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236. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Eux dormaient à côté de lui, quand tout à coup une troupe armée se présenta à la lueur des torches. […] Le titre de « roi des Juifs », que Jésus ne s’était jamais donné, mais que ses ennemis présentaient comme le résumé de son rôle et de ses prétentions, était naturellement celui par lequel on pouvait exciter les ombrages de l’autorité romaine. […] Un expédient se présenta à l’esprit du gouverneur pour concilier ses propres sentiments avec les exigences du peuple fanatique dont il avait déjà tant de fois ressenti la pression. […] , XV, 44) présente la mort de Jésus comme une exécution politique de Ponce Pilate.

237. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Elle crut qu’il valait mieux présenter la vertu en action, que des lieux communs de morale, souvent usés. […] Ils sont persuadés que l’écrivain, borné au rôle d’historien-philosophe, doit mieux voir et mieux peindre ce qu’il voit ; qu’en cherchant moins à en imposer aux autres, il en impose moins à lui-même ; que celui qui veut embellir, exagère ; qu’on perd du côté de l’exacte vérité tout ce qu’on gagne du côté de la chaleur ; que pour être vraiment utile, il faut présenter les faiblesses à côté des vertus ; que nous avons plus de confiance dans des portraits qui nous ressemblent ; que toute éloquence est une espèce d’art dont on se défie ; et que l’orateur, en se passionnant, met en garde contre lui les esprits sages qui aiment mieux raisonner que sentir. […] Mais par la manière dont vous présentez les faits, dont vous les développez, dont vous les rapprochez les uns des autres, par les grandes actions comparées aux grands obstacles, par l’influence d’un homme sur sa nation, par les traits énergiques et mâles avec lesquels vous peignez ses vertus, par les traits touchants sous lesquels vous montrez la reconnaissance ou des particuliers ou des peuples, par le mépris et l’horreur que vous répandez sur ses ennemis, enfin, par les retours que vous faites sur votre siècle, sur ses besoins, sur ses faiblesses, sur les services qu’un grand homme pourrait rendre, et qu’on attend sans espérer, vous excitez les âmes, vous les réveillez de leur léthargie, vous contribuez du moins à entretenir encore dans un petit nombre l’enthousiasme des choses honnêtes et grandes. […] C’est aux vivants qu’il faut parler ; c’est dans leur âme qu’il faut aller remuer le germe de l’honneur et de la gloire : ils veulent être aimables, faites-les grands ; présentez-leur sans cesse l’image des héros et des hommes utiles ; que cette idée les réveille.

238. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

Le second point de vue, la Mort dans la Vie (et ces espèces de jeux de mots symétriques, vie dans la mort, mort dans la vie, sont bien dans le goût du moyen âge), présente une vérité réelle plus aisée à reconnaître, tout ce qu’il y a de mort et d’enseveli au fond de l’âme de ceux qui passent pour vivants : Et cependant il est d’horribles agonies Qu’on ne saura jamais ; des douleurs infinies    Que l’on n’aperçoit pas. […] Toute âme est un sépulcre où gisent mille choses… Dans le voyage à la Lénore, que fait ensuite le poète, il est bien à lui de nous présenter le vieux Faust qui, désabusé de la science où il n’a pu trouver le dernier mot, dit pour conclusion : Aimez, car tout est là !

239. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

Ainsi Lamartine, quand une dame lui présente un album pour y écrire des vers, s’inspire de la circonstance, de l’objet qu’il a sous les yeux, et improvise cette belle comparaison : Sur cette page blanche où mes vers vont éclore, Qu’un souvenir parfois ramène votre cœur. […] Des comparaisons comme celle de Barbier que je viens de citer, sont vraiment des allégories, et ne présentent plus que des symboles.

240. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 329-336

Malgré les difficultés qui se présentoient dans un Discours dont le but est de développer le chaos des temps, de suivre, pour ainsi dire, pas à pas la marche de la Sagesse divine, de rapprocher les événemens pour en faire connoître les ressorts & le terme, de présenter enfin le tableau du genre humain dans sa naissance, dans ses erreurs, dans ses crimes, dans le progrès de ses lumieres, dans sa législation, dans la réformation de ses mœurs, dans les révolutions des Empires ; le génie de Bossuet est toujours égal au sujet qu’il embrasse, & embellit les objets que leur propre grandeur sembloit mettre au dessus de l’esprit de l’homme. […] Présenter des tableaux qui touchent, qui épouvantent, qui éclairent ; annoncer la vérité, confondre l’orgueil, apprécier les grandeurs, ne point dissimuler les foiblesses ; instruire les vivans au milieu des trophées de la mort ; voilà quel doit être le but de ces sortes de Discours, & celui que l’Evêque de Meaux a rempli avec une supériorité qu’il conservera peut-être toujours.

241. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 493-499

Tout ce qu’on peut dire avec les Panégyristes de M. de la Chaussée, c’est qu’il est le premier qui ait présenté avec succès ce genre bâtard sur notre Théatre. […] On peut bien nous présenter un Acteur ayant un pied dans le Cothurne, & l’autre dans le Brodequin ; mais tandis qu’on s’applaudira de cet accord bizarre, ce personnage n’en sera que plus ridicule aux yeux du goût & de la raison.

242. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

Sous ce titre à double face, l’ouvrage que je présente au public comprendra, en trois séries distinctes, quelques-unes des grandes époques de l’art dramatique. […] Malgré mon peu de goût pour tout ce qui peut paraître une affectation, j’ai cru devoir transcrire leurs noms tels que la langue grecque les présente.

243. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Si l’on tient compte du nombre de mesures, de l’étendue moyenne de chaque forme musicale, du nombre de fois que cette forme se présente, on pourra voir que si l’on sectionnait tout l’opéra au moyen de coupes successives, comme au microtome, on rencontrerait ce motif au moins une fois dans une coupe de trois mesures, dix-huit centièmes d’épaisseur. […] Motif 10 (p. 314, 315, 317, 318, 319, 345). — Motif caressant de reconnaissance ; se présente soit avec Eva, soit à propos d’elle, d’abord dans le quintette, puis quand Walther refuse la chaîne d’or, se trouvant trop heureux de posséder Eva. […] » Cette analyse que je viens de présenter donne une idée suffisante du procédé de Wagner et justifie amplement le nom de motif-organe que j’ai donné à tout ce système d’expression organisée, si musicalement dramatique. […] Wilder ne pouvait d’ailleurs présenter l’exactitude rigoureuse nécessaire à l’analyse. […] I s’agit ici de prendre une scène, un tableau, et d’écrire un texte s’inspirant de la scène originale en la décrivant, la commandant, la discutant… Jules Laforgue, dans ses Morales légendaires, présente ainsi en particulier un Lohengrin réécrit de façon parodique.

244. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il est temps de résumer les faits dont j’ai présenté le tableau. […] Le proscrit qui n’était pas en retard, lui présente aussitôt l’exemplaire dont il était toujours muni depuis la scène précédente. […] Tel est le triste personnage qui nous est présenté sous le nom de Joseph Delorme. […] Ils se présentent seulement avec des traits moins contractés, un sourire moins amer, un air plus aimable. […] Plusieurs auteurs, quelques-uns encore inédits, nous sont présentés.

245. (1903) La pensée et le mouvant

Son essence étant de passer, aucune de ses parties n’est encore là quand une autre se présente. […] Le mérite du kantisme a été de développer dans toutes ses conséquences, et de présenter sous sa forme la plus systématique, une illusion naturelle. […] Ce que vous me présentez disjoint, je l’unifierai. […] Cette combinaison ne pourra présenter ni une diversité de degrés ni une variété de formes : elle est ou elle n’est pas. […] Avec son coup d’œil habituel, il avait vu ce que le mémoire présenté à l’Académie contenait de promesses.

246. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Le marin qui nous raconte les dangers qu’il a courus dans sa navigation a plutôt en vue de nous faire admirer ses talents et sa prudence, que les faveurs dont il est redevable à sa bonne fortune ; et souvent, il lui arrive d’exagérer ses périls pour augmenter notre admiration : de même les médecins ne manquent guère à présenter la situation de leur malade comme beaucoup plus alarmante qu’elle ne l’est en effet, afin que, s’il vient à mourir, ce malheur soit plutôt attribué à la force de la maladie qu’à leur défaut d’habileté ; et que s’il en réchappe, le mérite de la cure paraisse encore plus grand. […] Les Selve d’amour, autre genre de composition pastorale, ne présentent pas de moins douces images : Al dolce tempo, il bon pastor informa Lasciar le mandre, ove nel verno giaque Il luto grege che ballando in torma Torma all alte montique alle fresch aque ; L’agnel trottendo pur la materna orma Sequi ; et selum che puror ora naque L’ammoral pastor, in braccia porta : Il fido a lutti fu le scorta. […] Ces attraits de la beauté qu’Amour présentait à tes yeux, et qui te séduisirent dès tes plus jeunes ans, t’ont privé de toute la paix et de tout le bonheur dont tu devais jouir. […] « Hier, écrivait-il à son illustre protecteur, hier j’allai voir la célèbre Cassandra, à laquelle je présentai vos hommages ; c’est véritablement une femme étonnante par la profonde connaissance qu’elle a de sa langue naturelle et de la langue latine : je lui trouve une physionomie très agréable ; je l’ai quittée plein d’admiration pour ses talents. […] À dire le vrai, c’est l’état où je suis dans tous les moments, et rien de ce que je puis voir, entendre, ou faire, n’a le pouvoir de dissiper la sombre tristesse que m’inspire la pensée des maux qui nous affligent ; que je dorme ou que je veille, elle est incessamment présente à mon esprit.

247. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

La philologie, en effet, semble au premier coup d’œil ne présenter qu’un ensemble d’études sans aucune unité scientifique. […] Le développement du peuple hébreu lui-même, qui semble offrir avant Jésus-Christ moins de trace qu’aucun autre de travail réfléchi, présente dans son déclin des vestiges sensibles de cet esprit de recension, de collection, de rapiécetage, si j’ose le dire, qui termine la vie originale de toutes les littératures. […] Comte, au lieu de suivre les lignes infiniment flexueuses de la marche des sociétés humaines, leurs embranchements, leurs caprices apparents, au lieu de calculer la résultante définitive de cette immense oscillation, aspire du premier coup à une simplicité que les lois de l’humanité présentent bien moins encore que les lois du monde physique. […] Jamais les anciens ne sont bien nettement sortis du point de vue étroit où l’esthétique est censée donner des règles à la production littéraire ; comme si toute œuvre devait être appréciée par sa conformité avec un type donné, et non par la quantité de beauté positive qu’elle présente. […] Saint-Simon mena, comme introduction à la philosophie, la vie la plus active possible, essayant toutes les positions, toutes les jouissances, toutes les façons de voir et de sentir, et se créant même des relations factices, qui n’existent pas ou se présentent rarement dans la réalité.

248. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Colonne qui a eu la bonne fortune de présenter au public le miraculeux Joachim. […] Je l’ai eue en mains ; elle ne présente, comparée à l’édition définitive, que des variantes sans importance, surtout d’orthographe. […] Je vous serai obligé de vouloir bien publier la présente lettre dans votre plus prochain numéro, et je vous prie, monsieur, d’agréer, avec mes remerciements, l’assurance de ma considération très distinguée. […] C’est un travail bibliographique qu’on nous présente sous ce titre, et il est fort intéressant, sans d’ailleurs faire double emploi avec aucun autre ouvrage relatif à Wagner. […] Son œuvre la plus connue est Tristan et Isolde, présentée au salon international des Beaux-Arts de Paris en 1911.

249. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Le génie le plus complexe, parce qu’il est plusieurs, ne cesse pas d’être un : lui-même présente plus peut-être que les autres la marque de l’ineffabile individuum, et en même temps il porte en lui comme une société vivante. […] Tandis que tous les individus faits sur un commun patron nous présentent un esprit à trame régulière, dont on peut compter les fils, le génie est un écheveau brouillé, et les efforts du critique pour débrouiller cet écheveau n’aboutissent en général qu’à des résultats tout à fait superficiels. […] L’histoire littéraire et artistique d’un peuple, pourvu qu’on ait soin d’en éliminer les œuvres dont le succès fut nul et d’y considérer chaque auteur dans la mesure de sa gloire nationale, présente donc « la série des organisations mentales types d’une nation, c’est-à-dire des évolutions psychologiques de cette nation ». […] Hennequin a tracé une liste des génies par époques, qui, bien qu’approximative et parfois inexacte, marque à quel point les diverses périodes littéraires d’une même nation présentent des génies » différents et opposables ». […] Le même raisonnement est valable pour la figure de la courtisane, qu’il faut présenter tout autrement à un débauché ou à un rêveur romanesque ; cela est si vrai que parfois le type illusoire, l’idée, l’emportent sur l’expérience la plus répétée.

250. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Lorsqu’il s’agit de connoître si l’imitation qu’on nous présente dans un poëme ou dans la composition d’un tableau est capable d’exciter la compassion et d’attendrir, le sens destiné pour en juger, est le sens même qui auroit été attendri, c’est le sens qui auroit jugé de l’objet imité. […] Le coeur s’agite de lui-même et par un mouvement qui précede toute déliberation, quand l’objet qu’on lui présente est réellement un objet touchant, soit que l’objet ait reçu son être de la nature, soit qu’il tienne son existence d’une imitation que l’art en a faite. […] On pleure à une tragédie avant que d’avoir discuté si l’objet que le poëte nous y présente, est un objet capable de toucher par lui-même, et s’il est bien imité.

251. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

« Le 24 janvier au soir (écrit-elle), l’horrible éventualité de la capitulation se présenta à notre esprit. » Mais plus tard, ni l’accablante capitulation, ni les derniers écrasements de nos pauvres armées ne l’empêchent, à la page 359, d’écrire cette froide réclame d’une plume sensée, qui sait que le fin et le contre-fin de tout est la réclame dans ce noble temps : « Lacroix vient d’emporter les manifestes d’Edgar Quinet pendant le bombardement. […] En digne époux, il a voulu se mettre sous la même couverture que sa femme ; il a écrit, pour la présenter et la patronner, à la tête du livre de Mme Quinet, une de ces préfaces qu’elle aurait eu aussi bien que lui le talent de penser et d’écrire comme ça. […] Puisqu’il s’agissait des débuts de Mme Quinet dans la littérature et la politique, il pouvait au moins la présenter à ses amis, les républicains, et leur dire comme le grand Dauphin à ses officiers : « Mes chers amis, voici ma femme ! 

252. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Assurément, il est très sincère lorsqu’il me présente aux lecteurs du temps sous les traits d’un féroce maniaque oscillant entre l’humour et l’illuminisme. […] Avant d’aborder la critique de détail, je voudrais qu’on me laissât présenter ces quelques vues d’ensemble sous un jour nouveau, et d’une manière moins abstraite. […] Je regardais de tous mes yeux, ahuri, mais non sceptique, songeant au fou rire qui prit une de nos sociétés savantes lorsqu’on lui présenta le premier embryon du phonographe. […] D’où ce composé paradoxal que tout poème nous présente, ce mélange de pur et d’impur, où la prose et la poésie ont également le droit de se reconnaître. […] La sienne fut préparée par des « lettres à l’académie des sciences » que présenta M. 

253. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

L’apostrophe est diférente des autres figures, parce que ce n’est que dans l’apostrophe qu’on adresse tout d’un coup la parole à quelque persone présente, ou absente, etc. […] Ils doivent surtout être clairs, faciles, se présenter naturèlement et n’être mis en oeuvre qu’en tems et lieu. […] L’allégorie est un discours, qui est d’abord présenté sous un sens propre, qui paroit toute autre chose que ce qu’on a dessein de faire entendre, et qui cependant ne sert que de comparaison, pour doner l’intelligence d’un autre sens qu’on n’exprime point. […] Robin présenta au roi pour être maintenu dans la possession d’une ile qu’il avoit dans le Rhone, il s’exprime en ces termes : qu’est-ce en éfet pour toi, etc. saules est pris dans le sens propre, et laurier dans le sens figuré : mais ce jeu présente à l’esprit une pensée très fine et très solide.

254. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

L’histoire, assez inutile au commun des hommes, est fort utile aux enfants, par les exemples qu’elle leur présente et les leçons vivantes de vertu qu’elle peut leur donner, dans un âge où ils n’ont point encore de principes fixes, ni bons ni mauvais. […] De l’observation de ces règles résultera la noblesse du style oratoire ; car, l’orateur ne devant jamais, ni traiter de sujet bas, ni présenter des idées basses, son style sera noble dès qu’il sera convenable à son sujet. […] On prétend, il est vrai, que les mêmes moyens doivent être présentés différemment aux différents juges, et que par cette raison on est obligé, dans un plaidoyer, de tourner de différents sens la même preuve. […] On ne doit rien dire de ses défauts ; du moins, si on les touche, ce doit être si légèrement, si adroitement, et avec tant de finesse, qu’on les présente à l’auditeur ou au lecteur par un côté favorable. […] Pour cela, il doit réunir avec choix et présenter sous un point de vue avantageux ce qu’il peut y avoir de bon et d’utile dans les ouvrages de celui qu’il est obligé de louer.

255. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

La question qui se présente aujourd’hui au philosophe est de savoir si l’on peut suivre une marche rétrograde, passer d’un régime absolu à celui de la liberté, de la hiérarchie des rangs à l’égalité toujours combattue par la richesse, qui n’aspire pas moins aux distinctions qu’aux jouissances. […] L’objet de M. de Meilhan est de présenter un tableau général exact du gouvernement de la France et de la société avant la Révolution, et de montrer qu’il n’y avait pas lieu ni motif à la révolte, qu’il y aurait eu moyen de la conjurer si on l’avait su craindre, et que lorsque la crainte est venue après l’extrême confiance, elle a, par son excès même, paralysé les moyens : « La légèreté d’esprit dans les classes supérieures a commencé la Révolution, la faiblesse du gouvernement l’a laissée faire des progrès, et la terreur a consommé l’ouvrage. » La description que donne l’auteur de l’ancien gouvernement de la France, de cette Constitution non écrite, éparse et flottante, mais réelle toutefois, est des plus fidèles ; il fait parfaitement sentir en quoi la France d’avant 89 ne pouvait nullement être considérée comme, un État despotique proprement dit ; il parle du roi et de la reine, du clergé, de la noblesse, du tiers état et du rapprochement des diverses conditions, des parlements, du mécanisme de l’administration, des lettres de cachet, de la dette, de l’influence des gens de lettres sous Louis XVI, avec une justesse et une précision qui me font considérer cet ouvrage comme la meilleure production de M. de Meilhan, après ses Considérations sur l’esprit et les mœurs, et comme pouvant se joindre à titre de supplément utile à l’Abrégé chronologique du président Hénault. […] Necker présente quelques couleurs odieuses, et qu’on s’étonne de trouver sous la plume de M. de Meilhan : mais n’est-ce pas lui qui a écrit : « On dit souvent que ceux qui savent bien haïr savent bien aimer, comme si ces deux sentiments avaient le même principe. […] Vous ne devez pas être inquiet de ce que quelques morceaux épars et isolés, tirés de ses portefeuilles, seront peut-être imprimés : ils ne pourront jamais faire un corps d’histoire, et ne présenteront aucune liaison. […] D’ailleurs c’est le style de l’écrivain, c’est l’enchaînement qu’il donnera aux choses, la manière de présenter les faits, de peindre les personnages, qui contribuera beaucoup au succès de l’ouvrage.

256. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Je ne craindrai pas de présenter à l’avance le jugement filial que portait Eckermann de ces conversations si vivantes, après que la mort du maître l’eut laissé dans un vide profond et dans un deuil inconsolable. […] Eckermann, arrivé à Weimar depuis quelques jours, se présente chez Gœthe pour la première fois le 10 juin (1823). […] Mais vous, jeunes gens, vous pouvez dire s’ils ont pour vous de la valeur, et s’ils présentent quelque intérêt, à notre point de vue littéraire actuel. » On voit, dès les premiers jours, le genre d’emploi qu’il assignera à Eckermann et la fonction que celui-ci exercera auprès de lui. […] Il lui présente, et avec raison, ce séjour comme un complément d’éducation littéraire et sociale dont le nouveau venu aura à profiter. […] « Ainsi, comme le recommandait Gœthe à Eckermann et à ses pareils, les petits sujets que chaque jour vous présente, rendez-les dans leur fraîcheur, immédiatement, et il est certain que ce que vous ferez sera bon : chaque jour vous apportera une joie.

257. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

La nouvelle de Saint-Réal ne se présentait qu’appuyée et comme escortée du témoignage des historiens espagnols ou français, dont les noms étaient même cités au bas des pages ; elle était composée de manière à faire illusion. […] Mais, sur la fin de la cérémonie, le duc d’Albe, qui y avait présidé en qualité de grand maître de la maison du roi, se présenta le dernier pour le serment, et comme au retour il allait oublier de baiser la main du prince, don Carlos le lui rappela par un regard de mécontentement et de courroux. […] Les cortès d’Aragon, de Valence et de Catalogne, étant, après bien des retards, convoqués à Monzon, le roi avait dessein d’y faire reconnaître son fils pour héritier de la monarchie, de même qu’il l’avait déjà présenté pour tel aux cortès de Castille. […] Ainsi, quand des personnes qui lui paraissent de peu de considération se présentent devant lui, il leur fait donner le fouet ou la bastonnade, et il n’y a pas longtemps qu’il voulait absolument que quelqu’un fût châtré. […] Il fallut que ceux qu’il avait envoyés à cet effet prétextassent qu’ils avaient rencontré le saint Viatique qu’on portait dans la maison au moment où ils se présentaient.

258. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Rarement le même esprit a présenté au même instant toutes les circonstances et les preuves relatives au fait débattu. […] Ainsi notre combat est une victoire, et la plus belle que nous puissions remporter, puisqu’elle assure la subsistance du peuple… » Ce n’était une victoire que dans ce sens-là : autrement la défaite, bien que des plus disputées, était trop réelle ; mais il s’agissait de maintenir le moral de la nation à la hauteur nécessaire. — Dans la Réponse qu’il fit à la dénonciation venue de Brest en mai 1795, et où on l’accusait d’en avoir imposé à la France dans son Rapport sur le combat du 13 prairial, Jean-Bon n’opposait sur ce point que deux mots dignes et nets qui sentent l’homme vrai, sûr de lui-même ; on ne devrait pas omettre non plus cette partie de la Réponse dans les pièces du procès. — Le petit recueil que nous réclamons, avec un résumé sensé et simple, sans exagération ni faveur, aurait pour avantage, toutes dépositions entendues, de clore le débat sur une question déjà bien avancée ; le fait de la glorieuse bataille du 1er juin et de la part honorable qu’y prit Jean-Bon se présenterait désormais aussi entouré d’explications et aussi appuyé de témoignages qu’un fait de guerre peut l’être32. […] Présenté au premier Consul, il lui agréa aussitôt : sa captivité, les souvenirs de ses services militaires et maritimes parlaient pour lui et lui créaient des titres ; sa personne les justifia, et le 20 décembre 1801 il fut nommé commissaire général dans les quatre départements de la rive gauche du Rhin. […] Jean-Bon, dans sa carrière publique, entre tous les hommes de son temps et de sa génération, présente cette singularité unique : il fut toujours d’un régime franc, et il ne trempa dans aucun des régimes bâtards et douteux, intermédiaires. […] Nous faisions entendre qu’en notre qualité d’otages l’aga devait veiller à notre sûreté et qu’il était responsable de notre conservation ; ces représentations produisaient si peu d’effet qu’un jour que le citoyen Majastre se présenta à lui la tète ensanglantée d’une pierre qu’il venait de recevoir à côté de l’œil et qui lui avait fait une blessure large et profonde, il n’en obtint pas un signe d’intérêt.

259. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Ce n’est pas procédé de littérateur rompu au métier d’écrivain : c’est vraiment vision, sensation présente ou ravivée. […] Si nous voulons résister à notre mémoire qui nous présente machinalement la plupart de ces vers, trop familiers et tournés en dictons pour évoquer encore en nous des sensations, on s’apercevra que Boileau n’a guère usé du style abstrait. […] Et rappelez-vous avec quelle franchise hardie d’expressions Boileau nous présente tous ces plats qui défilent : le potage où paraît un coq, les deux assiettes,               … Dont l’une était ornée D’une langue en ragoût de persil couronnée, L’autre d’un godiveau tout brûlé par dehors Dont un beurre gluant inondait tous les bords ; le rôt où trois lapins de chou s’élevaient Sur un lièvre flanqué de six poulets étiques ; et le cordon d’alouettes, et les six pigeons étalés sur les bords du plat, Présentant pour renfort leurs squelettes brûlés ; et les salades : L’une de pourpier jaune et l’autre d’herbes fades, Dont l’huile de fort loin saisissait l’odorat, Et nageait dans des flots de vinaigre rosat ; et le jambon de Mayence, avec les deux assiettes qui l’accompagnent, L’une de champignons avec des ris de veau, Et l’autre de pois verts qui se noyaient dans l’eau. […] Puis la littérature n’avait en vérité à présenter rien de pareil aux Épîtres ; quant aux Satires, elles pouvaient passer pour les chefs-d’œuvre du genre, quand on les comparait aux pièces de Courval-Sonnet et de Du Lorens, et des autres dont on ne sait même plus les noms aujourd’hui. […] Jusque dans cette admirable Satire IX, vous apercevrez les points de suture : ce n’est pas un discours fortement conçu et contenant toutes ses parties dans son principe, c’est une suite de morceaux saisissants, dont chacun présente une facette du sujet.

260. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Si alors pour deux éléments quelconques A et B du continu C, c’est toujours le premier cas qui se présente, nous dirons que C reste d’un seul tenant malgré les coupures. […] On voit, d’ailleurs, que cette définition ne s’applique pas seulement à l’espace, que dans tout ce qui tombe sous nos sens, nous retrouvons les caractères du continu physique, ce qui permettrait la même classification ; il serait aisé d’y trouver des exemples de continus de quatre, de cinq dimensions, au sens de la définition précédente ; ces exemples se présentent d’eux-mêmes à l’esprit. […] Supposons, par exemple, une sphère dont un hémisphère soit bleu et l’autre rouge ; elle nous présente d’abord l’hémisphère bleu ; puis elle tourne sur elle-même de façon à nous présenter l’hémisphère rouge. […] Une première difficulté se présente ; considérons une sensation colorée rouge affectant un certain point de la rétine ; et d’autre part une sensation colorée bleue affectant le même point de la rétine.

261. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

J’aime mieux chercher à vous présenter le dessin qu’elle signifie que d’en défaire et d’en refaire avec vous le damier multicolore. […] C’est alors une littérature en Décadence qu’il faudrait dire plus justement, une Littérature qui reproduit servilement des modèles supérieurs dont elle ne présente plus que l’état dégénéré. […] Au lieu d’imposer sa pensée, le poète, pour ainsi dire, la propose, la présente, l’offre, non pas directement et d’une façon positive, mais figurée et voilée, de manière qu’il soit nécessaire de la reconnaître et de la pénétrer. […] J’avais soin de me présenter à vous non point comme un critique, mais comme un poète. […] Au lieu de présenter à ses oreilles les conques sonores où l’on entend le murmure d’une mer idéale, ils l’assoieront au bord des flots mêmes pour qu’elle en écoute la rumeur et qu’elle y mêle sa voix.

262. (1890) L’avenir de la science « II »

La fable de Prométhée n’a pas d’autre sens : les conquêtes de la civilisation présentées comme un attentat, comme un rapt illicite à une divinité jalouse, qui voulait se les réserver. […] C’est comme si, pour établir la morale, on se bornait à présenter les avantages qu’elle procure à la société. […] Parcourez en effet l’histoire, vous ne trouverez rien d’analogue à ce fait immense que présente tout le XVIIIe siècle : des philosophes, des hommes d’esprit, ne s’occupant nullement de politique actuelle, qui changent radicalement le fond des idées reçues et opèrent la plus grande des révolutions, et cela avec conscience, réflexion, sur la foi de leurs systèmes. […] En général, la philosophie du XVIIIe siècle et la politique de la première révolution présentent les défauts inséparables de la première réflexion : l’inintelligence du naïf, la tendance à déclarer absurde ce dont on ne voit point la raison immédiate. […] Mais comment excuseront ils le raisonnement que voici : la société a toujours présenté jusqu’ici trois types de situation sociale, des hommes vivant de leur revenu, des hommes exploitant leur revenu, des hommes vivant de leur travail ; donc cela est de la nature humaine, et il en sera toujours ainsi.

263. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

La Société des Sauveteurs de la Méditerranée, ne croyant pas pouvoir présenter deux candidats à la fois, demandait la récompense pour Édouard, ajoutant qu’une telle récompense serait considérée par son frère comme s’appliquant à lui-même. […] La vertu, Messieurs, s’est présentée à vous cette année, aussi diverse que sublime. […] Vous venez d’applaudir ce que faisaient deux jeunes héros à quinze ans ; je vous présente maintenant la vertu centenaire, en la personne de Marie Coustot, de Condom. […] Le bon Simian, dont je vais maintenant vous parler, vous est surtout présenté par Mistral ; oui. […] Prenons donc la vertu de quelque côté qu’elle vienne et sous quelque costume qu’elle se présente.

264. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Mais ce qui me frappe surtout chez Condorcet, et ce qui constitue sa plus grande originalité, c’est l’abus, c’est la foi aveugle dans les méthodes, c’est cette idée, si contraire à l’observation, que toutes les erreurs viennent des institutions et des lois, que personne ne naît avec un esprit faux, qu’il suffit de présenter directement les lumières aux hommes pour qu’à l’instant ils deviennent bons, sensés, raisonnables, et qu’il n’y a rien de plus commun, de plus facile à procurer à tous, que la justesse d’esprit, d’où découlerait nécessairement la droiture de conduite. […] Plusieurs des sections de Paris se présentaient à la barre de l’Assemblée législative. Écoutons Condorcet rendant compte de ces mouvements précurseurs, dans la Chronique de Paris du 18 juin : Plusieurs sections de Paris se sont présentées à la barre ; leurs pétitions avaient toutes le même objet en vue, celui d’écarter les dangers qui menacent la chose publique… Ce sont les mêmes hommes qui en 89, et à peu près à cette époque, délibéraient avec autant de calme que de fermeté sur les moyens de réprimer l’insolence de la tyrannie… Mais, familiarisés aux principes politiques par trois années de révolution, ce n’est plus par le sentiment seul que produisent les événements qu’ils se laissent entraîner. Ils remontent aux causes par les effets… À la manière dont le peuple rend compte des événements que certaines gens voudraient bien présenter encore comme des phénomènes inexplicables, on serait presque tenté de croire qu’il consacre chaque jour quelques heures à l’étude de l’analyse. […] Et les massacres de Septembre, savez-vous comment Condorcet les présente et les introduit ?

265. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Dans ce voyage de Russie, toutefois, il trouva moyen encore de rendre sa position fausse en se faisant appeler le Chevalier de Saint-Pierre et en se donnant des armoiries de sa façon : bien souvent, quand il était présenté à quelque personnage de marque, on lui demandait s’il appartenait à la noble famille de Saint-Pierre qui était alors très en vue à Versailles ; il était obligé de répondre non, et il en souffrait. […] Les éditeurs crurent pourtant devoir y faire quelques suppressions, et la veuve de Bernardin de Saint-Pierre, en particulier, demanda avec instances, avec larmes, au possesseur des lettres de lui permettre d’en détruire cinq ou six qui présentaient sous un jour trop triste la situation morale du grand écrivain. […] Condorcet s’intéressait à lui et en écrivit à Turgot ; il dut être présenté à celui-ci au commencement de son ministère (juillet 1774) ; Turgot était ministre de la Marine, et Bernardin sollicitait depuis quelque temps pour être envoyé par terre aux Indes avec une mission d’observation et de découverte. […] C’était Bernardin qui avait écrit : « La nature offre des rapports si ingénieux, des intentions si bienveillantes, des scènes muettes si expressives et si peu aperçues, que qui pourrait en présenter un faible tableau à l’homme le plus inattentif le ferait s’écrier : Il y a quelqu’un ici ! […] J’aurai présenté de beaux tableaux, j’aurai consolé, fortifié et rassuré l’homme dans le passage rapide de la vie.

266. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Dès ses débuts, il fut présenté dans la société du baron d’Holbach, y connut Franklin, le monde de Mme Helvétius, et toutes ces influences se combinèrent bientôt, se fixèrent en lui de telle sorte qu’il devint l’élève le plus original peut-être de cette école. […] Volney a peur de tout ce qui est charme ; il semble craindre toujours de rien ajouter aux choses, et de présenter les objets d’une manière trop attachante : Je me suis interdit tout tableau d’imagination, dit-il, quoique je n’ignore pas les avantages de l’illusion auprès de la plupart des lecteurs ; mais j’ai pensé que le genre des voyages appartenait à l’histoire et non aux romans. […] Aucun animal ne présente une analogie si marquée et si exclusive à son climat : on dirait qu’une intention préméditée s’est plu à régler les qualités de l’un sur celles de l’autre. […] Saussure, on l’a dit, tout savant qu’il est, a de la candeur ; il a, en présence de la nature et à travers ses études de tout genre, le sentiment calme et serein des primitives beautés ; il se laisse faire à ces grands spectacles ; pour les peindre ou du moins pour en donner idée, pour dire la limpidité de l’air dans les hautes cimes, le frais jaillissement des sources ou de la verdure au sortir des neiges, la pureté resplendissante des glaciers, il ne craindra point d’emprunter à la langue vulgaire les comparaisons qui se présentent naturellement à la pensée, et que Volney, dans son rigorisme d’expression, s’interdit toujours ; il aura, au besoin, des images de paradis terrestre, de fées ou d’Olympe ; après un danger dont il est échappé, lui et son guide, il remerciera la Providence. […] Croirait-on qu’après s’être arrêté très au long sur les ruines de Balbek et de Palmyre, il continue en ces termes : « À deux journées au sud de Nâblous, en marchant par des montagnes qui, à chaque pas, deviennent plus rocailleuses et plus arides, l’on arrive à une ville qui, comme tant d’autres que nous avons parcourues, présente un grand exemple de la vicissitude des choses humaines. » Cette ville qui est, selon lui, comme tant d’autres, c’est Jérusalem.

267. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre premier. Du rapport des idées et des mots »

Dès que l’idée en est venue à son dernier degré de perfection, le mot éclôt, se présente et la revêt. » Cela est vrai, mais au fond cela ne dit pas grand’chose. […] Par cette puissance, l’imagination reproduit et remplace la vue ; le livre tient lieu de l’objet ; la phrase rend présente la chose qui n’est pas là.

268. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

De même que la définition d’une espèce ne donne que les caractères communs à tous les individus de l’espèce, et de même que ces caractères communs ne peuvent jamais se présenter isolés, mais s’accompagnent toujours de caractères individuels qui sont infiniment variables, de même la définition d’un mot ne donne que la portion de sens commune à tous les emplois que les écrivains ont fait de ce mot : à cela vient s’ajouter une valeur spéciale, qui résulte de la combinaison particulière où le mot est entré. […] Il transforme, déforme, rapetisse, grandit, colore de mille façons l’objet qu’il est chargé de présenter.

269. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Nulle autre cause de cette étonnante supériorité, que la connoissance profonde du cœur humain, qu’une observation subtile qui saisissoit avec justesse les vices & les ridicules par-tout où ils se trouvoient, qu’une délicatesse de tact qui discernoit, à coup sûr, ce qu’il y avoit de plus saillant dans les travers de la Société, que l’art enfin de les présenter sous un jour propre à les rendre sensibles, & à les corriger par une plaisanterie sans aigreur, sans apprêt, & toujours si naturelle, que l’effet en étoit immanquable. […] Mais le grand art est de les présenter dans le jour qui leur convient, d’en former un tableau assez énergique, pour que chacun s’y reconnoisse : la surcharge est même alors nécessaire, afin que l’optique ne dérobe aucun trait à la peinture : & le comble du génie est d’ôter à la laideur ce qu’elle a de hideux ; de savoir l’apprivoiser à se considérer elle-même, pour la convaincre & lui faire haïr plus sûrement sa propre difformité.

270. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Restout » pp. 187-190

C’est ainsi que les monarques d’Asie rassuraient ceux qui osaient se présenter devant eux, sans être appelés. […] Pour moi, qui ne règne par bonheur que sur le cœur de Sophie, si elle se présentait à fines yeux dans cet état, que ne deviendrais-je pas ?

271. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

Il faut alors que l’ame fasse des efforts continuels pour suivre l’objet de son attention ; et ces efforts rendus souvent infructueux par la disposition présente des organes du cerveau, n’aboutissent qu’à une contention vaine et sterile. Ou l’imagination trop allumée ne présente plus distinctement aucun objet, et une infinité d’idées sans liaison et sans rapport s’y succedent tumultueusement l’une à l’autre ; ou l’esprit las d’être tendu se relâche ; et une rêverie morne et languissante, durant laquelle il ne joüit précisement d’aucun objet, est l’unique fruit des efforts qu’il a faits pour s’occuper lui-même.

272. (1904) Zangwill pp. 7-90

Gabriel Séailles ; je n’insisterai point sur ce que la description détaillée de toutes ces commodités de la conversation présente de désobligeant quand on s’installe pour traiter d’un débat qui divise douloureusement les consciences ; je suis assuré que M.  […] Cet univers vivant présenterait les deux pôles que présente toute masse nerveuse, le pôle qui pense, le pôle qui jouit. […] Ce n’est jamais que par métaphore que nous avons pu présenter l’univers comme un animal. […] Rien de tel dans Taine ; Taine était un homme sérieux ; Taine n’était pas un homme qui s’amusait, et qui jouait avec ses amusements ; ce qui rend le cas de Taine particulièrement grave, et particulièrement caractéristique, et particulièrement important pour nous, et, comme on dit, éminemment représentatif, c’est que dans sa grande honnêteté universitaire il usurpe nettement les fonctions de création, et qu’il usurpe ces fonctions pour l’humanité présente avec une brutalité nette.   La seule garantie qu’on nous donne à présent est qu’« une société d’anthropologie vient de se fonder à Paris, par les soins de plusieurs anatomistes et physiologistes éminents » ; nous qui aujourd’hui savons ce que c’est, dans le domaine de l’histoire, que l’anthropologie, et ce que c’est, dans la république des sciences, que la société d’anthropologie, une telle garantie nous effraye plus qu’elle ne nous rassure ; c’est bien sensiblement à l’humanité présente, à la grossière et à la faible humanité, que Taine remet non pas seulement le gouvernement mais la création de ce monde ; il ne s’agit plus d’un Dieu éloigné, incertain, négligeable, mort-né ; c’est à l’humanité que nous connaissons, aux pauvres hommes que nous sommes, que Taine remet tout le secret et la création du monde ; par exemple c’est lui, Taine, l’homme que nous connaissons, qui saisit et qui épuise tout un La Fontaine, tout un Racine ; c’est la présente humanité, c’est l’humanité actuelle que Taine, au fond, se représente comme un Dieu actuel, réalisé créateur.

273. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Le premier qui se présente est Mr. de Voltaire. […] Rien ne rebute plus les jeunes gens que la morale présentée de front. […] Les annales de Tacite sont le premier ouvrage qui se présente à moi. […] Les faits y sont suffisamment approfondis & bien présentés ; le style en est pur & élégant. […] Il peint à grands traits tous les personnages qu’il présente.

274. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Ce banquet, ce banquet contre l’Institut, donné à Ribot, se trouve aussi un peu donné à moi ; et dans les coins, où je me blottis, des jeunes dont je connais vaguement le nom, se font, à tout moment, présenter à moi, et veulent bien saluer dans le vieux Goncourt : le grand littérateur indépendant. […] La Beraudière, auquel je demandais le nom d’une famille de Bretagne où devait être conservée une correspondance de la Lecouvreur, me disait : « Ah le nombre de précieux documents historiques perdus, à l’heure présente… tenez, j’ai eu dans ma famille un châtelain de Picardie, aimé de la Camargo, et qui avait dans son château, une chambre s’appelant encore ces dernières années : la chambre de la Camargo. […] Moi, au jour d’aujourd’hui, je suis à peu près reconnu et je me vends : oui je remplis les deux conditions du succès, tel qu’on le jauge à l’heure présente. […] Je crois que l’heure présente donne fièrement raison à cette pensée, écrite en 1830. […] À l’heure présente, les jeunes gens du monde chic, apprennent d’un maître d’écriture ad hoc, l’écriture de la dernière heure, une écriture dépouillée de toute personnalité, et qui a l’air d’un chapelet d’m.

275. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

La scholastique d’Allemagne est sans doute moins originale et moins féconde que celle de France, qui n’a ni égale ni rivale ; toutefois elle présente de grands noms, dont le plus grand est celui d’Albert. […] En vain Klopstock présenta à Frédéric, en vers sublimes, l’apologie de la muse germanique : le grand roi ne comprit pas le loyal patriote ; mais l’Allemagne l’entendit. […] Les physiciens modernes antérieurs à Galilée abandonnèrent les hypothèses, se mirent en présence de la nature, observèrent et recueillirent les phénomènes qu’elle leur présentait. […] La raison doit se présenter à la nature, tenant d’une main ses principes, qui seuls peuvent donner à l’ensemble et à l’harmonie des phénomènes l’autorité de lois, et de l’autre main les expériences qu’elle a instituées d’après ces mêmes principes. […] Tantôt le rapport lie l’attribut au sujet comme inhérent au sujet même, comme renfermé logiquement et nécessairement dans la nature du sujet, en sorte qu’en exprimant ce rapport vous n’exprimez pas deux connaissances différentes, mais vous présentez deux points de vue ou deux formes de la même connaissance.

276. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Le charmant Hamilton, Grimm et Galiani, sont les principaux noms qui se présentent d’abord quand on cherche des exemples de ces parfaits naturalisés. […] Quelques pages nettes et précises où il nous aurait présenté les vicissitudes de la cité républicaine fondée sur une aristocratie orthodoxe et bourgeoise, jusqu’au moment où elle fut englobée par la Révolution française, nous auraient satisfaits et tranquillisés ; nous aurions pu ensuite nous livrer avec plus de sécurité, sous sa conduite, aux études successives d’écrivains distingués qu’il déroule devant nous. […] nous-même autrefois, en notre verte jeunesse, nous nous en sommes permis bien d’autres : Le premier qui se présente (entre les beaux esprits vivants) est leur poète célèbre, l’auteur des satires, qui balaye le Parnasse français et en chasse la foule des beaux esprits qui le sont à faux titre. […] [NdA] Mémoires de Marmontel. — Voir aussi, dans les Contes moraux, celui qui a pour titre Le Petit Voyage, et où l’esprit de Mairan est présenté dans sa nuance et dans tout son jour.

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