Comprend-on chez un vrai poète un tel calcul d’économie ? […] « Il n’aime passionnément que ce qui est obscur, il ne s’enflamme que pour ce qu’il ne comprend pas. […] Si c’est le contraire, et si le pouvoir créateur subsiste côte à côte avec le pouvoir de tout comprendre, l’homme supérieur devient une créature unique. […] L’œuvre du génie dépasse, au contraire, non seulement la faculté de production, mais encore la faculté de perception des autres hommes ; aussi les autres ne le comprennent-ils pas tout d’abord. […] Stendhal, peu goûté de son vivant, disait : « Je serai compris vers 1880. » Il l’a été ; mais pour combien de temps ?
Vous comprenez tout à la fois. […] Il vous comprend, mon prince, comme il comprend Racine, parce qu’il est poète. Je crois vous comprendre un peu aussi, parce que je viens de la mer… Oh ! […] Il n’était pas fait pour comprendre et pour aimer. […] Je ne comprenais pas tout ce qu’il disait.
Alfred de Vigny, auquel, si l’on veut le comprendre, il faut restituer l’atmosphère contemporaine. […] Il était par sa personne, son talent et la manière dont il comprenait ses rôles, le véritable idéal du jeune premier romantique. […] Il comprenait avec une intimité profonde le sens mystérieux des œuvres où il puisait des sujets. […] C’est ce que comprenait instinctivement ou scientifiquement Delacroix, et ce qui donnait à sa peinture un caractère si particulier, si neuf et si étrange. […] Certes le Faust tel que Goethe le concevait n’a jamais été mieux compris.
Ceux qui la représentent ne vous comprendront pas et ne vous écouteront pas. […] Pour comprendre et juger Balzac, il faut connaître son humeur et sa vie. […] Il n’a pas assez de voir la vie, il la comprend. […] Il a été sept ans, dit-il, à comprendre ce qu’est la langue française. […] Les écrits de Jefferson comprennent neuf volumes.
Ne cherchons même pas à expliquer, à comprendre, à analyser. […] En effet, beaucoup ne comprennent pas, beaucoup feignent de ne pas comprendre. […] Suivez attentivement l’ordre et la marche, et vous comprendrez que M. […] Bourget comprend cela tout aussi bien que vous et moi. […] Ariel ne comprend pas Caliban, pour Caliban Ariel est une énigme ; le spectateur, lui, ne comprend bien ni Ariel ni Caliban.
On le contrefait à Paris en ce moment107 : petite contrefaçon à l’amiable, où n’ont que faire les grandes lois de propriété littéraire qu’on médite, et auxquelles j’avoue pour ma part ne trop rien comprendre. […] Ce fut Florian d’abord, comme pour nous tous, Florian y compris son Don Quichotte édulcoré, qui déjà pourtant éveillait et égayait chez lui la pointe d’humour. […] Töpffer l’avaient initié, en effet, à la langue du XVIe siècle, qui est, en quelque sorte, plus voisine à Genève qu’ici même, j’ai déjà tâché de le faire comprendre. […] « Ces relations sont anciennes, elles datent de vingt ans ; elles me sont chères à plus d’un titre, car ce bâton, je le tiens de mon père, y compris la manière de s’en servir et la manière d’en parler. […] Longtemps je l’ai regardé comme mon contemporain ; mais depuis que j’ai compris combien plus le cours des ans ôte à ma vie qu’à la sienne, je l’envisage à la fois comme m’ayant précédé dans ce monde, et comme devant m’y survivre.
Montesquieu a de la prétention dans les aperçus ; Bossuet a de la poésie dans les vues : c’est un épique plus qu’un historien ; leur style se ressent de leur nature : l’un veut frapper, l’autre veut éblouir ; Machiavel ne veut que comprendre et fait comprendre. […] Rousseau « que Machiavel, dont on a fait le bouc émissaire de la politique, n’avait pas été compris dans le véritable esprit de ses œuvres ; que le Prince, au lieu d’être le livre des tyrans qu’il rend odieux, était en réalité le livre des républicains ; que Machiavel était un honnête homme et un bon citoyen, mais obligé de masquer sous les Médicis son amour de la liberté ». […] Pour bien juger il faut bien comprendre ; le livre du Prince n’a été bien compris que par J. […] XX Mais un livre de Machiavel sur lequel il n’y a qu’un sentiment, c’est son Histoire de Florence ; toute la théorie de l’Italie classique, de l’Italie contemporaine de Machiavel et de l’Italie actuelle, est dans ce livre, quand on est capable de comprendre la logique historique des événements et la nature des nations. […] Naples, foyer du carbonarisme aristocratique et militaire, répondit sans le comprendre au cri de l’armée ; cette armée marcha sur Naples et présenta à la pointe des baïonnettes la constitution espagnole au vieux roi Ferdinand.
L’amour du beau pouvait seul révéler à un tel commentateur désintéressé la plus noble des passions, la passion d’admirer, qui fait tout comprendre ! […] Supposez Démosthène parlant sa langue brûlante, sonore, colorée, à une réunion populaire de nos cités actuelles : qui la comprendrait ? […] Tous les Athéniens comprenaient Démosthène, savaient leur langue, jugeaient leur législation et leurs arts. […] Quelle civilisation surhumaine que celle qui a trouvé un grand homme pour ordonner, un architecte pour concevoir, un sculpteur pour décorer, des statuaires pour exécuter, des ouvriers pour tailler, un peuple pour solder, et des yeux pour comprendre et admirer un pareil édifice ! […] Lisez le Phidias de M. de Ronchaud, et vous comprendrez la grandeur du monument dans la grandeur du poète.
. — « Vous ne pouvez comprendre Wagner qu’à Bayreuth, avec sa mise en scène spéciale, ses accessoires, ses décors particuliers, son exécution absolument inimitable ! […] s’il le faisait, je comprendrais que l’on se fâchât tout rouge et qu’on lui bousculât sa première représentation. […] » Pour ceux qui comprennent le patriotisme d’une certaine façon, de telles injures, à de tels moments, sont inoubliables. […] « Chacun, dit Angers-Revue, comprend le patriotisme à sa façon. […] C’est que, si cet homme déteste tout ce qui est allemand, il vienne ici chercher de l’argent et du succès ; mais je comprends encore moins comment la direction de ces concerts a pu avoir le manque de tact de l’engager.
À moins d’être une pure intelligence, on ne comprend bien que ce qu’on a senti. […] IV Quoi qu’il en soit, je commençais à penser et à comprendre que d’autres autour de moi pensaient plus que moi ; je commençais même à comprendre non la nature, mais le fait de cette transformation en pensée des caractères matériel qu’on me faisait tracer ou lire, et la transformation de cette pensée en caractères, c’est-à-dire en livres. […] Ces années furent plus amères pour moi peut-être que pour un autre ; plus le nid est doux sur l’arbre et sous l’aile de la mère, plus l’oiseau déteste les barreaux de la cage où on lui siffle des airs empruntés qu’il doit répéter sans les comprendre. […] Puissiez-vous ne la comprendre jamais par vous-même ! […] Il y a des choses qu’on ne dit qu’une fois dans la vie, mais il faut qu’elles aient été dites ; sans cela vous ne comprendriez pas suffisamment vous-mêmes la toute-puissance du sentiment littéraire sur la vie de l’homme public et sur le cœur de l’homme privé.
Sa méthode d’observation immédiate et directe, mal comprise à cause de quelques expressions équivoques, fut peu goûtée et peu pratiquée par les philosophes eux-mêmes. […] Les unes et les autres sont comprises dans la grande oxydation totale de l’organisme, et plus les unes absorbent de force, moins il en reste pour les autres. […] Nos physiologistes ne comprennent, ne soupçonnent pas autre chose, ne voyant la vie psychique qu’à travers le jeu des organes cérébraux. […] Comprend-elle bien le vrai suicide, non celui qui s’exécute dans un accès de lièvre chaude ou de folie furieuse, mais celui qui s’accomplit en pleine conscience des motifs de l’acte, et par une calme résolution de la volonté ? […] Nous en sommes encore à comprendre comment cette espèce de déterminisme, si l’on veut absolument se servir du mot, serait incompatible avec la notion de liberté, telle que nous la donne la conscience.
L’exquise vertu des jeunes femmes n’est pas dans ce qu’elles comprennent, mais dans ce qu’elles devinent. […] Il comprend tout et il pardonne, il n’a pas besoin d’être compris : il ne peut l’être : il est la pensée de l’univers dans un esprit qui contemple. […] Il les possède assez pour leur inspirer le sens même de ce qu’ils ne sauraient comprendre. […] Tout, comprendre, c’est tout aimer. […] L’édition originale, publiée aux éditions du Sablier (voir note suivante) à Genève en 1919, comprend douze bois gravés de Frans Masereel.
Un des bienfaits les moins contestés du romantisme fut de rompre ces entraves de la pensée, et de mettre à la disposition de l’écrivain tout ce que contenait la langue : on comprit que proscrire des mots, c’était proscrire des idées. […] Je massacrai l’albâtre, et la neige, et l’ivoire ; Je retirai le jais de la prunelle noire, Et j’ose dire au bras : sois blanc, tout simplement… J’ai de la périphrase écrasé les spirales ; Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel L’alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ; Et je n’ignorais pas que la main courroucée Qui délivre le mot, délivre la pensée… Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses… Tel mot est un sourire et tel autre un regard… Ce qu’un mot ne sait pas, un autre le révèle.
Il est juste pourtant de consacrer quelques mots à celui que Stuart Mill appelle « le premier père de l’Association. » D’ailleurs, en marquant le point de départ de l’École, on en comprendra mieux l’évolution. […] On s’étonne parfois de l’ingénuité de ses explications et l’on comprend par cette lecture combien le raisonnement, s’il n’est à chaque instant appuyé par l’expérience et la confrontation avec les faits, est impuissant tout seul à débrouiller l’inextricable lacis des phénomènes psychiques.
Il continue à comprendre sous le titre d’Odes toute inspiration purement religieuse, toute étude purement antique, toute traduction d’un événement contemporain ou d’une impression personnelle. […] L’auteur de ce livre a le malheur de ne rien comprendre à tout cela ; il y cherche des choses et n’y voit que des mots ; il lui semble que ce qui est réellement beau et vrai est beau et vrai partout ; que ce qui est dramatique dans un roman sera dramatique sur la scène ; que ce qui est lyrique dans un couplet sera lyrique dans une strophe ; qu’enfin et toujours la seule distinction véritable dans les œuvres de l’esprit est celle du bon et du mauvais.
Autrement, il est impossible de comprendre comment la société civile sortit de la société de la famille. […] Mais les jurisconsultes romains avaient bien compris la loi royale dont nous parlons.
À des attaques nouvelles, il comprit qu’il fallait répondre par des moyens nouveaux. […] « L’aigle puissante » avait-elle seulement compris le livre de « la blanche colombe » ? […] Si je comprends que l’on n’ait pas d’idées, je ne comprends pas que l’on s’en fasse un mérite, — et bien moins encore que l’on se moque de ceux qui en ont. […] Faute autrefois d’avoir bien compris sur ce point la pensée de M. […] Renan me le dit, mais je ne comprends pas, et j’aurais ici besoin de quelques explications.
On comprend, encore que Voltaire ne le comprenne pas, que Choiseul se fût refroidi à l’endroit de Voltaire, Ce peu de goût que Voltaire a pour les gens qui défendent leur droit contre la force se retrouve dans son attitude à l’égard des insurgents américains. […] Cela revient à dire qu’un peuple n’est libre que quand il veut l’être, et quand il comprend comment on l’est. […] Montesquieu avait raison quand il disait : « Voltaire a trop d’esprit pour me comprendre. […] Vous restez libre de comprendre Dieu et l’Univers de cette façon-là ; et l’Etat ne vous demande pas comment vous les comprenez. […] L’admiration pour l’antiquité et pour la façon dont l’antiquité a compris la religion est la même.
Mais ceux qui croient faire merveille en se moquant agréablement de tout ce qu’il représente sont évidemment ceux qui le comprennent le moins. […] Il ne pourrait nous nuire d’en savoir davantage, et nous en comprendrions d’autant mieux le livre des Pensées. […] Faugère comprendra son devoir d’éditeur. […] C’est ici ce que n’ont pas toujours compris les délicats et les raffinés. […] Maugras n’ait pas toujours très bien compris Rousseau.
La presse bien pensante et bien payante a compris cette vérité. […] Yves Guyot, on comprend sa haine pour les socialistes. On comprend ses critiques contre leurs idées. […] S’il comprend que la Révolution est nécessaire, il la voudrait calme et ordonnée comme un ballet bien réglé. […] Il ne comprend pas qu’il puisse y avoir un mystère à l’origine ou à la fin des choses.
Mais le grand nombre, pareil aux flots de la mer sous une lune d’équinoxe, pourrait-il comprendre tes paroles ? […] Est-ce que tu ne le comprends pas ? […] D’ailleurs, l’indifférence de ces écrivains se comprend jusqu’à un certain point. […] Le Blond de l’avoir compris. […] On ne comprend pas ; rien n’aura plus lieu.
Nous espérons que cet exemple, quelque chimérique qu’il soit, nous fera mieux comprendre que de longs discours. […] Quand on la considère comme telle, on en comprend mieux la genèse et la débilité. […] Leur importance pour faire mieux comprendre le mécanisme de l’attention normale n’échappera pas au lecteur. […] 3° Le troisième groupe comprend non des formes morbides de l’attention, mais une infirmité congénitale. […] Ils pouvaient, sans fatigue, lire six à dix fois une phrase, mais sans comprendre ce qu’ils avaient lu et sans penser cependant à autre chose.
Il renoncerait d’abord ainsi à rendre compte des habitudes motrices ; chacune de celles-ci implique en effet une combinaison particulière de mouvements, et ne peut se comprendre que par elle. […] Mais que les formules se remplissent de matière et que la matière s’anime — c’est une vie nouvelle qui s’annonce ; nous comprenons, nous sentons qu’une autre morale survient. […] La morale comprend ainsi deux parties distinctes, dont l’une a sa raison d’être dans la structure originelle de la société humaine, et dont l’autre trouve son explication dans le principe explicatif de cette structure. […] Mais comprendrait-on sa vie, et surtout sa mort, si la conception de l’âme que Platon lui prête dans le Phédon n’avait pas été la sienne ? […] Laissons de côté Platon, qui certainement comprend parmi les Idées suprasensibles celle de l’homme : ne s’ensuivait-il pas que tous les hommes étaient de même essence ?
Teste, se comprend-t-il fort bien. […] Bergson, et fut d’ailleurs aussi peu comprise que lui. […] On comprend que l’influence de Valéry s’exerce aujourd’hui dans le sens de la discipline, de l’effort intellectuel. […] Ni lu ni compris ? […] Un Album de Vers anciens comprend tous les poèmes de jeunesse écrits jusqu’en 1898.
Il sortait de la mode et des conventions, non par théorie, mais d’instinct ; à force de naturel, il comprenait la nature, et voyait l’âme où elle est, c’est-à-dire partout. […] On n’a qu’à comparer les paysages de Poussin et de Pérelle à ceux de Decamps et de Rousseau, pour comprendre le changement qui s’est fait dans cette voie depuis deux siècles. […] Un oiseau l’intéresse ; il comprend les vagues inquiétudes de la vie animale, l’élan de la force intérieure qui s’épanche par l’excès et les irrégularités du mouvement, et ne s’apaise que par la fraîcheur et le froissement des flots : Tantôt on les eût vus côte à côte nager, Tantôt courir sur l’onde et tantôt se plonger Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies. […] Il comprendra que ses vices lui viennent de sa maladresse, que faute d’esprit il est toujours affamé, et que le besoin se tourne en rage. […] Cela sert à comprendre ce qu’est la poésie.
L’Allemagne, avec son génie, si pliant, si large, si prompt aux métamorphoses, si propre à reproduire les plus lointains et les plus bizarres états de la pensée humaine ; l’Angleterre avec son esprit si exact, si propre à serrer de près les questions morales, à les préciser par les chiffres, les poids, les mesures, la géographie, la statistique, à force de textes et de bon sens ; la France enfin avec sa culture parisienne, avec ses habitudes de salon, avec son analyse incessante des caractères et des œuvres, avec son ironie si prompte à marquer les faiblesses, avec sa finesse si exercée à démêler les nuances ; tous ont labouré le même domaine, et l’on commence à comprendre qu’il n’y a pas de région de l’histoire où il ne faille cultiver cette couche profonde, si l’on veut voir des récoltes utiles se lever entre les sillons. […] Ce sont là les plus efficaces entre les causes observables qui modèlent l’homme primitif ; elles sont aux nations ce que l’éducation, la profession, la condition, le séjour sont aux individus, et elles semblent tout comprendre, puisqu’elles comprennent toutes les puissances extérieures qui façonnent la matière humaine, et par lesquelles le dehors agit sur le dedans. […] Si l’on dresse la carte géographique d’un pays, à partir de l’endroit du partage des eaux, on voit au-dessous du point commun les versants se diviser en cinq ou six bassins principaux, puis chacun de ceux-ci en plusieurs bassins secondaires, et ainsi de suite jusqu’à ce que la contrée tout entière avec ses milliers d’accidents soit comprise dans les ramifications de ce réseau. […] Si par exemple on admettait qu’une religion est un poëme métaphysique accompagné de croyance ; si on remarquait en outre qu’il y a certains moments, certaines races et certains milieux, où la croyance, la faculté poétique et la faculté métaphysique se déploient ensemble avec une vigueur inusitée ; si on considérait que le christianisme et le bouddhisme sont éclos à des époques de synthèses grandioses et parmi des misères semblables à l’oppression qui souleva les exaltés des Cévennes ; si d’autre part on reconnaissait que les religions primitives sont nées à l’éveil de la raison humaine, pendant la plus riche floraison de l’imagination humaine, au temps de la plus belle naïveté et de la plus grande crédulité ; si on considérait encore que le mahométisme apparut avec l’avènement de la prose poétique et la conception de l’unité nationale, chez un peuple dépourvu de science, au moment d’un soudain développement de l’esprit ; on pourrait conclure qu’une religion naît, décline, se reforme et se transforme selon que les circonstances fortifient et assemblent avec plus ou moins de justesse et d’énergie ses trois instincts générateurs, et l’on comprendrait pourquoi elle est endémique dans l’Inde, parmi des cervelles imaginatives, philosophiques, exaltées par excellence ; pourquoi elle s’épanouit si étrangement et si grandement au moyen âge, dans une société oppressive, parmi des langues et des littératures neuves ; pourquoi elle se releva au seizième siècle avec un caractère nouveau et un enthousiasme héroïque, au moment de la renaissance universelle, et à l’éveil des races germaniques ; pourquoi elle pullule en sectes bizarres dans la grossière démocratie américaine, et sous le despotisme bureaucratique de la Russie ; pourquoi enfin elle se trouve aujourd’hui répandue en Europe avec des proportions et des particularités si différentes selon les différences des races et des civilisations. […] Un seul homme, Stendhal, par une tournure d’esprit et d’éducation singulière, l’a entrepris, et encore aujourd’hui la plupart des lecteurs trouvent ses livres paradoxaux et obscurs ; son talent et ses idées étaient prématurés ; on n’a pas compris ses admirables divinations, ses mots profonds jetés en passant, la justesse étonnante de ses notations et de sa logique ; on n’a pas vu que sous des apparences de causeur et d’homme du monde, il expliquait les plus compliqués des mécanismes internes, qu’il mettait le doigt sur les grands ressorts, qu’il importait dans l’histoire du cœur les procédés scientifiques, l’art de chiffrer, de décomposer et de déduire, que le premier il marquait les causes fondamentales, j’entends les nationalités, les climats et les tempéraments ; bref, qu’il traitait des sentiments comme on doit en traiter, c’est-à-dire en naturaliste et en physicien, en faisant des classifications et en pesant des forces.
Dans Maison de poupée, Norah s’aperçoit que son mari ne la comprend pas et que, par conséquent, leur union repose sur un mensonge. […] Il garde le souvenir et le nom de Karatief comme un talisman ; depuis lors il lui suffit de penser à l’humble moujick pour se sentir apaisé, heureux, disposé à tout comprendre et à tout aimer dans la création. […] Est-ce que vous ne comprenez pas que Flaubert aime la servante Félicité d’Un coeur simple ? Est-ce que vous ne comprenez pas qu’il aime l’admirable Dussardier de l’Éducation sentimentale, et était-il nécessaire qu’il vous en informât ? […] Là, une femme qui s’aperçoit que son mari ne la comprend pas ou que son fils est atteint d’une maladie incurable se demande instantanément si Martin Luther n’a pas été trop timide, si c’est le paganisme ou le christianisme qui a raison, et si toutes nos lois ne reposent pas sur l’hypocrisie et le mensonge.
Qui ne comprend pas Eschyle est irrémédiablement médiocre. […] La multitude est là en effet ; toute la multitude, y compris les femmes, les enfants et les esclaves, et Platon qui fronce le sourcil. […] Cela dit, nous ne voyons aucune raison pour casser le verdict de l’histoire, nous adjugeons au calife la fumée des sept cent mille volumes d’Alexandrie, Eschyle compris, et nous maintenons Omar en possession de son incendie. […] Quatorze trilogies : les Prométhées, dont faisait partie Prométhée enchaîné ; les Sept Chefs devant Thèbes, dont il nous reste une pièce ; la Danaïde, qui comprenait les Suppliantes, écrites en Sicile et ayant trace du « sicélisme » d’Eschyle ; Laïus, qui comprenait Œdipe ; Athamas, qui se terminait par les Isthmiastes ; Persée, dont le nœud était les Phorcydes ; Etna, qui avait pour prologue les Femmes Etnéennes ; Iphigénie, qui se dénouait par la tragédie des Prêtresses ; l’Éthiopide, dont les titres ne se retrouvent nulle part ; Penthée, où étaient les Hydrophores ; Teucer, qui s’ouvrait par le Jugement des armes ; Niobé, qui commençait par les Nourrices et s’achevait par les Gens du cortège ; une trilogie en l’honneur d’Achille, l’Iliade tragique, composée des Myrmidons, des Néréides et des Phrygiens ; une en l’honneur de Bacchus, la Lycurgie, composée des Édons, des Bassarides et des Jeunes hommes. […] Socrate déclarait toute la philosophie éleusiaque inintelligible et insaisissable, et il disait à Euripide que, pour comprendre Heraclite et les vieux philosophes, « il faudrait être un nageur de Délos », c’est-à-dire un nageur capable d’aborder l’île qui fuit toujours.
Les amis de la favorite, voyant la reine paraître et espérer dans sa candeur reconquérir d’une seule fois tout le terrain perdu, y compris le point essentiel du conjungo, usèrent de l’arme, alors si en usage, du ridicule. […] Vous comprenez que tant d’espérances furent révélées par la joie des uns et l’étonnement des autres. […] Mme de Pompadour, du moins, eut le tact de comprendre qu’elle ne pouvait avoir vis-à-vis de cette reine vertueuse et offensée qu’une ligne de conduite et qu’une attitude tolérable : le respect le plus profond, la soumission la plus entière, le désir de lui complaire en tout et de la servir ; faire dire d’elle en un mot : « Mieux vaut celle-là qu’une autre. » Cet éloge tel quel, Mme de Pompadour le mérita. […] Et d’abord, pour comprendre ce qu’il pouvait y avoir de distraction et de soulagement pour elle dans un intérieur si uni et si peu accidenté, il faut se bien rendre compte de la gêne et de l’ennui immense, solennel, qu’apportait en ce temps-là l’étiquette de Cour dans une journée dont tous les actes étaient réglés et consacrés par des cérémonies invariables.
Cela est sensible à qui lit l’Exposition du Système du Monde, de La Place, le modèle du genre : il y a des endroits où on lit des yeux l’énoncé d’une formule que le mathématicien seul comprend : le profane est réduit à l’accepter ; il doit en croire son auteur sur parole et passer outre. […] On se fait par moments l’illusion de tout comprendre en le lisant. […] Pour lui, il n’hésite pas à le proclamer, « l’ordre préside au cosmos des intelligences et au cosmos des corps ; le monde intellectuel et le monde physique forment une unité absolue ; l’ensemble des humanités sidérales forme une série progressive d’êtres pensants, depuis les intelligences d’en bas, à peine sorties des langes de la matière, jusqu’aux divines puissances qui peuvent contempler Dieu dans sa gloire et comprendre ses œuvres les plus sublimes. » C’est ainsi que tout s’explique en s’harmonisant. […] Certes, plus l’homme comprend ces lois merveilleuses de l’univers, et plus aussi il se rend digne de la condition humaine la plus élevée, telle que l’ont faite les sciences et le sublime effort de quelques-uns ; plus l’homme approche d’un Pythagore ou d’un Archimède, d’un Newton ou d’un La Place, et plus il doit ressentir une joie plénière devant des lois de plus en plus approfondies ou conjecturées ; mais, même à des degrés infiniment moindres, il lui est loisible encore de participer à ces nobles « délices des êtres pensants ».
Elle avait fini par lire couramment la pensée du cachet qui se variait sans cesse avec caprice, facile blason de coquetterie encore plus que d’amour, et qui ne demande qu’à être compris. […] La mère n’insista pas, mais, à la chaleur du refus et à mille autres signes que son œil silencieux depuis quelque temps saisissait, elle avait compris. […] Elle, au milieu de la chambre, debout, plus pâle que lui, répondait par monosyllabes sans comprendre, lorsque tout à coup, ne pouvant soutenir une lutte si inégale, elle se sentit chanceler, fit un geste comme pour se prendre à la grille, et tomba évanouie. […] Vous prendrez garde à toutes ces haines de là-bas, et vous tâcherez surtout de concilier ici. » Et la famille, et les enfants, elle venait aussi en parler, et embellissait par eux les devoirs : « Ils auront es mêmes fées que vous sous vos mêmes ombrages. » Hervé n’essayait plus de comprendre, il nageait dans une sainte joie ; le jour tombant et de si franches paroles l’enhardissaient ; il exprima nettement ce désir prochain d’union, et cette fois, soit qu’elle fût trop faible, après tant d’efforts, ou trop attendrie, elle le laissa s’expliquer jusqu’au bout sans l’interrompre.
Rien de plus froid, de plus vide que la comédie ainsi comprise. […] Une âme sensible est celle qui comprend les occasions où elle doit sentir, et qui produit avec le plus de vivacité possible toutes les actions extérieures qui répondent à ces occasions de sentir. […] Cette explication était nécessaire pour faire comprendre la naissance, le succès, la valeur des genres sérieux issus de la comédie, et qu’on a nommés comédie larmoyante et drame. […] Mais songeons, pour être justes, aux acteurs campés devant le trou du souffleur, parlant au parterre sans regarder leur interlocuteur, ronronnant leurs tirades avec un rythme et des gestes convenus : nous comprendrons le progrès que représentait un Greuze mis à la scène.
La superstition de l’Académie est si forte dans ce pays que beaucoup sont incapables de comprendre qu’un homme qui pourrait en être ne le veuille point. […] Moi-même, je ne comprends rien du tout au mépris enragé de M. […] Une telle disposition d’esprit est évidemment pour déplaire à ceux qui goûtent et essayent de comprendre les formes de la vie et de l’art dans le passé, qui y séjournent volontiers, qui y trouvent autant d’intérêt qu’au spectacle de la vie contemporaine, qui voient dans l’Académie soit une institution vénérable et salutaire, soit même une absurdité charmante et qui ne sont pas pour cela des cuistres ni des snobs, qui ont même quelque chance d’avoir une sagesse plus détachée et plus libérale que cet éternellement jeune Petit Chose. […] » avec l’intonation désespérée de la femme qui a mesuré le gouffre et s’y jette les yeux ouverts, pour tenir un engagement d’honneur. » Comprenez-vous ?
Boileau comprit et fit comprendre à ses amis que « des vers admirables n’autorisaient point à négliger ceux qui les devaient environner ». […] Les Montausier, les Huet, les Pellisson, les Scudéry en frémirent ; mais il suffit que Colbert comprît, qu’il distinguât entre tous le judicieux téméraire, qu’il se déridât à le lire et à l’entendre, et qu’au milieu de ses graves labeurs, la seule vue de Despréaux lui inspirât jusqu’à la fin de l’allégresse. […] La seconde période, de 1669 à 1677, comprend le satirique encore, mais qui de plus en plus s’apaise, qui a des ménagements à garder d’ailleurs en s’établissant dans la gloire ; déjà sur un bon pied à la Cour ; qui devient plus sagement critique dans tous les sens, législateur du Parnasse en son Art poétique, et aussi plus philosophe dans sa vue agrandie de l’homme (Épître à Guilleragues), capable de délicieux loisir et des jouissances variées des champs (Épître à M. de Lamoignon), et dont l’imagination reposée et nullement refroidie sait combiner et inventer des tableaux désintéressés, d’une forme profonde dans leur badinage, et d’un ingénieux poussé à la perfection suprême, à l’art immortel.
S’il était indifférent au point de vue de la sensibilité de perdre une dent ou de perdre un ami, comment comprendre que ces deux événements pussent produire dans la douleur une si grande différence, même d’intensité ? […] De plus, elle n’explique pas l’action, puisqu’elle la fait dériver tout entière d’une passivité préalable ; la causalité, l’efficacité, la force du sentiment ne se comprennent pas, et on ne sait avec quoi l’être pourra réagir, tendre à une chose ou s’écarter de l’autre. […] Pourtant, on comprend à la rigueur que l’être agisse pour agir, si un sentiment agréable est la conséquence de toute action, et un sentiment plus agréable la conséquence d’un surplus d’action efficace. […] Si, en tant qu’états de conscience, ils n’étaient que des épiphénomènes et des aspects-surajoutés, on ne comprendrait pas leur développement, qui en fait de véritables fonctions de protection et de progrès, et qui suppose que, par leur nature mentale, non pas seulement physique, ils sont des facteurs réels de révolution.
Mais il est imprudent de dépasser seize syllabes (non compris les muettes) : Ni les épouses de tes vizirs | qui s’entr’ouvrent sous tes [regards] Encore ce vers n’est-il que l’accouplement de deux vers de 8 syllabes. […] Voici une strophe, ou une laisse, qui fera comprendre qu’un vers de neuf, de dix, de onze syllabes peut s’apparier, sans briser le rythme, avec une pluralité d’alexandrins : Ils virent les pins sévères de la mélancolie barrer les blancheurs septentrionales. […] Il faut cependant les comprendre et les aimer telles qu’elles sont et selon leur écriture tronquée. […] Quoique nous ne le comprenions pas très bien, il existe ; il fut cultivé pendant trois ou quatre siècles ; il satisfaisait les oreilles délicates accoutumées aux nuances du chant neumatique ; il se chantait d’abord, mais il se lisait, puisqu’on en faisait des recueils en le séparant de sa mélodie.
Les uns et les autres critiquent Sarcey : les Décadents, parce qu’ils le trouvent mauvais ; les Symbolistes parce qu’ils voudraient prendre sa place. » Les Symbolistes sont des poseurs, à preuve l’anecdote suivante que m’a contée un respectable bourgeois qui n’y comprit absolument rien : Un jour de l’été dernier, Léon Mateau et un poète de ses amis revenaient de la campagne où ils étaient allés, sans doute, commenter les derniers accidents de la vie d’Arthur Rimbaud. […] Plusieurs détails complémentaires sont indispensables pour montrer dans leur exactitude les lignes de la chair et pour faire comprendre le jeu complexe de cette physionomie si une et si étrange. […] Mais après le banquet il comprit que l’absorbante personnalité de Moréas ne lui permettait pas de jouer ce rôle, et comme il ne pouvait se résigner à n’être qu’un infime satellite, il fomenta les divisions qui ont amené la naissance de l’École romane. […] De nombreux écrivains l’ont déjà compris et toute une légion de poètes latents est prête à affirmer avec eux l’existence de l’école socialiste. » Mais si le succès du socialisme semble assuré pour l’avenir, on ne peut pas dire que cela soit vrai pour l’heure présente.
De tendance naturelle et de facultés, il semblait certainement destiné à être un esprit d’exception autant que le poète lui-même, c’est-à-dire le critique qui, lorsqu’on a senti le poète, le fait comprendre mieux en analysant sa puissance. […] Johnson et Milton, voilà les deux plus grandes choses du recueil des Œuvres diverses ; mais je ne les comparerai pas, quoiqu’ils soient également compris. D’ailleurs, Milton n’est pas seul sous le regard de son critique, qui nous fait comprendre son génie en lui donnant pour repoussoir le génie du Dante, c’est-à-dire en mettant, comme Michel-Ange à Saint-Pierre, une difficulté sur une difficulté. […] Avant que madame de Staël, comme fécondée par je ne sais quel mystérieux pollen littéraire, écrivît son livre De l’Allemagne, qui se doutait que la Critique, avec ses œillères, pût relever son front, laborieusement abaissé vers les œuvres dont elle avait à rendre compte, et regarder autour d’un livre, — au-dessus, — à côté, — pour mieux le comprendre et le voir ?
C’est par une sorte d’abus, mais qui avait sa raison, que l’on a compris encore sous le nom de romantiques les poètes, comme André Chénier, qui sont amateurs de la beauté grecque et qui, par là même, sembleraient plutôt classiques ; mais les soi-disant classiques modernes étant alors, la plupart, fort peu instruits des vraies sources et se tenant à des imitations de seconde ou de troisième main, ç’a été se séparer d’eux d’une manière tranchée que de revenir aux sources mêmes, au sentiment des premiers maîtres, et d’y retremper son style ou son goût. […] Ils ont un grand point de ralliement d’ailleurs, le culte de l’art compris selon l’inspiration moderne rajeunie en ce siècle. C’est ce sentiment qui vit dans leurs cœurs, et que moi-même (si je puis me nommer) j’ai embrassé à mon heure et nourri dans le mien, que je voudrais maintenir, expliquer et confesser encore une fois devant ceux qui ne paraissent point l’admettre et le comprendre.
Il protestait que ce livre n’avait jamais fait sur lui, en l’écrivant, de mauvaises impressions, et il ne comprenait pas qu’il pût être si fort nuisible aux personnes qui le lisaient. » Je le crois ; il l’avait fait trop naturellement pour y voir du mal. […] Vingt vers leur font comprendre votre leçon et cent vers les empêcheraient de la comprendre.
Théodore de Banville a retenu le second, et l’on peut certainement dire qu’après Théophile Gautier il est celui qui l’a le mieux compris et le mieux appliqué. […] Il mit tout son orgueil à devenir savant, à comprendre le murmure des choses. […] Il est temps qu’on le comprenne.