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1176. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Les exagérations de la lutte religieuse, l’intervention des princes, les complications de la politique, y mêlèrent beaucoup de choses auxquelles Luther n’avait point pensé tout d’abord. […] Qu’on se figure que, trente ans avant l’apparition du livre de Calvin, il n’y avait en France, pour toute Bible, qu’une sorte d’interprétation grossière, où la glose était mêlée au texte, et faisait accorder la parole sacrée avec tous les abus de l’Église romaine.

1177. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Quand des brouillons tout-puissants, ivres d’avarice et d’orgueil, tombent détruits par leurs propres excès, alors leurs complices, leurs amis, leurs pareils, les foulent aux pieds ; et l’homme de bien, en applaudissant à leur chute, ne se mêle point à la foule qui les outrage. […] André Chénier, fidèle en ceci au goût antique, ne mêle point les genres.

1178. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

. — Notre plaisir mêlé d’un petit remords, d’avoir pu si peu donner d’argent, pour un si beau dessin, à de si pauvres gens ! […] Et jusqu’au comique qui se trouve mêlé au tragique, quand les restes de l’armée en guenilles s’affublent de turbans du théâtre de La Flèche, et qu’on se fait fusiller dans de vieux jupons.

1179. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Depuis la Révolution, les passions se mêlaient sans cesse aux doctrines, et il était presque impossible de séparer les écoles des partis. […] Homme des anciennes races, il se mêlait de trouver à redire à l’idole du siècle.

1180. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Ma sœur Eugénie Au front pâle et doux,        Chez nous, Bois pleins d’harmonie, Aux soupirs du vent        Souvent Mêlait sa romance Qui faisait pleuvoir        Le soir La douce abondance Des pleurs qu’au désert        On perd ! […] Quoique nous ayons aimé Guérin autant qu’âme d’homme puisse aimer âme d’homme, nous ne sommes pas digne de mêler nos larmes à celles de cette sœur mère, qui doit rester vierge jusque dans ses pleurs !

1181. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Avec ses dix-huit ans et couvé dans cette chaleur de religion, il va mêler sa piété à toute sa vie si brève de guerre. […] Au milieu du péril, ces jeunes êtres font leur déclaration d’amour à la lumière, à l’espace, au mouvement, à l’espérance ; mais ils préfèrent la France, et Jean Rival écrit à une jeune parente une lettre où le chant du départ, l’éternel chant de la vingtième année, se mêle et se subordonne au cantique de l’acceptation :‌ Je sens en moi une telle intensité de vie, un tel besoin d’aimer et d’être aimé, de me répandre, d’admirer, de respirer en plein air, que je ne peux croire que la mort puisse me toucher.

1182. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Imaginez un être incarnant un rêve énorme et constant, vivant une perpétuelle ivresse débordante ; non pas un rêve inconsistant et trop loin de la terre pour s’y mêler, mais un rêve modelé dans la chair et nourri du même sang, un rêve puissamment lié aux choses vitales, animé du souffle de la vie totale, « où grondent les sèves et s’élaborent les germinations splendides »40 et vous entreverrez le poète. […] C’est pour s’être mêlé à la vie tout entière, la plus humble, la plus diverse, pour l’avoir comme imprégnée d’une saveur nouvelle, tout en poursuivant, par-delà les formes actuelles, le désir le plus forcené d’une plus riche réalité de nous-mêmes, que cet Anglais, honni et méconnu de son temps, doit être considéré comme l’un des rénovateurs les plus puissants du sens de la vie.

1183. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Cette perception pure, en effet, qui serait comme un fragment détaché tel quel de la réalité, appartiendrait à un être qui ne mêlerait pas à la perception des autres corps celle de son corps, c’est-à-dire ses affections, ni à son intuition du moment actuel celle des autres moments, c’est-à-dire ses souvenirs. […] Et les sensations, bien loin d’être les matériaux avec lesquels l’image se fabrique, apparaîtront au contraire alors comme l’impureté qui s’y mêle, étant ce que nous projetons de notre corps dans tous les autres.

1184. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Ses hymnes à Jupiter, ses paeans ou hymnes à Apollon et à Diane, ses dithyrambes, ses hymnes à Cérès et au dieu Pan, ses prosodies ou chants de procession, ses enthronismes ou chants d’inauguration sacerdotale, ses hymnes pour les vierges, ses hyporchèmes ou chants mêlés aux danses religieuses, ses élégies funèbres, toute sa liturgie poétique enfin s’est perdue dès longtemps, sans doute dans la ruine même de l’ancien culte ; et il ne s’en est conservé que d’imperceptibles fragments. […] Montesquieu, qui, dans ses saillies de critique et de goût, mêlées aux libres peintures des Lettres persanes, traitait assez légèrement la poésie lyrique et la nommait une harmonieuse extravagance, emprunte cependant à Pindare une définition de la loi, qu’il place dans le début de son grand ouvrage.

1185. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

À cette expression de la paix et de l’allégresse des âmes, à cette sérénité naïve qui va si bien aux accents de la poésie chantante, le Psalmiste mêle souvent une élévation paisible qui nous rappelle ce que la Grèce a montré, ce qu’elle a aimé et ce qu’elle désigne par ce nom d’Olympien réservé pour un de ses orateurs : le calme dans la force, la majesté imposante avec grâce. […] Cette forme vraiment magnifique de l’ode n’a dû, chez les Hébreux eux-mêmes, atteindre à toute sa hauteur que lorsqu’elle se mêlait à une cérémonie sainte dont elle était la voix ; comme, par exemple, sous David, dans la translation de l’arche sainte au sommet de la montagne de Sion, entre les pompes d’un concert triomphal où tout Israël était associé.

1186. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

Mme la maréchale s’en est mêlée ; mais elle a mieux aimé gronder la mère que faciliter les noces par payer la dot, ce qui n’est pas de sa magnificence ordinaire.

1187. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Dans cette mêlée injurieuse des temps, combien est-il de ces anciens poëtes, Panyasis que les critiques plaçaient très-haut à la suite d’Homère, Varius qu’on ne séparait pas de Virgile, Philétas que Théocrite désespérait jamais d’égaler, Euphorion avec son Gallus, combien, et des meilleurs et des plus charmants, qui ont ainsi succombé sans retour, et n’ont laissé qu’un nom que les érudits seuls remuent encore parfois aujourd’hui !

1188. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

» Pour mêler quelques critiques aux éloges qui sont dus à M. 

1189. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Mais cette espèce de travail minutieux et attentif de physiologie sociale, qui consisterait à chercher, même à travers les moindres rameaux, la circulation souvent insaisissable de chaque idée, à démontrer le cours de ce chyle subtil et nutritif jusqu’à son arrivée à un système de vaisseaux évident, à y mesurer la proportion dans laquelle il s’y mêle avec les éléments antérieurs et moins virtuels, ce travail-là, qui serait, en ce qui concerne le xviiie  siècle, le sujet de plusieurs beaux mémoires à faire, n’entrait pas dans le dessein de M. 

1190. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Cette fois les promesses de la doctrine perfectionnée étaient plus attrayantes que jamais ; l’inspiration religieuse s’y était mêlée à l’industrie et à la science, pour les unir et les féconder.

1191. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

C’est vraiment le voyage en zigzag ; tout se mêle, s’entre-croise : on ne fait que sauter de droite et de gauche.

1192. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

J’étais conquis à Maupassant ; je lus ce qui avait paru de lui à cette époque, et je l’admirai d’autant plus que je lui devais une réparation et qu’un peu de remords se mêlait à cette sympathie soudaine — et forcée.

1193. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

On ne peut disconvenir que les talents mêlés, qui se laissent aller à leur naturelle abondance, n’aient d’ordinaire plus de variété, plus de grâce et de charme ; mais on ne peut douter que les talents distincts ou qui savent se concentrer, ont plus de caractère, de vigueur et d’essor.

1194. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Ils nuisent à la société, non-seulement en leur qualité de méchans, mais en empêchant les bons d’être aussi bons qu’ils le souhaiteraient, en forçant ceux-ci de mêler à leur bonté une prudence qui en gêne et qui en restreint l’usage ; et c’est ce qui a fait enfin qu’un recueil d’apologues doit presqu’autant contenir de leçons de sagesse que de préceptes de morale.

1195. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Je ne sens rien là de ces ténèbres visibles avec lesquelles la lumière se mêle et qu’elle rend presque lumineuses.

1196. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Platon après avoir dit que les poëtes qui vouloient composer des tragedies et des comedies n’y réussissoient pas également, ajoute : que le genre tragique et le genre comique demandent chacun un tour d’esprit particulier, et il allegue même : que les acteurs qui déclament les tragedies ne sont pas les mêmes que ceux qui recitent les comedies. on voit par plusieurs autres passages des écrivains de l’antiquité, que la profession de joüer des tragedies et celle de joüer des comedies, étoient deux professions distinctes, et qu’il étoit rare que le même homme se mêlât de toutes les deux.

1197. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

Le mal n’est point — comme le dit ce prudent de Lescure un peu à la légère — d’être un satirique, d’avoir suivi cette vocation terrible qui ne rapporte que des douleurs à ceux qui l’ont, d’avoir touché à cette arme « sur laquelle on mêle son sang à celui de la victime », mais d’avoir été un satirique à froid, sans sincérité profonde, esclave des autres, et ne s’appartenant pas, à soi !

1198. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Mais ce fut une idée de Cormenin vieillissant, retiré de la mêlée, pensant à sa gloire qu’il voulait peut-être justifier, que ces portraits, publiés isolément d’abord, et qu’il tenta de relier entre eux par des idées intermédiaires et de ranger sur un fond de théories comme sur un lambris.

1199. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

La chair de l’homme dont la substance est dévorée par les maladies qui la mènent à la mort et la chair du Verbe prise par lui, le Verbe, dans des entrailles immaculées et dont la substance immortelle doit braver la mort et donner ici-bas un témoignage de puissance et de toute-puissance, par le fait éclatant de la résurrection, ces deux contraires, du tout au tout, sont mêlés par M. 

1200. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Pour le trahir, en effet, il aurait fallu que Roger de Beauvoir eût essayé, sans réussir, de maintenir sa voix dans le ton de la dernière strophe de sa préface, et que le masque de Scarron dont il parle eût dévoré les pleurs sincères qui auraient coulé derrière son rire ou à travers ; et c’est là justement ce qui n’est pas dans ce volume, où si peu de chose d’aujourd’hui se mêle à tant de choses d’autrefois !

1201. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Il est poète, ce n’est pas douteux, et nous le prouverons tout à l’heure, mais à son inspiration, parfois très énergiquement personnelle, se mêle aussi parfois l’alliage fatal des réminiscences involontaires.

1202. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Sceptique comme lord Byron, — et c’est peut-être sa plus profonde ressemblance avec le grand poète qui accable toute comparaison, — sceptique comme Alfred de Musset et comme tous les enfants d’un siècle qui, du moins, avait sauvé du naufrage de son ancien spiritualisme l’honneur d’être sceptique encore, mais qui a fini par étouffer jusqu’au dernier éclair tremblant du scepticisme dans son âme, morte maintenant, morte toute entière sous l’athéisme contemporain, le douloureux inquiet de La Vie inquiète, qui, fût-il heureux, a de ces pressentiments et de ces incertitudes : Peut-être vous cachez sous votre pur sourire Des pleurs que j’essuirai des lèvres quelque jour… mêle à tous les sentiments qu’il exprime ce scepticisme qui ne va à Dieu, dont on doute, que pour retomber à la créature dont on va douter ; car le scepticisme est la plus cruelle des anxiétés de la vie, c’est la plus formidable inquiétude, pour une âme ardente, qui puisse dévorer l’esprit et le cœur !

1203. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

La débauche y est mêlée de je ne sais quoi de candide qui la rend intéressante et qui est fait pour toucher non seulement les natures complaisantes au vice, mais les âmes pieuses et saintes, comme celles qui, du vivant d’Alfred de Musset, mettaient le nom du poète des Nuits dans leurs prières et demandaient à Dieu sa conversion. […] Il est assez difficile de le caractériser d’un mot, car son talent a bien des contrastes : il est naturel et affecté, délicat et trivial, tendre et rude ; la simplicité et la recherche, l’inspiration et le pastiche se mêlent chez lui dans une égale mesure. […] Il est fort bon, quoi qu’en dise l’école du pittoresque impassible, qu’un sentiment humain se mêle aux descriptions de la nature. […] Un nid, où les petits sont sans duvet encore, Jette en vain sous leurs pas son salut à l’aurore ; Les oiseaux dans la mort vont rejoindre les fleurs : Un peu de sang se mêle à la rosée en pleurs. […] L’âme, mêlée à l’éther sans bornes, était partie vers les dieux !

1204. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

ou éparpillée au hasard des créations nouvelles, mêlée aux germes près d’éclore ! […] M. d’Alaly, stupéfait de cette douceur inaccoutumée, la regarde avec un attendrissement mêlé d’appréhension.) […] Un air d’ennui était mêlé à toutes ses attitudes et lui donnait une sorte de nonchalance qui sollicitait. […] Un groupe compact remuait, et c’étaient des exclamations mêlées de jurons, quelque chose comme une lutte violente. […] Les cèdres se mêlaient sous l’onde aux goémons ; La vague fouillait l’antre où la bête se vautre.

1205. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Encore un peu mêlés ensemble dans l’Ecole florentine, les deux genres se séparent et se distinguent dans l’École vénitienne. […] Défauts et qualités, mêlés et compensés, je ne sache pas dans l’histoire de notre littérature, je n’y trouve point de modèle plus complet, plus original et plus ressemblant de l’esprit bourgeois. […] Parce qu’il n’est pas naturel qu’on mêle Dieu, de sa personne, aux affaires des hommes — et à quelles affaires souvent, comme dans la Jérusalem du Tasse ! […] Autre innovation, presque plus considérable : pour la première fois l’histoire, générale et particulière, et la biographie des hommes se mêlaient, pour l’éclairer, pour l’animer, pour la vivifier, à l’analyse et à l’explication des œuvres. […] L’œuvre et l’homme, dans ses leçons, ne sont pas encore assez mêlés l’un à l’autre, et le choix des particularités n’y semble pas tant procéder du besoin de connaître que du désir de plaire.

1206. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

» Elle crut que je mêlais Quelque fraude à ce prodige. […] Jean Aicard, qui aime frénétiquement son pays natal, ainsi que tous ses compatriotes, le mêle sans cesse à l’action du drame, éveillant entre chaque ligne un chant de cigales, et balançant ses phrases au souffle des brises marines. […] Il y mêlait de criminelles audaces. […] Et leur chanson se mêle au clair de lune. […] Peut-être nous donnera-t-il des ouvrages qui contiendront, harmonieusement mêlés, l’action et le rêve.

1207. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

On me pardonnera de mêler à ces notes décousues et tremblantes des souvenirs tout personnels. […] … Ils sont bien différents de ceux qui les ont précédés… Au moins, ils se mêlent à la vie, ceux-là ! […] Toute son œuvre, si étrangement suggestive, si claire et si blanche, est faite de cette joie et de cette terreur mêlées. […] Albert Guillaume se mêle… M.  […] La Mêlée sociale.

1208. (1900) La culture des idées

S’il n’y avait pas deux littératures et deux provinces, il faudrait égorger immédiatement presque tous les écrivains français ; cela serait une besogne bien malpropre et de laquelle, pour ma part, je rougirais de me mêler. […] Il y a donc un subconscient qui n’est pas spontané, qui vient se mêler au conscient quand la volonté en a besoin, mais qui, peu à peu, au cours d’un travail, se substitue à la volonté. […] Ce qui peut s’y mêler de sensualisme tient à la disposition même du corps humain et à la loi de dépendance des organes ; on ne doit donc pas en tenir compte dans une étude qui n’est pas physiologique. […] La charité qui limite et qui choisit est cruelle et dérisoire ; si l’on y mêle la notion du devoir, elle s’ironise encore et s’aggrave, et se déshonorerait, si c’était possible. […] Tout le monde connaît les vers de Baudelaire contre ceux qui veulent « aux choses de l’amour mêler l’honnêteté ».

1209. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Il apporte un témoignage sur des événements auxquels il a été mêlé, quand l’heure du repos a sonné pour lui. […] Il fait aimer aussi cet art tout mêlé de science, dont la mâle et généreuse discipline façonne et maintient de tels hommes. […] À cette aberration de notre prolétariat — et pas de lui seulement, puisque les fonctionnaires et les employés s’en mêlent, — on a cherché bien des motifs. […] Les mères interviennent : « De quoi qu’al se mêle, c’te grande bourrique ? […] Il voulait que l’on se contentât de les subdiviser, sans les mêler.

1210. (1913) Poètes et critiques

— Il s’y mêle des cris, comme des cris de fête. […] Il est permis de s’en réjouir sans réserve ; il est permis également, en songeant aux projets ajournés, de mêler au sentiment de gratitude une nuance de regret. […] Qui mieux que lui nous eût expliqué le danger que font courir à l’histoire littéraire les philosophes qui se mêlent de l’écrire ? […] Victor Giraud : car quelques éléments, propres à détourner, à pervertir la pure tradition du sentiment chrétien, s’y joignent et s’y mêlent. […] Le seul fait de s’être mêlé, si peu que ce fût, au groupe des publicistes de la Commune avait mis Verlaine en fâcheuse posture auprès du libraire Lemerre et des auteurs accrédités « au passage Choiseul ».

1211. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Ce nouveau cortège se mêle au cortège ancien, et quel commentaire poignant ajoute le témoin de cette scène si intensément symbolique ! […] J’en citerai un cas bien humble où je me trouve encore mêlé. […] Sa noblesse, pourtant toute mêlée à des affaires de banque et par conséquent si voisine des bourgeois, excite l’envie de ceux-ci qui s’unissent au peuple pour la renverser. […] La classe la plus abondante, semble-t-il, est celle des souvenirs écrits par des personnages mêlés à d’importants événements et qui survivent à leur œuvre. De tels documents ont une grande valeur quand ils émanent d’un homme mêlé à de grands événements ; leur défaut est de tourner aussitôt au plaidoyer.

1212. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Il convient seulement, par ce crayon, d’esquisser de sa physionomie les traits extérieurs qui la révélaient à autrui ; traits extérieurs qui chez tout homme d’intérieur un peu complexe, sont à la fois, mêlées d’indiscernable manière, l’expression et la dissimulation de ce qu’il est. […] Mon crime c’est d’avoir gai de vaincre ces peurs Traîtresses, divisé la touffe échevelée De baisers que les dieux gardaient si bien mêlée. […] Avec cette recherche de l’absolu concordent et se mêlent les pentes que j’ai essayé de discerner jusqu’ici. […] Ces pressentiments tourmentés d’absolu se mêlent bien dans une certaine mesure à sa poésie, mais surtout ils lui font des entours, une atmosphère, un rêve. […] Toujours y circulent et s’y mêlent, d’un vers à l’autre, des visions et de la musique ; des images, comme des danseuses sous un jeu de lumière, tournent d’un sens à un sens, s’échappent du toucher vers le monde visuel et sonore en retenant sur elles la caresse prolongée des mains.

1213. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Or, l’imagination mêle aussi je ne sais quoi de surnaturel et de mystique à l’aspiration de l’écrivain vers l’immortalité littéraire. […] s’écrie Diderot, auteur lui-même inégal et mêlé s’il en fut, mais critique d’une admirable sensibilité, ah ! […] Les historiens et les philosophes sont, par définition, trop en dehors de l’art proprement dit pour qu’il paraisse convenable, au premier abord, de les mêler à cette question toute littéraire du succès conditionné par le volume de l’oeuvre. […] Qu’on agite le vate, on parviendra aisément à mêler les liqueurs ; qu’on le laisse reposer, elles reprendront toutes, lentement et d’elles-mêmes, l’ordre que leurs pesanteurs et leur nature leur assignent45. […] Lemercier, dans Pinto, mêlait le tragique et le comique ; il eut, en 1809, avec Christophe Colomb, sa bataille d’Hernani.

1214. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Ils se mêlent aux passions, aux désirs, aux appétits et aux pensées quotidiens de la partie la plus jeune, la plus vivace et la plus ardente de la nation. […] Le Napoléonisme (qui n’est pas du tout le Bonapartisme et qui n’est mêlé d’aucune préoccupation politique) fut à la mode, vous savez à quel point, et y est encore. […] Je ne dis pas qu’il ne se soit mêlé, chez cet homme de tant d’esprit, un peu de malice à cette humilité vraie. […] On trahit un romancier ou un dramatiste quand on le juge sur des idées qu’on lui suppose, et même quand on le juge sur les idées qu’il mêle réellement à sa fiction. […] André Chénier était à moitié Grec et venait chez nous chanter en français ; M. de Heredia est de sang espagnol, mêlé de sang français.

1215. (1876) Romanciers contemporains

Ce n’est que vers la fin de l’ouvrage que celui-ci, après avoir traversé plusieurs fois la pittoresque Auvergne, mêle à sa narration quelques croquis, discrets. […] Sandeau, quelque profit, mêlé d’agrément, que l’on retire du commerce de cet écrivain tour à tour énergique, délicat et fin, d’autres études sollicitent notre attention. […] About : la satire mêlée au récit. […] C’est que là il a aimé d’un amour qu’il a fallu vaincre quand il est parti pour se jeter dans la mêlée. […] Dans la république fort aristocratique des lettres, les suffrages innombrables de certaines foules grossières ne peuvent se mêler aux avis choisis de quelques censitaires délicats.

1216. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Des formes confuses, des images insaisissables glissaient dans mon âme en y excitant des sentiments où se mêlaient la compassion sur moi-même, les regrets, la désespérance et la résignation. […] Elle ne se mêlait de rien, recevait cordialement ses hôtes, et aimait assez à sortir, quoique l’obligation de mettre de la poudre fît son désespoir. […] Son instituteur, l’ancien abbé, l’encyclopédiste, s’était borné à verser en bloc sur son élève toute la science du dix-huitième siècle. — Ivan vivait ainsi, tout pénétré de cet esprit, qui restait en lui sans se mêler à son sang, sans pénétrer dans son âme, sans produire de fortes convictions… Après tout, quelles convictions pouvons-nous exiger d’un jeune homme qui vivait il y a cinquante ans, quand, aujourd’hui encore, nous ne sommes pas arrivés à en avoir ? […] Lavretzky se tenait la tête découverte et le sourire aux lèvres ; un vent léger se jouait dans ses cheveux et les mêlait aux rubans du chapeau de Lise. […] Les heures du déjeuner, du dîner, du souper, s’étaient mêlées et confondues ; un ordre de choses extraordinaire s’était établi, suivant l’expression des voisins.

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