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1217. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

L’auteur de la Fête votive de saint Bartholomée Porte-glaive — un nom de tableau bien plus que de livre — n’est, à exactement parler, ni un inventeur dans l’ordre du roman ou du drame, ni un esprit d’aperçu qui voit les idées par-dessus les images, ni un écrivain… littéraire.

1218. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

La Grèce savante avait élevé un temple à Homère ; mais elle ne se vantait pas de posséder sa statue, et l’image authentique de ses traits n’existait nulle part.

1219. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Parfois besognes de librairie, il n’arrive presque jamais qu’on y lise trois pages sans tomber sur un raccourci, une maxime ou une image de génie illuminateur. […] Il a stylisé sa vie selon cette image et ce même mouvement. […] Il possède la formule brillante, la vue en profondeur et le don de l’image. […] Très peu ont plus efficacement servi à entretenir la légende napoléonienne, l’image d’Épinal de la Grande Armée. […] Mais l’image de Sainte-Beuve se superpose à peu près à celle par laquelle Hugo lui-même rendait la même opposition dans l’ode des Feuilles d’automne.

1220. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Les images y sont rares, toujours soutenues ; la poésie audacieuse, la vraie fantaisie, n’y ont point de place ; ses éclats et ses écarts dérangeraient la politesse et le train régulier du monde. […] Shimei771, de qui la jeunesse avait été fertile en promesses et de zèle pour son Dieu et de haine pour son roi, —  qui sagement s’abstenait des péchés coûteux — et ne rompait jamais le sabbat, excepté pour un profit, —  qu’on ne vit jamais lâcher une malédiction — ou un juron, si ce n’est contre le gouvernement772… Contre ces malédictions, leur chef, Shaftesbury, se roidissait ; accusé de haute trahison, il était absous par le grand jury, malgré tous les efforts de la cour, aux applaudissements d’une foule immense, et ses partisans faisaient frapper une médaille à son image, montrant audacieusement sur le revers le soleil royal obscurci par un nuage. […] Une sorte de vision possédait l’artiste ; les paysages et les événements se déroulaient dans son esprit comme dans la nature ; il concentrait dans un éclair tous les détails et toutes les forces qui composent un être, et cette image agissait et se développait en lui comme l’objet hors de lui ; il imitait ses personnages, il entendait leurs paroles ; il trouvait plus aisé de les répéter toutes palpitantes que de raconter ou d’expliquer leurs sentiments ; il ne jugeait pas, il voyait ; il était involontairement acteur et mime ; le drame était son œuvre naturelle, parce que les personnages y parlent et que l’auteur n’y parle pas. […] Les idées plus serrées, les oppositions plus marquées, les images plus hardies, ne font qu’ajouter de l’autorité au raisonnement. […] Les jugements s’enchâssent en des images abréviatives ou en des lignes symétriques qui leur donnent la solidité et la popularité d’un dogme.

1221. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Maspero nous font voir une Égypte nouvelle, familière, vivante et mobile, si différente de cette Égypte, solennelle et guindée, dont l’ennuyeuse image s’est perpétuée jusqu’au commencement de ce siècle, grâce à l’éloquence des rhéteurs. […] Bourget eût aimé à nous conter cette aventure avec le symbolisme très simple des « moralités » et des images peintes que l’on voit dans les vieux livres d’édification. […] Il fait brûler, devant les saintes images, le peupeur, vase à parfums, et des baguettes d’odeur, cueillies aux arbres précieux. […] Il faut donc suppléer au silence des textes et faire effort pour ressusciter l’image vivante et parlante, pour évoquer autour d’elle la splendeur du décor disparu, surtout pour suivre, dans l’âme indomptée et inassouvie, les brusques sursauts, les défaillances, les enfantillages et les triomphes de la passion. […] La Turquie apparaît encore, dans ces images, avec tout l’appareil sauvage, tout le luxe barbare de ses belles années : villages d’Asie Mineure où les voyageurs sont reçus magnifiquement par de riches agas ; cavalcades et fantasias dans les vastes plaines ; grands ports où les caïques apportent à foison les richesses de l’Occident.

1222. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Attacher aux images plus de prix qu’aux pensées, c’est faire comme les enfants, qui dans un livre ne cherchent que les enluminures. […] L’uniforme, quel qu’il soit, comprime l’individualité et la façonne à son image. […]Images voluptueuses, qui n’ont d’ailleurs pas beaucoup de pensée : effet d’un sang méridional. […] Devant ces froides images, le spectateur n’est pas plus ému que ne l’a été le peintre qui les a combinées. […] Où l’art pourrait-il trouver une image plus émouvante que cette mère tenant son enfant mort sur ses genoux ?

1223. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Cette image résume l’histoire de la France depuis que la divisibilité périodique des fortunes a supprimé cette unité durable qui reliait les générations les unes aux autres en perpétuant, par le droit d’aînesse, l’intégrité du capital matériel et moral. […] Biré a signalée, où se trouve cette page si précise : « Le partage égal des biens entre les enfants d’un même père présente, au premier coup d’œil, une image séduisante d’équité, mais ce partage n’offre que des avantages momentanés. […] Je m’imaginai, par un mirage mystérieux, avoir devant moi non plus l’allégorie d’une ville, mais l’image de quelques-unes de nos vieilles provinces, du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest, la Picardie ou la Bretagne, la Lorraine ou l’Auvergne. […] La cadence des vers qui n’avait jamais été bien sonore s’est brisée, l’image, qui n’avait jamais été très éclatante, a presque entièrement disparu, le souffle s’est comme anémié. […] La nostalgie de la vie intérieure soulève sans cesse ce passionné jeune homme devant toutes les images de pureté qui s’offrent à lui.

1224. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Une personnalité charmante et fantasque, se jouant avec mille grâces juvéniles dans un petit monde créé à son image, et qu’elle fait miroiter sans cesse sous le rayon de ses poétiques caprices : voilà le théâtre de M. de Musset. […] Et pourtant ce que nous préférons dans ce livre, c’est ce que nous avons appelé le drame ; l’élément humain se mêlant aux images, aux incidents et aux catastrophes dont la mer est le théâtre. […] Je pourrai parcourir en curieux cette nécropole ; mais rien en moi ne s’éveillera au contact de ces squelettes tombés du mensonge dans le néant ; pas un sentiment qui réponde à ce que j’éprouve, pas une image qui réponde à ce que je vois. […] C’est alors que le livre du poëte est le bienvenu, et rien ne manque à son attrait si l’on a le bonheur de le lire à la campagne, par une belle matinée de juin, au milieu des paisibles images qui se reflètent dans ses vers. […] Le souvenir du Temple est si étroitement lié à celui du Dauphin, fils de Louis XVI, et sa mémoire se rattache si inévitablement à l’édifice où s’écoulèrent les dernières années de sa vie, qu’on ne peut songer au Temple sans songer au jeune prisonnier, et que réciproquement l’image du prisonnier évoque devant l’esprit attristé l’image de la prison.

1225. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Et cette image n’a rien de métaphorique. […] Aussitôt il chercha une littérature à son image. […] [Lucien Descaves] Je voyais l’autre jour, aux murs d’un préau d’école, des images effroyables destinées à inspirer aux enfants l’horreur de l’ivrognerie. […] Pour ne rien laisser perdre de l’intérêt de ce drame réel, dans le supplément du dimanche, des images en couleurs exagèrent l’atrocité de la scène, les convulsions de la victime, le geste de l’égorgeur.

1226. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

L’image que leur suggérait le mouvement circulaire que prennent ses flots aux points des courants, était celle d’une ronde de jeunes filles tournant en cadence. […] Jamais leur volonté ne prévaudra contre l’ordre établi par Zeus. » — Les Muses de l’Hymne Homérique ne regardent pas notre espèce, du haut de l’Olympe, avec un mépris plus superbe, lorsque « se répondant avec leurs belles voix elles chantent le bonheur éternel des Dieux et les misères infinies des hommes, lesquels, ainsi qu’il plaît aux Immortels, vivent insensés et impuissants, et ne peuvent trouver un remède à la mort, ni une défense contre la vieillesse. » — Mais aux reproches des Océanides, Prométhée répond par un mot qui le met au-dessus des dieux : — « J’ai eu pitié des hommes ; c’est pourquoi on n’a pas eu pitié de moi. » — Mot sublime qui rattache son cœur d’Immortel aux entrailles humaines, qui rassemble en lui pathétiquement deux natures, et qui fait du Titan souffrant l’image prophétique du Rédempteur à venir. […] On voyait encore l’image du Jéhovah de la Genèse tirant Adam du limon, dans Prométhée formant les premiers hommes avec de l’argile. […] Assis et affermi sur son trône, la sécurité l’avait adouci ; le monde dont il n’était au fond que l’image divine, en s’amendant lui-même, l’avait corrigé.

1227. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Elle apprend que ses funérailles auront lieu le lendemain ; elle se promet de se trouver debout, chapeau bas, tout entière, dussent les rues être trop étroites, à la suite de son convoi, non pas pour que la famille du vieillard note la présence d’un million de visages anonymes dans le cortège, mais pour que le soleil la voie payer un tribut de conscience, de respect et de patriotisme à ce cercueil qui lui semble renfermer quelque chose de mort dans l’image de la patrie. […] La nature restreinte et professionnelle de ces auditoires, et la nature même de la langue qu’il leur fait parler quelquefois pour en être compris, s’opposent fatalement à l’universalité d’intérêt, à la dignité d’images, à l’élévation de sentiments et à la poésie de langage, qui sont le caractère des poètes lyriques universels ; l’artisan, le laboureur, le soldat, sont de grandes et dignes catégories dans la nation, mais elles ne sont pas la nation tout entière. […] De plus, il faut tout dire, il était de la politique du poète qui voulait personnifier complètement le peuple dans ses obscurités, dans ses misères, dans ses passions fières ou jalouses, selon le temps ; il était de la politique de Béranger de se confondre, depuis la cime jusqu’à la souche, avec ce peuple dont il voulait être à la fois l’image et l’orgueil. […] De sa véritable mère il ne m’a jamais parlé, soit qu’elle fût morte avant qu’il ait pu la connaître, soit que cette femme, ainsi que l’insinue Alexandre Dumas dans sa remarquable confidence au public sur Béranger, n’ait pas laissé à son enfant devenu homme l’image d’une assez tendre mère.

1228. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Homère n’étant plus un homme, mais désignant l’ensemble des chants improvisés par tout le peuple et recueillis par les rapsodes, se trouve justifié de tous les reproches qu’on lui a faits, et de la bassesse d’images, et des licences, et du mélange des dialectes. […] le vulgaire ne fait-il pas les dieux a son image ? […] Dans une si grande barbarie, leur joug ne peut être que dur et cruel ; le Polyphème d’Homère est aux yeux de Platon l’image des premiers pères de famille. […] À travers les concetti ordinaires aux poètes de cette époque, on y démêle un sentiment vrai : « Douces images du bonheur, venez encore aggraver ma peine !

1229. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Dans ce rôle actif qu’il eut avec distinction pendant une douzaine d’années, je me le figure toujours sous une image. […] Il est à remarquer qu’en fait de style, à force de le vouloir limpide et naturel, Beyle semblait en exclure la poésie, la couleur, ces images et ces expressions de génie qui revêtent la passion et qui relèvent le langage des personnes dramatiques, même dans Shakespeare, — et je dirai mieux, surtout dans Shakespeare.

1230. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Ce qui manque le plus à cette Épître, c’est le mouvement et la variété, ce sont les contrastes ; puisque le poète introduit ce Brutus qui ne s’en doute pas, il pouvait lui prêter des idées, des images et des tableaux frappants qui eussent tranché avec les idées morales et élevées du prisonnier. […] Nulle part, et dans les Satires ou les Épîtres pas plus que dans les Odes, il ne serre d’assez près les images, et ne fait saillir en un vers tout à fait exact ce détail particulier qui seul égaye à la fois et réalise la poésie.

1231. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

C’était un état d’abattement, de désespoir et de terreur qui le laissait en proie aux plus sinistres pensées et aux images lugubres. […] La maladie de Cowper continuait encore sous une forme religieuse, et il ressentait souvent des terreurs que ses amis faisaient tout pour combattre et pour guérir, mais que pourtant leur doctrine rigide sur la prédestination et sur la grâce n’était que trop propre à fomenter : « Il se présente à moi toujours formidable, disait-il de Dieu, excepté quand je le vois désarmé de son aiguillon pour l’avoir plongé comme en un fourreau dans le corps de Jésus-Christ. » Ces terribles images du Jugement et de la réprobation, même au moment où il croyait en avoir triomphé, le poursuivaient donc et dominaient encore sa pensée.

1232. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Je ne saurais dire quel effet cette idée lugubre produisit sur mon cœur : une sueur froide me couvrit le front ; je me hâtai de rentrer dans mon appartement et me jetai tout habillé sur mon lit : loin d’être disposé au sommeil, les réflexions les plus accablantes se succédaient en moi jusqu’à m’effrayer, et je ne fus délivré de mon angoisse que lorsque mon domestique entra dans ma chambre. » Et désormais, chaque fois que, lui montrant sa charge commode en perspective, dom Effinger essayait de le ramener à l’idée de vie claustrale et de vœux, « l’image de ces moines, qui avaient consumé leur inutile existence à user avec leurs sandales et les manches de leurs robes les pierres de ce cloître, se dressait devant son imagination effrayée. » Sa passion pour la jeune personne qu’il espérait toujours revoir ne laissait pas d’être aussi un préservatif. […] Il faudrait lire tout son discours : c’est bien l’image d’un cloître, quand la foi, l’amour et l’espérance se sont retirés : « Vous avez fait de bonnes études, ajoutait-il ; et après une année de noviciat vous pourriez entrer dans les ordres ; raison de plus pour vous désespérer quand vous vous verrez renfermé pour jamais dans ces murailles, sans livres, sans conversation, sans ami, au milieu d’envieux imbéciles et méchants, qui ne chercheront qu’à vous empêcher de sortir du cloître.

1233. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Fromentin dans ses tableaux et dans ses deux premiers ouvrages, il ne l’est point en vertu d’un choix et d’une prédilection particulière : il a vu l’Afrique tout d’abord et par occasion ; il en a été saisi et en a rapporté de vives images ; il nous l’a rendue sous toutes les formes. […] Fromentin, si j’ose dire, a fait là, à sa manière, la critique des procédés différents du sien ; il a fait de la critique indirecte, comme il n’est donné qu’à l’artiste d’en savoir le secret ; il l’a mise en image et en action.

1234. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

L’image de ma bonne mère, de toute ma famille, de mes bonheurs d’enfance, me sera toujours présente en même temps que vos conseils seront toujours devant mes yeux ; — j’arriverai sans expérience dans un pays nouveau qui m’a adoptée sur votre nom, je tremble à l’idée que je ne répondrai pas à l’attente ; le peu que je pourrai valoir, c’est à vous que je le devrai ; mais maintenant je sens que je n’ai pas assez profité de vos leçons si tendres : que vos bontés me suivent, je vous en conjure ! […] Ici le cœur s’en mêle ; il y a image ; l’expression s’est colorée au souffle de l’âme.

1235. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Mlle Phlipon s’en tira en beauté qui ne craint pas les épreuves, et elle était remise à peine de la longue convalescence qui s’ensuivit, que les prétendants, à qui mieux mieux, et de plus en plus éblouis, se présentèrent. « Du moment où une jeune fille, écrit-elle dans ses Mémoires, atteint l’âge qui annonce son développement, l’essaim des prétendants s’attache à ses pas comme celui des abeilles bourdonne autour de la fleur qui vient d’éclore. » Mais à côté d’une si gracieuse image, elle ne laisse pas de se moquer ; elle est agréable à entendre avec cette levée en masse d’épouseurs qu’elle fait défiler devant nous et qu’elle éconduit d’un air d’enjouement. […] Son père se dérange et se ruine ; elle s’en aperçoit, elle veut tout savoir, et il lui faut sourire au monde, à son père, et dissimuler : « J’aimerais mieux le sifflement des javelots et les horreurs de la mêlée, s’écrie-t-elle par moments, que le bruit sourd des traits qui me déchirent ; mais c’est la guerre du sage luttant contre le sort. » Elle venait de lire Plutarque ou Sénèque, quand elle proférait ce mot stoïque ; mais elle avait lu aussi Homère, et elle se disait, dans une image moins tendue et avec sourire : « La gaieté perce quelquefois au milieu de mes chagrins, comme un rayon de soleil à travers les nuages.

1236. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Dans une lettre du 2 mai 1829, que nous avons sous les yeux, Charles Brugnot lui en faisait reproche d’une manière touchante, en le rappelant aux champêtres images du pays et en le provoquant à plus de confiance et d’abandon : « Vous avez beau faire, mon cher Bertrand, je ne puis m’accoutumer à vous laisser là-bas dans votre imprenable solitude. […] Puis viennent ces hautes pensées sur la grandeur de la vieille Écosse qui s’appuie à de telles images du foyer : Sic fortis Etruria crevit.

1237. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Oui, deux groupes atomiques qui se montrent identiques au travers de toutes les épreuves de la chimie peuvent être, l’un à l’égard de l’autre, dans la même relation qu’un objet à l’égard de son image vue dans un miroir. […] Bientôt, en effet, vous arriverez à voir que tous les produits artificiels des laboratoires et toutes les espèces minérales sont à image superposable, tandis que les produits essentiels de la vie sont dissymétriques.

1238. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Une année après, dans une lettre de Mlle de Lespinasse, datée de minuit (1775), on lit ces mots qui laissent peu de doute : « C’est le 10 février de l’année dernière (1774) que je fus enivrée d’un poison dont l’effet dure encore… » Et elle continue cette commémoration délirante et douloureuse, dans laquelle l’image, le spectre de M. de Mora, mourant à deux cents lieues de là, revient se mêler à l’image plus présente et plus charmante qui l’enveloppe d’un attrait funeste.

1239. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

C’est alors qu’elle place des maximes sages, des contes piquants, de la morale anecdotique et en action, ordinairement aiguisée par quelque expression ou quelque image bien familière. […] Je me peins assez bien cette application constante de Mme Geoffrin par une image : elle avait fait ajouter après coup une perruque (une perruque en marbre, s’il vous plaît) au buste de Diderot par Falconet.

1240. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

C’est que la vraie poésie, en puisant aux mêmes sources, se rencontre et se réfléchit par les mêmes images. […] C’est ce que se demande un jour la muse de Jasmin, à une heure de rêverie où l’image de cette pauvre fille, avec sa grâce de vierge sous les haillons, lui revenait en pensée, et, après avoir bien quêté de ses nouvelles à travers champs, s’être bien enquis « à travers vignes et pâquerettes », voici ce qu’elle a trouvé : Un jour, près des bords que la rivière du Lot baise fraîchement de son eau claire et fine, dans une maisonnette cachée sous les ormes touffus, tandis qu’à la ville prochaine les jeunes garçons tiraient au sort, une jeune fille pensait, puis priait Dieu, puis se levait et ne savait tenir en place.

1241. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Il croit donc que Dieu a fait l’homme à son image, et M. de Bonald a une manière de presser le sens des mots qui le mène à en tirer de longues et précises conséquences. […] Joubert, dans ses Pensées, a une image toute pareille en jugeant Bonald.

1242. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

par l’aimable saint François de Sales, si on se l’imagine un seul moment jeune, non encore saint, helléniste et amoureux : Et sur le commencement du printemps, que la neige se fondoit, la terre se découvroit et l’herbe dessous poignoit ; les autres pasteurs menèrent leurs bètes aux champs : mais devant tous Daphnis et Chloé, comme ceux qui servoient à un bien plus grand pasteur ; et incontinent s’en coururent droit à la caverne des Nymphes, et de là au pin sous lequel étoit l’image de Pan, et puis dessous le chène où ils s’assirent en regardant paitre leurs troupeaux… puis allèrent chercher des fleurs, pour faire des chapeaux aux images (le bon Amyot, par piété, n’a osé dire : pour faire des couronnes aux dieux), mais elles ne faisoient encore que commencer à poindre par la douceur du petit béat de Zéphyre qui ouvroit la terre, et la chaleur du soleil qui les échauffoit. » Si vous croyez que ce petit béat de Zéphyre soit dans le grec, vous vous trompez fort ; c’est Amyot qui lui prête ainsi de cette gentillesse et de cette grâce d’ange, en revanche sans doute de ce qu’il n’a osé tout à côté appeler Pan et les Nymphes sauvages des dieux.

1243. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

On peut observer comme dans ses Mémoires, où il parle de lui-même avec si peu de déguisement, il emploie perpétuellement ces expressions et ces images de théâtre, de comédie ; il considère le tout uniquement comme un jeu, et il y a des moments où, parlant des principaux personnages avec qui il a affaire, il s’en rend compte et en dispose absolument comme un chef de troupe ferait pour ses principaux sujets. […] D’autres fois il étend agréablement ses images ; ainsi, opposant son crédit bien enraciné à la faveur d’un jour du duc d’Elbeuf : « Le crédit parmi les peuples, cultivé et nourri de longue main, dit-il, ne manque jamais à étouffer, pour peu qu’il ait de temps pour germer, ces fleurs minces et naissantes de la bienveillance publique, que le pur hasard fait quelquefois pousser. » Indiquant les moyens qu’il avait de bonne heure employés pour fonder ce crédit, il parle de ses grandes aumônes, et des libéralités « très souvent sourdes, dont l’écho n’en était quelquefois que plus résonnant ».

1244. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Or, une étude plus approfondie des diverses aphasies montrerait précisément l’impossibilité d’assimiler les souvenirs à des clichés ou à des phonogrammes déposés dans le cerveau : à mon sens, le cerveau ne conserve pas les représentations ou images du passé ; il emmagasine simplement des habitudes motrices. […] Si cette inter-communication existe, la nature aura pris ses précautions pour la rendre inoffensive, et il est vraisemblable que certaine mécanismes sont spécialement chargés de rejeter dans l’inconscient les images ainsi introduites, car elles seraient fort gênantes dans la vie de tous les jours.

1245. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

C’était là qu’apparaissait, dans sa plus haute puissance, cette invention du théâtre parée de tous les arts qui faisaient cortège à la poésie, cette tragédie, créée depuis un demi-siècle, relief des festins d’Homère, disait Eschyle, y mêlant le spectacle, la musique et le chant, image sublime des temps fabuleux de la Grèce, mais encore assortie à son âge politique et guerrier ; école d’héroïsme comme de génie, où les vainqueurs, en se célébrant eux-mêmes, s’engageaient de nouveau à vaincre pour leur pays. […] » Voilà, certes, une belle et touchante image de la royauté !

1246. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Toute histoire donc, si les matériaux pouvaient en être complets et les divers points suffisamment éclaircis, présenterait dans son ensemble une série de tableaux étroitement liés entre eux, et, pour ainsi dire, images transparentes les uns des autres.

1247. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Mais pouvons-nous subir en silence, et comme critiques littéraires, ces attaques que certains journaux ne se lassent pas de renouveler, ces inconvenantes parodies, ces citations tronquées, ces images malignement séparées du cadre où elles peuvent recevoir la lumière ?

1248. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Lerminier porte dans son enseignement un don trop invincible et trop naturel pour qu’on en puisse faire abstraction quand on parle de lui : c’est une faculté de parole, une puissance d’enthousiasme et d’images, un génie d’improvisation, entraînant, éblouissant, exubérant, qui me fait croire, en certains endroits, à ce qu’on nous rapporte des merveilles un peu vagabondes de l’éloquence irlandaise ; de la gravité toutefois, un grand art, des illustrations de pensée empruntées à propos à d’augustes poètes ; et puis un geste assuré, rhythmique, un front brillant où le travail intérieur se reflète, et, comme on le disait excellemment sous Louis XIV, une physionomie solaire et une heureuse représentation.

1249. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

Ces tableaux sont sans conséquence pour une nation telle que la nation anglaise ; elle s’en amuse comme des contes, comme des images fantasques d’un monde qui n’est pas le sien.

1250. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Les Anglais de 1590, heureusement fort ignorants, aimèrent à contempler au théâtre, l’image des malheurs que le caractère ferme de leur reine venait d’éloigner de la vie réelle.

1251. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Création spontanée du peuple, elle est à son image et pour son besoin : langue de la vie quotidienne, de l’usage pratique et de la sensation physique, langue de rudes soldats, de forts paysans, qui ont peu d’idées et ne raisonnent guère.

1252. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Mais Buffon seul a donné au sentiment de la nature toute sa profondeur ; il en a fait une émotion philosophique où l’impression des apparences s’accompagne d’une intuition de la force invisible, éternelle, qui s’y manifeste selon des lois immuables, où le spectacle de l’ordre actuel évoque par un mélancolique retour les vagues et troublantes images des époques lointaines dont le débris et la ruine ont été la condition de notre existence.

1253. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

La première elle a senti ce qu’il y a de grandeur et de poésie dans sa simplicité, dans sa patience, dans sa communion avec la Terre ; elle a goûté les archaïsmes, les lenteurs, les images et la saveur du terroir de sa langue colorée ; elle a été frappée de la profondeur et de la ténacité tranquille de ses sentiments et de ses passions ; elle l’a montré amoureux du sol, âpre au travail et au gain, prudent, défiant, mais de sens droit, très épris de justice et ouvert au mystérieux… Ce que nous devons encore à George Sand, c’est presque un renouvellement (à force de sincérité) du sentiment de la nature.

1254. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

    On hésite entre trois ou quatre images du grand homme.

1255. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Bref, il entre dans l’image que la foule se forme de lui nombre de traits aussi étrangers que possible à sa véritable physionomie, et il lui est arrivé d’être loué pour des choses dont il a toujours eu profondément horreur.

1256. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Chacun de ses vers, dans son intention, devait être à la fois une image plastique, l’expression d’une pensée, l’énoncé d’un sentiment et un symbole philosophique ; il devait encore être une mélodie et aussi un fragment de la mélodie totale du poème ; soumis avec cela aux règles de la prosodie la plus stricte, de manière à former un parfait ensemble, et comme la transfiguration artistique d’un état d’âme complet.

1257. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Laurent Tailhade à l’hôpital » pp. 168-177

C’est que Mlle Moréno a l’image saisissante, le mot coloré.

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