/ 1097
518. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

Le fils de Racine avait beau être un sot, relativement à son père, tout le monde, est-ce piété filiale ?

519. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Le Racine fils du romantisme, plus heureux que l’autre, qui n’osa pas toucher aux tragédies, est arrivé au bruit par le drame, comme son père… Cela parut naturel et presque juste… En fait de théâtre, Alexandre Dumas fils est tellement né là-dedans, il est tellement l’enfant de cette balle, et le théâtre de ces derniers temps doit tant à son père, que ce théâtre semblait comme tenu de le faire réussir… Il n’y a pas manqué.

520. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

C’est à ce point que « les sens n’ont pas une seule place dans le théâtre de Racine » (!) […] Théocrite amplifie, Racine abrège, marques assez frappantes du genre propre à chacun d’eux. — De même ailleurs Théocrite suit de près Alcée dans le passage suivant. […] Mettre sur la couverture d’un livre : Racine et Victor Hugo, c’est dire, ou du moins je me l’imagine : « Il a existé en France un art classique et un art indépendant. […] Il avait deux travaux en portefeuille, l’un sur Racine, l’autre sur Hugo : il les a mis dans un seul volume, voilà tout. Son livre devrait être intitulé : Deux études, et, en sous-titre : Racine, Victor Hugo ; moyennant quoi je n’aurais rien à dire.

521. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Il avait rapporté d’Angleterre la philosophie de Newton, Si l’on pouvait douter que son Alzire ou sa Zaïre l’eussent mis au-dessus de Racine ou de Corneille, on ne pouvait douter qu’il ne connût beaucoup de choses que n’avaient connues ni pu connaître l’auteur du Cid et celui d’Andromaque. […] Voltaire en est un bon exemple, qui reproche à Racine que ses Pyrrhus et ses Néron, ses Hippolyte et ses Achille se ressemblent tous [Cf.  […] Pour d’Alembert, les Préfaces de Racine sont faiblement écrites, et celles de Corneille sont aussi « excellentes pour le fond des choses que défectueuses du côté du style » [Cf.  […] En art comme en philosophie, en littérature comme en morale, c’est le contrepied de Corneille et de Racine, de Pascal et de Bossuet, de La Bruyère et de Boileau qu’ils ont pris. […] Pareillement, on ne prend pas non plus la tragédie de Corneille ou de Racine pour modèle quand on a cessé de sentir ou de penser comme eux.

522. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Je rappelais tout à l’heure Versailles et Racine. Brunetière (ne touchant ici qu’une partie de la vérité, mais la touchant bien) a montré fortement, le premier je crois, une des raisons pour lesquelles Racine eut tant d’ennemis parmi les gens de cour, révolta beaucoup de bons esprits par l’âpreté réaliste avec laquelle il exposa la passion féminine toute nue, fut épuisé de dégoûts jusqu’à Phèdre qui l’acheva, — et je crois bien que si Brunetière a couvert les Fleurs du Mal de plus d’injures que les fameux sonnets n’en versèrent sur Phèdre et sur Racine, c’est un peu pour des raisons analogues. […] De même il était naturel que Quinault eût moins d’ennemis que Racine. […] Il est certain que les vers d’amour adressés à la Présidente sont aujourd’hui les plus populaires de notre langue, ceux que savent par cœur, non seulement les gens qui ont lu Racine, Lamartine et Hugo, mais d’autres certainement plus nombreux qui ne les ont jamais lus. […] C’est là un de ces tableaux ternaires d’amour dont Racine avait le goût et dont Andromaque et Bérénice donnent deux épreuves opposées : les meurtres de l’amour-passion avec Pyrrhus, Hermione et Oreste, l’amertume fortifiante de l’amour héroïsé avec Titus, Bérénice et Antiochus.

523. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Les défauts premiers de la manière de Racine sont bien saisis : le poëte prête trop de tendresse aux anciens héros ; il les fait trop amoureux, trop galants, trop Français : Saint-Évremond a trouvé déjà toutes ces critiques, tant répétées depuis. […] Cette indifférence de Saint-Évremond est une tache dans sa vie : il a beau avoir dit bien des vérités à propos de Racine, la postérité ne saurait lui passer sa tranquillité et sa paresse à ignorer, je ne dis pas seulement Shakspeare, mais jusqu’à la langue de Shakspeare.

524. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

C’est chez elle et sous ses yeux que l’enfant, jusque-là ignorant, lut le Télémaque et des volumes de Racine et de Voltaire qu’elle avait dans sa bibliothèque. […] Il ne sait pas le latin assurément ; mais, à l’entendre parfois discourir du théâtre et remonter de Molière, Racine ou Shakspeare aux tragiques de l’antiquité, je suis tenté de croire qu’il sait le grec, qu’il a été Grec, comme il le dit dans le Voyage imaginaire, tant cet ordre de beauté et de noble harmonie lui est familier.

525. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Durant la seconde moitié du xviiie , Voltaire, Marmontel, La Harpe, Fontanes, ne cherchaient encore dans les œuvres de Racine et de ses illustres contemporains que des exemples de goût et des éclaircissements en vue des théories classiques consacrées. […] Aimé-Martin se remet en frais sur Racine.

526. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Mais le monde habituel de Prévost, c’est le monde honnête et poli, vu d’un peu loin par un homme qui, après l’avoir certainement pratiqué, l’a regretté beaucoup du fond de la province et des cloîtres ; c’est le monde délicat, galant et plein d’honneur, tel que Louis XIV aurait voulu le fixer, comme Boileau et Racine nous en ont décoré l’idéal, qui est à portée de la cour, mais qui s’en abstient souvent ; où Montausier a passé, où la Régence n’est point parvenue. […] C’est un écrivain du xviie  siècle dans le xviiie , un l’abbé Fleury dans le roman ; c’est le contemporain de Le Sage, de Racine fils, de madame de Lambert, du chancelier Daguesseau ; celui de Desfontaines et de Lenglet-Dufresnoy en critique.

527. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Il n’aurait pas dit qu’il voudrait bien aller de temps en temps à Paris se ravictuailler en esprit et en connoissances ; il n’aurait pas parlé de madame de La Sablière comme d’une femme de grand esprit qui a toujours à ses trousses La Fontaine, Racine (ce qui est inexact pour ce dernier), et les philosophes du plus grand nom ; il aurait redoublé de scrupules pour éviter dans son style les équivoques, les vers, et l’emploi dans la même période d’un on pour il, etc., toutes choses auxquelles, dans la préface de son Dictionnaire critique, il assure bien gratuitement qu’il fait beaucoup d’attention ; en un mot, il n’aurait plus tant osé écrire à toute bride (madame de Sévigné disait à bride abattue) ce qui lui venait dans l’esprit. […] Racine et celui de M. 

528. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Quand il rencontre Darwin, il le raille du même ton qu’aurait fait Louis Veuillot, il n’est plus de ce temps, sans être, comme Homère, Virgile ou Racine, de tous les temps. […] Ainsi, on a fait pour Victor Hugo ce qu’on ne fait ni pour Corneille, ni pour Racine, ni pour Molière.

529. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Il dut faire soupirer amoureusement Jocaste, comme Racine, cinquante ans plus tôt, avait cru devoir transformer en amoureux Hippolyte, le héros virginal voué chez les anciens au culte de la déesse de la chasteté. […] Corneille n’avait qu’à transfigurer légèrement les grandes dames qu’il avait sous les yeux pour créer ses héroïnes au caractère impérieux, fait de fierté, d’assurance et de fermeté mâle ; et l’on comprend, que les Sévigné, les femmes qui avaient été jeunes dans l’époque tumultueuse de la Fronde, aient toujours préféré à Racine (chez qui l’homme bien souvent prend sa revanche) celui qu’elles appelaient « leur vieil ami ».

530. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Je choisis ce lieu commun du roman et du théâtre, la lutte de l’amour et du devoir conjugal dans un cœur féminin, et je vais tâcher de montrer comment les solutions différentes que donnent à ce conflit Corneille, Racine et Voltaire correspondent à l’état moral de la société où ils ont vécu112. […] Si nous passons il l’époque de Racine, les théories morales n’ont pas encore eu le temps de changer.

531. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Il en est de même de nos Philosophes : ils se croient les Etres les plus importans de ce globe ; la gloire de la Nation Françoise est perdue, depuis mes attentats sur leur réputation ; depuis que le Fabricateur des Bijoux indiscrets, l’Auteur de Bélisaire, le Compositeur de l’Essai sur les femmes, le Chantre des Saisons, &c. ont été relégués dans la classe qui leur convient, il n’existe plus dans l’Europe aucun souvenir des chef-d’œuvres des Grands Hommes qui ont illustré le génie François ; nous n’avons plus à vanter à l’Etranger, des Descartes, des Mallebranche, des Bossuet, des Fénélon, des Bourdaloue, des Massillon, des d’Aguesseau, des Cochin, des Corneille, des Racine, des Moliere, des Vertot, des Pascal, des la Bruyere, des Montesquieu, des Lafontaine, des Despréaux, &c. […] Ce sont des Philosophes qui ont mis Seneque au dessus de Cicéron, Lucain au dessus de Virgile, Despréaux au dessous de Quinault, les Tragédies de Corneille & de Racine au dessous de celles de Voltaire, Lamothe à côté de J.

532. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

à quoi pensait Racine dans ses tendresses de Monime ?

533. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

M. de Valincour, avec son tact fin, fut le premier à le sentir ; il démêla à travers l’effusion de Villars une certaine adresse peut-être et une intention de gloire, l’ambittion « d’être le seul académicien que la postérité vît représenter à côté de Richelieu et de Louis XIV. » M. de Valincour se réserva donc, le jour où l’Académie reçut le portrait du maréchal, d’offrir pour sa part à la compagnie ceux de Despréaux et de Racine, et, sans faire tort au héros, l’égalité académique, la dignité des Lettres fut maintenue15.

534. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

C’est une construction a priori de sa raison intrépide, méprisant les faits, sacrifiant, à la façon allemande, aux superbes nécessités d’un système, de misérables accidents sans logique et sans signification, et quelques petits poètes, tels que Sophocle, Virgile, Racine, Goethe, vraiment trop superflus dans l’histoire littéraire.

535. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Imaginez Bajazet venant au lendemain de la publication qu’un journal aurait faite des circonstances de la mort du vrai Bajazet : la pièce de Racine n’était plus possible.

536. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

La même chose arriva peut-être à Racine, lorsqu’il lut le cid pour la premiere fois.

537. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Celui des Cafres n’est pas le nôtre, celui de Racine n’était pas celui de Shakespeare.

538. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

C’était la conviction de Malherbe, Boileau, Voiture, Guez de Balzac, La Bruyère, Buffon, Montesquieu, Flaubert et Racine qui déclarait n’avoir sur Pradon qu’une supériorité : celle de savoir écrire.

539. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

Encore Racine et Juvénal se réverbèrent-ils en ces trois strophes, où l’auteur n’est pas plus lui-même que partout.

540. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Chez Corneille, chez Racine, si la psychologie est sérieuse, l’art ne l’est pas moins. […] Homère ni Sophocle ne montent pas plus haut que le style rimé de La Fontaine ou de Racine, poètes qui l’emportent encore sur plus d’un, lorsque par hasard ils écrivent en prose. […] Maurras regarde de plus haut, et sa belle dévotion pour l’art d’un Racine et d’un La Fontaine le rend cruel. […] Le goujon ne mordait plus, et la divine harmonie de Racine me paraissait insipide. […] Je goûte assez le naufrage de Camoens, la disgrâce de Racine et les savates du vieux Corneille.

541. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Avec un peu d’étude on fera des vers raciniens, mais qui ressembleront aux vers de Racine comme une image en cire ressemble à la personne animée ; il n’y manquera qu’une chose, la libre inspiration et la vie. […] On ne dit pas : Faites des vers à la façon de Racine, modelez vos pièces sur les siennes, donnez-nous des Achilles amoureux et des Turcs galants. […] On lit Racine ; on l’aime pour lui-même. […] L’homme bien élevé lira Corneille, La Fontaine, Racine et Molière, comme nos pères lisaient Homère, Horace et Virgile. […] Racine, en écrivant Bajazet, avait introduit dans le cadre du drame antique un épisode de l’histoire moderne et presque contemporaine.

542. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Racine, qui est le maître de l’intérieur, du dedans, n’a pu être imité que par de froids pasticheurs. […] Il était dans la place, et le malin Racine, dans ses deux lettres cruelles, fut, je crois bien, seul à le voir. […] Jules Lemaître, passé des conférences politiques aux conférences littéraires, étudiait, un peu pour eux-mêmes, Racine, Fénelon, Chateaubriand. […] Voici Racine aux répétitions d’Esther, qui ne fait et qui ne dit et qui n’entend avec ces petites filles que les sottises que vous devinez, et qui désormais, pour être sûr de lui, n’ira à Saint-Cyr qu’avec M.  […] Et ce serait évidemment abuser des mots que de le comparer à l’ordre d’un sermon de Bossuet ou d’une tragédie de Racine.

543. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Ne vous y trompez pas : c’est la Vénus terrestre qui est la divinité de la moitié des tragédies de Racine. […] (Il n’y a guère que Racine qui ait su presque se passer du hasard.) […] Il eut ce premier mérite de restaurer le culte fléchissant de Corneille et de Racine. […] Il admira Corneille, Racine et Molière pour des raisons dont quelques-unes n’avaient pas été dites avant lui. […] Il écrit comme nous pourrions faire : « Racine n’était point un poète galant ; il excellait à peindre le véritable amour, qui presque toujours exclut la galanterie. » Il fait cette réflexion : « C’est à des femmes que Racine a donné ces passions violentes qui troublent la raison ; en cela il s’est rapproché de la vérité et des convenances » ; et cette autre, qui fut neuve en son temps et qui allait contre l’opinion commune : « Chez Racine, l’action marche toujours : dans les tragédies de Voltaire, l’intrigue languit ; les tirades seules sont animées. » Il admire Bajazet sans restriction et relève cette sottise de La Harpe, que « Bajazet est une tragédie du second ordre qui n’a pu être écrite que par un auteur du premier ».

544. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Les poètes ou les romanciers ne se sont pas d’ailleurs mieux traités entre eux : Ronsard a injurié Rabelais, et Corneille, on le sait, n’a jamais compris Racine : il lui a même préféré publiquement Boursault… Qu’est-ce à dire, sinon que nous sommes enfermés dans notre personne comme dans une « prison perpétuelle ?  […] Classer, c’est comme ils disent, donner des rangs, distribuer des prix, mettre Balzac au-dessus de Flaubert, ou une tragédie de Racine au-dessus d’un vaudeville de Labiche ; et cette occupation est justement à leurs yeux le comble même du ridicule. […] Dans un Corneille et dans un Racine, dans un Voltaire et dans un Rousseau, ce qu’il a surtout cherché, c’est ce qui fait qu’ils sont eux ; il la trouvé sans sortir de leurs œuvres, en s’y renfermant, au contraire ; et j’ose dire qu’en général il l’a mieux montré, plus ingénieusement que personne. […] Qui se serait attendu, voilà tantôt trois cents ans, que de la langue de Ronsard lui-même, de Desportes ou de Du Bartas — disons encore, si l’on veut, de celle d’un Théophile ou d’un Scudéri — ce fût la langue de Malherbe, celle de Corneille et de Molière, de La Fontaine et de Racine qui dût sortir un jour ? […] Essayez donc d’expliquer Racine, son Andromaque ou son Britannicus, sans insister sur cette ironie qui est un des moyens qu’il aime de nuancer sa pensée, et dont on peut dire qu’il semble avoir voulu épuiser tous les tours !

545. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Poussin, Lesueur et Pugeta soutiennent dignement, dans les arts, la comparaison avec Racine et Corneille. […] Homère et Virgile, Sophocle et Euripide, Michel-Ange et Raphaël, Bossuet et Fénelon, Corneille et Racine ; d’une part, la grâce et la douceur ; de l’autre, l’énergique austérité. […] D’Aubignac et Campistron observèrent les règles aussi bien que Corneille et Racine ; Homère et Shakespeare les ont ignorées. […] Tout homme cultivé distingue à première vue un passage de Corneille, de Racine, de Molière ou de Boileau ; mais tous ceux qui ont fait des vers au dix-huitième siècle les ont faits les uns comme les autres, les ont faits comme Voltaire, et Voltaire lui-même les a faits comme tout le monde. […] Mais si on applique aux productions de son génie les lois éternelles avec lesquelles on doit juger la poésie et les arts, depuis Homère, Sophocle et Phidias jusqu’à Corneille, Racine, Le Sueur et Poussin, on sera obligé de confesser que le dix-huitième siècle est dépourvu d’art et de poésie.

546. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

L’effet représentatif des tragédies de Corneille et de Racine n’a donc que peu d’influence sur l’admiration que nous éprouvons pour elles. […] Quelle que soit la prédilection que j’éprouve personnellement pour Racine, je ne crois cependant pas que l’on puisse dire que Corneille et Racine aient été de plus grands poètes que Victor Hugo. […] Corneille, Racine et Molière servent de conscience, soyons-en sûrs, à ceux-là mêmes qu’enivre la popularité, et que semble aveugler le contentement de soi-même. […] « La scène est à Trézène, ville du Péloponèse. » Telle est la seule indication portée par Racine en tête de Phèdre. […] Dans la tragédie de Racine, telle qu’on la représente, Phèdre est vêtue d’une simple tunique rattachée sur l’épaule par des agrafes, serrée à la taille par une ceinture et tombant jusqu’aux talons.

547. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Quand Racine fut convaincu de la doctrine de Nicole, il cessa de faire des tragédies.

548. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Corneille, Racine avaient donc raison, quand ils ne mettaient dans une tragédie qu’une seule crise, préparée par une série de faits moraux, par une fermentation lente, qui éclatait enfin dans la péripétie finale.

549. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Des éléments très contraires s’y mêlent harmonieusement ou dominent en certaines périodes d’une manière presque exclusive ; il a, pour parler par métaphore, un gout double et contradictoire pour les ordonnances symétriques des jardins à la française ^ et pour la beauté romanesque des parcs anglais ; et en réalité, malgré l’élection qu’il fit surtout d’époques antiques ou médiévales, ses vraies parentés, à les résumer en deux noms, seraient, par exemple, Racine et Tennyson ; il hésite presque toujours entre la régularité stricte jusqu’à une sorte d’austérité et la fantaisie plus libre de la pensée et du rythme.

550. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Ce sont des Philosophes qui ont mis Lucain au dessus de Virgile, Despréaux au dessous de Quinault, la Motte à côté de Rousseau, Voltaire au dessus de Corneille & de Racine, Perrault, Boindin & Terrasson au dessus de tous les Ecrivains du siecle dernier.

551. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Et va-t-on reprocher à Corneille & à Racine de n’avoir pas inséré des saillies & des bons mots dans leurs Tragédies, comme on fait un crime à Boileau d’avoir négligé dans ses Œuvres un ressort qui leur étoit absolument étranger ?

552. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Corneille a dit souvent, qu’Attila étoit sa meilleure piece, et Racine donnoit à entendre qu’il aimoit mieux Bérenice qu’aucune de ses autres tragédies prophanes.

553. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Les étincelles qui durent toujours, dans ce néant et dans cette cendre, c’est Corneille, La Fontaine, Racine, quatre à cinq noms, et le reste est destiné aux vents… Ludibria ventis !

554. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Eugène Talbot » pp. 315-326

Laissons-lui dire qu’avant Descartes et Pascal la langue française n’était pas fixée, comme si la langue fluviale de Rabelais ne valait pas le petit bassin d’eau filtrée sur lequel Racine mettait à îlot et faisait manœuvrer les petites galères d’ivoire de ses tragédies… Pascal, qui est un des fïxeurs de la langue française, pour parler l’incroyable jargon des pédants traditionnels et officiels, Pascal lui-même imite Montaigne, et c’est en réunissant la langue de Montaigne à son âme à lui, à cette âme si épouvantablement passionnée, qu’il fut ce miracle… ou ce monstre, qu’on appelle Pascal !

555. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Racine, le tragique, a dit comiquement, le meilleur comique étant le plus involontaire : Vous voyez devant vous un prince déplorable !

556. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Cette simplicité que le poète a trouvée dans une grande délicatesse d’organisation et plus encore dans le sentiment chrétien qui est le fond de sa vie vraie et non pas uniquement de sa vie littéraire, cette simplicité communique à sa poésie quelque chose de la pénétrante grandeur des hymnes de la liturgie qu’il rappelle et le fait arriver à des effets où l’art disparaît plus profondément que dans les chœurs même de Racine.

557. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Il semblait qu’il y eût du nouveau à tenter dans la tragédie après Corneille et Racine. […] Il y a là des souvenirs des vers de Racine ; c’est peut-être une ingénieuse parodie ; ce n’est pas l’accent de la vérité. […] Que Bret s’y entend bien mieux que Racine, lui dont le Faux Généreux fait dire à Diderot : « Voilà qui plaira à toute la terre et dans tous les temps !

558. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

On vit alors ce que la scene tragique a jamais reuni de plus parfait ; les ouvrages de Corneille & de Racine représentés par des acteurs dignes d’eux. […] Corneille & Racine nous restent, Baron & la Lecouvreur ne sont plus ; leurs leçons étoient écrites, si on peut parler ainsi, dans le vague de l’air, leur exemple s’est évanoüi avec eux. […] Racine s’est bien gardé d’occuper par des paroles le premier moment de cette situation. […] Du nombre des premiers sont Séneque, Tacite & Lucain, Corneille, Pascal & Bossuet ; du nombre des seconds, Cicéron, Tite-Live & Virgile, Racine, Malebranche & Fléchier. […] Croiroit-on les avoir mis à portée de donner à Racine les éloges qu’on lui auroit refusés en ne parlant de ce morceau qu’en simple historien ?

/ 1097