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586. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVIII. La bague aux souhaits »

Arrivés au fleuve, le chat grimpe sur le chien qui va le passer à la nage mais, quand ils sont au milieu de l’eau, le chien lui dit : « Montre-moi cette bague ; moi aussi je veux la voir. » Le chat prend la bague pour la faire voir à son camarade, mais elle lui échappe et tombe à l’eau.

587. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Une bienveillance toute particulière, une confiance dont je me sens honoré108 me remet entre les mains une suite de lettres de cette femme illustre qui ont échappé au double désastre d’une ruine et d’un incendie. […] La nature et l’humanité sollicitent à la fin une solennelle vengeance… » Le ton, on le voit, est à la hauteur des circonstances : l’écrivain n’échappe pas entièrement à la phraséologie déclamatoire qui régnait alors, et qui ne faisait que traduire le plus souvent avec sincérité l’exaltation des sentiments. […] Quinze jours après environ, dans la séance du 16 messidor (4 juillet), la parole de Camille Jordan l’entraîna un peu plus loin qu’il n’eût fallu, et il lui échappa un de ces mots dont s’empare aussitôt et qu’envenime à plaisir la mauvaise foi des partis. […] Des soldats. — Qui vint combattre sous vos murs, ô mes concitoyens, les derniers et sublimes efforts de la liberté mourante, incendier vos habitations, massacrer votre jeunesse, présider aux plus féroces exécutions, tomber le sabre à la main sur des malheureux échappés aux mitraillades ? […] Elle se considérait comme dans une geôle et n’était occupée qu’à épier le moment et le moyen pour s’échapper.

588. (1888) Études sur le XIXe siècle

Il se confond en efforts pour échapper à ce cercle vicieux. […] Notez que Leopardi n’a jamais rien fait pour échapper à la tyrannie de ses idées. […] Leopardi n’était guère enclin au mysticisme, et une partie de Dante dut lui échapper. […] Après tout, quelque grand qu’il soit, quelques honneurs que la reconnaissance publique ait cru devoir lui décerner, il ne saurait échapper à la commune mesure. […] Il se meut à l’aise dans ces idées vagues qui nous échappent et dont nous nous écartons prudemment.

589. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

De cette façon, si une fermentation s’établit, le gaz emplit la partie supérieure du premier tube, chasse le liquide par le petit tube ER, sans pouvoir s’échapper. À la fin de l’opération, on peut constater si le gaz qui s’est formé est de l’acide carbonique, et si le liquide qui s’est échappé et celui qui reste encore dans le premier tube contiennent de l’alcool. […] On comprend maintenant que la bile ne peut plus être versée dans l’intestin et qu’elle s’échappera de la vésicule au fur et à mesure qu’elle se produira. […] Le foie de l’homme sain n’échappe donc pas à la loi que nous avons établie sur la présence du sucre dans le tissu hépatique de tous les êtres de l’échelle zoologique. […] Voici de cette même viande avec laquelle des chiens ont été nourris pendant des mois entiers ; on la broie, on la traite par l’eau, le liquide qui s’en échappe ne contient pas la moindre trace de sucre.

590. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Quoi de plus délicat que ce mot : « L’âme s’échappe du vieillard sans effort ; elle est sur le bord de sa lèvre… ?  […] La mort me poursuit, la vie m’échappe : conseillez-moi. » « Qui construisit le premier vaisseau ? […] Sénèque emploie souvent des moyens subtils ; mais les moyens simples et solides ne lui échappent pas. […] Je n’ai su ce que je disais… Il ne fallait pas en agir ainsi… La belle occasion qui m’a échappé ! […] Le bienfaiteur peut dire : Si vous parlez, vous serez un ingrat ; l’obligé : S’il vous échappe un mot indiscret, vous m’aurez desservi.

591. (1864) Le roman contemporain

Alors même que les livres dont je parle auront cessé d’être lus, on trouvera dans ce volume, s’il a le bonheur d’échapper à l’oubli, des renseignements utiles à consulter sur la situation morale et intellectuelle de notre société, étudiée dans les œuvres d’imagination où elle a cherché son idéal. […] Le roman, toujours par monts et par vaux, s’agite sans beaucoup avancer ; Pénélope tient sa tapisserie d’une main si distraite, qu’elle laisse échapper à chaque instant des mailles qu’elle a peine à ressaisir ; on devine que le fil va se rompre avant que l’ouvrage arrive au dénouement. […] Claude est au moment de rester sur le champ de bataille comme une victime de plus ; mais il revient, et l’églogue l’accueille encore tout troublé du drame auquel il échappe. […] À la vue du magnifique paysage qui se déroule devant les yeux de la jeune fille, des larmes lui échappent, et avec ses larmes son secret. […] Le mot m’est échappé, je ne le retirerai pas, et l’on va voir s’il est motivé.

592. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Cependant, il n’a pu échapper à une certaine partialité, puisqu’il m’a concédé près de la moitié de son ouvrage. […] J’en vois quelques détails, mais l’ensemble m’échappe. […] Ils échappent, en effet, à la prévoyance humaine, puisque, par définition même, ils sont l’imprévu, ils sont l’Accident. […] L’amiral Dumont d’Urville avait fait plusieurs fois le tour du monde, avait échappé aux tempêtes les plus redoutables. […] Personne n’a presque échappé à la contagion.

593. (1874) Premiers lundis. Tome II « Étienne Jay. Réception à l’Académie française. »

Cette coïncidence heureuse entre la réception de l’historien de Richelieu et l’éloge indispensable du cardinal fondateur de l’Académie n’a pas échappé à la sagacité du président-directeur, et il a terminé sa harangue par une péroraison laborieuse, où s’entrelaçaient le panégyrique du cardinal et celui de son historien, le tout couronné d’une irrésistible invective contre un ministre funeste, qui n’est autre que M. de Vaublanc.

594. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Alors elle a laissé échapper tous les sanglots, toutes les larmes de son cœur déchiré, et pâle, austère, silencieuse, elle se repose un instant d’avoir loyalement exhalé vers les cieux tant de cris immortels, tant de plaintes désespérées !

595. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

Ce moribond se raccrochait à la vie, qu’il sentait lui échapper avec toute l’énergie du désespoir.

596. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Quoi qu’il en soit, Ennodius échappé au danger, mourut trois ans après en 521.

597. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

D’une loi royale, éternelle et fondée en nature, en vertu de laquelle les nations vont se reposer dans la monarchie Cette loi a échappé aux interprètes modernes du droit romain.

598. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Tant d’aventures curieuses dans le trajet d’Ulysse revenant de Troie, ont retardé son arrivée dans Ithaque, que la relation de ces faits détachés ralentirait l’action principale : mais le héros, échappé des gouffres de la mer, et reçu des Phéaciens, aura l’occasion de les conter rapidement à la table hospitalière d’Alcinoüs : et la fable commencée, un moment interrompue par ce récit, continuera de se précipiter vers la catastrophe. […] Le récit des crimes de la ligue, des horreurs de la Saint-Barthélemy et du massacre de Coligny, prend une force de plus dans la bouche du roi sincère et vertueux échappé lui-même aux poignards des catholiques. […] Elle a satisfait au besoin de la faible intelligence du vulgaire, à qui toutes les abstractions échappent, et leur a offert des objets comparatifs à la place des spéculations métaphysiques. […] « Voilà que tout à coup, du sein d’un vaste chêne, « S’échappe une légère et charmante Syrène, « Dont les souples habits, avec grâce flottants, « Décèlent mille attraits encore à leur printemps ; « Cent autres déités, qu’autant d’arbres enfantent, « Aux regards du héros à la fois se présentent. […]     « Il dit ; et la Comète, effréné météore, « Semble échapper au joug qui la domine encore.

599. (1802) Études sur Molière pp. -355

Zanutzi y remplissait le rôle de Fulvio, non en amant troublé par son amour, mais en fou échappé des Petites-Maisons, ayant un habit couvert de rubans, un bas vert, un autre rouge et quand je lui demandais compte de cette folie, il me soutenait que la signification du mot inadvertito justifiait, exigeait même cette mascarade. […] ne devrait-il pas au moins payer d’un soupir tant d’expressions tendres, tant de traits délicats échappés successivement du cœur de son amante ? […] Si une femme veut réellement échapper aux poursuites d’un téméraire, a-t-elle besoin de lui susciter des embarras ? […] Ajoutons que Molière, à qui rien n’échappait, ouvrit, dans sa courte scène du Sénateur, la mine la plus féconde à tous les auteurs qui, depuis, ont mis sur la scène des robins petits-maîtres. […] Malheur au comédien si, dans toutes ses expressions, dans tous ses mouvements, dans tous ses gestes, il ne laisse échapper le sentiment avec autant de facilité qu’il s’échappait du cœur et de la plume de notre philosophe amoureux !

600. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Grimm, dans sa Correspondance34, donne des extraits de ce charmant ouvrage comme il l’appelle, dont il ne fut tiré d’abord qu’une vingtaine d’exemplaires, mais qui, malgré les réserves infinies de la distribution, ne put bientôt échapper à l’honneur d’une édition publique. […] Il y a de plus une grande sagacité politique et une entente de la situation réelle, dans les conseils déjà mûrs qui lui échappent sous cet accent passionné. […] » Marie-Joseph Chénier aurait dû se souvenir de tant de passages inspirés par le libre génie de ces années d’espérance, plutôt que de se prendre, comme il l’a fait (Tableau de la Littérature), à un mot douteux échappé sur Condorcet. […] Corinne a beau resplendir par instants comme la prêtresse d’Apollon, elle a beau être, dans les rapports habituels de la vie, la plus simple des femmes, une femme gaie, mobile, ouverte à mille attraits, capable sans effort du plus gracieux abandon ; malgré toutes ces ressources du dehors et de l’intérieur, elle n’échappera point à elle-même. […] Molé et s’étonnant qu’un homme d’autant d’esprit aimât la campagne, elle s’échappa à lui dire : « Si ce n’était le respect humain, je n’ouvrirais pas ma fenêtre pour voir la baie de Naples pour la première fois, tandis que je ferais cinq cents lieues pour aller causer avec un homme d’esprit que je ne connais pas. » Manière piquante et même flatteuse d’exprimer combien elle préférait la conversation et la société à la nature.

601. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Et tous deux, avides d’azur et fous de vivre, menèrent aussitôt une vie buissonnière de poulains échappés. […] Ce ruissellement d’eau pure, qui les trempait au grand soleil, prolongeait leur enfance, leur donnait des rires frais de galopins échappés, lorsque, jeunes hommes déjà, ils rentraient à la ville par les ardeurs troublantes du soleil de juillet. » Admirable éducation païenne, exceptionnelle hélas, à notre époque, bains de flammes, de verdure, de soleil, où l’âme se retrempe dans le sein de la terre, admirable éducation qui forme les tempéraments riches et les esprits robustes. […] Pas une consonance heureuse ou fâcheuse ne leur a échappé. […] Taine, elles n’échappent à la laideur que par la puissance. […] La partie sociale de l’œuvre, la parfois très belle ordonnance des rythmes, lui échappa, certes !

602. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Quiconque, dans ce siècle, a tenté de le dire, y a échoué misérablement, parce que, ne pouvant concevoir l’homme sans la moralité, sans le langage ou en dehors de la société, ce sont ainsi les éléments mêmes de sa définition qui échappent à la compétence, aux méthodes, aux prises enfin de la science. […] C’est ce que Renan, dans sa jeunesse, — quand il n’était encore l’auteur que de ses Études d’Histoire religieuse et même de sa Vie de Jésus, — ne laissait pas échapper une occasion de dire ; et Voltaire en ce temps-là ne lui était guère moins odieux que Béranger lui-même, avec son Dieu des bonnes gens ! […] ou voudrait-on dire par hasard que, de tous les hommes, il n’y a d’assurés d’échapper à la « paralysie générale » que les « géomètres et les physiciens ». […] Cela est d’un autre ordre, et rentre dans un autre plan, qui pourrait nous échapper. […] Mais on ne saurait échapper à la nécessité de répondre, de répondre par oui ou par non, et bien loin de nous y aider, je soutiens que l’exégèse ne nous sert qu’à nous dérober.

603. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Elle lui échappe enfin tout à fait (1652), et prête l’oreille à l’aimable duc de Nemours. […] L’étude de la nature humaine est infinie : au moment où l’on croit la tenir et se pouvoir reposer un peu, elle échappe, et c’est à recommencer. […] C’est en pleine Fronde qu’il lui échappa un mot souvent cité, et qui révélait en lui le futur auteur des Maximes.

604. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Du Bellay, dans son séjour à Rome, et déjà découragé, a fait d’excellentes et de savoureuses poésies ; Ronsard déjà lassé, et sur une corde un peu détendue, a trouvé ses meilleurs accents ; il a composé après 1555 mainte pièce qui échappe presque entièrement à tous les reproches que l’on continue de lui adresser et qu’il ne mérita qu’à ses débuts. […] Rien n’est plus propre à nous faire comprendre ce qu’aurait été la poésie française, si elle avait su échapper au trop de politesse du xviie  siècle, et si, avant de tant chercher à se clarifier au risque de s’affaiblir, elle avait pu arriver, dans un tel génie, ou dans des génies tournés vers d’autres genres, à son entière maturité. […] Il l’est dans tout ce qui vient de source et qui sort involontairement de sa plume, pièces légères, satires, boutades, débuts de chants, vers saillants nés proverbes, qui lui échappent en tout sujet, et qui courent le monde.

605. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

La Révolution devait se révolter contre eux et leur échapper. […] À l’Assemblée législative, ils avaient pactisé longtemps avec la monarchie, mal acceptée par eux, et n’avaient pas compris qu’un peuple ne se transforme et ne se régénère presque jamais sous la main et sous le nom du pouvoir auquel il échappe. […] Les boucles de ses cheveux s’échappaient de son bonnet et fouettaient ses tempes au souffle du vent.

606. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Nous eûmes bien de la peine à nous y faire les premiers temps, et nos pauvres bêtes bien plus encore ; elles s’échappaient bien souvent de l’étable, de la cour, de la corde, des mains même de Fior d’Aliza pour courir dans le ravin, dans les mûriers, même dans la vigne. […] Elle se rassit et se remit à remuer du pied le berceau du petit, toute rêveuse et toute rouge d’avoir laissé échapper ce cri de deux amours dans une seule voix. […] Il n’était pas de nos parents, on ne savait pas même où il était né ; il y en a qui disaient qu’il avait été soldat sur les galères de Pise, prisonnier des corsaires à Tanger, échappé d’esclavage avec une Mauresque convertie sur une barque dérobée à son père ; qu’ils avaient été assaillis par une tempête, poursuivis par les pirates sur la Méditerranée, et que, dans le double danger de périr par la mer ou par la vengeance des Turcs qui allaient les engloutir ou les atteindre, ils avaient fait vœu à saint François, quoique amants, de se faire lui ermite, elle nonne, si saint François les sauvait miraculeusement du danger.

607. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

» l’emportaient sur tout, prison, grilles, chaînes, échafaud même ; la zampogne semblait plutôt délirer que jouer sous mes doigts, et les notes qui s’échappaient criaient de joie, insensées, comme les eaux de la grotte, amassées dans le bassin et longtemps retenues, quand nous ouvrons les rigoles, s’élancent en cascades en se précipitant en écume et en bondissant au lieu de couler, et je me disais : « Il m’entend, et ce délire est un langage à son oreille qui lui apprend ce que ma bouche n’a pas achevé de lui confesser. » Les prisonniers se pressaient aux lucarnes et croyaient peut-être que j’étais tombée en folie. […] CCV Je buvais toutes ces paroles et je roulais déjà dans ma pensée, avec l’horreur de notre sort à tous les deux, le rêve d’y faire échapper, malgré lui s’il le fallait, celui qui ne voulait pas vivre sans moi et après lequel moi-même je ne voulais que mourir. […] Comment, si elle était jamais reconnue par un des pèlerins ou des sbires extasiés de sa beauté, quand ils l’avaient aperçue sur notre porte, échapperait-elle aux poursuites du chef des sbires qui avait commis tant de ruses pour l’obtenir de sa tante ?

608. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

L’instant d’après, elle s’en échappe à plat ventre, — à quatre pattes, c’est le mot — abattue et vautrée à terre par l’effroi, comme une vieille brebis fuyant du bercail changé en antre pendant son absence. — « Je me traîne sur les mains, n’ayant plus de jambes. […] » — L’Ombre gourmande d’une voix de chasseuse cette meute négligente, elle la relance furieusement sur la piste du parricide échappé. — « Tu poursuis la bête en dormant, et tu hurles, te croyant encore sur sa trace ! […] Si vite dégagée des forces élémentaires, née sans mère, fille de l’Idée, aucun mythe impudique n’a de prise sur sa pure essence, Elle échappe aux amours et aux fécondations du cosmos, aussi bien qu’aux fictions obscènes des poètes érotiques.

609. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Dire donc ce qu’on sait, sans trembler et sans gaucher, est le plus sûr, même dans l’intérêt de cette autorité qui ne doit jamais déchoir ; car si elle a un jour de faiblesse, on montrera par le respect désolé du reproche, par le sentiment de soumission pour la personne qui circulera dans chaque expression du jugement sur sa conduite, que le principe de l’autorité domine toutes les solidarités et y échappe par son essence. […] Les Théatins remplacèrent le clergé paroissial dans les paroisses où il manquait. » Ce fut là la réforme vraie en face de la réforme menteuse, mais quelle que fût l’énergie du mouvement qui éclata dans l’Église pour échapper aux dangers qui avaient surgi, il n’eût pas été suffisant si Dieu n’avait envoyé son esprit à l’un des plus grands hommes qui se soient élevés jusqu’à la sainteté. […] Kaunitz, ambassadeur de Marie-Thérèse, avertissait le Souverain Pontife des menées qui n’échappaient point à son observation d’homme d’État.

610. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Elles n’y sont guères que par l’accent, par un mot échappé de temps en temps et dont la vibration soulève ou attendrit, ou encore par l’intention de vous déchirer avec la cruauté de sa peinture. […] Alphonse Daudet est du très petit nombre d’écrivains qui ont à eux une manière qui ne ressemble à celle de personne, et c’est même la raison pour laquelle il échappe souvent à l’esprit de système et à des admirations dangereuses. […] Toujours est-il qu’il échappe à ce danger que j’ai signalé, et qu’il est rentré dans la vérité native de son talent, si antipathique aux peintures basses et si délicieux de cette sensibilité que dédaignent, comme le renard les raisins, les Impassibles, ces pierreux de la littérature… Sensibilité, coloris, grâce de l’âme dans le talent, tout est revenu de ce que nous connaissions en lui depuis qu’il a changé de modèles.

611. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Parmi les ouvrages décousus échappés au prince de Ligne dans la première moitié de sa vie, et qui le peignent le mieux à cette date, je distingue ce qu’il a écrit sur les jardins à l’occasion de ceux de Belœil. […] Selon lui, Horace nous a tracé un jardin anglais : son « Qua pinus ingens… » est la meilleure description, la plus douce, la plus riante : « Ce petit ruisseau qui travaille à s’échapper a fait, dit le prince, mon bonheur à exécuter encore plus qu’à le lire. » En lisant tout ce qu’il écrit sur les jardins et cette suite de boutades décousues avec un peu d’indulgence, on en est payé par de charmants passages, par de jolies peintures de sites et comme par des gouaches et des aquarelles légères très vivement enlevées.

612. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Le malheur des historiens modernes, et auquel échappaient les anciens, c’est que, de nouveaux documents survenant sans cesse, le mérite de la forme et de l’art n’est plus compté comme il devrait l’être, et que les derniers venus, souvent sans être meilleurs, mais en paraissant mieux armés de toutes pièces, étouffent et écrasent leurs devanciers. […] La lecture en est assez difficile et parfois obscure ; la liaison des idées échappe souvent par trop de concision et par le désir qu’a eu le jeune auteur d’y faire entrer, d’y condenser la plupart de ses notes.

613. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Parlant du Pape, il lui échappait quelquefois de dire M. de Rome comme d’un simple évêque. […] En soumettant ces difficultés de sens aux excellents éditeurs, je suis sûr d’attirer leur attention pour l’avenir et d’amener sur ce qui a échappé jusqu’ici des corrections et leçons meilleures que celles que je puis proposer.

614. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Le poète aura l’air, par moments, de n’y plus songer ; elle lui échappera même quelquefois en mouvement touchant, en effusion de tendresse, comme dans une idylle, comme dans une élégie ; Les Deux Pigeons, critiqués par La Motte, sont le chef-d’œuvre de ce genre libre et de cette espèce d’épopée en petit : La Fontaine en est l’Homère. […] On ignore donc le point essentiel de la difficulté ; le comment de la création ou de la formation, le mystère échappe.

615. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Les lettres de Guérin à ses amis servent à compléter les impressions notées dans son journal durant ce temps, et quelques-unes des pages de ce journal ne sont elles-mêmes que des passages de ses lettres qui lui semblaient mériter d’être transcrits avant de s’échapper. […] Il n’est rien de tel que ces poltrons échappés, dès qu’ils ont senti l’aiguillon.

616. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Celui-ci donnait du cor, et ses joues, énormément gonflées, m’eussent averti de la quantité d’air qui s’en échappait, si mes oreilles, déchirées par d’effroyables sons, n’avaient rendu tout autre avertissement inutile ; celui-là soupirait une romance, cet autre battait la générale ; il y en avait d’assis, de levés, d’accroupis, dans toutes les situations et dans toutes les poses. […] Aussi Horace Vernet n’y échappait pas.

617. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Cervantes échappe tout à fait à de telles applications, et son rire sensé reste innocent. […] Gustave Doré n’a pu ni dû échapper à la science moderne plus ambitieuse, et son crayon en a contracté du caractère.

618. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

S’ils furent des artistes, ils ne furent en rien des artistes originaux, et Mme Roland, supérieure à la plupart, et je dirais hardiment, à tous s’il n’y avait Vergniaud, n’échappe point en cela à la condition commune. […] Sa plus grande ambition littéraire (et ce n’en est pas une petite en effet) eût été de s’exprimer à l’imitation de Tacite ; elle revient à cette idée à plus d’une reprise dans sa prison, et avec des alternatives de regret ou d’espérance : « Si j’échappe à la ruine universelle », écrit-elle à un ami, « j’aimerai à m’occuper de l’histoire du temps ; ramassez de votre côté les matériaux que vous pourrez.

619. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

On se le représentera facilement, si l’on pense que cette reine aimait à la passion son époux, qu’elle le voyait lui échapper entièrement, dans la fleur encore de sa jeunesse à lui, et à l’âge où elle-même elle commençait à se flétrir ; qu’elle avait pour dames du palais, nommées pour l’accompagner et la servir, précisément ces mêmes sœurs rivales qui lui enlevaient à tour de rôle le cœur du roi et se le disputaient entre elles, de manière à compromettre aussi le salut éternel de son âme. […] Moncrif y faisait des niches, et un jour qu’on feuilletait un recueil de vieilles chansons, on était tout surpris d’y rencontrer celle-ci, qui avait échappé jusque-là et qui semblait faite tout exprès pour célébrer la reine sous le nom de Sophie : Il est une Sophie, onc il n’en sera d’autre, Ravissant d’un souris mon âme, aussi la vôtre… Le refrain de ce couplet marotique était : Tenez, je vous adore !

620. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Je ne peux pas dire qu’il me traite en dessous et en enfant, et qu’il ait de la défiance pour moi : au contraire ; il lui échappait l’autre jour un long discours devant moi et comme s’il parlait à lui-même sur les améliorations à introduire dans les finances et dans la justice ; il disait que je devais l’aider, que je devais être la bienfaisance du trône et le faire aimer, qu’il voulait être aimé ; mais il n’a pas énuméré ses moyens d’action, soit qu’il ne les ait pas encore combinés, soit qu’il les garde pour ses ministres ; il leur écrit beaucoup ; c’est au vrai un homme qui est tout en lui, qui a l’air d’être fort inquiet de la tâche qui lui est tombée tout à coup sur la tête, qui veut gouverner en père. […] Une note que je reçois à l’instant m’apprend ce détail qui m’avait échappé.

621. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Saint-Simon est tellement peintre jusqu’au bout des ongles qu’une fois il s’est montré tout émerveillé d’un mot échappé à Louis XIV près de sa fin, et qui lui fut redit par Maréchal, le chirurgien du roi. […] Veut-on maintenant non un récit (il n’en a pas fait), mais une page de Saint-Simon à ce propos, un de ces portraits comme il lui en échappe à tout coup, avec son feu, sa concentration, sa scrutation des cœurs, son assemblage heurté des plus rares et des plus curieuses circonstances apprises de toutes parts, ramassées on ne sait d’où, mais qui se pressent et se confondent comme des éclairs entrecroisés ?

622. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Lui-même a consacré les prémices de son bonheur domestique dans les seuls vers peut-être où il se soit permis ce genre d’épanchement : Il n’est point de beaux lieux que n’embellisse encore Le sentiment profond qu’on éprouva près d’eux… De tels vers et ceux qui suivent, et que je regrette de ne pouvoir citer avec étendue, ont tout leur prix chez le poëte qui n’a laissé échapper de son âme discrète que de pudiques parfums. […] souvent elle fuit d’ elle-même entre les mains, et elle échappe.

623. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Cette orthodoxie, il est vrai, pouvait bien sembler un peu étroite et se ressentir de ces excès de rigueur qui sont ordinaires aux grands convertis ; mais il y avait lieu aussi de penser qu’une fois hors du cercle des thèses universitaires et en possession des gloires du doctorat, rentré dès lors dans le champ libre de la littérature, l’auteur trouverait un juste tempérament, et que l’ami, et un peu le disciple de Stendhal, saurait échapper aux formules du dogme. […] Les élégies de Chénier, malgré quelques réserves qui sont là pour la forme, n’échappent pas au puritanisme classique de M.

624. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Mais, comme un excès amène toujours son contraire, le petit nombre de celles qui échappèrent à la corruption se jetèrent dans la métaphysique sentimentale et se firent précieuses ; de là l’hôtel de Rambouillet2. […] Cette dernière y excelle : elle laisse trotter sa plume la bride sur le cou, et, chemin faisant, elle sème à profusion couleurs, comparaisons, images, et l’esprit et le sentiment lui échappent de tous côtés.

625. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

La Restauration lui causa une grande joie, mais elle la concevait à sa manière, et elle dut en souffrir bientôt et violemment, comme d’un objet qui échappe et qu’on aime. […] à conjurer ces fantômes : je ne savais pas qu’il n’y a de repos qu’en vous ; » quand on entend ce simple élan interrompre le récit, on sent que l’auteur lui-même s’y échappe et s’y confond, et qu’il dit sa propre pensée par la bouche de cette martyre.

626. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Il semble donc qu’elles échappent à la science ; et, en effet, quand on lit les livres qui traitent d’elles, on n’apprend guère que ce que l’on savait déjà ; la lecture faite, on les trouve bien rangées dans son esprit ; voilà tout. […] Il y en a un pourtant ; mais il nous échappe ; notre vue intérieure a des limites ; au-delà de ces limites, nos événements intérieurs, quoique réels, sont pour nous comme s’ils n’étaient pas.

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