. — « Nous aimons beaucoup M.de La Harpe, disait l’abbé de Boismont à l’Académie, mais c’est désagréable de le voir nous revenir toujours avec l’oreille déchirée. » Dans ces luttes personnelles, même lorsqu’on a d’abord la raison pour soi, l’autorité du critique s’abaisse et périt bientôt avec la dignité de l’homme.
Le grand artiste, le prêtre révélateur, qui a la solution sentimentale et sociale de l’époque future, celui-là fonde une religion, parce qu’il a cette solution même, et non, parce que la conception en est accompagnée de symptômes plus ou moins irréguliers ; celui-là est véritablement inspiré, parce qu’il est de son temps l’individu le plus sympathique pour aimer l’humanité, le plus intelligent pour la comprendre, le plus fort pour la transformer ; il pressent et proclame le premier la forme d’association la mieux adaptée, selon le temps, au bonheur du plus grand nombre ; il accouche le présent de l’avenir dont il est gros et si le présent, comme une mère que la douleur de l’enfantement égare, le repousse avec outrage et colère, l’avenir pieux s’incline et le bénit.
Devant le succès de cette méthode — apanage des esprits malades ou des corps débiles — il arriva ceci : que loin de chérir l’équilibre et la force, on se prit à aimer leurs contraires.
La seigneurie, la comté, le duché deviennent une patrie que l’on aime d’un instinct aveugle et pour laquelle on se dévoue.
« Le sublime, dit Michelet, n’est point hors nature ; c’est, au contraire, le point où la nature est le plus elle-même, en sa hauteur, profondeur naturelles. » Vous avez lu Andromaque, et vous avez une mère qui vous aime ; vous savez ce que vous êtes pour elle ; vous le sentez, et que par votre amour de fils vous ne lui rendez pas encore tout ce qu’elle vous donne.
La poésie devient comme un magasin de bric-à-brac gréco-romain, où sont entassés pêle-mêle toute sorte d’oripeaux et d’accessoires : et il est étrange que Ronsard, qui avait le bon goût d’aimer « la naïve facilité d’Homère », n’ait pas vu que le meilleur moyen de ne pas ressembler à Homère était précisément, pour un homme du xvie siècle… de s’habiller, de parler, de marcher comme le lointain aède des temps héroïques.
Aussi ne peut-il s’empêcher d’admirer, d’aimer ce superbe jaillissement d’énergies naturelles, d’appétits, qu’offre le neveu de Rameau : il tombe d’accord avec lui que « le point important est que vous et moi nous soyons, et que nous soyons vous et moi : que tout aille d’ailleurs comme il pourra ».
Son esprit est plus compréhensif que toute doctrine : il ne veut que comprendre et expliquer ; et comprendre, pour lui, c’est aimer ; expliquer, c’est justifier.
Qui sçaura aimer dignement les hommes ?
Les deux maîtres étaient jeunes ; ils avaient beaucoup d’idées communes ; ils s’aimèrent et luttèrent devant le public de prévenances réciproques.
Ceux qui ne se plient pas à concevoir l’homme comme un composé de deux substances, et qui trouvent le dogme déiste de l’immortalité de l’âme en contradiction avec la physiologie, aiment à se reposer dans l’espérance d’une réparation finale, qui sous une forme inconnue satisfera aux besoins du cœur de l’homme.
la malédiction du vieillard atteindra Triboulet dans la seule chose qu’il aime au monde, dans sa fille.
Ce qui est plus décisif encore et se rapporte de plus près au fait en question, c’est que, d’après les phrénologues (et en cela les physiologistes leur donnent raison), les affections, les émotions, les passions, ont leur siège dans le cerveau : or il ne nous arrive jamais de les localiser là ; nous n’avons pas conscience d’aimer par la tête, mais par le cœur.
Pour nous qui aimons les idées précises, nous réservons le nom de matérialisme à la doctrine qui, partant de l’idée de matière telle qu’elle est donnée par les sens et représentée par l’imagination (à savoir une pluralité existant dans l’espace), et donnant à cette pluralité apparente une réalité substantielle, en fait non plus seulement la condition, mais le substratum de la pensée.
Comment n’aimerait-il pas une philosophie qui a eu pour maître et fondateur son propre maître, Royer-Collard ?
Vous n’auriez pas été surpris en sortant de votre solitude de les trouver tels qu’ils sont ; et vous auriez appris à en aimer quelques-uns, à fuir le reste, et à les craindre tous.
. — Aussi Josèphe ne craint point d’avouer cette longue obscurité des Juifs, et il l’explique de la manière suivante : Nous n’habitons point les rivages ; nous n’aimons point à faire le négoce et à commercer avec les étrangers.
) Jusqu’au silence même, Tout me parle de ce que j’aime. […] jusqu’au silence même, /Tout me parle de ce que j’aime » 19. […] /Mon cœur s’en est dit plus que vous ne m’en direz ; /Il faut que j’aime enfin. » 22.
Et pourtant toutes naturelles et naïves comme les voilà, elles ne sont point languissantes et rêveuses ; elles aiment et supportent l’exercice comme leurs frères ; en cheveux flottants, à six ans, elles courent à cheval et font de grandes marches. […] Chez nous le paysan, le dimanche, sort de sa cabane pour aller voir sa terre ; ce qu’il souhaite, c’est la possession ; ce que ceux-ci aiment, c’est le confortable.
Jusque vers la dernière heure, son intelligence resta nette, ses dernières pensées se reportèrent avec lucidité vers ce roi éloigné de lui, ce roi malade aussi et qui l’avait tant aimé. […] Alexandre de Humboldt ; Un Allemand, un Prussien, un homme d’une prodigieuse instruction, un voyageur en Amérique et en Europe, un écrivain, non pas de premier ordre, car sans âme il n’y a pas d’écrivain, mais un homme d’un talent froid et suffisant à se faire lire ; un homme, de plus, qui, par son industrieuse habileté dans le monde, par ses amitiés intéressées avec tous les savants étrangers, et par l’art de les flatter tous, est parvenu à les coïntéresser à sa gloire par la leur, et à se faire ainsi une immense réputation sur parole : réputation scientifique, spéciale, occulte, mathématique, sur des sujets inconnus du vulgaire ; réputation que tout le monde aime mieux croire qu’examiner ; gloire en chiffres, qui se compose d’une innombrable quantité de mesures géométriques, barométriques, thermométriques, astronomiques, de hauteurs, de niveau, d’équations, de faits, qui font la charpente de la science, et dont on se débarrasse comme de cintres importuns quand on a construit ses ponts sur le vide d’une étoile à l’autre ; espèce de voyageur gratuit, non pour le commerce, mais pour la science, au profit des savants pauvres et sédentaires à qui il ne demandait pour tout salaire que de le citer.
Au lieu de décider la question, j’aime mieux mettre quelques faits sous les yeux du lecteur. […] Les seconds répliquent que le dialogue du moi avec le moi ne peut durer longtemps et qu’ils aiment mieux cultiver le terrain fertile de l’expérience.
Et on ne pourrait rien prévoir à son sujet, pas même le plaisir que causera la vue de l’objet aimé, parce que « une cause interne profonde donne son effet une fois, et ne le produira jamais plus » ? […] Le désespoir d’avoir perdu l’être que nous avons le plus aimé est un état d’âme absolument hétérogène aux autres dans sa partie affective et sensitive, non pas seulement dans sa partie active.
Leur talent étoit de bien exposer les mystères de la Religion, & de faire aimer sa morale. […] Dans cette vue, il le présente par tous les côtés qui peuvent le faire connoître, & le faire aimer.
Littré cite des vers de Schiller sur la beauté, don de la nature, tant admirée et aimée des êtres humains. […] La religion peut rêver, quoique le christianisme lui-même ne l’ait point fait, une âme qui contemple, qui aime, qui jouisse, sans aucune espèce de corps, dans une vie future.
À la requête des états de Bourgogne, Jeannin fut pourvu d’un office de conseiller au parlement de Dijon, office créé tout exprès en juin 1579, « et il y fut reçu à condition de ne pouvoir résigner son office qu’après cinq aimées d’exercice, tant la Cour de parlement appréhendait de perdre un si rare esprit ».
Vicq d’Azyr aurait aimé à croire à l’immortalité de l’être, de même qu’il aurait incliné à se confier en la Providence : c’était une velléité de son cœur et de son talent ; il chérissait l’espérance.
Causant avec un homme de la vieille Cour, M. de Luynes, qui aimait ainsi à interroger chacun sur son coin d’histoire, tirait de lui cette jolie anecdote : Du temps du feu roi, toutes les petites circonstances par où on pouvait lui faire sa cour étaient des grâces importantes.
On pourrait croire que les raffinements de cruauté qui s’y exercèrent l’ont tenté, et qu’il y a vu une suite de scènes appétissantes pour un pinceau que la réalité, quelle qu’elle soit, attire, mais qui, tout en cherchant, en poursuivant partout le vrai, paraît l’aimer surtout et le choyer s’il le rencontre affreux et dur.
Ils le furent aussi, par opposition aux disciples du xviiie siècle, qui, retenant le goût de Voltaire ou de Condorcet, en professaient les idées ; comme le même siècle avait produit Mérope et le Dictionnaire philosophique, on le haïssait ou l’aimait en bloc : les libéraux se croyaient tenus d’être classiques, et les romantiques chantaient le trône et l’autel.
« Quand un homme aimé de Dieu, se plaisait-il à dire à propos de lui-même, s’écarte du droit chemin, Dieu l’y ramène à grands coups de pied dans le cul. » Ce n’est pas non plus Louis Veuillot qui eût pu se concilier la faveur œcuménique, encore qu’il montât la garde aux portes de l’Église comme un suisse « pour empêcher les chiens d’entrer ».
Jean Richepinbn Tannhaeuser Vénus ouvre les bras à son cher chevalier ; Mais, sachant de l’amour l’amertume profonde, L’enfant blond ne veut plus aimer la femme blonde, Et déjà les doux liens paraissent se délier.
Ce penchant qui le conduisit à recueilir les dessins du XVIIIe siècle, à étudier en toutes ses faces et à faire revivre en son entier cette époque de la grâce française, qui lui fit aimer dans les objets du Japon leur puérilité, l’ingénu et l’impromptu de leur art, pénètre et détermine ses œuvres d’imagination, leur infuse comme une nuance et un parfum à part, les farde et les poudre.
Je n’aime pas entendre un naturaliste dire : « Il nous sera fort égal que le démocrate des Etats du Sud trouve dans les résultats de nos recherches la confirmation ou la condamnation de ses prétentions. » Après tout, pour être savant, on n’en est pas moins homme.
Sans doute les événements extérieurs ont un éclat qui frappe tous les yeux ; mais pour ceux qui aiment la pensée, quel plus grand événement qu’une grande idée, une vue originale sur la nature des choses ?
Ceux-ci aiment mieux réserver tous leurs soins à leurs leçons privées, parce que celles-ci sont payées à part par les étudiants, et que les gages donnés par le gouvernement courent toujours, sans qu’on s’informe si un professeur a été exact ou non à ses leçons publiques.
Nous savons aussi que les chinois ont encore aujourd’hui des comédiens, qui comme les pantomimes joüent sans parler, et que les chinois aiment beaucoup ces comédiens.
Quelquefois, ne pouvant faire entendre sans beaucoup de paroles, à des lecteurs ordinaires, toute l’étendue du sens de l’auteur, j’ai mieux aimé en laisser entrevoir la finesse aux seuls lecteurs intelligents, que de l’anéantir dans une périphrase.
Ne semble-t-il pas alors que jamais écrivain ne fut placé dans une position plus heureuse, sous le rapport de l’indépendance, puisque je ne tiens mes opinions ni des hommes, ni des choses, ni de ma position dans le monde, ni d’un sentiment personnel et intéressé qui me fasse aimer ou craindre les circonstances actuelles, chérir ou redouter les souvenirs anciens ?
Luxembourg, qu’il n’aimait pas, le força, par son génie, à l’employer.
On les aimait mieux en parodie, dans ces représentations burlesques des Trois Hercules faméliques, ou de Diane fouettée, dont parle plus tard Tertullien : et quant aux grands hommes de l’histoire, leurs images étaient bannies de la scène et ne pouvaient pas plus y paraître qu’elles n’osaient se produire même aux funérailles de leurs descendants.
Cet art ingénieux est tout entier, ce semble, dans une ode à la plèbe de Rome, à cette multitude dont César était aimé et que nourrissaient ses successeurs.