C’est le plus vorace peuple de proie qui ait jamais existé. […] Ce n’est pas un peuple contemplateur ni même méditatif, dans le vrai sens du mot : c’est un peuple imaginatif. […] Les Anglais non cultivés sont un peuple brutal. […] le brave nouveau monde qui contient un tel peuple ! […] Quels sont les peuples les mieux faits pour l’amour ?
Le peuple tend le dos et ne fait qu’en rire. […] Roi du peuple contre les grands, il portait la livrée et le chapeau plébéien. […] Le peuple de Paris bafouait ses processions monastiques. […] Le mystère inhérent à ce peuple étrange enveloppe ses éternels voyages. […] Peuple sans tradition, composé d’individus sans mémoire !
A ne prendre que l’empire, qui semble avoir été si hostile à la liberté, ç’a été le temps où, à l’abri d’un pouvoir fort, l’égalité civile a le plus profondément pénétré dans nos mœurs, où la tolérance religieuse a jeté le plus de fondements dans la société, où, les habitudes et le génie militaire circulant dans tous les rangs de la nation, nous avons appris ce qui nous garantira d’ici à un long temps de la dictature prétorienne ; sans Austerlitz, Wagram et dix ans de conquêtes à travers l’Europe, qui sait si le peuple de Paris eût vaincu la garde royale en trois jours ? […] Les préjugés religieux et sociaux, les privilèges, les inégalités de tous genres consacrées, l’oubli complet de cette classe du peuple qui ne possède rien, nulle portée rationnelle, rien de philosophique : ce sont les caractères restrictifs de cette Révolution utile et relativement glorieuse. […] Il suffirait, pour prouver qu’en dépit de certains actes et de certains travers, Napoléon fut le continuateur et le champion de la Révolution française en face de l’Europe, de remarquer cet hommage unanime et cette piété du peuple envers sa mémoire au moment du triomphe de la liberté.
Que firent les peuples germaniques, en effet, depuis leurs grandes invasions du Ve siècle jusqu’aux dernières conquêtes normandes au Xe ? […] D’abord le fait que les peuples germaniques adoptèrent le christianisme dès qu’ils eurent des contacts un peu suivis avec les peuples grecs et latins.
Il fut tenu enchaîné à ma porte, tout le peuple le voyait. […] Ce petit peuple qui se dévoue à la patrie commune, ces dix mille contre deux cent mille, qui marchent en avant sans regarder derrière eux, cette victoire qui semble divine tant elle est rapide, quel plus noble et plus pur triomphe ! […] La vanité du nombre s’était évanouie devant l’énergie de l’élite, le colosse barbare avait sonné creux sous la lance civique qui l’avait heurté, Xerxès et ses cohues pouvaient venir maintenant, un peuple était debout pour les recevoir.
Et puis, pourquoi n’en serait-il pas d’une littérature dans son ensemble, et en particulier de l’œuvre d’un poëte, comme de ces belles vieilles villes d’Espagne, par exemple, où vous trouvez tout : fraîches promenades d’orangers le long d’une rivière ; larges places ouvertes au grand soleil pour les fêtes ; rues étroites, tortueuses, quelquefois obscures, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge, hautes, basses, noires, blanches, peintes, sculptées ; labyrinthes d’édifices dressés côte à côte, pêle-mêle, palais, hospices, couvents, casernes, tous divers, tous portant leur destination écrite dans leur architecture ; marchés pleins de peuple et de bruit ; cimetières où les vivants se taisent comme les morts ; ici, le théâtre avec ses clinquants, sa fanfare et ses oripeaux ; là-bas, le vieux gibet permanent, dont la pierre est vermoulue, dont le fer est rouillé, avec quelque squelette qui craque au vent ; au centre, la grande cathédrale gothique avec ses hautes flèches tailladées en scies, sa large tour du bourdon, ses cinq portails brodés de bas-reliefs, sa frise à jour comme une collerette, ses solides arcs-boutants si frêles à l’œil ; et puis, ses cavités profondes, sa forêt de piliers a chapiteaux bizarres, ses chapelles ardentes, ses myriades de saints et de châsses, ses colonnettes en gerbes, ses rosaces, ses ogives, ses lancettes qui se touchent à l’abside et en font comme une cage de vitraux, son maître-autel aux mille cierges ; merveilleux édifice, imposant par sa masse, curieux par ses détails, beau à deux lieues et beau à deux pas ; — et enfin, à l’autre bout de la ville, cachée dans les sycomores et les palmiers, la mosquée orientale, aux dômes de cuivre et d’étain, aux portes peintes, aux parois vernissées, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses cassolettes qui fument jour et nuit, ses versets du Koran sur chaque porte, ses sanctuaires éblouissants, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles ; épanouie au soleil comme une large fleur pleine de parfums ? […] Les autres peuples disent : Homère, Dante, Shakespeare. […] Déjà la mémorable guerre de Grèce avait fait se retourner tous les peuples de ce côté.
Elle consiste à observer dans son tableau ce que les italiens appellent il costumé ; c’est-à-dire à s’y conformer à ce que nous sçavons des moeurs, des habits, des bâtimens et des armes particulieres des peuples qu’on veut répresenter. […] L’étonnement d’un roi ne doit point être celui d’un homme du peuple. […] Le peintre y exprime parfaitement bien la difference qui est entre l’action naturelle des personnes de chaque temperament, quoiqu’elles agissent par la même passion ; et l’on sçait bien que cette sorte d’execution ne se faisoit point par des bourreaux païez, mais par le peuple lui-même.
L’Italie elle-même, qui pense maintenant que les autres peuples ne sçachent en musique que ce qu’ils ont appris d’elle, faisoit venir ses musiciens de nos contrées avant le dernier siecle, et païoit alors le même tribut à l’art des ultramontains qu’elle prétend recevoir aujourd’hui de tous les peuples de l’Europe. […] Roland Lassé étoit françois, ainsi que la plûpart des musiciens citez par Guichardin, à prendre le nom de françois dans sa signification la plus naturelle, qui est de signifier tous les peuples dont la langue maternelle est le françois, sous quelque domination qu’ils soient nez.
Il ne plaît actuellement qu’au peuple et aux chercheurs. […] C’était bien la première fois qu’on voyait apparaître dans le roman français le peuple des campagnes, non plus comme une utilité de théâtre plus ou moins margoton, mais le peuple des campagnes occupant à lui seul toute la scène, et le drame ne tirant ses péripéties que de la vie campagnarde. […] Le peuple vit de sentiments plus que d’idées, ou plutôt ses idées procèdent habituellement du sentiment beaucoup plus que de la raison. […] Les anciens Juifs n’abandonnaient le culte de Jéhova que pour se prosterner devant les idoles, et les peuples d’aujourd’hui font encore absolument de même. […] — Mais je peuple n’est pas compétent !
Au 9 thermidor, la dictature républicaine a cessé, et pour la seconde fois l’anarchie recommence, non plus cette anarchie vive, confiante, aventureuse, animée au fond d’une seule pensée et d’une seule espérance, telle qu’on la vit du 14 juillet au 10 août, dans les luttes du peuple avec le trône ; mais une anarchie plus triste et parfois même Hideuse, plus en proie aux petites intrigues qu’aux grandes passions, pleine de peurs et de remords, de mécomptes et de rancunes, de découragement et de désespoir, espèce d’acharnement misérable entre des vaincus et des blessés sur un champ de bataille tout sanglant. […] En vain le montagnard Goujon, récemment arrivé des camps, s’écriait :« C’est la Convention qu’on accuse, c’est au peuple qu’on fait le procès, parce qu’ils ont souffert l’un et l’autre la tyrannie de Robespierre. » En vain Robert Lindet, dans un éloquent rapport sur la situation politique de la France, disait à ses collègues : « Cessons de nous reprocher nos malheurs et nos fautes. […] Il était prouvé seulement que, l’insurrection accomplie, ils avaient voulu faire légaliser quelques-uns des vœux du peuple. […] » Bourbotte avait conservé toute la sérénité de la jeunesse ; il parlait avec une imperturbable tranquillité au peuple.
Il en est de frappantes et de sublimes, qui saisissent également tous les esprits, que la nature produit sans effort dans tous les siècles et chez tous les peuples, et dont par conséquent tous les esprits, tous les siècles et tous les peuples sont juges. […] Il n’accordera sur ce point ni tout à la nature ni tout à l’opinion ; il reconnaîtra, que comme la musique a un effet général sur tous les peuples, quoique la musique des uns ne plaise pas toujours aux autres, de même tous les peuples sont sensibles à l’harmonie poétique, quoique leur poésie soit fort différente.
Elle nous fournit du même coup les caractères de ses admirateurs, et nous pouvons avancer dans la psychologie des peuples en étudiant les groupes d’hommes qui se rattachent, par des affinités secrètes, à certains individus prééminents. […] On en devra remplacer l’usage par l’estimation des groupes d’hommes où l’œuvre a trouvé succès, et construire une psychologie des peuples sur le même fonds que celle des individus. […] Mais à négliger, ici surtout, les caractères extérieurs, et à retirer, en quelque sorte, les données physiologiques des données intellectuelles, on courrait le risque d’établir une description de peuples sans racines dans le sol qui les nourrit, sans filiation entre eux, et peu s’en faut incorporels. […] Une psychologie des peuples, est-il besoin de le faire remarquer, exigerait, outre la connaissance des événements artistiques, matière de l’esthopsychologie, celle des événements économiques, juridiques (moraux, religieux) et intellectuels (développement des sciences, etc.).
À quoi bon ces ridicules posthumes jetés en pâture au peuple impérial de 1862 par l’enfant sublime baptisé par les Bourbons d’un autre temps ? […] Ne flattez pas ce peuple à vos dépens. […] Cela prouve que le peuple ne veille pas assez sur ses jolies filles, et la bourgeoisie sur ses fils : car il est évident que, si chacune de ces grisettes avait une gouvernante, et chacun de ces jeunes débauchés un gouverneur, comme le veut J. […] Pourquoi fanatiser le peuple, en style admirable, pour des misères ou inévitables ou impossibles, quand il n’y a malheureusement que trop de fautes et de misères réelles à offrir à la pitié des lecteurs ? […] Mais alors ce n’est pas le conquérant qu’il faut plaindre, ce sont les peuples !
Je me défendais aussi, d’être peuple, d’avoir l’air peuple, il faut le dire, pour une bonne raison. […] Ceux qui le font à la peuple. […] Peuple laborieux. […] Et moi je n’ai cru pouvoir vous les mettre, je ne me suis cru permis de vous les dire que parce que je vous les disais dans le sens peuple, sur le plan peuple, dans le sens, dans le langage peuple. […] Iphigénie fait ceci ; le prince fait ceci ; la confidente fait ceci ; le peuple fait ceci ; Iphigénie dit ceci ; le peuple fait ceci.
— Non, peuples heureux, ce ne sont pas là vos fêtes. […] Le peuple fait la loi en tant que souverain. — Le peuple obéit à la loi en tant que sujet. — Le peuple applique la loi en tant que prince ou magistrat, en nommant, pour l’appliquer, non pas des « représentants », mais des « commissaires ». C’est le gouvernement direct et continu du peuple par le peuple. […] 2º Le système implique la souveraineté du peuple. […] Le peuple impose sa loi, même en matière philosophique et théologique.
Il n’y a pas autre chose dans les idées égalitaires du peuple. […] C’est probable ; pourtant je ne crois pas qu’un peuple artiste soit jamais violemment égalitaire ni qu’un peuple égalitaire soit jamais extrêmement artiste. […] Volney a laissé son cachet sur La Sentinelle du peuple. […] Sur cette idée que le pouvoir est toujours un organe d’action sur le peuple que le peuple se crée, je suis bien à peu près de l’avis de M. […] Il cherche des alliances, à quoi songent plutôt les peuples vaincus que les vainqueurs et à quoi seuls les peuples vainqueurs réussissent bien.
Après la libération du territoire : je ne me trouve pas délivré je ne le serai que lorsque nous aurons repris Metz et Strasbourg Aux historiens : Ne cherchez pas à expliquer les traîtres ; on croirait que vous les excusez Vous n’arrêterez pas la Démocratie montante Toutes les fois qu’un crime se préparera contre le peuple, ma conscience rugira… En deux mots, maintenant : « Tout est obscur. […] Le peuple est sublime. […] C’est donc l’écrivain populaire qu’on célèbre par des rites réservés et particulièrement solennels Oui, le peuple a lu quelque peu Notre-Dame de Paris, et les Misérables, malgré les longueurs et le fatras. […] Populaires, c’est-à-dire réellement connus et aimés du peuple, Dumas père et M. d’Ennery ou même M. […] Mais sans doute — et bien que le peuple ne puisse le comprendre entièrement — c’est au poète que s’adressent ces hommages que nul autre écrivain n’a jamais reçus.
Quelles gens que ces chrétiens, gens qui fuient la lumière, insociables, plèbe, rebut du peuple 167. […] Mais le peuple n’a pas le sentiment de la difficulté des problèmes, et la raison en est évidente : il se les figure d’une manière trop simple et il ne tient pas compte de tous les éléments. […] Or voyez par combien d’étapes les peuples ont passé. […] L’avènement du peuple pourra seul faire revivre ces hautes aspirations du vieux monde aristocratique. […] Soient, par exemple, les principes de la souveraineté du peuple et de la liberté.
Il s’est trouvé au milieu d’un peuple renouvelé par le fer et par le feu, et il a parlé un langage nouveau. […] Au-delà du Sutledge, je voudrais vous montrer un peuple ; mais il y a là je ne sais combien de peuples qui diffèrent par les mœurs, par la religion, par le costume, les uns vivant des autres, les uns cruels et sauvages, les autres abâtardis, corrompus. […] Runjet-Sing, même en Europe, ne serait pas un homme ordinaire ; au milieu de son peuple, c’est un grand homme. […] Tel est le pays, peuple et roi, que va visiter Victor Jacquemont. […] Jusqu’où peuvent s’étendre les progrès de la civilisation anglaise chez le peuple indien ?
Elle a séparé la bonté d’un peuple qui gémissait sur ses désastres, de la férocité des satellites qui les versaient sur elle. […] Différence des peuples naissants et des peuples vieillis. […] Rapports des peuples en révolution avec les peuples demi-barbares. […] De telles énumérations acquièrent un avantage de plus lorsque les titres des peuples et des races illustres s’y rapportent, ainsi que chez Homère et Virgile, à des souvenirs nationaux. […] Tous les peuples de l’histoire ayant eu leur religion propre, il était absurde de leur supposer des divinités qui n’eussent pas été les leurs.
C’est pis lorsque l’intérêt personnel du peuple est en jeu. […] Il avançait dans son lit natal ; chaque peuple a le sien et coule sur sa pente. […] Il ose toujours, il ne se gêne jamais ; il est peuple. […] Sans le savoir, les deux peuples roulent depuis deux siècles vers ce choc terrible ; sans le savoir, ils n’ont travaillé que pour l’aggraver. […] Le peuple souverain, c’est-à-dire l’arbitraire changeant de la majorité comptée par têtes.
Je l’indiquai ; elle fut acclamée à l’unanimité, et l’Europe fut sauvée ; les secousses du lendemain furent fortes, mais le peuple en masse, satisfait de cette victoire non contestée, nous secourut contre les partisans de l’anarchie et contre les vociférateurs du crime. […] Le premier prince du sang, tuteur naturel de son neveu, au lieu de se jeter entre le roi et le peuple, et de prendre la lieutenance générale du royaume, se cacha, se déclara chef des rebelles, puis roi des Français. […] Carrel, et le poëte du peuple, M. […] Qu’est-ce qu’être seul contre un peuple ? […] L’un lui donna le respect du peuple, l’autre l’obéissance de la cour ; mais sa philosophie fut d’un enfant.
Jusqu’à Moscou, le peuple aimait Napoléon. […] Le peuple est grand admirateur de la force et de la grandeur matérielle. On reprend : « Le peuple a raison. […] … Tandis qu’en marchant il crée pour ainsi dire de nouveaux peuples, on doit être bien frappé d’un bout de l’Europe à l’autre de l’état remarquable de la France. […] D’abord, tout le premier chapitre est irréprochable ; on y voit, méthodiquement décomposé, le génie d’un grand homme de guerre et d’un grand conducteur de peuples.
« Pourtant, que les patriotes qui défendent la liberté, que les généreux peuples auxquels la force voudrait imposer l’immoralité, ne désespèrent pas ; que, d’un autre côté, les coupables, en apparence tout-puissants, ne se hâtent pas trop de triompher en voyant les pages tronquées de ce livre. « Quoi que fassent ceux qui règnent chez eux par la violence et hors de chez eux par la menace, quoi que fassent ceux qui se croient les maîtres des peuples et qui ne sont que des tyrans de consciences, l’homme qui lutte pour la justice et la vérité trouvera toujours le moyen d’accomplir son devoir tout entier.
Ses solides qualités armées de sévérité et de rudesse l’avaient rendu odieux aux grands, et le peuple même ou la bourgeoisie n’appréciait pas en lui un défenseur des intérêts publics. […] Parmi les remarques un peu longuement déduites, mais justes, au nombre de treize, qui précèdent les Mémoires de Sully, et dans lesquelles il est donné quelques conseils aux historiens futurs, il est une prescription qui est particulièrement vraie, et qu’il convient de nous appliquer à nous tous en l’étudiant, à savoir : Que les historiens ne témoignent point de vouloir faire des recherches trop exactes des défauts et des erreurs d’autrui, tellement secrets et cachés qu’ils ne sont connus d’aucune personne qui en ait reçu dommage ou offense, et desquels nulles voix publiques ne se sont jamais plaintes, ni que l’on ait su que les peuples en général ni en particulier en aient non plus reçu dommage visible et notoire. […] Encore une fois, Sully, comme s’il avait prévu à l’avance ces dénigrements de détail et ces dégradations de l’histoire, a dit ou fait dire par la plume de ses secrétaires : « Que si quelques grands rois, capitaines, magistrats ou chefs d’armées, de républiques et de peuples, qui ont acquis une générale réputation d’avoir été excellents ès faits d’armes, de justice et de police, ont eu quelques vices et passions particulières secrètes et cachées, qui n’aient point porté de préjudice au public, et dont la publication ne peut apporter aucun avantage », il est bienséant à un historien de les taire et de ne point passer sous silence « les vertus, belles œuvres et actions manifestes » pour s’en aller scruter et découvrir « les défauts et manquements secrets ». […] Le titre des Mémoires était singulièrement emphatique, allégorique et symbolique ; le voici en son entier : Mémoires des sages et royales économies d’État, domestiques, politiques et militaires de Henri le Grand, l’exemplaire des rois, le prince des vertus, des armes et des lois, et le père en effet de ses peuples françois ; Et des servitudes utiles, obéissances convenables et administrations loyales de Maximilian de Béthune, l’un des plus confidents familiers et utiles soldats et serviteurs du grand Mars des François ; Dédiés à la France, à tous les bons soldats et tous peuples françois. […] Il fut réveillé sur les trois heures du matin par les cris du peuple et par le tocsin : son gouverneur, le sieur de Saint-Julien, et son valet de chambre, qui s’étaient aussi réveillés au bruit, étant sortis du logis pour apprendre ce que c’était, n’y rentrèrent point, et il n’a jamais su depuis ce qu’ils étaient devenus.
Le tout se faisait avec accompagnement d’assemblées et avec tenue habituelle de colloques, comme il était nécessaire dans une entreprise républicaine, et qui s’appuie non seulement sur le consentement, mais sur l’émotion des peuples. […] Dès cette partie de son récit on peut remarquer la plainte ordinaire que fait Rohan de la versatilité, de l’impatience et du peu de justice des peuples, de l’ingratitude qui est « l’ordinaire récompense des services qu’on leur rend » ; de leur humeur qui les porte à être « aussi insolents en prospérité qu’abattus en adversité ». Il le redira plus tard en vingt endroits : « Qui a affaire à un peuple qui ne trouve rien de difficile à entreprendre, et qui, en l’exécution, ne pourvoit à rien, se trouve bien empêché. » Il souhaite à ceux qui viendront après lui « d’avoir autant d’affeclion, de fidélité et de patience qu’il en a eu, et de rencontrer des peuples plus constants, plus zélés et moins avares. » Cette âme fière, ce capitaine énergique fait pour commander, cette nature aristocratique, ambitieuse de grands desseins et entravée à chaque pas, avait dû beaucoup souffrir. […] Il n’osa toutefois assumer la responsabilité d’un refus, et il se mit de la partie avec ce même sentiment de la difficulté et de la non-réussite qui constitue son étoile : « Je considérais quel fardeau je prenais sur mes épaules pour la troisième fois ; je me ramentevais l’inconstance de nos peuples, l’infidélité des principaux d’iceux, les partis formés que le roi avait dans toutes nos communautés, l’indigence de la campagne, l’avarice des villes, et surtout l’irréligion de tous. » Par irréligion il faut simplement entendre l’affaiblissement de ce principe religieux exalté qui ne s’était vu qu’au xvie siècle et qui poussait à tous les sacrifices de vie et de fortune pour la foi, affaiblissement qui tenait déjà de l’esprit moderne, et un vertu duquel beaucoup d’estimables réformés préféraient le commerce à la guerre ; Ce n’était pas le compte de Rohan ni des chefs féodaux. […] D’un côté, il savait bien que dans dix ou douze jours on les aurait la corde au cou, mais d’autre côté il considérait qu’il fallait se hâter… » Il raille donc, il insulte, il n’a nul égard aux vaincus, et il les maltraite à proportion qu’ils ont été plus constants et courageux : Le Cardinal conseilla au roi d’envoyer le maire (l’énergique Guiton) hors de la ville, à cause de la grande inhumanité dont il avait usé envers ses citoyens, ayant mieux aimé les laisser misérablement périr de faim que d’avoir recours à la clémence du roi pour mettre fin à leurs misères ; d’envoyer à Niort Mme de Rohan la douairière, comme étant indigne que Sa Majesté la vît, pour avoir été le flambeau qui avait consumé ce peuple.
Il ne faut point offenser l’hôte terrible, le Dieu qui punit le crime, et qui, même aux Enfers, ne lâche point les mortels. » — Pour tout concilier, il va s’en rapporter à son peuple ; c’est lui qui jugera et qui décidera. […] La notion d’un peuple libre n’est jamais entrée dans leurs têtes serrées par les bandeaux de la servitude ; ce partage de l’autorité les étonne et les scandalise. […] » — Mais ce langage d’esclaves offense l’oreille de Pélasgos, « pasteur » et non « conculcateur des peuples », comme s’intitulaient les rois égyptiens, monarque patriarcal de l’ordre homérique, c’est-à-dire premier entre des égaux. — « Je te l’ai déjà dit : quand j’en aurais le pouvoir, je ne déciderais rien sans le peuple, de peur qu’il ne me dise un jour, si quelque revers arrivait : — Pour sauver des étrangères, tu as perdu la cité. » Même sous cette condition, Pélasgos temporise et hésite encore. […] Danaos va entrer avec lui, dans la ville, les bras chargés des branches protectrices ; tandis qu’il priera sur le seuil du temple, le roi convoquera le peuple et plaidera sa cause. […] Le vote du peuple rassemblé dans l’Agora a été unanime comme si un dieu l’avait inspiré. « L’air s’est hérissé de mains droites », et ces mains dressées sont autant de glaives prêts à les défendre.
Il s’exerce à parler à son peuple d’Auxerre un langage clair, pur et lucide ; et l’on se figure, en effet, quel pouvait être le caractère doux, abondant et moral de ces homélies, prononcées d’une voix un peu faible par le bon évêque Amyot. […] Il s’agit de Numa et de ses premiers actes de législateur et de civilisateur qui adoucirent le naturel féroce des premiers Romains ; j’ai regret d’altérer dans ma citation l’orthographe ancienne, qui dans ses longueurs mêmes, et par la surabondance de ses lettres inutiles, contribue à rendre aux yeux la lenteur et la suavité de l’effet : Ayant donques Numa fait ces choses à son entrée, pour toujours gaigner de plus en plus l’amour et la bienveillance du peuple, il commença incontinent à tâcher d’amollir et adoucir, ne plus ne moins qu’un fer, sa ville, en la rendant, au lieu de rude, âpre et belliqueuse qu’elle étoit, plus douce et plus juste. […] Parquoi Numa, pensant bien que ce n’étoit pas petite ne légère entreprise que de vouloir adoucir et ranger à vie pacifique un peuple si haut à la main, si fier et si farouche, il se servit de l’aide des dieux, amollissant petit à petit et attiédissant cette fierté de courage et cette ardeur de combattre, par sacrifices, fêtes, danses et processions ordinaires que il célébroit lui-même… Et plus loin, marquant que, durant le règne de Numa, le temple de Janus, qui ne s’ouvrait qu’en temps de guerre, ne fut jamais ouvert une seule journée, mais qu’il demeura fermé continuellement l’espace de quarante-trois ans entiers : Tant étoient, dit-il, toutes occasions de guerre et partout éteintes et amorties : à cause que, non seulement à Rome, le peuple se trouva amolli et adouci par l’exemple de la justice, clémence et bonté du roi, mais aussi aux villes d’alenviron commença une merveilleuse mutation de mœurs, ne plus ne moins que si c’eût été quelque douce haleine d’un vent salubre et gracieux qui leur eût soufflé du côté de Rome pour les rafraîchir : et se coula tout doucement ès cœurs des hommes un désir de vivre en paix, de labourer la terre, d’élever des enfants en repos et tranquillité, et de servir et honorer les dieux : de manière que par toute l’Italie n’y avoit que fêtes, jeux, sacrifices et banquets. Les peuples hantoient et trafiquoient les uns avec les autres sans crainte ne danger, et s’entrevisitoient en toute cordiale hospitalité, comme si la sapience de Numa eût été une vive source de toutes bonnes et honnêtes choses, de laquelle plusieurs ruisseaux se fussent dérivés pour arroser toute l’Italie, et que la tranquillité de sa prudence se fût de main en main communiquée à tout le monde… J’abrège à regret cette phrase coulante et infinie d’Amyot, qui n’est pas terminée encore ; mais on a senti le charme qui pénètre, et ce génie de l’expression qui, sans lutte, sans effort, s’anime et s’inspire de son modèle. […] Notez, chemin faisant, que d’expressions vives, parlantes, toutes fidèles, ou mieux que si elles étaient littéralement fidèles, car elles sont trouvées, une ville bouillante, attiédir cette fierté de courage, un peuple si haut à la main, se couler tout doucement ès cœurs des hommes, etc. : que de jolis mots qui sentent leur jet de veine et leur liberté naïve !
La masse, à la fin, s’est irritée d’être en spectacle et en jeu ; elle s’est ruée ; elle a crié à son tour aux rois et aux puissants, tout pâles devant elle, de l’amuser du balcon ; ç’a été dans le premier moment une parade sanglante ; depuis lors il n’y a plus, à vrai dire, que de la foule et du peuple. […] L’Irlande est désormais la question vitale pour l’Angleterre ; l’Irlande opprimée et martyrisée depuis des siècles, l’Irlande traitée en conquête, pressurée sans relâche par le Saxon, par le Normand, par Jacques Ier, par Cromwell, par Guillaume d’Orange ; l’Irlande, cette noble et sainte Pologne de l’Océan, inépuisable en douleur comme en espérance ; l’inextinguible Irlande, un moment voisine de l’émancipation à la fin du dernier siècle, se lève aujourd’hui en armes pour regagner ses droits, pour faire sa révolution étouffée en 98 ; elle ne connaît plus Guillaume IV, ni ses officiers, ni ses prélats, ni le parlement britannique ; elle n’obéit qu’à son O’Connell, qui chargé de plaider pour elle à Westminster, s’y montre moins à l’aise, il faut le dire, que sur la terre nationale, au milieu de son peuple. […] Fourier ; ces questions, grâce à Béranger, circuleront maintenant parmi le peuple sous une forme intelligible et saisissante ; elles y mûriront, pour ainsi dire, sous l’enveloppe colorée dont il les a revêtues, en attendant le jour où l’enveloppe se brisera, et où les vérités à nu sortiront de l’écorce. […] Les sociétés populaires, démocratiques, des Amis du peuple, des Droits de l’homme, etc., etc., qui, à ce qu’on assure, existent toujours, n’auraient rien de mieux à faire, au lieu des motions et harangues empruntées au portefeuille d’Anacharsis Clootz, que d’expédier dès demain, par les villages, quelques chanteurs ambulants, avec ordre de ne quitter chaque endroit que lorsque deux ou trois garçons des plus éveillés sauraient les quatre ou cinq chansons magiques : il sera mémorable, l’instant où la population de la France les redira en chœur.
L’entrée en matière de ses Annales fait espérer d’utiles révélations ; en quelques mots profonds et rapides, il montre le monde fatigué des guerres civiles, un besoin général de repos et de sécurité ; Auguste, maître de l’armée par ses largesses, du peuple par ses distributions, des nobles par ses faveurs, de tous par la douce tranquillité de son gouvernement ; les provinces acceptant avec joie cette domination d’un seul homme par aversion pour l’empire du sénat et du peuple, pour les combats des grands, pour l’avarice des magistrats, pour la violence, la corruption et la brigue qui avaient pris la place des lois ; enfin, la République s’effaçant peu à peu du souvenir d’une société qui, sous un sceptre protecteur, goûtait un repos dont elle avait été si longtemps privée. […] L’amour du pouvoir (potentiæ cupido) suffit à lui seul pour expliquer toutes les révolutions de Rome, les dissensions des patriciens et des plébéiens, la turbulence des tribuns, la prépotence de consuls, le farouche Marius sorti des rangs du bas peuple (e plebe infima), Sylla le plus cruel des nobles, Pompée plus hypocrite qu’eux deux, et non pas meilleur ; enfin César, Antoine, Auguste, et tout le sang romain versé dans les champs de Pharsale et de Philippes. […] Depuis, la décadence a tout envahi : beaucoup de lois et beaucoup de corruption ; des mesures engendrées par les dissensions, arrachées par la violence et dictées par l’ambition, la haine et la jalousie contre les hommes éminents ; les Gracques, les Saturninus et les Drusus, ces agitateurs du peuple ; la corruption et les prétentions insolentes des alliés ; la guerre Italique, puis les guerres civiles ; le bien public oublié et les lois faites à cause des hommes et non pour la République ; enfin, le mépris des coutumes et du droit, jusqu’à ce qu’Auguste donne un corps de lois, qui aboutit à la délation, à la confiscation et à la terreur (terror omnibus intentabatur).
Il ne faut pas ôter aux grandes âmes leur dévotion à la gloire ; il ne faut pas ôter aux peuples le sentiment de l’admiration. […] Vous ne pouvez attacher le peuple à l’idée même de la vertu, qu’en la lui faisant comprendre par les actions généreuses et le caractère moral de quelques hommes. On croit assurer davantage l’indépendance d’un peuple, en s’efforçant de l’intéresser uniquement à des principes abstraits ; mais la multitude ne saisit les idées que par les événements ; elle exerce sa justice par des haines et des affections : il faut la dépraver pour l’empêcher d’aimer ; et c’est par l’estime de ses magistrats qu’elle arrive à l’amour de son gouvernement. La gloire des grands hommes est le patrimoine d’un pays libre ; après leur mort, le peuple entier en hérite.
Ce drame contient, du reste, une douce satire politique, la peinture d’un peuple décadent vaincu par un peuple jeune, des paysages, une idylle, des prières et des effusions mystiques, une philosophie de l’histoire, une conception du monde. […] Les hommes du peuple le haïssent parce qu’ils tiennent à leurs superstitions et « parce qu’il n’a pas l’air d’un prêtre ». […] La fondation de toute ville doit être consommée par un fratricide ; au fond de toutes les substructions solides, il y a le sang de deux frères. » Et à la même heure un prophète d’Israël, captif, qui a tout vu de Babylone, prononce ces paroles : Ainsi les nations s’exténuent pour le vide ; Et les peuples se fatiguent au profit du feu.
Une parabole énergique expliquait cet appel au peuple et le légitimait 505 : Un roi a préparé un festin de noces et envoie ses serviteurs chercher les invités. […] Avoir fait de la pauvreté un objet d’amour et de désir, avoir élevé le mendiant sur l’autel et sanctifié l’habit de l’homme du peuple, est un coup de maître dont l’économie politique peut n’être pas fort touchée, mais devant lequel le vrai moraliste ne peut rester indifférent. […] Comme tous les grands hommes, Jésus avait du goût pour le peuple et se sentait à l’aise avec lui. […] L’amour du peuple, la pitié pour son impuissance, le sentiment du chef démocratique, qui sent vivre en lui l’esprit de la foule et se reconnaît pour son interprète naturel, éclatent à chaque instant dans ses actes et ses discours 518.
La vraie philosophie est l’innocence de la vieillesse des peuples, lorsqu’ils ont cessé d’avoir des vertus par instinct, et qu’ils n’en ont plus que par raison : cette seconde innocence est moins sûre que la première ; mais, lorsqu’on y peut atteindre, elle est plus sublime. […] Il est de fait que la liberté est une chose excellente : d’après cela, faut-il verser des torrents de sang pour l’établir chez un peuple, en tel degré que ce peuple ne la comporte pas ? […] Que les mathématiciens cessent donc de se plaindre, si les peuples, par un instinct général, font marcher les lettres avant les sciences !
Enfin, elle est si bien parmi nous toute la philosophie, que dans le langage habituel, dans ce langage qui dit mieux la pensée d’un peuple que les livres de ses écrivains, les intérêts de la conscience et de l’esprit, lesquels sont, en définitive, nos intérêts les plus légitimes, sont traités de choses moins positives que les plus grossières matérialités. […] Frappé de l’état d’oppression et de servage dans lequel la femme et l’enfant ont été tenus jusqu’ici chez tous les peuples de la terre, et là où la civilisation s’est le plus élevée et grandit encore, Jobez, après avoir fait l’histoire de ces deux touchantes Faiblesses, l’enfant et la femme, se demande ce qu’il faudrait pour que l’oppression contre laquelle il s’indigne cessât entièrement, et pour qu’on vît s’ouvrir enfin la période d’affranchissement que doivent également provoquer l’homme d’État et le philosophe ; et il se répond sans hésiter, avec une simplicité légère, que la solution du douloureux problème est tout entière dans l’accroissement de la richesse. […] On s’attendait réellement à mieux qu’à des détails, intéressants d’ailleurs et d’une grande variété de renseignements, sur les souffrances et l’état d’abaissement de la femme et de l’enfant chez tous les peuples de la terre. […] Sans croire, comme Alphonse Jobez, que la terre, avec toutes les richesses qu’elle pourrait donner, renferme assez de biens pour assouvir cette âme de l’homme qui n’a point été faite avec une si grossière substance, mais avec un souffle de Dieu ; sans avoir cette mysticité du sol, nous croyons aussi, pourtant, que les peuples et les hommes dépendant de leurs besoins et de leur bien-être, — quoique ces besoins et ce bien-être soient le plus petit et le plus bas côté de leur destinée, — la voie de prospérité la meilleure est encore la culture du morceau de globe sur lequel ils sont nés.
L’Espagne, du moins la grande Espagne d’avant les Bourbons, fut un gouvernement de prêtres, et on pourrait presque dire un peuple de prêtres. […] Si Charles-Quint put se tromper à la clarté de sa raison, l’Espagne ne pouvait, elle, se tromper à la clarté de sa foi, et s’il ne se repentit pas sous les désillusions de l’expérience, il dut sentir, en sa qualité de grand politique, qu’il avait profondément blessé son peuple, et cela reconnu comme un mal pour son pouvoir et pour sa race, il dut chercher à l’amoindrir et à l’effacer. […] Certes, quand un peuple a de pareilles légendes sur le plus grand et le plus absolu de ses monarques, on peut demander si, pour en expliquer la vie, il est loisible d’oublier l’action de ce peuple et de s’en tenir aux infiniment petits de l’anecdote et des détails personnels… ?
Pelletan justifiait l’ambition naïvement montrée de son titre (et il n’y a rien dans cette naïveté fière qui nous déplaise, qu’on le croie bien), nous aurions le symbole du dix-neuvième siècle, et nous saurions à présent quoi mettre à la place de ce vieux symbole de Nicée, tué par l’Analyse et par la Science, et qui ne peut plus satisfaire, — disent les philosophes, — les besoins de foi des peuples actuels. […] En France, depuis Condorcet, cette foi au progrès est connue, quoiqu’on ne la professe tout haut que sous les réserves du bon sens d’un peuple qui n’aime pas qu’on se moque de lui, et en Allemagne, où l’on n’a rien à craindre à cet égard, cette foi a été redoublée par des systèmes philosophiques qui sont du moins de formidables erreurs, les efforts puissants de grands esprits faux. […] La Chute, ce cataclysme de l’âme, qui a laissé sa trace dans la mémoire de tous les peuples, comme le Déluge, ce cataclysme de la matière, a laissé la sienne à tous les points, à toutes les fissures de ce globe, est niée d’un mot, au mépris de toutes les traditions connues. […] Sans cela, il nous serait facile de montrer, les faits en main, qu’il n’a pas plus creusé dans l’esprit des différentes époques du monde qu’il n’a fouillé, au début, dans les origines et les facultés de l’homme ; et qu’en cela, trop souvent, son livre, empreint de ce fatalisme géographique qui explique les fonctions des peuples par le milieu dans lequel ils se meuvent (fatalisme ressuscité de tous les matérialistes de fait, d’intention ou d’aveuglement), a donné, en preuve de ses dires, l’apparence pour la réalité, et la superficie pour le fond.
Que si maintenant nous nous transportons brusquement à l’autre extrémité de la carrière de Bossuet, après qu’il a renoncé si solennellement à l’oraison funèbre et qu’il a déclaré réserver pour son peuple de Meaux « les restes d’une voix qui tombe, et d’une ardeur qui s’éteint », on peut se poser une question, et je la soumets par avance à M. […] Est-il vrai que Bossuet, qui n’eut presque point d’aurore comme orateur, n’eut point non plus de déclin ; qu’il continua jusqu’à la fin d’édifier et de charmer son peuple dans des homélies presque improvisées, et qui n’en étaient pas moins touchantes ? […] Il se dévoua tout entier à l’instruction de ses diocésains, prêchant fréquemment dans sa cathédrale, où j’ai été étonné d’apprendre que son peuple finit par négliger de l’entendre, soit que son admirable talent eût diminué, ou que l’habitude trop répétée en eût affaibli l’impression ; soit, ce qui est plus probable, que Bossuet ayant pris celle des considérations les plus élevées, et traitant des matières au-dessus de la portée du vulgaire, ses auditeurs fussent dans le cas de lui adresser le reproche que faisait à saint Chrysostome une bonne femme d’Antioche : Père, nom t’admirons, mais nous ne te comprenons pas.
Dans les comédies anglaises, on trouve rarement des caractères vraiment anglais : la dignité d’un peuple libre s’oppose peut-être chez les Anglais, comme chez les Romains, à ce qu’ils laissent représenter leurs propres mœurs sur le théâtre. […] Le peuple de tous les pays est amusé par des plaisanteries grossières ; mais il n’y a qu’en France où la gaieté la plus piquante soit en même temps la plus délicate. […] Une remarque singulière, c’est que les peuples oisifs sont beaucoup plus difficiles sur l’emploi du temps qu’ils donnent à leurs plaisirs, que les hommes occupés.
XX Ce serait bien mal comprendre ma pensée que de croire que, dans ce qui précède, j’aie eu l’intention d’engager la science à descendre de ses hauteurs pour se mettre au niveau du peuple. […] Michelet, qu’il y a chez le peuple une sève vraie et supérieure en un sens à celle de la plupart des poètes aristocratiques. […] La science de salon est tout aussi peu la vraie science que la science des petits traités pour le peuple.
Le peuple fut très mécontent. […] Ce messager n’était autre que le prophète Élie, lequel, selon une croyance fort répandue, allait bientôt descendre du ciel, où il avait été enlevé, pour disposer les hommes par la pénitence au grand avènement et réconcilier Dieu avec son peuple 563. Quelquefois, à Élie on associait, soit le patriarche Hénoch, auquel, depuis un ou deux siècles, on s’était pris à attribuer une haute sainteté 564, soit Jérémie 565, qu’on envisageait comme une sorte de génie protecteur du peuple, toujours occupé à prier pour lui devant le trône de Dieu 566.