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1230. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Platon remerciait les dieux de ce qu’il était né du temps de Socrate ; et moi je rends grâces à Dieu de ce qu’il m’a fait naître dans le gouvernement où je vis, et de ce qu’il a voulu que j’obéisse à ceux qu’il m’a fait aimer.

1231. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Il va se faire écho : il va refléter en ses vers, mais immensément agrandis et parés, les sujets d’actualité ; il prendra son thème dans les inquiétudes journalières de l’opinion publique ; c’est ainsi qu’il se donnera mission de prêcher Napoléon, ce dieu dont tu seras le prêtre.

1232. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

On y verrait la savante construction des Antonins crouler, la décadence de la civilisation antique devenir irrévocable, le christianisme profiter de sa ruine, la Syrie conquérir tout l’Occident, et Jésus, en compagnie des dieux et des sages divinisés de l’Asie, prendre possession d’une société à laquelle la philosophie et l’État purement civil ne suffisent plus.

1233. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

. — La tétralogie des Nibelungen est un essai de cosmogonie ; mais ce qu’il y a de caractéristique, c’est que le dieu Wotan, qui a conçu le monde, abdique de guerre lasse et que le génie de l’Amour, représenté par Brünehilde, meurt trahi et sans espoir.

1234. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Ils l’enferment dans leur armoire, déclarant que si on ne leur demande pas comment on doit au juste aimer Wagner, personne n’a le droit d’ouvrir ses partitions et que, seuls, ils peuvent en deviner les beautés cachées, et le fin du fini C’est avec cela qu’ils vivent, au risque de tuer leur dieu, j’allais dire leur idole. — « Vous ne pouvez comprendre Wagner qu’à Bayreuth, avec sa mise en scène spéciale, ses accessoires, ses décors particuliers, son exécution absolument inimitable ! 

1235. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Voici la route de Bellevue, et, sur cette route, nous rencontrons tenant par la main un joli enfant, la jeune fille, jeune femme aujourd’hui, que l’un de nous a eu, au moins pendant huit jours, la très sérieuse pensée d’épouser… et qui nous rappelle du vieux passé… Il y a des années qu’on ne s’est vu… On s’apprend les morts et les mariages… et l’on nous gronde doucement d’avoir oublié d’anciens amis… Puis nous voilà dans la maison de santé du docteur Fleuri, causant avec Banville, et croisant dans notre promenade, le vieux dieu du drame, le vieux Frédérick Lemaître… « … Dans tout cela, par tous ces chemins, en toutes ces rencontres, au milieu de toute notre vie morte que le hasard ramène autour de nous et qui semble nous mener à une vie nouvelle, nous roulons, les oreilles et les yeux aux bruits et aux choses comme à des présages bons ou mauvais, et prêtant à la nature le sentiment de notre fièvre… En rentrant : rien. » Une semaine après, nous apprenions que notre pièce n’était ni reçue ni refusée, que Beaufort voyait un danger dans la mise à la scène de la petite presse… qu’il attendait.

1236. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Ses héros sont moins occupés à parler qu’à débiter des lieux communs empoulés, & à faire de longues apostrophes aux dieux, parce qu’ils ne savent pas parler aux hommes.

1237. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Mais enfin cette doctrine prouve qu’il faut un ciel, en quelque endroit qu’on le place, et il y a une sorte de sévère grandeur, renouvelée du stoïcisme, dans ce culte du dieu intérieur, c’est-à-dire de la pensée. […] L’idéaliste austère, réfugié dans l’enceinte de sa pensée, divinise cette pensée même, et croit que ce dieu est trop grand pour qu’aucune puissance, même la puissance absolue, atteigne jamais à cette grandeur !

1238. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

En principe il admettait le Parnasse Contemporain et les poèmes qui le composaient pour la plus plupart, mais il objectait fortement contre ce qu’il appelait, peut-être avec raison, les « véritables barbarismes » que constituait dans nombre des poèmes de Leconte de Lisle et de poèmes imités de ce maître l’orthographe du nom des dieux de la Grèce antique. […] Jamais, pour ne rester que dans un seul ordre d’idées, Saint-Vallier, Ruy Gomez, le vieux Job, ni tel père noble d’avant les Châtiments n’eussent oublié leur dignité, la dignité qu’il faut garder jalousement, après tout, dans la langue des dieux et des lettrés, jusqu’à proférer ces geintes mises de façon si malencontreuse dans la bouche de fer, dans ce que Flaubert eût appelé « le gueuloir » d’un chevalier, d’un prince du xiiie  siècle : « M’avoir assassiné ce petit être là !

1239. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Un étrange combat est représenté sur la large d’Olivier : Bacchus, le dieu du vin, faisant la guerre aux Normands, buveurs de cidre. […] Le poète veut-il faire ressortir combien le Français se rend ridicule en se laissant griser par l’antiquité, qui prend la forme du grotesque dieu du vin, tandis que son sol lui fournit une boisson plus saine et plus conforme à sa nature ? […] -C, ; ne pas croire aux dieux de la cité, en introduire de nouveaux (Notre-Dame l’Histoire) et corrompre la jeunesse d’une ou plusieurs générations. […] Un reporter ne sait pas bien aujourd’hui si son carnet de notes deviendra dieu, table ou cuvette, et s’il le présentera nature ou en sauce, je veux dire s’il en fera du journalisme direct ou s’il en tirera un roman. […] Et l’usage, dieu du verbe, doit se conformer à l’utile.

1240. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

On doit alors à la bonté des Dieux Deux attributs de leur grandeur suprême ; Car on existe, on est tout par soi-même, Et l’on embrasse et les temps et les lieux.

1241. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Dieux !

1242. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

un tel homme n’a pu être aimé des dieux, selon l’expression antique, et l’impureté de l’organe aurait altéré, en passant par sa bouche, l’évangile même du peuple dont on a voulu le faire, quelques années après, le Messie.

1243. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Et nous fait présumer, à ses superbes toits, Que tous ses habitants sont des dieux ou des rois.

1244. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Or, dans la conception démocratique de l’univers, il y a rapprochement et comme fusion des espèces ; et l’homme, petit dieu terrestre, roi despotique du globe, rentre dans la nature hors de laquelle il se classait superbement.

1245. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

La plus admirable traduction, par le marbre et l’art statuaire, d’une humanité contemporaine des Dieux.

1246. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

S’il célèbre la puissance de l’harmonie, il s’élève dans les cieux où elle apaisera le courroux des dieux ; il descend sur la terre où elle tempérera les passions des hommes ; il se précipite aux enfers où elle accroîtra le supplice des méchants.

1247. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Du jour que j’essayais de jeter à bas de leur piédestal les idoles grossières que notre génération a trop longtemps encensées, je savais que je serais traité d’impie, de blasphémateur, de barbare, par ceux qui se sont faits les desservants des faux dieux, et qui vivent aujourd’hui de l’autel en attendant d’y être placés à leur tour. […] Il leur arrive, à leurs heures de sincérité, de s’appeler eux-mêmes de leur vrai nom, des païens, et de se vanter de ne reconnaître pour dieux que la richesse et le plaisir. […] J’ai trois dieux, l’or, la beauté et le bonheur4. » Ils proclament encore qu’il n’y a ici-bas que deux choses désirables, « les femmes et l’argent5 », et confessent que, pour eux, la beauté est la même chose que la vertu 6. […] La société deviendra comme ton cœur : elle aura pour dieu un lingot d’or, et pour empereur un usurier juif186. » Elle aime assez « à faire vivre les morts et mourir les vivants 187 ».

1248. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

les ventres dieux Alentis en soleils de palus radieux Très mûrement sourire en une emphase pure À la rumeur de leur gestation, et du Trismégiste sillon élargir l’angle indu. […] L’attendrissement de Félicie redoubla, dans plus de sanglots et de larmes ; et, comme il s’était placé à côté d’elle, elle lui mit sa tête sur l’épaule, sans même la pensée qu’il n’eût pas fallu le faire, et les pleurs lui roulaient des yeux, plus nombreux, plus pressés, et c’était, près du cou d’Évelin, de petites secousses, sans paroles : alors, lui, en qui fluaient toutes les délices paradisiaques des tendresses partagées, triomphant comme un dieu et faible comme un petit enfant, il se mit à pleurer aussi, mélancoliquement et délicieusement. […] Il constaterait d’abord que les chats, comme les hommes, ont une façon d’aimer qui leur est propre et que ce qui est bon pour un matou est fort désagréable pour un électeur ; il penserait ensuite que si l’amour ressemblait à celui dont il vient de voir le tableau, ce petit dieu ne jouirait certainement pas de l’incontestable popularité qu’on lui accorde sur la terre. […] Il s’agit d’un jeune ménage dont la lune de miel n’est guère qu’une lune rousse, et qui finalement, sans grands mouvements, sans dieu de la machine, s’aperçoit qu’il n’y a rien de mieux que de prendre le bonheur que le ciel nous met sous la main. […] — Nous réveillerons-nous d’un rêve de démence, Dans la nuit du néant ou dans les bras des dieux ?

1249. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Le même talent se manifeste dans des recueils plus récents, La Guirlande des Dieux (1910) et La Frise empourprée (1912). […] Les dieux sont loin et leur louange et leur blasphème ; Notre force est en nous et nous avons souffert118. […] Bruxelles, Weissenbruch, 1902. — La Guirlande des Dieux.

1250. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Taine, cette paradoxale conciliation du fatalisme déterminisme avec les plus sévères exigences de moralité, ils avaient du moins un soutien dans un dilemme qui n’est pas sans analogie avec le célèbre pari de Pascal. « Ou il y a des Dieux », disait Marc-Aurèle parlant de la mort, au second livre de ses Pensées, « ou il n’y en a pas. […] Mais il y a des Dieux et qui s’occupent des affaires humaines. » Cette alternative, M.  […] Et voici qu’une image tragique lui apparaît comme le symbole de notre destinée, la Niobé de Florence, entourée de ses enfants qui tombent autour d’elle sous les traits d’archers invisibles : « Elle, cependant, froide et fixe, se redresse sans espérance et, les yeux levés au ciel, contemple avec admiration et avec horreur le nimbe éblouissant et mortuaire, les bras tendus, les flèches inévitables et l’implacable sérénité des dieux. » J’ai souligné les mots les plus significatifs d’une phrase qui n’est que la transcription lyrique des durs conseils de Thomas Graindorge à son neveu : « La condition naturelle d’un homme comme d’un animal, c’est d’être assommé ou de mourir de faim. » Et encore : « Il y a des lois immuables.

1251. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

On peut être pieux sans croire ; on peut brûler un encens parfumé sur des autels imaginaires ; on peut se construire à soi-même ses temples, ses dieux, ses paradis, fallût-il pour cela détourner ces mots du sens que le vulgaire leur donne ; on peut se tailler, enfin, selon les besoins de son âme, son « roman de l’infini ». […] Les citations, les faits, les idées, les personnages de la mythologie, de l’histoire, de la littérature, les dieux, les bêtes, les plantes, sont mis au même plan, invoqués au même titre, analysés avec le même parti pris. […] Il aime l’Évangile, parce qu’il y sent « je ne sais quel charme profond, mystique et vaguement sensuel » ; il l’aime à cause de Marie-Madeleine et de la femme adultère, qui furent sauvées pour toutes leurs faiblesses ; il l’aime pour la pitié qu’il exhale, par goût du mystère, et encore pour des motifs plus compliqués, dans lesquels on n’aura pas de peine à démêler un peu de perversité d’imagination : « De même que la Leuconoé aux inquiétudes ineffables, l’âme moderne consulte tous les dieux, non plus pour y croire comme la courtisane antique, mais pour comprendre et vénérer les rêves que l’énigme du monde a inspirés à nos ancêtres, et les illusions qui les ont empêchés de tant souffrir. » Mais ce n’est pas tout : le christianisme a compliqué et agrandi les passions par l’idée de l’au-delà et il en a créé de nouvelles. […] C’est peu de me quitter, tu veux donc me séduire, dit Pauline à Polyeucte ; me séduire, c’est-à-dire, seducere me détourner de mes dieux, de mon devoir, de mon père.

1252. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

C’est le sort que le dieu de l’art réservait à ce chef-d’œuvre poétique et musical, écrit par un impie, noté par un saint.

1253. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Voici comment il la décrit lui-même dans une de ses lettres, ainsi que la vie ascétique dans laquelle il s’était recueilli pour prier, chanter, rêver et aimer encore : « Quand on trouve un antre creusé par la nature dans les flancs d’un rocher, dit Sénèque, l’âme est saisie d’un sentiment religieux, sans doute parce qu’on y sent l’impression directe de l’Ouvrier divin ; les sources des grands fleuves inspirent la vénération, l’apparition subite d’un fleuve mérite des autels ; j’en veux ériger un, ajoute-t-il, aussitôt que mes ressources pécuniaires me le permettront ; je l’élèverai dans mon petit jardin qui est sous les roches et au-dessus des eaux ; mais c’est à la Vierge, mère du Dieu qui a détruit tous les autres dieux, que je le dévouerai. » « Ici, dit-il après dix ans de séjour dans cet ermitage, ici je fais la guerre à mes sens et je les traite en ennemis : mes yeux, qui m’ont entraîné dans toutes sortes de précipices, ne voient maintenant que le ciel, l’eau, le rocher.

1254. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

XXII Ce caractère distingue Confucius des sophistes grecs ; un autre caractère le distingue des autres législateurs de l’Inde, de l’Égypte, de la grande Grèce et des deux Asies, c’est qu’il ne fait point intervenir le ciel et les prodiges dans l’autorité qu’il affecte sur les hommes ; il n’étale point l’inspiration surnaturelle de Zoroastre, de Pythagore, du prophète arabe, pas même le génie conseiller et un peu frauduleux de Socrate ; il ne se substitue pas aux lois absolues de la nature, il ne se proclame ni divin, ni ange, ni demi dieu ; il ne sonde le passé que par l’étude, il ne lit dans l’avenir que par la logique qui enchaîne les effets aux causes ; il se confesse homme faible, ignorant, borné comme nous ; seulement, à l’aide de cette clarté purement intellectuelle et toute humaine qui vient pour la vérité de l’intelligence et pour la morale de la conscience, il recherche le vrai et conseille le bien.

1255. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

La peinture, dans chacune de ces villes ou de ces nations, prit non seulement le caractère du chef d’école, mais elle prit le caractère de l’école et du peuple où elle fut cultivée par ces grands hommes du pinceau : Titanesque avec Michel-Ange, plus païen que chrétien dans ses œuvres, et qui semble avoir fait poser des Titans devant lui ; Tantôt mythologique, tantôt biblique, tantôt évangélique, toujours divine avec Raphaël, selon qu’il fait poser devant sa palette des Psychés, des saintes familles, des philosophes de l’école d’Athènes, le Dieu-homme se transfigurant dans les rayons de sa divinité devant ses disciples, des Vierges-mères adorant d’un double amour le Dieu de l’avenir dans l’enfant allaité par leur chaste sein ; Païenne avec les Carrache, décorateurs indifférents de l’Olympe ou du Paradis ; Pastorale et simple avec le Corrége, qui peint, dans les anges, l’enfance divinisée, et dont le pinceau a la mollesse et la grâce des bucoliques virgiliennes ; Souveraine et orientale avec Titien, qui règne à Venise pendant une vie de quatre-vingt-quinze ans sur la peinture comme sur son empire, roi de la couleur qu’il fond et nuance sur sa toile comme le soleil la fond et la nuance sur toute la nature ; Pensive et philosophique à Milan avec Léonard de Vinci, qui fait de la Cène de Jésus-Christ et de ses disciples un festin de Socrate discourant avec Platon des choses éternelles ; quelquefois voluptueux, mais avec le déboire et l’amertume de la coupe d’ivresse, comme dans Joconde, cette figure tant de fois répétée par lui du plaisir cuisant ; Monacale et mystique avec Vélasquez et Murillo en Espagne, faisant leurs tableaux, à l’image de leur pays, avec des chevaliers et des moines sur la terre et des houris célestes dans leur paradis chrétien ; Éblouissante avec Rubens, moins peintre que décorateur sublime, Michel-Ange flamand, romancier historique qui fait de l’histoire avec de la fable, et qui descend de l’Empyrée des dieux à la cour des princes et de la cour des princes au Calvaire de la descente de croix, avec la souplesse et l’indifférence d’un génie exubérant, mais universel ; Profonde et sobre avec Van-Dyck, qui peint la pensée à travers les traits ; Familière avec les mille peintres d’intérieur, ou de paysage, ou de marine, hollandais ; artistes bourgeois qui, pour une bourgeoisie riche et sédentaire, font de l’art un mobilier de la méditation ; Enfin mobile et capricieuse en France, comme le génie divers et fantastique de cette nation du mouvement : Pieuse avec Lesueur ; Grave et réfléchie avec Philippe de Champagne ; Rêveuse avec Poussin ; Lumineuse avec Claude Lorrain ; Fastueuse et vide avec Lebrun, ce décorateur de l’orgueil de Louis XIV ; Légère et licencieuse avec les Vanloo, les Wateau, les Boucher, sous Louis XV ; Correcte, romaine et guindée comme un squelette en attitude avec David, sous la République ; Militaire, triomphale, éclatante et monotone, alignée comme les uniformes d’une armée en revue, sous l’Empire ; Renaissante, luxuriante, variée comme la liberté, sous la Restauration ; tentant tous les genres, inventant des genres nouveaux, se pliant à tous les caprices de l’individualité, et non plus aux ordres d’un monarque ou d’un pontife ; Corrégienne avec Prud’hon ; Michelangelesque avec Géricault dans sa Méduse ; Raphaëlesque avec Ingres ; Flamande avec éclectisme et avec idéal dans Meyssonnier ; Sévère et poussinesque dans le paysage réfléchi avec Paul Huet ; Hollandaise avec le soleil d’Italie sous le pinceau trempé de rayons de Gudin ; Bolonaise avec Giroux, qui semble un fils des Carrache ; Idéale et expressive avec Ary Scheffer ; Italienne, espagnole, hollandaise, vénitienne, française de toutes les dates avec vingt autres maîtres d’écoles indépendantes, mais transcendantes ; Vaste manufacture de chefs-d’œuvre d’où le génie de la peinture moderne, émancipée de l’imitation, inonde la France et déborde sur l’Europe et sur l’Amérique ; magnifique époque où la liberté, conquise au moins par l’art, fait ce que n’a pu faire l’autorité ; république du génie qui se gouverne par son libre arbitre, qui se donne des lois par son propre goût, et qui se rémunère par son immense et glorieux travail.

1256. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

« Elles flairent le vent et se souviennent, après dix ans d’esclavage, de l’exhalation salée et enivrante de la mer, échappées sans doute de l’attelage de Neptune, leur premier ancêtre, semblent encore teintes d’écume, et, quand la mer souffle et s’assombrit, quand les vaisseaux rompent leurs câbles, les étalons de la Camargue hennissent de joie ; ils font claquer, comme une mèche de fouet, leur longue queue traînante ; ils creusent le sol avec leur sabot, ils sentent pénétrer dans leur chair le trident du dieu terrible qui fait bondir les flots. » Le maître de ces escadrons de cavales demande Mireille à son père.

1257. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

La légitimité est son principe, l’ancien régime est son dogme ; les Bourbons, solidaires, selon lui, de la maison de Savoie, sont ses dieux terrestres ; il a un culte pour leurs malheurs, il a une correspondance avec leur chef Louis XVIII.

1258. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

morte avant la première ride sur son beau visage et sur son esprit ; la duchesse de Maillé, âme sérieuse, qui faisait penser en l’écoutant ; son amie inséparable la duchesse de La Rochefoucauld, d’une trempe aussi forte, mais plus souple de conversation ; la princesse de Belgiojoso, belle et tragique comme la Cinci du Guide, éloquente et patricienne comme une héroïne du moyen âge de Rome ou de Milan ; mademoiselle Rachel, ressuscitant Corneille devant Hugo et Racine devant Chateaubriand ; Liszt, ce Beethoven du clavier, jetant sa poésie à gerbes de notes dans l’oreille et dans l’imagination d’un auditoire ivre de sons ; Vigny, rêveur comme son génie trop haut entre ciel et terre ; Sainte-Beuve, caprice flottant et charmant que tout le monde se flattait d’avoir fixé et qui ne se fixait pour personne ; Émile Deschamps, écrivain exquis, improvisateur léger quand il était debout, poète pathétique quand il s’asseyait, véritable pendant en homme de madame de Girardin en femme, seul capable de donner la réplique aux femmes de cour, aux femmes d’esprit comme aux hommes de génie ; M. de Fresnes, modeste comme le silence, mais roulant déjà à des hauteurs où l’art et la politique se confondent dans son jeune front de la politique et de l’art ; Ballanche, le dieu Terme de ce salon ; Aimé Martin, son compatriote de Lyon et son ami, qui y conduisait sa femme, veuve de Bernardin de Saint-Pierre et modèle de l’immortelle Virginie : il était là le plus cher de mes amis, un de ces amis qui vous comprennent tout entier et dont le souvenir est une providence que vous invoquez après leur disparition d’ici-bas dans le ciel ; Ampère, dont nous avons essayé d’esquisser le portrait multiple à coté de Ballanche, dans le même cadre ; Brifaut, esprit gâté par des succès précoces et par des femmes de cour, qui était devenu morose et grondeur contre le siècle, mais dont les épigrammes émoussées amusaient et ne blessaient pas ; M. de Latouche, esprit républicain qui exhumait André Chénier, esprit grec en France, et qui jouait, dans sa retraite de la Vallée-aux-Loups, tantôt avec Anacréon, tantôt avec Harmodius, tantôt avec Béranger, tantôt avec Chateaubriand, insoucieux de tout, hormis de renommée, mais incapable de dompter le monstre, c’est-à-dire la gloire ; enfin, une ou deux fois, le prince Louis-Napoléon, entre deux fortunes, esprit qui ne se révélait qu’en énigmes et qui offrait avec bon goût l’hommage d’un neveu de Napoléon à Chateaubriand, l’antinapoléonien converti par popularité : L’oppresseur, l’opprimé n’ont pas que même asile ; moi-même enfin, de temps en temps, quand le hasard me ramenait à Paris.

1259. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Quoi qu’il en soit, on s’extasie de surprise et d’admiration quand on voit une terre qui a perdu l’empire du monde, puis sa propre liberté, puis ses dieux, puis sa langue même ; une terre qui avait produit Cicéron, Horace, Virgile, reproduire tout à coup, dans une autre langue, mais dans un même génie, Dante, Arioste, Pétrarque, le Tasse et Machiavel.

1260. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Balzac était digne de se comprendre ainsi lui-même et de se mesurer tout entier devant Dieu et devant sa sœur en 1820 ; il avait tout en lui : grandeur de génie et grandeur morale, immense aristocratie de talent, immense variété d’aptitudes, universalité de sentiment de soi-même, exquise délicatesse d’impressions, bonté de femme, vertu mâle dans l’imagination, rêves d’un dieu toujours prêts à décevoir l’homme…… tout enfin, excepté la proportion de l’idéal au réel !

1261. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

juste dieux !

1262. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Disciple passionné de Diderot d’abord, et, comme le lui dit en termes grossiers une satire du temps, Singe impuissant de son dieu Diderot, Beaumarchais commence par exagérer les doctrines du maître.

1263. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Dans le Temple du goût, d’ailleurs, dont Voltaire est le dieu, le goût c’est le petit, et celui de Vauvernargues c’est le grand, auquel le petit prépare mal, quand il ne l’ôte pas tout à fait.

1264. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Mais cette antique figure de Tristan, le dieu ou le porcher, était si imposante de simplicité et de vérité, que les futiles adjonctions qu’elle subit ne parvinrent jamais à la rendre entièrement méconnaissable.

1265. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

On s’apprend les mariages et les morts, et l’on vous gronde doucement d’avoir oublié d’anciens amis… Et nous voilà dans la maison du docteur Fleury, causant avec Banville, quand tombe dans notre conversation le vieux dieu du drame, le vieux Frédérick Lemaître… Dans tout cela, par tous ces chemins, en toutes ces rencontres, dans ce que le hasard fait repasser devant nous de notre vie morte, dans ces revenez-y de notre jeunesse qui semble nous promettre une vie nouvelle, nous roulons, écoutant et regardant tout comme un présage, tantôt bon, tantôt mauvais, pleins de pensées qui se heurtent autour d’une idée fixe, prêtant aux choses un sentiment de notre fébrilité et croyant, dans un air d’orgue qui passe, entendre l’ouverture de notre pièce.

1266. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Il lui faut toujours être à genoux devant un dieu, une femme, un homme, un livre, n’importe quoi enfin.

1267. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Tant pis, je l’aime cette vérité, et j’aime à la dire, ainsi que c’est permis de son vivant, à la dose d’un granule homéopathique… et oui, pour cette vérité telle quelle, s’il le faut, je saurais mourir, comme d’autres meurent pour une patrie… Puis vraiment, est-ce que nos illustres, nos académiciens, nos membres de l’Institut se figurent passer à la postérité, comme de petits bons dieux en chambre, sans alliage d’humanité aucune… Allons donc, ces hypocrisies de la convention, tous ces mensonges seront percés un jour, un peu plus tôt, un peu plus tard.

1268. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

L’irréparable mort de sa femme, l’impossibilité d’expier ses duretés envers cet être frivole, le replongent dans son amertume et ses agitations, et c’est encore par un calme soir de givre et de ciel clair qu’il entend et accepte presque des paroles du prince Pierre, la promesse d’une vie future, l’existence d’un dieu personnel qui réveillent en lui la force de vivre et d’espérer.

1269. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Les œuvres idéalistes classiques tendent à être belles, elle se plaisent à la description de lieux riches et heureux, elles donnent du corps humain une image pure de lignes et de couleurs, chaste, sobre et saine ; elles montrent des âmes nobles, fort bonnes, et calmes, animées d’émotion simples et liantes d’amour tendre, de courage, de générosité, de patriotisme, de fière ambition, de juste respect des dieux, de vertus sévères, religieuses mais sans outrance modérées, mais tempérées, contenue de raison et sans disgracieux excès.

1270. (1894) Textes critiques

Chez Hauptmann, pas de poncif panégyrique de Darwin ni de Haeckel, malgré l’entrée comique de Kollin au cirque des portraits ; mais Dieu au-dessus de tout en sa gravitation planée et par là écarté — d’où l’inutilité d’expliquer sa nature — ; et des Dieux subalternes autonomes et autodoules, le Quatrième-Commandement, frappant lancés par ta malédiction l’être à abattre au gré mécanique de qui même incompétent les invoque.

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