Il y a d’ailleurs bien des manières de lire ! […] Le dilettante, le philosophe, le critique liront avec fruit de cette manière. […] C’est la manière de les traiter qui est tout. […] Cette manière est détestable, voilà tout. […] C’est Montaigne, son procédé, sa manière.
Ces sortes de génies, qui ont le don de s’oublier eux-mêmes et de se transformer en une infinité de personnages qu’ils font vivre, parler et agir en mille manières pathétiques ou divertissantes, sont souvent capables de passions fort ardentes pour leur propre compte, quoiqu’ils ne les expriment jamais directement. […] Ce qui peut y suppléer aujourd’hui de la manière la plus satisfaisante, c’est une réunion des diverses notices qu’il avait ajoutées à une récente édition de ses poésies ; cette réunion, habilement faite par une Revue anglaise, a été reproduite dans le cinquante-huitième numéro de la Revue britannique, sous le titre de Mémoires autobiographiques de sir Walter Scott.
Le style représente, pour ainsi dire, au lecteur le maintien, l’accent, le geste de celui qui s’adresse à lui ; et, dans aucune circonstance, la vulgarité62 des manières ne peut ajouter à la force des idées, ni à celle des expressions. […] Mais s’il faut une réflexion approfondie pour démêler ce qu’on pourrait ajouter encore à de tels chefs-d’œuvre, les bornes de la philosophie, dans le siècle de Louis XIV, se font sentir d’une manière bien plus remarquable dans les ouvrages littéraires qui n’appartiennent pas à l’art dramatique.
I Depuis la fin de l’Empire romain, ou, mieux, depuis la dislocation de l’Empire de Charlemagne, l’Europe occidentale nous apparaît divisée en nations, dont quelques-unes, à certaines époques, ont cherché à exercer une hégémonie sur les autres, sans jamais y réussir d’une manière durable. […] Les nations, entendues de cette manière, sont quelque chose d’assez nouveau dans l’histoire.
On y trouve, à l’état d’ébauche et de solutions entrevues, bon nombre d’explications que les contemporains ont données d’une manière plus claire et plus complète. […] Mais si la philosophie parvenait à noter d’une manière suffisamment précise les degrés ascendants de l’abstraction, comme l’arithmétique détermine les puissances croissantes d’un nombre ; si elle parvenait, autant que le comporte la nature des choses, à faire pour la qualité ce qui a été fait pour la quantité ; si elle parvenait à résoudre les plus hautes abstractions dans les abstractions inférieures, et celles-ci dans les concrets, il semble que bien des questions vaines et des difficultés factices disparaîtraient.
Il seroit même à souhaiter que le résultat de cet Ouvrage fût un peu plus décidé ; qu’il y eût moins d’ambiguité dans l’ensemble, & que la maniere de procéder de l’Apologiste ne rappelât pas si souvent ce vers de Virgile, Et fugit ad salices, & se cupit ante videri. […] Quant à ses Eloges lus dans les Séances publiques de l’Académie Françoise, la maniere dont ils sont écrits est si mesquine, si incohérente, si remplie d’afféterie, si forcée, que les partisans les plus intrépides de M.
Ctésiphon les a violées en trois manières : 1°. […] » Démosthène triompha ; mais son plus beau triomphe fut la manière dont il usa de la victoire.
Personne ne parloit & n’écrivoit d’une manière plus agréable. […] Benserade faisoit entrer dans ses allusions jusqu’aux aventures les plus secrettes, mais toujours d’une manière fine & piquante.
— n’existe plus, on verra sur-le-champ s’élever contre nous une insurrection d’amours-propres, tout autant que quand nous disons que la critique n’existe pas en France et que nous le prouvons, de la plus humble manière, par de la statistique et des faits. […] avec une énergie qui n’est pas de rigueur au vaudeville, la plus grande partie de la littérature est venue à ce dîner de Lucullus chez Lucullus, puisque chacun payait son écot, et, lorsqu’elle n’est pas venue, elle a écrit, pour s’excuser, des lettres qu’on publiait, — ce qui était une manière d’y venir encore, — des lettres presque aussi travaillées, aussi brossées, aussi époussetées que les mots qu’elle y apportait… dans ses agendas !
Il est spirituel d’une manière incurable. […] Elle agrandit démesurément ou rapetisse d’une manière formidable. […] » ou : « de quelle manière faut-il les lire ? […] De quelle manière s’en montra-t-il digne ou indigne ? […] Des intrigants obscurs s’avisèrent de Bernadotte, qui était une manière de prince et une manière de grand général.
Délicat, joli, sérieux, ce petit Amiel paraît en effet à ses camarades bien féminin dans son aspect et ses manières. […] Point, ce sont deux manières de se recueillir. » Amiel devait appliquer plus tard dans son enseignement la manière de ses professeurs allemands. […] Amiel devait vivre assez pour voir ces situations se modifier de la manière la plus imprévue. […] Ce jour du 6 octobre, la Philine du Journal a pris décidément les manières de la Philine de Wilhelm Meister. […] Cette effraction volontaire de la gloire, c’est pour le génie une manière de péché originel.
Ce n’est que de la pure manière et de la fatuité. […] Nos héros ici ont fait, à leur manière, des prouesses. […] Ampère, — cet homme d’esprit qui causait avec tant d’agrément et qui professait d’une manière si pénible. […] Molé a une manière très aimable et très flatteuse quand il me parle de certaines personnes qu’il a autrefois connues : « Oh ! […] Quant à Rachel, elle n’a jamais été mieux que dans sa première manière et pendant les toutes premières années.
Octave Feuillet, et c’est grâce à ce péché qu’il existe une contradiction assez marquée entre le choix de ses sujets et la manière dont il les traite. […] On peut critiquer plus ou moins la manière dont il rend ses pensées ; mais toutes ses œuvres sont le fruit d’une conception. […] Je ne sais pas pour ma part de personnage posé d’une manière aussi rapide et par un coup de main plus adroit. […] Sardou le sait, et il n’a garde de se refuser à cette exigence, il fustige donc, et d’une manière très piquante ; mais que fustige-t-il ? […] Laurens a présenté d’une manière si saisissante les effets de l’excommunication au moyen âge la refusassent à la scène du dramaturge.
Il les saluait à la manière antique, en les admirant. […] J’ai pas « des manières et des pelures »… Vous pourriez arranger ça, vous ? […] C’est d’autre manière qu’il sied de protester. […] Schuman, touffue comme celle de Mendelssohn, se rapproche par les défauts des mauvaises tendances de la troisième manière de Beethoven. […] A partir de la « Prose pour des Esseintes «, présentée comme la suprême manière, qu’est-ce partout, et nous en avons noté des exemples ?
Ce plan lui eût fourni un poème grand, noble, varié, plein d’âme et d’intérêt, et plus flatteur pour une jeune princesse, surtout s’il eût su lui parler de sa beauté moins longuement et d’une manière plus simple, plus vraie, plus naïve qu’il ne l’a fait. […] Il eût peut-être appris à traiter l’Ode de cette manière, s’il eût mieux lu, étudié, compris la langue et le ton de Pindare, qu’il méprisait beaucoup, au lieu de chercher à le connaître un peu. » Tout cela est vrai et le paraîtra surtout, si on relit l’Ode en question. […] On a voulu impliquer la reine Marie de Médicis dans l’attentat qui lui ravit, à la France et à elle, son héroïque époux : une réfutation morale qui suffirait (s’il en était besoin), c’est la manière dont Malherbe, cet homme de sens, ce clairvoyant et probe témoin, lui parle de Henri IV, le lendemain de cette lamentable mort. […] Les plus beaux vers amoureux de Malherbe, ceux qui sont le plus dans son ton et sa manière, j’oserai dire que c’est Corneille qui les a faits. […] Tallemant nous a appris comment sa maîtresse, la vicomtesse d’Auchy, éprouva de plus d’une manière cette vivacité.
Cela prouve d’une manière irréfutable que M. […] Son style bref, sa manière un peu sèche, un peu hautaine de présenter ses observations, ont exaspéré bien des susceptibilités. […] Celui-là dérive de Lamartine qu’il a connu et dont il a pris la manière fluide et mollement imagée. […] On ne peut accorder trop d’éloges à la manière dont elle a composé et joué son rôle. […] Il est si gentil, arrangé de cette manière, que les honnêtes gens vont le voir sans scrupule, et sont tout étonnés de ne pas le trouver repoussant.
Ce ne sont pas seulement des portraits, ce sont des tendances, des intelligences, des manières d’être. […] C’était une manière, paraît-il, de réfléchir à ce qu’on allait écrire. […] Vallant a soigné Pascal et de quelle manière ! […] Mais cela même est une manière de parler qu’il ne faudrait pas analyser de trop près. […] Histoire, géographie, contes, légendes et traditions, il résume tout cela dans une manière sûre et agréable aussi.
Ils se sont plaints, ils ont réclamé, on a leurs lettres ; l’auteur seul n’aurait pas tout dit : Préparé à tout ce que l’on pourrait alléguer contre Werther, a dit Goethe en ses mémoires, je ne me fâchai pas de toutes les contradictions ; mais je n’avais pas pensé qu’une souffrance insupportable me serait réservée par des âmes bienveillantes et sympathiques : car au lieu de me dire d’abord sur mon petit livre quelque chose de non désobligeant, on voulait savoir avant tout ce qu’il y avait de réel dans les faits ; ce que je ne me souciais pas du tout de dire, et je m’en expliquai hautement d’une manière très peu aimable : car pour répondre à cette question, il m’aurait fallu remettre en pièces l’opuscule auquel j’avais si longtemps pensé pour donner à ses nombreux éléments une unité poétique, et j’aurais dû en détruire la forme de telle sorte que les véritables éléments constitutifs eux-mêmes, là où ils n’auraient pas été complètement anéantis, eussent été au moins défaits et dissous. […] Pour lui, qui s’est chargé d’envoyer de Francfort les anneaux d’alliance et qui y a joint toutes sortes de bons souhaits, il se contente, pour punir à sa manière les nouveaux mariés, de leur écrire : Je suis vôtre, mais, pour le moment, je ne suis guère curieux de voir ni vous, ni Lotte. […] Imaginez le désagrément et la peine pour un honnête homme comme Kestner, heureux d’épouser celle qu’il aime depuis des années, l’emmenant comme en triomphe de Wetzlar à Hanovre, la présentant avec orgueil à tous les siens, et remplissant avec considération un emploi honorable, imaginez-le, après dix-huit mois de mariage, recevant de son meilleur ami, en cadeau, ce petit volume, où il est crayonné d’une manière assez reconnaissable sous les traits d’Albert ; où sa fiancée paraît à bien des moments près de lui échapper ; où elle n’est guère retenue que parce qu’elle est supposée déjà liée à lui par un engagement positif. […] — Si vous pouviez sentir la millième partie de ce qu’est Werther pour des milliers de cœurs, vous ne regretteriez pas la part que vous y avez prise… Au péril de ma vie, je ne voudrais pas révoquer Werther, et crois-moi, tes craintes, tes gravamina disparaîtront comme des spectres de la nuit, si tu prends patience : et ensuite je vous promets d’effacer, d’ici à un an, de la manière la plus charmante, la plus unique et la plus intime, tout ce qui pourrait encore subsister de soupçon, de fausse interprétation dans ce bavard de public qui n’est qu’un troupeau de pourceaux57. […] Vous ne le sentez pas, lui ; vous sentez seulement moi et vous ; et ce que vous croyez y être seulement collé y est tissé, eu dépit de vous et d’autres, d’une manière indestructible… Oh !
Dans son application à la politique, et dans l’Itinéraire de son voyage en Orient, il a si bien su proportionner son style à la nature des sujets, que c’est aujourd’hui l’opinion universelle qu’il y a chez lui une seconde manière, une seconde portion de son œuvre qui est irréprochable. Mais comme ce mérite d’être irréprochable tient surtout en ce cas-là à un moindre déploiement poétique, je persiste à le préférer dans sa complète et, si l’on veut, inégale manière. […] Cette idée de noblesse et d’antique naissance est surtout nécessaire pour expliquer le caractère et la physionomie du père de M. de Chateaubriand, de l’homme ardent, rigoureux, opiniâtre, magnanime et de génie à sa manière, dont toute la vie se passe à vouloir relever son nom et sa famille ; espèce de Jean-Antoine de Mirabeau dans son âpre baronnie. […] Son silence redouté, sa tristesse profonde et morne, ses brusques emportements, et le rond de sa prunelle qui se détache comme une balle enflammée dans la colère, puis sa mise imposante et bizarre, la grandeur de ses manières, sa politesse seigneuriale avec ses hôtes quand il les reçoit tête nue, par la bise ou par la pluie, du haut de son perron, comme tout cela est marqué ! […] Femme élégante de manières, cultivée d’esprit, soupirante et silencieuse, elle souffre aussi de la sévérité absolue du maître, et partage la tristesse refoulée des siens plutôt qu’elle ne la console.
Je veux dire par là que les manières d’être et les actions que nous considérons comme des défauts, des vices ou des crimes ne sont guère que des qualités, des vertus employées mal à propos, ou le résultat de ces tendances, ou encore des vertus possibles. […] Ils cherchent, eux aussi, à vivre d’une manière supportable, mais nous n’avons pas à les admirer. […] Il sait que la morale demande la différenciation des fonctions, et que chacun de nous n’a ni à faire le même travail que les autres, ni à travailler de la même manière qu’eux. […] L’ironie tend, comme toutes les manières de penser, de sentir et d’agir, à devenir automatique, à se figer, et en même temps à se prendre pour la fin suprême. […] Comme toutes les manières générales de penser, comme toutes les institutions, comme toutes les fonctions sociales, elle dérive d’une imperfection, d’un manque d’équilibre, elle en est le signe, et elle n’a d’autre raison d’être que de la corriger pour disparaître ensuite avec elle.
Mais, outre que nos créations sont plus vivaces que celles des anciens et que chaque nation moderne peut fournir de la sève à deux ou trois littératures superposées, notre manière de concevoir la philologie est bien plus philosophique et plus féconde que celle de l’antiquité. […] Ces fictions de rois, de patrices, d’empereurs, de Césars, d’Augustes, transportées en pleine barbarie, ces légendes de Brut, de Francus, cette opinion que toute autorité doit remonter à l’Empire romain comme toute haute noblesse à Troie, cette manière d’envisager le droit romain comme le droit absolu, le savoir grec comme le savoir absolu, d’où venaient-elles, si ce n’est du grossier à-peu-près auquel on était réduit sur l’antiquité, du jour demi-fantastique sous lequel on voyait ce vieux monde, auquel on aspirait à se rattacher ? […] La rareté des livres, l’absence des index et de ces concordances qui facilitent si fort nos recherches obligeaient à citer souvent de mémoire, c’est-à-dire d’une manière très inexacte Enfin les anciens n’avaient pas l’expérience d’un assez grand nombre de révolutions littéraires, ils ne pouvaient comparer assez de littératures pour s’élever bien haut en critique esthétique. […] Il faut prendre la révolution qu’elle a opérée ; examiner ce que l’esprit humain était avant la culture philologique, ce qu’il est devenu depuis qu’il l’a subie, quels changements la connaissance critique de l’antiquité a introduits dans la manière de voir des modernes. […] Proudhon, bien qu’ouvert à toute idée, grâce à l’extrême souplesse de son esprit, et capable de comprendre tour à tour les aspects les plus divers des choses, ne me semble pas non plus par moments avoir conçu la science d’une manière assez large.
À l’origine, le sentiment de reconnaissance était enveloppé dans la satisfaction même de l’appétit : l’enfant qui aspire le lait maternel, à chaque aspiration, sent la coïncidence de la sensation nouvelle avec l’image de la sensation passée ; son imagination se remplit, pour ainsi dire, de la même manière que sa bouche : on peut dire qu’ainsi il reconnaît le plaisir déjà éprouvé et le lait déjà sucé. […] L’animal n’a pas besoin de cet acte intellectuel pour sentir et reconnaître, sous des couleurs différentes qui se succèdent, ce je ne sais quoi de semblable, qui est impression continue de couleur sans être telle couleur particulière, et qui n’est pas son ou contact ; il y a sous les sensations visuelles une manière commune de sentir et de réagir qui, par la répétition et la variation des circonstances, se dégage elle-même des sensations particulières et devient souvenir ou image mnémonique. […] Nous assistons alors à l’apparition de l’intelligence proprement dite, qui semble coïncider d’une manière générale, pour le physiologiste, avec la formation des fibres nerveuses. […] « Notre mémoire psychologique ignore le nombre des marches, notre mémoire organique le connaît à sa manière, ainsi que la division en étages, la distribution des paliers et d’autres détails : elle ne s’y trompe pas. » Pour la mémoire organique, ces séries bien définies sont « les analogues d’une phrase, d’un couplet de vers, d’un air musical pour la mémoire psychologique ». […] L’œuf se souvient à sa manière de la loi selon laquelle il doit évoluer, lex imita ; de même, l’intelligence porterait en soi son « Discours de la Méthode » à l’état de souvenir inconscient ; la mémoire serait devenue tout organique, tout héréditaire, et la conservation des idées n’aurait pas besoin de la reconnaissance.
Mais raisonner ainsi est simplement admettre ce qui est en question ; car la loi de conservation de l’énergie, comme toutes les lois physiques, n’est que le résumé d’observations faites sur des phénomènes physiques ; elle exprime ce qui se passe dans un domaine où personne n’a jamais soutenu qu’il y eût caprice, choix ou liberté ; et il s’agit précisément de savoir si elle se vérifie encore dans des cas où la conscience (qui, après tout, est une faculté d’observation, et qui expérimente à sa manière), se sent en présence d’une activité libre. […] Alors, tout naturellement, le savant s’est dit : « Puisque la philosophie ne me demande pas, avec faits et raisons à l’appui, de limiter de telle ou telle manière déterminée, sur tels et tels points déterminés, la correspondance supposée entre le mental et le cérébral, je vais faire provisoirement comme si la correspondance était parfaite et comme s’il y avait équivalence ou même identité. […] Si nous pouvions alors indiquer en deux mots, fût-ce d’une manière imparfaite et grossière, comment un examen approfondi de ces faits aboutirait à infirmer la théorie qui les invoque et à confirmer celle que nous proposons, ce serait déjà quelque chose. […] Et je crois par conséquent aussi que notre passé tout entier est là, subconscient — je veux dire présent à nous de telle manière que notre conscience, pour en avoir la révélation, n’ait pas besoin de sortir d’elle-même ni de rien s’adjoindre d’étranger : elle n’a, pour apercevoir distinctement tout ce qu’elle renferme ou plutôt tout ce qu’elle est, qu’à écarter un obstacle, à soulever un voile. […] Entre ces deux manières de philosopher mon choix est fait.
Lavedan, « il y a la manière ». […] Adam a la manière, et cette manière est de bon goût, vraiment, à très peu près. […] Elle eut une seconde manière, qui fut… moins bonne. […] Cette seconde manière, mon Dieu ! […] — Parce que je n’aime pas ces manières-là.
Le langage, l’habillement et les manières, tout était plaisant. […] On continuait d’être si piqué, que des vers gracieux et flatteurs, que l’auteur mit en tête par manière d’excuse (car Mme de Charrière tournait agréablement les vers), furent mal pris et regardés comme une ironie de plus. « Est-il donc si clair, disait à ce propos un homme d’esprit du lieu, qu’on ne puisse rien nous dire d’obligeant que dans le but de se moquer de nous ? […] M. de La Prise, sans rien dire à sa fille, l’a relevée, et l’a assise sur le tabouret devant lui, de manière qu’elle tournait le dos à la table : il tenait une de ses mains ; de l’autre elle essuyait ses yeux. […] Mlle de La Prise, depuis ce moment, a quelque chose de changé dans ses manières ; toujours aussi naturelle, mais moins gaie, et, aux yeux de Meyer, plus imposante. […] Il avait, en causant, une singulière manière de donner raison à son interlocuteur un peu étonné : « Ce que vous dites là est si juste que le contraire est parfaitement vrai. » — Il disait encore, par manière de variante, que sur toute question il avait toujours une idée de plus qui dérangeait tout.
L’inspiration spontanée est due à l’automatisme des associations d’idées, qui fonctionne dans le cerveau d’une manière souvent inconsciente pour nous, sous l’influence d’un désir dominant et plus ou moins précis. […] Cette forme est une manière de sentir et de réagir, un certain mode de sentiment lié à un certain mode d’action et de mouvement. […] Il en résulte que, si la généralité n’est pas dans la matière de la pensée, elle existe cependant d’une certaine manière dans le sujet pensant. […] Le cerveau du savant, habitué à refléter la nature, devient vraiment un petit monde, un microcosme, où les forces des idées tendent à s’associer et à se combiner de la même manière que les forces des objets dans le Cosmos. […] Quant aux métaphysiciens, poètes à leur manière, ils ont besoin d’une imagination encore plus puissante pour reconstruire le monde entier par la pensée.
Dès sa sortie du collège, Roederer eut un caractère marqué ; il se forma, d’après l’ensemble de ses lectures et de ses réflexions, une idée (sans doute trop embellie) de la vie sociale et des moyens de la réaliser ; il comprit vite, dans son premier contact avec les gens réputés mûrs et sensés, que cette manière de voir était peu agréée ; il se contint et resta enthousiaste au-dedans. […] Les insurrections vinrent bientôt l’occuper d’une manière passive et pénible, et qui pesa longtemps sur sa destinée. […] Par la manière dont il présente le procès du roi et les diverses opinions qui s’y produisent, il laisse percer, avec toutes les discrétions et les gênes que la liberté républicaine comportait alors, que son opinion n’est pas pour la rigueur. […] Ici, dans la retraite et sous la pression de l’expérience, il se fit dans la manière de voir de Roederer une modification analogue à celle que Sieyès subissait dans le même temps.
L’art, le génie de Haydn, le caractère de cette musique riche, savante, magnifique, pittoresque, élevée, y sont présentés d’une manière sensible et intelligible à tous. […] La gaieté française doit montrer aux écoutants qu’on n’est gai que pour leur plaire… La gaieté française exige beaucoup d’esprit ; c’est celle de Lesage et de Gil Blas : la gaieté d’Italie est fondée sur la sensibilité, de manière que, quand rien ne l’égaye, l’Italien n’est point gai. […] Il est d’ailleurs très fin et sagace quand il observe que l’ennui chez les Français, au lieu de chercher à se consoler et à s’enchanter par les beaux-arts, aime mieux se distraire et se dissiper par la conversation : mais je le retrouve systématique lorsqu’il en donne pour raison que, dans la conversation, la vanité, qui est leur passion dominante, trouve à chaque instant l’occasion de briller, soit par le fond de ce qu’on dit, soit par la manière de le dire. […] Il y travaillait à sa manière, non en nous disant des douceurs et des flatteries comme la plupart de nos maîtres d’alors, mais en nous harcelant et en nous piquant d’épigrammes.
Cette manière de voir, qui est celle de toute une classe d’esprits vigoureux et francs, a été poussée à fond et couronnée du génie même de la gaieté par Molière, en son immortelle comédie. […] Anne Le Fèvre qui, à sa manière, fut une des gloires du siècle de Louis XIV, naquit à Saumur, non pas en 1651 comme on l’a souvent répété, mais plus probablement en mars 1654107. […] Il s’y montre au-dessus du métier et de la routine : en lisant cette Méthode, on assiste à la manière toute pratique et toute vive dont il élève un de ses fils, et de laquelle sa fille, qui était présente, profita également. […] Ainsi en tout il avait ses jugements, sa manière à lui de voir et de penser.
Il fallait faire passer tous les peuples du monde sous les yeux de votre lecteur… Il fallait, si vous le pouviez, imiter Tacite qui n’annonce pas fastueusement le tableau des nations, mais qui, sous le titre modeste d’Annales, peint l’univers… Cela veut dire qu’il ne fallait pas être Voltaire ; mais Voltaire, qui était lui et pas un autre, a peint à sa manière ce grand siècle dont un souffle avait passé sur son berceau, et il en a donné à tout lecteur impartial un sentiment vif, juste et charmant. […] Il a fait un petit traité sur le bonheur, qui est le plus sec et le plus désagréable du monde ; on n’a jamais parlé du bonheur d’une manière plus maussade. […] Un peuple bien élevé est facile à gouverner. » Pure invention ; pas un mot de cela chez Frédéric. — Un billet du roi, de quelques lignes, lui fournit prétexte à deux pages de réflexions (p. 365-366) sur les autres rois qui perdent leur temps de mille manières, tandis que Frédéric le perd à rimer : « Je leur pardonne de donner à la chasse, à la bonne chère, au jeu, à la représentation, plus d’heures que je n’en donne à mes amusements littéraires. […] [NdA] On trouve quelques mois sur Maupertuis dans la correspondance, récemment publiée (1860), de Buffon ; c’est peu, mais c’est dans le ton juste : « J’écrirai au premier jour à Maupertuis, et je tâcherai de lui proposer d’une manière efficace les choses que vous souhaitez.
Je n’ai voulu que faire sentir d’une manière un peu saillante comment, sur ce point, le grand fondateur l’avait entendu. […] Livet prend le soin de faire la remarque suivante : « La connaissance imparfaite de notre ancienne littérature a égaré Despréaux dans son Art poétique ; nous invoquons la même excuse en faveur de l’abbé d’Olivet, qui traite le même sujet d’une manière aussi peu conforme aux idées modernes. » Je crois qu’on pouvait se dispenser de cette note. […] Livet croit devoir ajouter en note, par manière de restriction : « La Bruyère est moins original qu’on ne le dit ici. […] L’originalité de La Bruyère n’est pas d’avoir fait des portraits tels quels, à la diable, et dessinés plus ou moins couramment à la plume, par manière de jeu de société, comme on les brochait avant lui, mais de les avoir faits serrés, profonds, savants, composés, satiriques, en un mot tels qu’un grand peintre seul les pouvait faire.
Mme Swetchine leur emprunte beaucoup. » Mais pourquoi cette manière évasive de dire ? […] Non, je ne crains pas de mécomptes avec vous, et ma reconnaissance seule peut égaler la parfaite sécurité que vous m’inspirez. » L’amitié épurée, exaltée, entre ces deux jeunes personnes vivant dans le grand monde artificiel de Pétersbourg et y réfléchissant chacune à sa manière les mystiques influences qui traversaient alors le ciel d’Alexandre, me fait l’effet de ces parfums légèrement enivrants et qui entêtent, exhalés par deux plantes rares nourries en serre chaude et trop poussées. […] De toute manière, j’aurais sauté à pieds joints sur la zone tempérée, car je n’ai jamais pu, en rien, saisir le milieu… » C’est alambiqué en diable, c’est subtil, mais c’est curieux. […] « Rien ne fait échapper à la colère, disait-elle vers ce temps à une spirituelle amie, comme un profond sentiment de l’infirmité humaine. » Je ne sais rien qui lui fasse plus d’honneur, dans tout ce que ses amis nous ont transmis d’elle, que sa manière de sentir et de juger en ces années-là.
Il semblait que toutes les façons de juger et de voir, toutes les manières de raconter, de raisonner et de déraisonner se fussent produites, et qu’il allait y avoir clôture. […] Mais la meilleure manière de les réhabiliter, la seule qui ne trompe point, c’est d’être soi-même d’autant plus honnête homme, d’autant plus humain, irrépréhensible et pur dans sa vie ; c’est d’être, aux yeux de ceux qui nous entourent, une réparation vivante à l’endroit surtout où le crime paternel a éclaté, et de forcer en sa personne l’estime qu’on entreprendrait vainement de faire remonter plus haut. […] Il lui parle de la religion d’une manière à fort étonner un jeune séminariste encore novice et très sincère : il ne la prenait, en effet, que par le côté social et politique, et pour l’utilité morale ; hors de là, il n’en acceptait rien et se croyait tout à fait libre et dégagé dans son for intérieur, « ne voyant le péché que dans l’injustice, le défaut de charité et le scandale. […] Une fois, sortant de l’église au petit jour, à la file des chartreux, avec dom Ignace qui reconduisait chez moi sans mot dire, je remarquai que le mur en pierre de taille sur lequel s’ouvraient les cellules était usé d’une manière sensible à la hauteur des bras, et que les dalles du pavé étaient creusées uniformément comme les chemins battus par les bœufs ; j’arrêtai dom Ignace et lui demandai si ces traces n’étaient pas l’effet du passage quotidien des religieux : par un simple mouvement de tête, il me répondit affirmativement.
Doublement peintre et par des procédés différents, il ne confond point ses deux manières. […] Fromentin, agréable et attachant à lire d’un bout à l’autre, mérite qu’on le reprenne avec réflexion : il nous offre, dans la suite des peintures variées qui s’y succèdent, une belle image du talent et aussi une application de la théorie de l’auteur ; il nous livre le résultat excellent de sa manière, en même temps qu’il nous dévoile sa pensée particulière sur l’art. […] Son but est complexe ; c’est à nous, lecteurs et raisonneurs, qu’il laisse le soin de le dégager ; il se contente de le résumer de la manière la plus générale, lorsqu’il dit à celui de ses amis auquel il adresse le Journal de ses impressions : « Admets seulement que j’aime passionnément le bleu, et qu’il y a deux choses que je brûle de revoir : le ciel sans nuages, au-dessus du désert sans ombre. » Parti de Médéah dans la direction du sud, il va traverser le pâté de montagnes qui le sépare du désert, et il ne nous laisse rien perdre, chemin faisant, de la physionomie du paysage. […] Quelques citations nous familiariseront vite avec la manière du peintre ; outre qu’elles sont agréables, elles sont nécessaires pour motiver notre jugement et pour associer le lecteur aux conclusions que nous allons tirer au fur et à mesure : « Onze heures.
Nous autres critiques, qui parlons des gens longtemps après leur mort, nous devrions bien nous mettre dans l’esprit qu’il n’y a qu’une manière de les retrouver avec quelque vraisemblance : c’est dans leurs livres d’abord et aussi dans le témoignage des contemporains dignes de foi. […] Collé restait trop exclusivement gaulois et ne souffrait point qu’on fît un pas en avant ; il abondait dans son sens et dans ses goûts : c’était une fin et un bout du monde qu’une telle manière d’être non renouvelée. […] Pour être un esprit chagrin, il faut éprouver, à l’aspect des choses qu’on désapprouve, une certaine tristesse qui se répand sur la manière dont on en parle ; autrement on est difficile, prévenu, satirique, moqueur, tout ce que vous voudrez ; mais chagrin, morose, point du tout. » 76. […] Il a écrit dans son Journal, à la date de janvier 1772 : « J’ai soixante-trois ans presque accomplis ; jusqu’ici je me porte assez bien, je ne désire point ma fin ; mais si des douleurs aiguës, continues et irrémédiables, s’emparaient de votre serviteur, la mort la plus prompte lui serait la plus agréable ; voilà mes sentiments… » Ce qu’il disait là assez lestement et par manière de souhait, il put bien y aider en effet douze ans plus tard dans son excès d’ennui et de tristesse.
Au premier abord, tout député du tiers-état qu’il était, il avait, selon la remarque de Montlosier, une attitude de grand seigneur et de grandes manières qui lui allaient fort bien et qu’il devait à la dignité de sa nature autant qu’aux hauts emplois qu’il avait exercés. […] Il se consacra tout entier à l’œuvre qui devait remplir la seconde moitié de sa vie, et que depuis la première édition (1770) il ne cessa de retravailler par lui-même ou par d’autres : singulière et périlleuse manière de l’améliorer. […] Malouet fit observer qu’en Angleterre, à la Chambre des communes, le plus grand ordre régnait, et que cela était dû à la souveraine autorité dont était investi le speaker qui avait pouvoir, si un membre causait du désordre, de lui imposer silence, par manière de punition pour deux mois ou pour tout autre laps de temps déterminé. […] Malouet avait été si positif et si affirmatif dans son assertion que je pensai que la manière la pins polie de le contredire était de répondre que je n’en avais jamais oui parler ; mais cette réponse ne servit qu’à donner à ce galant homme l’occasion de montrer sa supériorité sur moi : il se pouvait, dit-il, que je n’en eusse point entendu parler, mais le fait n’en était pas moins hors de doute. » — Si un Malouet est ainsi que sera-ce donc d’un fat ?
Il y intervint à sa manière, tard, mais à temps et d’une manière utile. […] On ne peut s’empêcher de rire en pensant à la manière dont il y fit son apparition. […] » Talleyrand et Royer-Collard affectaient tous deux, dans la manière de s’exprimer, la brièveté concise et la formule : tous deux étaient volontiers sentencieux ; ils avaient le mot qui grave.
Les Anglais ont une manière excellente de payer un dernier tribut à leurs grands ou à leurs aimables poètes : c’est de recueillir et de publier de chacun, au lendemain de sa mort, un choix de textes, de documents familiers, de lettres écrites ou reçues ; il en ressort une ressemblance vraie et définitive. […] N’ayant passé par aucune école ou conservatoire, elle n’avait rien de la manière ni des petites mines apprises, et se laissait aller simplement à sa nature fine et naïve. […] Bien peu de familles auraient eu, comme vous, cette manière élevée et noble de penser et de sentir, qui met la plus grande gloire d’une personne si chère, dans l’expression la plus intime de la vérité. — Vous et votre excellent fils, vous êtes pour moi, à cet égard, des modèles, et tels que je n’en ai pas rencontré deux fois dans ma carrière de critique littéraire et de biographe. […] Mlle Georges attire le public d’une manière étonnante.
Bertrand, à sa manière, tient d’eux, et jusque dans son romantisme il suit leur veine. […] Il ne nous parut pas tout à fait tel que lui-même s’est plu, dans son Gaspard de la Nuit, à se profiler par manière de caricature : « C’était un pauvre diable, nous dit-il de Gaspard, dont l’extérieur n’annonçait que misères et souffrances. […] Dans une lettre du 2 mai 1829, que nous avons sous les yeux, Charles Brugnot lui en faisait reproche d’une manière touchante, en le rappelant aux champêtres images du pays et en le provoquant à plus de confiance et d’abandon : « Vous avez beau faire, mon cher Bertrand, je ne puis m’accoutumer à vous laisser là-bas dans votre imprenable solitude. […] Nul exemple n’est capable de faire mieux saisir le côté quelque peu défectueux de l’école et de la manière que Bertrand adopta et poussa de plus en plus.
Le Mercure nous la montre plus au naturel, « parfaitement bien faite dans sa taille médiocre, avec un maintien noble et assuré, la tête et les épaules bien placées, les yeux pleins de feu, la bouche belle, le nez un peu aquilin, et beaucoup d’agrément dans l’air et les manières ; sans embonpoint, mais les joues assez pleines, avec des traits bien marqués pour exprimer la tristesse, la joie, la tendresse, la terreur et la pitié ». […] De tout temps, dans les divers arts et dans celui du comédien en particulier, il y a eu en présence les deux manières, la manière de l’école officielle (Conservatoire ou Académie) et celle des talents originaux ; la manière qui déclame ou qui chante, et celle qui dit.
L’impression de cette injure dut agir sur l’esprit précoce de Barnave enfant : on n’apprécie jamais mieux une injustice, une inégalité générale, que quand on en est atteint soi-même, ou dans les siens, d’une manière directe et personnelle. […] Barnave causa un instant avec la reine, mais, à ce qu’il me parut, d’une manière assez indifférente. […] Et ce ne fut pas seulement à la tribune qu’il devint désormais l’homme de la monarchie constitutionnelle ; il paraît certain que Barnave, après le retour de Varennes, accepta et entretint, d’une manière ou d’une autre, quelques liaisons avec la Cour, et qu’il donna plus ou moins directement des conseils. […] Barnave fut transféré des prisons du Dauphiné à Paris, en novembre 93 ; pendant le trajet, et prévoyant le terme prochain, il écrivait de Dijon à l’une de ses sœurs une lettre qui est comme le testament de cette âme grave, noble et stoïquement tendre : Je suis encore dans la jeunesse, écrivait-il, et cependant j’ai déjà connu, j’ai déjà éprouvé tous les biens et tous les maux dont se forme la vie humaine ; doué d’une imagination vive, j’ai cru longtemps aux chimères ; mais je m’en suis désabusé, et, au moment où je me vois près de quitter la vie, les seuls biens que je regrette sont l’amitié (personne plus que moi ne pouvait se flatter d’en goûter les douceurs), et la culture de l’esprit, dont l’habitude a souvent rempli mes journées d’une manière délicieuse.