» Enfin, quoi de plus frappant que le vers immortel dans lequel il a décrit la secrète angoisse qui empoisonne toutes nos joies ? […] Là, au milieu d’une continuelle alternative de joie et de souffrance, éclot la mélancolie qui est aussi l’aspiration vers le beau, le désir (Sehnsucht ?). […] Est-ce que le simple souvenir de Dieu ne nous donne pas de la joie ? […] Enfin à dîner et le soir vifs sentiments de plaisir et joie complète d’exister. […] A peine si la contemplation de la nature lui donne parfois quelques courtes joies.
Qui nous rendra la divine vertu de la joie dans l’effort et de l’espérance dans la lutte ? […] Elle s’en distingue parce qu’elle aboutit à la douleur et au déséquilibre aussi fatalement que la santé à l’harmonie et à la joie. Mais osons dire encore, pour ne pas faire du bien-être l’épreuve suprême des choses de l’âme, qu’il y a parfois plus d’idéalisme dans cette douleur que dans cette joie. […] Il semble que cette détestable acuité de conscience ne puisse être émoussée par la joie brûlante et dissolvante de la passion partagée. […] Joie de vivre, principe de noblesse et d’amour, tu deviens pour ces misérables un principe de bassesse ?
Lorsqu’un homme vous vient embrasser avec joie, Il faut bien le payer de la même monnoie, Répondre comme on peut à ses empressements, Et rendre offre pour offre, et serments pour serments. […] tant mieux, c’est ce que je demande Ce m’est un fort bon signe, et ma joie en est grande. […] Tout vit en paix, en joie, en amitié, en amour dans cette heureuse famille, lorsque Orgon, en allant à l’église, est séduit par les grimaces de Tartuffe, le héros de la pièce, qui simule la sainteté, et finit par s’introduire dans la famille et y prendre un empire absolu.
Il est question à tout moment de cette joie que donne la première jeunesse jointe à la beauté, de cette sorte de trouble et d’embarras dans toutes les actions que cause l’amour dans l’innocence de la première jeunesse, enfin de tout ce qui est le plus loin d’elle et de son ami, en leur liaison tardive. […] En avançant dans la composition de la Princesse de Clèves, les pensées de Mme de La Fayette, après ce premier essor vers la jeunesse et ses joies, redeviennent graves ; l’idée du devoir augmente et l’emporte.
Il m’avait quitté, il était loin, lorsque du fond de la seconde cour, et du seuil même de l’illustre portique, un cri, un accent net et vibrant, le mot de Cerdon, qui lui était revenu, et qu’il me lançait avec une joie fière en se retournant, m’arriva comme un rappel sonore du pâtre matinal aux échos de la montagne : le Nodier jeune et puissant était retrouvé ! […] Nodier, qui s’était pris tant de fois de raillerie au célèbre corps, fut saisi d’une joie toute naïve et attendrie en y entrant.
. — Dans ces dernières circonstances, j’ai vu un petit garçon de deux ans répéter le mot oua-oua, quarante à cinquante fois de suite, avec un étonnement, un entrain, une joie extraordinaire. […] Les noms que lui suggèrent ses parents et les personnes environnantes ne sont que des points de départ pour ses innombrables élans : de là sa joie et son sérieux. — Une fois qu’un nom transmis s’est associé chez lui à la perception d’un objet individuel, son esprit agit comme dans l’exemple précédent ; il applique le nom aux objets plus ou moins semblables qu’il reconnaît comme pareils.
« Avec quelle joie, s’écrie-t-elle, je ne puis le dire, espérant avant peu jouir de mon amour avec mon Zerbin. » Une tempête les jette sur un rivage inhabité. […] j’irai aussi, car quelle joie me resterait-il sur la terre, ô mon cher Médor, si j’y restais sans toi ?
« Les cygnes, quand ils sentent qu’ils vont mourir, chantent encore mieux ce jour-là qu’ils n’ont jamais fait, dans leur joie d’aller trouver le dieu qu’ils servent. […] La vérité, la liberté, la justice, la charité, la tempérance, la mortification des sens, le dévouement à ses semblables, le désir de la mort pour revivre plus saint ; le sacrifice de soi-même, jusqu’au sang, à Dieu ; la joie dans le supplice volontaire, la foi dans la résurrection, voilà les victoires de l’âme.
Sganarelle, qui se croit aimé et déjà le mari, dans le transport de sa vanité satisfaite, donne sa main à baiser à Isabelle : Oui : tiens, baise ma main49 … mot si vrai, qui n’a d’égal que cet autre à Valère, au moment où celui-ci, cachant sa joie, sort pour se préparer à recevoir Isabelle : … Pauvre garçon ! […] Sganarelle veut bien donner de sa joie ce qui en déborde.
L’intuition n’a de sens pour nous qu’à la condition de s’alimenter à la source de la vie, dans notre sensibilité personnelle, dans notre personnelle manière de sentir et de réagir, dans nos passions, nos joies et nos douleurs, dans toute notre nature sensible, spontanée et primesautière. […] Certaines formes d’intelligence sont asociales ou antisociales de propos délibéré : esprit négateur, attitude du critique, du sceptique à outrance, du dissociateur de dogmes, du briseur d’idoles : nihilisme intellectuel ; joie méphistophélique de l’Érostrate intellectuel qui joue avec les débris des pensées et des croyances.
Le reste du temps, il goûtait la joie de s’entendre gratifier, négligemment, du titre de « fou » par les passants éclairés qui l’approchaient. […] Et la joie du Maître, voyant ce pouvoir, devient de l’Humour.
Chez cet enfant, la jubilation intérieure de la mise en pièces des choses, avait quelque chose d’une joie diabolique. […] La mort de cet homme de trente-huit ans, de ce garçon si aimable et si ingénieux à vous faire du plaisir et de la joie chez lui, de ce peintre, si peintre, a rencontré une sympathie bien naturelle, et c’est merveilleux et touchant, le luxe des fleurs déposées sur son cercueil.
« Ayant appris que vous aviez dessein de faire ici un voyage, j’avais demandé permission à notre mère de vous voir, parce que quelques personnes nous avaient assurées que vous étiez dans la pensée de songer sérieusement à vous ; et j’aurais été bien aise de l’apprendre par vous-même, afin de vous témoigner la joie que j’aurais s’il plaisait à Dieu de vous toucher ; mais j’ai appris depuis peu de jours une nouvelle qui m’a touchée sensiblement. […] La captivité de son peuple cependant trouble sa joie pendant son triomphe : Esther, disais-je, Esther dans la pourpre est assise ; La moitié de la terre à son sceptre est soumise, Et de Jérusalem l’herbe cache les murs !
. — Si les ouvrages d’un homme célèbre, qui a fait votre joie, vous paraissent aujourd’hui naïfs et dépaysés, enterrez-le donc au moins avec un certain bruit d’orchestre, égoïstes populaces ! […] Celui-là sera le peintre, le vrai peintre, qui saura arracher à la vie actuelle son côté épique, et nous faire voir et comprendre, avec de la couleur ou du dessin, combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottes vernies. — Puissent les vrais chercheurs nous donner l’année prochaine cette joie singulière de célébrer l’avénement du neuf !
Je n’ai pas craint de laisser arriver ces pensées graves et funèbres jusque dans la lecture de ces derniers Voyages si remplis de soleil, de joie, d’accidents de toute sorte, si animés d’une sociabilité charmante, et tout parsemés de figures ou de perspectives.
La grâce avec l’indulgence y respire ; la bouche exprime la bonté ; l’œil large et spirituel, le coin souriant des lèvres, la rondeur et la mollesse des tempes, composent une physionomie ouverte et sensible, où la joie laisse percer peut-être un dernier fonds de tristesse.
Arago, à l’âge de vingt ans, eut la joie de se sentir chargé d’une de ces missions qui honorent toute une vie de savant.
Théocrite, qui a si bien peint l’abondance et la joie des récoltes dans sa pièce des Thalysies, a fait aussi Les Syracusaines, une scène piquante et gaiement moqueuse ; et Léopold Robert, au sortir des Moissonneurs, n’a pu réussir à faire son tableau du Carnaval.
Conçoit-on un dernier vers aussi faible et aussi lent qui termine toute la pièce, et vient couronner une strophe faite surtout pour exprimer la joie et le bondissement ?
Je lui mis sa robe et le menai par la main le long de la garenne du nord, où il fit quelques pas tout seul, les premiers, ce que j’allai annoncer en grande joie à ma mère : Maurice, Maurice a marché seul !
Il redit ce qu’on disait, il enregistre les propos courants ; il ne ment pas, mais il médit avec délices et s’en donne à cœur joie.
Elles lui venaient le long de ce beau rivage ; il les saluait avec la joie d’un poète qui a trouvé.
Bonstetten, en son premier temps, aux belles années du xvie siècle, avait eu, il est vrai, une jeunesse fervente, enthousiaste, engouée, selon la forme d’idées et de sentiments qui régnaient alors, avec des teintes de Jean-Jacques et des reflets de Werther ; mais cela lui avait passé : il s’était rassis ; il était devenu vieux ; vers l’âge de trente-cinq à quarante ans, il était redevenu Bernois ou avait tâché de le redevenir, de se faire un homme sérieux, un homme politique, un bailli, un syndic ou syndicateur (comme ils disent), un aspirant au conseil souverain de son canton ; il s’acclimatait petit à petit à l’ennui ; en un mot, à l’exemple du commun des hommes, il était en train de vieillir, et il y réussissait par le cours naturel des ans et des choses, quand les événements qui, à la suite du grand mouvement de 89, bouleversèrent son pays, vinrent le secouer lui-même et le déranger, le déconcerter et l’affliger d’abord ; mais bientôt il se remit, il voyagea, il trouva des oasis et des asiles, des cercles heureux où l’amitié lui vint rendre la joie, l’espérance et l’harmonie de sentiments à laquelle il aspirait par sa nature : et c’est alors qu’il rajeunit tout de bon.
Il y avait en ce moment à La Chênaie, ou il allait y venir, quelques hommes dont la rencontre et l’entretien donnaient de pures joies, l’abbé Gerbet, esprit doux et d’une aménité tendre, l’abbé de Cazalès, cœur affectueux et savant dans les voies intérieures ; — d’autres noms, dont quelques-uns ont marqué depuis en des sciences diverses, Eugène Boré, Frédéric de La Provostaie : c’était toute une pieuse et docte tribu.
Les sciences, « unies par une philosophie commune, » y sont montrées « s’avançant de front, les pas que fait chacune d’elles servant à entraîner les autres. » Plus de danger sérieux désormais pour l’ensemble des connaissances humaines ainsi liées étroitement et toutes solidaires entre elles, plus de période rétrograde possible depuis la découverte de l’imprimerie : « Lorsqu’au milieu d’une nuit obscure, perdu dans un pays sauvage, un voyageur s’avance avec peine à travers mille dangers ; s’il se trouve enfin au sommet d’une haute montagne qui domine un vaste horizon, et que le soleil, en se levant, découvre à ses yeux une contrée fertile et un chemin facile pour le reste du voyage, transporté de joie, il reprend sa route, et bannit les vaines terreurs de la nuit.
Un jour, dans une discussion entre sa mère et l’Impératrice, l’un des courtisans qui vient d’y assister, rencontrant Catherine avec le grand-duc, assis sur une fenêtre dans une pièce voisine et en train de rire, leur dit en passant : « Cette grande joie va cesser tout à l’heure » ; et s’adressant à elle : « Vous n’avez qu’à faire vos paquets, vous allez repartir tout de suite pour vous en retourner chez vous. » Catherine, en commentant ce propos avec le grand-duc, s’aperçoit du peu d’effet qu’il a produit sur lui : « Je vis clairement qu’il m’aurait quittée sans regret.
Leurs figures paraissaient émues, et d’un air timide, mais où perçait un sourire plein de joie, ces deux jeunes artistes remercièrent leur généreux camarade de manière à laisser entendre à tous les assistants qu’ils attachaient plus d’importance encore qu’eux à ce qui venait de se passer.
Et ici je désire être bien compris : j’admets tout à fait qu’une jeune femme, une jeune fille merveilleusement douée, esprit supérieur et gracieux, âme pure, apporte avec elle une joie légère, un charme qui opère insensiblement ; mais il ne faut pas forcer ce charme et lui demander plus qu’il ne peut.
Un jour, Philippe III, du balcon de son palais, voyant un étudiant qui, sur les bords du Mançanarès, lisait un livre et interrompait souvent sa lecture en se frappant de la main le front et en faisant des mouvements extraordinaires de plaisir et de joie : « Cet étudiant est fou, dit le roi, ou il lit Don Quichotte. » Les courtisans qui étaient là coururent vérifier le fait, et c’était vrai.
Mais ces accidents plus ou moins bucoliques ne sont pas essentiels chez lui ni dans son talent : là même, dans cette pièce toute bordelaise, le bachique l’emporte, et quand il en vient à la saison des vendanges, il ne se tient pas ; il se donne la joie toute rabelaisienne de nous décrire le formidable cuvier : C’est une cave immense, ou plutôt c’est un antre Où le vin en courroux monte au nez dès qu’on entre, Courant des piliers noirs au cintre surbaissé, — Un temple de Bacchus dans le sable enfoncé. — Comme un chœur de Titans, là sont d’énormes cuves Où la liqueur mugit comme dans des étuves.
On me crée une réputation dont je me passerais bien volontiers : je ne sais que faire de cela. » Cet article de Loyson, dans lequel il saluait avec joie l’avénement d’un esprit éminent, d’un talent nouveau du premier ordre, comme il le fera plus tard pour Lamartine, contenait plus d’une réserve prévoyante et se terminait par une véritable profession de foi de christianisme libéral et de libéralisme chrétien.
Lope de Vega eut aussi une fille, et la plus chérie, qui se fit religieuse ; il composa sur cette prise de voile une pièce de vers fort touchante, où il décrit avec beaucoup d’exaltation les alternatives de ses émotions de père et de ses joies comme chrétien (Fauriel ; Vie de Lope de Vega).
Ces rencontres, toujours ma joie et mon alarme, Ces airs, ces tours de tête, ô femmes, votre charme ; Doux charme par où j’ai péri !
Ce fut une joie pour la princesse qui aimait beaucoup cette espèce de gibier Le maigre, qui occupait tant Madame Victoire, l’incommodait ; aussi attendait-elle avec impatience le coup de minuit du samedi saint.
Qui de nous a jamais été jusqu’aux dernières bornes de la douleur, de la joie, de la haine ou de la tendresse ?
Relisons toutes les pièces qu’on cite : ces sonnets, ces chansons, où le pétrarquisme est traverse des élans fougueux d’une passion sensuelle, où se fond une subtilité aiguë dans la douceur lasse d’une mélancolie pénétrante, ces élégies où le néant de l’homme, la fragilité de la vie, le sentiment de la fuite insaisissable des formes par lesquelles l’être successivement se réalise, s’expriment en si vifs accents par de si graves images, ces hymnes, comme l’hymne à Bacchus qui a le mouvement et l’éclat des Bacchanales que peignaient les Italiens, ces odelettes, où la joie fine et profonde des sens aux caresses de la nature qui les enveloppe, se répand en charmantes peintures, en rythmes délicats : tout cela, c’est le tempérament de Ronsard, fortuitement favorisé par son érudition, ou bien en rompant l’entrave.
Ainsi, dans l’amour : « lorsque cette connaissance est vraie, c’est-à-dire que les choses qu’elle nous porte à aimer sont véritablement bonnes, l’amour ne saurait être trop grande, et elle ne manque jamais de produire la joie.
Voltaire avait la joie de voir des Actes du clergé, qui le prenaient à partie, brûlés par arrêt du Parlement (1764) : ces actes choquaient aussi le jansénisme de nos magistrats.
Elle accueille d’abord la Révolution avec joie et avec foi ; son salon est le lieu de réunion des amis de la constitution anglaise, Mounier, Malouet, Clermont-Tonnerre, Montmorency ; mais, en sept. 1792, elle est forcée de se réfugier à Coppet, au bord du lac de Genève.
Viélé-Griffin, les Cygnes, 1887, Joies, 1889, Ancaeus, 1888.
Rentrez alors à la Comédie-Française et reposez-vous dans l’admiration et la sympathie ardente de ce bon peuple parisien qui vous pardonne tout, vous ayant dû quelques-unes de ses plus grandes joies.
Weiss la vivacité d’allure de Ma camarade : « Le filament microscopique le plus tortillé de la joie et de la fureur de vivre ne se trémousse pas avec une vie plus furieuse et plus joyeuse que cette pièce. » Au fait, cela est très joli ; mais diable !
Au moins on voit tout de suite ce qu’ils sont, et ils font la joie de la critique, hostile ou enthousiaste.
Le ciel vous comble pour jamais de prospérité et de joie !
Le monde a tellement soif de joie !
Il se met donc avec joie, avec légèreté, à ce qui ferait la tâche et la corvée de tout autre.
Et, malgré tout, ces demi-dieux une fois honorés, ne voyez-vous point là-bas une foule nombreuse et familière d’esprits excellents qui va suivre de préférence les Cervantès, les Molière toujours, les peintres pratiques de la vie, ces amis indulgents et qui sont encore les premiers des bienfaiteurs, qui prennent l’homme entier avec le rire, lui versent l’expérience dans la gaieté, et savent les moyens puissants d’une joie sensée cordiale et légitime ?
Ces douze ou treize années de séjour en France furent sa joie et son charme, et le principe de sa ruine.
La misanthropie aussi, comme je crois l’avoir déjà dit, flatte tellement un lecteur peu averti qui s’excepte toujours de la condamnation portée contre le genre humain tout entier, que, si outrée et presque maladive et folle qu’elle fût chez Zola, elle ravissait d’aise et de joie maligne un public volontiers contempteur et prompt à reconnaître le prochain dans les plus noires peintures, sans songer que le prochain c’est le semblable.
D’excellents poètes ont vécu de mon temps, il y en a eu de meilleurs encore avant moi, et il n’en manquera pas de plus grands parmi ceux qui nous succéderont ; mais que, dans la difficile question de la lumière, je sois le seul de mon siècle qui sache la vérité, voilà ce qui cause ma joie et me donne la conscience de ma supériorité sur un grand nombre de mes semblables. » Ce n’est pas à dire pourtant que Gœthe lut sans valeur au point de vue scientifique.
Enfin celle qui personnifie la mère douloureuse et voilée de ces drames, la créature souillée et candide qui répand sa douleur en pitié, on sait sa physionomie, le détail de sa chambre, les pièces de son costume ; celle qui restaura la paix dans l’âme défaite du criminel et lui rendit, par quelques paroles tremblantes, la joie de posséder des frères, est une pâle petite fille à la figure menue, dont les yeux, sous des cheveux blonds de lin, sont purs.
Sur la base d’un réalisme rigoureux, d’une aptitude singulière à apercevoir le monde ambiant, en son aspect véritable et à ressentir un plaisir général à la décrire, s’étage une faculté visuelle plus spécialisée, plus délicate, source de plus de joie et de plus d’efforts, celle de sentir et de retenir de préférence des sensations colorées.
… Profanateur de nature et d’éducation, flétrissant, pourrissant, un peu pourri lui-même, tel est Mistigris ; et je souffrirais d’avoir à dire qu’il reste quelque chose de cet affreux enfant terrible dans le talent élégant, désinvolte et presque aristocratique de Gustave Droz, si, en tournant les pages de son livre, je ne trouvais, à ma grande joie, le La Bruyère mauvais sujet corrigé, marié et père, — comme ces bons cœurs de mauvais sujets le deviennent, — le Bébé arrivé et Mistigris parti, par respect pour cette innocence, qui a fait tout à coup sûr l’auteur un peu immodeste de Monsieur et de Madame l’assainissant effet d’une contagion de pureté.
« Ce fut une sorte de joie publique lorsqu’on apprit que Mme de Longueville avait été épargnée, et que, si elle avait perdu la première fraîcheur de sa beauté, elle en avait conservé tout l’éclat.
La chronique, fidèle pendant les longues heures de torpeur et de défaillance, aura la joie d’être la première à signaler et à saluer la convalescence. […] Mais l’effort est toujours superflu : pour la joie comme pour la douleur, pour souffrir comme pour triompher, quand l’heure est venue, il faut se réveiller. […] Celui qui n’a pas rêvé pendant les vacances qu’il est au collège ne sait pas ce que le réveil peut apporter de joies. […] C’est un point d’orgue entre la douleur et la joie, pendant lequel l’auteur exécute ses plus délicates fioritures. […] Quelques jours de joie succèdent à tant d’angoisses ; — un rêve de bonheur, puis un réveil terrible.
Ceux qui approchent le nouveau maître se composent un visage équivoque, qui n’est ni celui de la joie ou de l’ingratitude, ni celui de la tristesse ou de l’indécence. […] : elle se pare, elle sort la nuit de son palais ; elle se montre au milieu de la joie tumultueuse d’un festin et de l’ivresse du prince et de ses convives. […] Après un de ces festins monstrueux où l’on voyait réunies et confondues la profusion, la crapule, la joie tumultueuse (TACIT. […] Jamais Néron n’avait ordonné des meurtres avec plus de joie : Lœtissima cœdes. […] On ne lit point sans frissonner le récit de cette scène si vraie : il semble qu’on soit frappé des cris d’un million d’hommes rassemblés, et ivres de fureur et de joie.
De cela, Georges Pitoëff — à qui nous devons déjà de grandes joies, qui nous en promet de plus grandes encore — nous apporte la preuve. […] Et cependant la paix ne correspond-elle pas à tout l’entre-deux entre la joie jaculatoire et l’anéantissement devant Dieu ? […] Sa sensualité est devenue une subtilité de l’intelligence… Il sait trouver dans l’intelligence ces joies physiques qui animent les muscles et répandent des ondes brûlantes dans le sangcv. […] Cependant Claude est suspendu à leurs paroles : « J’écoutais, j’écoutais avec reconnaissance ; il y avait donc encore quelque chose qui m’accompagnerait dans la vie, quelque chose qui me donnerait à la fois de la joie et de la confiance. […] Et, dans le même temps, mon cœur bondissait de joie plus haut que les maisonsew !
On peut l’appeler un mystique athée, et l’antithèse est saisissante de ses souffrances et de ses luttes avec les joies et la vigueur du mysticisme chrétien du Père de Grandmaison, qui avait rêvé lui aussi, dans sa jeunesse, de se dévouer au culte de l’art. […] Ce fils, Fernand, arrivé aux environs de sa dix-huitième année, déclare qu’il veut être prêtre, à la plus grande joie de sa pieuse mère, à l’indignation de son père — le mot n’est pas trop fort — qui voit s’évanouir son espérance de laisser à un successeur de son nom la maison de commerce qu’il a fondée. […] Mais quelle joie intellectuelle quand ces livres, repris avec défiance, nous procurent, au contraire, un renouveau d’intérêt et nous donnent la sensation que nous ne nous étions pas trompés ! […] Tournez-vous ensuite, et caressez vos yeux aux gaies et fraîches verdures des gazons ensoleillés, aux reflets des eaux dans lesquelles descend la joie lumineuse du ciel. […] C’est donc une joie pour les fidèles de l’art quand ils peuvent en retrouver de peu connues et en assurer la conservation.
Si un homme revenait à la lumière quelques années après sa mort, je doute qu’il fût revu avec joie par ceux-là mêmes qui ont donné le plus de larmes à sa mémoire, tant on forme vite d’autres liaisons… tant l’inconstance est naturelle à l’homme, tant notre vie est peu de chose, même dans le cœur de nos amis. » — Sur quoi l’abbé Morellet se révolte. — « Nous avons aujourd’hui tant de sensibilité ! […] — Par l’esprit de détachement, par la soif et par la joie du sacrifice, l’humanité s’élève d’elle-même : en souffrant, et plus que tout à l’heure, mais d’une souffrance qu’elle veut et qu’elle aime ; en expiant, sans même avoir péché ; en offrant à sa conscience comme des holocaustes les douleurs acceptées et cherchées ; voici que, sans miracle, comme tout à l’heure sans magie, elle refait ce qu’il y a de divin en elle, recrée le ciel et remonte dans la lumière : Jocelyn. […] Dans ses plus belles œuvres, non seulement l’orgueil de son génie, ce qui est tout simple, et même fait plaisir, non seulement la vanité, ce qui s’excuse, mais la manie de s’étaler éclate tout à coup, comme un tic, à la joie de ses détracteurs, et à l’ennui de ceux qui l’admirent. […] Il possède la faculté de penser en lieux communs, d’avoir d’instinct, naïvement, et avec cette joie intime que donne à d’autre une découverte ou un paradoxe, la pensée de tout le monde sur un sujet donné. […] Une puissance intime qui met toutes les facultés de l’âme au service de la sensation, de telle manière que quand elle est exprimée de l’esprit, elle est plus riche qu’en y entrant, empreinte de lui, spiritualisée, devenue l’écho de sa voix intérieure, de son amour, de sa joie, de son deuil, de son espoir, de sa foi. — Elle n’en sera que refroidie, me direz-vous. — Cela peut arriver ; mais peut-être renversez-vous les termes.
L’exercer dans sa plénitude, n’est-ce pas une joie incomparable ? […] Pendant que les yeux parcourent ce décor, on doit sentir passer en soi comme une onde de sentiment, ici d’inquiétude et de vague angoisse, là de joie et d’orgueil. […] On n’invente ni par pénurie de sujets réels, ni par impuissance à imiter, ni par dédain de la nature, mais par fécondité, par besoin et par joie de créer, par exubérance d’imagination. […] Mais ils s’en sont emparés avec joie. […] Quelle joie pour un artiste, de pétrir l’une sur l’autre ces formes diverses, et de les relier par de beaux raccords !
Il est à plaindre, non à imiter ; car l’œuvre d’art doit être un plaisir, une purgation de l’âme et du corps, et (même tragique) conçue dans la joie. […] Joie de l’esprit et du regard ! […] Les théologiens parlent fréquemment de la joie mystique. Il existe aussi une joie métaphysique. […] L’enfant était d’abord une bénédiction et une joie, puis un aide et une grandeur.
Et devant ce paradis de sa vieillesse, il pleure de joie. […] Car son amour-propre, toujours surexcité, toujours inquiet, est pour lui cause de peu de joies et de beaucoup de souffrances. […] Les artistes, et ceux mêmes qui, une fois l’œuvre terminée, s’en dégoûtent et la jugent inférieure à ce qu’ils voulaient faire, connaissent du moins cette joie qu’apporte l’œuvre en train, la joie de créer et de voir peu à peu l’idée prendre forme et prendre corps. […] « Joie de rue, douleur de maison ! […] Comme s’il ne pouvait tenir dans des existences médiocres que des joies ou des souffrances médiocres !
Je crois qu’il n’y faut voir que son chagrin d’avoir compris que Sainte-Beuve n’était pas à la hauteur de son amitié ; je pense aussi qu’il n’y faut rien chercher de plus, car, au bout de quatre ans de cette rupture, Victor Hugo, voyageant, adressait à madame Victor Hugo une lettre d’une grande tendresse dans laquelle il lui écrivait : « Toi qui es la joie et l’honneur de ma vie. » Je m’arrête là. […] Il suffit d’avoir respiré un peu l’air des théâtres, d’avoir connu les nervosités, les excitations, les désespoirs, les joies qui se manifestent de l’autre côté du rideau, d’avoir un peu étudié cette existence de fièvre, d’emballements, si différente de l’autre, pour constater que M. […] Une courte analyse de Miremonde : Don Juan n’a pas été englouti dans le précipice où l’a entraîné la statue du Commandeur ; il n’y a eu dans cet événement qu’une exagération de ses contemporains portés comme les nôtres à grossir toutes choses ; la vérité, c’est que Don Juan s’est aperçu un jour que, comme un sot, il avait sacrifié son bonheur en la personne d’Elvire ; revenu à la raison, il a voulu implorer son pardon de celle qu’il avait abandonnée ; au lieu de la douce et aimante Elvire, au lieu de la tendre et passionnée jeune fille, il n’a plus retrouvé qu’une femme qui l’a recueilli, mais sans joie, qui lui a ouvert ses bras, mais sans amour ; il n’a retrouvé en elle qu’un cœur que sa perfidie avait éteint et qui ressentait déjà le froid de la mort qui la gagnait. […] Pourquoi l’inconnu sans passé, sans présent, sans avenir, désespérerait-il d’arriver, en racontant sa misérable et inoffensive jeunesse, au seul résultat qu’il ambitionne : conquérir le suffrage amical de ceux, en petit nombre, pour qui toute vie, s’agit-il de la plus infime, est un sujet fécond en gaîtés ou en tristesses, en réflexions railleuses ou en retours mélancoliques sur soi-même, un thème banal et sans relief, mais qui vous prend l’âme par la douceur, par la pitié, par le ressouvenir des mêmes joies ou des mêmes angoisses, et fait que tel petit événement du cœur vous intéresse mille fois plus que telle grande aventure historique qui aura bouleversé le monde ?
Dans les grandes planches : L’arrivée des manzaï dans un palais où éclate la joie d’un groupe d’enfants qui les acclament et où, derrière des stores, s’aperçoivent les ombres chinoises des princesses prises de curiosité mais ne se montrant pas. […] Et ce sont encore des représentations de musiciennes japonaises ; d’une année de bonne récolte, avec la joie et l’engraissement subit des paysans ; et, on ne sait pourquoi, le portrait d’un astronome hollandais. […] Et ce sont des pêcheurs de crabes, des laveurs d’ignames, des bûcherons, des portefaix, des humains, si vivants, si parlants, si gesticulants, qu’il y a chez eux comme une ivresse de la vie et une joie gaudriolante, non seulement des physionomies aux bouches fendues en tirelire, mais encore des torses, des bras, de toute la musculature qui semble remuée, agitée, secouée par un rire comique17. […] Il n’y a guère qu’un tourneur de meules avec lesquelles on blanchit le riz ; un broyeur de thé en poudre, pour le genre de cérémonie dite Tcha-noyu, et se divisant en Koïtcha et Mattcha ; un faiseur de macaronis de sarrasin, représenté à côté des figures comiques de deux avaleurs de macaroni, tout à la joie gloutonne de leur occupation. […] Or, cette impression en couleur est faite pour le Jour de l’An de l’année qui a suivi celle où l’on verra que Hokousaï est parvenu à arrêter les fredaines de son petit-fils et à le marier, et dans ce mot à double sens il exprimerait la joie que lui a causée l’entrée dans la maison de la « jeune mariée » de son petit-fils.
Il y a des choses qu’il faut voir, monsieur et révérend Père, et les signes de joie que j’ai ressentis quand on m’a annoncé quelque chose de votre part sont de ce nombre. […] Si vous saviez avec quelle joie ils ont appris la désertion de d’Alembert et toutes les manœuvres qu’ils emploient pour l’empêcher de revenir ! […] Qu’il m’écrive incessamment qu’il est heureux, et qu’à son retour il puisse m’embrasser avec joie ! […] Cependant une épouse sensible, une mère tendre qui les entend, en verse des larmes de joie. […] J’ai donné mes trois fêtes au Baron ; comment diable voulez-vous à présent que je les retire, lorsqu’on en a fait presque des feux de joie ?
Ces joies visuelles, ces émotions cérébrales, pourtant, ne devaient pas lui être refusées. […] Unruh a toujours en vue la nature et la joie, il ne dirige jamais sa pensée et son action dans un sens artificiel. […] Et quelle joie profonde quand un éditeur accueille son premier roman. […] Accueillons son livre avec joie et remercions sans les discuter ceux qui obéirent aux sentiments les plus généreux en supprimant les scories que l’auteur, s’il avait vécu, se serait empressé de faire disparaître. […] Léon Bérard, lui aussi, a l’épigramme facile, mais dans l’intimité ; et s’il a le don des imitations à un degré si surprenant, s’il perce à jour, après le dîner, tant de ministres et de personnages, pour la joie de ses amis, pourquoi n’aurait-il pas imité M. de Fontanes, aussi bien ?
Un pauvre logis qui sent la misère, la sainteté, l’humidité, la maladie, et dont toute la joie est le bondissement mêlé au jappement d’un chien, de la race des chiens de conducteur de diligence, baptisé Paturot par le curé. […] Pas une voiture qui roule, dans la villa pas un cri qui annonce de la joie d’enfant, et à l’horizon un Paris, où le bruit semble mort. […] Je ne sais pas, mais je n’ai pas confiance, il ne me paraît pas retrouver dans cette plèbe braillarde les premiers bonshommes de l’ancienne Marseillaise : ça me semble simplement des voyous d’âge, en joie et en esbaudissement, des voyous sceptiques, faisant de la casse politique, et n’ayant rien, sous la mamelle gauche, pour les grands sacrifices à la patrie. […] Le soleil d’un dimanche a tout emporté, et Paris, en gaieté et en joie, se presse à toutes ses portes, dans un Longchamps étourdi. […] Alors, une joie fiévreuse monte à toutes les figures, pâlies par le froid, et femmes et hommes, pris d’une sorte de gaminerie, se jettent au-devant du galop des chevaux, cherchant à arracher aux estafettes, avec des rires, des plaisanteries, des coquetteries, de douces violences, les nouvelles qu’ils ne portent pas.
Nous la regardions tous grandir, avec la joie de constater, à chaque nouvelle création, que nous trouverions en elle l’interprète que nous rêvions pour nos œuvres futures. […] Où découvrir une femme assez artiste pour vivre sur les planches la vie qu’elle voit tous les jours dans la rue, pour oublier les grimaces apprises et se donner tout entière, avec ses souffrances et ses joies ? […] Sarcey ne se pâme pas de joie ? […] Comme nous pouvons partager les joies et les douleurs de ces poupées, dont nous nous moquons si parfaitement ! […] A la nouvelle de la mort de Nanine, Guillaume et Ursule sont dans une joie profonde.
Elle dirait presque d’un ton demi-sérieux, demi-badin, avec Voltaire, « que les dieux n’ont établi les rois que pour donner tous les jours des fêtes, pourvu qu’elles soient diversifiées ; que la vie est trop courte pour en user autrement ; que les procès, les intrigues, la guerre, les disputes des prêtres, qui consument la vie humaine, sont des choses absurdes et horribles, que l’homme n’est né que pour la joie », et que, parmi les choses nécessaires, il faut mettre au premier rang « le superflu ». […] En temps ordinaire, la bombance et la joie ne sont guère moindres.
Soit que ces oiseaux familiers eussent de la joie de revoir leur maître, soit qu’en s’élevant très haut dans les airs ils eussent aperçu, avant les serviteurs, les armes inusitées des nombreux soldats d’Antoine répandus dans les campagnes, et se glissant comme des assassins vers les jardins de Cicéron, ils s’agitaient comme par un instinct caché. […] Hérennius lui tranche la tête, et la porte lui-même à Antoine pour qu’aucun autre, en le devançant, ne lui dérobe la première joie du triumvir, le prix du crime auquel il a dévoué son épée.
Le xixe plus riche et plus humain, est celui auquel je reviens le plus souvent et d’où je rapporte le plus de joies. […] Pour mon sentiment personnel, la littérature française du xixe siècle me paraît triste et amère ; c’est le caractère de ce siècle en France, les Français ont cessé de sentir la joie, au contraire de la génération de la Révolution.
La mère était une femme folle de plaisirs, et la maison toute pleine de joie et de danses. […] Il finit en disant : « Le souvenir des morts, loin d’être douloureux, est pour moi une joie. » Je le ramène à lui, à Ruy-Blas.
Et les hommes, ceux que Loti a voulu peindre, les marins, se réjouissent : « A ce pardon, la joie était lourde et un peu sauvage, sous un ciel triste. Joie sans gaieté, qui était faite surtout d’insouciance et de défi ; de vigueur physique et d’alcool ; sur laquelle pesait, moins déguisée qu’ailleurs, l’universelle menace de mourir.
La foule houleuse et de belle humeur témoignait bruyamment sa satisfaction du temps et du spectacle ; elle s’enquérait du nom des célébrités et des délégations de villes et de pays qui défilaient pour son plaisir ; elle admirait les monumentales couronnes de fleurs portées sur des chars ; elle applaudissait les fifres des sociétés de tir, déchirant les oreilles de leurs airs discordants ; elle saluait de rires ironiques Déroulède et son sérieux en redingote verte ; et pour mettre le comble à sa joie, il ne manquait que le blason des Benni-bouffe-toujours du cortège, — le lapin sauté et leur arme, — la colossale seringue de carton. […] À la fin de l’année 1826, Victor réclamait au vicomte de La Rochefoucauld une augmentation de la part qui lui revenait sur ces fonds : depuis que ma pension a été accordée, écrivait-il, « quatre ans se sont écoulés et si ma pension est restée ce qu’elle était, j’ai eu du moins la joie (qui ne le réjouissait pas) de voir la bonté du roi augmenter les pensions de plusieurs hommes de lettres de mes amis et dont quelques-uns la dépassent de plus du double.
Quel cauchemar que ces œuvres lourdes, informes et cruelles, ces livres sans joie ni bonté, où l’homme disparaissait anéanti sous l’omnipotence de la nature ! […] On invente une intrigue que l’on complique à plaisir et qu’on dénoue ensuite pour la plus grande joie du lecteur.
Après les premiers instants de joie et les cris de délivrance, les craintes reprirent vite le dessus.
s’écrie-t-il, vous qui vîtes dans leur naissance les dérèglements des pécheurs qui m’écoutent et qui, depuis, en avez remarqué tous les progrès, vous savez que la honte de cette fille chrétienne n’a commencé que par de légères complaisances et de vains projets d’une honnête amitié : que les infidélités de cette personne engagée dans un lien honorable n’étaient d’abord que de petits empressements pour plaire, et une secrète joie d’y avoir réussi : vous savez qu’une vaine démangeaison de tout savoir et de décider sur tout, des lectures pernicieuses à la foi, pas assez redoutées, et une secrète envie de se distinguer du côté de l’esprit, ont conduit peu à peu cet incrédule au libertinage et à l’irréligion : vous savez que cet homme n’est dans le fond de la débauche et de l’endurcissement que pour avoir étouffé d’abord mille remords sur certaines actions douteuses, et s’être fait de fausses maximes pour se calmer : vous savez enfin que cette âme infidèle, après une conversion d’éclat, etc.
On ne m’en doit point blâmer si à cela ma nature étoit encline ; car en plusieurs lieux il est reçu que toute joie et tout honneur viennent et d’armes et d’amours.
Ce pressentiment avant-coureur, cette sensation involontaire d’une âme qui est au terme de la route et qui arrive, perce, à n’en pas douter, dans les dernières lettres de Fénelon, et elle se communique par mille petits signes de joie au lecteur.
Il entre à son tour, par les conseils qu’il donne, dans mille détails familiers, appropriés ; il indique les recettes, les palliatifs applicables aux âmes tristes ou ulcérées, surtout les jours de fête et quand tout respire la joie alentour.
J’en ai une joie, je ne m’en sens pas… Toutes mes plaies se sont rouvertes… Il le dit un peu en badinant, et sans se gêner, pour ajouter tout aussitôt à la gauloise : « Vous me faites mourir, vous autres prudes ; vous purifiez trop toutes choses, vous voulez que le bon vin soit sans lie. » Toute part faite à ce qui n’est qu’enjouement de propos et badinage épistolaire, Maucroix n’est donc ni un modèle de constance et de sentiment, ni un exemple de régularité ecclésiastique : n’allez pas en conclure qu’il fut un homme de scandale, ni encore moins un homme irréligieux.
Mais la joie de Léopold Robert, en quittant sa famille pour la patrie du soleil et des arts, fut mêlée de quelque amertume : il aimait profondément sa mère, ses frères, ses sœurs.
Quel spectacle, une fois que les tempêtes de l’automne se seraient emparées de ces lieux comme de leur domaine ; que l’izard léger et la triste corneille, seuls habitants de leurs déserts, en auraient fui les hauteurs ; qu’une neige fine et volage, entraînée de pentes en pentes, et volant de rochers en rochers, aurait englouti sous ses flots capricieux leur stérile étendue… Et avec un enthousiasme mêlé de joie il suit le tableau dans sa succession, jusqu’au retour du prochain printemps et jusqu’à la fonte des neiges.
Il traite brièvement des deux premiers points et réserve tous ses développements pour la troisième vérité qu’il dédie expressément à Henri IV ; et dans cette dédicace il exprime particulièrement sa joie comme Parisien « pour cette tant douce et gracieuse, et en toutes façons tant miraculeuse réduction de cette grande ville du monde à l’obéissance de son vrai et naturel roi, à son devoir et à son repos. » C’était l’heure de la Satyre Ménippée, cette œuvre parisienne aussi et si décisive pour le triomphe de la bonne cause.
À ce récit de Saint-Simon, on peut opposer quelques autres témoignages contemporains, notamment celui de La Monnoye, présent à cette mort, et qui écrit, dans une lettre du 13 août 1697 à un ami : Ma joie est moindre que mon deuil, J’ai gagné mon procès, mais j’ai perdu Santeuil.
Elles en avaient remis l’exécution au retour de Mme la Princesse et de vous ; mais elles s’avisèrent depuis de ne pas différer plus longtemps, et qu’il ne fallait pas remettre des supplices à une saison qui devait être toute destinée à la joie.
Rohan se décida avec une sorte de joie à y faire le simple soldat et à y donner le coup de main, lui qui, jusque-là, avait tant machiné de la tête.
Quand mes frères donnent le bon exemple aux autres, ce m’est la plus sensible joie du monde, et quand cela n’est pas, j’oublie en ce moment toute parenté pour faire mon devoir, qui est d’entretenir tout en ordre pendant ma vie.
Nous pouvons être malheureux, mais nous ne serons pas déshonorés. » Dans sa joie la margrave adressait à Voltaire un bulletin détaillé ; elle y joignait l’assurance que les bonnes intentions pour la paix étaient toujours les mêmes après comme avant : « J’écrirai au premier jour au cardinal (de Tencin) ; assurez-le, je vous prie, de toute mon estime, et dites-lui que je persiste toujours dans mon système de Lyon. » Elle prenait beaucoup sur elle en écrivant ces longues lettres ; sa santé était épuisée, une toux sèche la dévorait, et elle allait entrer dans les derniers, mois de ses mortelles souffrances.
Au contraire des nouvelles mariées qui se croient obligées de baisser les yeux, Mme de Sévigné osait montrer sa joie ; et cependant son mari partait deux jours après pour l’armée.
Et puis le repos, la joie, l’éternelle vision de tout bien, facie ad faciem !
Il s’y sentit bientôt si goûté, si à l’aise, si en plein dans son élément et dans sa veine d’observation, qu’il est venu jusqu’à nous des témoignages et comme des échos de ses joies.
En un mot, professeur autant qu’écrivain, non seulement il n’aspirait pas à sortir de l’Université, mais il avait besoin d’en être, de s’y rattacher jusque dans ses succès extérieurs, de se retremper au sein de l’Alma parens en Benjamin fidèle et reconnaissant ; il y puisait sa force et sa joie, et quand, par un malentendu fâcheux, il s’en vit tout à coup retranché un jour, une partie de sa sève lui manqua : il défaillit.
Si j’en compose encore aujourd’hui, ce n’est plus Que le cri du moment, qu’une note où je laisse S’échapper quelquefois ma joie et ma tristesse, Un morceau qui me plaît d’un auteur que je lis, Et que d’une autre langue en passant je traduis, Doux reflet dont mon âme un instant se colore… Nous devions cependant à cette nature élevée et modeste, qui n’a fait que passer dans le champ de la muse et qui s’en retire, un souvenir et un hommage.
Sans cela nous l’aurions retenu à Paris avec bien de la joie, quoi qu’il en eût coûté, et ma femme même a bien versé des larmes ce matin en le voyant partir.
Les jeunes poëtes m’ont occupé déjà toute cette semaine, et les fraîches impressions que je reçois de leurs œuvres me donnent comme une nouvelle vie. » — « On voyait », ajoute Eckermann, « que cet hommage de jeunes poëtes de France remplissait Gœthe de la joie la plus profonde. » Tout l’entretien à ce sujet, dans la soirée du 14 mars, est pour nous d’un extrême intérêt.
. — Tu seras en joie, et jamais ne te lasseras, — et en déduit, ni douleur ne sauras. — Je te le dis à toi, et je veux qu’Ève l’entende ; — si elle ne l’écoute, elle s’afoloie (elle fait folie). — De toute terre avez la seigneurie, — d’oiseaux, de bêtes et de toute la maisnie. — Peu vous souciez de qui vous porte envie, — car tout le monde vous sera enclin et soumis. — En votre corps (votre personne) je mets le bien et le mal ; — qui a tel don n’est pas lié à un pal (à un pieu, — c’est-à-dire est libre), etc., etc… » On le voit, Dieu parle d’une manière bien enfantine : nous voilà tombés dans la rue et dans le populaire ; adieu la belle liturgie !
Mais bientôt, quand Dieu a pris en pitié et en gré les époux et qu’on apprend qu’Anne est enceinte, ces mêmes bergers expriment leur joie et se promettent de grandes réjouissances : Melchi, l’un des bergers.
Les Barbares exultent de joie, et Carthage, quand elle aura épuisé l’eau de ses citernes, va mourir de soif.
Il vient de parler des diverses hymnes et proses célèbres de la liturgie, le Dies iræ, le Vexilla, le Stabal, et il en a défini l’impression profonde avec largeur et vérité : « Je sais que beaucoup, dit-il, qui n’ont peut-être jamais mis le pied dans une église pour prier, qui n’ont jamais ressenti dans leur cœur la pieuse ferveur de la foi, riront de mon enthousiasme et de mon admiration ; mais je dois leur dire que depuis sept ans j’ai manqué peu de représentations au Théâtre-Italien, que j’ai suivi assidûment les concerts du Conservatoire, que Beethoven m’a donné la fièvre de plaisir, que Rossini m’a remué jusqu’au fond de l’âme, que Mme Malibran et Mlle Sontag ont été pour moi de bienfaisantes divinités ; que pendant près de deux ans je n’ai eu d’autre religion, d’autre espérance, d’autre bonheur, d’autre joie que la musique ; que, par conséquent, ils ne peuvent me regarder comme un trappiste qui ne connaît que ténèbres et matines ; mais il faut qu’ils sachent aussi que celui qui leur parle, et qui aujourd’hui est bien loin de la foi chrétienne, a été pendant cinq ans catholique fervent, qu’il s’est nourri de l’Évangile, de l’Imitation ; qu’élevé dans un séminaire, il y a entendu des chœurs de deux cents jeunes gens faire résonner sous une voûte retentissantel’In exitu.
Quand on ouvre les Évangiles pour les lire sans parti pris, et en ayant passé l’éponge en soi sur toute doctrine préconçue, il en sort, au milieu de mainte obscurité, de mainte contradiction qu’on y rencontre, un souffle, une émanation de vérité morale toute nouvelle ; c’est le langage naïf et sublime de la pitié, de la miséricorde, de la mansuétude, de la justice vivifiée par l’esprit ; l’esprit en tout au-dessus de la lettre ; le cœur et la foi donnant à tout le sens et la vie ; la source du cœur jaillissante et renouvelée ; les prémices, les promesses d’une joie sans fin ; une immense consolation assurée par-delà les misères du présent, et, dès ici-bas, de la douceur jusque dans les larmes.
Les Grecs s’abordaient au nom de la joie et de la grâce ; les Romains, au nom de la santé.
« Il m’avait reçu d’abord avec de grandes démonstrations de joie ; mais, lorsque je fus près de le quitter, son visage vénérable se couvrit de larmes ; il me retint par mon habit, et prenant ce ton de dignité qui sied si bien à la vieillesse, s’apercevant, malgré sa cécité, de ma grande émotion, il me dit : « Attendez » ; puis il se mit à genoux, pria Dieu, et, m’imposant ses mains sur la tète, il me donna sa bénédiction. » Ce vieux soldat, Jacques Des Sauts, comme on l’appelait (probablement parce qu’il habitait près de la chute de l’Oyapock), est-il réellement l’original qui a suggéré l’idée de Chactas, également aveugle, également contemporain du siècle de Louis xiv, et qui se souvenait toujours de Fénelon, « dont il avait été l’hôte ?
et ils se lèveront, et, le regard fixé sur cette divine splendeur, dans le repentir et dans l’étonnement, ils adoreront, pleins de joie, Celui qui répare tout désordre, révèle toute vérité, éclaire toute intelligence : « oriens ex alto. » Il peut paraître piquant, il est surtout triste d’embrasser dans un même tableau la suite de ces prophéties diverses et toujours aussi certaines.
leur ruine (si ruine il y a) n’est-elle pas la nôtre, comme leur triomphe tant de fois prédit eût fait notre orgueil et notre joie ?
Une littérature, enfin, psychologique et morale, claire, précise, régulière, intéressante, appuyée sur le réel et délassant du réel, joie des esprits légers et nourriture des intelligences actives, voilà ce que réclame le goût français ; et voilà pourquoi il y aura longtemps encore quelque chose de Boileau, et quelque chose d’essentiel, dans toutes les œuvres qui réussiront chez nous.
Rousseau fait place à la nature pour elle-même : là il montre en face de l’homme, autour de l’homme, douce ou triste à ses sens ; il en fait le cadre et l’accompagnement des souffrances et des joies humaines, qui y ressortiront plus puissantes.
Des raisons d’ordre intellectuel ont éloigné Renan de l’Église : mais il est parti sans colère, sans rancune, le cœur tout pénétré au contraire et parfumé pour la vie de la vertu fortifiante, consolante, ennoblissante du catholicisme, reconnaissant de tout ce qu’il lui avait dû de pures joies et de bonnes directions, tant que son progrès intellectuel n’en avait pas détruit l’efficacité !
On les apprend avec une secrète joie, on a plaisir à les savoir ; mais il n’en passe rien de la tête au cœur, et elles n’ont aucun effet appréciable sur la vie morale.
Ce regret ne se remarque pas chez les premiers sceptiques (les philosophes du XVIIIe siècle par exemple), lesquels détruisaient avec une joie merveilleuse et sans éprouver le besoin d’aucune croyance, préoccupés qu’ils étaient de leur œuvre de destruction et du vif sentiment de l’exertion de leur force.
Deux siècles auparavant, quand Brunetto Latini osait dire que « toutes les choses étaient faites pour l’homme et que l’homme était fait pour lui-même », un prudent contemporain se hâtait d’ajouter « et pour aimer et servir Dieu et avoir la joie perdurable ».
Celui-ci, d’un air doux et sans effort, répond oui à tout, et fait si bien qu’en un instant son brusque adversaire passe du courroux à la joie, presque à la tendresse.
Les événements politiques qui remplissaient alors la France de joie et d’enthousiasme avaient jeté beaucoup de sombre sur la petite société d’Auteuil, qui représentait les hommes de la veille, les républicains probes et mécontents.
Au sein de la joie et des plaisirs, il avait rimé et chansonné mille folies aimables, chères à ses sociétés, mais aussi légères que l’occasion qui les faisait naître, et dont toute la grâce est dès longtemps évaporée.
» On reconnaît à cette exclamation la romancière jusque dans la joie du gouverneur.
Placé sur le devant du navire, il lui tend les bras, et mille cris de joie ont répondu à ce signe de tendresse.
La paix, comme qu’elle fût donnée (c’est une locution genevoise, mais la pensée est bonne), comblerait de joie la nation.
Un jeune homme de dix-neuf ans, qui, passant par Florence, y aurait rencontré l’harmonieux poète, et aurait brûlé de l’interroger sur la réalité de ces tendres sentiments, si voilés de mysticité et de mélodie, peut nous donner quelque idée de ce qu’était Patru dans son pèlerinage auprès de d’Urfé : Lorsqu’en mon voyage d’Italie, raconte-t-il, je passai par le Piémont, je vis l’illustre d’Urfé, et je le vis avec tant de joie qu’encore aujourd’hui je ne puis penser sans plaisir à des heures si heureuses.
Elle en est au soulagement et à la joie quand l’avis de M. d’Ormesson passe, lequel concluait au bannissement perpétuel.
(s’écrie Beaumarchais dans l’un de ses Mémoires), vous l’aviez promis, solennellement promis à M. le Dauphin, à Mme la Dauphine, père et mère du roi (de Louis XVI), aux quatre princesses, tantes du roi, devant toute la France, à l’École militaire, la première fois que la famille royale y vint voir exercer la jeune noblesse, y vint accepter une collation somptueuse, et faire pleurer de joie, à quatre-vingts ans, le plus respectable vieillard.
Sauvo dans un judicieux feuilleton du Moniteur (4 janvier), de voir cette attention soutenue, ce passage continuel des mêmes yeux sur deux imprimés différents, ces coups de crayon donnés à tous deux successivement, et surtout ces cris de joie, ces applaudissements immodérés qui se faisaient entendre lorsque certaines situations, certains passages ou même quelques vers paraissaient établir des ressemblances entre l’ancien et le nouvel ouvrage.
La nature, je le sais, fait des exceptions encore : nous avons eu Désaugiers ; sans trop chercher, nous trouverions après lui d’aimables gens qui mènent légèrement la vie et portent avec eux la joie.
(Conférence donnée à la Maison des Étudiants) Messieurs les Étudiants, C’est avec plaisir que je viens au milieu de vous, avec joie que je vous entretiendrai d’un sujet qui me tient fort à cœur : le vers libre.
Le romanesque est un être très aimable qui nous donne bien des satisfactions : celle d’abord de l’aimer ; celle ensuite de l’admirer un peu comme un noble exemplaire en somme de l’humanité ; celle ensuite de ne pas le craindre, encore qu’il ne fallût pas, à cet égard, avoir une pleine confiance ; celle enfin de lui donner ces fameux conseils de bon sens, de prudence, de sagesse pratique, qu’à donner nous nous épanouissons, nous nous élargissons, nous nous enorgueillissons et qui comblent de plaisir, de pleine satisfaction, de joie intime et profonde, du sentiment de la supériorité indulgente et bienfaisante, ceux de qui ils partent.
Il s’ensuit que ces lecteurs à la suite n’ont pas d’élan, d’ardeur, de ferveur, ni de vraie joie.
L’homme réfléchi le trouve misérable, et, comme il n’y en a pas d’autre, il juge que la joie n’est pas.
On releva Descartes, et le public apprit avec joie que toutes les grandes vérités philosophiques avaient été prouvées pour la première fois par un compatriote. — Mais Descartes était mort depuis deux siècles, et deux siècles sont beaucoup ; on aurait voulu quelque chose de plus moderne, de plus approprié aux sciences nouvelles, de plus frappant, de plus grandiose, de plus attrayant.
La matière et la pensée, la planète et l’homme, les entassements de soleils et les palpitations d’un insecte, la vie et la mort, la douleur et la joie, il n’est rien qui ne l’exprime, et il n’est rien qui l’exprime tout entière.
quelle joie ne ressent-on pas, dit le mathématicien, si l’on a le bonheur de réussir ? […] Je voyois le poëte, qui m’écoutoit avec la plus grande attention, pétiller de joie, tant il étoit pénétré de ce récit. […] La marquise nageoit dans la joie de voir des ridicules qui justifioient les siens. […] Messieurs, quelle joie ! […] Elles pleurerent de joie, & finirent par boire avec nous à la santé de tous ceux qui connoissent la belle humeur, & qui savent en user.
… s’y peut-on fier, sources de joie, Quand ils ont l’air d’un peu promettre de l’amour, Ou ne sont-ils qu’un clair mirage où l’on se noie ? […] Le mépris gouailleur de ces inconnus lui souligne son effondrement ; ceux-ci descendent à une station et le couple reste seul, méditant des paroles banales qui sont pourtant l’opinion du monde : Et, seuls dans ce train qui les emporte vers le brumeux inconnu de la vie qu’ils ont voulue, ils sentent autour d’eux, dans leur air, comme des miasmes qui les menacent, le mensonge éternel, la peur d’eux-mêmes, les souvenirs que nul oubli ne chassera jamais et qui empoisonneront toutes leurs joies. […] Anatole France, un regret aussi d’avoir à le fermer ; mais le temps me presse et comme à Ahasvérus, il m’est interdit de revenir sur mes pas, de récidiver une joie (qu’on me passe le solécisme !) […] Ce ne fut ni la joie indécente que laissèrent éclater nombre de royalistes, ni la sourde colère qui mordit le cœur de quelques patriotes, ce fut une grande détente de l’esprit et des nerfs. […] Voilà pourquoi en voyant ondoyer les femmes, les chars funèbres, les armées, les fêtes et les deuils, son regard semblait voir autre chose et dire : « Pourquoi pleurent-ils et pourquoi poussent-ils des cris de joie ?
Cette civilisation lacustre respire l’abondance, la sécurité, la joie. […] Le langage a dû être d’abord purement musical, sans aucun accord avec la réalité, mais ponctué de signes de joie, de peur, d’appel. […] Mais les joies conjugales ne firent que l’exciter davantage : des troubles mentaux éclatèrent, et si aigus qu’il fallut l’interner. […] D’autres, moins imprudents, affirmaient en langage obscur : Le génie est une névrose ; l’hypocondrie de Rousseau et l’épilepsie de Flaubert les comblaient de joie. […] Apprends aussi, quand tu cèdes à l’amour, à bien utiliser ces minutes divines pour la plus grande joie possible de ta sensibilité.
Elle s’échauffait aux cris des soldats et des chefs, au cliquetis des épées, à la vue du sang, à l’héroïsme stoïque des blessés, à l’insultante joie des vainqueurs. […] Ils ne sont pas endormis, ces gros bourgeois qui aiment la joie ; je les voyais, actifs dans leur prospérité, braves sur terre, héroïques sur mer, conquérir leur pays sur les flots, leur liberté politique sur Philippe II, et faire respecter à tous les peuples le pavillon de leurs vaisseaux marchands407. […] Ils étaient dépositaires des joies et des chagrins des femmes, de leurs désirs, de leurs jalousies, de leurs haines et de leurs amours ; ils les faisaient rompre avec leurs galants, les brouillaient, les réconciliaient avec leurs maris, et profitaient des interrègnes436.
Menus tableaux de vivante fraîcheur et de grâce, qui nous entretiennent des réalités immédiates, nous rattachent aux joies terrestres, mais jamais ne sauraient exalter notre âme jusqu’à la notion d’infini ! […] Complexe chair offerte à la virilité, Femme, amphore profonde et douce où dort la joie, Toi que l’amour renverse et meurtrit, blanche proie, Œuf douloureux où gît notre pérennité, Femme qui perds la vie au soir où ta jeunesse Trépasse, et qui survis, pour des jours superflus, Te débattant, passé qu’on ne regarde plus, Dans le noir du Destin où ton être se blesse, Humanité sans force, endurante moitié Du monde, ô camarade éternelle, ô moi-même, Femme, Femme, qui donc te dira que je t’aime D’un cœur si gros d’amour, et si lourd de pitié ! […] Je ne vois rien de plus inquiétant que le désenchantement de la maturité sur de jeunes visages, et ces traits déjà flétris par les rides, quand les joies de la vie les devraient seules illuminer. […] En ce sens, le beau mythe de Parsifal n’est que la plus glorieuse illustration contemporaine d’une vérité qui persiste à travers les âges, dont nous sentons l’immortelle portée dès la première défaillance du héros, quand les bras souples de l’Enchanteresse inclinent cette tête juvénile sur son sein parfumé… Ce sont ensuite les joies de former une âme, de la plier à son idéal, de croire du moins qu’on atteindra à la convaincre : décevant espoir, car on ne transforme pas l’essence d’un être… on ne saurait qu’y ajouter, et la visite à Port-Royal, le plus beau morceau du livre à mon avis, n’est qu’un délicieux tableau psychique, où deux âmes se confrontent entre elles, sans aucune chance de se pénétrer.
Ils étaient arrivés avec la joie dans le présent et la confiance dans l’avenir, et tout leur montrait le spectacle le plus hideux de la plus sordide corruption. […] Le nom me fait horreur par sa terminaison pédantesque ; je crains les écoles comme le choléra, et ma plus grande joie est de rencontrer des individualités nettement tranchées. […] C’est contrariant, j’en conviens, pour les gens qui tiennent à se regarder comme des phénix, mais pour nous autres simples mortels qui prenons notre parti de vivre parmi des hommes et non parmi des anges, cette constatation nous met dans des joies désopilantes. […] Au lieu de se croire obligé de ne poursuivre que le Beau, toujours si relatif et si discutable, qu’il se contente comme le soleil d’illuminer la Vie dans ses manifestations si diverses ; qu’il prodigue à tous ses joies réconfortantes ; qu’il aille suspendre partout ses guirlandes, et bientôt sans doute, au mieux-être matériel que lui aura valu le Travail, l’humanité pourra ajouter, grâce à l’Art, l’éclat toujours plus vif de la noblesse, de l’indépendance et de l’aménité du cœur.
La presse libérale et la presse révolutionnaire tremblaient devant lui et il n’en éprouvait presque pas de joie. […] Il saute de joie, il râle de bonheur en nous montrant cette pauvre jambe contrefaite comme s’il voulait la manger. […] Il ne s’agit plus de poésie, ni de chants, ni de joie, ni de prière, ni d’étoile d’aucuns sorte. […] Sarcey, Coquelin Cadet a le geste montant et descendant d’une guillotine de joie qui ne trancherait que le sinistre têtard de l’ennui moderne, systole et diastole du grotesque le plus désopilant. […] C’était une manière de plaidoyer pour les pauvres diablesses de filles qui se fatiguent de la joie et qui voudraient enfin se reprendre à l’odieuse crapule du métier.
Comme la jeunesse de son temps, et en réaction contre le milieu traditionnel où il s’est cru étouffé, il pousse des cris de joie : « Je ne vois qu’une bataille engagée pour la sainte cause, et je me souviens, mes amis, que je m’étais promis de n’y point manquer, sans prévoir alors qu’elle dût se livrer si tôt. […] Et la composition de tous les tableaux de Rubens vise et atteint une évidence qui fait la joie du critique, surtout si ce critique est lui-même un idéologue et un orateur comme Taine. […] Dominique n’a pas d’enfance au sens tout puéril du mot, mais il est dès ses plus jeunes ans désigné pour la vie intérieure, c’est-à-dire pour quelques joies très pures et beaucoup de souffrances très dures. […] Rien de plus éloigné de sa nature que la nature française et oratoire du professeur-écrivain, à la Brunetière ou à la Lemaître, et la fureur comique de Brunetière contre ce Genevois, qui se permet de n’être pas comme lui, comble de joie les amateurs de diversité humaine. […] Cette vie qu’il n’avait pas choisie, il l’a portée comme un fardeau, il l’a regardée, en face et du regard le plus désabusé, comme une passivité, une paresse, un non-être, et bien inférieure à l’autre vie, « à la joie de l’énergie, à la douceur de l’amour, à la beauté de l’enthousiasme, à la saveur sacrée du devoir accompli ».
N’est-ce pas une des causes puissantes de ce même intérêt que les changements du sort, que les péripéties heureuses ou malheureuses, qui produisent la joie, la crainte, ou la pitié ? […] Vous tremblez, vous frémissez, vous soupirez, vous tressaillez d’espoir et de joie avec lui : ses impressions profondes sont celles de tous les esprits, de tous les cœurs, dès l’enfance remplis des menaces et des promesses de la justice divine.
Il y a des risques à cela, mais aussi des joies, des entraînements pleins de charme, des aventures gaiement courues et des succès, aussi, délicieusement rencontrés. […] Je la cite presque tout entière : C’était une charmante nuit de mai : de légères nuées argentées flottaient, comme entraînées par la joie et l’ardeur de la fête du printemps. […] Cela donne confiance et douce joie ; cela est éminemment consolateur. […] C’a été pour moi une grande joie de revoir cette belle route qu’elle aimait tant et où chaque pas, à la lettre, me rappelait un souvenir d’elle. […] Quand il s’espaçait de tout son cœur sur les scènes révolutionnaires, on disait : « Est-il heureux, et quelle joie mauvaise, quelle joie de sectaire il éprouve à nous montrer toutes ces horreurs !
L’un me fait peur, l’autre joie et liesse. La joie avoir fais moi, haute déesse A qui pécheurs doivent tous recourir, Comblés de foi, sans feinte ni paresse. […] Si leur client doit perdre sa cause, il faut du moins que l’adversaire, en gagnant la sienne, n’en ressente pas une joie sans mélange. […] D’autres ont mieux chanté l’amour, comme Lamartine ; ou la passion, comme Musset ; ou la nature et la joie de vivre. […] Mais cela veut dire, au contraire, qu’indépendamment du genre ou de l’espèce d’émotion qu’il éveille en nous, qu’indépendamment de nous et de ce que nous y pouvons apporter de nous-mêmes, un paysage est en soi de la « tristesse » ou de la « gaieté », de la « joie » ou de la « souffrance », de la « colère » ou de « l’apaisement ».
La vie est courte, ennuyeuse ; elle se passe toute à désirer, et l’on remet à l’avenir son repos, ses joies, à cet âge où souvent les meilleurs biens ont déjà disparu, la santé et la jeunesse. […] Il y tombait facilement ; sa joie, un peu physique, était celle d’un commis voyageur. […] Que de joies a goûtées cet homme ! […] Mais lorsqu’il eut atteint vingt-neuf ans et traversé les joies ordinaires du monde, ses grandes pensées fermentèrent, et touché de compassion pour les créatures, il songea à les sauver. […] Ils persistent à voir dans le Nirvâna la béatitude, une sorte de joie sensible ; on ne les contredit pas expressément ; pour devenir populaire, toute doctrine est forcée de s’accommoder au peuple.
« Lorsque la reine sa mère, dit Joinville, apprit que la parole lui était revenue, elle en fit si grande joie, qu’elle ne pouvait faire plus.
Et puisque j’en suis à rappeler ces souvenirs fortifiants et ces antidotes en regard d’un exemple de dégradation qui afflige, qu’il me soit permis de joindre ici la traduction de la fameuse Hymne d’Aristote à la Vertu, où circule encore et se resserre en un jet vigoureux toute la sève des temps antiques : Vertu qui coûtes tant de sueurs à la race mortelle, ô la plus belle proie de la vie, c’est pour toi, pour ta beauté, ô Vierge, qu’il est enviable en Grèce, même de mourir, et d’endurer des travaux violents d’un cœur indomptable ; tant et si bien tu sais jeter dans l’âme une semence immortelle, supérieure à l’or et aux joies de la famille, et au sommeil qui console la paupière !
Celui-ci a certes de la joie, de la vivacité, des saillies à plaisir, et, en fait de philosophie, point de parti pris ; il est resté pour nous, dans certains morceaux, plus agréable que Saint-Lambert.
les chapeaux en l’air au bout des baïonnettes ; les compliments du maître à ses guerriers ; la visite des retranchements, des villages et des redoutes si intactes ; la joie, la gloire, la tendresse.
Mais il dut bientôt à la protection du duc de Choiseul de vivre plus rassuré, et alors il se livra avec une incroyable ardeur au plaisir de bâtir, de planter, de peupler ses environs, d’y établir des industries et des fabriques de montres, d’y introduire la joie, la santé et l’aisance.
Il avait naturellement la joie de l’esprit et celle de l’humeur ; il fallait qu’il eût bien fort la gravelle pour être triste, tout comme Horace qui est heureux partout, à moins que la pituite ne s’en mêle : Nisi cum pituita molesta est.
S’il fait de temps en temps et par exception acte de maître, il sait pourtant trop bien au fond qu’il ne l’est plus : aussi se montre-t-il des plus sensibles à la déférence qu’on a à l’étranger pour ses désirs ; et le roi de Portugal ayant paru céder, dans une négociation de famille où il s’était montré jusqu’alors inébranlable, aux instances particulières de Charles-Quint, celui-ci en éprouva une joie telle qu’il n’en avait pas eu une semblable au temps de sa puissance pour ses succès les plus éclatants.
La fécondité s’ensuit avec une certaine joie, compagne de la production.
L’amour-propre, s’il est fin, change de ton et de voix ; il a des gémissements et des soupirs ; il se fait inquiet sur le sort de ses frères, sur le danger que courent des âmes fidèles et simples ; il faut, à tout prix, préserver les faibles : et l’amour-propre agit et s’en donne alors en toute sûreté de conscience et, comme on dit, à cœur joie : il accuse l’adversaire, il le dénonce, il le conspue, il le qualifie dans les termes les plus outrageux, les plus humiliants ; et comme il ne veut point cependant paraître, même à ses propres yeux, de l’amour-propre, il se retourne, quand il a fini, et se fait humble aussitôt ; il demande pardon à son semblable d’en avoir agi de la sorte : il n’a voulu que le toucher, le convertir ; on assure même qu’il est de force à lui proposer en secret (après l’avoir insulté en public) de lui donner le baiser de paix et de l’embrasser.
Celui qui avait aimé à la folie les travestissements n’avait pas de plus grande joie à cette heure que de cultiver la nature.
Le temps est court, l’agonie s’accroît, l’espérance diminue, et avec tout cela je vis, parce que je veux vivre assez de temps pour baiser les pieds de Votre Excellence, et peut-être que la joie de la revoir en bonne santé, de retour en Espagne, me rendrait la vie.
Cette sainte et dévote princesse, je l’ai dit, a son franc-parler à elle et exprime son libre avis sur toute chose et sur chacun ; elle n’a pas le sens commun ou moderne, le sens politique : elle pense comme une enragée d’émigrée, mais elle est soumise comme une sœur, son abandon à la Providence fait sa joie.
Quel jour pour l’Europe, et non pas « quelle joie !
On y voit toutes les passions en jeu et les cupidités qui ressortent des privations mêmes ; chacun fait de la poésie avec les images qui hantent sa pensée : toutes ces jouissances inconnues des Touâreg, y compris celle de l’eau qu’eux-mêmes n’obtiennent qu’à de rares intervalles, ils les enlèveront avec joie et rage à leur ennemi.
Certes, plus l’homme comprend ces lois merveilleuses de l’univers, et plus aussi il se rend digne de la condition humaine la plus élevée, telle que l’ont faite les sciences et le sublime effort de quelques-uns ; plus l’homme approche d’un Pythagore ou d’un Archimède, d’un Newton ou d’un La Place, et plus il doit ressentir une joie plénière devant des lois de plus en plus approfondies ou conjecturées ; mais, même à des degrés infiniment moindres, il lui est loisible encore de participer à ces nobles « délices des êtres pensants ».
Tout cela est trop tiré, trop prolongé : depuis cinq ans on a eu le temps de se calmer et de cuver sa joie.
Il y avait succédé, au mois d’août 1737, au cardinal de Bissy, à la grande joie du couvent et de la congrégation, nous assure le Gallia Christiana (ingenti Conventus et Congregationis gaudio).
On assiste à tous les détails de l’enfance et des fiançailles de la jeune Élisabeth, à ses ruses innocentes parmi ses compagnes pour se mortifier à leur insu et prier, à ses premières joies si courtes et qu’on sent qui vont s’évanouir : « Ainsi Dieu, dit l’auteur, donne à sa créature cette rosée matinale, pour qu’elle sache résister ensuite au poids et à la chaleur du jour. » — « Élisabeth, » raconte-t-il plus tard en un endroit, « aimait à porter elle-même aux pauvres, à la dérobée, non-seulement l’argent, mais encore les vivres et les autres objets qu’elle leur destinait.
les grands hommes ne devraient jamais avoir de postérité : les Césars engendrent communément des Laridons, et les Racine père des Racine le fils… » Je ne m’amuserai pas à réfuter ce que le spirituel auteur a lancé là en passant comme une de ces espiègleries bien irrévérentes qui font sa joie ; je le renverrai seulement à la très-belle page des Soirées de Saint-Pétersbourg (3e Entretien), dans laquelle Joseph De Maistre, qui ne passe pas pour être esclave du lieu commun, rend à Racine fils un hommage aussi touchant que celui que Montesquieu payait à Rollin.
remy a depuis éprouvé moins de joie que de regret chaque fois qu’un zèle curieux est venu ajouter au premier recueil du poëte quelques pièces nouvelles : on a pu craindre, dit-il, d’en voir le nombre s’accroître indéfiniment ; il trouvait qu’il y en avait bien assez sans cela.
Pourtant, dans celui d’Eugénie, au moment de la dispersion des communautés par la Révolution, il y a des scènes éloquentes ; et cette prieure décharnée, qui profite avec joie de la retraite d’Eugénie pour gouverner la maison, ne fût-ce qu’un jour, est une figure d’une observation profonde.
La Restauration lui causa une grande joie, mais elle la concevait à sa manière, et elle dut en souffrir bientôt et violemment, comme d’un objet qui échappe et qu’on aime.
XVII Pison accepte sans joie, mais sans faiblesse, non comme on accepte une ambition, mais comme on accepte un devoir.
Pendant que Perrault se donnait ainsi carrière, Boileau grognait en a parte, lâchant de temps à autre une épigramme lourdement indignée, dont son adversaire souriait, ou cette fâcheuse ode sur la prise de Namur, qui pouvait faire douter s’il entendait rien à Pindare, et qui donna aux modernes la joie de le battre avec ses propres armes, ou bien ce Discours indigné sur l’ode, qui n’est qu’une diatribe personnelle contre la « bizarrerie » d’un homme insensible aux beautés dont tout le monde convient.
Ce qu’il y a de meilleur en lui, c’est sa capacité des joies de la famille, son affection de père ou grand-père.
Un prêtre dans la chaire expose le dogme ; quand il a fini, un petit vicaire, assis en face, au banc d’oeuvre, se lève : il représente l’Erreur. « Je rends hommage, dit le prestolet, à l’éloquence de l’éminent prédicateur ; mais, nous autres protestants, nous sommes entêtés. » Et il fait alors des objections ridicules, aggravées de facéties qui mettent en joie les dévotes.
Voici la première : « En cette parfaite association, sans joie… une seule note humaine et naturelle, l’enfant ; et cette note troubla l’harmonie. » Et voici l’autre : « … L’évolution toute naturelle de la douleur débordante à ce complet apaisement s’accentuait ici de l’appareil du veuvage inconsolable, etc…).
Mais du moins le nouveau livre du poète des Rougon-Macquart m’a donné la joie d’assister au développement prévu de ce génie robuste et triste, de retrouver sa vision particulière, ses habitudes d’esprit et de plume, ses manies et ses procédés, d’autant plus faciles à saisir cette fois que le sujet où ils s’appliquent appelait peut-être une autre manière et se présentait plutôt comme un sujet d’étude psychologique (je risque le mot, quoiqu’il soit de ceux que M.
Comme elles sont échappées à l’auteur à l’occasion de ce qui arrivait à ses héros et à ses héroïnes, elles ont souvent la vertu de rappeler quelque joie ou quelque douleur de la vie ; et il y en a qui résument si bien une situation dramatique, que malgré soi on se laisse aller à rêver sur la scène de roman qui a dû les inspirer : l’imagination ne s’arrête pas longtemps à ce jeu qui serait bientôt un travail, mais cette excitation n’en a pas moins du charme.
Il demandait un agrément vif et doux, une certaine joie intérieure, perpétuelle, donnant au mouvement et à la forme l’aisance et la souplesse, à l’expression la clarté, la lumière et la transparence.
tu as le don de la parole, tu as de la jeunesse, tu sais conter un récit héroïque : raconte de nouveau ce livre royal, et cherche par là la gloire auprès des grands. » Cet ami lui abrégea les recherches, lui procura un certain recueil déjà fait, et le poète, voyant la matière en sa puissance, sentit sa tristesse se convertir en joie.
Je fais tous les jours la résolution d’être bonne, je ne sais si j’y fais des progrès… » Rapprochez de cela, en contraste, un de ces mots terribles comme elle en dit, à la manière de La Rochefoucauld : « Il n’y a pas une seule personne à qui on puisse confier ses peines sans lui donner une maligne joie, et sans s’avilir à ses yeux. » Eh bien !
Le soleil se levait plus beau ; il remettait la fleur à sa boutonnière, sortait par la porte de derrière de son enclos, et retrouvait joie, liberté, insouciance, coquetterie, désir de conquête, certitude de vaincre, de une heure jusqu’à six heures du soir.
Enfin, ce sentiment de la réalité se retrouve chez lui jusque dans ce soin avec lequel, au milieu de toutes ses circonstances et ses aventures heureuses ou malheureuses, et même les plus romanesques, il n’oublie jamais la mention du repas et les détails d’une chère saine, frugale, et faite pour donner de la joie au cœur comme à l’esprit.
Il a reconnu les vices et les défauts des hommes, mais il les a reconnus avec douleur, sans cette joie maligne qui ressemble à une satisfaction et à une absolution qu’on se donne en secret, de même qu’il a maintenu les grandes lignes, les parties saines et fortes de la nature, sans cet air de jactance par lequel on semble s’exalter en soi et s’applaudir.
Et il l’engage à venir passer quelques mois avec lui dès qu’il le pourra : « Nous philosopherons ensemble sur le néant de la vie, sur la philosophie des hommes, sur la vanité du stoïcisme et de tout notre être. » Et il ajoute avec ce mélange de roi-guerrier et de philosophe, qui semblerait contradictoire s’il n’était ici touchant, « qu’il ressentira autant de joie de le tranquilliser que s’il avait gagné une bataille ».
Les mésaventures et les déchirures qui lui survenaient parfois en chemin (et il en eut beaucoup dans sa vie) faisaient la joie et le régal des médisants, surtout de ses confrères les gens de lettres moins bien traités.
Ce fut un moment de grande confusion et de désordre, mais aussi de sociabilité ; la joie d’être ensemble, le bonheur de se retrouver et de se prodiguer les uns aux autres, dominait tout.
Nommé lieutenant d’artillerie en juin 1793, il alla en garnison à Thionville ; il écrivait de là à sa mère (10 septembre 1793) pour lui demander des livres, Bélidor sur le génie et l’artillerie, et surtout deux tomes de Démosthène et il ajoutait : Mes livres font ma joie, et presque ma seule société.
Pour la serrer dans mes bras, la créole aux yeux bleus, aux cheveux blonds, j’aurais donné ma vie avec joie, je l’aurai donnée, comme la donne Chérubin, sans hésitation, sans regret, ainsi qu’une chose payée outre mesure.
Banville dit : « Le vers de douze syllabes, ou vers alexandrin, qui correspond à l’hexamètre des Latins, a été inventé au xiie siècle par un poète normand, Alexandre de Bernay ; c’est celui de tous nos mètres qui a été le plus long à se perfectionner, et c’est de nos jours seulement qu’il a atteint toute l’ampleur, toute la souplesse, toute la variété et tout l’éclat dont il est susceptible. » C’est un des fondateurs du Parnasse, qui nous explique qu’il admet l’alexandrin, mais non le classique, l’alexandrin modifié (il le rencontre d’avance, avec joie dans les Plaideurs, c’est vrai, mais utilisé pour la farce) par le romantisme.
Seul, peut-être, l’auteur de l’Histoire de la Comédie pourrait nous dire à quel degré ont fléchi ses facultés premières, dont je retrouve avec tant de joie la trace étincelante dans son livre, et quel parti il pourrait en tirer encore si jamais il était las de son métier de casseur de mots, plus dur, selon moi, que celui de casseur de pierres.
Embarrassé par les témoignages positifs de l’Évangile sur les guérisons de Notre-Seigneur, il dit que tout l’Orient d’alors guérissait par l’emploi des pratiques religieuses, et que ce fut la joie de revoir son ami (à travers les pierres de son sépulcre probablement) qui ressuscita Lazare, quoiqu’il sentît mauvais déjà (mais c’était le chagrin peut être de ne plus voir son ami qui le faisait sentir mauvais ?).
« Le monde ne nous rend rien pour une seule des joies qu’il nous ôte », a dit lord Byron avec son inexprimable mélancolie.
Le Père de Gironde, sous-lieutenant de réserve au 81e d’infanterie, tué le 7 décembre 1914 dans la bataille d’Ypres, s’écrie : « Mourir jeune, mourir prêtre, en soldat, dans une attaque, en marchant à l’assaut, en plein ministère sacerdotal, en donnant peut-être une absolution ; verser mon sang pour l’Église, pour la France, pour mes amis, pour tous ceux qui portent au cœur le même idéal que moi, et pour les autres aussi afin qu’ils connaissent la joie de croire… Ah !
Il y a des hommes et des femmes, en grand nombre, qui trouvent que le bonheur n’a pas de patrie nécessaire, que la joie et le souci d’une fortune à faire ou à augmenter, d’une famille à élever, d’une âme à ennoblir, d’une place à tenir dans l’amitié de quelques-uns et dans l’estime de tous, suffisent amplement à remplir les heures et à les rendre brèves.
dit-il au vieillard, plus de festin, plus de joie ; je viens de rencontrer un de nos frères égorgé dans la rue… »« et moi aussi, dit l’orateur, j’ai vu le plus affreux des spectacles : j’ai vu dans Paris, au milieu de la pompe et de l’appareil des fêtes, j’ai vu : un corps sanglant et percé de coups.
Demander à la vie tout ce qu’elle peut livrer de jouissances, et quand on a exprimé tout le jus de l’orange, jeter l’écorce, voilà toute la morale : heureux celui qui pourra se faire une mort entourée, comme sa vie, de joies et de voluptés ! […] « Je suis une honnête femme : j’aime », dit de même la fille de joie Musidora, dans Fortunio 117. […] Vous n’avez pas purifié la Tisbé, ni corrigé, comme vous le dites, un fait social absurde 133, mais vous avez une fois de plus réhabilité la courtisane ; vous avez blessé toutes les notions morales, en élevant la fille de joie au plus haut degré de la vertu, et en affectant de tout rabaisser autour d’elle. […] … « Job. — Tu ignores donc ce que le pardon met de joie dans l’âme ? […] On dirait que le feu sacré, qui n’est pas éteint, Dieu merci ; qui, je l’espère, ne s’éteindra jamais en France, languit sur l’autel abandonné et ne jette plus aujourd’hui que de mourantes clartés… On dirait que le culte de l’idéal est tombé en désuétude et en dédain ; que votre cœur, indifférent aux joies de la pensée, ne bat plus que pour les voluptés grossières.
Son serment avait été un serment de buveur, l’Imitation resta inachevée sur sa table, et Œdipe, avec les beaux vers qu’il renferme, parut radieux aux yeux du public qui retrouva avec joie son grand poëte en 1659. […] — Anecdote. — Deuxième représentation. — Joie enfantine du cardinal de Richelieu […] Il applaudissait lui-même, trépignait des pieds et des mains, se levait dans sa loge, mettait la moitié du corps en dehors, imposait silence pour faire mieux goûter les endroits qu’il jugeait sublimes, enfin il témoignait la joie d’un enfant ! […] Elle m’impose une loi souveraine, De m’offrir, avec joie, aux traits de votre haine, De dissiper la nuit de vos yeux aveuglés :> Enfin, de vous aimer lorsque vous m’immolez. […] Monsieur, dit le poëte, que j’ai de joie de retrouver cet écrit !
S’il est vrai que la généralité des lecteurs recherche avant tout des émotions, le meilleur moyen de les remuer est de leur bouleverser le cœur avec des regrets et de la pitié, en nous présentant l’amour, non comme une raison de joie, mais comme une cause de larmes. […] Jean Aicard a consacré un volume entier à l’enfant, et il l’a chanté avec une âme toute neuve, tout attendrie, éprise de sentiments simples et de joies naïves. […] Que la voûte du ciel nous cache en tombant sur nous… » Celuta, une misère bien grande m’a ôté la joie de votre amour… Il n’est pas bon de s’accoutumer à être trop aimé. […] Son amie eut la joie de l’en remercier avant de quitter ce monde en chrétienne pieuse. […] Madame de Mouchy fit comme les autres : elle l’aima de toute son âme, sans réserve, avec un orgueil et une joie qu’il, avait malheureusement trop connus.
Actuellement, cependant, c’est l’habit qui fait le moine, l’habit qui fait l’homme du monde, l’artiste, le prêtre, l’ouvrier, le paysan, l’homme moderne dans sa variété, avec les passions, les désirs, les joies ; les souffrances particulières à ses conditions sociales. […] La poésie est l’arithmétique de l’imagination, à ce que prétend un mien ami, un autre dit que c’est trop lui accorder, et soutient que ce que les poètes prennent pour un don du ciel et ont en joie, est une infirmité, une sécrétion maladive d’hémistiches qui se forment dans un cerveau décomposé et suintent plus ou moins péniblement. […] Mais les choses se tiennent ; s’il n’y avait pas de poètes, il n’y aurait pas de primes à leur donner et naturellement l’Académie serait supprimée, car l’Académie est une institution uniquement créée pour distribuer des primes aux poètes, tant que l’Académie subsistera, il y aura des poètes… Il serait injuste cependant de ne pas dire un peu de bien de ces pauvres gens ; je crois donc les honorer aux yeux du monde en déclarant qu’ils sont, dans la vie privée, une race généralement satisfaite et gaie, cela prouve au moins qu’ils n’ont pas commis de grands crimes capables de troubler leur conscience, à moins que ce ne soit la joie de mettre tout le monde dedans. […] Enfin tout est arrangé comme si le monde avait été fait simplement pour la joie des peintres. […] « Ces manants ont voulu se donner la joie ineffable d’avoir un ancêtre. » Ainsi parle ce grand seigneur.
Ne voilà-t-il pas les fondements de la Vie et si l’erreur les vicie, ne sera-t-il pas, cet homme, condamné à vivre sur terre une vie mauvaise, à côté de la vraie vie de justice et de vérité qui seule accorde les véritables joies. […] Une conscience satisfaite, seule, engendre les plus grandes joies. […] Il se développe en nous une sensibilité qui nous vaut tant de découvertes et tant de joies, qu’elle nous émerveille de nous-mêmes et de tout.
Vous les eussiez vus moult se démener, et saillir, et chanter », avec les éclats d’une grosse joie bruyante85. […] Après cela, il feignit de fuir ; les Saxons, ivres de joie et de colère, quittèrent leurs retranchements, et se livrèrent aux lances de ses cavaliers. […] Ce plaisir ne ressemble en rien à la joie physique qui est méprisable parce qu’elle est grossière ; au contraire, il aiguise l’intelligence, et fait découvrir mainte idée fine pu scabreuse ; les fabliaux sont remplis de vérités sur l’homme et encore plus sur la femme, sur les basses conditions et encore plus sur les hautes ; c’est une manière de philosopher à la dérobée et hardiment, en dépit des conventions et contre les puissances.
Modeste est donc fort malheureuse et M. de Balzac s’en donne à cœur joie de quintessencier son héroïne. […] On ne peut assister sans tristesse à cette joie mélancolique en face de la mort, à cette résignation complète qui n’a rien de sombre. […] La joie de M.
Ces images nous font sourire, si elles sont peintes avec finesse : elles nous font rire, si les traits de cette maligne joie, aussi frappans qu’inattendus, sont aiguisés par la surprise. […] Les accens de la joie, de l’amour, & de la douleur sont les premiers traits que la Musique s’est proposé de peindre. […] Or le vers pentametre a cette propriété, que ses interruptions peuvent être ou des chûtes ou des élans, suivant l’expression qu’on lui donne : la mesure en est donc également docile à peindre les mouvemens de la tristesse & de la joie. […] Dans tous les trois elle prend également le ton de la douleur & de la joie ; car c’est sur-tout dans l’élégie que l’Amour est un enfant qui pour rien s’irrite & s’appaise, qui pleure & rit en même tems. […] Les tourterelles se fuyoient ; Plus d’amour, partant plus de joie.
À la manière dont il prononce les s, son origine se trahit, — il vient du Nord, — et sa condition de proscrit, à la joie avec laquelle il hume la première bouffée de son cigare : « Comme il y avait longtemps que je n’avais fumé ! […] Ce sont des ambitieux pour qui la position à conquérir n’est qu’une espérance de belles amours, de sensations distinguées, de joies et de chagrins à la mesure de leur cœur. […] Encore le Benozzo Gozzoli du Campo Santo de Pise, le Ghirlandajo de Santa Maria Novella, le Léonard de Milan ont-ils eu la joie de le réaliser, leur songe. […] C’est son cas, en particulier, pour les angoisses et les joies, les remords et les résolutions qu’il lui prête. […] Toute sa vie de famille en témoigne, et aussi la sollicitude avec laquelle il prenait part aux joies et aux peines de ses amis.
C’est à Dante poëte, à Dante, surtout citoyen et patriote qu’il s’adresse et qu’il demande assistance et recours dans cet abaissement du présent : « O père illustre du mètre toscan, si à vos sacrés rivages il parvient quelque nouvelle encore des choses de la terre et de cette patrie que tu as placée si haut, je sais bien que tu ne ressens point. de joie pour toi-même, car moins solides que la cire et que le sable sont les bronzes et les marbres au prix du renom que tu as laissé de toi ; et si tu as jamais pu, si tu pouvais un jour tomber de notre mémoire, que croisse notre malheur s’il peut croître encore, et que ta race inconnue de l’univers soit vouée à d’éternels gémissements ! […] Moi, pendant ce temps-là, je m’en vais comme en deuil Par ce côté désert, évitant qu’on me voie, Ajournant à plus tard tout plaisir, toute joie ; Et derrière les monts, dans les airs transparents, Le soleil m’éblouit de ses rayons mourants, Et d’un dernier regard il semble aussi me dire Que l’heureuse jeunesse avec lui se retire.
Cependant les spectateurs se pâment de rire, et le contraste de leur joie maligne avec les lamentations de la scène, a quelque chose de repoussant. — Arnolphe est encore plus risible dans sa fameuse contestation avec Agnès, au dernier acte de L’École des femmes ; mais il est aussi peu comique, et en outre, la pièce se termine pour lui tragiquement. […] Il en est de même partout où il n’y a, d’un côté, qu’une situation pénible, et de l’autre, que la simple moquerie et une joie maligne.
Sa joie en trouvant Volpone plus malade que lui est d’un comique amer. « Comment va-t-il ? […] — Célia reste seule avec Volpone, qui dépouillant sa feinte maladie, arrive sur elle aussi florissant de jeunesse et de joie, aussi ardent que le jour où, dans les fêtes de la République, il a joué le rôle du bel Antinoüs.
Quoique le brouillard fût épais, à travers son épaisseur même, les avant-postes ennemis aperçurent la lueur des torches, entendirent les cris de joie de nos soldats, et allèrent donner l’alarme au général Tauenzien. » L’espace que Napoléon cherchait d’abord à conquérir pour y déployer son armée encore à demi cachée derrière les montagnes est balayé avant dix heures du matin. […] Quinze mille prisonniers, deux cents pièces de canon étaient aux mains de nos soldats, ivres de joie.
Avec une haute intelligence il a fait comprendre la fierté de Chatterton dans sa lutte perpétuelle, opposée à la candeur juvénile de son caractère ; la profondeur de ses douleurs et de ses travaux, en contraste avec la douceur paisible de ses penchants ; son accablement, chaque fois que le rocher qu’il roule retombe sur lui pour l’écraser ; sa dernière indignation et sa résolution subite de mourir, et par-dessus tous ces traits, exprimés avec un talent souple, fort et plein d’avenir, l’élévation de sa joie lorsque enfin il a délivré son âme et la sent libre de retourner dans sa véritable patrie. […] Je fus révolté en le lisant : eût-on à se plaindre d’un collègue, il y a des jours de bonheur et de joie qu’il ne faut pas corrompre d’une injure, surtout quand on ne peut pas être relevé.
Il y trônait sur son quadrige de grandes vagues équestres, au milieu d’une cour de Satyres et de Ménades aquatiques dont les bondissements exprimaient la fureur ou la joie des flots. […] » — « Ce serait une joie pour toi, je pense, de voir une telle chute. » — « Et par qui sera-t-il dépossédé du sceptre de la toute-puissance ?
Dimanche 16 mars On est aujourd’hui, chez moi, tout à la joie et à la surprise de l’acquittement de Descaves, car le jury était presque uniquement composé de vieilles barbes grises, de gens qui avaient été militaires, du temps qu’on se rachetait ; heureusement que le ministère public a été au-dessous de tout, et Tézenas très habile… Le pauvre Geffroy était des applaudisseurs qui auraient pu avoir deux ans de prison. […] Et c’est une petite joie intérieure, en interrogeant les menteuses photographies et les incomplets dessins étalés sur un divan, de faire revenir dans ce morceau de terre, petit à petit, et autant que le souvenir le permet, de faire revenir le profil aimé… Mardi 28 octobre C’est étonnant, comme toute ma vie, j’ai travaillé à une littérature spéciale : la littérature qui produit des embêtements.
la littérature française peut bien chanter que sa gaîté s’en est allée, ou encore, cette littérature impassible : « Plus d’amour, partant plus de joie ! […] Moi qui ai longtemps aimé Brucker, j’ai dit aussi avec une joie attendrie, après avoir lu Les Étapes d’une conversion : « Raymond Brucker est ressuscité !
L’aîné des fils du prince Guillaume était l’héritier présomptif du trône, et celui qui succédera en effet à Frédéric ; mais ce cadet aimable et charmant avait séduit le héros par les plus heureuses qualités naturelles, et faisait sa secrète joie… Tu Marcellus eris !
Pour moi, j’aimerais encore mieux être dévot que philosophe, mais je m’en tiens à croire en Dieu, etc. » Quelques années après il lui écrivait, et toujours de sa façon la moins bourrue (juillet 1764) : Je reconnais avec joie toutes vos anciennes bontés pour moi dans les vœux que vous daignez faire pour ma conversion.
Les premières lettres en date nous le montrent dans cette première saillie de jeunesse et de joie, avant ses tristes aventures, avant ce voyage d’Angleterre, qui le fit rentrer en lui-même et le mûrit.
Bossuet donne raison à Mécène et à la fable si connue : « Pourvu qu’en somme je vive… » Ce dimanche 7 d’octobre 1703, M. de Meaux a paru fort gai, à son réveil, d’avoir bien dormi toute la nuit, et de joie il lui est échappé cette parole : « Je vois bien que Dieu veut me conserver. » Il a ensuite entendu la messe dans sa chapelle et s’est encore recouché jusqu’à son dîner.
Celui dont il est question avait des faces riantes ; j’entrais dans vos espérances, je m’en faisais un sujet de joie ; mais je les perds sans regret, et j’en conçois de plus grandes.
Dans le moment même « où l’on ne se figurait plus Hume et Jean-Jacques que dans les bras l’un de l’autre, que baignés de larmes de joie et de reconnaissance et jouissant d’un bonheur mutuel, ouvrage de leurs vertus, tout à coup on porte à un souper nombreux chez M.
Dans les profondeurs des feuillages, sur la limite du jardin, dans les cerisiers blancs, dans les troènes en fleur, dans les lilas chargés de bouquets et d’arômes, toute la nuit, — pendant ces longues nuits où je dormais peu, où la lune éclairait, où la pluie quelquefois tombait, paisible, chaude et sans bruit, comme des pleurs de joie, — pour mes délices et pour mon tourment, toute la nuit les rossignols chantaient.
On y sent surtout la grâce de la jeunesse, le rire facile, la joie dont on est rempli et qui se répand.
La seule nouvelle de la convocation des États généraux l’avait comblé de joie, et il avait désiré d’en être ; mais envoyé à Paris par ses compatriotes de Riom, dès le mois de novembre 1783, un peu avant les élections, pour demander que la ville fût le chef-lieu du bailliage, il avait trouvé un régime moral peu rassurant, et avait pu reconnaître un Paris tout autre que celui qu’il avait laissé : « Lorsque je vis l’état de la capitale, où je n’étais pas entré depuis près de trois ans, la chaleur des discussions politiques, celle des pamphlets circulant, l’ouvrage de M. d’Entraigues, celui de l’abbé Sieyès, les troubles de Bretagne et ceux du Dauphiné, mes illusions disparurent. » Il avait emporté de M.
Talleyrand l’embrassa de joie, à son arrivée.
Tout est douleur, vide, abandon, si l’amour s’éloigne ; s’il s’approche, tout est joie, espoir, félicité.
Je crois qu’être moral, c’est espérer : moi, je n’espère pas ; j’ai blasphémé la nature et Dieu peut-être, dans Lélia ; Dieu qui n’est pas méchant, et qui n’a que faire de se venger de nous, m’a fermé la bouche en me rendant la jeunesse du cœur et en me forçant d’avouer qu’il a mis en nous des joies sublimes ; mais la société, c’est autre chose : je la crois perdue, je la trouve odieuse, et il ne me sera jamais possible de dire autrement.
Ainsi dans le Berceau d’Hélène : Mais au fond du tableau, cherchant des yeux sa proie, J’ai vu… je vois encor s’avancer le Malheur : Il errait comme une ombre, il attristait ma joie Sous les traits d’un vieil oiseleur.
Crois-moi donc, conservons notre 23 juin intact : c’est le destin qui l’a arrangé, c’est Dieu qui l’a voulu ; aussi son souvenir ne nous donne-t-il que de la joie. » Si Ernest eût vécu à une époque chrétienne, j’aime à croire qu’il ne se fût pas marié après la perte de son amie, et qu’il fût entré dans quelque couvent, ou du moins dans l’Ordre de Malte.
Mais la gaieté naturelle, une joie de force et d’innocence corrigeait bientôt la langueur ; le calme et l’équilibre étaient maintenus ; tout en redisant quelque ode rustique à la Thompson, ou en moralisant sur les passions à réprimer, elle ajoutait avec une gravité charmante : « Je trouve dans ma religion le vrai chemin de la félicité ; soumise à ses préceptes, je vis heureuse : je chante mon Dieu, mon bonheur, mon amie : je les célèbre sur ma guitare : enfin, je jouis de moi-même. » Elle en était encore à la première saison, à la première huitaine de mai du cœur.
Il n’y a pas de découverte plus difficile et plus délicate que celle des changements de ton par lesquels une idée se continue dans l’idée suivante, car il s’agit alors d’imiter les véritables mouvements de l’âme, de la suivre, toute complexe et capricieuse qu’elle est, à travers les ondulations tortueuses et imprévues par lesquelles elle voyage tour à tour de la joie à la tristesse, de la tendresse à la colère.
la route est courue Des petits désirs et des lâches orgueils, Mon âme est forte et fut secourue Par des baisers de joie et des larmes de deuil … Vois, au ras du côteau, cette étoile apparue.
Je n’éprouve aucune joie à discerner la trajectoire de leurs fantoches laborieux.
Je n’éprouve aucune joie à discerner la trajectoire de leurs fantoches laborieux.
Recevez-en la récompense dans le respect qui vous entoure, dans cette sympathie dont les marques se produisent aujourd’hui si nombreuses autour de vous, et surtout dans la joie d’avoir bien accompli votre tâche, d’avoir pris place au premier rang dans la compagnie d’élite qui s’assure contre le néant par un moyen bien simple, en faisant des œuvres qui restent.
Et, par un phénomène inverse, nos dilettantes blasés ont salué naguère de cris de joie le souffle tonique et ragaillardissant qui s’élevait du théâtre d’Ibsen.
Il habitue l’homme aux joies et aux devoirs domestiques, il asseoit entre l’étable et l’âtre, sa vie vagabonde.
Tout à coup, d’une strophe à l’autre, un noir présage s’abat sur leur hymne et le retourne de la joie vers l’anxiété.
Ce n’est point pour le manier que ses jeunes gens convoitent l’argent de leur oncle ou de leur tuteur, mais pour en extraire l’essence de joie et de fantaisie qu’il renferme.
Barantin n’est pas seulement la joie, il est le bon sens de la comédie.
Le Mercure nous la montre plus au naturel, « parfaitement bien faite dans sa taille médiocre, avec un maintien noble et assuré, la tête et les épaules bien placées, les yeux pleins de feu, la bouche belle, le nez un peu aquilin, et beaucoup d’agrément dans l’air et les manières ; sans embonpoint, mais les joues assez pleines, avec des traits bien marqués pour exprimer la tristesse, la joie, la tendresse, la terreur et la pitié ».
Le siècle s’ennuyait à la fin d’être contenu par elle et conduit à la lisière, il voulait parler de tout à haute voix et à cœur joie.
» Et elle répondit : Où il plaira à Dieu, car je ne suis pas plus assurée du temps ni du lieu que vous ne le savez vous-même ; et plût à Dieu, mon Créateur, que je me pusse retirer maintenant, laissant là les armes, et m’en aller pour servir mon père et ma mère, en gardant leurs brebis avec ma sœur et mes frères, qui auraient grande joie de me voir !
Il a eu toutes les joies de la fertilité sans les travaux pénibles de l’achèvement.
La première journée des Barricades se passe presque toute en plaisanteries contre elle : « Comme j’étais la moins vaillante de la compagnie, toute la honte de cette journée tomba sur moi. » Pour une personne de cet intérieur, elle comprend très bien du premier coup la nature de la révolte dans la ville, et ce désordre si vite et si bien ordonné : Les bourgeois, dit-elle, qui avaient pris les armes fort volontiers pour sauver la ville du pillage, n’étaient guère plus sages que le peuple, et demandaient Broussel d’aussi bon cœur que le crocheteur ; car, outre qu’ils étaient tous infectés de l’amour du bien public, qu’ils estimaient être le leur en particulier… ils étaient remplis de joie de penser qu’ils étaient nécessaires à quelque chose.
Dans la campagne de Hollande (1672), où il est blessé, il voit bientôt accourir Gourville, et il lui en témoigne beaucoup de joie : ce qui paye celui-ci de toute sa peine.
Du moment qu’on admet la branche aînée régnante, le duc de Bordeaux naissant comme par miracle pour la continuer, et l’immense joie qui dut s’en répandre parmi ce qui restait de sujets fidèles, il est tout simple qu’il se soit rencontré quelqu’un, ou fidèle ou zélé, pour avoir l’idée de cette souscription de Chambord ; mais Courier ne croit point à la branche aînée ; il a déjà la branche cadette en vue comme plus à sa portée et à son usage ; il n’aime point les vieux châteaux, soit gothiques, soit de Renaissance ; et lui qui s’affligeait à Rome pour une Vénus ou un Cupidon brisés, il ferait bon marché en France de l’œuvre du Primatice.
J’ai eu le bonheur de vivre dans les mêmes sociétés que lui, disait Maupertuis ; j’ai vu, j’ai partagé l’impatience avec laquelle il était toujours attendu, la joie avec laquelle on le voyait arriver. — Et qui n’aimerait, écrivait le chevalier d’Aydie à Mme Du Deffand, qui n’aimerait pas cet homme, ce bonhomme, ce grand homme, original dans ses ouvrages, dans son caractère, dans ses manières, et toujours ou digne d’admiration ou adorable ?
Il fera tout pendant des années, auprès de la mère patrie, pour éclairer l’opinion et conjurer les mesures extrêmes ; jusqu’au dernier moment, il s’efforcera d’atteindre à une réconciliation fondée sur l’équité ; un jour qu’un des hommes influents de l’Angleterre (lord Howe) lui en laissera entrevoir l’espérance à la veille même de la rupture, on verra une larme de joie humecter sa joue : mais, l’injustice s’endurcissant et l’orgueil obstiné se bouchant les oreilles, il sera transporté de la plus pure et de la plus invincible des passions ; et lui qui pense que toute paix est bonne, et que toute guerre est mauvaise, il sera pour la guerre alors, pour la sainte guerre d’une défense patriotique et légitime.
Dans la joie de son cœur, elle en parle à Grimm : J’ai été très étonnée, dit-elle, de le voir désapprouver le service que je rendais à Rousseau, et le désapprouver d’une manière qui m’a paru d’abord très dure.
je l’ai dit, cette félicité, cette joie trop sublime, fut de courte durée !
Les joies du grand monde étaient d’aller jouer à la main chaude chez lord Leicester.
Éclatante réplique au fameux axiome : Mens sana in corpore sano, de l’École de Salerne, qui renvoie si fièrement à l’école cette École… Heine, à travers la sympathique pitié qu’il est impossible de ne pas sentir pour des maux si grands, inspire pourtant je ne sais quelle joie orgueilleuse à ceux-là qui croient à la spiritualité humaine et qui pensent que, dans la créature de Dieu, les organes ne doivent pas être les maîtres, mais les serviteurs.
Mais s’il avait eu la crainte, il aurait eu la joie. » Écoutez-le enfin et surtout parler de l’honneur, qu’il définit : « Promettre et ne pas tenir », et laissez-le creuser dans sa définition pour en tirer le plus magnifique fragment de ce livre, qui en a plusieurs de superbes et beaucoup aussi de charmants !
Mais voyez en revanche ce qu’il apporte au monde, l’énorme présent dont il l’enrichit, la force vitale dont il ruisselle, les œuvres et les espoirs qu’il éveille, les désirs qu’il contente, les joies qu’il assouvit, les germes qu’il répand !
Foucaut ; La joie des serpents, traduit, comme Çakountala, par M. […] Ils sautent sur cette occasion de faire un tableau de soleil couchant, ou de lever d’aurore, et ils s’en donnent à cœur joie. […] Son premier sentiment est de joie. […] Le couplet de Chrysale sur les devoirs et les joies de la femme ici-bas, c’est elle qui le dit d’avance (à l’acte I, scène i) avec quelque chose d’un peu plus féminin, d’un peu plus tendre, et de beaucoup plus spirituel. […] C’est donc avec une secrète joie et le cœur plein d’espoir qu’Antiochus aborde Bérénice.
Ils ont trop de profonde allégresse intérieure invincible, trop de joie secrète insurmontable dans la douleur même, trop de vaillance pour être ironiques. […] Quinze ou vingt maisons où je sais depuis trente ans les deuils et les joies, les deuils fréquents, les deuils nombreux, les longs deuils, les deuils répétés, crebri, fréquents ; et les brèves, les courtes joies. […] Ils savent ainsi que je connais comme eux, avec eux, parmi eux, que j’ai comme eux en eux éprouvé cette plus grande joie qu’il m’ait jamais été donné, qu’il ait été donné à l’homme de connaître. Une joie parfaite, close, totale ; un maximum ; sans retour, sans regret, sans remords ; sans un point de poussière, sans un atome de regret, sans une ombre d’ombre. […] Troie revient deux fois, trois fois à la page, deux fois avec proie, une fois avec joie. — la Phrygie. les Troyens.
Il comprenait et ressentait naturellement ses joies, ses douleurs, ses regrets, ses espérances, — aussi fut-il tout à fait moderne. […] Ce pauvre enfant, d’une bonté si parfaite, et qui n’avait pas plus de fiel qu’une colombe, eut au moins quelques jours d’illusion, de joie, et de bonheur. […] Cette joie un peu grossière, mais franche et naturelle, semble de mauvais ton. […] Justement le pacha a convoqué son armée, et il y a là une collection de types à faire devenir un peintre fou de joie. […] vous allez entrer insoucieux dans un lieu plein de joie, de lumière et de bruit, un doigt glacé vous arrête, un petit souffle vous chuchote à l’oreille : « Ton ami est mort !
Celui qui portait cousu dans la doublure de son habit son amulette fameux, ce papier, souvenir du jour de sa conversion sur lequel il avait écrit : « joie ! joie ! pleurs de joie ! […] Certes, dans cette époque de spleens longuement caressés et de complaisantes névroses, il ne manque cependant pas d’hommes robustes et qui célèbrent la joie de la vie. Cette joie s’obtient trop souvent par le sacrifice de ce qui donne seul du prix à la vie, et le courage n’est pas chose admirable s’il n’est fondé que sur la brutalité satisfaite.
… » Et il explique par quel travail compliqué de barrages et d’irrigations ces trois vallées, de sauvages et de stériles, se transformeraient en de riches prairies, propices à un magnifique élevage de bestiaux : « Vous verrez un jour, conclut-il, la vie, la joie, le mouvement, là où règne le désert, là où le regard s’attriste de l’infécondité. […] Certaines lignes frémissantes de nostalgie témoignent que le jeune savant, emprisonné dans la médiocrité de son métier, n’ignorait pas que d’autres garçons de son âge, et qui ne le valaient point, possédaient d’autres joies et d’autres champs d’activité. « Que je comprends bien », écrit-il à M. […] La différence radicale entre ces deux types d’hommes réside en ceci qu’en présence de la répartition des biens de toute sorte qui sont le vaste héritage de la civilisation, le révolutionnaire-né dit aussitôt : « Pourquoi ces joies à celui-ci, et pas à moi ? […] Mais ils ne le regardent que pour y épanouir leur joie ou y exaspérer leur chagrin. […] C’est son amour, avec ses joies, ses peines, ses espérances, ses regrets qu’il incarne dans ces symboles, et, tout d’un coup, l’autre moitié de cette âme étrange, « âme malade reniant Dieu et reniant les anges, âme maudite et damnée », apparaît à son tour.
D’une part les tendances intellectuelles, comme toutes les autres, font éprouver des joies, parfois très intenses, ou des souffrances réelles selon la façon dont elles sont satisfaites ou contrariées. […] C’est souvent une peine morale, ou la joie d’un sentiment satisfait, qui mettent l’imagination en éveil et déterminent la création intellectuelle. […] Aussi bien des pièces comme Le Souvenir, Le Lac, La Tristesse d’Olympio et tant d’autres de tant d’auteurs nous disent assez ce que l’invention littéraire est aux joies et aux souffrances du cœur. […] Imaginer qu’on est aimé, qu’on est puissant, c’est se donner réellement, dans une mesure très variable, les joies de l’amour et de la puissance. […] Médée suivant sa rivale dans toutes les joies de son orgueil ingénu, et tout à coup, au moment où, saisie par les premières atteintes du mal, Créuse s’écrie : “Qu’ai-je donc ?
Et, en d’autres jours, où rien ne s’était commis, éprouvant jusqu’à la moelle un apaisement profond, au lieu d’acquiescer et de bénir et de reconnaître avec joie que l’âge féroce expirait, je me repentais de moi, je me trouvais moindre en face de l’univers, irrité, humilié de toute cette poussière des êtres qui volait dans les nuages, et que mon énergie première se serait crue suffisante à enflammer. » J’aurais pu multiplier ces citations, mais je m’arrête. […] Jamais séance plus diplomatique, malgré la chaleur des protestations, ne cacha plus de difficultés et plus de pièges sous une joie plus expansive et plus bruyante ; car, il faut bien y songer, tous ces convives qui sont là réunis pour boire à la révolution de juillet, sont sujets de la Grande-Bretagne ; et quel est le ministre de la Grande-Bretagne ? […] La larme me vient à l’œil, en pensant à ces joies !
Le public à Paris a marqué de la joie ; les faiseurs d’horoscopes ont fait à ce sujet cent almanachs plus extravagants les uns que les autres ; pour moi, qui ai appris depuis longtemps à supporter la disgrâce et la fortune, je me suis dérobé aux compliments vrais et faux, et j’ai regagné mon habitation d’hiver, d’où j’irai de temps en temps rendre mes devoirs à Versailles, et voir mes amis à Paris.
Gui Patin en triomphe, et avec une sorte de joie cruelle ; ses lettres de 1644 sont toutes pleines de ses bulletins de victoire : Je vous dirai, écrit-il à Spon (8 mars), qu’enfin le Gazetier, après avoir été condamné au Châtelet, l’a été aussi à la Cour, mais fort solennellement, par un arrêt d’audience publique prononcé par M. le premier président (1er mars).
C’est alors que, retiré absolument des affaires, au seuil d’une robuste vieillesse, vivant de préférence en sa charmante habitation du Bois-Roussel (dans l’Orne), au milieu des libertés champêtres ou des joies de la famille, il se livra à ses goûts d’étude et de société combinés, et à la composition d’ouvrages moitié littéraires, moitié historiques, où il se développa avec une originalité entière.
Un homme qui est plus qu’on ne croit de la trempe de Montaigne, Saint-Évremond, trouva également dans sa vie un ami parfait, M. d’Aubigny ; mais Saint-Évremond alors n’était déjà plus depuis longtemps à cet âge où on lutte pour les hautes aspirations premières et pour l’idéal : il se contenta de chercher la sûreté, la douceur du commerce, le charme infini des entretiens ; et, quand il perdit M. d’Aubigny, il le pleura comme l’ami qui faisait sa joie, et dans la conversation duquel il trouvait un agrément universel.
La nouvelle de la victoire de Fleurus par Jourdan (26 juin 1793) le comble de joie, et il en consigne l’expression dans son Journal en homme qui, à cette date déjà bien sanglante, était pour la Révolution tout entière, sans marquer ses réserves : De même qu’on a fait apporter aux prêtres leurs lettres de prêtrise, et aux nobles leurs lettres de noblesse, de même nous ne devrons accorder la paix à nos ennemis qu’autant que tous les rois faux auront apporté leurs lettres de royauté.
C’est par impatience de toutes ces fades copies et de ces répétitions serviles qu’Alfred de Musset, dans le préambule de La Coupe et les lèvres, au milieu de cet admirable développement où il s’ouvre à cœur joie sur l’infinie variété et la riche contrariété de ses goûts, s’écriait : Vous me demanderez si j’aime la nature.
Que manquait-il à l’illusion du croyant, à l’avant-goût des joies célestes ?
Chimène, dans la scène qui suit, exprime des craintes et un triste pressentiment au milieu de sa joie.
Cette lettre qu’on lit dans une emphatique proclamation de la Société populaire de Montauban, mais qui s’en distingue par le ton, est datée du 25 prairial (13 juin), peu après l’arrivée du grand convoi de grains devant la rade de Brest : « Ce jour, ma chère amie, est pour moi un jour de joie, et je me hâte de te la faire partager.
Il en était là, en plein torrent de cette vie de bruit, de joie et d’opulence, lorsqu’il fut pris, le 12 ou 13 novembre (1750), d’une sorte de rhume qu’il brusqua.
Les pins sonores de Savoie Avaient secoué sur son front Leur murmure, sa triste joie, Et les ténèbres de leur tronc.
Pendant vingt ans, c’est son délassement, sa joie, son remède, de prendre par les oreilles, et de fustiger publiquement ou Pompignan, ou Fréron, ou Nonotte, ou Patouillet.
Si l’on veut avoir une idée de la simplification hardie par laquelle Maupassant dégage le caractère de la réalité complexe et touffue, on devra prendre de préférence Une vie : une pauvre vie de femme, vie de courtes joies et de multiples déceptions, de misères médiocres et communes qui font de profondes blessures, vie d’espérance obstinée, indéracinable, qui, trompée par un mari, trompée par un fils, se reporte avec une navrante candeur sur le petit enfant destiné peut-être à lui fournir la dernière leçon de désillusion, si la mort ne vient pas avant.
Quand je rencontre un livre écrit par un de ces hommes, quelle joie !
Lorsque nous voyons qu’ils sont sans raison, qu’ils relevent ou éclairent un autre défaut, ils sont les grands instrumens de la laideur, laquelle, lorsqu’elle nous frappe subitement, peut exciter une certaine joie dans notre ame, & nous faire rire.
Confinés dans leur bureau, relégués dans leur domaine spécial à l’écart de la vie réelle, privés des joies saines d’une activité extérieure, et portant des fruits visibles, ils s’étiolent, perdent toute sûreté d’instincts, et souvent dégénèrent : c’est dans leurs rangs que se recrute l’armée sans cesse plus nombreuse des décadents — mécontents ou résignés, pessimistes ou dilettantes — qui constituent un danger des plus sérieux pour l’avenir de notre vieille Europe87. » Ainsi la désintégration des individualités, la dissociation en elles de l’intelligence et de l’instinct, de la pensée et de l’action, de la théorie et de la pratique ne font que s’accentuer sous l’influence de notre mécanisme social.
Le paysan ne souffre pas de son abjection morale et intellectuelle ; mais l’ouvrier des villes voit notre monde distingué, il sent que nous sommes plus parfaits que lui, il se voit condamné à vivre dans une fétide atmosphère de dépression intellectuelle et d’immoralité, lui qui a senti la bonne odeur du monde civilisé ; il est condamné à chercher sa jouissance (car l’homme ne peut vivre sans jouissance de quelque sorte, le trappiste a les siennes) dans d’ignobles lieux qui lui répugnent, repoussé qu’il est par son manque de culture, plus encore que par l’opinion, des joies plus délicates.
Ce n’est pas sans motif qu’après avoir protégé les lettres dans les siècles où elles végétaient, dociles comme des enfants, dans la tranquillité close des, monastères, elle les a poursuivies de son hostilité, combattues, condamnées, une fois que, douées par l’imprimerie d’une force inouïe d’expansion, elles se sont lancées hardiment à travers le vaste monde et ont appelé aux joies et aux luttes de la pensée les élites d’abord et les foules ensuite.
D’une part, la réserve que chacun s’impose empêche le poète d’épancher ses joies et ses douleurs en effusions sincères.
Sur ce dernier point, vous avez raison ; rien ne serait comparable à cet effet : quelque chose d’irremplaçable se briserait en moi et le soleil de mon existence serait obscurci, Dieu, dans sa bonté, m’épargnera un tel malheur et me laissera la joie que je trouve à susciter et à exécuter les plans de cet ami si cher, et à être pour lui, dans une petite proportion, ce qu’il est pour moi si infiniment.
Une ivresse de douleur et de colère lui a monté au cerveau ; elle a voulu mériter la trahison de son amant par une souillure volontaire ; elle s’est fait une joie poignante de profaner sa nuit nuptiale.
Quand il sut lire et pas encore écrire, s’il voyait quelqu’un décacheter une lettre et y jeter les yeux, il se figurait avec envie la joie qu’il aurait d’en pouvoir faire autant, et de correspondre par lettres avec quelque petit camarade.
Mais, un jour, des amis l’entraînèrent à une représentation de Turcaret ; il y vit son fils, reconnut deux fois son bien et son ouvrage, pleura de joie et redevint père.
Soit ; nous en acceptons l’augure avec joie, nous en embrassons avidement l’espérance.
Il est utile autant que juste que les citoyens ne perdent pas l’habitude de témoigner, en présence de l’Assemblée, l’impression de joie ou d’inquiétude qu’ils reçoivent de ses lois ; et le peuple pourra dire qu’il a perdu sa liberté quand il ne jouira plus de cet avantage.
» On conclut que la Révolution ne tardera pas à se consommer ; qu’il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la philosophie, et l’on en est à calculer la probabilité de l’époque et quels seront ceux de la société qui verront le règne de la raison… Un seul des convives n’avait point pris de part à toute la joie de cette conversation, et avait même laissé tomber tout doucement quelques plaisanteries sur notre bel enthousiasme.
Cette histoire de la conversion de Bonneval faisait la joie de Voltaire, qui n’a pas manqué de badiner là-dessus en maint endroit de ses œuvres.
Ces premières années de séjour en Suisse sont marquées par beaucoup de joie, de gaieté ; Voltaire sent qu’il est redevenu libre ; il se mêle à la vie du pays, et y fait accepter la sienne ; il fait jouer chez lui la comédie, la tragédie, et trouve sous sa main des acteurs de société, et point du tout mauvais, pour les principaux rôles de ses pièces.
Chez Volney, il n’y a qu’une partie de ces qualités, le dessin dénué de tout ce qui anime ou qui embellit ; il n’a jamais la joie qui signale une conquête de l’esprit ou une jouissance de l’âme.
Pour en cueillir aussitôt plusieurs paniers, il suffit d’ouvrir encore une fois Télémaque, ce témoin précieux d’un moment de la langue française : « les pavots du sommeil — une joie innocente — à la sueur de leur front — secouer le joug de la tyrannie — fouler aux pieds les idoles — l’espérance renaît dans son cœur », sont des expressions qui exigent le sourire et qui ne peuvent plus se proférer qu’avec ironie, mais elles furent jeunes, éloquentes et sérieuses.
« Nous sentons s’enrichir notre cœur quand y pénètrent les souffrances ou les joies naïves, sérieuses pourtant, d’une humanité jusqu’alors inconnue, mais que nous reconnaissons avoir autant de droit que nous-mêmes, après tout, à tenir sa place dans cette, sorte de conscience impersonnelle des peuples qui est la littérature. » Enfin la sociabilité humaine doit s’étendre à la nature entière ; de là cette part croissante que prend dans l’art moderne la description de la nature.
L’âme d’un grand homme est celle qui peut mettre en mouvement un million de bras comme les siens propres ; l’âme d’un grand artiste est celle qui peut frémir en un million de sensibilités individuelles et fait la joie et la douleur d’un peupleen.
Bien et mal, joie et deuil, homme et femme, rugissement et chanson, aigle et vautour, éclair et rayon, abeille et frelon, montagne et vallée, amour et haine, médaille et revers, clarté et difformité, astre et pourceau, haut et bas.
Il me semble que celui où le jeune homme lit la lettre, où il s’attendrit, où le cœur lui bat, où il retient la vieille par le bras, où le trouble et la joie se confondent sur son visage, où la vieille qui s’y connaît l’observe malignement valait beaucoup mieux à rendre.
Trissotins et Turcarets, tout de ce monde de la littérature et du journalisme devait se retrouver dans cette Ménagerie de Chasles et y danser une sarabande forcée, comme le serpent de Baudelaire au bout de son bâton… Joie de ma vie !
Pour ma part, en vertu de mes prédilections personnelles comme de ma doctrine morale, je me déclare partisan de l’action et de l’enthousiasme, zélateur de l’harmonie grecque, de l’énergie stoïque, de la joie et de la vie renouvelées avec la Renaissance, par instinct comme par habitude d’esprit adversaire de toutes les tendances à la rêverie excessive, à la tristesse irréfléchie, à la souffrance mystique. […] Dans cette abondance de sons argentins et de gracieux détails relevés par de hautes pensées les vers libres et hardis ne manquent pas : Un matin que s’éveille étincelant de joie. […] Il leur a pris le don de la joie robuste, de la verve ironique, de la bouffonnerie qui fait penser. […] Il nous souviendra toujours quel frémissement de joie honnête, quel tressaillement de libre enthousiasme, coururent au lendemain de ces satires dans les rangs de la jeunesse studieuse. […] Je tremble de joie en le voyant.
Il se flatte d’accabler ces traîtres par l’histoire de l’élégie, qui commença dans Sparte, avec Tyrtée, par être la voix de la cité, le chant de guerre d’un peuple ou d’un parti, pour devenir à Alexandrie, puis à Rome, l’expression des joies et des peines les plus privées. […] Maurras sur un point controversé : « On abuserait des catégories naturelles en disant que les barres verticales ou horizontales de la carte changent quelque chose au vrai ou au faux… Un poème n’est pas beau parce qu’il est d’un fils d’Athènes comme Moréas ou d’un enfant de Napoléon-Vendée comme Raoul Ponchon, une idée n’est pas juste parce qu’elle va d’accord avec les affinités de nos substructures vivantes, mais sa justesse une fois connue, une fois que nous sommes assurés de sa vérité et de sa beauté, n’aimons-nous pas à y goûter, en sus des joies de l’esprit pur, l’aveu subtil et fort de ces ressemblances profondes ? […] Mon beylisme invétéré me fit accueillir avec joie la grande édition enfin intégrale de Lucien Leuwen, que je ne connaissais, comme tout le monde, que par Romain Colomb (incomplet), puis par Jean de Mitty (inexact), et, je l’avoue, sans aucune inquiétude, la préface de Paul Valéry. […] Le grand père Gagnon avait révélé au jeune Beyle les joies de la lecture, que nos contemporains, ne lisant qu’eux-mêmes sans doute, ne soupçonnent plus. […] Venise nous tient simultanément en clairvoyance et en joie.
On veut les chasser. « Point, dit le roi ; ils n’ont pas pu contenir leur joie. » Pour cette fois, le désordre ne lui déplaît pas. On allume des feux de joie dans la cour avec des paillasses, des bancs, des matériaux et des vêtements qui quittent comme d’eux-mêmes les épaules. […] Notez qu’à son « élargissement », comme dirait Saint-Simon, et à sa joie, à son abandonnement d’un jour, une vue juste se mêle encore, et qu’il sait bien que rien n’est confirmatif de l’étiquette et du bon ordre que de savoir les oublier un instant, en une circonstance unique, où quand même on ne se détendrait pas, il serait habile de paraître se détendre. […] Le premier vers de Aux abeilles du manteau impérial était d’abord celui-ci : Vous qui travaillez dans la joie, Et il est devenu le vers un peu dur que l’on sait : Ô vous dont le travail est joie.
La joie, en circulant, me gagne ainsi qu’eux tous. […] Je vous avoue que j’en ai une joie maligne.
Dans la pièce au nom du duc de Bellegarde, on sait la belle prosopopée : Reviens la voir, grande Âme… Quelque soir, en sa chambre apparais devant elle, Non le sang en la bouche et le visage blanc, Comme tu demeuras sous l’atteinte mortelle Qui te perça le flanc : Viens-y tel que tu fus quand, aux monts de Savoie, Hymen en robe d’or te la vint amener131, Ou tel qu’à Saint-Denis, entre nos cris de joie, Tu la fis couronner. […] Le poëte qu’on a vu apparaître déjà mur, tout formé, dans ces pleines années qui suivirent la paix de Vervins, pénétré d’un sentiment national si sain et si juste, et comme prédestiné de longue main à être le chantre des joies, des craintes, des satisfactions sensées et pacifiques de la France sous le plus réparateur des règnes, survivant à ce règne trop tôt interrompu, ne se démentit pas un seul jour ; il resta le poëte de la Régente, de la fidélité, de toutes les louables et patriotiques espérances.
C’était surprise et joie de voir réalisée à l’improviste une forme de ce qu’il avait lui-même plus confusément rêvé, c’était de rencontrer sous cette forme légère un idéal déjà à demi connu. […] Il lui ouvrit un premier jour sur les idées politiques ou même littéraires de la société de Coppet, et le jeune homme s’aperçut avec joie qu’il existait encore un lieu où le libéralisme était d’assez bonne compagnie, où se retrouvait quelque chose du mouvement de 89, et que ses opinions n’étaient point exclusivement reléguées dans les écoles ou les estaminets.
Aussi, quand on parle d’aller à un bal à Bougival, je m’enfuis et traverse Paris, me cognant à la joie et à l’ivresse des foules, revenant du Grand Prix, et je marche là-dedans, triste, triste, triste. […] Je m’en vais là-bas, avec une espèce de joie de sortir de mon isolement, qui, pendant ce mois, m’a pesé plus que jamais.
En est-il aucun près de ces âmes superficielles plus contentes encore, dirait-on, de leurs petits chagrins que de leurs petites joies ? […] Le père pousse sa fille à se faire épouser par un jeune homme riche, puis voyant qu’il ne survient pas d’héritier, imagine de le procréer lui-même, et, à la grande joie du jeune monstre, devient son amant et la rend mère.
En floréal, cet énorme buisson, libre derrière sa grille et ses quatre murs, dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bête qui sent la sève d’avril monter et bouillonner dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavé de la rue déserte, les fleurs en étoiles, la rosée eu perles, la fécondité, la beauté, la vie, la joie, les parfums. […] Il est moins nécessaire qu’une fibre sympathique me relie à ce magnifique scélérat en écharpe rouge et plumet vert qu’à ce vulgaire citoyen qui pèse mon sucre, en cravate et en gilet mal assortis… Je ne voudrais pas, même si j’en avais le choix, être l’habile romancier qui pourrait créer un monde tellement supérieur à celui où nous vivons, où nous nous levons pour nous livrer à nos travaux journaliers, que vous en viendriez peut-être à regarder d’un œil indifférent, et nos routes poudreuses et les champs d’un vert ordinaire, les hommes et les femmes réellement existants… » Certes la vie est une partout et toujours ; sous tels dehors qu’il vous plaira de l’observer, vous la trouverez avec ses mêmes joies et ses mêmes peines.
Quand le docteur Sacheverell est mis en jugement, les garçons bouchers, les boueurs, les balayeurs de cheminée, les marchands de pommes, les filles de joie et toute la canaille, s’imaginant que l’Église est en danger, l’accompagnent avec des hurlements de colère et d’enthousiasme, et le soir se mettent à brûler et à piller les temples des dissidents. […] L’ancien homme a disparu, un homme nouveau a pris la place, pardonné, purifié, transfiguré, pénétré de joie et de confiance, incliné vers le bien avec autant de force qu’il était jadis entraîné vers le mal. […] À Kingswood, Whitefield, ayant rassemblé les mineurs, race sauvage « et païenne, pire que les païens eux-mêmes, voyait les traînées blanches que les larmes faisaient en coulant sur leurs joues noires822. » D’autres tremblaient ou tombaient ; d’autres avaient des transports de joie, des extases. « Après le sermon, dit Thomas Oliver, mon cœur fut brisé, et je n’aurais pu exprimer le puissant désir que je sentais de la justice.
D’une part un artiste travaille généralement dans une joie qui l’applique tout entier à son œuvre et qui ressemble à l’inspiration. […] « C’est par une sorte d’induction, dit Valéry, par le produit d’images mentales, que toute œuvre d’art s’apprécie. » En d’autres termes le style de l’œuvre a pour effet, sinon pour objet, de déclencher dans le public, dans l’amateur, dans le critique, un style de l’appréciation, du goût, de la sympathie, de la joie. […] Seul monde pour elle, le monde intérieur ; mais ce monde intérieur où nous cherchons plus de vérité est un monde sans ; joie.
Une conformité d’âge et de goûts m’attacha à votre personne, et une liaison s’établit entre nous, malgré la supériorité que vous conserviez sur moi. » Il se mêlait à ces causeries ardentes des courses pleines de joie et de fraîcheur à travers la campagne ; car Fauriel aimait la nature, et il l’étudiait comme toutes choses ; la botanique fut d’abord et resta longtemps une de ses passions favorites. […] Et lui, il te souriait avec tant de joie et de bonne grâce, il te tendait, comme en gage du premier amour, une main si tendre et si fidèle, que j’aurais juré que c’était lui d’abord qui, pour te trouver, avait gravi la rampe escarpée de l’Alpe, lui qui avait affronté la tempête du lac de Thoun, et qui, tout tremblant du Vertige et le front battu de l’ardent tourbillon, était tombé à la renverse sans connaissance au bord de l’abîme68. […] C’étaient là des joies pures, et la poésie ne pouvait être loin. […] Ainsi, des nuances de joie, tenant aux satisfactions du cœur, se mêlèrent pour lui jusqu’au bout aux applications de l’esprit, et il s’acheminait, sans trop la sentir, dans l’inévitable tristesse des ans.
*** Se trouvant aux dernières courses, ***, ivre de joie d’avoir gagné une poule de cinquante francs, voulait la faire pondre dans le giron de la charmante Julie B., et tout en caracolant près de son équipage, il lui lançait des œillades dont les étincelles inquiétaient celle-ci pour ses dentelles. […] Cette année, les maris étaient donc dans la joie de leur âme. — Les mémoires des bijoutiers, des marchandes de modes et des couturières, — semblaient devoir être d’une modération infinie. […] Quant aux amants, — leur peine n’est pas moins cruelle, — pour parler comme les romances. — Le même motif qui a fait la joie des maris économes assurait leur sécurité. — Les soirées étaient rares, et les bals presque nuls. — La bien-aimée restait au coin de son feu, paresseusement étendue dans sa chauffeuse. — Pendant la journée, monsieur allait à la Bourse. — Le soir, après le dîner, il courait au club, ou se prétendait appelé au dehors pour un rendez-vous d’affaires, l’affaire Chaumontel, — cette inépuisable mine aux galants escampativos […] Ils le serrent, l’enlacent, l’embrassent, gonflent son orgueil avec le gaz de l’hyperbole, et puis entre la parenthèse de deux caresses, répandent brusquement dans la joie en ébullition la goutte d’eau froide de la réticence, et par leurs critiques essaient de reprendre à deux mains ce que la louange avait donné d’une seule. […] dit elle-même madame Huguet dans la scène où elle explique à son fils les raisons qui l’ont amenée à nourrir sa jeunesse du lait amer de l’expérience. — Mais aux joies de la lune de miel, à la lutte courageuse que les deux époux, soutenus par leur amour, ont entreprise contre la misère, a succédé un de ces découragements qui tôt ou tard finissent par affaiblir les plus robustes affections.
Considère, mon amour adoré, mon ange, mon bien, mon cœur, ma vie ; toi, que j’idolâtre de toutes les puissances de mon âme ; toi, ma joie et mon désespoir ; toi, mon rire et mes larmes ; toi, ma vie et ma mort ! […] Une passion si pleine de projets, si pleine de sève et de puissance, si pleine de crainte et de douces larmes, si riche, si belle, si jeune encore et qui suffisait à toute une vie d’angoisse et de délires, de joies et de terreurs, et de suprême oubli ; — cette passion consacrée par le bonheur, jurée devant Dieu comme un serment jaloux ; cette passion qui nous a attachés l’un à l’autre comme une chaîne de fer à jamais fermée, comme le serpent unit sa proie au tronc flexible du bambou pliant ; — cette passion qui fut notre âme elle-même, le sang de nos veines et le battement de notre cœur ; cette passion tu l’as oubliée, anéantie, perdue à jamais : ce qui fut ta joie et ton délice n’est plus pour toi qu’un mortel désespoir qu’on ne peut comparer qu’à l’absence qui le cause — quoi ! […] On n’y entend que des cris de joie, des gazouillements et des ramages inconnus de quelques oiseaux des terres australes, que répètent au loin les échos de ces forêts. […] C’est ma joie maintenant d’éprouver ce premier frisson.
Elle a d’ailleurs de quoi se satisfaire en elle-même, et je ne me rappelle pas qu’aucun Platon, aucun Descartes, aucun Spinosa ait rêvé d’échanger les joies pures de la spéculation contre les voluptés, si grandes, à ce qu’il paraît, de l’action, mais toujours si troubles et si courtes ! […] ou si c’est qu’il venait alors d’épouser son Armande, et que tout lui riait dans ce mariage dont il devait bientôt payer si cher les courtes joies ? […] Quoi, Céphise, j’irai voir expirer encor Ce fils, ma seule joie, et l’image d’Hector ; Ce fils, que de sa flamme il me laissa pour gage. […] Voulez-vous maintenant de la couleur, la joie des yeux après le plaisir de l’oreille, et la peinture avec la sculpture ? […] Mais, romantique ou bourgeois, ni même naturaliste, ce que le drame ne nous rendra jamais, ce sont les joies nobles, les joies pures, les joies claires et sereines, si je puis ainsi dire, que nous devons à la tragédie.
Demandez-lui le sacrifice de ses repas, de ses jours de congé, de ses nuits, elle les accorde, elle les prodigue avec joie ; mais ses heures de classe, elle n’y touche jamais.
On peut se fier à La Mennais pour que la sérénité et la joie en lui ou autour de lui ne soient pas de longue durée.
Je trouve sur la même liste Jean-Jacques Rousseau pour ses Confessions, une œuvre de courage, où se mêle sans doute une veine de folie ou de misanthropie bizarre, mais production à jamais chère à la classe moyenne et au peuple, dont elle a osé représenter pour la première fois les misères, les durs commencements, les mœurs habituelles, les désirs et les rêves de bonheur, les joies simples, les promenades au sein de la nature, sans en séparer jamais l’espérance en Dieu ; car, à celui-là, vous ne lui refuserez pas, je le pense, de croire en Dieu, d’y croire à sa manière, qui.à l’heure qu’il est, est celle de bien des gens.
Ces Psaumes sont le vocabulaire universel des joies ou des douleurs de l’homme.
Si, dans l’avenir, en France, ressurgit une religion, ce sera l’amplification à mille joies de l’instinct de ciel en chacun ; plutôt qu’une autre menace, réduire ce jet au niveau élémentaire de la politique.
En face de ce beau lac de Genève, de ce paysage la joie des yeux, Calvin est insensible.
Enfin, cette « joie secrète » qu’il a sentie, disait-il, « toutes les fois qu’on a fait quelque règlement qui allait au bien commun », il l’inspire à ceux qui lisent son livre, et il donne à chacun le désir de contribuer pour sa part au bien de tous.
Mais une fois que Rousseau, dans l’Emile et dans ses Confessions, a su tantôt montrer l’épanouissement progressif de cette fleur délicate qui s’appelle un enfant, tantôt rajeunir ces souvenirs du premier âge qui gardent pour la plupart d’entre nous la fraîcheur d’une matinée de printemps, c’est à qui s’avisera de regarder et de saisir sur le vif les joies et les douleurs naïves, les drames, les méfaits, les prouesses, les mille et une expériences de la vie enfantine.
Les philosophes, s’ils n’ont pas été des époux sans défaut et des rivaux sans jalousie, ont enveloppé tous les êtres souffrants d’une sympathie large et active ; ils ont compati à toutes les misères, dénoncé toutes les injustices, salué de cris de joie tout progrès de la société vers un état meilleur.
Le bâtard reste un étranger chez les siens, et avec joie, et avec orgueil ; car, par cette abnégation généreuse, le voile qui couvre l’honneur de sa mère ne sera pas soulevé.
Dans le moment il n’éprouva qu’une joie furieuse et délirante.
Écoutons l’aveu naïf de ce glorieux humilié : Je me jetai donc ce jour-là aux pieds du roi, qui me reçut si bien, que ma tendresse pour lui me serra le cœur au point de ne parler et de n’exprimer ma joie et ma reconnaissance que par mes larmes.
Saint-Mauris y consentit, et, durant cette soirée à laquelle il assistait, il ne cessa de regarder Mirabeau et la marquise avec une joie maligne.
Pour lui, il ne fera point ainsi : tout résolu qu’il était d’abord à ne point sortir de son obscurité, à ne point faire entendre sa voix inconnue au milieu de cette confusion de clameurs, il a pensé qu’il fallait triompher de ces réserves d’amour-propre plutôt encore que de modestie, et payer, coûte que coûte, son tribut pour le salut commun : J’ai de plus, ajoute-t-il, goûté quelque joie à mériter l’estime des gens de bien en m’offrant à la haine et aux injures de cet amas de brouillons corrupteurs que j’ai démasqués.
Maintenant, charmant de simplicité, sans tyrannie en voyage, et gai de la joie d’un collégien en vacance, et charmeur à la fois autant par les grandes idées qu’il remue, que par la grâce ingénue de sa plaisanterie et de ses imitations naïvement maladroites de la pratique de M.
Elle a ses soucis, ses fatigues, ses bruyants et âcres plaisirs, qui affadissent les joies austères de la pensée ; elle a enfin contre elle le fléau commun de toutes les puissances, les flatteurs.
Si tu les avais vus pendant l’attaque de l’autre jour, c’étaient d’autres hommes ; on voyait dans leurs yeux de la joie et presque de l’enthousiasme, et je t’assure qu’ils ne songeaient plus alors à se plaindre de la longueur de la guerre, mais que tous se laissaient prendre à l’intérêt passionné de la grande partie qui se joue.
Et puis c’est une joie de penser que nous nous battons pour tous ces petits qui auront une vie tranquille et libre.
Quand il voit s’en aller Louis XI, au cours de son récit, il s’arrête longtemps sur ce qu’il vient d’écrire, comme sur une tombe, et il se demande, non pas ce qui reste de tant de labeurs et de succès, mais, bourgeoisement et bonnement, en quoi le pauvre souverain eh a joui pendant sa vie même, et de quoi d’ailleurs il a pu jouir. « Or donc en quel temps pourrait-on dire qu’il eut joie ni plaisir à avoir eu toutes ces choses ? […] Voilà nos gens rejoints, et avec joie ; car François Ier n’avait pas cessé de chérir son gentil poète. […] Il croit fermement que l’homme, à la condition de savoir beaucoup de faits et de prendre à cet exercice un esprit juste, a en lui de quoi se conduire, de quoi bien vivre, et de quoi bien mourir, en sérénité et en joie, et sans secours religieux, chose à noter, comme a fait le bon poète Raminagrobis. […] Dieu a affolé la sagesse humaine pour confondre la gloire des sages. » Il ne suffit pas de concevoir l’infini, et de tirer de cette pensée la conviction que nons ne sommes pas libres ; il faut s’y perdre avec joie et sentir alors qu’on n’est que goutte d’eau dans l’océan, et cette sensation devient aussi habituelle en nous que l’était celle de tou. à l’heure qui nous persuadait que nous étions une force. […] Bossuet, comme toujours, a tout dit d’un seul mot : C’est un style « triste. » C’est un style qui n’a ni la joie d’une passion douce qui s’épanche, ni celle d’une imagination qui se donne carrière et qui s’espace. « Ceux qui écrivent par humeur », dit La Bruyère, ont un style tantôt, bon, tantôt mauvais, mais du moins original.
Les dénouements des deux pièces sont fort beaux, avec leur large ouverture sur la réalité, sur l’implacable marche de la vie, allant son train au-delà des tristesses et des joies de chaque jour. […] Il admettait l’époque actuelle, il se flattait d’en connaître et d’en comprendre toutes les productions ; mais son tempérament l’emportait, il retournait en arrière et vivait plus à l’aise, avec des joies mélancoliques, dans ses souvenirs d’érudit et de lettré. […] L’écrivain n’a alors rien du savant, passionné pour la vérité, mettant sa joie dans des découvertes. […] Ce grand Paris immobile et indifférent qui était toujours dans le cadre de ma fenêtre, me semblait comme le témoin muet, comme le confident tragique de mes joies et de mes tristesses. […] Cette joie rare, je viens de l’éprouver, en lisant La Dévouée de M.
Ce m’est une joie douce, et que la jeune critique me donne souvent, de trouver dans un feuilleton sur tel ou tel chef-d’œuvre de Corneille une observation hardie, dont l’auteur s’excuse comme d’une nouveauté, qu’il trouve lui-même un peu opinion de blasé et éminemment « fin de siècle », et qui est du d’Aubignac sans le savoir. […] Car souvent, je songeais À ceux qui du malheur portent l’injuste faix, Dont le front sous le joug de la misère ploie Et qui meurent n’ayant jamais connu la joie. […] C’est une pièce où, tout simplement, Musset a pris le personnage de « l’abbé » de Il ne faut jurer de rien, et où Mme de Girardin a pris le sujet de La joie fait peur. […] Et le bon parrain a la joie de pouvoir dire à sa filleule : « Il y a maldonne », en style de joueur, ou : « au temps ! […] Scribe sort très grandi du livre de M. des Granges, et ce livre aurait fait nager dans la joie l’oncle Sarcey.
Pour éclaircir cette question, il convient d’examiner à ce point de vue deux œuvres dramatiques dans lesquelles les émotions de tristesse ou de joie sont précisément fondées, dans l’une, sur des causes subjectives, dans l’autre, sur des causes objectives. […] Mais, dans les belles œuvres, ces deux commotions du pathétique et du beau se résolvent enfin en une seule, qui se fait sentir, en général, au quatrième acte, après lequel il ne reste plus au poète qu’à apaiser l’émotion soulevée dans l’âme du spectateur, à ramener l’équilibre dans son esprit, et à lui laisser du spectacle tragique une impression complète en soi, dont le souvenir est destiné à s’associer avec une idée de plaisir organique et de joie morale. […] On ferait également de semblables remarques au sujet de l’expression de la joie, où l’image générale suffit, sans qu’on y ajoute les images disgracieuses qui déparent souvent les plus jolis visages. […] Quant aux personnages, lorsque la situation détermine en eux l’apparition d’un sentiment de tristesse ou de joie, le chant qui succède chez eux au langage parlé donne à leur voix une qualité musicale corrélative de nos sentiments, et ajoute à la valeur de l’idée, exprimée par le couplet, l’expression intense qu’un genre aussi léger ne comporterait pas et que la musique ajoute sans transition, sans effort, par l’effet seul de sa puissance propre. […] Dès que l’action dramatique éveille en nous la sympathie que nous ressentons pour toute douleur ou toute joie, le décor échappe rapidement à notre attention, et la mise en scène disparaît à nos yeux.
Ajoutez que la nation était un peu de l’avis des docteurs. « Nous avons percé la nue des cris de Vive le Roi, dit Mme de Sévigné ; nous avons fait des feux de joie et chanté le Te Deum de ce que Sa Majesté a bien voulu accepter notre argent. » Ainsi tous conspirent à sacrifier leurs intérêts et à diviniser les siens. […] Dans cette admirable pensée, Voyant son maître en joie, il s’en vient lourdement, Lève une corne tout usée, La lui porte au menton fort amoureusement, Non sans accompagner, pour plus grand ornement, De son chant gracieux cette action hardie.
. — Mais le soleil brillant les redresse, — et elles s’ouvrent par rangées sous son doux passage. » Ainsi tout d’un coup son cœur s’épanouit de joie. […] Elle est rare dans les littératures du Midi ; les Italiens, au moyen âge, faisaient une vertu de « la joie », et vous voyez que ce monde chevaleresque, tel qu’il a été inventé par la France, élargit la morale jusqu’à la confondre avec le plaisir.
« Il fut alors convaincu, dit un grand prédicateur, qu’il y avait quelque chose de nouveau sous le soleil ; et parce qu’il avait un cœur droit, il vit avec joie un plus fort que lui, selon les termes de l’Ecriture, sur le théâtre du monde, obscurcissant tous les héros, et lui causant à lui-même de l’étonnement184. » A l’exemple de Condé, qui avait fait la guerre pour son compte, deux hommes qui l’avaient faite, l’un pour le compte de la Fronde, l’autre pour une femme, Turenne et La Rochefoucauld s’empressèrent de désarmer, et de faire oublier au roi leurs torts envers l’Enfant royal. […] La conquête de la Flandre, le passage du Rhin, la prise de la Franche-Comté en plein hiver, malgré la triple alliance de la Suède, de l’Angleterre et de la Hollande ; plus tard, la Hollande envahie, la Franche-Comté reconquise après avoir été perdue, et, pour cette fois, réunie définitivement à la France ; l’Alsace devenant française ; Strasbourg échangeant avec joie son titre de ville libre contre celui de ville de France ; les deux paix glorieuses d’Aix-la-Chapelle et de Nimègue, pendant lesquelles la marine, le commerce, les manufactures, les lettres et les arts prospéraient, comme à l’envi, sous l’influence d’un roi qui avait toutes les grandes vues : telle est la matière de nos annales, de 1660 à 1683, pendant plus de vingt années, les plus belles d’un règne qui devait en compter soixante-douze.
Qui prêche le laissez faire du combat pour la vie, sinon vos économistes d’Académie, vos prôneurs de joies célestes. […] Essayons-le cependant et faisons d’abord observer au docteur Clémenceau que nous n’avons pas dit un seul mot, dans tout ce qui précède, pour « prôner les joies célestes », ni même pour défendre les « économistes d’Académie » qu’aussi bien nous n’avons pas en charge.
Partout où il l’a rencontrée après l’avoir cherchée et découverte, il a proclamé la joie dont elle l’emplissait. […] Quand pourrai-je, loin de mes moroses pensées, promener au soleil toute joie, et dans l’oubli d’hier, et de tant de religions inutiles, embrasser le bonheur qui viendra 39, etc. […] Consciemment ou non, ils montraient l’impression d’une influence particulièrement déterminée et lorsque nous avons au passage noté des phrases telles que celle-ci : « Que les Kikouyous appellent la voie lactée liane du ciel, et la joie clair-de-lune-du-cœur, Céline s’en étonne, et désire vivre dans ce pays 67 » ou comme celle-là : « Lorsque l’on est logée comme vous, et tant de beau linge à son lit, je vous jure qu’il vaut mieux avoir lu Homère et s’en souvenir un peu 68 » des vers comme ceux que voici : Le haut bûcher de mon délire où le dressera-t-on ? […] Mais peut-être qu’à d’autres yeux l’autre côté déploie le rêve et les fleurs de la joie d’un dessin merveilleux.
Jamais, depuis que Paris est Paris, Paris n’a eu un pareil jour de l’an, et malgré cela, ce soir, la saoulerie jette dans les rues sa bestiale joie. […] Cent maisons brûlent à Saint-Cloud : le feu de joie que se payent les Prussiens pour leur triomphe ! […] J’étudie la physionomie des gens, qui est comme le baromètre des événements dans les révolutions ; j’y trouve comme un contentement caché, une joie sournoise. […] » montent les grandes ondes tragiquement sonores du tocsin, qui se met à sonner à toutes les églises — bruit lugubre qui me remplit de joie, et sonne pour Paris l’agonie de l’odieuse tyrannie.
On savoure âprement la joie d’avoir bien rempli son métier d’homme ; et la rude existence paraît désormais facile. […] Les grands théologiens, qui ont définitivement modelé le dogme, ces héritiers de la théologie chrétienne et de la métaphysique néoplatonicienne, ont repoussé dans l’ombre les joies sensibles et proposé à leurs fidèles, comme prix suprême de leurs efforts, la vision béatifique. […] Peut-être ; à moins que son ravissement ne vînt de ce qu’il l’entendait pour la dernière fois, ou qu’il se payât le plaisir, en ayant l’air ravi, d’inquiéter son monde tout à la joie de ce départ. […] Shelley, qui lui devait le meilleur et le pire de sa substance intellectuelle, apprit tout à coup qu’il n’était pas mort, et, dans une lettre naïve, il lui en exprima son étonnement et sa joie. […] » Seulement il a laissé de côté, tout comme l’eût fait un poète du xviie siècle, — hormis peut-être La Fontaine, — ce rire du patriarche qui, signe de joie ou d’incrédulité, n’eût pas paru convenable en présence du Seigneur.
Il y volait dans l’air d’heureux hémistiches, qu’il attrapait, disait-il, comme des mouches : « J’ai encore dans la tête des formes, des couleurs, des idées poétiques, originales, bizarres, flottantes, qui sont comme les rats de mon grenier, et les grains qui nous nourrissent. » « J’ai beaucoup d’idées assez singulières qui me roulent dans la tête et qui ne laissent pas que d’occuper encore mon cœur et mon imagination… Qu’on m’ôte la liberté et la joie de mon cœur, et l’on a coupé sur ma tête le cheveu fatal, et je suis un pauvre homme qui se meurt. » Ainsi parlait à toute heure ce beau vieillard reverdissant.
Ces fatigues de courses aux frontières du Maroc et dans le désert mettaient sur les dents plus d’un compagnon de voyage, mais laissaient Horace frais et dispos presque comme auparavant : « Quant à moi, la lame du fleuret est toujours droite et ne se rouille pas. » C’était vrai encore, et pourtant on peut prévoir que le terme de la joie approche ; on est aux dernières belles heures de l’après-midi.
Les Regrets, dans l’œuvre de Du Bellay, si on les compare surtout à ses précédentes poésies à demi allégoriques et fictives de l’Olive, justifient tout à fait ces paroles de Goethe à Eckermann, qui sont un article essentiel de la poétique moderne : « Tous les petits sujets qui se présentent, rendez-les chaque jour dans leur fraîcheur ; ainsi vous ferez de toute manière quelque chose de bon, et chaque jour vous apportera une joie… Toutes mes poésies sont des poésies de circonstance : elles sont sorties de la réalité, et elles y trouvent leur fonds et leur appui.
Il la suivait, cette Sylphide, par les prairies, sous les chênes du grand mail, sur l’étang monotone où il restait bercé durant des heures ; il lui associait l’idée de la gloire. « Elle était pour lui la vertu lorsqu’elle accomplit les plus nobles sacrifices ; le génie, lorsqu’il enfante la pensée la plus rare. » Il y a à travers cela d’impétueux accents sur le désir de mourir, de passer inconnu sous la fraîcheur du matin. « L’idée de n’être plus, s’écrie-t-il, me saisissait le cœur à la façon d’une joie subite ; dans les erreurs qui ont égaré ma jeunesse, j’ai souvent souhaité de ne pas survivre à l’instant du bonheur.
Tant que François Ier fut prisonnier en Espagne, il composa incontestablement sans secours et sans aide de longues épîtres non moins ennuyeuses qu’ennuyées ; à sa rentrée en France, ses vers prirent plus de vivacité, et la joie du retour, sans doute aussi le voisinage des bons poëtes, l’inspira mieux.
Dans la vision poétique, au contraire, il y a joie ; c’est quelque chose qui entre en vous.
Allez, et revenez dans cinq ou six jours. » La reconnaissance est la vertu des malheureux, parce qu’ils savent l’amertume des pleurs et la joie de les essuyer.
Ce n’en est pas moins un travers plus inexcusable, de ne rien omettre et de ne rien voiler ; d’amener devant nous des filles de joie pour découvrir des complots, de nous introduire en un mauvais lieu, où un ambassadeur, dans l’ivresse des plus honteux plaisirs, trahira les secrets du roi son maître.
De Racine date l’empire de la femme dans la littérature : et cela correspond au moment où tous les instincts violents, ambitieux, qui jetaient les hommes dans l’action politique et militaire, s’apaisent dans la vie de société, où la femme y devient souveraine sans partage, où d’elle va partir tout honneur, tout mérite et toute joie.
Mais je ne serais pas le réactionnaire que je suis si je ne ressentais une très vive joie à voir soutenir de pareilles théories par les représentants officiels de ce régime.
Il ne s’agit pas de s’amuser en ce monde ; la joie et le rire sont, comme la santé, méprisés du décadent.
Les joies de l’art sont rares et austères ; ce n’est que le plus noble de tous les travaux imposés à la race d’Adam.
Et ce qui fait l’originalité de ce siècle d’érudits, c’est que leur curiosité est animée, intelligente, enthousiaste, et que ces conquérants qui, sur l’invitation de Du Bellay, mettent au pillage les deux antiquités, témoignent leur joie ou leur surprise à la vue de tant de richesses, avec une naïveté et une vivacité admirables.
Il connaît nos plus secrets, nos plus immuables instincts ; il sait ce que nous pouvons porter de joie et de peine.
Quel tableau que celui de ces espérances détruites par la mort du prince ; de ce règne dévoré d’avance ; de ces dettes contractées sur une succession qui ne doit pas s’ouvrir ; de ce deuil extérieur de tous, qui cache tant de pensées diverses et la profonde joie de quelques-uns ; de ce vieux roi qui pleure à la porte de son fils !
Je serais désolé de traverser une de ces périodes d’affaiblissement où l’homme qui a eu de la force et de la vertu n’est plus que l’ombre et la ruine de lui-même, et souvent, à la grande joie des sots, s’occupe à détruire la vie qu’il avait laborieusement édifiée.
Puis47, l’âme ayant connu future la damnation : se racheter, se sauver, retrouver la première joie du repos, et la paix du non-désir ; donc agir et souffrir, agir et s’inquiéter, agir et préparer, convoiter, humilier, être humilié, être et faire misérable, souffrir ; hélas !
Et l’on n’est pas dédommagé des tortures qu’il vous cause par la joie que pourrait faire éprouver la représentation exacte de la nature humaine, des caractères humains ; non, tout au contraire, la nature et la vérité sont absentes de ces pages.
Le Destin a vite fait son œuvre : un Messager accourt bientôt des remparts, rapportant une double nouvelle de deuil et de joie.
Aussi le jour où il perdra toutes ses pensions dans la ruine de l’Ancien Régime, sa passion l’emportant sur son intérêt, il bondira de joie, il se sentira soulagé et délivré.
Chopin était inconscient du jeu mécanique de ses muscles, et même du jeu de ces muscles intérieurs qui sont le raisonnement et le calcul ; était-il pour cela inconscient de ces joies ou de ces souffrances intérieures, de ces intuitions du génie où vient se concentrer tout un monde ?
C’est, quand elle est dans la chambre, une grosse joie et des embrassades de campagne.
Ils prirent à témoin de leur joie éphémère Un ciel toujours voilé qui change à tout moment, Et des astres sans nom, que leur propre lumière Dévore incessamment.
Mais la vertu n’aura pas cette aubaine et cette joie.
Ils se disent adieu dans une dernière poignée de mains, tandis que la sœur aînée, après avoir un moment essayé de forcer sa nature en cherchant auprès d’un homme du monde et d’un artiste les bénéfices et les élégances du vice entretenu, se lasse des contraintes qu’il lui faut s’imposer dans une vie sociale plus relevée, revient aux amans de sa classe et retourne avec joie au ruisseau qui, bien décidément, est sa vraie patrie.
Il faut que les hommes de son temps, résumé de tous les hommes disparus, le remplissent en quelque sorte de leurs idées, de leurs sentiments, de leurs joies, de leurs angoisses ; il faut qu’il porte en lui, comme un héritage sacré, le cœur inquiet de l’humanité, Mais pour donner une forme à ce monde toujours changeant, il faut qu’il le passe au creuset de sa propre douleur.
Depuis que ce monde enchanté de l’histoire et de l’art grecs a été ouvert à l’esprit des nations modernes, il est impossible d’en arracher les penseurs et les artistes ; l’humanité y reviendra toujours comme on revient aux souvenirs de beauté, d’héroïsme et de joie qui s’attachent aux saisons vigoureuses de la jeunesse. […] Nous éprouvons devant elle une entière satisfaction, une joie calme et profonde ; et c’est alors, et alors seulement, que l’art nous arrache à la terre et nous transporte au sein des félicités olympiennes, dans ce monde où la passion n’entre pas et qu’habite seule l’auguste raison.
Il fut de ceux qui apprennent à désespérer avec énergie et avec calme, et certes il enseignait le courage ; mais sans rien de ce sourire, où entrent de la confiance et quelque joie, avec lequel les énergiques disent : « Courage ! […] Ils sont religieux : il suffît, il sera toute sa vie en ébullition contre les prêtres ; ils sont aristocrates : aristocrate lui-même d’instinct, il se maudira mille fois de ce penchant honteux ; ils pleurent, en 1793, sur la mort de Louis XVI : il assure que dès cette époque, âgé de dix ans, cette nouvelle l’a fait bondir de joie. — Ainsi de tout ; et ce ne serait point exagérer beaucoup que d’affirmer que toute sa vie, pour savoir ce qu’il devait penser ou sentir, il se demandait à chaque fois : « Qu’aurait dit de cela mon père ou ma tante ? […] C’est le genre d’énergie qu’adore Stendhal. « L’énergie du moyen âge », les crimes furieux du xive siècle, la soif délirante de vengeance tout à coup s’épanchant avec ivresse, le sang qui monte au cerveau et qui force à tuer avec un accès sauvage de joie folle, voilà l’énergie dont Stendhal cite cent exemples avec complaisance, et en s’écriant : « Il n’y a plus d’énergie en Europe depuis le xve siècle. » A cet égard, le xive lui semble déjà une décadence, le temps de Napoléon une pâle et courte renaissance. […] L’esprit de Proudhon est si vif et le jeu des idées est pour lui si captivant que l’antinomie lui est un plaisir, une joie violente et un peu âpre, une ivresse de prestidigitateur passionné. […] Par-dessous et comme au fond deux instincts essentiels : le scepticisme qui proteste et la joie de comprendre qui semble frémir ; mais le plus profond encore de tous ces sentiments, c’est bien le scepticisme, la conviction sceptique, si je puis dire, cette pensée qui de plus en plus s’accuse, se fortifie, néglige de se cacher, s’affirme après s’être insinuée, éclate enfin dans la conclusion, que l’homme n’est point fait pour s’enfoncer dans ces ténèbres, ou, ce qui est même chose, dans ces lumières, trop vives pour lui, qui l’éblouissent.
Dans Candide surtout, la joie de l’auteur est barbare et son rire diabolique ; c’est un esprit infernal qui semble jouir des maux de l’humanité. […] Revenue à la maison, elle insulte le peuple, le sénat, sa patrie, son père, tout l’univers : dans un transport de joie que lui cause une fausse nouvelle, elle devient insolente au point d’oser s’écrier : Oppresseurs de Tancrède, ennemis citoyens, Soyez tous à ses pieds, il va tomber aux miens. […] Quelle joie pour Voltaire de voir dans les chefs de l’Église romaine ce goût pour des frivolités profanes, cet esprit d’erreur et de vertige, avant-coureur des fléaux qui menaçaient la religion ! […] Je sais bien qu’on ne fait aucun cas de la vertu, des mœurs ; que c’est même un pédantisme trivial d’en parler aujourd’hui, je le sais ; mais je sais aussi que la morale est tellement liée à la politique, que la corruption portée au dernier degré produit l’anarchie, le bouleversement des fortunes, et par conséquent détruit la joie et les plaisirs.
Tout les fera souffrir, même ce qui donne aux autres le bonheur et la joie. […] Ces épisodes nous représentent : l’un, les joies de la vertu triomphante ; l’autre, les crimes et les noirceurs de la passion coupable. […] Il y a surtout un trait pris dans le vif de la nature féminine : ce sont les transports de sa joie et les vivacités de son amitié reconnaissante pour Sibylle. […] Cette énigme a un double caractère ; elle est douloureuse, elle est souriante, et de ce contraste il se dégage une expression bizarrement pathétique, formée également de joie et de souffrance, de bonheur et de tristesse. […] Le poète de nos âges d’extrême civilisation, guidé et soutenu par la critique, est tout semblable à ces personnages de Léonard de Vinci qui ont eu la joie de retrouver la nature, abolie en eux par une vie sociale raffinée.
Est-ce enfin la fausse sensibilité, la prétentieuse élégance, le pathos obligé de cet essaim de jeunes poètes qui exploitent le genre rêveur, les mystères de l’âme, et qui, bien nourris, bien rentés, ne cessent de chanter les misères humaines et les joies de la mort ? […] Avec quelle joie nous aurions ri de la sotte vanité des princes de l’Empire23 !
Lecture suivie de la lecture d’un article du Gaulois, qui imprime en tête du journal, un appel aux républicains à resiffler ce soir, notre pièce : appel signé Charles Dupuy, l’un des signataires du manifeste, du 7 décembre 1865, dans lequel ce lettré sévère, s’exprime dans cette étonnante prose : « Nous savons chiffonner d’une main osseuse la guimpe des vieilles Muses, et nous accrocher, quand nous voulons rire, à la queue des lourds satyres, amoureux de la joie et de la folie. […] Dimanche 1er novembre Ce dimanche, l’escalier de ma maison est tout fleuri de chrysanthèmes du Japon, que j’ai été conquérir jeudi, à Versailles, par une pluie battante : une vraie joie pour les yeux d’un artiste.
« Qu’ils entrent dans ma joie, et goûtent mes louanges ; ……………………………………………………….. […] » et il frappait le pavé du bâton pour exprimer sa joie. […] ce noir abîma de mon crime, Dieu de terreur et Dieu de sainteté, Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur, Toutes mes peurs, toutes mes ignorances, Vous, Dieu de paix, de joie et de bonheur, Vous connaissez tout cela, tout cela, Et que je suis plus pauvre que personne. […] Les joies que l’on y a goûtées, les visages riants des membres de la famille, le geste du père qui donne la bénédiction, tout cela reste gravé dans l’esprit. […] Et son dernier livre, je veux dire, son premier, qui a été publié récemment, l’Avenir de la science, livre admirable de puissance, d’abondant enthousiasme, quelle joie d’y voir la physionomie avec toute cette précision que le frottement de la vie efface de si bonne heure !
Magnin, qui d’habitude avait besoin d’écrire à tête reposée, était au fond de l’imprimerie du Globe, voisine du Théâtre-Français ; nous étions venus là, plusieurs, au sortir du spectacle : on discutait, on admirait, on faisait des réserves ; il y avait, dans la joie même du triomphe, bien du mélange et quelque étonnement.
Villemain, professeur, a toujours aimé toucher vers la fin du discours, comme on arrivait avec joie près du temple de Delphes, sur ce terrain sacré où cessaient les guerres.
Ce que nous promet de joie, Le meilleur jour achevé !
On a l’épilogue de l’Hermès presque achevé : toute la pensée philosophique d’André s’y résume et s’y exhale avec ferveur : Ô mon fils, mon Hermès, ma plus belle espérance ; Ô fruit des longs travaux de ma persévérance, Toi, l’objet le plus cher des veilles de dix ans, Qui m’as coûté des soins et si doux et si lents ; Confident de ma joie et remède à mes peines ; Sur les lointaines mers, sur les terres lointaines, Compagnon bien-aimé de mes pas incertains, Ô mon fils, aujourd’hui quels seront tes destins ?
Ensuite ses courtisans coururent aux temples, et, l’exemple une fois donné, les villes voisines de la Campanie attestèrent à l’envi leur joie par des adresses à l’empereur, et par des victimes immolées en actions de grâces aux Dieux.
Souberbielle, qui demeurait presque invisible dans le quartier de la place Royale, avec une vieille servante, me recevait au chevet de son lit avec une joie mal déguisée, comme un mourant reçoit un légataire pour lui confier avant la mort ses chers souvenirs.
On murmure à voix basse que la beauté, le talent, la célébrité d’une femme d’exception, qui cache son nom comme il convient aux femmes de porter un voile dans la foule, ou aux Clorindes de revêtir une armure d’homme en combattant ; on murmure, disons-nous, que l’attrait d’esprit, le nom voilé, les éclats de célébrité de cette personne, ont fasciné d’un éblouissement désintéressé les yeux et l’âme de ce Platon de la solitude ; que, semblable à ces chevaliers dont la race et le sang coulent dans ses veines, il a senti le besoin de porter dans le cloître ou dans les combats une dame de ses pensées, et qu’il lui a voué ce qu’on appelle un culte, un servage, une foi chevaleresque, épurée de tout, hors de la joie de se dévouer !
Le billet de vous que j’ai trouvé ici en arrivant m’a fait voir que la joie d’Amélie vous faisait une sorte de plaisir, et que vous repreniez un peu à la justice et à l’espérance.
Dans un poëme allégorique que Bertaut fit à l’occasion de sa mort, la France, étant allée se plaindre à Jupiter du malheur de Pavie, le dieu, qui dînait chez Thétis, sous un roc, près de Toulon, la console par ces mots : Cependant, pour montrer qu’ici-bas je n’envoie Nulle pure douleur ni nulle pure joie, Sache que ce mesme an qui maintenant escrit D’un encre si sanglant son nom en ton esprit, Ce mesme an qui te semble à bon droit deplorable, Te sera quelque jour doucement mémorable, D’autant que dans le sein du terroir vendosmois Avant que par le ciel se soient tournés sept mois, Un enfant te naistra, dont la plume latine Egalera ta gloire la gloire divine.
Nous savons désormais que, si la nature dans son ensemble voit passer avec indifférence nos joies et nos chagrins, en revanche, les êtres dont elle est formée luttent, peinent, triomphent et meurent comme nous-mêmes et nous sont dès lors rattachés par un lien de sympathie et de solidarité.
Tandis que sa pauvre mère l’embrasse, en pleurant de joie et d’orgueil, maître Guérin l’accueille avec une rudesse goguenarde où perce une pointe d’ironie.
Au premier acte, il parle, à son ami Hippolyte Richond, de sa liaison avec la baronne comme d’une charmante bonne fortune qui ne lui donne que des joies, fleur sans épines de l’amour facile. « Elle est libre, elle se prétend veuve, elle n’a plus vingt ans, elle se met à merveille, elle a de l’esprit, elle sait conserver les apparences : pas de danger dans le présent, pas de chagrins dans l’avenir, car elle est de celles qui prévoient toutes les éventualités d’une liaison, et qui mènent, en souriant, avec des phrases toutes faites, leur amour de convention jusqu’au relais où il changera de chevaux.
Et, dans la préoccupation de ses pensées, tout le monde boit du champagne, et Daudet, comme tout le monde, et bientôt dans une légère excitation, le voilà laissant éclater une vraie joie de gamin, d’avoir fait entendre à Paris, sa tirade sur les antiques familles princières, et d’avoir montré un Bourbon courant après un omnibus — détail qui lui avait été donné par le duc Decazes.
L’imitation fait le reste : celui qui ne peut créer partage à demi, en imitant le créateur, les joies de la création.
Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux, Sur des fronts abattus, mon aspect dans ces lieux Ranime presque de la joie.
De cette puissante voix qui se fait entendre tout à la fois dans vos ouvrages, dans les journaux, dans les salons vous avez dit : « L’art dramatique n’est point connu en France, nos prédécesseurs n’y entendaient rien, nos pères ont eu tort de rire, ou d’éprouver de vives émotions à la représentation de leurs anciens ouvrages, il n’y a de vrai beau que la nature, moi seul je ferai connaître aux Français le vrai beau. » À ces paroles mémorables cent novateurs ont répondu par des cris de joie ; vous êtes tout à coup devenu leur prophète, leur Dieu ; vous avez parlé, ils vous ont écouté avec respect ; vous avez prêché votre loi, ils ont suivi vos préceptes ; vous avez ordonné des chefs-d’œuvre, ils ont travaillé ; enfin vous avez opéré vos miracles, et les théâtres sont tombés.
Tout ce qui naît de doux en l’amoureux empire, Quand d’une égale ardeur l’un pour l’autre on soupire, Et que, de la contrainte ayant banni les lois, On se peut assurer au silence des bois, Jours devenus moments, moments filés de soie, Agréables soupirs, pleurs enfants de la joie, Vœux, serments et regards, transports, ravissements, Mélange dont se fait le bonheur des amants, Tout par ce couple heureux fut lors mis en usage.
Fait pour chanter la guerre, l’héroïsme, la foi, toutes les forces, que ne nous donna-t-il cette joie de le voir rentrer dans la vérité de son génie !
Nous lui ferons l’effet de n’être pas, à ce jeune homme d’un relief immense… Il est tout cela, et il devrait en avoir l’orgueil, et la joie, et l’audace ; lui qui a l’audace des œuvres et du mot comme jamais homme ne l’eut avant lui, ni réaliste, ni brutaliste !
C’était l’expression des émotions les plus vives de la terreur ou de la joie.
J’imagine que dans la joie d’être père, le sentiment de cette victoire de la vie entre pour une proportion très considérable ; la vue d’un garçon continuant notre nom, qu’il transmettra sans doute à des fils et à des petits-fils, nous donne l’illusion d’une durée éternelle, tandis que la grimace qui accueille les filles a pour cause la connaissance du rôle effacé qui les attend et de l’aliénabilité du nom avec lequel elles naissent. […] On assure, et je le crois sans difficulté, que les parents sont plus heureux des joies, plus fiers des succès de leurs fils que de leurs propres joies et de leurs succès personnels ; ou plutôt, pour parler un langage autrement juste et vrai, ils ne connaissent bientôt plus d’autres bonheurs ni d’autres triomphes que ceux de leurs enfants. […] C’est chez l’un et chez les autres le même élan vers une vie inconnue, le même dédain de ce qui passe, la même horreur du néant, la même faculté d’abstraction, de contemplation et d’extase, les mêmes joies exquises, incompréhensibles au vulgaire, enfin le même égoïsme outrecuidant de l’individu si cher et si solide à ses propres yeux que, loin de se sentir dans l’univers une ombre insignifiante, il fait le rêve, au jour où l’univers périra, d’assister en spectateur à sa ruine, dans la paix et la gloire de la Divinité. […] Ce n’est pas la pensée seulement qu’il s’agit de répandre et de faire durer par la forme, c’est la personne même, c’est l’âme, qui espère subsister en quelque manière avec son œuvre, dans son œuvre, et savourer sans fin la joie de son triomphe. […] Si Mme de Grignan était restée près de sa mère, pour la plus grande joie de celle-ci, Mme de Sévigné, littérairement, ne serait pas ou existerait à peine.
Paléologue, « dans l’abdication de tout espoir et de toute joie un principe secret de renaissance et de suprême enchantement… » Je voudrais cependant que ces termes fussent un peu moins vagues… C’est ici qu’à la place de M. […] Cependant, à travers l’espace infini, tandis que Faustus et Stella s’enivrent de la joie de vivre, des « voix de la Terre » montent confusément. […] Je n’ai fait qu’aimer et sentir, Mais sans pouvoir anéantir Ma pensée et sa vieille attache ; Il couve en ma joie un tourment, Car sous l’objet le plus charmant, Je veux savoir ce qu’il me cache. […] Mais « ils n’ont pas sondé tout l’océan dans l’âme » ; ou plutôt, ils n’ont connu de l’âme que ce qu’elle en laisse voir, ce qu’elle met ou ce qu’elle trahit d’elle-même dans ses actes extérieurs, les chagrins qu’elle ose avouer, qui ne sont pas toujours les plus profonds ni surtout les plus durables ; les joies dont elle séparé ; et, heureuses ou malheureuses, les passions dont elle se fait gloire. […] Là, également, est l’explication de la joie presque sauvage avec laquelle nos symbolistes célèbrent, comme ils disent, « les funérailles du Parnasse contemporain ».
Je me crois dans les bosquets de Clarens, je lis le volume d’une halcine, & quand j’apprends qu’il y en a six, mon cœur palpite de joie & de plaisir, & je voudrois pouvoir prolonger à l’infini cette délicieuse lecture. […] Son cœur n’attend pas l’examen pour bondir de joie, la regle pour pleurer d’attendrissement, le goût pour admirer. […] Nous avons vu avec une joie secrette ses idées mâles confirmer les nôtres.
Après avoir partagé, au 18 brumaire, ma joie et mon espoir, vous ne tardâtes pas à reconnaître la funeste direction du nouveau gouvernement, et le droit que j’avais de ne pas m’y associer ; Bonaparte perdit par degrés l’estime et la bienveillance d’un des plus dignes appréciateurs du patriotisme et de la vraie gloire ; et cependant, avant d’ôter à la Hollande jusqu’au nom de république, la fortune semble avoir attendu, par respect, qu’elle eût perdu le plus grand et le meilleur de ses citoyens. […] ce que Washington eût répondu ; il modère prudemment la joie de son ami : « Je me joins sincèrement à vos vœux pour l’émancipation de l’Amérique du Sud.
Douleur dans le présent, donc crime dans le passé, mais espérance et justice dans l’avenir : c’est ainsi que le cœur humain a senti, que l’esprit humain a raisonné ; et, recueillant avec joie dans l’univers entier tous les vestiges de son histoire, s’inspirant de la terre, des cieux, et de tous les phénomènes tels que l’homme les concevait alors, l’Humanité a bâti l’immense édifice du Christianisme, et elle y a vécu. […] Songe, malheureux, que puisque nous avons perdu les joies du ciel, au moins nous faut-il celles de l’enfer.
Personne, moins que lui, n’a cru qu’il nous fût permis de nous abandonner à la liberté de nos instincts, et de borner à la joie de les rassasier l’unique ambition de notre destinée. […] « Si nous sentons un plaisir singulier à écouter ceux qui retournent de quelque lointain voyage, racontant les choses qu’ils ont vues en pays étranges, les mœurs des hommes, la nature des lieux et si nous sommes quelquefois si ravis d’aise et de joie que nous ne sentons point le cours des heures en oyant deviser un sage, disert et éloquent vieillard, quand il va récitant les aventures qu’il a eues en ses verts et jeunes ans combien plus devons-nous sentir d’aise et de ravissement de voir en une belle, riche et véritable peinture, les cas humains représentés au vif. » Ainsi s’exprime-t-il dans la préface de ses Vies parallèles ; et on ne saurait mieux indiquer ce que ses Vies contiennent d’enseignements, ou, comme nous dirions aujourd’hui, de « documents » sur l’homme.
Il ne veut entendre que des chansons qui consacrent les ris, le vin, les récoltes abondantes, le recouvrement des biens, et la douce fécondité des femmes ; dernière scène aussi gaie que les précédentes, où sa critique raille les tristes poètes qui ne savent chanter que les fureurs de Mars, au milieu des festins de la concorde et de la joie. […] Cette malice convertit la joie publique en affliction et en colère. […] C’est Thalie couverte de tous les grelots de Momus, les agitant avec bruit, le visage animé de joie, de franchise, et s’amusant à montrer lestement la vérité toute nue, au milieu de ses mascarades extravagantes. […] On dirait que la nature n’a produit d’autres caractères divertissants chez les Latins, que les Daves, les Sosies, les filles de joie, et les parasites ; chez les Italiens, que les Arlequins, les Scapins, les Pantalons, et les Gilles ; chez les Espagnols, que les Matamores, les poltrons et les duègnes ; chez nous, que les Frontins, les Lisettes, les fats, les coquettes, et les procureurs.
Certes, un homme de cette trempe, premier ministre à vingt-quatre ans, maître de son pays pendant plus de vingt ans, étranger à toutes les joies qui ne sont pas le pouvoir, mort pauvre, obligé de recommander ses nièces à la générosité publique après avoir régné sur l’Angleterre et sillonné l’Europe de sa volonté, est une figure digne d’étude. […] Résolu à aider de toutes ses forces l’avènement du poète dont il a entendu les premiers bégayements, décidé à construire de ses mains le trône sur lequel il veut asseoir son ami, il met toute sa joie dans la joie qu’il contemple, il est heureux du bonheur qu’il a fait, et n’entrevoit pas, dans un avenir prochain, le bonheur égoïste et solitaire. […] Les courtisans, si humbles qu’ils soient près du roi qu’ils adorent, ne renoncent pourtant pas aux joies de l’orgueil ; ils consentent bien à proclamer le génie du maître, mais ils se consolent en se proclamant à leur tour plus clairvoyants et plus sages que la foule dévouée aux royautés voisines.
Il faut sans doute être vrai, nous montrer cette poésie, plus humble, moins ambitieuse que l’autre, qui est dans le travail de l’homme, dans son rude et patient effort, dans ses joies simples et naïves. […] A défaut de la poésie qui est l’expression des plus beaux rêves de l’homme, Fontenelle ne comprend pas même celle qui est l’expression de sa vie réelle dans la simplicité touchante de ses douleurs et de ses joies, et plus que le Silène de Virgile, il ne goûterait les paysans de La Fontaine. — Que lui reste-t-il ? […] Ce qu’il pense, il vous l’apprend toujours « par une impatience, par une froideur, par une imprudence, par une distraction, en baissant les yeux, en les relevant, en sortant de sa place, en y restant ; enfin c’est de la jalousie, du calme, de l’inquiétude, de la joie, du babil, et du silence de toutes les couleurs… Une femme ne veut être ni tendre, ni délicate, ni fâchée, ni bien aise ; elle est tout cela sans le savoir, et cela est charmant. […] Il s’éveillait « avec une joie secrète de voir la lumière », et son âme aussi voyait avec une joie pleine et une sorte d’élargissement se lever en elle à chaque jour la lumière pure d’une idée nouvelle. […] Il y a un dévouement intellectuel, un amour passionné pour les idées, une joie profonde à sentir qu’on n’est plus soi-même, mais l’idée qu’on a eue, et qui à son tour vous possède, une abolition de l’égoïsme dans l’ivresse d’embrasser ce que l’on croit être le vrai.
. — Qu’on se peigne, avant de prononcer, l’imprudent Sganarelle bien sûr d’avoir fait un mauvais choix, forcé à coups de bâton d’épouser la femme qui doit empoisonner ses jours ; accablé par la joie de son beau-père, qui, en lui remettant son épouse, s’écrie : loué soit le ciel ! […] Molière, voyant déserter son théâtre dès la troisième représentation du Misanthrope, sentit que le public, accoutumé à courir au spectacle pour s’amuser et non pour s’instruire, n’avait pu saisir les finesses d’une comédie moins propre à exciter la grosse joie qu’à faire sourire l’esprit, et que, sans brusquer son goût, il fallait insensiblement le familiariser avec ce nouveau genre de plaisir. […] Premièrement, louez-le, dans votre journal, d’avoir laissé percer un instant sur son visage, aux yeux des spectateurs, la joie qu’il éprouve lorsqu’Orgon donne sa malédiction à son fils. […] Quelques Cléante, lorsque Laflèche a dérobé le trésor d’Harpagon, montent, dans l’excès de leur joie, sur les épaules de leurs valets. […] Dans l’Asinaire de Plaute, acte Ier, scène iii , une matrone donne ce conseil à un amoureux : Un galant ne prend nullement garde à ce qu’il donne ni à ce qu’il perd, il ne s’applique qu’à une seule chose, c’est de plaire à sa belle, à moi, à la suivante, aux valets, aux servantes ; il n’y a pas jusqu’au petit chien qui ne se sente de la fête ; notre nouveau venu le flatte, le caresse, lui donne des friandises, afin que, lorsque le joli domestique le voit entrer, il en saute de joie.
On noterait, sous cette forme gauloise de rondeau et dans plus d’un refrain heureux, quelques-uns des mêmes accents qui nous charment dans les odes épicuriennes d’Horace : charmant esprit que le sien, délicat, vif, naturel, léger, rendant avec fraîcheur toutes les impressions de jeunesse, de printemps, d’amour, de joie, — puis d’ennui, de déclin, d’hiver, de vieillesse !
Le capitaine des sbires a le cœur sensible, quoiqu’il ait déjà la barbe un peu grise ; il est garçon, il est riche, il est ennuyé de vieillir seul, sans joie dans sa maison, sans enfant après lui pour hériter de ses scudi et de son domaine ; il a été ébloui, à ses voyages dans la montagne, de la beauté de votre fille et de son innocence.
Son attitude (sur le char) était noble et modeste ; on apercevait bien qu’elle était contente d’être admirée, mais un sentiment de timidité se mêlait à sa joie et semblait demander grâce pour son triomphe ; l’expression de sa physionomie, de ses yeux, de son sourire, intéressait pour elle, et le premier regard fit de lord Nelvil son ami, avant même qu’une impression plus vive le subjuguât.
Tout ce qui est vie physique et sensation, apparences et mouvement des choses et des hommes, joie des yeux, caresse des sens, trouve en lui un peintre sans rival.
Mais il est clair : voilà sa qualité éminente et la clef de ses succès ; histoire, économie politique, Révolution, Empire, plans de campagne, finances, question d’Orient, il inonde de clarté tous les sujets : il donne à toutes les incompétences qui l’entendent, la joie de ne plus rien trouver d’obscur dans les plus difficiles et spéciales affaires.
Comme eux, elle croit qu’un destin implacable la poursuit, qu’elle est une créature fatale et qui porte avec elle le malheur partout où elle va : Le ciel s’est fait sans doute une joie inhumaine A rassembler sur moi tous les traits de sa haine, etc.
C’est quelquefois la revanche de la conception païenne de la vie contre la conception chrétienne, de la « joie de vivre », comme il l’appelle, contre la tristesse religieuse.
Ce n’est qu’un paysage de la terre, allégé, angélisé, un paysage avec des fleurs, des arbres, des clochers et des noms de paroisses, et des angélus, et des cérémonies, et des processions ; et les saints et les élus continuent d’y faire ce qu’ils ont fait ici-bas, — comme les ombres des morts dans l’île des Cimmériens, avec plus de joie seulement.
Ses devanciers travaillaient à la lumière du soleil, cette joie des yeux, comme l’appelle Bossuet ; lui, il ferme ses fenêtres en plein jour et travaille aux bougies ; puis, sortant de cette retraite, dans son jardin, l’habit bas, il marche à pas inégaux, déclamant ses vers à voix haute, au grand effroi de son jardinier.
Ce fut un acte de grande honnêteté ; c’est maintenant ma joie et mon assurance d’y penser.
Toujours vêtu de sa lumière, il exprimera désormais la beauté qu’elle répand sur le monde et la joie dont elle le remplit.
Une joie, qui n’est pas la sérénité, jaillit de l’incompréhensible.
Où avoit-on vu avant Racine ce développement vaste et profond des replis du coeur humain, ce flux et reflux si continuel et si orageux de toutes les passions qui peuvent bouleverser une ame, ces mouvemens rapides qui se croisent comme des éclairs, ce passage subit des imprécations de la haine à toutes les tendresses de l’amour, des effusions de la joie aux transports de la fureur, de l’indifférence et du mépris affectés au désespoir qui se répand en plaintes et en reproches ; cette rage tantôt sourde et concentrée, et méditant tout bas toutes les horreurs des vengeances, tantôt forcenée et jetant des éclats terribles ?
Et tu pleurais de joie, et tu tremblais de crainte ; Et quand un seul soupir trahissait le réveil, Tu chantais au berceau l’enfantine complainte Qui le force au sommeil.
On triomphe de ceci (j’abrège un peu, je citerai un propos qui est un peu audacieux), on triomphe de ceci : La Fontaine a dit en propres termes aux Vendôme, en leur demandant de l’argent : Le reste ira, ne vous déplaise, En vin, en joie et coetera.