Sainte-Beuve ensuite, déclarant « qu’il ne peut juger une œuvre indépendamment de l’homme même qui l’a écrite », fit des recherches biographiques sur l’enfance de l’écrivain, son éducation, les groupes littéraires dont il avait fait partie. « Chaque ouvrage d’un auteur, vu, examiné de la sorte, à son point, après qu’on l’a replacé dans son cadre et entouré de toutes les circonstances qui l’ont vu naître, acquiert tout son sens, son sens historique, son sens littéraire. […] » L’influence du milieu social et historique est plus visible.
Il a défini la calomnie « le crime de la parole », et il l’a poursuivie dans ses applications historiques les plus célèbres.
Ce qu’il avait entrepris et déjà exécuté de travaux et d’articles pour le nouveau Dictionnaire historique de la langue française ne saurait être apprécié en ce moment que de ceux qui en ont entendu la lecture ; ce qui est bien certain, c’est qu’il gardait, jusque dans des sujets en apparence voués au technique et à une sorte de sécheresse, toute la grâce et la fertilité de ses développements ; il n’avait pas seulement la science de la philologie, il en avait surtout la muse192.
Il n’est aucune âme tant soit peu délicate et cultivée qui ne se sente émue à l’aspect de certaines scènes de la nature ou au spectacle de certains événements historiques.
Et voilà le vice originel de la philosophie du siècle : ses principes, qui ne seront ni révélés, ni expérimentaux, ni historiques, seront de purs postulats, traités non comme postulats nécessaires, ni comme définitions convenues, mais comme vérités évidentes.
Le fait est que le peuple, y compris la pourpre et le cordon bleu, a été désaccoutumé par force à se faire une opinion ; contrairement à la théorie de Taine, il est avéré que les événements maniés par quelques individus (appelés « grands hommes » dans le vocabulaire de la méthodologie historique) déterminent le plus souvent ses avis intellectuels comme ses mœurs.
» Deux anecdotes, du genre de celles qu’il ne faut pas accepter comme historiques, mais qui se proposent de rendre un trait de caractère en l’exagérant, peignaient bien ce défi jeté à la nature.
Les Eloges historiques paroissent plus assortis au génie de M.
C’est ici que la méthode historique et sociologique de M.
Tout le reste est peut-être absurde… S’il est parfois utile de rédiger une description historique, on ne voit pas, loin des romans-feuilletons, la place d’un faux naufrage et d’un faux déraillement… » Oui, sans aucun doute, il serait préférable de ne jamais « raconter que ce qu’on a vu de ses propres yeux », et voilà pourquoi nous ne cachons pas notre prédilection pour la méthode d’observation directe.
Je ne le trouvais pas assez froidi, — ni moi non plus — pour y toucher ; — pour juger impartialement cette époque de malheur et de honte que nous avons là traversée… Ce n’est pas quand nous sommes à moitié pris encore, sans être des Titans, sous la montagne qui nous a écrasés, qu’on peut porter un jugement historique sur des événements et des hommes contre lesquels on doit avoir des ressentiments implacables : les ressentiments du mal qu’ils nous ont fait et des humiliations que nous leur devons !
Faire, de système et de réflexion, acte négatif de raison en histoire au lieu de faire acte positif de compréhension historique, chicaner le fait mystérieux qui est à l’origine de tout, en histoire aussi bien qu’en nature humaine et quand la chicane qu’on en fait est impuissante, le supprimer d’autorité et passer outre, — comme Thucydide a passé outre sur les temps barbares de la Grèce, — est-ce là réellement le dernier mot du génie humain dans une race, et du génie d’un homme qui, dans cette race, à un moment donné, écrit l’histoire ?
Dans les Mémoires de son temps, le comte de Fersen nous apparaît bien plus comme un personnage romanesque que comme un homme véritablement historique.
Mais, depuis le xviiie siècle, qui nous a déchristianisés, autant dans nos idées que dans nos mœurs, la question de l’antiquité a repris toute son envergure historique, et la Révolution, qui survint, la résolut à son tour avec encore plus d’idolâtrie que la Renaissance.
Abailard et Héloïse Abailard et Héloïse, essai historique par Madame et M.
Abailard et Héloïse, essai historique par Madame et M.
III Et, ici, nous touchons au plus beau côté d’un livre qui nous en promet un autre, dégagé de toute polémique, et par cela plus grand… Esprit historique comme on doit l’être, avant d’être métaphysicien, M. le docteur Tessier ne fait point la guerre, sans savoir comme il fera la paix.
Avec elles, s’il les avait eues, il ne serait pas moins un historien qui renvoie les horoscopes à ses préfaces et qui n’a souci que d’enlever exactement les faits historiques dans un daguerréotype brûlant.
Or, précisément c’est ce que j’ai fait, moi, avec toute la conscience dont je suis capable, et, en fait d’aventures et d’événements créés par une imagination souveraine, voici exactement ce que j’ai trouvé : Écoutez : Le baron de Sigognac est le dernier descendant mâle de l’antique famille de ce nom, tombée du haut d’une splendeur historique dont les rayons remontaient aux croisades, dans une de ces ruines si profondes, qu’on peut les nommer une splendide pauvreté.
Son éloge d’Agésilas est divisé en deux parties ; la première n’est qu’une espèce de récit historique ; l’orateur parcourt toutes les grandes actions de ce prince, ses guerres, ses victoires et les principaux événements de sa vie.
La partie historique et philosophique a conservé un tout autre attrait. […] Voici maintenant la conséquence de cette méthode dans la critique historique. […] Royer-Collard appliqua à la méthode historique des systèmes sur la perception, et l’on voit qu’elle est générale comme sa méthode scientifique, et qu’elle s’étend à toute critique comme celle-là à toute recherche philosophique34. » Armé de cette double méthode, M. […] Royer-Collard, a gardé un souvenir respectueux de ses rapports avec cette royauté, dont il a été, pendantplusieurs années, le correspondant, et il voit, dans son retour et dans les conditions où elle se place, la réalisation de la plus chère de ses théories rationnelles, un gouvernement de libre examen, fondé sur un droit historique et le respect de l’autorité devenu le point de départ d’un régime représentatif. […] En 1809 avait paru le Dictionnaire des synonymes avec une introduction consacrée à une étude philosophique de la langue française ; un peu plus tard, les Vies des poëtes français, puis la traduction de la Décadence de Gibbon, enrichie de notes historiques ; enfin la traduction d’un ouvrage de Rehfus, l’Espagne en 1808.
Encore est-il que, sans compter l’immense valeur historique de l’ouvrage, il a rendu un service général. […] Cette nuit historique, dans tous les sens du mot, où tu m’as résumé toute l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire ! […] Elles lui persuaderaient qu’il doit incliner désormais vers le roman historique. […] Zola : Assommoir, Germinal, Débâcle, sont des romans historiques, tout simplement, des romans qui nous montrent des peuples, ou des foules, eu action. […] Ainsi donc cette cité populeuse, si antique, si historique, si considérable, je la rapportais tout entière à moi seul.
Alors les critiques enthousiasmés prédirent des choses historiques et miraculeuses, telles que l’union des partis, la reconquête de l’Alsace, la pulvérisation de l’Allemagne, l’émiettement instantané de la triple alliance. […] Elle a maintenant une valeur historique : elle est entrée dans la postérité ; les protestations ultérieures, les rectifications motivées, si précises soient-elles, n’y feront rien. […] Certes, je n’attendais pas qu’un si prompt et surtout qu’un si haut témoignage donnât à cette erreur récente un caractère aussi éclatant d’indélébilité historique. […] Nous sommes à une période historique, et probablement à la veille de grandes transformations. […] Henri Rochefort : il tomba sous le poids des fatalités sociales qu’il avait entassées ; il tomba parce qu’il était arrivé à la date historique de son écroulement.
Toute pleine de vivacité et d’entrain, la voici farfouillant dans les vieux journaux, y cherchant les éléments d’un historique de la pièce, qu’on distribuera dans la salle, quand tout à coup, je viens à parler du Tonkin, d’une batterie d’artillerie qu’on dit perdue, et la voilà lâchant tout, qui se met à fondre en larmes. […] Pour les Baux, pour Lamanon, pour ces endroits que j’appellerai de leur vrai nom, du nom de paysages historiques, et que dégrade et modifie, chaque jour, l’action meurtrière de la nature, ou la recherche de la pierre de construction par l’homme, comment ne s’est-il pas trouvé un préfet, un administrateur intelligent, qui ait songé à les faire reproduire dans une série de grandes photographies, et en faire un musée dans le chef-lieu du département ? Car enfin ces paysages historiques sont tout aussi intéressants que ce qu’on appelle un monument historique : une église, un château, une maison.
Aujourd’hui, c’est un coin politique et historique ; demain, une poésie ou une rêverie mélancolique ; après-demain, quelque roman sanguinaire ou licencieux, puis tout d’un coup une chaste et grave et religieuse production ; il faut que la pauvre critique aille toujours à travers cela, il faut qu’elle s’en tire, qu’elle s’en teigne tour à tour, qu’elle voie assez de chaque objet pour en jaser pertinemment et d’un ton approprié.
Prenons Malherbe dans ses bonnes pièces, dans ses odes historiques et ses stances religieuses : ce sont des œuvres fortes et simples, où il y a, en vertu même des sujets, plus de conviction que de passion, plus de raisonnement que d’effusion ; le mouvement, la chaleur viennent surtout de l’intelligence.
Mais la biographie de Jules Renard m’est inconnue et serait déplacée ; pour sa pédagogie et sa place historique, ce serait trop de pédanterie que d’essayer d’en parler.
Deux considérations historiques, dont l’une est assez forte, peuvent d’ailleurs être invoquées en faveur de la tradition.
Historique ou littéraire, je ne pense pas avoir laissé, sur ce sujet, une seule affirmation de nos adversaires sans réponse, et je suis persuadé que les conclusions que nous avons dégagées resteront acquises.
Au point de vue historique, où nous sommes maintenant placés, les auteurs ne valent plus, en effet, par leur origine et leurs qualités, mais par leur popularité.
En action historique, les idées générales, les influences sociales ont besoin d’un homme… Quoique la France fût éperdue d’égalité, à cette heure maudite, et qu’elle eût commencé déjà le nivellement par l’échafaud, elle n’en reconnut pas moins la supériorité et la souveraineté de l’homme qui, à un jour donné, avait créé cette chose inouïe, universelle et compacte, qui s’étendit tout à coup sur la France entière comme une voûte qui ne permettait plus de respirer, et qu’on appela du même nom que le sentiment dont elle transissait les âmes : la Terreur !
II Elle sera toujours un mystère historique.
Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de Lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique ; Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas !
Les Mandarins seuls de la Philosophie se sont risqués et continueront de se risquer dans la logique d’Hegel, mais ils ont rapporté déjà et continueront de rapporter de leur accointance avec les œuvres du professeur de Berlin une méthode historique et des vues sur l’histoire qui pourraient très bien bouleverser le monde, sous prétexte de l’expliquer.
Je n’ai point oublié, par exemple, l’idée heureuse qui ouvre aux Moines la succession de ces deux grands Trépassés historiques, dont l’un est touchant et l’autre sublime, les Esclaves et les Martyrs.
Il en avait fait, ce Babin historique, un joli Rabbi pour les besoins d’attendrissement des femmes à qui il faut toujours une corde sentimentale à pincer, si on veut du succès, dans ce pays où la langue des femmes fait, de son petit bout rose, l’opinion.
En ce temps-là, les études historiques et biographiques n’avaient pas le degré d’importance et de profondeur qu’elles ont acquis depuis cette époque, et que, grâce à Dieu !
Les amours historiques dont il a trop, selon nous, enguirlandé sa vieillesse, nous l’ont rendu absolument incapable de toute autre chose que de rabâcher des éditions !
Le Bismarck évoqué par le poète a, sur ce cheval rossé par la guerre, la taille historique d’Attila, et on pense à la fière parole que le Hun dévastateur disait du sien : « L’herbe est courte où mon cheval a passé !
Il est vrai que sa satire n’eut pas toujours cette portée historique restreinte et terrible.
Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand, qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique, Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas !