On peut à Despréaux pardonner la Satire ; Il joignit l’art de plaire, au malheur de médire.
On sent qu’il n’étoit pas encore parvenu à ce point de maturité que demande la perfection de l’art : mais quand on se rappelle les obstacles que la fortune la plus cruelle n’a cessé d’opposer à son amour pour la gloire littéraire, on a lieu d’être étonné du parti qu’il a tiré de ses talens naturels.
Ses Odes * ne sont, au flambeau de sa critique, que des propos de Cabaret ; ses Epîtres, ses Satires, & son Art poétique, ne valent pas mieux ; le désordre y regne par-tout ; rien n'y est bien ; tout y est diffus, monstrueux.
Elle a l'art de faire partager tous ses sentimens à son Lecteur ; on rit ou l'on s'afflige avec elle, on adopte ses intérêts, on souscrit à ses louanges & à ses censures, on applaudit aux jugemens qu'elle porte sur les plus célebres Auteurs de son Siecle ; mais on ne croit pas toujours ses prédictions, sur-tout quand elle dit de Racine, qu'on s'en dégoûtera comme du Café.
Elle ne tint pas tout à fait sa promesse, au moins quant à la décence ; mais on y trouve de l'art, de la délicatesse, le ton de la bonne Compagnie : agrémens cependant peu capables d'intéresser dans un Roman dont la vertu n'est pas le fondement, surchargé d'ailleurs d'épisodes & d'incidens peu vraisemblables.
Peu d'Historiens, dans toutes les Langues, ont possédé plus éminemment l'art d'attacher le Lecteur, de captiver son esprit, & de l'intéresser à son sujet.
Réservons notre fouet pour les méchants, les fous dangereux, les ingrats, les hypocrites, les concussionnaires, les tyrans, les fanatiques et les autres fléaux du genre humain ; mais que notre amour pour les arts et les lettres, et pour ceux qui les cultivent, soit vrai et aussi inaltérable que notre amitié.
Très pressés, ils garderont pour toutes choses et toute leur vie cette allure de Juif errant, qu’il s’agisse d’amour, d’art ou de littérature. […] Comme on le voit, la passion et la tendresse débordent de ce cœur de jeune fille, et ce n’est pas sans art que l’auteur a su en analyser les élans. […] Non, dès que l’homme et la femme, plus ou moins, si peu que ce soit, touchent au théâtre, un furieux amour de l’art s’installe en eux et s’y développe et les tient et ne les lâche plus. […] Réflexions sur l’art de faire des vers […] Mais il est grand par son père, le savant, l’érudit, versé dans tous les arts qu’il convient que connaisse un homme bon, pieux et honnête.
Ne vaudrait-il pas mieux ne s’occuper de rien, que de ces riens ; tandis que l’art de se rendre heureux, qu’on étudierait toute sa vie, serait encore ignoré ? […] ou les premières idées de la vie ont-elles pour base, ainsi que les éléments de toute science et de tout art, quelques phénomènes acquis par les sens ? […] pourquoi le service est-il un art dans vos salles à manger ? […] et ces maîtres dans l’art de découper les viandes, quelle figure font-ils autour d’un philosophe ? […] Celui-ci professa la philosophie ; l’autre, l’art oratoire : tous deux furent instituteurs des grands ; mais Quintilien resta maître d’école, et Sénèque devint ministre.
. — L’Art de la reliure (1864). — Racine à Uzès, comédie en un acte et en vers (1865). — La Valise de Molière, comédie en un acte et en prose (1868). — Gutenberg, drame en cinq actes et en vers (1869). — Le Théâtre et les pauvres (1869). — Les Prussiens chez nous (1871). — Le Théâtre français au xvie et au xviie siècle (1871). — La Farce de Maître Pathelin, avec traduction en vers modernes (1872). — Histoire de la butte des Moulins (1877). — Le Mystère de Robert-le-Diable, transcrit en vers modernes (1879)
. — L’Art vivant (1881). — Bartolomea, roman (1883). — Maîtres anciens (1882). — La Peinture italienne (1885). — La Vie et l’œuvre du Titien (1886).
Sans s’éloigner du naturel & de la simplicité, il a eu l’art d’élever le ton de l’Apologue, & de lui donner un air de philosophie qui ne dépare point la Fable, quand il est sobrement dispensé.
Villon sut le premier, en ces siecles grossiers, Débrouiller l’art confus de nos vieux Romanciers.
la justice protégeant les arts, notre-seigneur au tombeau, sainte Catherine , les deux premiers d’après Le Caravage, le second d’après Le Cortone, tous les trois dessinés par Cochin et gravés par Demarteau, sont à s’y tromper ; ce sont de vrais dessins au crayon.
Ainsi les vers que soupiroit Tibulle et que l’amour lui dictoit, pour me servir de l’expression de l’auteur de l’art poëtique, nous plaisent infiniment toutes les fois que nous les relisons.
Mais cette aveugle disposition ne résulte que d’une manière fausse et étroite de concevoir la grande relation de la science, à l’art, faute d’avoir assez profondément apprécié l’une et l’autre. […] Car, l’art ne sera plus alors uniquement géométrique, mécanique ou chimique, etc., mais aussi et surtout politique et moral, la principale action exercée par l’Humanité devant, à tous égards, consister dans l’amélioration continue de sa propre nature individuelle ou collective, entre les limites qu’indique, de même qu’en tout autre cas, l’ensemble des lois réelles. Lorsque cette solidarité spontanée de la science avec l’art aura pu ainsi être convenablement organisée, on ne peut douter que, bien loin de tendre aucunement à restreindre les saines spéculations philosophiques, elle leur assignerait, au contraire, un office final trop supérieur à leur portée effective, si d’avance on n’avait reconnu, en principe général, l’impossibilité de jamais rendre l’art purement rationnel, c’est-à-dire d’élever nos prévisions théoriques au véritable niveau de nos besoins pratiques. Dans les arts même les plus simples et les plus parfaits, un développement direct et spontané reste constamment indispensable, sans que les indications scientifiques puissent, en aucun cas, y suppléer complètement. […] Au sujet de cette intime harmonie entre la science et l’art, il importe enfin de remarquer spécialement l’heureuse tendance qui en résulte pour développer et consolider l’ascendant social de la saine philosophie, par une suite spontanée de la vie industrielle dans notre civilisation moderne.
Un maître à danser n’est pas toujours celui (tant s’en faut) qui danse le mieux ; mais si quelque ancien maître fameux en ce genre a écrit quelque chose sur son art, et que cet art soit en partie perdu, on doit recourir au traité. […] On se rappelle cette charmante et toute jeune Mlle de Saint-Germain chez Hamilton, qui avait tout bien dans sa personne, hormis les mains : « Et la belle se consoloit de ce que le temps de les avoir blanches n’étoit pas encore venu. » A cet égard, tout épicurien qu’il se montre en bien des endroits, le chevalier ne sait sans doute pas la recette aussi bien que les Grammont, les Hamilton, ces voluptueux rompus à l’art de plaire. […] Il faut longtemps jouir de ce plaisir-là pour aimer toujours, car on ne se plaît guère à recevoir ce qu’on n’a pas beaucoup désiré, et quand on l’a de la sorte, on s’accoutume à le négliger, et d’ordinaire on n’en revient plus. » Pour le coup, on reconnaît, tissez bien, ce me semble, le maître de Mme de Maintenon ; et qui donc sut mettre en pratique, comme elle, cet art de douce et puissante lenteur ? […] Je ne me flatte pas d’avoir rompu toute l’enveloppe, et je n’y ai pas visé le moins du monde ; j’ai lu, j’ai glissé, et il m’a suffi de cet à-peu-près facile pour apprécier du moins, au milieu de tout ce qui m’échappait, la façon de dire vite et bien, la touche légère, l’élégante familiarité, cette nouveauté qui n’est pas tirée de trop loin et qui rencontre aisément ce qu’elle cherche (curiosa felicitas, comme Pétrone lui-même a dit d’Horace), en un mot, ce cachet qui a caractérisé de tout temps les écrivains maîtres en l’art de plaire. […] (Art d’aimer, liv.
La pensée de l’art noblement conçu le soutient et donne à ses travaux une dignité que n’avaient pas ses premiers essais, simples épanchements de son âme et de sa vie habituelle. — Il comprend tout, aspire à tout, et n’est maître de rien ni de lui-même. […] Je lui inspirai quelques doutes sur son incrédulité ; et lui jetait, en fait de musique, d’arts et de poésie, beaucoup d’éclairs sur mon ignorance. […] C’est à un souvenir de ce moment que se rapporte la pièce de vers suivante, dans laquelle on a tâché de rassembler quelques impressions déjà anciennes, et de reproduire, quoique bien faiblement, quelques mots échappés au poète, en les entourant de traits qui peuvent le peindre. — À lui, au sein des mers brillantes où ils ne lui parviendront pas, nous les lui envoyons, ces vers, comme un vœu d’ami dans le voyage. » Un jour, c’était au temps des oisives années, Aux dernières saisons, de poésie ornées Et d’art, avant l’orage où tout s’est dispersé, Et dont le vaste flot, quoique rapetissé, Avec les rois déchus, les trônes à la nage. […] Cette pure et sévère splendeur des marbres au sein de la verdure tranquille du paysage nous offre un parfait emblème de l’art virgilien. […] « C’est à Virgile qu’il appartient de chanter les rivages d’Actium chers au soleil, et les flottes victorieuses de César ; il va naître quelque chose de plus grand que l’Iliade. » « Properce se trompait ; une légende nationale en très beaux vers ne pouvait jamais égaler ni l’Iliade ni l’Odyssée, nées d’elles-mêmes dans l’âge de foi et par l’organe du dieu des poètes. — L’Énéide était l’ouvrage de l’art, — Homère était la nature. » XVII Ici, mon cher Sainte-Beuve, vous nous racontez la mort prématurée de Virgile, qui succombe à cinquante-deux ans à Brindes, en revenant de Grèce, où il était allé perfectionner l’Énéide, et sa tombe à Naples, au pied du Pausilippe, et en face du plus beau et du plus doux paysage de la Campanie.
Prométhée n’est-il pas d’ailleurs, comme lui, statuaire et maître dans les arts du feu ? […] Des chefs-d’œuvre d’art et de mécanisme sortaient de leurs moules. […] J’ai emporté dans une férule creuse, le Feu, maître de tous les arts, le plus grand bien dont puissent jouir les vivants. […] Ses premières effigies en faisaient un homme mûr, aux membres robustes, à la barbe épaisse et pointue ; l’art de la belle époque le refit et le rajeunit d’après le modèle accompli de l’adolescent. […] Envisagée sons le seul aspect de l’art et du drame, elle est déjà d’une grandeur unique.
Doué des qualités que je caractériserai tout à l’heure et qui ne manquent ni d’élévation ni de force, il s’est particulièrement, presque exclusivement, consacré à ce genre de roman, qui représente dans l’art le matérialisme et la démocratie, et qui ferait le tour du monde, comme le drapeau de la Révolution, si la Critique, qui ne veut pas que les grandes notions littéraires périssent, ne lui barrait pas le chemin ! […] Mais qu’en plein xixe siècle, quand les passions et leur étude, et leurs beautés, et leurs laideurs, et jusqu’à leurs folies, ont pris dans la préoccupation générale la place qu’elles doivent occuper ; quand la littérature est devenue presque un art plastique, sans cesser d’être pour cela le grand art spirituel ; quand nous avons eu des creuseurs d’âme, des analyseurs de fibre humaine, des chirurgiens de cœur et de société ; enfin, qu’après Chateaubriand, Stendhal, Mérimée et Balzac, — Balzac, le Christophe Colomb du roman, qui a découvert de nouveaux mondes, — la vieille mystification continue et que la réputation de Gil Blas soit encore et toujours à l’état d’indéracinable préjugé classique, voilà ce qui doit étonner ! […] et pour arriver à la simplicité du plan, au rythme aisé du récit, à la concision savante, à la mesure, à l’ordre lucide, à ce fini dans l’art que Platon appelait, avec une justesse si exquise, une rondeur, Féval montre souvent de la passion vraie, de l’observation acérée, de l’invention de bon aloi. […] Catholique d’hier, animé d’un enthousiasme d’homme renouvelé, et qui ne s’en ira pas comme s’en vont de nos cœurs, les uns après les autres, tous nos pauvres enthousiasmes de la terre, Paul Féval a voulu affirmer son catholicisme plus expressément encore que par un roman, et à l’œuvre que j’attendais il a préféré une œuvre plus militante, — une œuvre qui ressemblât davantage à un acte, ainsi qu’il convient à un chrétien pour qui l’art, si grand qu’il soit, n’est plus maintenant le but principal de la vie. […] Cette histoire, je le sais, il l’a mêlée à bien des choses qui, peut-être, ont nui à la composition et à l’art de son livre.
Dans les arts et la poésie, il recherchait le beau, le passionné, le sincère, et faisait la plus grande part à ce qui venait de l’âme et à ce qui allait à l’âme. […] Quoi qu’il en soit, le tableau que Farcy a tracé de souvenir est un chef-d’œuvre de délicatesse, d’attendrissement gracieux, de naturel choisi, d’art simple et vraiment attique : Platon ou Bernardin de Saint-Pierre n’auraient pas conté autrement. […] Mais l’art n’y pouvait rien : Farcy parla peu, bien qu’il eût toute sa présence d’esprit. […] La pensée de l’art noblement conçu le soutient et donne à ses travaux une dignité que n’avaient pas ses premiers essais, simples épanchements de son âme et de sa vie habituelle. — Il comprend tout, aspire à tout, et n’est maître de rien ni de lui-même.
L’histoire des Révolutions d’Italie, établie sur la plus fausse et la plus lâche des philosophies de l’Histoire, et qui n’a de valeur, d’éloquence et de jugement que quand elle est, en fait, inconséquente à son principe, cette histoire de la confuse mêlée des villes et des bourgs italiens au Moyen Âge, cette chronique déchiquetée et grouillant de faits lilliputiens, recueillis par cette érudition qui voit l’imperceptible, à grand renfort de bésicles, aurait bien vite cédé la place à une histoire de la littérature italienne et du génie italien dans les arts, la vraie grandeur de l’Italie. […] Nous savons parfaitement la différence qu’il y a entre cet Italien de race, fin et fort, et d’une si naturelle aristocratie, et le Franc-Comtois, digne d’être Auvergnat, le robuste malappris qui méprise également l’art et les femmes. […] Or, je n’hésite nullement à déclarer que ces détails et ces développements sont d’un maître, — d’un maître dans l’art, si ce n’est dans la vérité ! […] Cette Histoire de la Raison d’État finit donc par l’art de composer des almanachs politiques, et c’est dans la splendide rêverie de la prophétie scientifique que trébuche et vient s’abîmer cette intelligence si positive, qu’elle ne voulait ni de Dieu, ni du diable, ni de l’homme, pour s’expliquer l’univers !
[L’Art romantique (1888).]
[L’Art romantique (1868).]
Elle a le double aspect, ce qu’on pourrait appeler le double versant, politique et littéraire, et par conséquent la double utilité dont notre siècle a besoin ; d’un côté le droit, de l’autre l’art ; d’un côté l’absolu, de l’autre l’idéal… Le style d’Edgar Quinet est robuste et grave, ce qui ne l’empêche pas d’être pénétrant.
En remontant jusqu’à la source primitive d’un systême de musique connu à la Chine depuis plus de quatre mille ans ; en approfondissant les principes sur lesquels ce systême appuie ; en développant ses rapports avec les autres sciences ; en déchirant ce voile épais qui nous a caché jusqu’ici la majestueuse simplicité de sa marche, ce Savant eût pénétré peut-être jusque dans le Sanctuaire de la Nature… Son Ouvrage nous eût peut-être fait connoître à fond le plus ancien systême de musique qui ait eu cours dans l’Univers [celui des Chinois] ; & en l’exposant avec cette clarté, cette précision, cette méthode qu’on admire dans son Mémoire, il eût servi comme de flambeau pour éclairer tout à la fois & les Gens de Lettres & les Harmonistes : les premiers, dans la recherche des usages antiques, & les derniers dans celle du secret merveilleux de rendre à leur Art l’espece de toute-puissance dont il jouissoit autrefois, & qu’il a malheureusement perdue depuis. »
Quiconque saura apprécier un style noble sans emphase, correct sans sécheresse, précis sans obscurité ; les richesses du savoir & l’art de les mettre en œuvre sans affectation ; le talent de l’analyse & celui du récit ; la profondeur & la justesse des idées, réunies à la vivacité de l'expression qui les anime & à la netteté qui les rend sensibles, admettra sans peine Madame de Saint-Chamond parmi les la Fayette, les Dacier, les Chatelet, & les autres femmes qui ont honoré leur sexe & notre Littérature par leur imagination ou par leur savoir.
Appuyons cette vérité sur des exemples ; faisons des rapprochements qui servent à nous attacher à la religion de nos pères, par les charmes du plus divin de tous les arts.
C’est l’effet de la lumière ; c’est l’art de rendre pour ainsi dire sensible, cette vapeur légère qui règne dans les grands édifices, et telle qu’on la remarque dans ce morceau de Machy.
Restez donc, vous qui, portés dans des chaises ou dans des chars, ne connaissez d’autre fatigue que celle de l’oisiveté et ne goûtez d’autres scènes que celles que l’art combine, restez toujours dans votre élément ; là seulement vous pouvez briller ; là seulement des esprits comme les vôtres peuvent ne pas nuire. […] … Ce chant, pour justifier son titre, traite des fleurs, des travaux du jardinage : « Qui aime un jardin aime aussi une serre. » Il y a des préceptes tout particuliers sur l’art d’élever les courges ; le poète y parle d’après sa propre expérience, et comme quelqu’un qui a mis la main à la bêche et à la terre. […] De nos jours, des essais ont été tentés dans ce genre intime, familier, et pourtant relevé d’art, et qui a besoin d’un détail curieux et de fini.
Il fallait, à l’exemple de Montesquieu, considérer les révolutions qui sont arrivées dans les mœurs, dans la politique, dans la religion et dans les arts, en établir la réalité, en chercher les causes, en marquer les moments, en un mot, peindre les hommes comme vous l’aviez promis, et non peindre quelques hommes, comme vous l’avez fait. […] Je travaille à inoculer les arts sur une tige étrangère et sauvage ; votre secours m’est nécessaire ; c’est à vous de savoir si l’emploi d’étendre et d’enraciner les sciences dans ces climats ne vous sera pas tout aussi glorieux que celui d’apprendre au genre humain de quelle forme était le continent qu’il cultive ? […] Je travaille à inoculer les arts sur une tige étrangère et sauvage.
Elle contracta dès lors une habitude de souffrance, qui attendrit par la suite son talent, mais qui passa irrémédiablement dans tout son être, Mlle Desbordes fut ensuite engagée au théâtre des Arts de Rouen pour remplir l’emploi des ingénuités ; elle y réussit beaucoup : elle était l’ingénuité même. […] Le pauvre Murville, après les premiers mots, ne tarda pas à s’apercevoir de l’espèce de trouble qu’il causait : il alla au-devant, et tout en parlant art, jeu dramatique, Mlle Gaussin, Mlle Desgarcins et autres brillants modèles, il lui échappa de dire comme en murmurant entre ses dents : « Oh ! […] C’est la douleur constante et son aiguillon, le travail aussi, l’avertissement de poètes plus mâles et à la grande aile, les exemples dont elle profita en émule et en sœur, un art caché qu’elle trouva moyen de mêler de plus en plus à ses pleurs et à sa voix, qui opérèrent cette transformation sensible vers 1834 environ, et qui l’amenèrent sinon à la perfection de l’œuvre, toujours s’échappant et fuyant par quelque côté, du moins au développement et à l’entier essor des facultés aimantes et brûlantes dont son âme était le foyer.
Plein d’aversion pour une société factice où tout, suivant lui, s’est exagéré et corrompu ; en perpétuelle défiance contre cette force active qui projette l’homme inconsidérément dans les sciences, l’industrie et les arts ; ne croyant plus, d’autre part, à la libre et hautaine suprématie de la volonté, il tend à faire rétrograder le sage vers la simple sensation de l’être, vers l’instinct végétatif, au gré des climats, au couchant des saisons ; pour une plus égale oscillation de l’âme, les données qu’il exige sont un climat fixe, des saisons régulières ; il choisit de la sorte, il compose un milieu automnal, éthéré, élyséen, selon la molle convenance d’un cœur désabusé, ou selon la mâle âpreté d’une âme plus fière, l’île fortunée de Jean-Jacques ou une haute vallée des Alpes ; il y pose le sage, il l’y assimile aux lieux, il lui dit d’aller, de cheminer à pas lents, prenant garde aux agitations trop confuses, et se maintenant par effort de philosophie à la sensation aveugle et toujours semblable. « Je ne m’assoirai point auprès du fracas des cataractes ou sur un tertre qui domine une plaine illimitée ; mais je choisirai, dans un site bien circonscrit, la pierre mouillée par une onde qui roule seule dans le silence du vallon, ou bien un tronc vieilli, couché dans la profondeur des forêts, sous le frémissement du feuillage et le murmure des hêtres que le vent fatigue pour les briser un jour comme lui. […] Son type regretté, auquel il rapporte constamment la société présente, c’est un certain état antérieur de l’homme, état patriarcal, nomade, participant de la vie des laboureurs et des pasteurs, sans professions déterminées, sans classement de travaux, sans héritages exclusifs, où chaque individu possédait en lui les éléments communs des premiers arts, la généralité des premières notions, la jouissance assidue des pâturages et des montagnes. […] La distraction, l’apparence, le phénomène, les entraînements littéraires et politiques, le prestige épanoui des arts, l’érudition spéciale et même ingénieusement futile, une succession, un mélange diversifié de passions brûlantes, de manies exquises, de dilettantismes consommés, il a tout traversé, et s’est pris à chaque attrait sans s’arrêter à aucun.
et quand la contemplation extatique de l’être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité, enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache sur l’aile de son imagination du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer, quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si inusitées, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si extatiques, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle ; et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille, comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux, comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion de sa suprême puissance, saisit l’artiste. L’art des arts, la poésie seule chante pour tous les sens à la fois et pour l’âme, ce sens intellectuel, résumé divin et immortel de tous les sens.
Le principe intérieur de la religion lui échappe, comme au reste le principe de l’art et de la poésie. […] Ses propres études, une fois qu’il aura échappé au collège, l’affermiront dans sa passion pour l’histoire ancienne, et particulièrement pour l’histoire romaine : car, peu touché de l’art, c’est des mœurs, des caractères, des actions, de l’histoire par conséquent, qu’il s’éprend. […] On savait qu’il avait communiqué à l’Académie des sciences, lettres et arts de Bordeaux des recherches sur la cause de l’écho, et sur l’usage des glandes rénales.
Beaucoup d’écrivains de notre temps se sont épris des arts plastiques ; plusieurs se sont fait des yeux de peintres et par là ils ont mieux joui de l’immense Cybèle. […] Ferdinand Fabre, un art plus délicat dans ceux de M. […] Et je ne m’en plains pas, car ce souci d’un bon cœur n’est point incompatible avec l’art ni avec l’observation ; il implique de la cordialité, de la simplicité, de la gravité ; puis, la littérature d’aujourd’hui nous a tant déshabitués des « récits moraux et instructifs » que, lorsqu’il s’en présente un par hasard, on est tout prêt à trouver cela original, on est charmé, on est ému et on s’en sait bon gré ; on se dit comme le Blandinet de Labiche : « Mon Dieu !
L’art seul, où la forme est inséparable du fond, passe tout entier à la postérité. […] Il n’y a pas précisément de progrès pour l’art ; il y a variation dans l’idéal. […] Le grand art des recensions n’est plus comme du temps de Fréron, de juger du tout par la préface ; c’est maintenant d’après le titre qu’on se met à disserter à tort et à travers sur le même sujet que l’auteur.
Et cela n’est pas contradictoire avec l’hypothèse que nous avons émise de la naissance en plusieurs berceaux de certaines formes d’art ou de certaines façons de penser et de sentir. […] Il faut discerner la façon dont chaque auteur a su profiter des modèles qu’il a choisis ou rencontrés ; il y a cent degrés dans cet art ; on ne saurait confondre le copiste qui abdique son indépendance, et se fait le docile esclave d’un devancier avec l’adaptateur habile qui crée en imitant, qui prend un grain de semence chez autrui, le fait lever, fleurir, fructifier en pousses vigoureuses et nouvelles ; ni surtout avec l’inventeur qui ne puise guère qu’une noble émulation et un encouragement dans la contemplation des chefs-d’œuvre offerts à ses regards. […] Rotrou prit dans les tragédies de Corneille des leçons d’art dramatique et, en portant à la scène le martyre de saint Genest, il rendit hommage au grand rival qui l’avait aidé à se surpasser.
Le feu initie la femme aux arts et aux industries domestiques, le bruit de son rouet accompagne ses doux pétillements. […] Il n’y paraît point comme un créateur surnaturel et instantané, mais comme un statuaire savant dans son art, attentif aux dimensions et aux proportions du simulacre qu’il forme, ajustant pièce par pièce sa charpente osseuse, avant de la revêtir de chair et de muscles. Trois pierres gravées représentent — Prométhée mesurant le corps humain avec un fil de plomb : — Prométhée modelant le squelette : — Prométhée pesant dans une balance les membres du corps. — Images frappantes qui résument les règles de l’art si profondément scrutées par les Grecs.
Législateur doublé d’un grand capitaine (ce qui était bien nécessaire alors), mais aussi compliqué d’un conquérant, il aimait avant tout son premier art, celui de la guerre ; il en aimait l’émotion, le risque et le jeu. […] Ce capitaine, le plus grand peut-être qui ait existé, aimait trop son art pour s’en priver aisément. […] Puis il passa à la littérature moderne, la compara à l’ancienne, se montra toujours le même en fait d’art comme en fait de politique, partisan de la règle, de la beauté ordonnée, et, à propos du drame imité de Shakespeare, qui mêle la tragédie à la comédie, le terrible au burlesque, il dit à Goethe : “Je suis étonné qu’un grand esprit comme vous n’aime pas les genres tranchés.”
Jasmin, en s’élevant à ce genre de compositions nouvelles, suivait encore son naturel sans doute, mais il s’était mis à le diriger, à le perfectionner ; cet homme, qui avait lu peu de livres, avait médité en lisant à celui du cœur et de la nature, et il entrait dans la voie de l’art véritable, où un travail secret et persévérant préside à ce qui paraîtra le plus éloquemment facile et le plus heureusement trouvé. […] Cette manière élevée et sobre dont Jasmin conçoit l’art du poète, il l’a exprimée avec bien de la gentillesse et de l’esprit en une occasion singulière. […] L’art qui produit les vers un à un ne peut entrer en concurrence avec la fabrique… Donc, ma muse se déclare d’avance vaincue, et je vous autorise à faire enregistrer ma déclaration.