L’art de sa composition est merveilleux sous ce point de vue : des réflexions générales, des portraits de société, des espiègleries bien innocences et bien drôles, lui ont rempli ses deux volumes de 400 pages, et l’ont insensiblement menée jusqu’à l’âge de trente ans environ, libre et pure de tout aveu un peu grave.
Il faut se reporter, pour la suite et la fin de l’article à partir de ce passage, au tome II, page 516, des Portraits contemporains, édition de 1869.
On peut être embarrassé de peindre le caractère du peuple athénien, et de résumer en quelques traits l’histoire du paysan français, tandis que l’on se tirerait convenablement du portrait du vieillard Dêmos ou de la vie de Jacques Bonhomme.
Son éloquence y est soutenue, mâle, abondante & naturelle ; elle dédaigne le faux brillant des antitheses, ces tours emphatiques qui ne prouvent que la sécheresse de l’imagination & la disette de l’esprit, ces details recherchés, ces portraits fantastiques, plus faits pour plaire que pour corriger ; elle s’abandonne à la chaleur qui l’enfante, & n’emprunte de l’art que ce qu’il faut pour l’embellir, ou plutôt elle embellit l’art même.
Mais est-il juste de donner la place suprême à un art semblable, surtout lorsqu’il est représenté dans une exposition par le portrait de Sarasate, et de faire fi d’autres recherches ?
La Jeune Indienne de Tangiaor est un portrait dans le costume et avec les ornements du pays.
Il est savant, renseigné, détaillé, plein de faits qui, sous la plume pittoresque de l’auteur, deviennent des peintures : paysages ici, portraits là.
… Où qu’on prît ces héroïnes, qui ne forment pas un bataillon, mais toute une armée dans l’histoire ; qu’on les prît sur notre terre de France, que ce fût sainte Radegonde, sainte Geneviève, sainte Clotilde, et tous ces cœurs vaillants de la vaillance de Dieu jusqu’à Jeanne d’Arc et depuis elle, n’importe où l’historien allât les choisir, elles étaient dignes de s’aligner en face des plus grandes (s’il y en avait) de la Révolution française, et de faire baisser les yeux à leurs portraits, plier le genou à leurs cadavres.
Goethe, on le sait, aimait à patiner ; on n’a pas oublié son plus beau portrait de jeunesse, tracé par sa mère même : — Mère, vous ne m’avez pas encore vu patiner, et le temps est beau ; venez donc, et comme vous êtes, et tout de suite. — Je mets, disait la mère racontant cela depuis à Bettine, je mets une pelisse fourrée de velours cramoisi qui avait une longue queue et des agrafes d’or, et je monte en voiture avec mes amis. […] On a le portrait par la mère ; or, voici le glorieux pendant par Goethe lui-même. […] J’ai pris soin ailleurs (article sur Charles Nodier, Portraits littéraires, tome Ier) d’en noter le contrecoup dans notre littérature, depuis Ramond, auteur des Aventures du jeune d’Olban, publiées en 1777, jusqu’à Nodier lui-même qui donnait Le Peintre de Salzbourg en 1803.
Il était tel que je l’ai décrit et représenté dans ce Portrait, modeste, éloquent dès qu’il parlait, et d’une ferveur qui se trahissait dans ses moindres paroles. […] J’ai fait de ce bon et charmant homme un portrait un peu arrangé, mais véridique et fidèle au fond, dans la première des Pensées d’Août ; c’est lui qui est Doudun, et dont j’ai raconté l’histoire ; dont j’ai surtout retracé la touchante piété filiale. […] Un autre lecteur ami, que j’ai ou vers le même temps, s’appelait Oger ; c’est lui encore dont je me suis permis d’esquisser le portrait dans cette même première pièce des Pensées d’Aout.
« Le roi, écrivait-il, pose pour ses portraits ; il en est au onzième ; et le peuple ne peut s’accoutumer à contempler l’abus de la faiblesse en ces mêmes lieux où, si peu de mois auparavant, il a vu régner l’abus de la force. » Le miracle du débarquement et du retour de l’île d’Elbe, survenant sur ces entrefaites, le transporta. […] Je crois bien que j’en ressens plus encore, parce que je reconnais l’auteur à chaque page, et que jamais confession n’offrit à mes yeux un portrait plus ressemblant. […] Il a évidemment voulu éloigner le portrait d’Ellénore de toute ressemblance.
Il faut voir le portrait ineffaçable de ce père dur et révéré, au nez aquilin, à la lèvre pâle et mince, aux yeux enfoncés et pers ou glauques comme ceux des lions ou des anciens barbares. […] Si, dans le portrait de son père, M. de Chateaubriand n’a rien à envier aux Van Dyck, aux Velasquez et aux vieux maîtres espagnols ; si, dans le portrait de sa sœur enfant, il a égalé quelque jeune fille gauche et finement ingénue de Terburg, il n’est comparable en cet endroit qu’à la grâce exquise et familière de Wilkie.
. — Poésies, 1re série : Le Soleil de minuit, Soirs moroses, Contes épiques, Intermède, Hespérus, Philomela, Sonnets, Panteleïa, Pagode, Sérénades, avec portrait (1876). — Justice, drame en trois actes, en prose (1877). — Le Capitaine Fracasse, opéra-comique en trois actes et six tableaux, d’après le roman de Th. […] [Profils et portraits (1891).] […] [Études et portraits (1894).]
En faisant le portrait de l’esprit français, j’ai presque fait le portrait de la raison elle-même. […] La science compare laborieusement l’original à ces divers portraits, et donne en détail les raisons du jugement souverain que la France en a porté d’instinct.
Quoi de moins ressemblant au portrait du prince que Machiavel a tracé d’après nature, et dont chaque détail est pris à quelque personnage connu, que ce vain idéal, mélange de souvenirs de lecture échauffés par le travail, et de digressions où Balzac tantôt fait sa cour au roi, tantôt défend sa réputation attaquée ? […] Tous les mauvais ministres, tous les vilains traits des gens de cour servaient d’ombre au portrait du cardinal. […] On pourrait reconnaître, dans la Relation à Ménandre, de grands traits de mélancolie, que Pascal semble avoir recueillis et placés en meilleur lieu ; dans la fameuse lettre sur Rome, et dans beaucoup de pensées de religion, la hardiesse et la pompe solide de Bossuet ; dans Aristippe et le Prince, des portraits que La Bruyère n’a fait que retourner.
Seroit-ce encore un excès de sévérité, que de reprocher à M. de Voltaire de s'être trop délecté à prodiguer les Portraits ; de n'avoir pas répandu dans ces Portraits assez de variété ; de les dessiner tous de la même maniere ; de les peindre des mêmes couleurs ; de n'y avoir ménagé d'autre contraste que celui des antitheses ; de les terminer constamment par des pointes ou des sentences ; d'oublier ensuite, dans le cours de l'action, l'idée qu'il a donnée de ses Personnages, pour les laisser agir au hasard, sans aucune conformité avec le caractere sous lequel il les annoncés ? […] Au lieu de s'amuser à faire le portrait de leurs Héros, ils sesont contentés de les peindre par leurs actions, de leur donner des caracteres puisés dans la Nature, d'en distinguer les nuances avec autant d'énergie que de vérité, de régler constamment leurs mouvemens & leurs discours, selon les passions & les intérêts qu'ils ont cru devoir leur attribuer pour le ressort & le développement du Poëme.
Il nous montre ses Chardin et ses Prud’hon, — et nous qui avons fait le vœu de ne jamais acheter de tableaux, — nous revenons amoureux de deux tableaux, il est vrai que ce sont deux esquisses : l’esquisse des Tours de cartes de Chardin, une merveille de couleur gaie et papillotante qu’on ne rencontre pas d’ordinaire chez lui, et le portrait de Mlle Mayer par Prud’hon, le portrait que le peintre eut jusqu’à sa mort dans son alcôve, — un portrait où l’on dirait le sourire de la Joconde dans l’ovale ramassé d’une nymphe de Clodion.
Delacroix lui proposait pour l’abattis de ce mur, un grosse somme qu’il refusait, puis enfin son portrait et celui de sa femme, qu’il refusait encore. Mais à la mort du peintre, ne voilà-t-il pas que le marchand de vin apprend le gros prix de ses peintures, et depuis ce jour, le ménage qui a de quoi vivre cependant, mène une existence désespérée, répétant à tous ceux qui veulent les entendre : « Pourquoi qu’il n’a pas dit qu’un portrait de lui, se vendait 100 000 francs ? […] * * * — Saint-Simon jugé par Mme du Deffand : « Le style est abominable, les portraits mal faits, l’auteur n’était point un homme d’esprit. » Jeudi 11 octobre Il y a chez moi une aversion telle de la politique, qu’aujourd’hui, où c’est vraiment un devoir de voter, je m’abstiens… J’aurais passé toute ma vie, sans voter une seule fois !
Nous avons tous, dans nos souvenirs de lectures, quelques portraits d’évêques, de vieux curés de campagne tout blancs, de vicaires agités et ambitieux. […] Et cela montre qu’il n’y a pas de réalisme absolu ; qu’il n’y a pas, dans le roman, de portrait entièrement vrai ; que les œuvres de cet ordre restent, pour une large part, des œuvres d’imagination. […] Il voit, avec une netteté qui ne laisse rien dans l’ombre, toute l’œuvre dont il n’a pas tracé une ligne, il l’aperçoit achevée, avec les portraits, les dialogues, les paysages, avec la beauté de rêve qu’il espère traduire.
Chacun se représenterait parfaitement aujourd’hui Pierre Loti paysagiste, Paul Bourget peintre d’intérieur et de portraits, Daudet aquarelliste, Paul Arène, ou tel autre, pastelliste. […] Rien ne montre mieux cette différence de vision que la comparaison de deux portraits écrits à deux siècles de distance. […] Remarquez-vous le peu qui est accordé au portrait physique, et combien les expressions mêmes qui servent à peindre sont peu précises, empruntées au vocabulaire des idées, des sentiments et des comparaisons littéraires ?
Vivacité d’expression, tableaux raccourcis, mais saillants, critique égayée par l’épigramme, portraits dont on croyoit pouvoir faire l’application : tels furent les causes du singulier succès de ce Roman. […] Le ton & les usages du grand monde, les travers & les foiblesses du cœur humain, y sont décrits avec cette sureté d’expression qui atteste la ressemblance des portraits. […] N’exposez aux regards que ce que l’usage permet d’y exposer, & ne craignez point de multiplier les portraits.
Cromwell disait à son peintre, en lui montrant les verrues et les poireaux qu’il avait sur le nez et le visage : « J’espère bien que vous ne m’allez pas ôter tout cela. » Je suis, en littérature et en histoire, de l’école de ceux qui veulent des portraits vrais, quand même les visages y auraient quelques verrues.
Augier, a voulu d’abord rendre un nouvel hommage à M. de Salvandy, et compléter sur quelques points le portrait déjà fort bien esquissé.
Nous voyons aujourd’hui, d’après le portrait, que ce qui a manqué à Daunou, c’est l’invention.
Je me figurais bien la jeune femme artiste, non moins chose légère que l’abbé Delille, d’une joyeuse abondance de talent, active à tout peindre, les personnes, les cascades, l’arc-en-ciel de Tivoli, ses grâces au pinceau, au pastel, la draperie mythologique qu’elle savait jeter sur chaque objet ; j’assistais à l’inspiration mondaine et riante de l’art d’alors, et les Souvenirs me commenaient quelques-uns de ces portraits durables qu’on aime à revoir.
Ces portraits des hommes vivants, ces épigrammes sur les faits contemporains, sont des plaisanteries de famille et des succès d’un jour, qui doivent ennuyer les nations et les siècles ; le mérite de tels ouvrages peut disparaître même d’une année à l’autre.
[Souvenirs et portraits (1872).]
« L'inscription que l'amitié vous a dictée, pour être mise au bas de mon portrait, indisposeroit contre moi le Public : il suffit de mettre dans l'exergue mon nom, mon âge, & ma patrie, en ces termes : Joannes-Baptista Rousseau, Parisinus anno ætatis 66.
Sur ce portrait, Louise Labbé devient éperdument amoureuse.
Très peu de portraits, tandis que dans Saint-Simon il yen a mille. […] Et jamais de portrait artistique, ni où on sente au moins l’artiste poindre ; point de portrait composé, arrangé, ramené à un trait principal et subordonné à lui. De cela Commynes n’a cure, ou croirait qu’un portrait tel serait déformé et infidèle, en quoi il aurait raison. Mais des portraits d’hommes d’État, de négociateurs, de princes, et lentement tracés, à plusieurs reprises, avec des retouches, il en a, et d’admirables. […] Très souvent, en voyant Montaigne se peindre lui-même, on se rappelle le portrait suivant, qui n’est pas de lui : « C’était le meilleur petit bonhommet qui oncques ceignit l’épée.
Depuis la publication du Journal intime de Benjamin Constant et celle de ses Lettres à sa famille, nous comprenons que la magie de ce roman réside en ceci d’abord qu’il est un portrait, le plus nouveau, le plus courageux des portraits. […] C’est pour cela que cet Adolphe, en même temps qu’il est le plus individuel des portraits, reste la plus générale des peintures. […] Pas de portraits. […] Le portrait d’une danseuse par M. […] Il semble avoir tracé d’avance son portrait lorsqu’il a peint le M.
Déjà nous l’avions tout entier dans Mon frère Yves et dans Pêcheur d’Islande, le portrait moral du marin. […] Des portraits, des tableaux de genre, des paysages… tout cela peut-être aussi surabondant. […] Portraits de gueux, groupements de guenilles, figures exaspérées, laideurs puissantes, c’est bien ainsi que le réfractaire savait peindre. […] Et comme il sait voir et peindre aussi bien qu’écouter, il se trouve que des paysages et des portraits illustrent à chaque page ses récits. […] Ce portrait a paru dans la Quinzaine, le 1er décembre 1893.
Colvin ne nous a point donné un portrait bien ressemblant de Keats, il nous a certainement raconté sa vie dans un livre agréable et d’une lecture facile. […] Il introduit le portrait vigoureux et réaliste et il traite la pure vie de famille beaucoup plus fréquemment que ne le fait l’art grec. […] Le beau moulage du Lion de Chéronée devrait aussi en être retiré, ainsi que la stèle où se voit l’admirable portrait de l’esclave romain. […] C’est un magnifique portrait de notre aristocratie. […] C’est un point de vue intéressant pour regarder Lamb, mais il aurait peut-être éprouvé quelque difficulté à se reconnaître en ce portrait.
On a récemment cherché, en réhabilitant l’hôtel de Rambouillet, à en montrer l’héritière accomplie et triomphante dans la personne de Mme de Maintenon ; un mot de Segrais trancherait plutôt en faveur de Mme de La Fayette pour cette filiation directe où tout le précieux avait disparu ; après un portrait assez étendu de Mme de Rambouillet, il ajoute incontinent : « Mme de La Fayette avoit beaucoup appris d’elle, mais Mme de La Fayette avoit l’esprit plus solide, etc. » Cette héritière perfectionnée de Mme de Rambouillet, cette amie de Mme de Sévigné toujours, de Mme de Maintenon longtemps, a son rang et sa date assurée en notre littérature, en ce qu’elle a réformé le roman, et qu’une part de cette divine raison qui était en elle, elle l’appliqua à ménager et à fixer un genre tendre où les excès avaient été grands, et auquel elle n’eu qu’à toucher pour lui faire trouver grâce auprès du goût sérieux qui semblait disposé à l’abolir. […] C’était le temps des portraits : Mme de La Fayette, vers 1659, en fit un de Mme de Sévigné, qui est censé écrit par un inconnu : « Il vaut mieux que moi, disait celle-ci en le retrouvant dans de vieilles paperasses de Mme de La Trémouille en 1675, mais ceux qui m’eussent aimée il y a seize ans l’auroient pu trouver ressemblant. » C’est toujours sous ces traits jeunes et à jamais fixés par son amie, que Mme de Sévigné nous apparaît immortelle. […] Ce sont également des passions extraordinaires et subites, des ressemblances incroyables de visages, des méprises prolongées et pleines d’aventures, des résolutions formées sur un portrait ou un bracelet entrevus. […] Mademoiselle, dans la Princesse de Paphlagonie, traçant des portraits de ces deux dames, a dit : « C’est de leur temps que l’écriture a été mise en usage.
Il était impossible de toucher un tel portrait à la Sterne avec une plus gracieuse et, pour ainsi dire, affectueuse ironie : « Ce qui faisait sourire l’esprit, conclut-il, dans les innocentes manies du chevalier, faisait en même temps pleurer l’âme. […] » Sans plus recourir au portrait un peu flatté du vieux savant dans Amélie et en m’en tenant aux notices critiques de Nodier même, du vivant ou peu après la mort du chevalier179, il en résulte que sir Herbert Croft, ancien élève de l’évêque Lowth qui a écrit l’Essai sur la Poésie des Hébreux, l’élève aussi et le collaborateur du docteur Johnson soit pour la Vie d’Young, soit pour les travaux du Dictionnaire, avait de plus en plus creusé et raffiné dans les recherches littéraires et dans l’étude singulière des mots. […] Portraits littéraires, par M. […] Voir sur Bonneville le portrait qu’en trace Nodier dans les Prisons de Paris sous le Consulat, chap.
Récamier, m’avait fait cent fois le portrait de cette idole vivante. […] IX Quant à la personne elle-même, je n’essayerai pas d’en faire le portrait. […] Heureuses les femmes qui n’ont point de portraits ; c’est qu’elles sont au-dessus de l’art ! […] « Ce que je connais de plus beau dans le monde, me disait-elle un jour en contemplant un portrait de Raphaël à son premier âge, c’est le génie enfant. — Pourquoi ?
Ce sont quatre comédies d’intrigue, même les Précieuses ridicules, quoique le fond en soit un portrait des mœurs du temps. […] On ne veut pas ressembler à ce portrait, et l’on a raison. […] Nous avons tous posé pour ce portrait. […] Dans les pièces de sa seconde manière, les portraits de ce grand peintre, comme les tableaux qui veulent être vus de loin, sont çà et là empâtés.
De l’hôpital, il saute soudain au portrait d’un de ses amis, un vrai peintre, qu’il a rencontré, un jour, dans le jardin du Luxembourg, mangeant sur son pain, des pousses de tilleul du jardin, et si artiste, ajoute-t-il, que lorsque je l’aidais d’une pièce de quarante sous, il achetait trente sous d’eaux-fortes de Tiepolo. […] Mais saperlotte, dans ce genre, le portrait de Mme *** par Regnault est très supérieur. […] Jeudi 12 juin Je lisais, ces jours-ci, dans un article de Bonnetain sur le Tonkin, un portrait de fumeur d’opium, dont la pupille extrêmement dilatée, et la pâleur ivoirine, me font penser que je ressemble ou du moins que je ressemblais, ces années, tout à fait au fumeur d’opium de Bonnetain. […] Des cheveux tout blancs, une figure toute jeune, une voix légèrement voilée : c’est le portrait de l’aimable femme.
Un grand portrait de lui, un portrait en pied, serait à faire, et, si on le traitait de la même manière qu’il a traité les autres, Monge par exemple, et pas plus délicatement, il s’y peindrait tant bien que mal tout entier.
Barneveld disait de lui, au sortir d’une conférence : « Je m’en vais toujours meilleur de quelque chose quand je parle à cet ambassadeur, et je ne sais ce que nous ferions sans lui. » — Et pour une marque certaine de l’estime auquel il était, nous dit Saumaise, témoin oculaire, c’est qu’il n’y a point de familles honnêtes ni de bonnes maisons en toutes ces provinces, où son portrait en leurs plus belles chambres ne servît d’ornement ; et, pour dire la vérité, cette figure est agréable à voir, car ce front élevé et cette grosse tête a je ne sais quoi de romain qui respire la liberté. […] Il me semble que Le Moniteur, à leur égard, pourrait être comme un Plutarque français continuel : tous les grands serviteurs publics y trouveraient tôt ou tard leur biographie ou leur portrait.
Si Boileau avait voulu faire une épigramme, il n’aurait pas choisi autrement son texte ; mais, quand Boileau écrivit cette satire ou ce lieu commun sur la noblesse, il était jeune, il avait besoin d’appui et de protection en Cour : Dangeau s’offrait, brillant, fastueux, obligeant, bon prince, aimant les lettres, faisant de mauvais vers et goûtant les bons ; Boileau le prit sur l’étiquette et le caressa même par son faible ; il le traita tout net de grand seigneur et d’homme issu d’un sang fécond en demi-dieux : « Les plus satiriques et les plus misanthropes, a remarqué à ce propos Fontenelle, sont assez maîtres de leur bile pour se ménager adroitement des protecteurs. » Vingt ans plus tard, La Bruyère, qui n’avait pas, il est vrai, besoin de Dangeau, et qui avait pour lui la maison de Condé, n’était pas si facile ni si complaisant ; le portrait de Pamphile, de l’homme de cour qui se pique avant tout de l’être et qui se guinde, s’étale et se rengorge avec complaisance, est en grande partie celui de Dangeaua. […] Ils n’ont pas eu de peine à montrer que Saint-Simon exagère, en les résumant, les défauts du personnage ; nos jeunes auteurs vont trop loin toutefois quand ils font de Saint-Simon un ennemi de Dangeau : on n’est pas ennemi de ceux dont on voit les ridicules, et le seul tort de Saint-Simon est de trop voir et d’être doué par la nature d’un organe qui est comme un verre grossissant, et d’une parole de feu irrésistible : de là tant de portraits ressemblants, outrés, vrais à les bien entendre, et en tout cas ineffaçables.