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1966. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Ils sont plus confus par leurs idées que par leur nombre, qui ne monte guères qu’à une dizaine, en comptant parmi eux deux revues ayant, comme on dit, pignon sur rue, et dont la place se voit au soleil. […] Pontmartin, lequel est un mixte négatif, qui n’est pas tout à fait Gustave Planche et qui n’est pas tout à fait Janin, composé de deux choses qui sont deux reflets : un peu de rose qui n’est qu’une nuance, et beaucoup de gris qui est à peine une couleur, aurait cependant, dans l’appréciation des œuvres littéraires et de leur moralité, le bénéfice des idées chrétiennes et la facile supériorité qu’elles donnent à tous les genres d’esprit, si les partis et les relations, la politique et la politesse, n’infirmaient jusqu’à sa raison. […] La littérature d’une nation renferme toutes ses idées religieuses et politiques, quoiqu’elle ne prenne pas de brevet pour les exposer.

1967. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Quoiqu’accablante par elle-même, on a trouvé que la gloire du Dante ne pesait pas assez encore, et on a mis par-dessus, dans d’incroyables commentaires, le faux poids de bien des idées chimériques ou d’admirations erronées. […] On mit même au service de cette idée folle une érudition épouvantable ; car la science est toujours de force à dévorer l’absurde, et tout savant est un père Hardouin possible, qui n’attend que l’occasion pour naître. […] Ozanam, le catholique Ozanam, a voulu dire à la Renaissance, et j’aime cette idée : « Tu es une insolente avec ton nom de Renaissance.

1968. (1861) La Fontaine et ses fables « Conclusion »

Son oeuvre nous tient lieu des expériences personnelles et sensibles qui seules peuvent imprimer en notre esprit le trait précis et la nuance exacte ; mais en même temps elle nous donne les larges idées d’ensemble qui ont fourni aux événements leur unité, leur sens et leur support. […] Il est à la fois aux deux extrémités, dans les sensations particulières par lesquelles l’intelligence débute, et dans les idées générales auxquelles l’intelligence aboutit, tellement qu’il en a toute l’étendue et toutes les parties, et qu’il est le plus capable, par l’ampleur et la diversité de ses puissances, de reproduire ce monde en face duquel il est placé.

1969. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVI. Consultation pour un apprenti romancier » pp. 196-200

N’en doutez, mie, cette médiocrité du style accuse la faiblesse d’un esprit incapable de coordonner et de hiérarchiser les idées élémentaires, la pauvreté d’une pensée gonflée mais anémique. […] L’idée n’est pas de moi, elle est d’Étienne Lechevin qui s’en trouve à merveille.

1970. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 192-197

Dans l’Ode qu’il composa pour Louis XIII, lorsque ce Prince alloit réduire les Rochellois, on admire à la fois une netteté d’idées, un tour heureux d’expression, une justesse & un choix dans les comparaisons, une variété dans les figures, une adresse dans les transitions, qui la font regarder, avec raison, comme un vrai modèle de Poésie lyrique. […] nous donner cette idée de la Paix, C’est en la Paix que toutes choses Succedent * selon nos désirs.

1971. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IX. Des Epistolaires ou Ecrivains de Lettres. » pp. 265-269

Il n’y a rien dans ses Lettres qui justifie la haute idée, que Messire Roger de Bussi Rabutin avoit de lui-même. […] On trouve dans les mémoires de Racine le pere, publiés par son fils un grand nombre de Lettres, qui donnent de ce poëte une idée beaucoup plus avantageuse.

1972. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Je comprenais maintenant à quel ordre d’idées se rattachait cette singulière manie. […] Miserey, hébété, se demandait comment cette idée folle avait pu lui venir d’amener son cheval agonisant si loin de l’infirmerie, il eut l’idée plus folle encore de le tirer par terre sur les cailloux. […] Un flot d’idées lui monta au cerveau. […] L’idée avec les faits varie ! […] On a voulu voir des similitudes entre l’idée développée par H. 

1973. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Loin de protester contre les idées de Tancrède de Visan, nous noterons cependant cette dissemblance profonde. […] Le fossoyeur, le forgeron, les cordiers, les pêcheurs représentent autant d’idées emblématiques. […] Mais l’idée ne manque jamais de noblesse qui met aux prises l’âme humaine impuissante avec la Fatalité. […] La scène déchirante de la porte dans La Mort de Tintagiles illustre atrocement cette idée. […] Bruxelles, Éd. de l’Idée libre, 1902. — Voyages vers mon pays.

1974. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Après avoir dissocié les idées, une Américaine l’invitait à dissocier les sentiments. […] Robert de Traz parcourt aujourd’hui l’Europe avec l’idée de comprendre et de faire comprendre ce qu’il voit. […] L’absence d’idées au théâtre serait-elle encore plus nécessaire que dans les romans ? […] Néanmoins, plus que Fontanes, dont il a sur l’avenir un peu des idées négatives, M.  […] Une journée d’étude, « Les Nouvelles littéraires : une idée de littérature ? 

1975. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Elle veut se fondre dans l’idée de propriété, de possession. […] Elle veut se fondre dans l’idée de propriété. […] Nous nous formons aujourd’hui et transmettons à nos enfants une tout autre idée de la vie littéraire. […] Somme toute, c’est la même idée, mais traduite par des moyens différents, que chez Mme de Noailles. […] Dans notre Préface au Journal d’Eugène Delacroix, nous avons développé l’idée qui n’est ici qu’indiquée.

1976. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Je voyais bien déjà les principales idées à développer. […] Il m’exhorta de donner l’essor à mes idées et de concourir au prix. […] D’autre part, tandis qu’il défend et cherche à faire accepter son idée, son idée le travaille, et d’elle-même fructifie en lui. […] Il veut ressembler à l’idée que ce livre donne de lui. […] il renferme des idées excellentes.

1977. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

La haute idée qu’il a de Molière, a-t-on dit, de n’y voir qu’un poète qui a le secret de la rime ! […] Mais il arrive que ces idées, qui sont si claires, ou sont obscurcies par des préjugés, ou cessent de nous être présentes. […] Un procès de famille lui suggéra l’idée de l’autre. […] Regnier s’était d’ailleurs ôté toute autorité littéraire, par l’idée qu’il se faisait de la poésie. […] Boileau, plus travailleur que Regnier, et venu au meilleur temps de la langue, s’attache à la poursuite de ses idées jusqu’à ce qu’il les ait saisies et amenées sous son regard.

1978. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Après tout, il a eu, pour le moins, autant d’« idées » que Malherbe. […] Une idée y domine le sujet. […] Il est saturé d’idées, ou du moins de commencements d’idées. […] L’idée abstraite opère dans le vide. […] Ses idées, ses personnages, sont des amalgames de lectures et de visions.

1979. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

De pareilles idées ne viennent qu’à des hommes d’une trempe rare. […] c’est de lier les hommes par un commerce d’idées, et par l’exercice d’une bienfaisance mutuelle. […] Quelle est l’origine de nos idées du bon et de l’honnête ? […] Mais gardez-vous de dédaigner un ouvrage plein d’idées sublimes, qui vous détrompera ou qui vous affermira dans votre opinion. […] Le style de Sénèque est coupé, mais ses idées sont liées.

1980. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Il est un point où la poésie appelle le chant ; il en est un autre où la musique a besoin de l’idée. […] Eux et elles, cette idée les venge ensemble des maris. […] Qu’est l’idée pour laquelle moururent tant d’hommes, sinon celle que leur vie n’avait pas d’importance ? […] C’en est plutôt l’idée. […] Le mot n’est pas là pour lui-même, mais pour l’idée dont il est le porteur, le serviteur.

1981. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVII » pp. 153-157

C'est une triste idée qu’ils donnent là de leurs serments. […] Même procédé, même idée inachevée, même ampleur et opulence de paroles qui ne se comptent plus.

1982. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXII » pp. 286-290

Je n’ai jamais eu qu’une idée, c’est que tous mes ouvrages posthumes parussent en entier, et non par livraisons détachées, soit dans un journal, soit ailleurs. » Je tiens plus que jamais à cette idée.

1983. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nerval, Gérard de (1808-1855) »

Charles Asselineau Gérard avait des idées particulières sur la poétique. […] Yves Berthou Heureuse idée vraiment qu’a eue là M. 

1984. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 240-246

Comme il s'en faut que cet Auteur jouisse de toute sa célébrité, nous croyons devoir nous arrêter un peu plus sur son article, afin de donner une juste idée de ses talens, qui le mettent bien au dessus de la plupart des prétendus Beaux-Esprits, en vogue de nos jours. […] Qu'on se rappelle, après cela, que Sarasin étoit l'homme du monde le plus agréable dans la Société, & on aura une idée complette de son mérite.

1985. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Ils ont sçu l’orner par des traits de poësie nouveaux, et qui paroissent néanmoins tellement propres au sujet, qu’on est surpris que le premier peintre qui a medité sur la composition d’un crucifiment, ne se soit pas saisi de ces idées. […] Mais c’est le caractere propre de ces inventions sublimes que le genie seul fait trouver, que de paroître tellement liées avec le sujet, qu’il semble qu’elles aïent dû être les premieres idées qui se soient présentées aux artisans, qui ont traité ce sujet.

1986. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Law »

Par suite de ses préoccupations d’économiste, sans doute, Cochut a voulu surtout tracer l’idée nette du système, et il l’a pris à part, l’isolant de tous les faits généraux et ne l’expliquant que par l’état où les prodigalités de Louis XIV avaient mis les finances et la monarchie ; et, pour parler la langue économique, il s’est très bien tiré de ce dix-huitième d’épingle historique. […] Ce qui lui appartient en propre, c’était le génie, si on entend par génie cette espèce de force intellectuelle qui déplace beaucoup d’idées et renverse toutes les traditions.

1987. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

* * * — Je crois que nous finirons par mourir avec l’idée que personne n’a lu un livre ni vu un tableau. […] Plus tard la mathématique chasse la femme, mais sans laisser plus reparaître dans le journal l’homme avoisinant l’artiste… La plus étonnante inégalité dans le niveau des idées, les plus grandes vues à côté de balivernes, de calembours, de désossements enfantins de mots. […] Un grand causeur, comme on me l’avait dit, remuant les idées par le haut, avec un flux qui va toujours…. […] Il se met à conter, comme il sait conter, vous donnant avec son récit lent et détaillé, récit d’officier et de peintre, l’idée d’une veillée de camp, il se met à conter un des derniers coups de canon de 1814. […] Un moment nous avons eu l’idée de faire une histoire du cerveau de Napoléon, idée qui nous a persécutés quelques années, mais qui a été abandonnée, sans qu’il y ait eu d’autre travail que des notes prises.

1988. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

Dans les premiers temps de l’humanité, la raison de l’homme étant peu développée, c’est l’imagination qui domine ; alors il parle par images figurées ; alors il faut des formes à l’expression de ses idées, de sa raison ; il croit à des causes surnaturelles : c’est le règne de la religion. Puis, par les progrès de la civilisation, ses idées se dégagent ; il ne sent plus le besoin de figures, de symboles, il devient mûr pour connaître la vérité sans voile ; sa raison peut se passer de formes ; c’est le règne de la philosophie. […] Nous ne nous proposons pas aujourd’hui d’engager la discussion sur ce point, nous nous contenterons d’exprimer dogmatiquement nos idées.

1989. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Sous la Restauration, cette littérature était encore contenue par des doctrines et des espèces de principes ; sous le régime des dix-huit années, elle n’a plus rien eu qui la contînt, et le désir du gain, joint au besoin de faire du bruit, a produit beaucoup d’œuvres qui ont contribué à la dissolution des pouvoirs publics et des idées. […] Le Play ou ses collaborateurs ont si bien décrits, l’ouvrier émigrant ou le maçon, l’ouvrier sédentaire ou le tailleur, le charpentier de Paris, compagnon du devoir ou de la liberté, etc., il en est un qu’ils ont négligé et que je signale à leur attention ; celui-là, je l’ai observé de près depuis bien des années, et j’ai vécu avec lui, je pourrais dire, comme lui ; aussi suis-je en état de le décrire, et je l’essayerai même, puisque l’idée m’en est venue : c’est l’ouvrier littéraire. […] que de saillies, de traits charmants et sensés, que de précieux ou de piquants souvenirs, que d’idées, que de trésors jetés aux quatre vents de l’horizon et qu’il ne recueillera jamais !

1990. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Je ne crois pas qu’il y ait eu chez lui d’amour-propre, ni d’ambition, au-delà de ce que comportent les actes humains, jusque dans le plus désintéressé dévouaient à l’idée. […] Quelques âmes excellentes furent seules assez larges pour unir la foi avec la tolérance : Marguerite de Navarre chez les catholiques, chez les protestants ce Castellion à qui cette idée même a inspiré quelques élans de charité éloquente (cf. […] On peut prendre aussi, parmi les sermons recueillis, au tome XLVI, les 65 sermons sur l’Harmonie évangélique, et les 9 sermons sur la Passion, si on veut se faire une idée de la manière de Calvin.

1991. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Jules Lemaître Je ne vous dis pas que l’idée des Romanesques soit neuve de tout point ; mais l’exécution en a paru supérieure. […] Le tour de force exquis, c’eût été, je crois, d’exprimer des idées et des « états d’âme » d’à présent, sans avoir recours au lexique de nos psychologues, et par les locutions très simples qui convenaient à un conte bleu. […] Il a l’idée frappée dans le métal sonore de l’expression ; il a l’imagination et l’image qui s’envole comme un oiseau versicolore ; il a l’intelligence qui se communique à la foule par un verbe éclatant ; il a l’art dont les délicats sont ravis et charmés ; il a la force et la sensibilité, l’abondance et la variété, la fantaisie et l’esprit, l’émotion et l’éclat de rire, le panache et la petite fleur bleue.

1992. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

On aperçoit dans les canevas nouveaux ou refaits à cette époque, bien des idées comiques qui, à coup sûr, avaient passé par là scène française. […] Je sais qu’il connaissait parfaitement les anciens comiques ; mais enfin il a pris à notre théâtre ses premières idées. […] C’est Molière qui probablement donna l’idée de cette résurrection en nommant Pierrot le paysan du Festin de Pierre.

1993. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

On sera sans doute étonné de trouver nos jugemens sur ces Auteurs encensés par la crainte ou la flatterie, si peu d’accord avec les idées favorables de la prévention. […] Quel bouleversement dans les idées ! […] Leurs Subalternes seront mis en œuvre ; les Libelles fabriqués dans l’obscurité seront confiés à des mains aussi viles que zélées, pour être distribués dans le Public ; des Valets à gages s’efforceront de déclamer contre nous dans les Cafés, dans les Promenades, dans les Rendez-vous où certaines Compagnies s’assemblent pour débiter des oracles & régler les idées du Public qui ne les écoute pas.

1994. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Ils ont beau s’écrier d’un fausset philosophique, qu’il n’a fait que copier Horace & Juvenal, qu’il n’est tout au plus qu’un bon versificateur, qu’il ne connut jamais le sentiment, que ses idées sont froides & communes, qu’il n’est pas enluminé comme eux, qu’il n’a qu’un ton, qu’une maniere ; ils ont beau s’applaudir réciproquement de leurs prouesses littéraires, lever jusqu’aux nues l’entortillage & l’enflure de leurs pensées, ne trouver rien d’égal à la profondeur de leurs courtes vues, s’extasier sur le vernis de leurs mystérieuses expressions ; la voix noble & ferme de Stentor n’a qu’à se faire entendre, & aussitôt cette engeance mutine disparoîtra, avec son Général, pour se cacher sous ses humbles pavillons. Telle est en effet l’idée qu’on se formera de Despréaux, & des tentatives de ses Adversaires. […] Tout le monde sait par cœur l’éloge qu’il y fait du vrai ; tout le monde est intéressé à en adopter les idées & à en pratiquer les leçons.

1995. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Abailard voyagea beaucoup, étant jeune, dans l’idée de s’instruire & de disputer ; car l’envie de se faire une réputation, & d’embarrasser par ses raisonnemens les meilleurs dialecticiens de l’Europe, étoit sa passion dominante. […] Dans cette idée, il alla trouver l’archevêque de Sens, lui fit des plaintes de l’abbé de Clairvaux, & demanda qu’on l’admît à justifier sa doctrine en plein concile. […] Il voulut la rassurer ; des idées horribles se présentoient à l’esprit de cette amante.

1996. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Les principales sont que cette idée étoit favorable au christianisme, à son établissement miraculeux, à l’explication de nos mystères, à la fuite du prince des ténèbres, à son silence supposé depuis l’apparition du messie, à la philosophie de Platon, si goûtée & si vantée de tous les écrivains ecclésiastiques. […] Vandale, après avoir décrié les oracles, se proposoit encore, sur le succès de son entreprise, de décrier certains pélerinages, quelques pratiques de dévotion mal entendues : mais Fontenelle, après la publication de ses idées philosophiques, ne fut pas tenté d’en publier de nouvelles dans ce goût. […] L’idée de s’être attiré des affaires avec les théologiens l’épouvantoit : il aima mieux abandonner que de défendre son Histoire des oracles.

1997. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

Il ne suffit pas aux peintres de concevoir des idées nobles, d’imaginer les compositions les plus élegantes, et de trouver les expressions les plus pathétiques, il faut encore que leur main ait été renduë docile à se fléchir avec précision en cent manieres differentes, pour se trouver capable de tirer avec justesse la ligne que l’imagination lui demande. […] Si l’imagination n’a pas à sa disposition une main et un oeil capables de la seconder à son gré, il ne résulte des plus belles idées qu’enfante l’imagination, qu’un tableau grossier, et que dédaigne l’artisan même qui l’a peint, tant il trouve l’oeuvre de sa main au-dessous de l’oeuvre de son esprit. […] L’ame livrée toute entiere aux idées qui s’excitent dans l’imagination échauffée, ne sent pas les efforts qu’elle fait pour les produire : elle ne s’apperçoit de sa peine que par cette lassitude et par cet épuisement qui suivent la composition.

1998. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Écœurant travail, qui dure souvent des années… Des hommes à idées et à convictions fortes, des hommes comme Donoso Cortès et Raczynski, ces nobles forçats du devoir monarchique, ont traîné pendant dix ans ce boulet creux de la diplomatie, plus cruel par son vide que par sa pesanteur, et qui fit saigner leur courage. […] S’ils ne se ressemblaient pas par la célébrité, ils se ressemblaient par les idées. […] Raczynski, opposé à l’idée de l’empire d’Allemagne, qu’il regardait comme un piège tendu par la Révolulion à la Prusse, n’avait pas prévu la constitution de son unité et l’homme robuste qui s’appelle Bismarck !

1999. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

De cinq volumes, réduits aujourd’hui en un seul, ils allécheront encore, tels qu’ils sont, les connaisseurs qui goûtent l’esprit qu’on a sur une cuillerée, mais ils ne donnent plus l’idée complète, l’idée exacte de ce que fut le comte de Vaublanc. […] Dussent-ils s’exagérer un peu leur empire, il est bon à toute heure, mais surtout à cette heure, que les Gouvernements ne croient plus à cette idée funèbre qui les a trop souvent perdus — l’impossibilité.

2000. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

L’histoire du journalisme en France, c’est-à-dire l’histoire de toutes les idées, de toutes les passions, de tous les partis qui se sont servis du journalisme comme d’une arme bonne à toute main, est, en effet, à cette heure, cruellement difficile, et qui l’entreprend doit avoir plus de froideur de tête et plus de mépris des préjugés contemporains que pour écrire toute autre histoire. […] La presse est « aujourd’hui dans un de ces moments de torpeur qui, par une loi que l’on retrouve partout dans la nature, succède toujours aux grandes agitations ». — voilà les idées dont se paie le penseur historique qui vient se colleter avec cette terrible histoire du journalisme, et qui croit en légitimer les ambitions dévorantes ! […] C’était peu à peu qu’il était arrivé à l’idée de sa gazette, dont le premier numéro parut enfin le 30 mai 1631.

2001. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Il y sourd des idées qui n’aboutissent pas… Certes ! […] Esprit lourd, assez recte, je le veux bien, quand ses idées philosophiques et son protestantisme socinien ne le faussaient pas, il était de race italienne, mais de race italienne émigrée en Suisse. […] Celles de Madame de Souza à la comtesse d’Albany, son amie, quoiqu’elles ne réalisent pas certainement toute l’idée que l’imagination se fait de la manière d’écrire d’une femme comme Madame de Souza, sont cependant empreintes çà et là de cette exquise personnalité qu’on avait entrevue à travers les livres délicats qu’elle a publiés.

2002. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Malassis, un dauphin qui connaît le Pirée, et qui, quand il s’agira d’éditer, ne prendra point des singes pour des hommes comme le maladroit de la mer Égée, a eu l’heureuse idée de donner, du fond de sa province, à la librairie parisienne, un exemple qui est une leçon. […] Il y plonge, il s’y baigne, il s’y berce et, qu’on nous passe le mot, il y pique d’épouvantables têtes, car avec l’homme qui a eu l’idée, — cette idée de sauteur, — d’unir Mme Saqui et Pindare et d’ajouter à cet auguste nom d’Odes l’épithète de funambulesques, il faut parler la langue de sa prétention ou de sa manie et montrer ce que l’acrobate a fait du poète dans cet homme-là !

2003. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

S’occuper des idées sur l’immortalité, cela convient aux classes élégantes et surtout aux femmes qui n’ont rien à faire. […] Les idées sur l’immortalité sont bonnes aussi pour ceux qui n’ont pas été très bien partagés ici-bas pour le bonheur, et je parierais que, si le bon Tiedge avait eu un meilleur sort, il aurait eu aussi de meilleures idées. » L’insensé ! […] Est-ce que tout homme sensé ne partage pas ces idées ? […] « Il faut que je rie de ces esthéticiens, dit Goethe ; qui se tourmentent pour enfermer dans quelques mots abstraits l’idée de cette chose inexprimable que nous désignons sous cette expression : le beau. […] « Ampère, dit-il, a placé son esprit si haut qu’il a bien loin au-dessous de lui tous les préjugés nationaux, toutes les appréhensions, toutes les idées bornées de beaucoup de ses compatriotes ; par l’esprit, c’est bien plutôt un citoyen du monde qu’un citoyen de Paris.

2004. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Vous auriez l’idée que vous devez souffrir, plutôt que vous ne souffririez réellement. […] Quelle idée, d’abord, de célébrer sur un théâtre la longévité d’un chimiste ? […] La première idée qui vous vient, n’est-ce pas ? […] Mais cette idée est un peu trop simple. […] Elle nous sanctifie par l’idée toujours présente et par le voisinage de la mort.

2005. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Ici Joinville a des instincts d’historien : il sent qu’on ne peut rien comprendre à une expédition en Égypte si l’on n’a une idée du Nil, et il nous en fait au début une description qui est célèbre à la fois par quelques traits fidèles et par un mélange d’ignorance et de crédulité : « Il nous convient premièrement parler du fleuve qui vient d’Égypte et de Paradis terrestre… » C’est ainsi que plus tard il parlera des Bédouins, et cette fois en des termes plus exacts ; et aussi des mamelouks, qui jouaient déjà un grand rôle à cette époque. […] « Saint Louis, dit Tillemont, était blond et avait le visage beau comme ceux de la maison de Hainaut, dont il était sorti par sa grand-mère Isabelle, mère de Louis VIII. » Pour achever de comprendre ce genre de beauté noble et attrayante, d’une douce fierté, cette trempe royale et chrétienne tout ensemble, je crois qu’on y peut introduire quelque chose de l’idée d’un saint François de Sales avec moins de riant, avec plus de gravité de ton et de relief chevaleresque, avec le casque d’or et le glaive nu aux jours de bataille : mais c’était également une de ces natures en qui le feu intérieur reluit et qui se consument d’elles-mêmes de bonne heure par trop de zèle et de charité. […] À partir de là, il y eut d’aussi beaux faits d’armes, mais en vue de l’honneur et du los, en vue de la gloire humaine, et non plus dans la seule idée de Dieu. […] C’est ainsi que sont les hommes quand ils sont tout à fait naturels, s’abandonnant à leurs mouvements avec une mobilité qui s’accorde bien, du reste, avec cette foi absolue en Dieu et avec cette idée qu’on est entre les mains de celui qui peut toute chose de nous à chaque instant du jour. […] Le mot de prud’homme était cher à saint Louis : « Prud’homme, disait-il, est si grande chose et si bonne chose, que rien qu’à le prononcer emplit-il la bouche. » Il y faisait entrer, dans l’acception qu’il y donnait, la bravoure et la sagesse, toutes les qualités du chrétien et de l’honnête homme, il le mettait même en opposition avec l’idée d’une dévotion étroite.

2006. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Et on en a la preuve assez particulière : lorsqu’en 1744 Viliars fut nommé de l’Académie française et qu’il fit son discours de réception, il eut l’idée de l’orner de ces paroles généreuses de Louis XIV, à lui adressées avant la campagne de Denain, et qui l’y avaient enhardi. […] Il aurait bien voulu pour récompense l’épée de connétable, cette épée de du Guesclin, trop profanée par de Luynes, enterrée avec Lesdiguières, refusée à Turenne lui-même, et que lui, Villars, poursuivit toujours ; il aurait désiré du moins (car il ne faisait pas fi des pis-aller) être nommé chef du conseil des finances, cette charge étant venue à vaquer en ce temps-là ; mais elle fut donnée au maréchal de Villeroy. « Pour moi, madame, écrivait-il à ce propos à Mme de Maintenon, je me trouve toujours trop heureux quand je songe qu’ayant le bonheur d’approcher le plus grand et le meilleur maître du monde, je ne lui rappelle pas de fâcheuses idées ; qu’il peut penser : Celui-là m’a plusieurs fois mis en péril, et cet autre m’en a tiré. […] [NdA] On a publié, depuis, toutes les pièces qui se rapportent à l’affaire de Denain, et d’où l’on peut déterminer, avec certitude, la part de chacun dans le conseil et dans l’entreprise : la première idée, mais vague, en vint du roi ; l’idée militaire, à proprement parler, fut suggérée par Montesquiou, mais Villars y entra vite et présida à tout de concert avec cet autre maréchal. […] Mignet, à qui il a dû l’idée et en partie les éléments de son travail, s’est inscrit en faux contre le mot de Napoléon en l’honneur de Villars, et s’est appliqué à montrer que du moment que la paix se faisait avec l’Angleterre, il n’y avait plus de danger réel pour la France.

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