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1365. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Elle ressemblait un peu à cette reine Christine, avec qui elle vivait intimement à Rome : elle aussi subordonna tout à ses désirs et à ses passions ; elle franchit hardiment la dernière barrière qu’une société facile lui opposait encore. […] Il était la séduction même, et comme Swift, mais bien plus aimable, il inspira des passions après cinquante ans.

1366. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Madame Récamier, la modeste Madame Récamier, qui n’eut jamais rien de superbe, même dans sa beauté, forme le contraste le plus hardi, le plus étonnant et le plus facile à apercevoir avec les mœurs, les attitudes et les passions de son époque. […] Cette pureté en Madame Récamier, qu’elle conserva et qui le lui rendit, cette pureté était en elle comme le cours du sang et le mouvement des yeux, comme tout ce qu’il y a de plus involontaire, et faisait d’elle le Génie, sous la forme la plus parfaite, de ces sentiments qui n’ont pas de sexe parce qu’ils sont plus divins que les autres : la Bonté, la Pitié, l’Amitié… L’amitié était, en effet, pour l’âme de Madame Récamier, la limite de la passion humaine, et jamais elle ne la dépassa pour entrer dans un sentiment plus troublé.

1367. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Ils ont négligé la tragédie, destinée à peindre les passions et les hommes, et se sont livrés tout entiers à l’opéra, qui d’un bout à l’autre est le spectacle des sens. […] Cependant le discours, semblable à de l’harmonie sans caractère, s’arrête à la surface des sens ; l’âme n’a aucun des plaisirs qui l’intéressent ; elle n’est ni remuée par des passions, ni attachée par des idées.

1368. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Auguste (1805-1882) »

. — Trois passions nouvelles (1867). — La Chanson du vieux marin, de Coleridge (1876). — Contes du soir (1879). — Histoires de voyage (1880). — Chez les poètes, études, traductions et imitations en vers (1882). — Souvenirs personnels et silhouettes contemporaines (1883). — Poésies posthumes (1884).

1369. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 293-297

La passion ne guidera point ma plume ; & en dirigeant mes coups contre une cabale audacieuse, je respecterai toujours ces vrais Philosophes, ces sages Immortels qui honorent l'humanité en l'instruisant, & pour qui le nom odieux de Secte seroit une injure ».

1370. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Supposez que Nestor cherche à modérer les passions d’Antiloque, il citera d’abord des exemples de jeunes gens qui se sont perdus pour n’avoir pas voulu écouter leurs pères ; puis, joignant à ces exemples quelques maximes connues sur l’indocilité de la jeunesse et sur l’expérience des vieillards, il couronnera ses remontrances par son propre éloge et par un regret sur les jours du vieux temps.

1371. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 6, de la nature des sujets que les peintres et les poëtes traitent. Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes » pp. 51-56

Ils y placent ordinairement des figures qui pensent, afin de nous donner lieu de penser ; ils y mettent des hommes agitez de passions, afin de reveiller les nôtres et de nous attacher par cette agitation.

1372. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Pierre Mancel de Bacilly »

Et, en effet, si vous la séparez un instant des passions terribles qui s’en sont servies et qui sont prêtes à s’en servir encore, si, la regardant aux entrailles, vous lui demandez, comme aux autres spéculations de la pensée, ses titres réels à l’estime ou à l’admiration des hommes, vous serez bientôt convaincu de l’impuissance et de l’inanité de cette espèce de littérature, qui depuis le commencement du monde de la métaphysique pivote sur trois ou quatre idées dont l’esprit humain a cent fois fait le tour, qui tient toute, en ce qu’elle a de vrai, dans sept chapitres d’Aristote, sans que jamais personne en ait ajouté un de plus, et à laquelle Dieu a plusieurs fois envoyé des hommes de génie inutiles, comme s’il avait voulu par là en démontrer mieux le néant !

1373. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Nibelle, comme inspiration et comme forme, a goûté à cette candide coupe de lait écumant dans laquelle buvait Yorick… Lorsque la visée commune est la force, soit dans l’expression des caractères ou des passions, soit dans les situations dramatiques, à une époque de corruption et de décadence où l’on a transporté dans le langage, cette forme rationnelle de la pensée, la couleur torrentielle des peintres les plus éclatants, il faut savoir bon gré à un jeune homme d’avoir, dans ses premiers récits, été sobre et simple comme s’il avait eu l’expérience, et de ne s’être adressé qu’aux saintes naïvetés du cœur pour plaire et pour intéresser.

1374. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Il était érudit avec passion et avec délices. […] Il détruit le cléricalisme sans passions anticléricales. […] Dès l’année 1860, la Passion disparut des œuvres de Leconte de Lisle. […] Anatole France, qui est, avant tout, artiste et philosophe, eût admiré cette passion effrénée » cette éloquente déraison. […] L’attrait du danger est au fond de toutes les grandes passions.

1375. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Tout ce qu’il y a de douleur dans la passion le passionne ; tout ce qu’il y a de splendeur dans l’Église l’illumine. […] Voyez, mon cher, jusqu’à quelle folie une passion exclusive et étrangère aux arts peut entraîner un écrivain patriote : je feuilletais un jour un recueil célèbre représentant les victoires françaises accompagnées d’un texte. […] Non loin d’eux, des tableaux exquis, non moins précieusement travaillés, marqués des mêmes qualités et de la même passion rétrospective, portaient le nom de Leys. […] Ils agitent ou contemplent ce qui fut la passion de leur vie et qui en est devenu l’emblème : un outil, une épée, un livre, une torche, vitaï lampada ! […] Si l’ennui et le mépris peuvent être considérés comme des passions, pour eux aussi le mépris et l’ennui ont été les passions les plus difficilement rejetables, les plus fatales, les plus sous la main.

1376. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

A-t-il voulu peindre des mœurs, des caractères ou des passions ? […] Les crimes sont le produit naturel des passions humaines, et ne relèvent que fort indirectement de la politique. […] Qu’elles me paraissent saines et morales auprès de ces protocoles, de ces théories de la passion et de ces formules pédantes des casuistes de l’amour !  […] Ce rêve, elle espérera le réaliser avec le jeune Francis, qui a la même ambition d’éterniser la passion. […] L’amour qu’ils éprouvent pour des femmes de chair et d’os semble bien faible auprès de cette passion toute-puissante pour la patrie opprimée.

1377. (1927) André Gide pp. 8-126

Ce serait une thèse bien contestable, attendu que les passions ont fait des victimes parmi les fidèles de toutes les religions. […] André Gide raille les moralistes qui ont parlé de l’esclavage des passions, et leur impute de l’avoir remplacé par un autre. […] J’aime la passion de Flaubert, ses enthousiasmes, ses saintes colères, la magnifique unité de sa vie. […] D’ailleurs, leur unique passion les force bien d’être impartiaux. […] Liés par leur commune et précoce passion de la littérature, ils devinrent des amis.

1378. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Puis, cette inquiétude grandit, et le désir, et la passion, et la colère. […] Les grandes amoureuses de Racine ne sont certes pas inférieures, par l’ardeur et la démence de leur passion, aux autres « femmes damnées » du théâtre ou du roman. […] Et ainsi, tandis qu’il pensait nous démontrer la nécessité de la grâce, Racine n’est arrivé qu’à nous démontrer la fatalité terrible et délicieuse de la passion. […] … La pièce de Casimir Delavigne est pleine de sens, parce que le drame surgit, ici, moins encore des travers, vices ou passions des personnages que des choses elles-mêmes. […] Je m’étais tu obstinément sur la Passion de la Bodinière et sur la Passion de l’ancien Alcazar.

1379. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

De la passion, de la tendresse, de l’émotion communicative, telles sont les notes dominantes de ce livre, que ne comprendront que ceux qui savent ou ont su aimer. […] Elle me regardait avec ces admirables yeux, toujours pleins de jeune passion ; elle me tendit ses bras, d’un mouvement gracieux comme autrefois. […] Le dernier trait est charmant et laisse bien au personnage le caractère que lui a donné l’évangile de la Passion. […] Il n’y a pas à raisonner avec ces passions. […] Très logiquement, le public, qui prend des lorgnettes pour mieux distinguer, exige aussi un grossissement des passions et veut voir sur le théâtre ce qu’il ne voit pas chez lui.

1380. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Malgré la passion qui anime souvent ses récits et ses portraits, il a ici encore servi la science et la vérité. […] Il n’avait point la passion désintéressée de la science ni la curiosité de l’érudit. […] Dans sa vie entière ont retenti les échos de cette passion de sa jeunesse. […] Au roman de l’amitié succède le roman des idées, car tout chez lui, l’intelligence même, est sentiment et passion. […] Combien les généralisations de ce genre, faites d’imagination et de passion, sont arbitraires et superficielles.

1381. (1896) Écrivains étrangers. Première série

« Je n’ai point trouvé trace chez lui, nous dit sa sœur, d’une passion amoureuse, non plus que de l’amour vulgaire. Toute sa passion était employée aux choses de l’intelligence, et pour le reste du monde il n’avait qu’une curiosité toute superficielle. […] Pendant les soixante-cinq ans de sa carrière littéraire, lord Tennyson n’a fait que ressentir et traduire des sentiments poétiques, je veux dire de douces ou violentes passions ; et entre toutes les passions, ce sont celles de l’amour qui l’ont toujours occupé le plus volontiers. […] Ses manières étaient graves, son humeur égale ; et là-dessous il cachait une flamme de passion qui par moments éclatait. […] Et sous cette forme toute classique, on sent battre un cœur de femme frémissant de passion.

1382. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LI » pp. 198-202

Au reste, la passion n’est dans tout ceci qu’à la surface, on a besoin d’occasion, de sujet pour s’occuper, pour se combattre, pour s’illustrer.

1383. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nerval, Gérard de (1808-1855) »

Toutefois on peut conclure du soin avec lequel il recueillait les chants populaires de sa province (le Valois), tous ces petits poèmes où les soldats, les forestiers, les matelots ont exprimé leurs passions ou leurs rêves, qu’il faisait plus de cas, en poésie, du sentiment que de l’art.

1384. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »

Armand de Pontmartin Sa laideur l’a rendu méchant, son insuffisance comme poète l’a jeté dans la critique et ses passions réactionnaires contre 48 l’ont fait sénateur.

1385. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 519-526

Peu d’hommes ont mieux connu la marche des passions, & peu ont su les mettre en action avec plus d’énergie.

1386. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

Si on trouve des hommes portés l'injustice, à la malignité ; de telles dispositions sont dans eux des vices acquis par l'éducation, les circonstances, les passions, & non des germes inséparables de la Nature humaine.

1387. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Étienne Dolet, et François Floridus. » pp. 114-119

Il a déshonoré autant qu’il étoit en lui, à force de passions & de vices, & les belles-lettres qu’il entendoit parfaitement, & le saint chrême qu’il avoit malheureusement reçu. » Partout il s’attira des affaires terribles.

1388. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

Dans toute Épopée les hommes et leurs passions sont faits pour occuper la première et la plus grande place.

1389. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VI. La Mère. — Andromaque. »

Cette humilité que le christianisme a répandue dans les sentiments, et qui a changé pour nous le rapport des passions, comme nous le dirons bientôt, perce à travers tout le rôle de la moderne Andromaque.

1390. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VII. Des Saints. »

Et sans doute ce sont des héros, ces martyrs, qui, domptant les passions de leur cœur et bravant la méchanceté des hommes, ont mérité par ces travaux de monter au rang des puissances célestes.

1391. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IX. Application des principes établis dans les chapitres précédents. Caractère de Satan. »

Lorsque, avec la grandeur du sujet, la beauté de la poésie, l’élévation naturelle des personnages, on montre une connaissance aussi profonde des passions, il ne faut rien demander de plus au génie.

1392. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre IV. Des Ecrits sur la Poétique & sur divers autres genres de Littérature. » pp. 216-222

Les hommes ont plus de passion pour enseigner, que de talent pour exécuter.

1393. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vien » pp. 202-205

L’intérêt de ces trois visages est mesuré avec une intelligence infinie ; il n’est pas possible de donner un grain d’action ou de passion à l’une, sans les désaccorder toutes en ce point.

1394. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Cette pensée très-convenable à la situation des personnages, et qui montre des accidens differens de la même passion, va jusques au sublime ; mais elle paroît si naturelle en même-tems, que chacun s’imagine qu’il l’auroit trouvée, s’il eût traité le même sujet.

1395. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — I »

Taine, si l’on ne posait tout d’abord et très fortement que la passion de cet homme fut de voir clair.

1396. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Mes passions m’ont toujours laissé la justice, et à lui son indulgence. […] Il sait le nombre de paroles que l’on peut réunir pour faire les apparences de la passion, de la mélancolie, de la gravité, de l’érudition et de l’enthousiasme. […] Il monte de la grammaire à l’œuvre, au lieu de descendre de l’inspiration au style ; il sait façonner tout dans un goût vulgaire et joli, et peut tout ciseler avec agrément, jusqu’à l’éloquence de la passion. — C’est l’HOMME DE LETTRES. […] Sa mémoire est riche, exacte et presque infaillible ; son jugement est sain, exempt de troubles autres que ceux qu’il cherche, de passions autres que ses colères contenues ; il est studieux et calme. […] Les passions des poètes n’existent qu’à peine.

1397. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Et sur la passion de la peinture de Bracquemond fils, d’après des vitraux, il me confesse avoir ce goût, et avoir travaillé à Chartres, à Reims, et à Notre-Dame, à Notre-Dame, qu’il a habitée la matinée, presque deux années, visitant tous les coins et les recoins des tours, au milieu de ces anges suspendus dans le ciel, ayant comme des mouvements de corps, pour se retenir et ne pas tomber en bas. […] Dans une démocratie qui vit de liberté, et que féconde la variété des inspirations individuelles, le gouvernement n’a rien à édicter, rien à diriger, rien à entraver ; il n’a qu’à remplir, s’il le peut, et comme il le peut, un rôle discret d’amateur clairvoyant, respectueux des talents sincères, des belles passions et des volontés généreuses. […] Je causais, ce soir, avec une femme qui a une véritable passion du linge, et qui me parlait en artiste de l’oreiller, et de sa garniture à longs plis en festons découpés, qu’elle trouvait l’oreiller de la malade, ayant quelque coquetterie. […] La femme de lettres me dit avoir donné : La Maison d’un artiste au petit-fils de Schiller, qui est peintre, et qui, pris de passion pour le livre, s’en est fait le propagateur près de tous les artistes allemands ; la peintresse, elle, me conte qu’à l’arrivée de l’exemplaire, s’étant jetée dessus, sa mère avait retiré d’entre ses mains, le volume ouvert à la première page, en s’écriant : « Non, il ne sera pas lu par toi, toute seule, moi, je veux le lire tout haut !  […] Or le jour, où, après avoir fait tous deux de la peinture, nous passions à la littérature, mon frère, je l’avoue, était un styliste plus exercé, plus maître de sa phrase, enfin plus écrivain que moi, qui alors, n’avais guère l’avantage sur lui, que d’être un meilleur voyant autour de nous, et dans le commun des choses et des êtres, non encore mis en lumière, de ce qui pouvait devenir de la matière à de la littérature, à des romans, à des nouvelles, à des pièces de théâtre.

1398. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

En voici le thème : « Dans une des plus anciennes, des plus nobles et des plus riches familles d’Angleterre, où tous ont adoré les chevaux à la passion, un enfant va naître quand son père meurt. […] Pendant qu’emporté par le vent ton corps dévorera les distances, de ton âme s’élèveront, pour essayer d’escalader le ciel, les vagues de passions gigantesques. […] Les littérateurs étaient influencés continuellement par les progrès de la science psychologique, mais ils mêlaient aux données scientifiques tant de passion, de parti pris, et d’enthousiasme dans leurs manifestes qu’ils leur enlevaient toute autorité durable. […] On sait quelle fut la passion vraie ou factice du romantisme naissant pour le moyen âge. […] Mais cette intuition dans le romantisme demeura confuse, et l’on sait comment resta superficielle sa passion pour le moyen âge.

1399. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Ils entrent en même temps tous les trois dans la bataille ; et tous les trois, sans s’être concertés, sans se connaître seulement encore, ce qu’ils attaquent avec une extraordinaire violence de passion et de style, on verrait, on devrait voir, si l’on y regardait, que c’est surtout l’individualisme. […] Ajoutez que l’amour ne tient pas plus ici de place qu’il n’en occupe effectivement dans la vie, — je ne dis pas la femme, je dis l’amour, — et en revanche la haine, la vanité, l’ambition, l’avarice, toutes les passions humaines y jouent leur personnage. […] Rousseau, 1788 ; — son écrit : De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations, 1796 ; — De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, 1800 ; — De l’Allemagne, 1810, mis au pilon par la police impériale, et réédité à Londres en 1813, à Paris en 1814 ; — et des Réflexions sur le suicide, 1812. […] Le Fils du pape, L’Enfant de bonne maison, Les Révérends Pères, et Le Vieux Caporal] ; — et plus perfides ; — en même temps que plus adroits. — On ne flatte pas plus habilement des passions, — qu’il ne semble pas que Béranger partageât lui-même ; — et on ne fait pas plus ingénieusement servir une philosophie plus plate [Cf.  […] Namouna] ; — pour ne rien dire d’une phraséologie qui sent encore son dix-huitième siècle ; — si d’ailleurs elles n’étaient belles de l’« orgueil de vivre » qui s’y trahit ; — et de l’ardeur de passion sans objet [Cf. 

1400. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

» Quand on considère que ces aveux de sa propre inconstance, de sa propre folie et de sa propre injustice, sont écrits par le Tasse à son protecteur le plus intime et le plus bienveillant à Rome ; qu’ils sont écrits de Turin, où le Tasse était à l’abri de toute influence et de toute crainte du duc de Ferrare ; qu’il y demande avec une telle passion la faveur de s’éloigner à jamais du séjour de ce prince, peut-on considérer sa démence comme une calomnie d’Alphonse, et sa passion persévérante pour Léonora comme le mobile et la cause de ses infortunes ? […] Les lettres y étaient cultivées avec passion par la jeune noblesse d’Espagne, de Sicile et de Naples, qui voyait dans le Tasse un autre Virgile et un autre Sannazar. […] On conçoit la popularité d’une pareille poésie dans un siècle où le fanatisme des croisades n’était pas encore éteint, où les traditions de la chevalerie subsistaient encore, et où la passion poétique de la renaissance italienne faisait des poètes tels que Dante, Pétrarque, le Tasse, les véritables héros de l’esprit humain. […] Le cardinal Cinthio, neveu d’Aldobrandini, avait la passion des lettres et le culte du Tasse ; il honora le grand poète, non-seulement pour illustrer le règne de son oncle, mais pour satisfaire son propre cœur, ému jusqu’à la tendresse de pitié pour le génie malheureux.

1401. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

La mélancolie des grandes passions s’est inoculée en moi par ce livre. […] Faust, le véritable Satan des cours, s’empare de celui de Marguerite ; Marguerite, brillante et pure comme l’étoile du matin, l’aime avec passion. […] Au-delà il faut écrire comme sur les cartes des passions : Terres inconnues. […] Nous passions des jours entiers ensemble. […] Ceux qui se tuent n’ont pas le droit de vivre, car ils n’ont pas la force de supporter les grands assauts de la nature de l’homme, les passions meurtrières !

1402. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Chez son oncle le chanoine, à Uzès, dans ce Midi encore espagnol, il fait cette remarque : « Vous savez qu’en ce pays-ci on ne voit guère d’amour médiocre ; toutes les passions y sont démesurées. » Peut-être se souviendra-t-il de ces Hermione et de ces Roxane à foulard rouge. […] Et l’on sait enfin que, chez l’artiste, la passion s’amortit toujours un peu par la conscience qu’il en prend, et parce que ses propres sentiments lui deviennent « matière d’art ». […] Dans le chapitre de la Ville, il plaint les citadins qui « ignorent la nature, ses commencements, ses progrès, ses dons et ses largesses… Il n’y a si vil praticien qui, au fond de son étude sombre et enfumée… ne se préfère au laboureur qui jouit du ciel… » Tout ce que développeront un jour Rousseau, Bernardin, Chateaubriand et Sand n’est-il pas enclos dans ces deux brèves et charmantes pensées : « Il y a des lieux qu’on admire ; il y en a d’autres qui touchent et où l’on aimerait à vivre  Il me semble que l’on dépend des lieux pour l’esprit, l’humeur, la passion, le goût et les sentiments. » L’auteur des Caractères était essentiellement de ces esprits ouverts, « vacants » et inquiets, révoltés contre le présent, ce qui donne une bonne posture dans l’avenir ; de ces âmes qui sentent beaucoup et pressentent plus encore, par un désir de rester en communion avec les hommes qui viendront, et par une sympathie anticipée pour les formes futures de la pensée et de la vie humaine. […] Or, ce railleur est tellement ingénu qu’il est un des trois ou quatre de nos contemporains qui ont fait des tragédies  oui, des tragédies en cinq actes où tout est pris grandement au sérieux, où se déroulent des événements imposants, où des personnages royaux se débattent dans des situations douloureuses et terribles, où s’entre-choquent les passions les plus violentes et où s’énoncent en alexandrins les sentiments les plus nobles et les plus hauts dont l’humanité soit capable. […] Il ne s’agit pas seulement ici, comme dans les romans d’Octave Feuillet, de passions tragiques, de violents drames raciniens, « distingués » quand même, mais de sensualité toute crue, de vices, de vilenies déshonorantes, de crimes, de « faits-divers » de forte saveur.

1403. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

La passion politique, qu’on n’éteint pas en soi, mais qu’on y doit garder en la surveillant dans l’intérêt de son talent même, la passion politique l’éclaire maintenant plus qu’elle ne l’enflamme, et il peint ce qu’il hait et ce qu’il méprise — ce qu’il est en droit de haïr et de mépriser — avec ce grand air de désintéressement qui est l’art consommé de l’historien et que les sots prennent pour de l’impartialité impossible. […] Toute la vie de Cassagnac, qui fit éclat dès sa jeunesse, s’est passée dans le bruit, les passions et les luttes de la politique et du journalisme le plus militant. […] de l’écartèlement de ces Intérêts et de ces Ambitions terribles, voilà qu’il trouve cependant une minute pour donner à une passion désintéressée, à un travail qui lui plaît et qui lui est doux, et qui ne lui rapportera jamais rien, pas même peut-être une place à l’Institut ! […] Ce n’est qu’une raison d’amoureux que s’applique sur la conscience Cassagnac, pour satisfaire sa bizarre passion de linguistique, quand il parle de l’influence de l’origine de la langue sur sa destinée et sur son avenir, et qu’il croit possible d’en diriger à volonté l’incoercible génie.

1404. (1884) La légende du Parnasse contemporain

La passion, la mélancolie, le rire, il avait tout cela, ce jeune homme, ce jeune dieu. […] Du moins la tendresse vraie, l’émotion sincère, la passion en un mot, l’exprimaient-ils parfois ? […] La poésie sans passion et sans pensée ? […] La passion ! […] L’un mesuré, réservé, toujours maître de lui, dans le travail comme dans l’existence ; l’autre, emporté, exubérant, attendant tout des hasards de la passion ou de l’inspiration.

1405. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Il a toujours été partagé entre la passion des héros et celle des saints. » M.  […] Un tel amour n’est pas une passion désordonnée, farouche, une passion secouée de sanglots et qui s’exhale en cris retentissants. […] » Ce fut sa passion, ce fut son tourment. […] Cependant, il aime la marquise ; il assure qu’il l’aime avec passion. […] Un roman d’amour, aussi ; une étude de la passion tendre et voluptueuse.

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