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579. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Voilà donc un poète. […] Lorrain un des écrivains les plus particuliers d’aujourd’hui, il faut joindre celui de poète. […] René Ghil est un poète philosophique. […] Fontainas ne semble pas le poète des violentes et fréquentes émotions. […] Pour bien sentir la différence qu’il y a entre un poète réfléchi et un poète spontané, il faut comparer ce poème au Bateau ivre, de Rimbaud ; il y a dans chacune de ces oeuvres exactement tout ce que l’autre poète n’aurait pu y mettre.

580. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

On le voit arriver, à titre de poëte lauréat, dans la cour de Polycrate, tyran de Samos, tandis que Pythagore attristé s’en éloigne. […] Il fut poëte autrement qu’Eschyle et Tyrtée. […] Mais il y a d’autres causes à cette mauvaise réussite, et, osons le dire, à celle de toute traduction en vers d’Anacréon, qui ne sera pas l’œuvre d’un grand poëte. […] Une cigale a chanté, et presque aussitôt le poëte a répondu par un hymne mélodieux à cette reine invisible des bois, dont il envie le bonheur, puisqu’elle s’enivre de rosée, et qu’elle chante tout le jour. […] Cette traduction d’ailleurs, qui peut aider à l’interprétation de l’auteur grec, est accompagnée d’un texte élégant, et suivie des nombreuses imitations anacréontiques tirées de nos meilleurs poètes.

581. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Lucrèce Borgia » (1833) »

À ceux qui trouvent, par exemple, que Gennaro se laisse trop candidement empoisonner par le duc au second acte, il pourrait demander si Gennaro, personnage construit par la fantaisie du poète, est tenu d’être plus vraisemblable et plus défiant que l’historique Drusus de Tacite, ignarus et juveniliter hauriens. […] À ceux qui le blâment d’avoir accepté sur la mort des maris de Lucrèce certaines rumeurs populaires à demi fabuleuses, il répondrait que souvent les fables du peuple font la vérité du poète ; et puis il citerait encore Tacite, historien plus obligé de se critiquer sur la réalité des faits que le poète dramatique : Quamvis fabulosa et immania credebantur, atrociore semper fama erga dominantium exitus. […] Quand il voit chaque soir ce peuple si intelligent et si avancé qui a fait de Paris la cité centrale du progrès, s’entasser en foule devant un rideau que sa pensée, à lui chétif poète, va soulever le moment d’après, il sent combien il est peu de chose, lui, devant tant d’attente et de curiosité ; il sent que si son talent n’est rien, il faut que sa probité soit tout ; il s’interroge avec sévérité et recueillement sur la portée philosophique de son œuvre ; car il se sait responsable, et il ne veut pas que cette foule puisse lui demander compte un jour de ce qu’il lui aura enseigné. Le poète aussi a charge d’âmes. […] Il sait bien que l’art seul, l’art pur, l’art proprement dit, n’exige pas tout cela du poète, mais il pense qu’au théâtre surtout il ne suffit pas de remplir seulement les conditions de l’art.

582. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Quel poète ! […] Ernest Dupuy est un de nos plus grands poètes. […] On dit alors que le poète est mort jeune, et que l’homme lui survit ; mais non : le poète travaille, sans hâte aucune d’en finir. […] Un poète ingénieux comme M.  […] Courbaud réclame, pour le poète, plus de liberté.

583. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

[Galerie des poètes vivants (1847).] […] Il arrive même, à ce poète accusé de sensualité, de tomber en plein, tant sa mélancolie devient intense, dans la terreur catholique. […] [Les Œuvres et les Hommes : les Poètes (1852).] […] Le poète a fait ce qu’il a voulu ; il a réalisé son rêve d’art ; il ne se borne nullement à décrire, comme on a trop dit, pas plus quo, lorsqu’il a une idée ou un sentiment, il ne se contente de l’exprimer sous forme directe. Il nous a donné toute sa poétique dans une de ses plus belles pièces, le Triomphe de Pétrarque, où il s’adresse, en finissant, aux initiés et aux poètes : Sur l’autel idéal entretenez la flamme.

584. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Quand la langue italienne fut cultivée, elle eut des politiques, des historiens et des poètes. […] Cet exemple nous rappelle les temps où le même homme était orateur, poète, faisait des lis, et gagnait des batailles. […] Je ne parle pas non plus des poètes ; les poètes, en tout pays, sont une nation à part, et ils sont panégyristes en Angleterre comme ailleurs ; la seule différence, c’est que les poètes anglais louent peut-être avec moins de délicatesse et plus d’enthousiasme. […] Leurs fameux poètes se sont exercés dans ce genre. […] Sire, dit Waller, nous autres poètes nous réussissons mieux dans les fictions que dans les vérités.

585. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

me demandait un jour de Vigny… — Turbidus, lui répondis-je, est un poète dévoué. […] Turbidus est un poète dévoué… à son idée, à son poème. […] C’est ce qui me fait dire de lui : Barbier, c’est un poète de hasard. […] Asselineau me fit demander (sans me dire l’occasion ni l’objet) ce que je pensais de lui comme poète. […] De Vigny, quoique poète, gentilhomme et militaire, était pédant, bien réellement pédant.

586. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blémont, Émile (1839-1927) »

Émile Blémont est connu depuis longtemps, et son amour pour la muse est déjà d’ancienne date ; ses Poèmes de Chine sont un caprice raffiné de lettré qui, avec une subtilité extrême, s’est plu, mandarin improvisé, à un pastiche délicat des vers des poètes du Fleuve Jaune. […] [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] Anatole Cerfberr Poète, essentiellement poète, grisé de cadence, de mesure et de difficulté vaincue, et néanmoins facile ouvrier des assemblages de rimes ; barde mariant sentiment, forme, pensée ; rêveur et berceur ; philosophe attendri et élevé, et musical ciseleur ; combinant Hier et Aujourd’hui, fougue et élan des preux, aïeux de soixante ans écoulés et mécanisme compliqué, ouvragé des quintessenciés de notre minute. […] Émile Blémont est un poète qui ne chante qu’à ses heures, quand l’inspiration le lui commande, suivant la saison, le jour, l’événement ; de là le charme varié du livre de poésies : La Belle Aventure.

587. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montesquiou, Robert de (1855-1921) »

Au Parcours du rêve au souvenir, nous assistions à ce spectacle d’un brave homme qui se croit devenu Ariel, et qui n’est qu’un triste homme-orchestre, empêtré dans sa grosse caisse, ses cymbales et son chapeau-chinois, dans les rues provinciales de quelque Brie-Comte-Robert ; ce n’est pas moi qui invente que ce poète se croit transformé en Ariel, c’est lui qui le dit sans pose. […] M. de Montesquiou est un très mauvais poète. […] Certains le classèrent parmi les poètes amateurs ; on se fût extasié devant de courtes pièces dérobées à quelque album, on ne lui pardonna par la publication d’une œuvre qui s’impose, ne serait-ce que par la richesse de son vocabulaire. Parurent ensuite : Le Chef des odeurs suaves, « poème dont les fleurs et les parfums groupés en symboles forment le sujet varié », Le Parcours du rêve au souvenir, « multiples feuillets recueillis au long des voyages du poète », Les Hortensias bleus, « modulations alternativement fortes et délicates », Les Perles rouges, 93 sonnets sur Versailles, qui font revivre, en lui gardant la grâce de sa vieillesse surannée, le grand siècle aboli. […] [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

588. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 122-127

Ronsard, [Pierre] Prieur de Croix-Val & de Saint Cosme-les-Tours, Abbé de Bellosane, né dans le Vendômois en 1524, mort en 1585 ; Poëte trop célébré de son temps, & trop méprisé dans le nôtre. […] Boileau a très-bien jugé ce Poëte ; quand il a dit après avoir parlé de Marot : Ronsard, qui le suivit, par une autre méthode, Réglant tout, brouillant tout, fit un Art à sa mode, Et toutefois long-temps eut un heureux destin ; Mais sa Muse, en François, parlant Grec & Latin, Vit dans l'âge suivant, par un retour grotesque, Tomber de ses grands mots le faste pédantesque. Jamais Poëte ne reçut des hommages plus flatteurs que Ronsard. […] Cent ans plus tard, Ronsard eût pu être un grand Poëte. […] Les honneurs qu'on prodigua à ce Poëte le suivirent jusqu'au tombeau.

589. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Un jeune poète, M.  […] Mais ils n’empoisonnent que les poètes. […] Connaissons mieux l’ennui doré des poètes. Les poètes souffrent du mal des chimères. […] Il a raison, mon poète.

590. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Célèbre par les poètes qu’elle a produits et au Moyen Âge et à la naissance de notre littérature classique (sans parler des plus récents), elle les honore, et, ce qui est la meilleure manière de les honorer, elle les étudie. Le recueil des Mémoires de l’Académie de Caen en particulier est rempli de recherches sur nos vieux poètes dont un si grand nombre sont normands. […] Ces propos de haute saveur lui revenaient fort ; on trouverait même trace de lui et de ses gaietés dans les poètes provençaux de cette date. […] Je demande si cela ne vaudrait pas mieux pour la gloire du poète et pour le plaisir du lecteur. […] Pour un homme qui ne savait pas le latin et qui n’avait jamais pu, dit-on, apprendre à réciter par cœur même son Confíteor, on conviendra que c’est assez bien imiter et surpasser son poète.

591. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Mais ici un sort particulier, une fatalité étrange marque et distingue l’infortune du poëte dont nous parlons : il a ses stigmates à lui. […] Je ne suivrai point le pauvre poëte en peine dans la quantité de petits journaux oubliés auxquels, çà et là, il payait et demandait l’obole. […] (Le poëte allemand Voss. — Idylle XIII.) […] Le poëte est comme la giroflée qui s’attache frêle et odorante au granit, et demande moins de terre que de soleil. […] petit oiseau de passage, notre hôte d’une saison, qui chantes mélancoliquement dans le cœur du poëte et dans la ramée du chêne !

592. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard a défendu et relevé, avec courage et avec le plus ferme bon sens, le génie un instant dédaigné de nos grands poètes classiques. […] C’est une des choses dont le goût public doit lui savoir le plus de gré ; mais ici encore je ferai quelques réserves, et, si j’admire ces poètes, c’est à titre de poètes vrais et non de poètes disciplinés. […] S’il y a un poëte dans le monde qui ne ressemble à aucun autre, c’est le grand Corneille : j’en dirais autant de Racine, si Virgile n’avait pas existé. […] Nisard, et je ne lui chicane pas le titre de poëte. Boileau n’est pas, comme on l’a cru, un poëte de cour ou un poëte académique : c’est un poëte vrai, plus fort qu’élégant, plus mâle que délicat, c’est une raison vivante, un cœur sans molle tendresse, mais plein d’ardeur pour la vertu, c’est une âme d’honnête homme.

593. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Depuis Rousseau, aucun Poëte n’avoit touché la lyre avec plus de succès. […] Son ami la Fare, étoit comme lui, le Poëte de la nature. […] Ce Poëte fut son héritier. […] Dans ses Epîtres légeres, on voit un Poëte facile qui orne la raison & qui égaie la morale. […] Esprit, finesse, critique, légéreté de style, rien ne manquoit à ce Poëte aimable.

594. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il a été beaucoup trop un poète de circonstances et comme un poète local. Un poète local reste toujours une manière de poète de province. […] Marot poète courtisan, poète familier. […] Le poète familier, le poète causeur est charmant. […] Marot poète polémiste, poète religieux, poète versificateur.

595. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Peyrat, Napoléon (1809-1881) »

Charles Asselineau En lisant cette pièce (Roland), d’une exécution magistrale, la parenté d’idées et d’intentions du poète avec l’auteur des Orientales est évidente. […] L’atteindre ainsi du premier coup et dans sa perfection était certes la preuve d’un talent et d’une intelligence peu ordinaires ; et c’est pourquoi nous avons tenu à recueillir, parmi les chefs-d’œuvre de cette époque, cette épave d’un poète qui ne vivait plus, depuis longtemps, que dans la mémoire des dilettantes. [Les Poètes français, recueil par Eugène Crépet (1861-1863).] […] Quand parut, en 1833, le magnifique morceau intitulé : Roland, et signé Napol le Pyrénéen, on se demanda quel grand poète se cachait sous ce masque.

596. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Aussi le cavalier Marin disoit-il de Malherbe : « Je n’ai jamais vu d’homme plus humide, ni de poëte plus sec. » Celui-ci ne convenoit d’aucun de ces défauts. […] Poëte, il méprisoit son art, & traitoit la rime de puérilité. […] Il ajoutoit qu’ un bon poëte n’est pas plus utile à l’état qu’un bon joueur de quilles . […] La troisième dispute de ce poëte, vraiment poëte, vint au sujet de ses parens. […] Ce poëte à saillies ne respectoit guère la religion.

597. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

La fourmi n’est pas prêteuse, ou ne prête qu’à bon escient ; c’est la moralité qui se tire du poète d’Ascré, moralité toute de calcul et d’expérience. […] Poète des champs, pourquoi se montrer agressif contre ceux que vous appelez de libres penseurs, et dont quelques-uns sont de grands talents ? […] C’est d’ailleurs le droit du poète de rêver ; mais, en exprimant le vœu, qu’il supprime la dissertation. […] Le poète me conduit vers la ferme, à la bonne heure ! […] L’inexactitude chez les poètes de l’école descriptive n’est donc pas seulement dans les mots ; elle est plus au fond, et dans l’observation même.

598. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Modelon, ancien professeur à Sorèze, aujourd’hui à Stanislas, poëte lui-même et doué du souffle, honoré en 1861 d’une médaille par l’Académie de Lyon dans le concours ouvert pour le prix de poésie : la Réunion de la Savoie à la France. […] L’œuvre de Veyrat laisse fort à désirer ; mais son existence, sa destinée, sont bien celles d’un poëte, d’un des blessés du temps dans la lutte des idées, et aujourd’hui que Savoie et France ne font qu’un et que sa patrie est nôtre, il mérite d’être visité et honoré de nous dans sa tombe. […] Le poëte raconte que le cherchant à son arrivée à Paris, lors d’un premier voyage en juin 1832, et étant allé l’attendre au seuil de sa maison pour le voir au passage, il avait appris que l’illustre écrivain venait d’être condamné, mis en prison ; de là tout un éclat à la Némésis. […] Ce sont de bons vers pour un poëte de vingt-deux ans. […] Que le poëte qui va sortir de cette épreuve soit nouveau pour eux et tout autre que l’homme qu’ils ont connu, nous l’accordons.

599. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Leurs législateurs furent des poètes et des musiciens. Leurs prêtres et leurs sages furent des poètes encore. Les poètes conduisaient aux combats, et chantaient la gloire des héros après la victoire. […] Mais le poète n’avait pu connaître la véritable mission du peuple-roi. […] Virgile, que l’on peut considérer comme le dernier des poètes antiques, donne à Énée le nom de père.

600. (1904) En méthode à l’œuvre

René Ghil n’en admire pas le sincère effort et la durable manifestation, en la maîtrise de quelques très-hauts poètes. […] D’autre part, ce sont des spéculations mystérieuses où, comme hanté des vieilles religions philosophiques de l’Orient, le poète trouve les formes des vérités naturelles et éternelles, qu’il accorde avec les données de notre science moderne. […] Mais ils prirent la philosophie du point où, de la nature, elle passe à l’Homme pour mesure du Tout : et ainsi resteront-ils des poètes égotistes. […] Elle manquait ainsi qu’en toute notre Poésie, malgré ses émouvantes phrases humaines à travers le Moi du poète, qui ne put davantage de ses Inspirés tenir une œuvre-une pleine de la volonté pensante et pesante d’une vie. […] *** Or, à notre passé poétique, dont allèrent leur devoir, les Poètes : notre gratitude soit de tenter aussi un devoir, tenu modernement.

601. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Les Grecs prirent d’abord ce mot dans le même sens, comme le prouvent les noms patronymiques, les noms des pères, dont les poètes, et surtout Homère, font un usage si fréquent. […] Le premier écrivain latin dont on fasse mention est le poète Livius Andronicus. […] En France, le premier qui écrivit en langue vulgaire fut Arnauld Daniel Pacca, le plus ancien de tous les poètes provençaux ; il florissait au onzième siècle. […] Au moyen âge, les historiens latins furent des poètes héroïques, comme Gunterus, Guillaume de Pouille, et autres. […] La langue latine a aussi laissé des exemples nombreux de ces compositions formées de mots entiers ; et les poètes, en continuant à se servir de ces mots composés, n’ont fait qu’user de leur droit.

602. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Jean Marot avait été le poète attitré d’Anne de Bretagne Clément Marot, fils de Jean, le poète de Marguerite, sœur de François Ier. Ronsard, le poète de Charles IX. Baïf, le poète de Henri III, sous le titre de secrétaire de la chambre. […] Voiture commença par se faire poète de Monsieur, frère du roi, qui lui confia d’importants emplois : il le fut aussi du comte d’Avaux. […] Benserade était le poète de Gaston, duc d’Orléans, qui le logeait au Palais-Royal.

603. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Ces impressions auraient rendu le rocher poète. […] Ami et patron de M. de Chateaubriand, il présentait le poète au soldat. Le soldat et le poète s’entendirent au premier mot. […] Refaites-moi un temple avec votre poésie, disait le consul au poète, je vous referai un trône avec mon épée. […] L’anonyme a raison, les poètes y naissent, et puissent-ils aussi y mourir !

604. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Rossetti parle de l’homme, il oublie le poète, et lorsqu’il juge le poète, il montre qu’il ne comprend point l’homme. […] Mais il n’est point poète. […] Sladen qu’à son talent de critique et de poète. […] Herrick n’est point un poète. […] Voir l’étude sur les Poètes Australiens, page 171.

605. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Abadie, Michel (1866-1922) »

Il est un très bon poète. […] Saint-Georges de Bouhélier Il se peut que Michel Abadie soit parmi les plus grands poètes vivants en France, on l’ignore généralement. […] Jean Viollis J’ai dit que Michel Abadie était un poète enthousiaste. […] Il faut l’aimer, parce qu’il est un beau poète, et qu’il a droit à notre estime et à notre affection.

606. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Brandenburg, Albert-Jacques (1878-1934) »

Albert Brandenburg est un très jeune poète, et son Euphorion a de réelles qualités de lyrisme. […] Brandenburg que je crois un des poètes les mieux doués de notre génération. […] Anonyme En un temps où, assoupli, préparé par l’admirable usage qu’en ont fait nos derniers grands poètes, le vers français régulier est devenu si facilement beau, il est difficile de juger de la réelle valeur des poèmes de M.  […] Je suis presque inquiet de n’y pas bien sentir de défauts. — Émotion vague et continue, pensée volontairement et simplement supérieure, amplification spontanée, enlacement charmant des images, généralisations aisées, manière naturelle de montrer, plutôt que les choses, l’ombre abstraite des choses agrandies — il a beaucoup d’un grand poète.

607. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Daudet, Julia (1844-1940) »

José-Maria de Heredia Fille et femme de poètes, elle est poète aussi. […] [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] Philippe Gille Il peut paraître étrange que, pour donner idée des vers d’un poète, ou cite de sa prose ; c’est pourtant le meilleur moyen de faire connaître la genèse du talent de Mme Alphonse Daudet, talent qui se manifeste déjà, comme on pourra le constater, dans le volume qu’elle intitule : Poésies.

608. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Ricard, Louis-Xavier de (1843-1911) »

. — Un poète national, Aug.  […] Louis-Xavier de Ricard, Henry Winter, Robert Luzarche, etc., toute une bande de jeunes poètes de la dernière heure qui rêvent, cherchent, essayent, travaillent de toute leur âme et de toute leur force, et ont au moins ce mérite de ne pas désespérer d’un art que semble abandonner le public. […] Le poète se rattache à la fois à Leconte de Lisle et à Lamartine, pour la solennité du rythme et l’harmonie continue de la phrase. […] [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887).]

609. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint Maur, Hector de (1808-1879) »

Mais les poètes ont parfois de ces mélancoliques coquetteries, pour toucher et amener à eux les imaginations… Saint-Maur eut cette originalité des plus rares que, parmi les poètes de notre époque, ces féroces et sonores amoureux du bruit, il ne se pressa pas avec la renommée. […] Saint-Maur est le plus vrai des poètes, comme il était le plus vrai des hommes ; et c’est sa vérité qui fait sa puissance. [Les Œuvres et les Hommes : les Poètes (1863).]

610. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vaucaire, Maurice (1866-1918) »

. — Le Poète et le Financier (1893). — Valet de cœur (1893). — L’Encrier de la petite vertu (1894). — Petits chagrins (1894). — Le Panier d’argenterie (1895). — Paul et Virginie (1895). — Vingt masques (1895) […] Alphonse Lemerre La caractéristique du poète se dégage fort nettement de ces volumes qu’animent un rythme nerveux et un coloris personnel. […] [Anthologie des poètes français du xixe  siècle (1887-1888).] […] Maurice Vaucaire a fait paraîtra un recueil de poésies sous le titre singulier : Le Panier d’argenterie ; on n’y trouve ni pallier, ni argenterie, mais une suite de délicats petits poèmes sur l’amour, quelques-unes des joies qu’il donne et des plus nombreuses déceptions qu’il cause… Il ne faut voir du poète que ses vers, et ne leur demander ni d’où ils viennent ni où ils vont ; ils ne nous donnent le plus souvent que la moitié d’un secret ; soyons assez discrets pour ne pas exiger l’autre ; leur métier est de nous charmer, et ceux-ci ont fait le leur.

611. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aubanel, Théodore (1829-1886) »

» C’est ce poète passionné qui va se révéler dans les Amertumes ; son recueil, espèce de romancero de la douleur, est composé de pièces distinctes et unies cependant par une chaîne invisible, si bien que toutes les phases de la passion s’y développent, comme les péripéties d’un drame. […] J’y trouvais, moi, pauvre homme du Centre, plus d’assent » que d’accent, c’est-à-dire plus de Midi que d’Humanité ; trop de « poivrons » et de « fromageons », trop de « mas », de « nouvelets » et de « Gabrielous »… Et je ne sais pas bien encore, à l’heure qu’il est, si la tragédie d’Aubanel est shakespearienne ou tartarinesque… La légende est belle ; et si, comme on me l’a affirmé, c’est Aubanel lui-même qui l’a inventée de toutes pièces, il l’en faut louer grandement, car elle offre tous les caractères des légendes populaires… Pour trouver de ces choses belles et obscures, pour inventer un symbole qui semble vieux de plusieurs centaines d’années et qui a l’air d’avoir subi les déformations et les additions de plusieurs siècles, certes il ne faut pas être un médiocre poète, et je n’ai pas dit que Théodore Aubanel en fût un. […] Émile Faguet Sur quoi Aubanel, grand poète, mais ouvrier un peu maladroit, à ce qu’il me semble, a donné de tout son cœur sur le point désobligeant et périlleux, que la légende dérobait et lui épargnait, et s’y est attaché de tout son cœur, et en a fait le tout de son œuvre… Comme poème proprement dit, le Pain du péché est une belle œuvre. […] Paul Mariéton Nous ne l’avons plus parmi nous, le lumineux poète de la Grenade entr’ouverte , des Filles d’Avignon, et le dramaturge puissant du Pâtre , du Pain du péché ! […] Le Beau est partout comme Dieu : il y a dans Aubanel réaliste à sa manière et quand sa pensée l’exige, un merveilleux poète de la nature.

612. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Deroulède, Paul (1846-1914) »

Paul Stapfer Il y a un poète encore plus soldat que littérateur, et qui justement, pour ce motif, a trouvé la vraie note guerrière : c’est M.  […] Le poète se soucie moins de ciseler ses vers que de les tremper. […] Saignants comme notre patriotisme, fiers de la patrie et confiants en elle, tandis que l’ennemi vainqueur campait encore sur notre sol, ils étaient écrits dans une chambre de sous-lieutenant, par un poète qui venait de se battre, par un frère blessé en sauvant son frère, par un jeune homme qui, riche, épris de littérature et pouvant compter sur de prompts débuts, préférait, à cette carrière facile, l’honneur laborieux de son métier d’occasion. […] Le poète, incomplet et inégal, se rattachait, aussi peu que possible, à l’école alors régnante des Parnassiens. […] C’est un vrai poète qui a trouvé cette comparaison devant une carte de France : Et les contours sacrés de son vieux territoire Comme un portrait d’aïeul sont fixés dans mes yeux.

613. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Judith (1845-1917) »

La ligne du nez continue celle du front, comme aux âges heureux où les divinités marchaient sur la terre, car il a été donné au poète que ses filles fussent véritablement créées et modelées à l’image de sa pensée. […] Telle fut sans doute aussi cette mystérieuse Tahoser, que le poète nous montre coiffée d’un casque formé par une pintade aux ailes déployées, et portant sur la poitrine un pectoral composé de rangs d’émaux, de perles d’or et de grains de cornaline. […] Elle parle, sans efforts, une langue imagée où éclatent les couleurs de l’Orient ; elle en a surpris le secret au foyer de famille, en écoutant causer son illustre père et aussi en traduisant pour son propre compte tant de récits empruntés aux romanciers et aux poètes de la Chine. […] Henry Céard Avec le Livre de jade de Mme Judith Gautier, nous entrons plus profondément dans la connaissance des poètes chinois. […] Délicieusement conté, plutôt qu’il n’est écrit, avec toute la grâce et la gracilité d’un poète japonais qui serait un peintre délicat, ce roman atteste une fois de plus l’exclusive prédilection de Judith Gautier pour le prestigieux et immémorial Orient.

614. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Étienne Dolet, et François Floridus. » pp. 114-119

L’imagination de ce poëte l’entraînoit continuellement. […] Il invitoit les amis, les protecteurs de ce poëte à l’abandonner ; les magistrats à le punir, à faire un exemple des gens de lettres incrédules. […] Gilles Durant, poëte connu à la cour de Louis XIII, fut rompu en place de Grève, pour avoir écrit contre l’état & contre le roi. […] Le poëte Guillard Danville fut trois ans détenu prisonnier à la Bastille, pour quelques soupçons qu’on avoit conçus contre la fidélité. Resneville, poëte Normand, fut exilé pendant sept ans, pour avoir assisté à un duel dont on vouloit le rendre coupable.

615. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

Nous verrons, à l’appui de cette vérité, que plus le poète dans l’Épopée garde un juste milieu entre les choses divines et les choses humaines, plus il devient divertissant, pour parler comme Despréaux. […] Dans le pathétique et dans le terrible, le Dante a peut-être égalé les plus grands poètes. […] Il n’y a dans les temps modernes que deux beaux sujets de poème épique : les Croisades et la Découverte du Nouveau-Monde : Malfilâtre se proposait de chanter la dernière ; les Muses regrettent encore que ce jeune poète ait été surpris par la mort avant d’avoir exécuté son dessein. […] On ne balancerait pas sur la place que le poète italien doit occuper s’il faisait quelquefois rêver sa muse, en imitant les soupirs du Cygne de Mantoue. […] Il faut encore remarquer que les idées du Tasse ne sont pas d’une aussi belle famille que celles du poète latin.

616. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Mais, puisqu’il l’aime tant au fond, pourquoi, parlant du poète, prend-il si souvent un air d’apologie ? […] Est-ce forcer les mots que de voir dans ce poète de la volonté toute pure quelque chose comme le Kant du théâtre tragique ? […] C’est le vieux poète qui avait commencé, à ce qu’il semble. […] De ce que le poète aime et sent plus de choses, en conclurons-nous qu’il les sente moins fort ? […] Plût au ciel que tous les hommes fussent artistes et poètes, s’ils devaient être ainsi moins malheureux !

617. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Poirier prouvent avec éclat que le poète a compris la portée de la révolution dramatique que vient d’accomplir M.  […] Elle n’aura pas connu ceux dont le poète a voulu exalter les vertus, ranimer les courages et cravacher les vices. […] Aux anciens Grecs, Apollon disait : « Rien de trop. » Ce dieu-là fut l’inspirateur du grand poète qui a été l’honneur de la France. […] Que dirais-je d’Émile Augier, si ce n’est que j’admirais le poète et que j’aimais l’homme de tout mon cœur ? […] Émile Augier, Mme Déroulède, mère de Paul Déroulède, et Mme Guiard, mère d’un jeune poète, mort il y a quelques années.

618. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Pichot, au contraire, s’est, toute sa vie, tellement frotté à de grands poètes, qu’il a pris je ne sais quels grains de poussière étincelante au velours de ces fleurs lumineuses… Eh bien, pour cette raison-là seule, Amédée Pichot vaut mieux que M.  […] De tendance naturelle et de facultés, il semblait certainement destiné à être un esprit d’exception autant que le poète lui-même, c’est-à-dire le critique qui, lorsqu’on a senti le poète, le fait comprendre mieux en analysant sa puissance. […] Dès ses premières compositions, qui furent des vers (The last Lays of anciens Rome), Macaulay montra cette imagination docte qui est la vraie imagination du critique, laquelle s’embrase en se ressouvenant et diffère si profondément de l’imagination créatrice du poète. […] Comme la plupart des grands écrivains, Balzac excepté, notre Balzac du xixe  siècle, Macaulay a commencé d’écrire en vers pour apprendre mieux à écrire en prose, et du poète insuffisant il est sorti un grand prosateur ! […] On dira : « C’était un critique » ; et je le sais bien. « Ce n’était pas un romancier, un poète, un homme d’imagination pure » ; et je le sais bien encore.

619. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Les Anciens, qui, si dénués de critique qu’on veuille les faire, comptaient pourtant parmi les éditeurs d’Homère les Aristote et les Aristarque, n’ont jamais attribué à la Commission de Pisistrate d’autre honneur que celui d’avoir rassemblé les membres du grand poëte dispersé. […] De ce que Zénodote retranchait un vers et Aristarque un autre, on en conclut que rien n’était authentiquement du poëte désormais fabuleux. […] Pour moi donc, ce serait au nom du scepticisme même, de ce scepticisme légitime qu’il convient d’opposer aux conjectures systématiques des Modernes en des profondeurs si reculées, que je me retrancherais, s’il le fallait, dans la vieille foi sur le poëte. […] Très-probablement, avant le poëte appelé Homère, il y avait eu nombre de ces chanteurs dont il vint hériter, qu’il surpassa de tout point et qu’il absorba. […] On cite Vico et sa phrase spécieuse qui fait de la Grèce tout entière le poëte qu’il ne faut plus réclamer ailleurs.

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