ne parlait même alors que le moins possible. […] On harcelait l’homme heureux et en crédit, qu’on avait pris en demi-faute. […] Auger y tomba. » Dans ce discours, prononcé au fort des querelles littéraires et à l’occasion d’un académicien qui y avait pris part avec zèle et non sans acrimonie, M. 

1108. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

C’est un homme qui dans un salon prend la parole ; c’est un homme qui dans un salon va du côté de la cheminée ; il faut qu’un homme ait bien de l’esprit pour se taire pardonner de s’être dirigé du côté de la cheminée. […] Quelques années après, il a pris la place qu’il doit garder — ou à peu près ; car il y a toujours des fluctuations — qu’il doit garder indéfiniment. […] Si tout cela est vrai, ne l’est-il pas que la critique est toujours là quand il s’agit d’œuvre d’art, tant pour prendre possession du beau que pour le créer, qu’il faut que le lecteur soit critique puisqu’il faut que l’auteur le soit, et qu’il faut que le poète le soit puisque le lecteur doit l’être ? […] Ainsi parlera un homme qui prendra le mot « critique » dans le sens où tout le monde le prend aujourd’hui. Seulement il est infiniment probable que La Bruyère lui-même ne l’a pas pris du tout dans ce sens.

1109. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Alors il a pris deux chaires en Sorbonne : la chaire de M.  […] Çà donc, prenez votre loupe, prenez votre crochet, prenez votre hotte, et cherchez bien ! […] Or, voici comment s’y prenait mon père en ces occasions difficiles : “M.  […] Condamnée, on la vint prendre, la pauvre fille ! […] « Elle prenait si facilement du bon côté les peines de la vie !

1110. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

L’humanité, dont Féchier donne en plus d’un endroit des marques, ne prend jamais la forme à laquelle le xviiie  siècle nous accoutumera ; il ne fait point état de philanthropie, il n’étale rien. Lorsque, dans son récit, il en a assez de ces détails sur la question, la torture, et sur les façons de procéder de la justice d’alors, il nous dira sans transition aucune, et simplement pour varier : « C’est une chose agréable que la conversation ; mais il faut un peu de promenade au bout, et je ne trouve rien de plus doux que de prendre un peu l’air de la campagne après avoir passé quelques heures d’entretien dans la chambre. […] Taillandier, qui a pris la peine d’examiner le manuscrit de Dongois, aux Archives. […] Faites que je le prenne en repos et à mon aise, autrement je recommencerai à tousser, et vous répondrez à votre cœur de tous les accidents qui pourraient arriver à ma poitrine. » Ces lettres inédites de Fléchier à Mlle Des Houlières sont en bonnes mains, et j’espère qu’elles seront bientôt publiées. […] M. de Novion, devenu premier président du Parlement après M. de Lamoignon, parut un magistrat scandaleux : « Le premier président de Novion était fort accusé de vendre la justice, dit Saint-Simon, et on prétend qu’il fut plus d’une fois pris sur le fait prononçant à l’audience des arrêts dont aucun des deux côtés n’avait été d’avis ; en sorte qu’un côté s’étonnait de l’avis unanime de l’autre, et ainsi réciproquement, et que, sur ces injustices réitérées, le roi prit enfin le parti de l’obliger à se défaire. » Il dut quitter sa charge (1689), et fut remplacé par M. de Harlay.

1111. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Prenons les plus beaux rameaux de notre poésie classique depuis Malherbe ; rien, absolument rien n’y est passé, rien ne s’y reconnaît de cette verte sève qui tenait aux racines mêmes de la vieille France. […] Mais, encore une fois, il faut prendre les dédommagements où on les trouve : la poésie de Froissart est dans sa chronique, dans le pittoresque qu’il y a déployé et où il excelle. […] Comment ne prendrions-nous pas plaisir un moment au gracieux recueil de Charles d’Orléans, à ses vivacités de désir, à ses regrets d’une mélancolie encore riante, à ses plaintes doucement philosophiques ? […] Quelques-uns des critiques qui ont travaillé au choix, et qui en ont pris l’occasion de juger, sont poètes eux-mêmes : on a ainsi une image des théories et des œuvres à la fois. […] Couleur, vérité, expression, elle est partout où vous la voudrez prendre.

1112. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Il n’en faut plus douter aujourd’hui : dès la ruine de la civilisation romaine, après que les Francs eurent pris possession de la Gaule. […] Dès que les Francs se furent mêlés aux Gallo-Romains, eurent pris la langue latine, dès le milieu du vie  siècle, il y eut assurément des chants épiques en latin, « en langue romaine rustique », comme il en continua d’éclore en tudesque pour les Francs non romanisés de l’Austrasie. […] Il prendra un père, et trois oncles, dont l’un est un double de Girart de Roussillon et dont un autre, père d’Olivier et d’Aude, raccorde le cycle de Guillaume au cycle royal. […] Kajna prend le mot en un sens plus étroit, comme signifiant le fils de Clovis, probablement Clotaire. […] Geste (du latin gesta, pluriel neutre qui devint un substantif féminin) prit le sens d’Histoire : une Chanson de Geste est donc proprement une chanson qui a pour sujet des faits historiques (ou donnés pour tels).

1113. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Sa piété était vraiment comme les mères-perles de François de Sales, « qui vivent emmy la mer sans prendre aucune goutte d’eau marine ». […] Ils en prennent et ils en laissent ; ils admettent tel dogme, repoussent tel autre, et s’indignent après cela quand on leur dit qu’ils ne sont pas de vrais catholiques. […] On me propose toujours une année d’études libres dans Paris, durant laquelle je pourrais réfléchir sur l’avenir que je devrais embrasser, et aussi prendre mes grades universitaires. […] Puissé-je voir le jour où ce christianisme prendra une forme capable de satisfaire pleinement tous les besoins de notre temps ! […] Je pris ma résolution dans les derniers jours de septembre.

1114. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

(3) Tout se réduit donc à une simple question de fait la philosophie positive, qui, dans les deux derniers siècles, a pris graduellement une si grande extension, embrasse-t-elle aujourd’hui tous les ordres de phénomènes ? […] Mais elles seront destinées à imprimer à cette dernière classe de nos connaissances ce caractère positif déjà pris par toutes les autres. […] C’est pour avoir méconnu ce fait essentiel, que nos psychologues sont conduits à prendre leurs rêveries pour de la science, croyant comprendre la méthode positive pour avoir lu les préceptes de Bacon ou le discours de Descartes. […] Je le prends aussi dans la chimie. […] Mettons-la enfin en état de prendre un rôle actif, sans nous inquiéter plus longtemps de débats devenus inutiles.

1115. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Tao désirait lui témoigner la part qu’il prenait à son deuil. […] » L’homme violent la saisit, la prend en croupe. […] Vous avez pris la part de l’idéal. […] Il faut en prendre notre parti : nous ne nous reposerons jamais. […] Maurice Bouchor ne l’a point pris au sérieux.

1116. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

J’ai pris la peine d’étudier, dans les rimes d’une certaine Berthe Reynold, le néant absolu. […] Le premier s’orne en épigraphe de ce mot de Chateaubriand : « Le roman prend en croupe l’histoire ». […] Guizot et par ses amis sans que ceux-ci eussent pris aucune part aux affaires. […] Ne demandez rien, prenez tout. » Cela est encore féminin, si l’on veut, puisque raccrocheur. […] Dans le tas énorme qui me menace encore, je vais prendre de-ci, de-là, au hasard.

1117. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

C’était prendre les choses de travers, presque à rebours. […] Et Camos me dit : “Va, prends Nebo sur Israël.” […] Il faut en prendre notre parti. […] Celui-ci a fini par prendre le pas sur celui-là. […] On l’invite à prendre des notes, et, s’il en prend trop, on s’irrite contre son zèle.

1118. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Elle est à prendre ou à laisser. […] Il faut considérer que la philosophie, telle que nous la définissons, n’a pas encore pris conscience complète d’elle-même. […] Mais choses et états ne sont que des vues prises par notre esprit sur le devenir. […] Comment s’y prend-il ? […] Mais, partout ailleurs que chez l’homme, la conscience s’est laissé prendre au filet dont elle voulait traverser les mailles.

1119. (1923) Nouvelles études et autres figures

Si le tonnerre ou la peste vous frappent, vous saurez à qui vous en prendre.) […] Un homme prudent prendra toujours une servante sans enfants. […] Argan n’a-t-il d’autre occupation dans la vie que de prendre des clystères ? […] — l’atmosphère de l’automne nous enveloppe et nous prend le cœur et les sens. […] Édouard Estaunié n’a jamais oublié l’intérêt qu’il y prit.

1120. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Je reviens au cardinal de Bernis que je n’avais pas songé d’abord à prendre si politiquement, ni d’une manière si grave ; je reviens au caractère général qui m’avait d’abord attiré vers sa personne et dont je ne me laisserai plus détourner même par les grandes affaires et les controverses très vives où son nom se trouve mêlé. […] Il dut prendre la prêtrise vers l’année 1760 ; il avait quarante-cinq ans. […] Pour bien juger de l’esprit de ces lettres, il ne faut point les prendre par telle ou telle phrase détachée, mais il convient de les lire dans leur ensemble. […] Je me bornerai à dire mon impression générale sur la ligne de conduite de Bernis à Rome pendant les premières années, et dans cette fameuse négociation de la suppression des Jésuites, à laquelle il prit beaucoup de part. […] Bernis, à part de rares instants où il eut à prendre l’initiative, dut se borner à assister l’Espagne, qui exigeait impérieusement du pape la suppression de cette société ; mais, en assistant l’ambassadeur d’Espagne, il s’efforça souvent de modérer l’âpreté de sommation de cette cour et d’écarter toute voie d’intimidation sur le pontife, au risque de se compromettre lui-même et de paraître tiède à ses alliés.

1121. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Nous le prendrons un peu comme nous avons pris en notre temps M.  […] Une crainte tout à fait puérile donna à Saint-Martin la force de déterminer son père à le laisser quitter la charge que des considérations de famille lui avaient fait prendre. […] Singulier siècle, où l’incrédulité, l’athéisme, aux meilleurs jours un déisme agressif, le naturalisme toujours, se promenaient en plein soleil, et où le sentiment religieux et divin, ainsi refoulé dans l’ombre, allait se prendre à des sortilèges ou à des fantômes ! […] Les hommes de désir, en ceci, me paraissent prendre leur parti des douleurs publiques un peu trop commodément. […] Aimable théosophe du règne de Louis XVI, c’est surtout comme moraliste élevé que nous vous prenons !

1122. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Partout Corneille a rationalisé, intellectualisé la pièce espagnole, variée, amusante, éparse, bigarrée ; il a mis les seuls sentiments aux prises. […] Mais on s’explique peu que le roi, ainsi averti, ne prenne aucune précaution et remette tout au lendemain : singulier monarque par trop débonnaire, et qui prête au sourire. […] On a les deux sentiments solennels aux prises et en regard : la fille qui a son père à venger ; le père qui a été vengé par son fils. […] Il la prend au point où elle est, sans qu’on s’en étonne. […] C’est alors à elle de la refuser : « Si tu m’offres ta tête, est-ce à moi de la prendre ?’

1123. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Il nous faut en prendre décidément notre parti, écrivains et gens de lettres : tout homme d’esprit qui est d’une profession, s’il a à s’en expliquer devant le public, surpasse d’emblée les lettrés, même par l’expression ; il a des termes plus propres et tirés des entrailles mêmes du sujet. […] Rossi, qui le prit pour un des lauréats et qui, voulant lui faire une politesse lui dit ; « N’est-ce pas vous, Monsieur, qui avez remporté aujourd’hui le prix d’honneur ?  […] L’enfant vous ôte les années qu’il prend. […] À mesure qu’on s’est éloigné d’Homère, on l’a pris tout à faux ; on a vu chez lui un auteur, un homme qui a composé un poème d’après un plan régulier, et là-dessus on s’est mis à raisonner, à inventer des beautés qui n’en sont pas, des explications subtiles dont on a fait des lois. […] et que rien n’y ressemble moins que d’être toujours sur les épines comme aujourd’hui en lisant, que de prendre garde à chaque pas, de se questionner sans cesse, de se demander si c’est le bon texte, s’il n’y a pas altération, si l’auteur qu’on goûte n’a pas pris cela ailleurs, s’il a copié la réalité ou s’il a inventé, s’il est bien original et comment, s’il a été fidèle à sa nature, à sa race… et mille autres questions qui gâtent le plaisir, engendrent le doute, vous font gratter votre front, vous obligent à monter à votre bibliothèque, à grimper aux plus hauts rayons, à remuer tous vos livres, à consulter, à compulser, à redevenir un travailleur et un ouvrier enfin, au lieu d’un voluptueux et d’un délicat qui respirait l’esprit des choses et n’en prenait que ce qu’il en faut pour s’y délecter et s’y complaire !

1124. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Nous sommes trop heureux que la postérité ait pris soin elle-même de distinguer par un mot si expressif cette époque des précédentes. […] L’esprit français n’était pas resté inactif ; il prenait tous les jours de l’étendue et de la vigueur ; il avait déjà des pensées égales à celles que contiennent les monuments du passé, une langue assez formée pour exprimer celles qui étaient le plus à sa portée. […] Elle lisait Érasme dans l’original, elle savait assez de grec pour lire Sophocle, et elle prenait des leçons d’hébreu de Paul Paradis, surnommé le Canosse, qu’elle fit nommer professeur au Collège de France, fondé par François Ier. […] Quelques seigneurs, venus aux Pyrénées pour y prendre les eaux, s’y voient retenus par le débordement du gave béarnais. […] Les épîtres de Marot à François Ier sont des modèles de cette flatterie, la forme la plus noble et la plus agréable que puissent prendre dans notre pays la dépendance et l’inégalité, éternelles comme les sociétés humaines.

1125. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Ce n’est point la seule ressemblance entre Eschyle et Dante : tous deux, au déclin de leur vie, dans le rayonnement de leur gloire, prirent la route de l’exil. […] Il y était appelé par Hiéron, un de ces rois de Syracuse qu’on prendrait pour les précurseurs des princes italiens de la Renaissance. […] Quoi qu’il fasse, il y reste toujours pris par quelque côté. […] La langue, chez lui, n’a rien du développement oratoire qu’elle prend dans Sophocle et dans Euripide ; elle ne déroule pas la pensée, elle la darde en vers soudains et rapides, isolés comme les flèches que le sagittaire lance de son carquois, une à une. […] Les vers de ses dithyrambes semblent quelquefois, pris d’ivresse, exécuter une saltation sacrée autour de l’idée.

1126. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Une première fois, il a pardonné, il a même pris soin de l’enfant, dont elle ne s’inquiétait pas plus que d’un petit Chinois jeté au fleuve Jaune. […] Tant qu’on ne lui prenait que son honneur, elle n’a pas soufflé. […] Octave, est là qui lui parle d’un enfant clandestin, élevé à la campagne chez des paysans, et sur lequel il leur faut prendre un parti. […] Octave, voyant qu’elle hésite, va de l’avant et prend tout sur lui. […] Madame Guichard tente alors une épreuve à laquelle Raymonde se laisse prendre.

1127. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Pourtant, à un certain jour, ennui ou caprice, ou ressouvenir d’Esther, elle commençait à se jeter du côté de la dévotion, et d’une dévotion peu commode : elle avait pris pour directeur le père de La Tour, homme de beaucoup d’esprit, sans complaisance, et qui est bien connu comme général de la congrégation de l’Oratoire. […] Cette plume légère touche tout à point ; elle prend dans chaque personne le trait dominant et saisit ce qu’il faut faire voir en chacun. […] Le roi, ayant marié le duc du Maine, fait d’abord à ce prince des représentations sur sa femme qui le ruine ; mais, « voyant enfin que ses représentations ne servent qu’à faire souffrir intérieurement un fils qu’il aime, il prend le parti du silence, et le laisse croupir dans son aveuglement et sa faiblesse ». […] À considérer les soins extrêmes que prenaient les anciens pour donner à leurs enfants, dès le sein de la nourrice, ce tact fin et ce sens exquis, on est frappé de la différence avec l’éducation moderne. […] Mme des Ursins avait toujours pris parti pour Mme de Caylus, pour cette jolie amie qu’elle appelle « une des plus charmantes personnes du monde ».

1128. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Pourtant, si on veut l’étudier comme homme et comme écrivain, et non plus le saluer au passage comme une statue, il convient de le prendre à l’origine et dans la suite de ses actions et de ses écrits. […] M. de Lally, au milieu de la nuit du 4 août, et tandis que les privilèges croulent de toutes parts, y est pris sur le fait avec son élan de sentimentalité royaliste et son exclamation de Vive le Roi ! […] Il extrait et cite de mon ouvrage toutes les dénominations sévères dont j’ai désigné les brouillons, les calomniateurs, les corrupteurs et les ennemis, du peuple, et il les prend toutes pour lui. […] » Les sentiments d’humanité prirent enfin le dessus en lui, et, les trouvant d’accord avec ses intérêts de parti, il ressaisit sa plume de journaliste pour publier (décembre 93) les premiers numéros du Vieux Cordelier. […] On se prend à s’écrier en se rejetant en arrière : Ô le style des honnêtes gens, de ceux qui ont tout respecté de ce qui est respectable, qui ont placé dans les sentiments mêmes de l’âme le principe et la mesure du goût !

1129. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Cependant, disait Mirabeau à M. de La Marck, quelle position m’est-il donc possible de prendre ? […] Et il s’écrie avec le regret naturel aux hommes capables qui, si haute qu’on prenne leur mesure, sentent qu’ils ne l’ont pas donnée tout entière : « Eh quoi ! […] Cette correspondance était à peine entamée qu’il en mettait soigneusement de côté les pages, et il les adressait à M. de La Marck (15 juillet 1790) avec ces mots : « Voilà, mon cher comte, deux paquets que vous ne remettrez qu’à moi, quelque chose qu’il arrive, et qu’en cas de mort vous communiquerez à qui prendra assez d’intérêt à ma mémoire pour la défendre. […] Il sent bien qu’on ne s’y rend pas : « On m’écoute avec plus de bonté que de confiance ; on met plus d’intérêt à connaître mes conseils qu’à les suivre. » Bien souvent l’impatience le prend, et même le mépris pour cet aveuglement royal : « On dirait que la maison où ils dorment peut être réduite en cendres sans qu’ils en soient atteints ou seulement réveillés. » À quoi M. de La Marck lui répond : « Vous les conseillez trop comme s’ils avaient une partie de votre caractère. […] Les leçons lumineuses en jaillissent de toutes parts ; mais, pour les bien prendre, pour les appliquer dans des circonstances à la fois analogues et différentes, il faut sans doute quelque chose de l’esprit même qui les a dictées.

1130. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Ce n’est qu’à la fin et en désespoir de cause, qu’il renonça à l’idée de poursuivre ses projets lointains, et qu’il s’avisa de puiser de l’eau dans son propre puits, c’est-à-dire, au lieu de vouloir exécuter les choses, de prendre son papier et de les décrire. […] J’ai pris mon parti, et je veux m’en retourner. » Dans une réponse de M.  […] Je ne me plaindrai point, monsieur, du ton que vous avez pris avec moi, parce que je ne veux pas vous aigrir dans un moment où vous vous égarez. […] Hennin continue :) Je n’ai pas pris les ordres de M. le comte de Vergennes sur votre seconde lettre. […] Vous êtes bon, simple, modeste, et il y a des moments où vous semblez avoir pris pour modèle votre ami Jean-Jacques, le plus vain de tous les hommes.

1131. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Elle est pour les bonnes ménagères un avertissement de bien veiller à leur linge. » Puis le même Rhymer veut bien cesser de rire et prendre Shakespeare au sérieux : « … Quelle impression édifiante et utile un auditoire peut-il emporter d’une telle poésie ? […] Après ces paroles de Pope, on ne comprend guère à quel propos Voltaire, ahuri de Shakespeare, écrit : « Shakespeare, que les anglais prennent pour un Sophocle, florissait à peu près dans le temps de Lopez (Lope, s’il vous plaît, Voltaire) de Vega. » Voltaire ajoute : « Vous n’ignorez pas que dans Hamlet des fossoyeurs creusent une fosse en buvant, en chantant des vaudevilles, et en faisant sur les têtes des morts des plaisanteries convenables à gens de leur métier. » Et, concluant, il qualifie ainsi toute la scène : « Ces sottises ». […] Quand il vous tient, vous êtes pris. […] On prend en sevrage. […] Othello, Roméo, Iago, Macbeth, Shylock, Richard III, Jules César, Obéron, Puck, Ophélia, Desdemona, Juliette, Titania, les hommes, les femmes, les sorcières, les fées, les âmes, Shakespeare est tout grand ouvert, prenez, prenez, prenez, en voulez-vous encore ?

1132. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Il pouvait, sans en prendre le ridicule pour lui, laisser filer la vieille bourde légendaire, dont la circulation peut aller encore. […] Il faut s’en prendre à l’homme d’esprit, à la coquette d’érudition, au bas-bleu, à la Cydalise. […] Elle a eu raison de condamner Galilée, et en le condamnant elle a respecté son génie et pris pitié de sa vieillesse. […] pour l’universalité des esprits, l’embarras eût été cela même ; l’embarras eût été de faire prendre le change à l’opinion sur des faits aussi clairs que ceux que Chasles produit dans son livre, et qu’on ne lui demandait pas. […] l’oblige à lui recommander, à elle, sa nièce, qu’il appelle « enfant », son livre de la Psychologie sociale, et surtout, surtout, de prendre bien garde, « enfant !

1133. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Il a pris pour elle les ornements de la pensée, et toute la poésie qui était en lui à un degré supérieur d’énergie, tout le temps qu’il savait moins, et par conséquent qu’il était plus sincère, la poésie est morte enfin, indigérée de littérature ! […] C’est la science, les notions demandées à tout, l’encyclopédisme, cette rage des vieux siècles littéraires, qui a fait faiblir la poésie aussi dans Gœthe ; et je cite Gœthe, ce poète, qui n’a pas selon moi la grandeur qu’on lui donne, mais que je prends comme un exemple, parce qu’il est superstitieusement respecté ! […] quand je dis le Joseph Delorme, je ne le prends pas tout entier. […] Si, pour chasser de lui la terreur délirante, Elle chante parfois, une toux déchirante La prend dans sa chanson, pousse, en sifflant, un cri, Et lance les graviers de son poumon meurtri. […] Le monde extérieur qu’il décrit passe à travers son âme malade, avant d’éclore sous son pinceau, y charrie des couleurs prises à cette âme envenimée, et sa peinture n’en est que plus vraie, car, au lieu d’une, elle exprime deux vérités.

1134. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

L’aquarium prend en pitié les autres eaux.‌ […] ‌ Chacun de nous a sûrement observé dans son entourage l’un de ces êtres incapables de prendre la réalité pour elle-même et qui ressentent en face d’elle, une inexprimable terreur. […] Si, d’aventure, vous le questionnez, soyez sûr qu’il vous faudra prendre l’exact contraire de sa réponse, si vous ne voulez pas commettre une erreur, et cela toujours par le même besoin invincible de cacher la vérité afin de la conserver plus rare et plus personnelle. […] L’exemple du clergé catholique, chez lequel le cerveau semble vouloir prendre sa part de la stérilité du corps, et ; cela malgré son observance plus ou moins scrupuleuse du vœu de chasteté, semble confirmer cette loi d’humanité.‌ […] Cela doit nous prouver, sans doute, que les erreurs qui ont pris racine sont infiniment longues à périr, et qu’il faut nous attendre, pendant longtemps encore, à rencontrer dans notre chemin, les illusions et les préjugés que nous pouvions croire à jamais ensevelis.

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