Du Camp parle un langage qui n’est plus celui de Flaubert ; il parle le langage du siècle à un homme qui s’est retiré au cloître et qui s’attache d’un élan furieux à la solitude. […] C’est dans le langage même des mystiques que Flaubert exprime, de la façon la plus sincère et la plus directe, la ligne, le mouvement, le sens de son travail. […] On a l’habitude de considérer Homais et Bournisien comme deux pendants, comme un bilingue de la bêtise humaine, l’un en langage religieux, l’autre en langage de la libre pensée. […] Le langage courant tend à le localiser — un peu étroitement — parmi les voyageurs de commerce. […] Les italiques indiquent qu’ils ne font pas partie du langage de l’auteur, mais donnent des exemples du langage par clichés qui appartient naturellement aux habitants d’Yonville.
Mais parler d’un centenaire de la philosophie moderne, du positivisme ou du socialisme, serait un assez étrange langage. […] Ces chapitres, la musique en offre sans doute, s’il m’est permis d’emprunter ce scolastique langage, l’objet « matériel ». […] Il est vrai que cette rêverie s’exprime dans un langage d’une singulière nudité, et c’est ce qui a pu faire croire à Faguet qu’il s’agissait d’un carnet de comptes. […] Les poètes de génie, ces x sapeurs, comme disait George Sand dans un langage ridicule mais significatif, de l’ambulante phalange humaine », avaient contracté une immense responsabilité, étrangère à leurs prédécesseurs. […] Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre le professeur refaire les récits de ma bonne femme dans un langage sobre et châtié, qui m’était moins agréable que son vocero coupé de dolentes exclamations !
C’est là ce que le langage catholique appelle énergiquement la Folie de la Croix. […] Il profane le langage humain — le langage que Dieu a parlé ! […] Je ne m’accuse ni ne m’excuse de l’amertume de mon langage. […] — Probablement, ici, ville bien administrée (horrible langage), la mendicité est interdite. […] Le langage moderne, ce Bas-Empire de notre décadence intellectuelle, a trouvé le moyen de faire du mot mysticisme une injure.
Or c’était justement contre ceux-là que s’exerçait la verve des écrivains à la mode, presque tous groupés dans un journal célèbre où se sont continuées les traditions de beau langage et de supériorité littéraire avec un peu moins de dévouement et de ferveur au service de la vérité. […] Mais qui ignore les emportements, les défis par lesquels ces natures orageuses signalent leurs ruptures mêlant à leur langage, à leurs manières d’autrefois, les manières et le langage de leur situation nouvelle, à peu près comme ces exilés qui se hâtent de parler la langue de leur nouvelle patrie, et qui même en forcent l’accent, de peur d’être reconnus pour des étrangers ? […] Toutes les délimitations des provinces, coutumes, costumes, physionomies, langage, s’effaçaient avec ces institutions provinciales et municipales qui en étaient la sève et la vie. […] S’il était permis d’appliquer le langage des chiffres à ces douloureux souvenirs, nous dirions que l’impiété du dernier siècle était l’intérêt accumulé de deux cents ans d’esprit d’examen, réprimé ou envenimé, dans la patrie de Rabelais, qui allait être celle de Voltaire. […] Il a parlé à une génération désabusée et fatiguée un noble langage.
Si l’on veut une idée juste d’une pareille figure, qu’on lise les diatribes d’Alfieri contre la France, son langage, ses mœurs, ses habitants ; les imprécations de Corneille contre Rome, celle de Dante, de Pétrarque, et de presque tous les poètes italiens contre leur propre patrie, celles même de lord Byron contre quelques-uns de ses compatriotes ; qu’on lise enfin tous les satiriques de tous les siècles, depuis Juvénal jusqu’à Gilbert. […] Milton, le Dante, le Tasse, sont dans le même cas : toute fiction a été de tout temps permise aux poètes, et aucun siècle, aucune nation ne leur a imputé à crime un langage conforme à leur fiction. […] L’auteur et le héros ont deux langages très opposés, etc. » (Préface de la première édition d’Harold.)
Ses manières et son langage ne rachètent pas ces fâcheux antécédents. […] On ne se pique plus de ménagements ni de beau langage. […] Le drame n’ose pas s’abaisser à la vie et au langage de tous les jours ; il reste historique et empanaché ; il parle en vers ; ses héros sont des grands de la terre ou des hommes à passions et à destinées extraordinaires, toujours des êtres d’exception ; la basse condition d’un Ruy Blas ou d’un Didier est voilée d’un manteau tissé d’images éclatantes.
Comme malgré les plus cruelles mutilations la pensée d’un ancien ne se laisse pas aisément ramener aux dogmes du catéchisme, comme malgré les plus adroites interprétations il est difficile de répéter le tour de force de cet oratorien150 qui retrouvait la Bible dans Homère, on en arrive peu à peu à vider l’œuvre qu’on étudie de son contenu d’idées, à concentrer l’attention des élèves sur les élégances de style, sur les beautés du langage, sur les figures et sur les mots. […] Seulement il est fils d’une Grecque et né à Constantinople ; il aime d’un amour quasi filial Ce langage sonore aux douceurs souveraines, Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines. […] Compayré à ce propos émet cette conjecture fort plausible : « C’est peut-être aux habitudes scolaires contractées dans des collèges où Aphtonius régnait en maître avec sa réglementation formaliste, avec son machinisme oratoire, qu’on doit attribuer en partie la régularité qui distingue la littérature du xviie siècle. » Il est bien certain, en tout cas, que les traductions pomponnées qu’on appelait alors « les belles infidèles » concordent avec cette rhétorique à l’ancienne mode ; et qu’au contraire le souci de minutieuse exactitude, qui a primé et parfois remplacé celui du beau langage chez les maîtres épris, après la guerre de 1870, des mérites de l’érudition germanique, a maintes fois alourdi la prose française, encombré nos livres d’histoire d’un fouillis de notes parasites, ennuagé la philosophie d’un jargon apocalyptique, hérissé même des œuvres à prétentions littéraires d’une broussaille de termes épineux.
Dans l’homme Autrichien, toute trace du Protestantisme Allemand avait été effacée ; instruit à l’école des Jésuites Romains, il avait, même, perdu le juste accent de son langage national, qu’il prononçait, maintenant, comme les noms classiques du Monde Ancien, avec une Italianisation fort peu allemande. […] Fantin-Latour a voulu nous donner, en langage plastique l’émotion de la scène, et il nous l’a donnée. […] Il cite les noms de Degas, Redon, Moreau et bien sûr, Fantin-Latour (1836-1904) qui recherchait une équivalence picturale au langage musical, ce qui le mène à préférer le vague et l’éthéré, équivalent de l’ineffable musique.
Nous aimerions mieux rêver, imaginer et croire que l’homme fut plus doué et plus accompli dans sa jeunesse que dans sa caducité ; nous aimerions mieux rêver, imaginer et croire que l’homme, encore tout chaud sorti de la main de Dieu d’où il venait de tomber, encore tout imprégné des rayons de son aurore, instruit par la révélation de ses instincts intellectuels, pourvu d’une science innée plus nécessaire et plus vaste, d’un langage plus expressif du vrai sens des choses, vivait dans la plénitude de vie, de beauté, de vertu, de bonheur, Apollon de la nature devant lequel toute autre créature s’inclinait d’admiration et d’amour. […] Je n’oublierai jamais ce regard auquel l’étonnement, la douleur, la mort inattendue semblaient donner des profondeurs humaines de sentiment, aussi intelligibles que des paroles ; car l’œil a son langage, surtout quand il s’éteint. […] » Y a-t-il rien dans ce langage et dans ces doctrines théologiques et morales, datant de quatre mille six cents ans, qui atteste la prétendue barbarie et la grossière superstition que certains philosophes ont besoin d’attribuer au vieux monde pour motiver leur orgueilleux système ?
une voix enfin qui ne parle ni au nom de l’opinion, chose fugitive ; ni au nom de la philosophie, chose discutable ; ni au nom de la patrie, chose locale ; ni au nom de la souveraineté du prince, chose temporelle ; ni au nom de l’orateur lui-même, chose transformée ; mais au nom de Dieu, autorité de langage qui n’a rien d’égal sur la terre, et contre laquelle le moindre murmure est impiété et la moindre protestation blasphème ! […] Il était dans la nature que ces foules convoquées dans les temples, au pied de ces tribunes, y prissent l’habitude d’un certain discernement des choses d’esprit ; qu’un orateur leur parût supérieur à un autre ; qu’un langage leur fût fastidieux, un autre langage sympathique ; qu’elles s’entretinssent en sortant du temple des impressions qu’elles avaient reçues ; que leur intelligence et leur oreille se façonnassent insensiblement à la langue, aux idées, à l’art de ces harangues sacrées, et qu’entrées sans lettres dans ces portiques de la philosophie des prédicateurs chrétiens, elles n’en sortissent pas illettrées.
Mais c’est de l’histoire amplifiée, de l’histoire « héroïsée », si l’on risquer ce barbarisme ; et, à la faveur de cette amplification, qui n’est qu’un effort du poète pour égaler son langage à la grandeur des événements qu’il chante, s’insinue déjà dans l’histoire un commencement d’exagération, et bientôt un élément merveilleux ou fabuleux. […] Le Roman de la Rose. — On en saisit mieux le rapport avec les genres qui les ont précédées, et entre elles. — En observant qu’elles sont toutes, ou à peu près, du même temps, on s’aperçoit que l’« allégorie » caractérise toute une « époque » de la littérature du Moyen Âge ; — et on est conduit à chercher les raisons de ce goût pour l’allégorie. — Il s’en trouve de sociales, comme le danger qu’on pouvait courir à « satiriser » ouvertement un plus puissant que soi ; — mais il y en a surtout de littéraires, qui se tirent — du peu d’étendue de l’observation « directe » de la réalité au Moyen Âge ; — du peu d’aptitude de la langue à exprimer les idées générales sans l’intermédiaire d’une personnification matérielle ; — et de la tendance des « beaux esprits » de tout temps à parler un langage qui ne soit pas entendu de tout le monde. […] Le Roman de Jean de Meung ; — et que le poète n’a vu lui-même dans cette partie de son œuvre qu’une saillie de jeunesse ; — dont la signification n’est ainsi que plus caractéristique. — En respectant la fiction et le cadre de Guillaume de Lorris, Jean de Meung y introduit des intentions marquées de « satire sociale » et de « philosophie naturelle » ; — dont les premières le rapprochent des auteurs des « branches » additionnelles du Roman de Renart ; — avec lesquels il a encore de commun la violence de son langage, — et la licence de ses discours. — Ses intentions de « philosophie naturelle » semblent lui être plus personnelles ; — quoique d’ailleurs on puisse les rapprocher de la philosophie, très inconsciente, à la vérité, des auteurs de nos fabliaux.
Ceux qui ne le connaissent pas croiront, en le lisant, que la haine en a tracé les traits ; mais ceux qui le connaissent sentiront-à chaque mot que c’est la vérité : cette même vérité me va faire dire le bien qui est en lui. » En conséquence il lui reconnaît de l’esprit et même beaucoup, de la politesse de langage, de la pénétration, une plaisanterie vive et légère ; mais les traits généraux subsistent, et la physionomie dans son ensemble n’admet rien qui en puisse adoucir l’odieux. […] Lassay est bien, en littérature et en langage, de l’ordre et du niveau du cardinal de Fleury ; c’est la fin prolongée et affaiblie, mais aimable encore et élégante, de Louis XIV.
Écoutons un témoin fidèle, l’institutrice de l’endroit, dans son langage le plus simple : « Quoique ne se plaignant jamais, M. l’abbé s’est trouvé souvent dans le besoin ; je lui ai, de mes épargnes, acheté par trois fois une soutane, et je connais un monsieur qui lui a acheté souliers et chapeau. […] Elle innove, en ce que le conjoint auteur ou, pour parler un langage plus commode, le mari auteur qui, dans l’état de la législation antérieure, ne pouvait, par donation ou testament, enlever à la femme la survivance des droits, le pourra aujourd’hui.
Mêlés aux plaisirs, aux affaires, aux intrigues de leur temps, ils ont vécu de la vie la plus remplie, la plus animée et agitée, ils y ont développé et aiguisé leur esprit, leur goût ; et, lorsque ensuite ils ont pris la plume, leur langage y a gagné. […] Mais la manière de dire qui consiste à appeler tout cela d’emblée et de prime abord un trafic et un commerce n’en est pas moins désobligeante, odieuse, et Saint-Évremond n’avait pas si tort de ne pas vouloir se reconnaître à ce langage.
Cette parcelle ignée en effet, cet esprit pur qui, à peine éclos, se loge dans une bulle hermétique de cristal que la reine Mab a soufflée, c’est toute sa chanson, c’en est le miroir en raccourci, la brillante monade, s’il est permis de parler ce langage philosophique dans l’explication d’un acte de l’âme, qui certes ne le cède à aucun en profondeur. […] Enfant gâté du dessert, on lui passait ses crudités, ses goguettes de langage, mille familiarités sans conséquence, à titre de chanson ; dès qu’on l’admirait, c’était d’un visage tout d’un coup sérieux, à titre d’ode.
Par sa naissance, par son éducation et sa première vie dans une province la plus fidèle de toutes à la tradition et à l’ordre ancien, par le genre de ses relations ecclésiastiques et royalistes dans le monde lorsqu’il s’y lança, par la nature de son scepticisme lorsqu’il fut atteint de ce mal, par la forme soumise et régulière de son retour à la foi, par tout ce qui constitue enfin les mœurs, l’habitude pratique, l’union de la personne et de la pensée, l’allure intérieure ou apparente, la qualité saine du langage et l’accent même de la voix, M. de La Mennais, à aucune époque, n’a trempé dans le siècle récent, ne s’y est fondu en aucun point ; il a demeuré jusqu’en ses écarts sur des portions plus éloignées du centre et moins entamées ; dans toute sa période de formation et de jeunesse pieuse ou rebelle, il a fait le grand tour, pour ainsi dire, de notre Babylone éphémère, et si plus tard il est entré dans l’enceinte, ç’a été avec un cri d’assaut, muni d’armes sacrées, se hâtant aux régions d’avenir et perçant ce qui s’offrait à l’encontre au fil de son inflexible esprit. […] Mais ayant en face de lui un pouvoir temporel qui se disait à tout propos très-chrétien, et un parti libéral, révolutionnaire, à qui il supposait au contraire des intentions très-antichrétiennes, il n’eut d’autre marche à suivre que d’opposer d’un côté aux champions de la souveraineté du peuple quand même la souveraineté de l’ordre d’esprit et de justice, et, d’un autre côté, de parler aux défenseurs soi-disant chrétiens de l’obéissance passive le langage catholique sur l’admissibilité des pouvoirs et la suprématie d’une seule loi.
On a de lui une préface2, où il se prononce en défenseur de la langue vulgaire sans mélange de mots étrangers : on y sent, à quelques traits contre ceux qui forgent un langage tout nouveau, le contemporain sévère de Rabelais et de Ronsard. […] Un langage qui émousse l’individualité, et toutes ces formes trop fréquentes, répudier l’utilité immédiate, abdiquer la rigueur des principes, etc., etc.
. — En langage physiologique, l’équilibre qui règne pendant la veille, entre les nerfs et les centres sensitifs d’un côté et les hémisphères de l’autre, est rompu au profit des hémisphères ; ils fonctionnent seuls et d’une façon prépondérante. En langage psychologique, le balancement qui règne pendant la veille entre les sensations et les images est rompu au profit des images ; elles acquièrent tout leur développement et toutes leurs suites ; elles deviennent intenses, précises, aboutissent à des jugements affirmatifs, provoquent le même travail mental que les sensations, et donnent lieu à des hallucinations.
Ils faussaient et corrompaient la nature, qui veut que l’intelligence tende au vrai, et que le langage soit le signe de l’idée : ils faisaient un jeu capricieux de la pensée et de la parole, et ne s’occupaient qu’à surprendre et briller. […] On néglige comme indifférentes toutes les variations de l’esprit humain ; et depuis le costume jusqu’aux lois, depuis les formes de langage jusqu’aux façons de sentir, tout ce qui est localisé dans le temps et dans l’espace, particulier à une race, à un groupe d’individus ou à un individu, tout cela est compté comme non avenu.
Et voici l’histoire qu’il avait entrepris de conter, tournée en langage moderne : l’amant, en son jeune âge, suivant la pente de sa vie oisive et libre, rencontre la dame jeune et belle, dont il s’éprend. […] Et notre poète a le droit en vérité d’ouvrir le ciel à ceux qui vécurent en ce monde selon son commandement : malgré le cynisme de son langage et parfois de ses idées, il prêche une haute et sévère morale ; il a su tirer toutes les vertus de son naturalisme.
Et le langage que parlent tous ces hommes graves n’est pas non plus celui des laïques. […] Dans l’admirable conversation de l’évêque Jourfier avec le cardinal Finella (Balzac eût certainement signé ces pages), le subtil cardinal a une réflexion qui éclaire jusqu’au fond le caractère de « Lucifer » et toute cette histoire d’un prêtre qui n’est qu’un honnête homme : Le ton de votre langage m’épouvante, et c’est, moins par sa vivacité, hors de toute mesure, que par un tour trop direct où, passez-moi une expression hasardée, ne sonne pas assez l’âme ecclésiastique.
Dans les derniers, l’ingénieux va se raffinant de plus en plus, et l’écrivain ne paraît guère viser qu’au succès du joli académique, par toutes ces petites fleurs de langage que fait applaudir à un auditoire de cérémonie, venu pour le plus sérieux des divertissements, un orateur qui s’évertue à prouver qu’il a de l’esprit. […] Rousseau, et il en exagère le langage déclamatoire.
En même temps, dans la vie privée, elles sautent sans hésiter par-dessus les barrières accoutumées ; elles courent les rues et les grandes routes en masque, en habits de cavalier ; elles se moquent de leurs maris et du mariage ; elles ont des toilettes tapageuses, un langage gaillard, des manières hardies, des passions débridées ; on en voit qui se battent, boivent et sacrent comme des soudards. […] Je crois pourtant nécessaire de ne point passer outre sans ajouter qu’elle développe chez ceux qui s’y complaisent le goût d’une certaine simplicité de manières et de langage, la propension au ton moral et aux vertus bourgeoises, l’habitude d’exprimer ses sentiments intimes sans apprêt et sans crainte du détail terre à terre.
Ce langage de Bussy est un joli langage ; il est brillant et comme reluisant, non par les couleurs, mais à force de poli et de netteté.
Jourdain pense s’égaler aux gens de cour en adoptant leur costume, leurs manières et leur langage, en prenant des leçons de danse et de maintien, Homais se persuade qu’il participe à la dignité du savoir humain eu imitant le langage des hommes de science, en reproduisant d’une façon grossière leurs attitudes, en feignant leurs soucis.
Cependant, malgré la bienveillance de son langage et l’indulgence de ses éloges, le spirituel critique est loin de partager notre avis sur le fond même de la question. […] Sous cet abri puissant, les lettres sont libres dans leur sphère : les idées générales, immortel héritage du genre humain, se revêtent de la majesté d’un beau et simple langage : toute vérité peut se faire jour, si elle demeure en dehors d’une application immédiate.
Le gouvernement qui veut leur parler le langage de la justice et des lois leur devient bientôt insupportable, et plus il a été modéré, plus ils le méprisent, comme faible et impuissant.
» Jamais puissances du cœur, jamais facultés aimantes ont-elles eu de plus saisissant langage, de plus irrésistibles accents de tendresse ?
J’ai relu les Mémoires de la vie de Racine par son fils ; on me dira que Racine fils n’avait pas connu son père, qu’il n’en parlait que par ouï-dire, par tradition, d’après M. de Valincour ou tel autre : c’est trop vrai, et je regrette qu’il n’y ait pas de Mémoires plus directs sur cette vie illustre ; mais nous en savons encore moins là-dessus, ce me semble, que Racine fils ou que ceux d’alors dont aucun n’a tenu un tel langage, Oh !
Sur ce point, presque tous emploient le même langage : « Je me sentais si complètement changé, qu’il me semblait être devenu un autre134 ; cette pensée s’imposait constamment à moi sans que cependant j’aie oublié une seule fois qu’elle était illusoire. » — « Quelquefois il me semble n’être pas moi-même, ou bien je me crois plongée dans un rêve continuel. » — « Il m’a littéralement semblé que je n’étais plus moi-même. » — « Je doutais de ma propre existence, et même par instants je cessais d’y croire. » — « Souvent il me semble que je ne suis pas de ce monde ; ma voix me paraît étrangère, et, quand je vois mes camarades d’hôpital, je me dis à moi-même : “Ce sont les figures d’un rêve.” » — Il semble au malade « qu’il est un automate » ; « il sent qu’il est en dehors de lui-même ». — Il ne « se reconnaît plus ; il lui semble qu’il est devenu une autre personne ».
C’est là le langage de la paressa, qui fuit la peine, ou de l’orgueil, qui la dissimule.
Ne venons-nous pas de voir que c’est par l’Astronomie que, pour parler son langage, l’humanité est passée de l’état théologique à l’état positif.
Nous remarquons, en lisant les tragédies de Racine, que tous ses personnages ont toujours un langage noble ; qu’ils gardent, même dans la passion, un sentiment profond des bienséances ; qu’Achille en fureur, que Néron prêt au crime, enveloppent de politesse leur colère et leurs desseins de meurtre ; que Mithridate expire avec une majesté théâtrale ; qu’un enfant comme Joas, qu’une nourrice comme Œnone, parlent en termes choisis où ne détonne aucune expression basse ou vulgaire ; que, en dépit d’une amitié restée proverbiale, Pylade ne tutoie pas Oreste (par lequel il est tutoyé), parce que l’un est simple citoyen, et l’autre héritier du trône d’Agamemnon.
Les conseils utiles & les raisonnemens captieux, les observations intéressantes & les regles impraticables, le langage de la raison & les déclamations d’une Philosophie abusée, y marchent d’un pas égal, s’y jouent tour-à-tour de l’esprit du Lecteur, & le forcent à se demander à lui-même ce que l’Auteur a prétendu établir.
C’est une traduction d’un langage chiffré.
Excepté ces trois strophes, d’une beauté commune, mais régulière, on n’a plus que platitudes et bouffissure, langage grammaticalement incorrect et presque barbare, mais où la rime règne… dans le désert.
Et quant au style qui revêt tout cela, le style qui donne parfois aux livres les moins agencés et les moins approfondis au moins la valeur d’un noble langage, il a péri, ou plutôt il s’est amolli, avec tout le reste, dans le piquant auteur des Césars.
Son style, qui ressemble parfois à une boucle de strass, mais sans ardillon, son style, taillé à facettes qui voudraient bien couper et qui ne coupent pas, a de vieilles lueurs connues, des images ressassées, empruntées presque toutes au langage de la guerre, puisque c’est la guerre, le pamphlet !
Cette instruction, divisée par chapitres et où nul n’est oublié du personnel de la valetaille : le butler (sommelier), la cuisinière, le laquais, le cocher, le groom, l’intendant, le portier, la femme de chambre, la fille de service, la fille de laiterie, la bonne d’enfants, la nourrice, la femme de charge et la gouvernante ; ce mandement d’un doyen que Mascarille, après boire, refuserait de signer, ne peut être évidemment qu’une mystification immense et même une mystification à commencer par l’auteur lui-même, — car rien ne doit équivaloir, non seulement pour un esprit élevé, mais pour un esprit quelconque, au dégoût d’écrire, dans quelque but de raillerie que ce soit, ces conseils de friponnerie et de bassesse où tout le sens est dans la grosseur de l’ironie et dans une impudence égale entre l’idée et le langage… Et ce n’est pas tout.
Il a tourné, en homme qui comprend ces questions et ces langages, dans ce rond d’idées qui ne s’est pas élargi d’Aristote à saint Thomas d’Aquin et de saint Thomas d’Aquin à Kant lui-même.
Alfred de Musset, cet épervier de la fantaisie, qui, lui, a quelquefois emporté Marivaux sur ses ailes jusque dans le plus bleu du ciel de Shakespeare, Alfred de Musset, nous n’en doutons pas, n’aurait point dans ses meilleurs jours hésité à signer ces deux nouvelles, où l’auteur s’est fait si complètement femme par la pensée, les sentiments et le langage, afin de nous mieux régaler des plus délicieuses mélancolies.