Qui sait jusqu’où l’on pourra porter cette puissance d’analyse, qui, réunie à l’imagination, loin de rien détruire, donne à tout une nouvelle force, et, semblable à la nature, concentre dans un même foyer les éléments divers de la vie ? […] Le charme du style dispense de l’effort qu’exige la conception des idées abstraites ; les expressions figurées réveillent en vous tout ce qui a vie, les tableaux animés vous donnent la force de suivre la chaîne des pensées et des raisonnements. […] L’expression calme d’un sentiment élevé, l’énonciation claire d’un fait, ce style de la raison qui ne convient qu’à la vertu, l’esprit ne peut le feindre : non seulement ce langage est le résultat des sentiments honnêtes, mais il les inspire encore avec plus de force. […] Toutes les fois qu’un écrivain a recours à un mot nouveau, il faut qu’il ait été conduit à l’employer par la force même du sens ; et que loin d’avoir cherché ce genre de singularité, il manque comme malgré lui à la règle qu’il s’était faite de l’éviter. […] L’âme, en se pénétrant des sentiments nobles et des pensées élevées, éprouve une sorte de fièvre qui lui donne des forces nouvelles pour le talent et la vertu.
nous ne contestons pas son poignet au nouvel historien, mais nous ne croyons pas qu’il parvienne à exécuter le tour de force qu’il se propose, et le volume que nous avons sous les yeux le prouve suffisamment, du reste. […] Eh bien, en sa qualité d’écrivain d’imagination, Hippolyte Castille adore la force et voudrait bien en avoir ! […] Ce n’est pas tout à fait l’amour de la force qui le fait révolutionnaire, c’est même un amour de la faiblesse, puisque c’est l’amour de l’égalité ; mais c’est l’amour de la force qui le range toujours, ce révolutionnaire absolu, mais non pas farouche, du côté où il y a une puissance bien démontrée telle, qu’on l’appelle Convention, Montagne, Commune, Proconsulat, Dictature, Empire ! […] La reine fut, en effet, ce qu’elle dut être, Autrichienne et Française à la fois, ce qui, sans les passions du temps, aurait fait la force de son double pays et de sa double maison. Dans le récit de son histoire, lorsque Castille arrive au 19 octobre, il appelle très nettement les hommes qui insultèrent la reine « quelques scélérats », et quoiqu’il les sépare, selon nous, un peu trop de la foule, toujours par amour de la force (c’était la foule qui était la force alors), il ne biaise pas sur le sentiment qu’ils lui inspirent.
Du côté physique, il y a passage des forces de tension à un déploiement d’énergie et à un mouvement dans un sens déterminé. […] L’idée de la force des idées est donc, non pas la définition adéquate, mais un des éléments de l’idée de liberté. […] Même en ce cas, la force dynamométrique est augmentée par l’idée, le désir et la persuasion du succès. […] Certes, il y a des cas où nous avons en effet conscience d’un pouvoir réel, d’une force disponible qui peut faire équilibre à tous les motifs intellectuellement conçus, mais, d’après ce qui précède, quelle est cette force ? Elle est double : c’est d’abord la partie sensitive de notre être, la force de nos inclinations subconscientes ou inconscientes, la force de notre caractère.
Quelle force l’a poussé dans la première voie ? Quelle force supérieure l’en a détourné, et l’a engagé dans la seconde ? […] Il semble que tout d’un coup on se soit trouvé des ailes ; sur ces ailes nouvelles, on s’élance à travers l’histoire et la nature ; on touche à tout, on ne doute de rien, on croit à sa force, on n’est point inquiété par la réflexion, on n’est pas attristé par l’expérience ; on se porte et on s’élance tout entier, de tout son cœur et de toute sa force, à la conquête de la vérité. […] Combattre, c’est se donner le sentiment de sa force, s’animer par la résistance, jouir du danger, rouler dans le torrent tumultueux de toutes les émotions contraires. […] Il est la force qui les produit : on peut donc dire qu’il est leur cause.
Son vœu est de glacer la surface de l’océan des apparences : réalisé intégralement, il irait, ainsi qu’on l’a dit, jusqu’à supprimer toute réalité ; mais il est limité par cette force incoercible du mouvement, animée d’un désir non moins absolu et dont il ne réussit jamais à triompher entièrement. La réalité objective se voit donc engendrée par la lutte entre ces deux forces opposées : elle dure tout le temps qu’elles se dressent l’une contre l’autre, et, ainsi arcboutées, se soutiennent sans parvenir à se vaincre. […] À employer deux termes qui s’opposent plus nettement on peut dire que la réalité phénoménale, en tant qu’elle se manifeste en des formes matérielles, est un compromis entre des forces de dissociation et d’association. […] Il faut donc conclure que la réalité consiste en un état d’équilibre entre deux forces, dont l’une tend à disjoindre et à diviser sans cesse le continu et l’homogène, dont l’autre s’oppose à ce travail de disjonction, s’efforce de maintenir assemblés, de soustraire à la possibilité d’une division nouvelle les états fragmentaires déterminés déjà par la force adverse parmi la trame du continu.
Que nous considérions l’acte décrété par la conscience, ou la perception qui le prépare, dans les deux cas la conscience nous apparaît comme une force qui s’insérerait dans la matière pour s’emparer d’elle et la tourner à son profit. […] /Nous sommes donc autorisés à croire que la force qui évolue portait d’abord en elle, mais confondus ou plutôt impliqués l’un dans J’autre, instinct et intelligence. […] Visiblement une force travaille devant nous, qui cherche à se libérer de ses entraves et aussi à se dépasser elle-même, à donner d’abord tout ce qu’elle a et ensuite Plus qu’elle n’a : comment définir autrement l’esprit ? et par où la force spirituelle, si elle existe, se distinguerait-elle des autres, sinon par la faculté de tirer d’elle-même plus qu’elle ne contient ? Mais il faut tenir compte des obstacles de tout genre que cette force rencontre sur son chemin.
On mit même au service de cette idée folle une érudition épouvantable ; car la science est toujours de force à dévorer l’absurde, et tout savant est un père Hardouin possible, qui n’attend que l’occasion pour naître. […] La gloire est plus faite pour tourmenter que pour éclairer nos esprits ; elle les force plus à s’occuper du génie qui l’a méritée qu’à le bien comprendre. […] Écrivain qui n’est pas toujours correct, je l’en avertis, mais qui est brusque et familier dans le tour et dans l’expression, ce dont je le loue, qui a des besoins de force, mais qui n’a pas la force venue, la force qu’il aura plus tard, son mérite n’est pas actuellement dans son style, mais dans la fermeté avec laquelle il attache son jeune regard auquel les cils, je crois, poussent encore, sur ce flamboiement de l’enfer et sur cette lumière du paradis qui s’appellent également le Dante. […] Quelle que soit la grandeur du maître en poésie qu’il a devant lui, le jeune homme obscur a dit avec une virilité prématurée ce qui lui semblait le vrai sur le Dante tout entier, auteur et homme, et bien loin de le mesurer avec le mètre enflammé de ceux qui en font un génie complexe et presque universel, et un double grand homme aussi auguste par la force du caractère que par la force de la pensée, le critique à ses premières armes a dédaigné ces exagérations, ces italianismes de l’enthousiasme, et il n’a vu dans l’auteur de la Divine Comédie qu’un poète à la manière des plus grands, mais, notez-le bien !
C’est le domaine de la force sauvage, illimitée. […] Ce qui s’incarne dans la réalité a seul de la force. […] Cependant où étaient la vie, la force et l’avenir ? […] Il n’y faudrait que l’intervention, au besoin, de la force, mais silencieusement et vigoureusement — la force qui presque toujours est employée à contre-sens. […] Tournons nos regards vers la vie, là où elle a resurgi avec une force nouvelle.
Chaque littérature présente ainsi ses problèmes très particuliers ; à l’historien de les discerner nettement et d’établir la résultante des forces contraires. […] Cherchons l’objectivité, de toutes nos forces, mais sachons bien aussi qu’on n’y atteint jamais complètement. […] Tant que le principe subsiste, il a pour lui la force de son développement logique, et, de plus, la force acquise, c’est-à-dire les habitudes et le consentement tacite de la majorité ; l’individu demeure isolé et évolue rapidement. […] et la force aussi qui élargit les groupes, de la famille à l’humanité ? […] L’affirmation peut sembler naïve, à force d’évidence ; et pourtant combien de gens qui se croient poètes parce qu’ils ont le sentiment poétique !
Inférer de là l’existence d’une liaison nécessaire, d’un pouvoir et d’une force, d’une cause enfin, c’est mal raisonner, c’est trop présumer. […] C’est toujours par une association de phénomènes dont l’un détermine fatalement l’autre, absolument comme dans le jeu des forces naturelles. […] Alors on entend la définition de l’être par Leibniz : tout être, esprit ou nature, est une force qui aspire au mouvement. Alors on entend la définition de l’homme : une force qui tend au mouvement libre. […] On n’arrachera jamais de nos consciences, ainsi éclairées, le sentiment des attributs qui nous distinguent des forces de la nature.
La vie paresseuse ou la vie active sont plus dans la nature de l’homme que la méditation ; et pour consacrer toutes les forces de sa pensée à la recherche des vérités philosophiques, il faut que l’émulation soit encouragée par l’espoir de servir son pays et d’influer sur la destinée de ses concitoyens. […] La force de l’esprit ne se développe tout entière qu’en attaquant la puissance ; c’est par l’opposition que les Anglais se forment aux talents nécessaires pour être ministre. […] Une telle occupation rend incapable du moindre emploi qui exige des connaissances positives, ou qui force à rendre les idées applicables. […] L’agitation inséparable d’un gouvernement républicain met souvent en péril la liberté, et si ses chefs n’offrent pas la double garantie du courage et des lumières, la force ignorante ou l’adresse perfide précipitent tôt ou tard le gouvernement dans le despotisme. […] La raison n’a rien à craindre de la raison, et les esprits philosophiques fondent leur force sur leurs pareils.
Cette conséquence, que nous tâcherons de faire ressortir avec force, n’a point échappé à Lerminier, esprit sagace, qui sait sa portée, mais qui ne l’indique pas toujours. […] La force parvenant à produire l’harmonie et les effets de la beauté, tel est le caractère de la Grèce antique dans les individus et dans les peuples. […] La force ! […] La force y fait tout : l’État et la famille ; une force de brigands, qui se changent peu à peu et se drapent en législateurs et en sages, mais qui, même alors, n’en est pas moins la force des brigands de caverne, lesquels ont laissé leur empreinte sur cette terre, belle comme un butin, depuis les vaincus de Thésée jusqu’aux Pallikares ! […] Contrairement à la mer qui se gonfle pour atteindre tout son niveau, la force, en montant dans l’homme, l’apaise et détend sa pensée.
Ce recueil est un des plus beaux monuments qui ait été élevé en l’honneur des sciences, et l’un des ouvrages qui laissent le plus dans l’esprit le sentiment de son élévation et de sa force. […] Ici c’est l’esprit original et ardent ; là, l’esprit de discussion et d’une sage lenteur ; celui-ci a le secret de ses forces, et marche avec audace ; celui-là, pour affermir tous ses pas, les calcule. Enfin, vous voyez ces hommes extraordinaires se faire presque tous un régime pour la pensée, ménager avec économie toutes leurs forces, et quelques pas même, par la vie la plus austère, s’affranchir, autant qu’ils le peuvent, de l’empire des sens, pour que leur âme, dès qu’ils l’appellent, se trouve indépendante et libre. […] À l’égard de sa manière, car il en a une, la finesse et la grâce y dominent, comme on sait, bien plus que la force ; il n’est point éloquent, ne doit et ne veut point l’être, mais il attache et il plaît. […] Ce mélange d’imagination et de philosophie, de sensibilité et de force, ces expressions, tantôt si énergiques et tantôt si simples, ces invocations si passionnées, ce désordre, ces élans, et ensuite ces silences, et, pour ainsi dire, ces repos ; enfin cette conversation avec son lecteur, quelquefois si douce, et d’autrefois si impétueuse, tout cela s’empare de l’imagination d’une manière puissante, et laisse l’âme à la fin dans une émotion vive et profonde.
Thiers se rattache à une autre question de haute importance, celle de la force des choses en temps de révolution. […] L’homme, en effet, par les déterminations soudaines dont il est susceptible, peut à tout moment faire intervenir dans les événements auxquels il prend part une force nouvelle, imprévue, variable, qui dans beaucoup de cas en modifie puissamment le cours, et dont en même temps l’ordinaire mobilité ne permet pas l’exacte mesure. Que si cependant, par suite de certaines circonstances, l’homme ou plutôt la majorité des hommes qui forment une société vient à se prendre d’une passion unique et violente ; si cette société, comme il arrive en temps de révolution, en proie à une idée fixe, s’obstine à ce qu’elle prévaille, et, irritée des obstacles, n’y répond que par une volonté d’une énergie croissante, n’est-il pas évident alors que l’historien peut et doit tenir compte de cette disposition morale, désormais ordonnatrice toute-puissante des événements, la mêler à chaque ligne de ses récits, et les pénétrer, les vivifier tout entiers de cette force des choses, qui n’est après tout que la force des hommes ? […] Dès lors, qu’on ne s’en étonne pas, les forces humaines, égarées de leur sphère, se manifestent sous des formes inaccoutumées, et semblent emprunter aux forces physiques quelques-uns de leurs caractères : comme elles, sourdes, aveugles, inflexibles, accomplissant jusqu’au bout leur loi sans la comprendre.
Transporté de honte pour le compte du genre humain, cet homme, qui était un écrivain du talent le plus élevé, résolut d’arracher, dans la mesure de ses forces, Christophe Colomb à la destinée de silence et d’ingratitude qui pesait depuis près de quatre siècles sur sa mémoire, et qui avait mis la grandeur de l’oubli en proportion avec la grandeur du service rendu par lui au monde tout entier. […] Or, Léon Bloy est précisément un de ces obscurs que la Critique a pour devoir de pousser aux astres, s’ils ont la force d’y monter. […] Alors cet homme, avec qui on se conduisait comme s’il était un petit jeune homme, quand il était un homme tout à fait, et qui, depuis dix ans, s’attendait et s’impatientait, accumulant et ramassant en lui des forces à faire le plus formidable des journalistes, fut étouffé par la force lâche du silence des journaux, et des journaux sur lesquels il aurait dû le plus compter ! […] Je ne vois guères que l’auteur des Pensées pour avoir sur ce grand sujet, oublié par Bossuet, cette aperception suraiguë dans le regard, cette force dans la conception d’un ensemble, cette profondeur d’interprétation et cette majesté de langage, aux saveurs bibliques. Je veux surtout insister sur ce point : Léon Bloy — l’écrivain sans public jusqu’ici, et dont quelques amis connaissent seuls la violence éloquente, qu’on retrouvera, du reste, dans la troisième partie de son livre, quand il descendra de la hauteur du commencement de son apologétique, — a pris aux Livres Saints, sur lesquels il s’est couché depuis longtemps de toute la longueur de sa pensée, la placidité de la force et la tempérance de la sagesse.
Les Girondins, arrivés purs au pouvoir, auraient eu bien plus de force pour combattre la démagogie. […] Il y eut lenteur dans les déploiements des forces défensives militaires. […] L’ensemble de sa figure, vue de loin et éclairée d’en haut, avait de l’éclat et de la force, mais du désordre. […] Leur force même leur commande plus de générosité qu’à leurs tyrans ! […] Ce supplice vouait la France à la vengeance des trônes, et donnait ainsi cruellement à la république la force convulsive des nations : la force du désespoir.
Encore faut-il que des forces capables de produire cette force déterminée, que des natures capables de produire cette nature spéciale, soient données. […] Ils sont la matière à laquelle s’appliquent les forces vives de la société, mais ils ne dégagent par eux-mêmes aucune force vive. […] En principe, il n’y a qu’à laisser les forces individuelles se développer en liberté pour qu’elles s’organisent socialement. […] Elle est simplement due à ce que l’individu se trouve en présence d’une force qui le domine et devant laquelle il s’incline ; mais cette force est naturelle. […] Ainsi, un fonctionnaire est une force sociale, mais c’est en même temps un individu.
Toutes les forces y sont en activité. […] Pour elles les forces matérielles ne valent rien, sont l’ennemi. […] Ces forces anthropiques, comme les forces de l’inanimé, n’ont point de figure. […] L’instinct, la possession : force de la force ; la jouissance physique : exagération de la force de vivre incluse en nous et débordant de son cadre. […] Les forces ne doivent plus nous régir.
Ce sont des forces sociales. […] Et ce ne sont pas des éléments sociaux, ce sont des forces séparatistes. […] C’est le but évident de tous les tours de force dialectiques de Bonald. […] Dieu a créé la matière et l’a douée des forces qui la meuvent ; et ensuite ces forces ont indéfiniment suffi à l’évolution de l’univers. […] Il a fait rentrer, comme violemment, l’univers dans Dieu éternelle force, unique force.
La force nerveuse agit sur les diverses parties du corps à la manière d’un courant. « C’est une doctrine maintenant admise que la force nerveuse est engendrée par l’action de la nourriture fournie au corps, et que, par suite, elle est de la classe des forces qui ont une commune origine, et sont convertibles entre elles, — force, mécanique, chaleur, électricité, magnétisme, décomposition chimique. — La force qui anime l’organisme humain et entretient les courants du cerveau, a son origine dans la grande source première de force vivifiante, le soleil159. » Si nos moyens d’observation et de mesure étaient parfaits, nous pourrions voir comment se consomme la nourriture dans l’être humain, en attribuer une partie à la chaleur animale, une autre à l’action des viscères, une autre à l’activité du cerveau, et ainsi de suite. La force nerveuse, résultant ainsi de la dépense d’une quantité donnée de nourriture, peut être convertie en toute autre forme de la vie animale. […] Ainsi le degré d’effort ou de force dépensée mesure non-seulement la résistance, mais l’inertie, le poids et les propriétés mécaniques de la matière. […] Que l’on remarque, d’ailleurs, que la force nerveuse ne peut être répandue également partout, et que les centres nerveux ne sont pas également chargés ; que l’état du fœtus ne ressemble pas à celui de l’âne de Buridan ; mais qu’il y a un état de vigueur nutritive ou constitutionnelle qui détermine le fœtus à remuer tel pied plutôt que tel autre.
Le 1er mai au soir, d’après le bulletin des médecins, la fièvre s’était un peu calmée, le catarrhe avait diminué, mais l’état d’affaissement des forces était toujours alarmant. […] Renouvelez cette opération des milliards de fois dans les cieux, ce sera toujours la même chose, et sa grandeur ou sa petitesse relative à nous n’atteint que deux forces : une force incréée qui donne, une force créée qui reçoit. […] J’offre le Cosmos, qui est une description physique du monde, avec la timidité que m’inspire la juste défiance de mes forces. […] Je désirais saisir le monde des phénomènes et des forces physiques dans leur connexité et leur influence mutuelles. […] La force magnétique, dont M. de Humboldt s’est spécialement occupé, lui semble résider dans les espaces célestes et diriger de là ces phénomènes.
Comme toute créature, l’homme tend, par économie de forces, à persister dans son être, à le modifier le moins possible pour s’adapter aux circonstances physiques ou sociales qui varient autour de lui. […] Le principe de tout organisme est au contraire de maintenir jusqu’à sa destruction sa conformation particulière, de résister à l’action des forces naturelles, d’être un agrégat spécial de molécules qu’une force propre soustrait à l’action des autres forces naturelles. […] Chacune des forces dont M. […] Cette foule l’entoure parce qu’il l’exprime ; elle existe parce qu’il a paru ; le centre de force est dans l’artiste et non dans la masse, ou plutôt le centre de force est dans le caractère abstrait de ressemblance qui peut exister entre un artiste et ses contemporains. […] C’est dans le contexte « scientifique » du magnétisme qu’il faut donc situer cette définition de l’artiste caractérisé comme « centre de force ».
Ainsi les mancipations (capere manu) se firent d’abord verâ manu, c’est-à-dire, avec une force réelle. La force est un mot abstrait, la main est chose sensible, et chez toutes les nations elle a signifié la puissance 109. […] D’abord on prit possession en couvrant de son corps la chose possédée ; possessio fut dit pour porro sessio. — Dans les républiques héroïques qui selon Aristote n’avaient point de lois pour redresser les torts particuliers , nous avons vu que les revendications s’exerçaient par une force, par une violence véritable. […] Les mœurs devenant moins farouches avec le temps, les violences particulières commençant à être réprimées par les lois judiciaires, enfin la réunion des forces particulières ayant formé la force publique, les premiers peuples, par un effet de l’instinct poétique que leur avait donné la nature, durent imiter cette force réelle par laquelle ils avaient auparavant défendu leurs droits. […] En même temps on porta la même fiction de l’emploi de la force dans les revendications, et les représailles héroïques se transformèrent en actions personnelles ; on conserva l’usage de les dénoncer solennellement aux débiteurs.
Une autre force le poussait dans cette voie. […] Jouffroy ne dit rien d’utile ; il embrassait le vague avec une grande force ; et le nuage en vain pressé laissait à peine une goutte de mauvaise eau dans sa main. […] Mais nous savons qu’il en est partout de même, et que l’univers est composé de forces ou causes individuelles dont les phénomènes visibles sont les effets. « Les causes ne sont pas matérielles. […] Par un raisonnement semblable, vous avez distingué ces facultés des faits, et vous les avez changées en choses réelles, forces actives attachées autour de la substance, invisibles créatrices des faits visibles. […] Étant donnés l’ascension des ballons, l’élévation de la colonne barométrique, le glissement de l’eau sur les plans inclinés, le physicien ne les explique point par une force d’ascension, par une horreur du vide, par une force d’inclinaison, mais par un fait observable, la chute des corps pesants.
Je ressemble au nuage qui, au lieu de recevoir l’éclair, comme le reçoivent mes yeux, le produit et le tire de son sein, parce qu’il y a en lui un passage des forces de tension à des forces motrices. […] Il faudra faire entrer de force l’appétition dans la sensation, ou dans les idées de mouvement qui ne sont que les résidus d’impressions kinesthésiques. […] Là-dessus, Bastian s’imagine toucher aux « sources de la volonté151 » ; et il s’empresse de conclure que la force qui produit « les contractions musculaires » n’est autre que la force développée par les centres sensitifs, visuels ou auditifs. […] De ce que je ne puis ouvrir la porte A qui est fermée, tandis que je puis ouvrir la porte B qui est ouverte, en résulte-t-il que ma force provienne tout entière de la porte A ? […] Il n’y a d’autre force que celle qui est inhérente à l’appétition d’une part et au mouvement corrélatif d’autre part.
Ce qui remue le cœur, ce sont les passions, et non cette force d’âme qui les sacrifie au devoir. […] Serait-ce que nous ne nous sentons pas de force à faire autrement ? […] Avec le même charme de douceur qu’Iphigénie et Junie, elles ont plus de volonté et de force ; elles se sentent reines, et elles semblent tirer de cette situation la force, Monime de résister à Mithridate, Bérénice de s’immoler à la gloire de Titus. […] Rassurée par Titus, elle trouve dans la confiance qu’il lui a rendue la force de se sacrifier. […] Ce tour de force, Racine l’a exécuté en créant le caractère de Néron.
Les solides eux-mêmes, ils les réduisaient aux chairs, viscera [vesci voulait dire se nourrir, parce que les aliments que l’on assimile font de la chair] ; aux os et articulations, artus [observons que artus vient du mot ars, qui chez les anciens Latins signifiait la force du corps ; d’où artitus, robuste ; ensuite on donna ce nom d’ars à tout système de préceptes propres à former quelques facultés de l’âme] ; aux nerfs, qu’ils prirent pour les forces, lorsque, usant encore du langage muet, ils parlaient avec des signes matériels [ce n’est pas sans raison qu’ils prirent nerfs dans ce sens, puisque les nerfs tendent les muscles, dont la tension fait la force de l’homme] ; enfin à la moelle, c’est dans la moelle qu’ils placèrent non moins sagement l’essence de la vie [l’amant appelait sa maîtresse medulla, et medullitùs voulait dire de tout cœur ; lorsque l’on veut désigner l’excès de l’amour, on dit qu’il brûle la moelle des os, urit medullas]. […] Les poètes théologiens ont senti, par une sorte d’instinct, cette dernière vérité ; et dans les poèmes d’Homère ils ont appelé l’âme (animus), une force sacrée, une puissance mystérieuse, un dieu inconnu. […] Dans ces premiers temps où l’esprit humain n’avait point tiré de l’art d’écrire, de celui de raisonner et de compter, la subtilité qu’il a aujourd’hui, où la multitude de mots abstraits que nous voyons dans les langues modernes, ne lui avait pas encore donné ses habitudes d’abstraction continuelle, il occupait toutes ses forces dans l’exercice de ces trois belles facultés qu’il doit à son union avec le corps, et qui toutes trois sont relatives à la première opération de l’esprit, l’invention ; il fallait trouver avant de juger, la topique devait précéder la critique, ainsi que nous l’avons dit page 163. […] Corollaire relatif aux descriptions héroïques Les premiers hommes ayant peu ou point de raison, et étant au contraire tout imagination, rapportaient les fonctions externes de l’âme aux cinq sens du corps, mais considérés dans toute la finesse, dans toute la force et la vivacité qu’ils avaient alors.
Que pouvez-vous sur la volonté libre des hommes, si vous n’avez pas cette force, cette vérité de langage qui pénètre les âmes, et leur inspire ce qu’elle exprime ? […] L’homme a, dans le secret de sa pensée, un asile de liberté impénétrable à l’action de la force ; les conquérants ont souvent pris les mœurs des vaincus : la conviction a seule changé les anciennes coutumes. […] Ils évaluent d’abord la force du gouvernement, quel qu’il soit ; et comme ils ne forment d’autre désir que de se livrer en paix à l’activité de leurs travaux, ils sont portés à l’obéissance envers l’autorité qui domine. […] Ce qui permet aux guerriers de jeter quelque dédain sur les hommes de lettres, c’est que leurs talents ne sont pas toujours réunis à la force et à la vérité du caractère. […] La force se passe du temps, et brise la volonté ; mais par cela même elle ne peut rien fonder parmi les hommes.
la force des secrètes mélodies qu’il écoute est ainsi avérée avec plus de clarté. […] Mais au retour d’un long voyage il la trouva mariée de force à Théobald, fils du duc Ferry. […] Vielé-Griffin, il eût assurément tenté lui-même ces prouesses, par la hache et le glaive, car il aime tout ce qui montre en action la magnificence de la force. […] Giraud et Gilkin, desquels il s’écarte bientôt par sa force et par une sorte d’élan malgré tout juvénile. […] Il séduit surtout par d’inédites saveurs, par des aspects inattendus, par d’inouïes légèretés qui se volatilisent ou par le choc d’une force tout à coup surgie.
Seulement, sous le ciel de l’Inde, cet hymne antique s’adressait aux forces matérielles de la nature : Agni, ou le dieu du feu ; Siva, ou la puissance destructive. […] « Ma force, la gloire de mon chant, c’est le Seigneur. […] est glorifiée dans sa force ; ta droite, ô Seigneur ! […] Tu conduis par ta justice ce peuple que lu as délivré ; tu le mènes par ta force vers ton saint asile. […] Mais telle était la force de beauté répandue dans l’original qu’elle se conserve pour nous, malgré cette ignorance des lois qui la régissent et de quelques-uns des charmes qui lui servaient à plaire.
Son œuvre et son rôle valent cependant la peine d’un regard sérieux et d’un clair jugement, car ils sont synonymes de force et de vie. […] Zola est tout entier dans le matérialisme comme toute la force du matérialisme est en lui. […] Il en pénètre les forces latentes et les fauves énergies, aliment et sève de la vie générale. […] La nature et l’homme se retrouvent en une communion frémissante ; ce lien, voilà sa grande force. […] Ce sont là évidemment les paroles de la force, des mots irréfutables et sans réponse.
La noblesse se sent vaincue par cette force sortie de son sein. […] Sa force lui revient par le contrecoup. […] Elle voulut se répandre par le droit et non par la force. […] Elle est elle-même la force motrice, le point d’appui et le levier. […] Ce serait demander la force à la faiblesse et le suicide à la vie.
La richesse que donnent les dieux demeure stable, des fondements jusqu’au faite ; celle que convoitent les hommes s’enlève par la force, sans égard au droit. […] À ceux qui avaient la force et primaient par la richesse, j’avais prescrit d’éviter tout excès. […] Une force publique pour la cité, pour le peuple entier, c’est un homme en avant sur le front du bataillon, n’ayant pas l’idée de la fuite honteuse et jetant au péril son courage et sa vie. […] Mais des guerriers qui se troublent ont perdu toute force. […] C’est cependant le grand poëte, le puissant lyrique, dont, un siècle après Horace, Quintilien disait encore : « La force de son génie se montre dans le choix même de ses sujets.
Ainsi la force du milieu se déplace et se modifie sans cesse, et, quant à la force du moment, c’est une force d’accumulation, pour ainsi dire, qui s’accroît de toute l’impulsion antérieurement acquise et qui agit à chaque minute du temps avec l’énergie du passé tout entier. […] Dans lord Byron, que voyons-nous, sinon la force de la race alliée à la force du moment contre la force du milieu, qui agit comme résistance et contrainte, c’est-à-dire le génie anglo-saxon allié à l’esprit révolutionnaire contre la société anglaise ? […] L’hérédité, c’est la force de la race ; l’éducation, c’est la force du milieu ; l’expérience, c’est la force du moment. […] La force du moment, la force du milieu et la force de la race le réclamaient également. […] Reste la force de la race.
En effet, les êtres humains dont est formé cet ensemble sont exposés et soumis à l’action de forces inégales et différentes. […] Un centre nerveux, à force d’être sollicité à l’exclusion des autres, se fatigue, s’émousse, et le plaisir que nous trouvions d’abord dans son activité se transforme peu à peu en souffrance. […] Et la Vie, inséparable de la Mort, nous apparaît de la sorte comme un mouvement sans fin, comme une circulation perpétuelle ; la Vie elle-même est dès lors la grande force motrice qui fait varier les choses, les individus, les sociétés et avec elles le goût littéraire. […] Chacun de ces ensembles, où un principe commun unit opinions, croyances, institutions, tendances, peut être considéré comme le produit d’une force unique qui agit sur les hommes durant une longue période, et l’on peut dire que cette force va d’abord croissant, s’assimilant ce qui l’entoure, conquérant et organisant à son profit le milieu où elle évolue, jusqu’au moment où elle atteint son maximum d’extension ; après quoi, épuisée par son effet même (car vivre, c’est se tuer à petit feu), elle décline, perd de sa vigueur et finit par laisser se désagréger les éléments de tout genre dont elle était l’âme et le Jien. […] Or, les vastes périodes dessinées ainsi par la vie et la mort d’une de ces forces contiennent non seulement des alternatives de hausse et de baisse dans l’intensité de cette force, une série de pas en avant et de pas en arrière, de progrès et de régressions, pendant qu’elle monte, de destructions et de restaurations partielles, pendant qu’elle décroît ; mais elles renferment encore une quantité d’alternances semblables qui portent, non plus sur la force essentielle, mais sur des tendances moins durables et plus profondes.
À ce point de vue, nous parlons d’une force double, triple, etc., d’une autre ; et nous n’entendons rien par là, sinon une condition dont la présence suffit pour provoquer de la part du même corps entouré des mêmes circonstances un mouvement deux, trois, etc., fois plus rapide que le premier. […] Maintenant, soit une force qui imprime une certaine vitesse au bloc formé par la moitié de ces particules ; comme, par définition, les deux moitiés sont absolument semblables et peuvent être substituées sans inconvénient l’une à l’autre, il faudra une force absolument semblable et capable d’être substituée sans inconvénient à l’autre, c’est-à-dire enfin une force égale pour imprimer la même vitesse au bloc formé par l’autre moitié, par conséquent deux forces égales, chacune à la première, c’est-à-dire une force double pour imprimer la même vitesse au bloc formé par les deux moitiés. Ainsi naît notre dernière idée élémentaire, celle de la masse, qui se trouve être une quantité comme la vitesse, et désormais nous mesurons la force de deux façons, soit par la grandeur de la masse à qui elle imprime telle vitesse, soit par la grandeur de la vitesse qu’elle imprime à telle masse. — Avec ces éléments, notés au moyen de lignes, de chiffres et de mots, nous pouvons construire une infinité de composés mentaux différents, concevoir d’abord un mobile en repos auquel ne s’applique aucune force, puis un mobile en repos auquel s’applique une force, ensuite, par une complication plus grande, imaginer un mobile auquel s’appliquent deux ou plusieurs forces égales ou inégales, qui le dirigent sur la même ligne dans un même sens ou dans des sens contraires, ou qui le dirigent sur des lignes différentes, etc. […] Pour qu’un corps en repos se meuve, il faut l’intervention d’une force ; si cette intervention manque, il demeure indéfiniment en repos, et sa tendance à persister dans son état est si bien inhérente à toutes ses particules, que, selon sa masse plus ou moins grande, il faut une force plus ou moins grande pour lui imprimer la même vitesse. — D’autre part, pour qu’un corps en mouvement s’arrête, ou change sa vitesse, ou dévie de la ligne droite, il faut aussi l’intervention d’une force. […] À présent, introduisons dans notre composé mental une condition nouvelle, la plus simple qu’il se pourra ; supposons que la force initiale, au lieu d’agir seulement au premier instant, continue à agir pendant toute la durée du mouvement et que, par suite, la vitesse du mouvement croisse uniformément.
Présenté au public français par un traducteur de première force, Charles Baudelaire, Edgar Poe cessa tout à coup d’être, en France, le grand inconnu dont quelques personnes parlaient comme d’un génie mystérieux et inaccessible à force d’originalité. […] Edgar Poe, avec la force d’un esprit qu’aux attitudes on croirait indomptable, n’a pu secouer ces vulgarités de son temps. […] Aussi ce qu’on sent dans ces premières Histoires, c’est encore plus l’effort que la force, l’acharnement de la volonté que le souffle facile de l’inspiration. […] Revanche de la pensée, cette force spirituelle contre l’immoralité fangeuse de la vie, ce fut sa grande anxiété, à cet Hamlet américain ! […] Pour lui donner force à l’être pourtant, Dieu, après le Génie, qui est aussi une lumière pour le cœur, lui avait donné des affections domestiques.
Nous ne nous mêlerons plus de faire, malgré elle, le bonheur de l’Humanité, réservant pour les nôtres tout notre zèle et le meilleur de nos forces. […] Elle, triomphante dans sa force brutale, ignorante de tout, passe avec sérénité au milieu des ruines qu’elle accumule. […] Le poète sent qu’il est enfin maître des forces tumultueuses qui se soulevaient en lui. […] On dirait qu’avec notre endurance nous avons perdu jusqu’au minimum de forces combatives nécessaires pour nous défendre. […] Jadis tu apprenais à nos pères à ne pas mésuser de la force, à faire de la vie une fête généreuse où chacun est convié.
Cette tyrannie du ridicule qui caractérisait éminemment les dernières années de l’ancien régime, après avoir poli le goût, finissait par user la force ; et la littérature s’en serait nécessairement ressentie. […] Un tour de force assez difficile, qu’on se permettait dans l’ancien régime, c’était l’art d’offenser les mœurs sans blesser le goût, et de jouer avec la morale, en mettant autant de délicatesse dans l’expression que d’indécence dans les principes. […] Cette honorable mission dont on est revêtu par sa propre conscience, c’est la noblesse du caractère qui peut seule lui donner quelque force. […] L’on dira peut-être que la politesse est un avantage si léger, qu’on peut en être privé sans que ce défaut porte la moindre atteinte aux grandes et véritables qualités qui constituent la force et l’élévation du caractère. […] Les manières rapprochent ou séparent les hommes par une force plus invincible que celle des opinions, j’oserai presque dire que celle des sentiments.
Il y plongea de tout son élan et de toute sa force. […] Pour nous arracher aux distractions du dehors et aux intérêts sensibles, il faut des idées enflammées et dévorantes ; la force des résistances qu’elles surmontent mesure la force d’obsession qu’elles possèdent ; d’un homme elles font un moine ; et quand volontairement un laïque aujourd’hui se fait moine, c’est qu’il le veut de tout son cœur. […] L’amour du vrai avec la force de prouver donne le courage d’être sincère. […] Il avait beau retenir son cœur, il y était mené de force ; s’il empruntait à sa méthode et à ses preuves des raisons de croire, sa croyance venait de ses souvenirs et de ses aspirations. […] Jouffroy avait trop de gravité dans le style ; à force d’être digne, il devenait monotone.
2° La multiplication des effets : une force incidente qui affecte un composé déjà hétérogène, en affecte différemment les parties. […] On trouvera peut-être que dans son Essai sur l’organisation sociale, l’auteur force un peu les comparaisons. […] L’espace est mesurable, de là la géométrie ; la force et l’espace sont mesurables, de là la statique ; le temps, l’espace et la force sont mesurables, de là la dynamique. […] Quoiqu’il puisse réussir à résoudre toutes les propriétés des objets en manifestations de la force, il n’est pas apte à dire pour cela en réalité ce qu’est la force ; mais il trouve au contraire que plus il y pense, plus il est confondu. […] Il sent, avec plus de force qu’aucun autre, l’incompréhensibilité. totale du plus simple fait, considéré en lui-même.
On dit par analogie, faire force de voiles, de rames ; rassembler ses forces ; connoître, mesurer ses forces ; aller, entreprendre au-delà de ses forces ; le travail de l’Encyclopédie est au-dessus des forces de ceux qui se sont déchaînés contre ce livre. […] Le style très-familier admet encore, force gens, forces gibier, force fripons, force mauvais critiques. […] La force du raisonnement a sur-tout lieu dans les questions problématiques. […] Il y a trop de force quand ces muscles sont trop prononcés. […] La force outrée est dure dans la Peinture, empoulée dans la Poésie.
Comme les balles, elles sont dures, rapides, cassant tout très net sur leur passage, et le chalumeau d’où elles sortent ressemble beaucoup au tube de fer d’un pistolet… Henri Rochefort a, dans l’esprit, les qualités de son nom, qui exprime deux fois la force. Mais il n’est pas de force qui ne puisse s’énerver, et Dalila, de sa main flatteuse, rasa Samson, comme l’eût fait le plus malin et le plus habile Figaro. C’est cette force que je voudrais sauver… Il y a du Chamfort dans Rochefort. […] Et voilà pourquoi, dans son livre, il s’est forgé une plaisanterie qu’un esprit gai, quoique de moindre valeur que le sien peut-être par l’observation et même par la force comique, aurait trouvée, pour ainsi dire, à fleur de peau des choses, — sans tant la chercher ! […] La Chronique, cette Armide du Journalisme pour les jeunes esprits qu’elle amollit, retiendra-t-elle et dépensera-t-elle à son service stérile de poste aux lettres cette force vive que je vois en Rochefort ?
La force armée se dissout. — Comment l’armée est recrutée. — Comment le soldat est traité. Contre la sédition universelle, où est la force Dans les cent cinquante mille hommes qui maintiennent l’ordre, les dispositions sont les mêmes que dans les vingt-six millions d’hommes qui le subissent, et les abus, la désaffection, toutes les causes qui dissolvent la nation dissolvent aussi l’armée. […] Reste une poussière humaine qui tourbillonne et qui, avec une force irrésistible, roulera tout entière en une seule masse, sous l’effort aveugle du vent. […] D’une part la force brutale se met au service du dogme radical. D’autre part le dogme radical se met au service de la force brutale.
Quoiqu’il y ait du pathétique vengeur dans la révolution de Thermidor, l’historien a eu cette froideur et cette force d’esprit de préférer la recherche des causes, grandes ou petites, de cette révolution, au poignant éclat des effets. […] La Terreur a existé de sa propre vie et de sa propre force, — et c’est même la Révolution qui l’a tuée, ajoutant à ses autres crimes celui-là, qui n’en était un que pour elle ! […] … Sylla, le proscripteur Sylla, fit aussi une Terreur, mais c’était pour le compte d’une chose grande ; c’était pour le compte de l’aristocratie romaine, qui avait fait la gloire et la force de Rome. […] » Robespierre n’avait pas fait qu’une Terreur ; il était la Terreur elle-même, et, comme disait Fouquier-Tinville, « la force impulsive de la Terreur ». […] Si sa popularité, disent les hommes de son temps, fut monstrueuse, elle l’est encore après sa mort, et il faudrait s’en étonner, si les hommes n’étaient pas toujours les mêmes : lâches devant la force brutale qu’ils prennent pour la force réelle, mais qui ne l’est pas !
On nous force à relire les uns et à examiner l’autre. […] En 1833, Carrel avait trente-trois ans, l’âge de la force juvénile sur laquelle la réflexion doit commencer de jeter ces ombres qui sont une lumière. […] Il avait cependant une certaine force d’âme, comme il avait aussi une certaine force de style, mais tout cela dans d’assez communes proportions. […] Maladroit aux armes, mais, comme nous l’avons dit, ennuyé du collier de force que les partis lui avaient bouclé, il ne tenait pas à la vie, et il acceptait cette réputation de duelliste qui le débarrassa de mille affaires. […] Pour être de force et de proportion avec une telle charge, il serait besoin d’un Atlas.
La seule force vitale que nous pourrions admettre ne serait qu’une sorte de force législative, mais nullement exécutive. […] C’est là ce que l’on appelle en mécanique une force potentielle, une force de tension. Le végétal créerait des forces de tension, et cela aux dépens des forces vives du soleil. […] La séparation effectuée par la plante reviendrait à la production d’une énergie potentielle, de forces de tension ; le rôle du règne végétal consisterait à transformer des forces vives en forces de tension. Au contraire, l’animal transformerait des forces de tension en forces vives.
Il nous avertit de la force qui est à l’œuvre en nous pour nous tromper sur nous-mêmes ; il nous enseigne ses ruses et les moyens de les déjouer. […] Et nous revenons ainsi aux passages que je citais trop tôt tout à l’heure et que cette erreur de plan me force à vous relire. […] au fond de quelles douleurs avait-il puisé cette force de Dieu, cette puissance illimitée de créer ? […] Et, en une attitude, qui sans doute lui était habituelle, qu’elle savait convenable à ces moments-là et qu’elle faisait attention à ne pas oublier de prendre, elle semblait avoir besoin de toute sa force pour retenir son visage, comme si une force invisible l’eût attiré vers Swann. […] Dès son enfance éprouver lui prend toutes ses forces, sauf une : l’intelligence.
Les circonstances indomptables brisent la force des caractères. […] Massillon ne s’empare point de la persuasion par autorité et de vive force. […] D’où vient que l’autorité ne trouva ni volonté ni force pour la réprimer ? […] Le plus fort voulut toujours prouver qu’il avait raison, autrement que par la force. […] Où le monarque pouvait-il prendre sa force et son point d’appui ?
Les Sermons de cet Orateur ne sont pas toujours dépourvus de ces traits de force, de chaleur, qui ébranlent ; mais une marche paisible, également vive & insinuante, forment son véritable caractere. […] Bourdaloue, comme un Conquérant redoutable, entraîne, subjugue, force de se rendre aux armes de la Raison : Massillon, comme un Négociateur habile, procede avec moins de rapidité, avec plus de douceur, quelquefois plus sûrement, & amene insensiblement au terme qu’il s’est proposé. […] Le premier a la dignité, la force & le feu continu de Démosthène : le second, l’abondance, l’adresse & le naturel de Cicéron. […] On peut, & l’on doit, dans ces occasions, avoir le courage de dire la vérité ; présenter avec force la grande leçon des événemens ; humilier les grandeurs humaines au pied de la Mort qui les anéantit.
Entre les molécules supposées des corps s’exercent des forces attractives et répulsives. […] On dira que ce n’est plus de la matière, mais de la force. […] Et, de fait, nous voyons force et matière se rapprocher et se rejoindre à mesure que le physicien en approfondit les effets. Nous voyons la force se matérialiser, l’atome s’idéaliser, ces deux termes converger vers une limite commune, l’univers retrouver ainsi sa continuité. […] Pour Faraday, l’atome est un « centre de forces ».
On a voulu faire régner les lois avec le despotisme ; mais ce qui est joint avec le despotisme n’a plus de force. […] Il diminue la longueur de ces mêmes fibres, il augmente donc encore par là leur force. L’air chaud, au contraire, relâche les extrémités des fibres et les allonge ; il diminue donc leur force et leur ressort. […] « La chaleur du climat peut être si excessive, que le corps y sera absolument sans force. […] « Nous avons déjà dit que la grande chaleur énervait la force et le courage des hommes, et qu’il y avait dans les climats froids une certaine force de corps et d’esprit qui rendait les hommes capables des actions longues, pénibles, grandes et hardies.
Le sentiment, étant ainsi cause de changements dans l’intensité, la durée et la direction, a une force mentale liée à une force mécanique, dont les effets s’étendent à l’espace. […] Wundt, lui, reconnaît mieux la force de la volonté sous celle des idées, mais, nous l’avons vu, il place cette force uniquement dans l’attention, dans ce qu’il appelle l’aperception, c’est-à-dire la saisie des objets par l’intelligence. […] A un moment donné, la quantité de force nerveuse qui correspond à l’état de conscience appelé sensation doit nécessairement se dépenser de quelque manière et engendrer quelque part une manifestation équivalente de force. La force dépensée, à son tour, peut suivre trois voies différentes. […] Au premier moment, l’affaissement d’activité s’exprime par un affaissement général de force motrice.
Des éléments nouveaux sont venus se mêler aux éléments anciens ; de grandes forces étrangères sont venues contrarier les forces primitives. […] Les trois forces primordiales. […] Il n’y a ici comme partout qu’un problème de mécanique : l’effet total est un composé déterminé tout entier par la grandeur et la direction des forces qui le produisent. […] C’est cette concordance secrète des forces créatrices qui a produit la politesse achevée et la noble littérature régulière sous Louis XIV et Bossuet, la métaphysique grandiose et la large sympathie critique sous Hegel et Gœthe. […] Nous pouvons affirmer avec certitude que les créations inconnues vers lesquelles le courant des siècles nous entraîne, seront suscitées et réglées tout entières par les trois forces primordiales ; que si ces forces pouvaient être mesurées et chiffrées, on en déduirait comme d’une formule les propriétés de la civilisation future, et que si, malgré la grossièreté visible de nos notations et l’inexactitude foncière de nos mesures, nous voulons aujourd’hui nous former quelque idée de nos destinées générales, c’est sur l’examen de ces forces qu’il faut fonder nos prévisions.
Il est à souhaiter que le vers garde en bien des cas une certaine unité continue dans sa durée car la période y trouvera une force unanime que ne peut lui donner le caprice. […] Comme la plupart des littérateurs d’à présent, ces deux poètes ont rejeté la camisole de force de l’alexandrin, mais celui-là plus décisivement que celui-ci. […] On y sentira un certain manque de force propulsive, qui procède plutôt de quelque inertie dans le rythme que des syntaxes bistournées et embarrassées auxquelles M. de Régnier se complaît trop souvent. […] Mais en une phrase ainsi déchiquetée, il est difficile de faire sentir un rythme de quelque force et d’une allure continue. […] Bien qu’il ait en général comme racine les nombres 2 et 3, le rythme n’est pas fatalement identique à lui-même et sa force comme sa richesse est de se renouveler sans cesse.
Pour des penseurs d’une certaine force, qui tient l’origine tient tout et peut tout expliquer. […] Ces plans, commencés par Calonne, homme d’État plus éminent peut-être qu’il n’a été méconnu, modifiés et poursuivis par Brienne et Necker, rencontrèrent dans toutes les institutions du temps une résistance qui prouve combien ces institutions avaient encore de force et de solidité. […] Plus à l’aise que moi, Cassagnac nous les a montrées, dans son livre, avec une force de renseignement et une connaissance si approfondies, que ceux qui ont discuté les idées de son histoire n’ont pas osé toucher à ce formidable côté des hommes. […] Le Danton de l’Histoire est un titan populaire, horrible et sublime, le génie déchaîné de la Force, un Capanée monstrueux de la Carmagnole, en qui l’imagination terrifiée des historiens a triplé l’audace, parce qu’un jour où il n’y avait rien à craindre il avait répété, en trois hurlements, qu’il en fallait. […] Il me suffit que la Révolution soit blessée par ce livre et qu’elle ne puisse s’en relever… Est-ce que l’éclat de la sandale d’or de l’Archange ajoutait à la force du pied terrible qui l’appuyait sur le dos de l’Immense Rebelle terrassé ?
La force dans les discours ne peut être séparée de la mesure. […] La parole conserve encore la puissance d’une arme meurtrière ; mais elle n’a plus de force intellectuelle. […] de mettre enfin au service du pouvoir injuste cette sorte de talent sans conscience, qui prête aux hommes puissants les idées et les expressions comme des satellites de la force, chargés de faire faire place en avant de l’autorité ! […] Il est sans force, l’homme à qui l’on peut reprocher des bassesses : ne craint-il pas toutes les voix qui peuvent l’accuser ? Ne craint-il pas la justice, la liberté, la morale, tout ce qui rend à l’opinion sa force et à la vérité son rang ?
Au reste, ces articles transitoires, ces stipulations de circonstance, n’ôtent rien à l’importance de l’acte en lui-même ; il est ce qu’il doit être, l’expression de la force même des choses, et il deviendra bientôt le point de départ de toutes les institutions dans lesquelles l’Europe va chercher le repos. […] Agis mourut pour avoir voulu rendre un instant la vie aux lois antiques de Lycurgue, lois qui firent la gloire et la force de Sparte, mais qui étaient tombées en désuétude. […] Un tel fait est beaucoup trop démenti pour qu’il soit possible de l’admettre : consentons toutefois à le recevoir sans examen, et, pour parler le langage de la jurisprudence, en force de chose jugée. […] Notre antipathie pour le passé nous force à nous réfugier dans l’avenir ; mais nous sera-t-il permis de soulever le voile encore si imposant qui nous cache nos destinées futures ? Les souverains de l’Europe doivent savoir à présent une chose qu’ils ont trop ignorée ; ils doivent savoir qu’il ne s’agit plus ni de la force des armes, ni des limites de territoires, ni de la balance politique entre les différents états.
C’est un livre d’observation mâle et perçante, et, avec la très nette supériorité qu’il atteste, beaucoup plus élevé et beaucoup plus vrai dans son élévation que les idées actuelles, qui, dans la guerre comme partout, d’ailleurs, ne sont plus que le matérialisme envahissant et triomphant sous lequel, dans un temps donné, tout doit immanquablement périr de ce qui est la force et la gloire de la vie ! […] Le colonel Ardant du Picq nous dit quelque part qu’il n’a jamais eu une foi entière à ces gros bataillons, auxquels croyaient ces deux grands hommes, qui valaient mieux à eux seuls que les plus gros bataillons… Eh bien, aujourd’hui, cette tête vigoureuse ne croit pas davantage à la force mécanique ou mathématique qui va les supprimer, ces gros bataillons, malgré leur grosseur et leur nombre ! […] Esprit viril et qui ne se laisse pas empaumer par les billevesées contemporaines, il n’a pas craint d’écrire le mot terrible et haï d’aristocratie, de cette aristocratie qui est, selon lui, la force vraie de toute armée. […] L’aristocratie prussienne est donc orgueilleuse ; elle veut la domination par la force, et dominer, toujours plus dominer, est dans ses conditions d’existence. […] Tout triomphe de la Prusse est un retard pour la démocratie allemande, forcée d’attendre que l’aristocratie périsse, alors seulement que l’orgueil qui est sa force n’aura plus sa raison d’être… » Voilà ces notes, — ces notes qui closent le livre.
Elle a eu de grands poètes, de grands artistes, des hommes politiques à la manière de Machiavel, comme furent Talleyrand et Fouché, des observateurs scientifiques de la force de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire, et par-dessus tout elle a eu Napoléon, un homme taillé comme un diamant de plusieurs côtés différents, et par tous jetant le feu et la lumière, — Napoléon, l’homme le plus étonnant dans le fait qui ait peut-être jamais existé ; — mais de métaphysicien égal à ces esprits supérieurs dans sa spécialité transcendante, il faut le dire, pour apprendre aux philosophes à être modestes, le xixe siècle et la langue française n’en ont point encore. […] Or, comme ce système nous ne l’entrevoyons encore qu’à la lumière de ces prodromes, nous ne pouvons dire exactement à quelle hauteur de monument il s’élèvera, et quelle place définitive il assignera au nouveau philosophe de cet Oratoire dont le nom fut illustré déjà par Malebranche ; mais ce que nous savons, c’est que la tendance en est profondément rénovatrice, — historique deux fois, d’abord parce qu’elle nous fait sortir de l’abstraction intellectuelle pour entrer en pleine réalité humaine, et ensuite parce qu’elle reprend la tradition de méthode qui a été la vraie force de la philosophie, depuis Aristote jusqu’à saint Thomas d’Aquin, et depuis saint Thomas d’Aquin jusqu’à Leibnitz. […] L’abbé Gratry, que la force intellectuelle du prêtre préserverait de cette philosophie d’inanité quand son ferme esprit ne l’en préserverait pas naturellement, l’abbé Gratry, qui a éprouvé en lisant Hegel quelque chose de la sublime angoisse des beaux enfants du Songe de Jean-Paul, quand la voix du jugement leur crie : « Il n’y a pas de Christ ! […] Il n’y a plus d’être absolu. » Aussi, cela posé une fois pour toutes, l’abbé Gratry, avec la magnifique souplesse et la magnifique étendue de l’instrument logique dont il dispose, force-t-il la pensée philosophique à s’établir dans le terre-plein de l’humanité et de l’histoire, et, sous peine de se détruire elle-même, à n’en plus sortir. […] » Or, comme dans toute théodicée il n’y a jamais qu’une démonstration, la démonstration de l’existence de Dieu, faite par autant de voies que l’esprit peut en inventer, et impliquant, quand elle est bien faite, non seulement la science de Dieu, mais la science de l’homme s’élevant à Dieu et le rencontrant à l’extrémité de tous les rayons de sa vie, il est évident que le moyen d’appréhender cette vérité première, de s’élever à Dieu, de l’approcher de nous, de nous le démontrer enfin, est toute l’originalité ou toute la vulgarité, toute la force ou toute la faiblesse du traité qui, en ce moment, nous occupe.
C’est à une question d’amusement, c’est à un résultat de temps, tué plus ou moins agréablement pour ses lecteurs, qu’aboutit toute la force, — très-réelle, — employée à produire cette immense quantité de romans qui se succèdent depuis vingt ans sous forme de feuilleton dans les journaux. […] Doué des qualités que je caractériserai tout à l’heure et qui ne manquent ni d’élévation ni de force, il s’est particulièrement, presque exclusivement consacré à ce genre de roman, qui représente dans l’art le matérialisme et la démocratie, et qui ferait le tour du monde, comme le drapeau de la Révolution, si la Critique, qui ne veut pas que les grandes notions littéraires périssent, ne lui barrait pas le chemin ! […] Si véritablement, quand il écrivit ses Mystères de Londres, le jeune auteur ne connaissait pas l’Angleterre, il était plus étonnant d’intuition que s’il l’avait patiemment et laborieusement étudiée ; et à présent qu’il s’agit pour nous moins de ce livre que de la force individuelle du romancier qui l’a écrit, nous devons dire que ce roman en révélait une prodigieuse, et qui même ne nous a pas tenu tout ce qu’elle nous avait promis. […] Mme Dash a plus de cent volumes, et la force de cinquante chevaux de M. […] Ce n’est pas la force de production qui lui manque, c’est la force de la gestation.
Sa force ne pouvait être contenue plus longtemps. […] Et même, — tellement sont vivaces les forces de réaction, — après cinq siècles de pensée libre, l’esprit nouveau n’en est encore qu’aux syllabes premières ! Sa force essentielle, bien qu’elle ne se soit encore qu’incomplètement prouvée, est néanmoins suffisante pour nous donner toute confiance. […] Vis-à-vis des attaques furieuses et réitérées : que mènent contre cette nouvelle conception de l’univers toutes les forces de réaction, il importe au premier chef, croyons-nous, de réaffirmer à toute occasion ce que nous croyons être la vérité, il n’est point de participation trop humble à un labeur aussi sacré que celui qui consiste à préparer les chemins où s’engagera l’humanité de demain. […] Et si la découverte de la vérité a l’importance positive que je lui attribue, peut-être n’aurais-je point fait, suivant mes forces, besogne inutile.
La royauté capétienne, comme il arrive d’ordinaire aux grandes forces, porta son principe jusqu’à l’exagération. […] La victoire de l’Allemagne ne pouvait donc manquer d’être complète ; car une force organisée bat toujours une force non organisée, même numériquement supérieure. […] La machine de Napoléon eut ensuite la force ; de nos jours, la machine de M. de Moltke a prouvé son immense supériorité. […] La remise en valeur du titre bonapartiste à la suite de la révolution de 1848 lui a donné une réelle force. […] La gravité de la crise révélera peut-être des forces inconnues.
Dieu même n’intervient que quand l’homme l’y appelle, que quand il le force d’intervenir en usant mal de sa liberté. […] Et, pour moi, Guizot l’a si bien compris ainsi, son expérience d’homme d’État et de philosophe l’ont si bien convaincu qu’en Histoire la plus forte des influences n’était ni les choses, ni les idées, ni les missions providentielles, comme disent les confidents indiscrets de la Providence avec d’inexprimables fatuités, ni toutes ces forces chimériques inventées lâchement pour sauver l’homme du danger de sa responsabilité, — espèce de laurier à électricité négative qu’on lui plante sur la tête pour repousser la foudre de Dieu et la condamnation des siècles, — que, dans les biographies récemment publiées, l’illustre historien n’a pas même pris la vie des hommes éclatants, des personnages décisifs de la Révolution d’Angleterre. […] Il a laissé là tous ceux auxquels il serait malaisé à toutes les philosophies de l’histoire d’arracher l’influence et d’en faire les mystiques instruments d’une force cachée, idée ou chose, divinités abstraites de tous ceux qui ne croient pas au Dieu vivant et personnel, et il a choisi des individualités secondaires par-dessus lesquelles un esprit superficiel aurait passé. Comme notre force individuelle, notre force sociale se compose de faiblesses. […] Le calme de Guizot est une force et non une faiblesse.
Sa force puissante avait accompli de grands prodiges. […] La force de Dietrîch était démesurément grande. […] Tout le monde disait que sa force était grande. […] La force d’Irinc ne lui servit guère. […] Cette boisson accrut la force de leurs bras.
Et la force de cinquante chevaux d’Alexandre Dumas a été matée par celle de l’incroyable petit bidet de Ponson du Terrail. […] Ce n’est pas la force de production qui lui manque ; c’est la force de la gestation. […] Crétineau avait la hardiesse de sa force. […] Ils croient bien plus à la force de Moïse qu’à la force d’Aaron. […] Ce courage a donné à son talent une immense palpitation et une force qu’on ne lui contestera pas, dût-on contester tout le reste.
Senior, l’un des amis et l’un des correspondants de Tocqueville ; mais celui-ci s’opposait de toutes ses forces à cette prétention, et affirmait que, dans la constitution anglaise, le bien du pauvre est sacrifié à celui du riche. […] Dans une société où une distinction a disparu, où tous les hommes ne sont plus que des individus égaux, la seule force décisive est celle du nombre. […] Avant lui, beaucoup d’autres avaient dit déjà que nul pouvoir humain ne doit être absolu, que la toute-puissance est en soi une chose mauvaise et dangereuse, au-dessus des forces de l’homme, que la démocratie a une tendance naturelle à devenir despotique, et qu’il faut par conséquent la tempérer, la limiter, la contenir par les lois. […] Il ne faut pas confondre la stabilité avec la force. […] Ainsi c’est précisément la force des pouvoirs qui amène les révolutions, et les révolutions à leur tour augmentent par mille raisons la force du pouvoir ; de là un cercle d’où il est difficile de sortir.
Sa doctrine métaphysique des forces est restée sur l’arrière-plan, à peine esquissée par M. de Biran et M. […] Les mêmes forces mènent partout l’inventeur et la foule ; et la seule différence entre l’un et l’autre, c’est que l’un proclame tout haut ce que l’autre murmure tout bas. […] La force maîtrisait la France et brisait l’Europe ; excepté dans les sciences de faits sensibles et de quantités chiffrées, toute pensée était méprisée ou proscrite. […] Maine de Biran mettait partout des forces spirituelles, et le public souhaitait devoir la matière détruite au profit de l’âme. […] Son succès fut d’autant plus grand qu’à ses forces naturelles il ajouta des forces artificielles ; il profita des circonstances accidentelles comme des circonstances permanentes ; avec ses armes propres il eut des armes étrangères, et, en premier lieu, l’amour de la patrie et de la liberté.
La puissance créatrice ou productrice (quelle qu’elle soit) peut tout aussi bien se manifester par la diversité des forces et des agents que par l’unité de force et d’agent. […] Et pourquoi ne supposerions-nous pas d’autres forces et d’autres formes d’activité supérieures à celles-là, et enfin une force absolue, jouissant du plus haut degré et de la plus haute forme possible de l’activité et de l’être, et distincte de toutes les forces secondaires et subordonnées, aussi bien qu’elles sont distinctes les unes des autres ? […] Ne trouvant pas de passage expérimental de la matière brute à la vie, la voilà qui invente un être qu’elle appelle force vitale ; ne pouvant expliquer la pensée, elle invente une force spirituelle qu’elle appelle âme ; ne pouvant expliquer toutes les causes de nos actions, elle suppose le libre arbitre ; ne saisissant pas le lien intérieur par lequel tous les phénomènes de la nature se rattachent nécessairement les uns aux autres, et à une force unique, elle détache cette force par abstraction, de la nature elle-même, et elle l’appelle Dieu. […] Mais, quant à la force pensante, quelle est, je vous prie l’expérience démonstrative qui pourrait nous réduire au silence ? […] Que l’école positive ait essayé de prendre cette place, c’était son droit, et c’est encore aujourd’hui sa principale force.
Mais ils y sont conduits, eux ou leurs successeurs, par la force des événements. […] Et il comprend fort bien qu’un bon citoyen doit du respect à la force publique, qui n’est point infaillible. […] Chacune en interprète les clauses à sa façon, les tourne, ou triche plus carrément si elle en a la force. […] Les produits qu’elle crée, les forces qu’elle favorise, lui sont dangereux. […] Nous avons sans doute le devoir de manger pour soutenir nos forces.
Il donna ses dernières forces à cette composition. […] Parsifal venu en pénitent, se lève maintenant en roi du Graal, dans la plénitude de sa force et de sa sérénité. […] Jamais nous ne pourrons nous figurer un magicien de la force de Klingsor sous la flasque obésité d’un gardien du sérail ou d’un chantre du pape. […] Il y a aussi l’absence de tout élément factice : la force et l’unité de la conception. […] « La science n’a une force et n’offre un intérêt que durant qu’elle se trompe : car elle est un instrument de la vérité : lorsque la vérité est trouvée, la science cesse. » — « La Science est la force suprême de l’Esprit humain ; mais la direction de cette force est l’Art » (p. 23).
Pour l’autre, il y a l’Univers, à la fois âme et corps, l’homme plongé dans l’océan des forces cosmiques, et prenant peu à peu conscience de la réalité du monde dont il est sorti pour y retourner. […] L’éboulement de ses remparts, battus en brèche par le temps et par l’homme, lui enlève chaque jour un atome de sa force. […] La force nouvelle qui le travaillait, ne le laissa plus en repos qu’il n’eut découvert quelque fragment de cette vérité dont l’aube avait point en lui. […] C’est ainsi qu’une nouvelle conception prit racine dans l’instinct même de l’homme ; le principe de sa force est là. […] Toute force, toute sagesse, toute beauté résident dans la nature, et tout ce qui s’élève à rencontre d’elle est fatalement stérile.
A force de répéter leur rôle et de s’en pénétrer, ils l’ont appris. […] A force de croire, ils ont pu ; ne leur demandez pas de n’être point mystiques : leur vertu politique, leur force est à jamais inséparable de leur mysticité. On en a vu ainsi, sans une goutte du sang héréditaire dans leurs veines, sans un seul trait primitif du génie fondateur de la race, en devenir, à force d’application, de méditation et de culte, les dignes et légitimes héritiers.
Vous comparez ; vous rapprochez ; vous vous souvenez que Platon adore les mythes, c’est-à-dire les théories habillées en fables, en manière de poèmes épiques ; et vous vous dites que la rencontre d’un mythologue et d’un spiritualiste a produit cette théorie des idées vivantes, des abstractions qui sont des êtres, des abstractions qui sont des forces, des abstractions qui sont des dieux. […] Parmi les différentes forces qui pouvaient avoir cet effet, il a rencontré la religion, comme il a rencontré l’aristocratie militaire, comme il a rencontré la magistrature. […] Avec, sans doute, la force de notre esprit même. […] Du moins à le supposer tel, par comparaison que nous aurons faite de lui à lui, nous aurons pensé, nous aurons réfléchi sur ces différentes forces, extérieures que nous subissons, intérieures que nous saisissons ou croyons saisir ; extérieures que nous sentons, intérieures dont nous prenons conscience ; et nous aurons, en tout cas, élargi le cercle de notre esprit. […] Avec les philosophes, la lecture est une escrime où, quelques précautions prises, que nous avons indiquées, l’esprit prend incessamment des forces nouvelles qui peuvent être utiles de toutes sortes de façons et qui, par elles-mêmes et pour le seul plaisir de les posséder, valent qu’on les possède.
Pour quelques penseurs en Europe, qui l’affirment, mais sans le prouver, toute la force de l’empire russe est soupçonnée de n’être, comme beaucoup de choses, qu’une simple question de clair-obscur. […] Malgré la force d’imitation des hautes classes, qui fait ressembler les mœurs russes à la descente de la Courtille d’un carnaval sous Louis XV, elles n’imitent point les Mémoires de cette société qu’elles imitent. […] Les livres russes, comme les hautes classes russes, comme le gouvernement russe, comme tout ce qui tient en Russie au développement quelconque de l’intellectualité, recherchent avec trop d’empressement le joug de l’idée européenne pour avoir la force de le secouer et de le rejeter. Et le secouer, c’est trop dire encore… mais seulement pour avoir la force de s’en passer ! […] Ils avaient sous eux une colossale obéissance… Il n’y a que les peuples de ce côté-ci de l’Europe, si vite cabrés, qu’il soit difficile de gouverner et qui nous donnent, par conséquent, la véritable idée de la force de celui qui les gouverne et la justification de sa gloire.
lui était spirituel comme on l’est dans le monde, seulement avec la différence de la force, de la finesse et de l’éclat de son esprit. […] Comme, à leur tour, ces derniers doivent l’emporter sur les autres esprits qui ne pensent à vivre que dans la conscience de leur force et dans leur enthousiaste ou profond besoin de la manifester. Enfin, pour résumer le tout, il est évident que si un seul homme pouvait réunir en lui ces trois sortes d’esprits différents qui, isolés, sont de si grandes forces, mais qui, réunis, seraient la plus grande force possible, cet homme aurait une supériorité aussi absolue qu’une supériorité peut l’être dans ce monde relatif. […] Il était la grâce amoureuse furieuse de la force. […] Dans la plupart de ses livres, longs ou courts d’haleine, la nature humaine et les événements finissent, littéralement, par se casser, à force d’invraisemblances, de complications et d’intensité.
Où est la force humaine qui fera cela ? […] Cette maison de Savoie, qui n’avait pas la force de conquérir la république de Gênes, a eu le courage de la recevoir du congrès de Vienne, au nom de quoi ? […] Qu’est-ce que l’uniformité de foi par la force ? […] Non encore, ce fut sa force, car ce fut sa liberté, cette liberté qui rend la patrie plus sacrée et les nationalités plus chères ! […] Les liguer entre eux, c’est donner à chacun d’eux la force de tous ; les annexer, c’est donner à tous la faiblesse d’un seul !
Je dis que Satan, conservant de la force jusque dans sa damnation, se ressent encore par là du divin et s’y rattache. […] Nul homme, quelque force de réflexion intérieure qu’il ait, ne se juge bien lui-même au point de se nommer relativement à l’ordre successif des choses. […] Un tel sentiment pour l’Humanité, quoique louable en lui-même, n’est capable de donner à notre âme ni force, ni lumière, ni ton, ni harmonie. […] Chaque lettre répond à la saison où elle est écrite, tant Werther est abandonné à cette force cachée au sein des éléments. […] Goethe finit par sentir que ce sujet, comme il l’avait conçu, était au-dessus de ses forces, et il l’abandonna.
Le Christianisme n’était pas libre ; mais déjà il avait la force de rendre libre : celui qui dans le Christianisme comprenait bien la doctrine du Dieu Homme gagnait la liberté de son âme. […] Ici non plus la morale n’est pas prêchée ; mais l’esprit de la religion chrétienne y trouve nécessairement sa pleine expression, parce que l’homme idéal sorti de la plus pure nature humaine est, avec une complète force et vérité, représenté dans Parsifal. […] Bien avant de connaître Schopenhauer, il avait composé son nibelungenring ; là le monde du paganisme périt parsa volonté ; c’est le monde du pur égoïsme ; l’« éternellement-naturel » a dans la consciente sensualité de son égoïsme perdu la force d’arriver au « purement-humain ». Wotan, la force première de la volonté dans la Nature, ne peut que renoncer à ce monde en renonçant à sa propre existence ; et l’apparition la plus noble et la plus pure, qui refuse à la nature, par son non-savoir, ce qui lui est dû, doit périr avec ce monde égoïste. […] La certitude d’une vie plus élevée est contenue dans la tragédie de l’amour ; mais cet amour n’aura la force de la rédemption que lorsque la nature humaine délivrée d’égoïsme aura par sa propre force reconquis la pureté de l’idéalité, lorsqu’elle sera devenue l’amour de l’humanité.
La force apparente de ces derniers ne vient souvent que de la faiblesse même de leur pensée, des voies toutes tracées par la routine où elle s’engage d’elle-même. […] A force de contempler l’océan, Victor Hugo a fini par lui prendre un peu de la profusion, du tumulte et du pêle-mêle de ses flots. […] L’idéal rend « les esprits fermes », parce qu’il leur montre un but et leur donne une loi ; il rend « les cœurs grands » parce qu’il leur communique la force de l’espérance. […] Pour saisir enfin toute la force de certaines formules, ce n’est pas trop d’être quelque peu philosophe. […] On a comparé Hugo à une force de la nature, en raison de sa puissance d’imagination ; mais c’était plutôt encore une force de l’humanité.
Les uns analysent les passions, les caractères, les forces, les états de l’âme ; d’autres construisent les formes générales qui contiennent et classent l’infinie diversité des tempéraments individuels. […] L’Église ne comptera pas parmi les forces intellectuelles du siècle. La royauté, capricieuse et faible avec Louis XV, bonasse et inintelligente avec Louis XVI, adorée à de courts moments, et trompant toujours les espérances d’où jaillissait l’adoration, rejetant les esprits tour à tour dans la haine et dans le mépris, apparaissant comme égoïste ou confisquée par les égoïsmes de cour, cesse d’être une force dans la nation. […] Dans la seconde, avec Diderot, avec Rousseau, avec Voltaire qui force le pas pour rester à la tête du mouvement, l’attaque devient plus violente et plus générale. Toutes les forces révolutionnaires — les forces intellectuelles, s’entend — entrent en ligne, et la victoire est complète.
Il avait besoin d’être dominé, et flotta sans cesse entre le désir de secouer le joug et la nécessité de le reprendre ; mais le plus grand contraste de son règne, c’est que jamais peut-être il n’y eut moins d’activité dans le souverain et jamais le gouvernement ne déploya sa force avec plus de fermeté au-dehors, et une sévérité si imposante et quelquefois si terrible au-dedans. […] Lorsque dans une monarchie il s’élève un sujet qui, par les circonstances ou ses talents, obtient un grand pouvoir, aussitôt les hommages et les regards se tournent de ce côté ; tout ce qui est faible est porté, par sa faiblesse même, à admirer ce qui est puissant ; mais si ce sujet qui commande, a une grandeur altière qui en impose, si par son caractère il entraîne tout, s’il se sent nécessaire à son maître en le servant, si à cette grandeur empruntée qu’il avait d’abord, il en substitue une autre presque indépendante, et qui, par la force de son génie, lui soit personnelle ; si, de plus, il a des succès, et que la fortune paraisse lui obéir comme les hommes, alors la louange n’a plus de bornes. […] Ils ont loué ce mélange d’adresse et de force, avec lequel il abattit pour jamais le parti longtemps redoutable des calvinistes, armant les protestants de Hollande contre ceux de France, et retardant les flottes de l’Angleterre. Ils ont loué ce gouvernement intrépide, qui, en révoltant tout, enchaînait tout ; qui, pour le bonheur éternel de la France, écrasa et fit disparaître ces forces subalternes, qui choquent et arrêtent l’action de la force principale, d’autant plus terribles qu’en combattant le prince, elles pèsent sur le peuple ; qu’étant précaires, elles se hâtent d’abuser ; que nées hors des lois, elles n’ont point de limites qui les bornent. […] Ils remarquent qu’au-dehors comme au-dedans, son ministère fut tout à la fois éclatant et terrible ; qu’il détruisit bien plus qu’il n’éleva ; que tandis qu’il combattait des rebelles en France, il soufflait la révolte en Allemagne, en Angleterre et en Espagne ; qu’il créa le premier, ou développa dans toute sa force, le système de politique qui veut immoler tous les États à un seul ; qu’enfin, il épouvanta l’Europe comme ses ennemis.
Ainsi, dans les chansons de geste contemporaines des croisades, la première qualité des personnages offerts à notre admiration, c’est la force. […] Il n’est pas jusqu’à l’entourage du roi qui n’offre, au temps où Corneille est dans la force de l’âge, le spectacle d’une retenue assez rare. […] Il n’y a en lui qu’un conflit de passions différentes ; il y a surtout effort et combat de sa part contre des forces extérieures à lui114, forces qui l’écrasent souvent, mais sans qu’il se reconnaisse vaincu à bon droit. […] » Et il semble même se délecter dans le récit des intrigues savamment ourdies, des victoires de l’astuce sur la force et l’honnêteté naïve. […] Reste à savoir en quels cas et en quelle mesure ces forces font du bien ou du mal.
Thiers ce qu’elle est en réalité dans nos États modernes, le suprême effort de civilisation d’un peuple pour se transformer en armée et pour se transporter en ordre et en force sur ses champs de bataille. […] Il pensa que, loin de se retirer, toutes les forces prussiennes venaient prendre part à la bataille. […] Cela peut être un ingénieux paradoxe au service de ceux qui veulent glorifier à la fois la France sous deux formes : la force et l’idée ; mais cela ne sera jamais une vérité historique. […] À l’exception de la guerre d’Espagne, lèpre systématique qui rongeait la force militaire de la France, le moment était assez bien choisi par Napoléon pour accomplir ce rêve. […] Encore une fois, nous comprenons cette insolence de la supériorité d’esprit envers la nature humaine dans un écrivain qui a le droit de s’estimer très haut lui-même sous ce rapport ; nous comprenons ce culte du génie et de la force sous la plume de l’historien de la force et du génie.
Dureau de La Malle, qui vint après, profita amplement du travail de Dotteville ; mais, adoptant un système plus ambitieux, il visa à l’énergie, à l’éclat, à la concision de son modèle ; et comme, malgré un talent incontestable, il n’était pas de force à réussir, il ne rencontra que roideur, bizarrerie, obscurité. […] L’historien vous parle une langue si rapide, si forte, si poignante, qu’il vous enlève, vous tire à lui, vous force de penser avec lui en cette langue qui lui est propre, et, fût-on un latiniste assez vulgaire, pourvu qu’on comprenne, se fait comprendre face à face, sans trucheman, sans aucune de ces traductions sous-entendues que Cicéron en ses longs développements laisse à son lecteur tout le temps de faire. […] Entre toutes les qualités d’un écrivain, la force et l’énergie se prêtent le mieux à ce passage toujours violent d’un idiome dans un autre ; elles offrent plus de corps, pour ainsi dire, à la main qui les déplace, et il suffit que cette main et l’instrument qu’elle manie ne fléchissent pas sous le fardeau. […] Mais bien que l’énergie et la force caractérisent Tacite, on se tromperait fort de penser qu’elles soient les uniques mérites de son style, et que les autres parties, l’éclat, l’abondance, le nombre, y aient été sacrifiées. […] Burnouf s’est préservé, à force d’art, de ce défaut, que n’avait pas évité Dureau de La Malle.
Au siècle de César et d’Auguste, plusieurs Romains célèbres ne goûtaient point du tout les ouvrages d’Isocrate, et sûrement Brutus était de ce nombre ; au siècle de Trajan, Plutarque le peignait comme un orateur faible et un citoyen inutile, qui passait sa vie à arranger des mots et compasser froidement des périodes ; au siècle de Louis XIV, Fénelon le traitait encore plus mal ; Isocrate, selon lui, n’est qu’un déclamateur oisif qui se tourmente pour des sons, avide de petites grâces et de faux ornements, plein de mollesse dans son style, sans philosophie et sans force dans ses idées. […] Il servit assez bien le roi de Perse pour mériter d’en être craint ; et ayant essuyé l’ingratitude et l’orgueil ordinaire aux grandes puissances contre les petites, il osa combattre le roi qu’il avait servi ; et avec ses seules forces, soutint pendant dix ans les forces de l’Asie. […] Isocrate prit enfin le parti de répondre ; ce discours d’un vieillard, qui, pour réfuter l’envie, fait la revue de ses pensées depuis quatre-vingts ans, et avant de descendre au tombeau, rend compte à la patrie et aux lois, de l’usage qu’il a fait de son éloquence, n’était pas moins susceptible de pathétique que de force ; mais l’ouvrage, avec des beautés, est bien loin d’avoir ce caractère ; le sujet est grand, l’exécution est faible. […] Les arts et les plaisirs d’Athènes, un peuple facile, un caractère brillant, les grâces jointes à la valeur, la volupté mêlée quelquefois à l’héroïsme, de grands hommes populaires, des lois qui dirigeaient plus la nature qu’elles ne la forçaient, enfin des vertus douces et des vices même tempérés par l’agrément, devaient plaire bien davantage à un genre d’esprit qui ordonnait tout, et préférait la grâce à la force.
Vous voyez que cette force approchait parfois de la grossièreté. […] Il considérait l’homme comme une force ; il a pris pour idéal la force. […] Et certes, ainsi contemplée, la force émeut et entraîne. […] Qu’est-ce que ce monde, et quelles forces le mènent ? […] Chaque action vertueuse ou vicieuse est une force de la nature, et les actions vicieuses et vertueuses prises ensemble sont les seules forces de la nature.
C’était un contemplatif, il l’était deux fois, car il était un métaphysicien et de plus il était poète, un poète qui, par un tour de force de la tendresse de son âme, a fait entrer le pathétique dans la métaphysique, — ce qui n’est pas très facile et ce qu’on n’avait jamais vu. […] En d’autres termes, Saint-Bonnet est cérébralement une force métaphysique mise au service de l’idée chrétienne, opérant dans l’immensité de ses triples dimensions. […] Une tête de la force de celle de l’auteur pourrait peut-être, sous ce bloc d’idées si nettement équarri, appréhender leurs développements et leurs conséquences, vues à travers cette langue si strictement condensée, cet autre bloc de cristal, dense et transparent à la fois. Mais quand on le pourrait, on se priverait encore de la beauté que le philosophe, grand artiste toujours, donne au développement de ses idées, et de la force qu’il imprime à leurs conséquences. […] … C’est un mystique malgré la force de sa raison, ou plutôt c’est un mystique dont la force de raison pourrait bien faire équation à la force de son sentiment de mystique, confluent superbe de deux facultés !
Ils créaient à eux deux l’individualité, cette force inconnue dont se composent, au bout d’un certain temps, toutes les forces collectives d’un pays, force qu’on commence par railler et qu’on finit par subir. […] « “À propos, Coqsigrue dépasse présentement mes forces, il faut le ruminer et attendre pour l’écrire. […] Le jour où le gouvernement parlementaire serait achevé, il créerait de nouveau la force contre la force, c’est-à-dire le gouvernement de quelques-uns contre un. […] Qui fait sa force ? […] Je sentais la force de ses considérations et je me taisais, plus convaincu que lui que Dieu seul gouvernait les hommes, et qu’il les gouvernait par l’unité.
Toute nation contient en elle une certaine quantité de force vitale qu’elle dépense plus ou moins rapidement dans le cours nécessaire de son évolution. […] Et ces organes sont soumis à la même loi de croissance et de dépérissement que la force dont ils sont les expressions variées. […] La force vitale avait tari dans leur sein ; ni le génie, ni la vertu n’eussent été capables de ranimer ces grands corps épuisés. […] L’individu ne reçoit par l’acte qui lui donne naissance qu’une force de vie limitée ; elle se dépense et s’épuise dans ce cycle dont les phases diverses sont l’enfance, la jeunesse, l’âge mûr, la vieillesse ; mats quelles sont les bornes assignables à la force vitale d’une nation ? […] Bagehot lui fait l’honneur de la prendre pour l’agent principal de la continuité du progrès, Edgar Quinet voit surtout en elle une force de réaction.
Après une telle secousse, il aurait fallu une vaste effusion, une expansion de force au-dehors. […] On entra par instinct de conservation dans cette voie, où Casimir Perier, le premier, apporta de la force, où M. Guizot bientôt déploya une admirable et spécieuse éloquence qui eut cela de singulier de monter toujours et de faire illusion sur la force qui défaillait peu à peu : tellement que, vers la fin, l’éloquence était au comble quand la force intérieure était au plus bas. […] Molé) s’entendent autour du roi, pour former un Cabinet qui change plusieurs fois de président, mais qui, tant qu’il dure, laisse au parti du juste-milieu toute son étendue et sa force. […] À peine roi et roi par force, tout en jubilant du bonheur de l’être, il écrit à M.
Les goûts font mettre un nouveau prix à ce qu’on possède ou à ce qu’on peut obtenir ; mais les passions ne s’attachent dans toute leur force qu’à l’objet qu’on a perdu, qu’aux avantages qu’on s’efforce en vain d’acquérir. […] Il faut que l’existence parte de soi, au lieu d’y revenir, et que, sans jamais être le centre, on soit toujours la force impulsive de sa propre destinée. […] Il ne serait pas juste de vanter autant la puissance intérieure de l’homme, si ce n’était pas, par la nature et le degré même de cette force qu’on doit juger de l’intensité des peines de la vie. […] Quand le tableau des douleurs est vivement retracé, quelles leçons peuvent ajouter à la force du besoin qu’on a de cesser de souffrir ? […] Heureuse situation que celle de la toute-puissance, quand les obstacles n’existent plus au-dehors, quand la force est en soi-même, quand on peut faire le bien, sans qu’un motif étranger à la vertu vous anime, sans que le soupçon d’un tel motif puisse jamais vous approcher !
Dans tous les cas pathologiques qui furent tout d’abord énoncés, ce pouvoir moteur s’exerçait avec une force insuffisante ou dans une direction que contredisaient, soit les circonstances du milieu, soit le mouvement même dont était animée déjà la réalité à laquelle il tentait de s’appliquer. […] Sois en harmonie avec toi-même ; que toutes les forces de ton être convergent vers un même point, que les forces nouvelles que tu vas développer en toi ne contrarient pas l’effort des précédentes. […] On a vu que le pouvoir de se concevoir autre apporte un bénéfice dans la mesure où il est accompagné de deux autres circonstances que voici : il doit comporter un pouvoir de réalisation ; la conception nouvelle qu’il réalise se doit pouvoir ajouter à l’ancienne, de façon à former avec elle une somme de forces supérieure à celle qui avait été jusque-là assemblée dans un même être, au lieu d’exiger une soustraction par où serait diminuée la somme ancienne. Or on peut présumer que ces deux circonstances heureuses auront d’autant plus de chance de se rencontrer que l’entité quelconque, individuelle ou collective, où s’exercera la conception bovaryque sera de formation plus récente, c’est-à-dire, en même temps plus riche en force virtuelle et plus pauvre en perfection héritée, plus simple et moins déterminée. […] C’est ainsi qu’elle pourra modérer l’emploi de tout ce qui est en elle pouvoir d’inhibition, afin de proportionner ses forces régulatrices à l’impulsion diminuée do son activité assagie.
C’est le style qui, en donnant la mesure de sa force et de sa faiblesse, fait prévoir ses mérites et ses erreurs. […] Il invente en deux mots la philosophie de la physique : attraction, répulsion, il n’y a pas d’autres forces ; toutes celles des chimistes et des physiciens se réduiront à celles-là ; et sur quoi se fonde cette prophétie ? […] Qui leur a appris, en face des triomphes de la force, et dans l’oppression presque universelle de la faiblesse, que la force n’est pas tout, et qu’il y a des droits invisibles, mais sacrés, que le fort lui-même doit respecter dans le faible ? […] Il y a de la force dans ce mot : « Qui leur a montré par-delà les limites et sous le voile de l’univers ? » Il y a une grâce touchante dans cette phrase : « L’âme immatérielle, intelligente et libre, sera recueillie par son auteur. » Mais cette grâce et cette force sont à demi cachées ; l’auteur ne les étale point ; d’elles-mêmes elles se font sentir.
J’aurais voulu, par exemple, un La Mennais devenu catholique et libéral, comme au lendemain de l’Avenir, mais ayant la force de demeurer tel sous le coup même des encycliques et malgré l’appel et l’attrait de la démocratie : je l’aurais désiré s’enfermant pendant quelque temps dans un religieux silence, et n’en sortant depuis qu’à de rares intervalles par des écrits de réflexion et d’éloquence où il aurait tout concilié, tout maintenu du moins, où il n’aurait rien sacrifié, où il serait resté opiniâtrément le prêtre de la tradition antique et des espérances nouvelles : en s’attachant à un tel rôle bien difficile sans doute, mais si fait pour imposer à tous le respect et l’estime, il aurait fini, sans la chercher, par retrouver son heure d’action et d’influence, et il n’aurait pas eu à l’acheter au prix de la considération. […] Depuis cinq ou six ans, il avait pris hautement position, n’attendant rien que de l’avenir et y poussant de toutes ses forces. […] Même dans le discours de réception de Lamartine à l’Académie, en 1830, on trouve un grand parallèle établi entre la poésie et l’action, entre la vie du littérateur en temps régulier et cette même existence dans les siècles d’orage, en « ces époques funestes au monde, glorieuses pour l’individu. » Dans les temps calmes, chacun est classé, chacun suit sa voie ; avec plus ou moins de distinction, selon nos forces ou nos faiblesses, « nous arrivons au terme. […] son mérite le désigne : point d’excuse, point de refus, le péril n’en accepte pas ; on lui impose au hasard les fardeaux les plus disproportionnés à ses forces, les plus répugnants à ses goûts… L’esprit de cet homme s’élargit, ses talents s’élèvent, ses facultés se multiplient ; chaque fardeau lui crée une force, chaque emploi un mérite, chaque dévouement une vertu. » Et c’est ainsi qu’en croyant peindre M. […] vous l’êtes encore plus que vous ne le croyez, je vous en réponds ; mais usez de votre force au besoin, prenez sur vous, et vous serez appuyé. » — « (L.)
On ne peut nier que l’affaiblissement de la force religieuse dans une société ne soit un affaiblissement pour l’âme humaine. […] Tout ce qui tend à élever l’âme est donc favorable à la morale ; c’est ainsi que les arts, la science, la liberté politique, la philosophie, sont des forces qui tendent à maintenir un niveau élevé dans l’humanité. La religion est l’une de ces forces, une des plus puissantes et des plus efficaces ; comme elle est précisément le sens du transcendant, de l’infini, de ce qui est au-dessus de l’homme, elle lui donne, quand elle est sincère et profonde, une secousse admirable vers les choses d’en haut. […] Or, autant il est difficile de créer dans une société des habitudes nouvelles sans aucune relation avec celles qui existent, autant il est facile de transformer des habitudes existantes, car cette transformation se fait d’elle-même par la force des choses. […] Pour nous, qui repoussons de toutes nos forces cette conclusion, nous ne pouvons nous empêcher de croire qu’il viendra un jour où la vraie religion brisera le moule étroit où de part et d’autre on prétend l’enfermer, et qu’elle aura, elle aussi, ses temples, ses conciles et ses fidèles.
Il est permis à un grand maître d’oublier quelquefois qu’il y a des couleurs amies ; Chardin jettera pêle-mêle des objets rouges, noirs, blancs ; mais ces tours de force-là, il faut que M. […] S’il me parle des sourcils, du nez, de la bouche, des joues, du menton, du cou, de la gorge, je les vois ; mais chacune de ces parties qui me sont successivement indiquées, ne s’accordant plus avec l’ensemble des précédentes, il me force soit à n’avoir dans mon imagination qu’une figure incorrecte, soit à retoucher ma figure à chaque nouveau trait qu’il m’annonce. […] Je dirai donc aux poëtes : ma tête, mon imagination ne peuvent embrasser qu’une certaine étendue, au-delà de laquelle l’objet se déforme et m’échappe. épuisez donc toute leur force sur une partie, en la déterminant par un module énorme, et soyez sûr que le tout en deviendra incommensurable, infini. […] La force de Neptune qui secoue l’Etna et dont le trident entr’ouvre la terre jusqu’au centre, et montre la rive désolée du Styx ? […] Homère a dit : autant l’œil mesure d’espace dans le vague des airs, autant les célestes coursiers en franchissent d’un saut ; et c’est moins la force de la comparaison que la rapidité des syllabes en franchissent d’un saut, qui excite en moi l’idée de la célérité des coursiers.
C’est par l’homme et son entourage qu’il explique surtout ces événements qu’on a appelés des forces irrésistibles ou d’impénétrables fatalités. […] … — un Titan de force qui aurait arrêté de son doigt l’écroulement des fautes de ses pères, s’il avait eu seulement une médiocre volonté. […] Cette impuissance effrayante de volonté, qui est le trait distinctif de Louis XVI, réduisit à néant toutes les forces qui composaient la sienne. […] « Il n’avait pas plus — selon Renée — l’ascendant et la force de consommer une grande réforme, que de conduire une révolution. » Et voilà par quel dernier mot l’auteur de Louis XVI le cloue dans une irrémédiable faiblesse et parachève l’histoire qu’il a faite, une par une, des débilités de ce roi sans force, qui n’eut pas même celle d’abdiquer ! […] Il a été le peintre à fond de ce triste roi ; mais en le peignant ressemblant, non plus à faire peur, mais à faire pitié, il a agi comme les grands peintres qui, à force d’art, savent idéaliser les réalités les plus basses, et ici ce n’est plus magnanimité d’historien, c’est de l’art, l’art de l’homme qui sait écrire.
Sans doute d’autres historiens, même parmi les calomniateurs, avaient senti la force politique de Grégoire, car quels esprits, fussent-ils brutes, ne sentent pas la force ! […] Il n’y faillit pas cependant ; les canons furent exécutés avec la dernière rigueur ; la force non pas d’un homme, mais la force de Dieu dans un homme, sauva l’Église, et avec l’Église la civilisation du monde. […] Et tel est, du reste, à toute page, le caractère de cette histoire, où l’historien, qui, nous l’avons dit, n’est pas catholique de foi, est catholique de vue à force d’avoir la tête politique ! […] Et lui, Renée, lui qui a le goût et le sens, ces deux grands avertissements critiques, ces deux consciences de ce qui fait la force et la beauté littéraires, a-t-il donc pu oublier que, pour écrire l’histoire de Grégoire VII, presque autant que pour la penser, il faut avoir en soi cet absolu que Grégoire avait dans le génie, dans le caractère, dans la foi, et que ceux qui ne l’ont pas dans la pensée ne peuvent s’empêcher d’admirer ?
Jusqu’ici, tous ceux qui ont parlé (en France, du moins,) de l’Amérique, l’ont fait avec les sentiments qu’inspirent aux âmes vulgaires deux choses qui mettent à terre beaucoup de genoux : — la force matérielle et la réussite… Ils ont adoré le Taureau d’or. […] En d’autres termes et sans métaphore, cette nation d’émigrés et d’émigrants qui lui transfusent éternellement de ce sang qu’elle se donne les airs de mépriser, est-elle par elle-même si solide qu’elle puisse se permettre, dans l’ivresse de sa force, cette inconséquence de mépris ? […] … Il est, je le sais, beaucoup d’hommes politiques de ce faible temps, dont l’âme domptée par la matière et tremblant devant elle prend l’énormité pour la grandeur et l’obésité territoriale pour la force. Mais l’honneur de la pensée n’est-il pas de traverser le milieu épais et physique pour saisir ce qu’il y a de vie, de force réelle et de vraie beauté morale, dont les nations, voyez-vous ! […] Aussi a-t-il un triple effroi pour les trois choses qui font la gloire et la force de notre Europe : la magistrature, l’armée et le sacerdoce.
Mais ici, dans ce monsieur Rousselot qui intitule ses chants des Chants de force et de jeunesse 40, il y a plus que le délire de l’enthousiasme pour soi-même, qui est une forme bénévolement autorisée et devenue vulgaire de la littérature lyrique. […] La Poésie, pour qui veut bien y réfléchir, n’est, en somme, qu’une superbe force personnelle qui subsiste, quel que soit l’emploi qu’on en fait. […] C’est l’enthousiasme, le Dieu en nous, comme traduisait madame Staël ; c’est l’enthousiasme, cet élargisseur des poitrines et des cœurs, qui donne aux poètes cette longue haleine et cette force d’enlever leurs vers comme sur des ailes, en plein ciel, en plein air, en pleine étendue, et, quoiqu’il se perde ici dans la chimère, l’auteur du Poème humain en a le foyer. […] Malheureusement pour Gustave Rousselot, l’une écrase l’autre, de ces cariatides… La Niobé vieillie est plus forte que le jeune homme qui croit, comme… un jeune homme, que la force est dans la jeunesse. […] Chants de force et de jeunesse (Constitutionnel, 24 août 1874).
Force nous est donc d’en prendre notre parti. […] La force morale d’où part la résistance, et au besoin la vengeance, s’incarnerait donc dans une personne. […] Ils disposent, jusqu’à un certain point, de ce que nous appelons les forces de la nature. […] J’entends bien que vous ne faites pas du hasard une force agissante. […] Eue avait une force dramatique de conviction qui emportait tout.
Elle se mit à espérer de toutes ses forces sans savoir pourquoi. […] Elle n’a qu’un nom, mystérieux et sans réplique comme elle : c’est la force des choses. […] Voilà la force des choses de notre organisation. […] Il semble que l’utopie n’ait plus de foi dans le rayonnement, sa force irrésistible et incorruptible. […] et qu’avant d’énoncer sa théorie du progrès sans limites, il étudie profondément la force des choses, la loi de la nature, incommutable comme la nature elle-même.
La nécessité d’abréger le rend précis : il a peu de notes, mais il frappe toujours sur la note juste, et la brièveté ajoute à la force du sentiment. […] C’est de la force, et non du délire, qu’il faut donner au peuple pour qu’il grandisse. Il y a de la force dans l’enthousiasme, il n’y en a point dans l’ivresse. […] J’ai encore la force de penser, je ne me sens pas la force d’agir. […] Selon moi, ajouta-t-il, il faut donc d’abord une vertu, puis une force dans toute politique.
Cette franchise et cette longueur de haine marquent la force du ressort. […] Leur nombre aussi bien que leur force lui défendaient la vie pratique et lui imposaient la vie littéraire. […] C’était une école de « chimériques. » Saint-Simon fonda aussi (sur le papier) sa république ; il limitait la monarchie en déclarant les engagements du roi viagers, sans force pour lier le successeur. […] C’est que nulle force ne se limite d’elle-même : son invincible effort est de s’accroître, non de se restreindre ; limitons-la, mais par une force différente ; ce qui pouvait réprimer la royauté, ce n’était pas la royauté, mais la nation. […] Cette impétueuse passion est la grande force des artistes ; du premier coup, ils ébranlent ; le cœur conquis, la raison et toutes les facultés sont esclaves.
La force créatrice a été prodigue du nécessaire. […] On accordait, dans l’héroïsme antique, une grande estime à la force du corps ; la valeur se composait beaucoup moins de vertu morale que de puissance physique ; la délicatesse du point d’honneur, le respect pour la faiblesse, sont les idées plus nobles des siècles suivants. […] L’esclavage, cet abominable fléau de l’espèce humaine, en augmentant la force des distinctions sociales, faisait remarquer davantage encore la hauteur des grands caractères. […] Mais l’esprit d’encouragement n’a jamais cessé d’exercer parmi eux la plus grande force. […] Maintenant la médiocrité toute puissante force les esprits supérieurs à se revêtir de ses couleurs effacées.
Il ne lui manque que la puissance ; il a le droit d’aimer, de hair ; il a vû tout ce qui blessoit cet ordre, la maladie des Empires, la contradiction des Loix, la Force égorgeant l’Equité ; il a frémi à la fois d’un mouvement de tendresse & d’indignation ; il a voulu terminer les débats antiques de l’horrible oppresseur, & du foible opprimé ; & si dans l’excès de son zèle, il s’est égaré dans ses vûes sublimes, du moins les succès du crime ne lui en ont point imposé, & n’ont point fatigué sa constante vertu. […] L’expression naïve de leurs sentimens vole sans effort sur leurs lévres, ils osent se montrer tels qu’ils sont ; la confiance s’établit, le rapport de goût se fortifie, l’amitié les unit à jamais, ils pensent ensemble, & ils n’ont point à craindre que la cupidité vienne briser des nœuds dont le charme fait toute la force. […] Oui, hommes de Lettres vous ne formez qu’un corps, vos intérêts sont les mêmes, rendez-vous respectables ; l’union seule peut concentrer vos forces. […] Si votre cause exige quelque chaleur, que ce soit avec noblesse avec honnêteté ; vos raisons ne perdront rien de leur force lorsqu’elle seront présentées avec modération ; on y reconnoîtra mieux le ton de la vérité. Songez enfin que la justice, la générosité, la grandeur d’ame doivent vous animer si vous voulez les peindre avec force, & les faire passer dans les cœurs de ceux qui vous écoutent.
L’Unicisme est un individualisme de la force et non plus du droit. L’Unique aspire naturellement à déployer sa force, à épanouir, sans souci des conséquences sociales, ses tendances quelles qu’elles soient. […] Elle s’oppose de toutes ses forces au novateur qui froisse ses sentiments, ses habitudes, ses préjugés, qui alarme ses intérêts. […] L’homme supérieur ne peut pas ne pas souffrir de ce conflit entre ses aspirations et son milieu et finalement, quelles que soient sa force et sa supériorité, il succombe dans la lutte. […] Ibsen définit l’héroïsme non par une supériorité morale (point du vue chrétien) mais par une supériorité de force (énergie, intrépidité, intelligence).
Cependant, il doit y avoir au moins des forces individuelles qui à leur base échappent à nos regards, mais qui se manifestent à elles-mêmes leur unité dans le fait de conscience. […] Nous conclurons donc par les deux propositions suivantes : 1° une pluralité quelconque (atomes, forces, phénomènes) ne peut être le principe d’une unité consciente, ce qui se connaît soi-même ne sera jamais une résultante ; 2° la pluralité des consciences ne peut s’expliquer dans l’hypothèse d’une unité uniforme et continue sans qu’il y ait quelque intermédiaire entre l’unité primitive et les consciences discontinues. […] Ce qu’il y a d’effectif dans la nature, c’est la force et la loi : l’étendue n’est qu’un substratum mort, c’est le vide ; la force et la loi, c’est déjà l’esprit, non pas de l’esprit pour soi, comme disent les Allemands, mais de l’esprit en soi. […] C’est cette intériorité de Dieu dans le moi qui fait la force du panthéisme, et c’est là l’essence de toute religion. […] Avec lui, il enseigne que l’âme est, non un objet, mais un sujet, non un substratum mystérieux, mais une force libre, ayant conscience de soi, puisant dans le sentiment antérieur de sa causalité propre la conviction de son individualité, d’une unité effective et non nominale, identique d’une identité non pas apparente, mais essentielle, inexplicable enfin par toute hypothèse de collection, collection de modes ou de parties.
En revanche, il demande à la société moderne d’accepter le christianisme, non pas comme un joug qui s’impose par l’autorité, mais comme une lumière, comme une force à laquelle l’âme se soumet librement. […] Sur quoi maintenant se fondent les positivistes pour établir que la matière et ses forces sont le seul objet du savoir humain ? […] Matière et force, dit-il : donc la force est autre chose que la matière ; puis il confond ce qu’il a distingué et croit avoir expliqué le problème, en considérant comme inséparables deux éléments distincts. […] Guizot, par ce fait capital que le monde n’a pas toujours été tel qu’il est ; la vie a commencé sur la surface du globe ; les espèces animales ont aussi commencé ; l’homme a commencé également, Or, à moins d’admettre que la vie est le résultat des forces de la matière, et que l’homme, comme toute espèce animale, est le produit d’une lente élaboration des siècles, on est obligé d’avoir recours à la puissance surnaturelle du Créateur ; mais d’une part la doctrine de la génération spontanée, de l’autre la doctrine de la transformation des espèces, sont des hypothèses arbitraires, repoussées par la science. […] Le surnaturel est l’intervention immédiate et personnelle de Dieu dans la nature : c’est ce qui excède les forces naturelles.
Car c’est l’ordre qui donne la force. […] Il a la force, et il en use. […] Mais il y avait chez eux force vivres à prendre. […] Les uns avaient perdu la force et la volonté d’être libres ; les autres avaient gagné la force et la volonté d’être injustes. […] Y a-t-il encore en France des forces et des volontés ?
. — Principe du parallélogramme des vitesses et des forces. — Énoncé exact de l’axiome. — La coexistence d’un second mouvement dans le même mobile est sans influence ou nulle, par hypothèse. — Passage de l’idée de vitesse à l’idée de force. […] Ainsi tout mobile auquel s’appliquent deux forces divergentes dont l’une est continue décrira une courbe ; et tout mobile, pour décrire une courbe, requiert au préalable l’application de deux forces divergentes dont l’une est continue. […] Or, nous avons mesuré la force d’après la vitesse plus ou moins grande qu’elle imprime au même mobile. […] D’où il suit que la force résultante, évaluée par la vitesse imprimée, est aux forces composantes, évaluées aussi par la vitesse imprimée, comme la diagonale est aux deux côtés de l’angle. […] Selon lui, ces propositions sont l’œuvre d’une force interne et l’effet de notre structure mentale.
Il y a assurément dans ces théories, qui rappellent le progrès de Condillac à Laromiguière, une part de vérité ; mais il faut s’entendre sur la vraie nature de la force déployée dans l’attention et l’aperception. […] Au reste, nous avons l’habitude de grouper toujours nos sensations, parce que c’est pour nous une économie de force et d’attention. […] Fait d’importance capitale, sans doute, qui n’est cependant encore qu’une complication des lois nécessaires de l’association ; c’est toujours l’introduction d’un courant supérieur qui, comme un tourbillon atmosphérique de force irrésistible, se subordonne le reste, emporte tout dans son cercle propre, impose sa direction aux feuilles des arbres qu’il détache, à la poussière qu’il soulève, aux vagues de la mer qu’il agite, aux voiles des barques qu’il gonfle et pousse devant lui. […] La « production d’énergie intellectuelle » n’est point illimitée89 ; l’attention n’est libre que d’une liberté toute relative ; « l’aperception » est une certaine quantité de force donnée à une image, à une idée, elle est une des conditions de ce que nous appelons l’idée-force, mais, encore une fois, la réaction intellectuelle qui la constitue est elle-même causée par l’état général de la sensibilité, par l’intérêt que nous prenons à la chose, — intérêt déterminé, fini, en rapport avec les deux termes subjectif et objectif, et qui, en somme, est un désir. […] Richet compare ingénieusement l’animal « à un mécanisme explosif, mécanisme d’autant plus parfait que l’intervention d’une force de plus en plus faible pourra déterminer une explosion de plus en plus forte » ; cette explosion n’en est pas moins toujours déterminée par des lois inflexibles.
Georges Dandin sterling qui, à force d’être dandinisé, à trois minutes d’Othello, tue sa femme, puis se constitue prisonnier, ni plus ni moins que tous les portiers et chapeliers du monde dans le même cas qui croient ainsi sauver leurs têtes, et, en attendant qu’on le juge, écrit son autobiographie pour servir de notes à son défenseur. […] Est-il possible d’être moins homme que cet homme, qui a été chaste dans sa jeunesse, la force des forces pour qui connaît le cœur humain, et qui, après avoir été trompé, berné, humilié, trahi et raillé par sa femme, dont il se sépare, en redevient l’amant une dernière fois, et, pour s’achever, se cocufie lui-même ; car de telles bassesses, de telles abjections, rappellent les vieux mots bannis qui ne faisaient pas peur à nos ancêtres ! […] Il a, si vous voulez, une certaine force de métier, mais il n’en a jamais assez pour rentrer, par le fait de cette force, dans le naturel de la vie.
Magistrature, armée, sacerdoce, triple force de l’ordre éternel, appuyées à la force triple de la famille représentée par ses chefs, voilà la force majeure des pays, et visiblement, pour qui sait ouvrir les yeux et regarder, les deux degrés électoraux que Dieu a rangés autour du pouvoir, et dont, en réalité, seul il dispose. […] Et son progrès, d’ailleurs, est aussi vague que son État lui-même, cet État qui n’est pas seulement une force, comme il le dit à la page xxii de la préface, mais une séduction, un prestige, une impulsion morale et variée. […] Malgré la force d’un esprit qu’il finira par énerver, et sur laquelle nous avons assez insisté, l’auteur de l’Individu et l’État a prouvé une fois de plus, et pour son compte, à quel degré la manie des théories vagues et l’idéologie philosophique portait malheur à la netteté de la pensée.
Si nous trouvons tant de charmes à révéler nos peines à quelque homme supérieur, à quelque conscience tranquille qui nous fortifie et nous fasse participer au calme dont elle jouit, quelles délices n’est-ce pas de parler de passions à l’Être impassible que nos confidences ne peuvent troubler, de faiblesse à l’Être tout-puissant qui peut nous donner un peu de sa force ? On conçoit les transports de ces hommes saints, qui, retirés sur le sommet des montagnes, mettaient toute leur vie aux pieds de Dieu, perçaient à force d’amour les voûtes de l’éternité, et parvenaient à contempler la lumière primitive. […] La voix d’Héloïse a plus de force. […] Ces cloîtres, ces voûtes, ces tombeaux, ces mœurs austères en contraste avec l’amour, en doivent augmenter la force et la tristesse.
Une force de direction constante, qui est à l’âme ce que la pesanteur est au corps, assure la cohésion du groupe en inclinant dans un même sens les volontés individuelles. […] Une force irrésistible semble la pousser de plus en plus violemment à la satisfaction de ses désirs les plus grossiers. […] Encore une fois : il est difficile de ne pas se demander si la tendance simple n’eût pas mieux fait de croître sans se dédoubler, maintenue dans la juste mesure par la coïncidence même de la force d’impulsion avec un pouvoir d’arrêt, qui ne serait alors que virtuellement une force d’impulsion différente. […] Dans une oeuvre dont on ne saurait trop admirer la profondeur et la force, M. […] Les croyances innées à nos ancêtres subsistent au plus profond de nous-mêmes ; elles reparaissent, dès qu’elles ne sont plus refoulées par des forces antagonistes.
Henri IV était le seul homme qui eût pu calmer, et il y arrivait par son habileté, par sa justice, par sa force si bien tempérée d’adresse ; il mourut trop tôt, et, après lui, il était bien difficile que les ferments mal apaisés, et qu’excitait derechef l’air du dehors, ne se renflammassent pas. […] Le plus souvent il n’avait qu’à se montrer pour donner courage à ses alliés du dedans, aux bons habitants qui entraînaient les autres : les consuls et échevins, plus circonspects d’ordinaire et gens déjà de juste milieu, ont besoin pour se rendre que la rue s’en mêle et qu’on leur force la main. […] Le maréchal de Thémines, qui avait l’avantage des forces, tient campagne, ravage le plat pays et s’empare de Saint-Paul, seule action un peu notable que Rohan lui attribue, en la diminuant de son mieux et la présentant comme plus facile qu’elle ne fut peut-être. […] Il est ensuite obligé de raconter la défaite de Soubise, aux prises dans l’île de Ré avec les forces royales, sa résistance plus ou moins désespérée, et, dans tous les cas, moins acharnée que celle des sept braves, et sa fuite en Angleterre avec ce qu’il peut sauver de vaisseaux. […] La conscience des vaincus pourtant, quand il y a en jeu des sentiments sincères et de vraies croyances, et aussi une portion de droit engagée, a ses forces secrètes, ses ressorts profonds, invincibles, et dont il ne faut parler qu’avec respect.
Il n’y a pas d’individu qui puisse contrepeser cette force énorme. […] Cependant cette théorie avait en soi tant de force, que, même glissée d’une manière un peu factice, et fâcheusement tronquée, elle constitua une des plus efficaces parties de l’Esprit des Lois. […] Mais il a voulu à toute force trouver des lois et des types. « Montesquieu, dit M. […] Le despotisme de Louis XV était peu redoutable, mais dans la perte de sa force oppressive, la royauté s’attachait désespérément à toutes les formes agaçantes, inquiétantes, d’une autorité qui ne pouvait plus être que tracassière. […] La politesse et l’esprit enveloppaient toute l’œuvre sans lui ôter de sa force.
Ce sont alors les cinquante fils d’Égyptos s’unissant de force aux filles du pays. […] Une femme qu’on abandonne n’est plus rien, la force guerrière n’est pas dans son cœur. […] … Pas de résistance, la force est là ! […] Ce décret, un clou solide l’a fixé ; aucune force ne saurait plus l’ébranler. […] Effrayant symbole des forces perdues, des travaux stériles, de l’effort acharné poursuivant un but illusoire.
Ni génie d’un homme, ni commun sentiment n’avaient la force de rejeter le poids encombrant des choses mortes. […] Appuyée sur l’antiquité, l’Italie prenait confiance en la nature humaine, confiance en la raison ; écartant la contrainte du dogme, la tristesse de l’ascétisme, elle faisait en tous sens l’expérience des forces de l’esprit : forte de la première et saisissante victoire de la raison sur la théologie dans la découverte de Colomb, elle affranchissait les sciences et la philosophie, et s’essayait librement, par toute sorte de pointes hardies, à les constituer dans leur pleine indépendance. […] La théorie de la virtù, d’où toute notion morale est exclue, fait de l’individu même l’œuvre où l’individu travaille à réaliser la plénitude de la force et de la beauté. […] Mais il est curieux de voir comment dans ce contact d’une civilisation supérieure, qui la domina si puissamment, la France préserva, développa même son originalité littéraire : chaque élément de la Renaissance italienne fut adapté, transformé ou éliminé par ce génie français dont elle a tout à coup éveillé la force. […] Tout cela, c’était, au fond, le retour de l’esprit bourgeois : d’abord comme submergé par l’aristocratique civilisation où avaient fleuri l’élégance de Marot et la splendeur de Ronsard, il reparaissait, mais affermi, étendu, ayant pris conscience de sa force et de sa fonction, avide enfin et capable de toutes les vérités.
Dès ce moment, en effet, il prêche avec beaucoup plus de force et s’impose à la foule avec autorité 339. […] Plusieurs fois peut-être se posa pour lui la question suprême : Le royaume de Dieu se réalisera-t-il par la force ou par la douceur, par la révolte ou par la patience ? […] Par ce mot : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », il a créé quelque chose d’étranger à la politique, un refuge pour les âmes au milieu de l’empire de la force brutale. […] Comprenons mieux la position de Jésus et ce qui fit sa force. […] L’idée qu’on est tout-puissant par la souffrance et la résignation, qu’on triomphe de la force par la pureté du cœur, est bien une idée propre de Jésus.
Andronicus, qui d’abord chantoit son cantique ou sa cantate, & qui exécutoit, alternativement ou en même temps, les intermédes de danses, ayant altéré sa voix, chargea un autre acteur de chanter, & dansa, par ce moyen, avec plus de liberté & de force. […] Quelle force, quelle vérité mâle & fière ne mettoit-il pas dans son jeu ! […] Le Kain joue avec force, noblesse & précision. […] Ceux qui connoissent le jeu de M. de Voltaire, sçavent quelle ame, quelle force, quel enthousiasme il met dans son action, & quelle chaleur il demande également dans les autres. […] Sa manière étoit imposante, noble, pleine de chaleur, d’intelligence & de force.
Nos mœurs, disions-nous tout à l’heure, sont restées immobiles, et ont même opposé une grande force de résistance au mouvement des opinions… J’ajouterai à présent que cette même immobilité et cette même résistance se sont trouvées, chez nous, dans le domaine de la religion. […] qui précipitait au moment même Jacques II du trône où il n’avait pas su s’asseoir : tant il est vrai que le principe qui commence par agiter la société religieuse s’épuise, et devient sans force en passant dans la société civile ! […] Dans l’empire romain, les institutions politiques et les institutions religieuses succombaient à la fois ; chez le peuple juif depuis les Macchabées, la force des institutions religieuses était concentrée dans les institutions politiques, et, par conséquent, était matérialisée. […] Les sociétés anciennes n’auraient pu subsister, sans l’esclavage, parce que les idées morales, qui n’existent que depuis le christianisme, peuvent seules contenir une multitude chez qui est la force par le nombre, et en qui le besoin de l’égalité tend toujours à développer tous les instincts antisociaux. […] Je suis loin de penser qu’il ne faille pas faire pénétrer le plus possible l’instruction dans toutes les classes de la société ; je sais tout ce qu’il y a d’inévitable et de fatal dans la force des choses, et j’ai déjà expliqué ma pensée à cet égard ; mais enfin cette diffusion des lumières trouvera toujours, et inévitablement aussi, une limite dans le besoin du travail, pour le plus grand nombre.
Comme la Médecine, enfin, qui n’est pas une science, quoiqu’elle s’en vante, mais un art, la Philosophie n’est-elle, pour l’auteur des Sophistes contemporains, qu’un empirisme ambitieux, plus ou moins temporairement heureux dans ses expériences, selon la force personnelle et relative du philosophe comme du médecin ? […] Chacun d’eux par lui-même, cérébralement, n’était rien ; mais tous ensemble, ils étaient une force. […] En Grèce, d’ailleurs, ils étaient une force, d’autant plus qu’ils étaient l’esprit même de la Grèce. […] La compétence philosophique, la force logique, l’argumentation qui va à fond, M. […] Pour combattre les sophistes contemporains, qui chaque jour se multiplient, quel principe ajoutera sa force à la force de ses facultés ?
De ce genre de roman-colosse, sous lequel ont péri des intelligences d’une force réelle, mais qui n’étaient pas aussi herculéennes qu’elles le croyaient, cariatides brisées par un entablement trop lourd pour elles, vous savez ce qui nous est resté… Deux à trois innocents cordiers littéraires qui, rien sur la tête et rien dedans, et le dos tourné au bon sens, à l’art et à la vraisemblance, allongent, allongent leur éternelle corde sans bout, pour des raisons qui ne sont nullement de la littérature. […] On a souvent parlé de la vérité de Cécile de Volange, dans un roman affreusement puissant, et on a admiré, en frémissant, la force d’impersonnalité qui l’a créée. […] Jetée dans le grand moule de ces madones qu’a peintes Raphaël, rien de plus agité cependant que cette puissante jeune fille, troublée par son propre cœur au moment même où elle apporte la paix et la force dans l’amour au cœur défaillant de Christian. […] Il garde sa force, et cette force est celle d’un homme, d’un véritable homme dans l’écrivain. […] Comme eux, c’est un concentrateur dont la force porte bien plus en dedans qu’en dehors, ainsi que nous l’avons montré en racontant son livre ; et l’on peut même douter, à la vigueur expérimentée de son esprit et à la décision de sa pensée, dont les plis sont trop marqués pour s’effacer, qu’il élargisse beaucoup cette « cuiller à café » dans laquelle Chamfort voulait faire tenir toutes les émotions et tous les efforts de la vie.
Cependant sa légèreté qui autrefois se mêlait à de grandes choses, s’amusait des petites, et l’imagination de ses citoyens, impuissante et active, leur donnait cette espèce d’inquiétude et de mouvement qui naît de la faiblesse jointe au souvenir de la force. […] Tout homme qui veut être applaudi, dénature sa pensée ; ou il en cache une partie pour faire davantage briller l’autre, ou il saisit un rapport qui étonne et qui est plus singulier que vrai ; ou il détache ce qui devrait être fondu dans l’ensemble, et le met en saillie, ou pour avoir l’air de s’élever et de voir de plus haut, il généralise un sentiment qui ne conserve sa force qu’autant qu’il est lié à une situation ; ou il ajoute au sentiment même, et pour étonner il exagère, ou par une expression recherchée il veut donner une tournure fine à ce qui devrait être simple, ou il tâche d’unir la finesse à la force pour surprendre par l’assemblage de deux qualités contraires, ou enfin pour arrêter et fixer partout l’attention, il multiplie les détails et néglige la grandeur et la marche de l’ensemble. […] En fait de goût, il faut moins de force pour remonter au but, que pour y redescendre. […] Près d’elle est la justice, dont le regard est à la fois imposant et doux ; le génie du gouvernement, attentif et sévère ; la paix qui sourit avec grâce, et la raison sage qui sert de ministre : et la loi en cheveux blancs, portant un sceptre d’or, et dont rien ne peut combattre la force. […] On n’y trouve ni élévation, ni chaleur, ni sensibilité, ni force.
Dans toutes les deux, on commença par le mélange de la force et du mauvais goût. […] Enfin les esprits se polissant, mais s’affaiblissant un peu, vinrent, par les progrès des lumières, à ce point où le goût des détails fut plus parfait, mais où l’élégance continue nuisit à la grandeur et surtout à la force. […] Cependant, l’orateur, à travers ce grand spectacle qu’il déploie sur la terre, nous montre toujours Dieu présent au haut des cieux, secouant et brisant les trônes, précipitant la révolution, et par sa force, invincible, enchaînant ou domptant tout ce qui lui résiste. […] Comme le style n’est que la représentation des mouvements de l’âme, son élocution est rapide et forte : il crée ses expressions comme ses idées ; il force impérieusement la langue à le suivre, et, au lieu de se plier à elle, il la domine et l’entraîne ; elle devient l’esclave de son génie, mais c’est pour acquérir de la grandeur. […] Bossuet a la familiarité des grands hommes, qui ne redoutent pas d’être vus de près : il est sûr de ses forces, et saura les retrouver au besoin.
en France, pays si vite blasé, après l’engouement et les furies il n’est pas très sûr de répéter une sensation ou une idée, si on n’est pas de force à y ajouter. C’est cette force qui a manqué à Michelet. […] La prétention de Michelet est de faire des corps adroits, un dressage de forces manuelles. […] Mais Michelet n’est pas de cette force. […] Seulement, il leur a arraché ce qui fait leur force… Et c’est ainsi que dans ce Cours, après s’être déshonoré comme prévoyant politique, il reste encore déshonoré comme penseur !
Toute une littérature théologique d’un sens profond et d’une controverse supérieure1 donne une juste idée de la force et de l’étendue de ces prétentions. […] Une circonstance qui vint à naître montra bien, même dans Oxford, la force collective qu’on essayait de nier. […] Avec la force intime qui les vivifie, elles ont produit de nombreuses conversions8. […] Les anglo-catholiques pourraient-ils douter de leur force, après tant d’écrits et tant d’actes qui ont remué si profondément les vieilles doctrines anglicanes ? […] voilà donc la dernière force et la dernière espérance du protestantisme anglican !
Pétrarque servit noblement à cette œuvre d’élégance ingénieuse, bien plus que de grandeur virile et de force véritable. […] Tu as brisé les forces et l’altière audace de Pharaon, guerrier cruel. […] qui ne souffres pas que ta gloire soit usurpée par celui qui mesure sa propre force au gré de son orgueil et de sa colère. […] À lui, on peut le dire, appartient le premier modèle de perfection du style français, le plus ancien mélange de force élégante et d’irréprochable pureté, de naturel et d’éclat. […] Peut-être même, pour la force et la simplicité, pour la magnificence du nombre et le naturel du langage, avait-elle atteint déjà une perfection que notre plus grand siècle ne devait pas dépasser.
J’en doute, et la vérité me force d’en dire les raisons. […] En nous ôtant la force de contenter une doctrine si exigeante, elle nous en ôte jusqu’à l’envie. […] Le propre de leur morale est de se proportionner aux forces humaines. […] La vertu, c’est la force qui résiste à la passion. […] La vertu n’est qu’une convenance de sa noble nature ; ce n’est pas une loi pour tous et dans les forces de tous.
Le centaure grandit en souplesse, en force et en beauté. […] Pendant sept ans, il a la force de se tenir à l’écart et de vivre dans la retraite malgré les curiosités du public. […] Une force intérieure, que M. […] C’est cette « activité de l’esprit » qui est la force organisatrice intelligente des idées et des images. […] La force seule existe et, par force, entendons ce mystérieux dynamisme qui, dans son essence, doit être psychique au moins en puissance, puisque ses manifestations conscientes le sont avec une si aveuglante évidence.
Vous le saurez encore plus exactement, si vous faites entrer dans vos combinaisons la force des intérêts de chaque classe, comme en physique, l’impulsion que donne telle pente au mouvement. […] Le despotisme dispense de la science politique, comme la force dispense des lumières, comme l’autorité rend la persuasion superflue ; mais ces moyens ne peuvent être admis lorsqu’on discute les intérêts des hommes. La force est une combinaison du hasard, destructive de tout ce qui tient à la pensée et au raisonnement ; car l’exercice de l’une et de l’autre suppose toujours la liberté. […] Depuis Newton, l’on ne fait plus de système nouveau sur l’origine des couleurs, ni sur les forces qui font mouvoir la terre. […] La philosophie, dans ses observations, reconnaît des causes premières, des forces préexistantes.
Et à chaque instant, quand nous voulons exprimer dans toute sa force quelque sentiment qui nous préoccupe, ne le trouvons-nous pas formulé tel que nous l’éprouvons par un de ces hommes de génie qui ont possédé le don si rare de l’expression ?... […] Je me garderai de rechercher dans l’histoire les griefs respectifs de ces deux forces : s’il y avait quelque logique dans les choses humaines, elles auraient toujours marché d’accord et reconnu la communauté de leurs intérêts ; au lieu de cela, elles n’ont jamais eu l’une pour l’autre assez de critiques acerbes, et, aujourd’hui, leur hostilité, il faut bien le reconnaître, est plus marquée que jamais. […] Je dis l’illusion, Messieurs, car si vous examinez le mouvement littéraire, artistique et intellectuel du Moyen-Âge, vous reconnaîtrez bientôt que cette nuit n’était pas aussi obscure qu’on a voulu le dire et que, si le courant était tout autre que celui qui devait triompher par la suite, il avait sa force, sa grandeur et sa beauté. […] Ce retour à l’antiquité qui, du xvie siècle à la fin du xviiie , marque l’orientation de la pensée moderne, n’a pas eu les mêmes caractères de force et de généralité dans les divers pays. […] Je ne puis vous apporter l’expérience que je n’ai pas, mais j’ai l’amour des grands sujets que nous allons aborder, le désir de vous les faire aimer, la volonté de travailler avec vous en vous encourageant et en vous guidant dans les limites de mes forces, et surtout, vous pouvez y compter, une sympathie toute acquise à tous vos efforts personnels.
Parmi ces différentes sortes d’idées il est bien facile de reconnaître celles qui cherchent à s’introduire de force dans le monde, sans y être attendues, et celles qui ont fini de régner, mais dont on voudrait prolonger l’empire parmi les peuples. […] Au milieu de ce violent tumulte, qui fut le plus souvent une discussion très solennelle, les idées anciennes étaient défendues, tantôt avec une réserve que l’on prenait pour de la faiblesse, tantôt avec un courage que l’on prenait pour de l’exagération ; quelquefois on eût dit le chant du cygne qui va mourir : mais ce chant du cygne n’était point entendu, et n’avait point la force d’émouvoir ; il n’y avait rien de contagieux dans ces derniers accents d’idées expirantes, ou dont l’empire n’était plus que dans le passé : encore, il faut l’avouer, souvent aussi ce n’était point même le chant du cygne ; c’était quelque chose de vague et d’incertain, comme un éblouissement des oreilles ; c’était, en un mot, une cause mal comprise et mal défendue. […] Ainsi chez les uns l’opposition venait de la force de leur caractère ; chez les autres, d’une sorte de timidité qui est une marque certaine de droiture. […] Vous avez vu, en effet, soutenir le droit par les mêmes arguments que le fait, le juste par les mêmes arguments que l’utile ; d’un autre côté, le fait et l’utile avaient des champions qui puisaient leurs moyens de défense dans les doctrines sur lesquelles reposent le droit et le juste ; la légitimité était confondue avec l’hérédité, avec l’hypothèse de l’élection continue ou du pacte primitif : il en résultait une grande confusion de langage ; mais tout, dans ce combat inégal, tournait au profit des idées nouvelles, parce que ce sont elles seulement qui sont douées de la force expansive.
Il en achète force métairies, force granges, force cens, force cassines, prés, vignes, terres labourables, pâtis, étangs, moulins, jardins, boeufs, vaches, brebis. » L’énumération est infinie, comme dans un conte indien : que serait-ce si nous achevions l’histoire ? […] De la force du coup pourtant il s’abattit. […] La force de la vérité le rejette encore une fois dans l’hypocrisie. […] Si la raison a jamais raison contre la force, ce doit être aujourd’hui. — C’est peu cependant. […] La force du jugement sert de prétexte pour l’attaquer.
Vous le savez comme moi, messieurs, Rome toute seule, et si elle n’avait été touchée du rameau d’or au moment même où elle le brisait, courait risque de rester à jamais une force puissante, écrasante au monde, sénat, camp ou légion. […] Mais la force romaine, le bras romain, la langue et la pratique romaines sont aussi partout : ça été le grand instrument de propagation et de culture. […] Et n’est-ce pas chez lui qu’on doit aller chercher le mot le plus expressif pour rendre la douceur même (the milk of human kindness), cette qualité que je demande toujours aux talents énergiques de mêler à leur force pour qu’ils ne tombent point dans la dureté et dans la brutale offense, de même qu’aux beaux talents qui inclinent à être trop doux, je demanderai, pour se sauver de la fadeur, qu’il s’y ajoute un peu de ce que Pline et Lucien appellent amertume, ce sel de la force ; car c’est ainsi que les talents se complètent ; et Shakespeare, à sa manière (et sauf les défauts de son temps), a été complet. […] Je n’irai, point, chez un auteur, louer l’art, là où il y a surtout force et grandeur. Si je loue l’art dans les Provinciales, je ne louerai, chez ce même Pascal, que la force et l’énergie morale dans les Pensées.
Dans les jours qui précédèrent la bataille de Bautzen, il y avait une incertitude si les forces ennemies se réuniraient ou se diviseraient. […] Pendant toute la journée du 21 mai, et tandis que Napoléon livrait sa bataille de front, les forces de Ney furent utilement employées à prendre l’ennemi à revers et à décider la victoire. […] … la fièvre me force à vous quitter ; je n’en puis plus. […] Quatre jours après son arrivée au quartier général des souverains alliés, Jomini se trouvant à table, en face du roi de Prusse, ce prince lui demanda quelle était la force du corps de Ney. […] Mais, s’il ne se croyait pas en droit de répondre sur la force numérique d’un corps d’armée à lui trop bien connu, il ne se faisait pas faute sans doute de dénoncer en général le fort et le faible de ses nouveaux adversaires.
Il est admis que, d’elle-même et par sa propre force, la théorie engendre la pratique, et qu’il suffit aux hommes de décréter ou d’accepter le pacte social pour acquérir du même coup la capacité de le comprendre et la volonté de l’accomplir. […] Contre leurs débordements et leurs dévastations, il a fallu installer une force égale à leur force, graduée selon leur degré, d’autant plus rigide qu’elles sont plus menaçantes, despotique au besoin contre leur despotisme, en tout cas contraignante et répressive, à l’origine un chef de bande, plus tard un chef d’armée, de toutes façons un gendarme élu ou héréditaire, aux yeux vigilants, aux mains rudes, qui, par des voies de fait, inspire la crainte et, par la crainte, maintienne la paix. […] Au nom de la souveraineté du peuple, on retire au gouvernement toute autorité, toute prérogative, toute initiative, toute durée et toute force. […] De gré ou de force, ils sont les corvéables de l’État, plus disgraciés qu’un valet ou un manœuvre, puisque le manœuvre travaille à conditions débattues et que le valet chassé peut réclamer ses huit jours. […] Chacun se donne tout entier, « tel qu’il se trouve actuellement, lui et toutes ses forces, dont les biens qu’il possède font partie ».
Les hommes de force ont, depuis que la tradition humaine existe, brillé seuls à l’empyrée de l’histoire. […] La période des hommes de force est terminée. […] Être un peuple, être une force, et voir ces choses, c’est les trouver bonnes. […] Devant cette histoire, le génie lui-même, fût-il la plus haute expression de la force servie par l’intelligence, est tenu au succès continu. […] Par la seule force des choses, le côté matière des faits et des hommes se désagrège et disparaît.
Cependant, de plus en plus resserrée dans son pouvoir et entravée dans sa marche, la majorité du Directoire recourut à la force, comme à son unique ressource. […] C’est lui qui, dans une vive discussion sur l’entreprise d’Égypte, répond à Bonaparte, qui prononce le mot de démission : « Je suis loin de vouloir qu’on vous la donne ; mais si vous l’offrez, je suis d’avis qu’on l’accepte. » Enfin, s’il succombe lui-même au 30 prairial, si les Conseils, prenant la revanche du 18 fructidor, l’expulsent par violence d’un poste où il défend intrépidement une Constitution dont on ne veut plus, ce n’est pas à la peur ni aux prières qu’il cède, c’est à la conviction de son impuissance, au vœu trop manifeste de ses concitoyens, et, en se retirant, pauvre, à pied, dans sa petite maison d’Andilly, il emporte avec lui la dignité et la force du Directoire. […] Le Directoire, par le 18 fructidor, prévint donc la guerre civile et lui substitua un coup d’État exécuté avec force, mais avec le calme et la modération possibles dans les temps de révolution. »Le 18 fructidor tua en France le parti royaliste en tant que conspirateur, et il ne reparut plus désormais qu’en 1814, la Charte en main, avec des paroles d’amnistie et de liberté. […] Barras, lâche à son ordinaire, dès qu’il sentit où était la force, abandonna ses collègues. […] Veut-il, quand il trouve des cœurs sourds à ses avis, employer la force, on le déclare tyrannique, on dit qu’à la faiblesse il joint la méchanceté.
Nous atteignons ainsi à la conscience de notre force, et c’est là ce que nous ne saurions acheter trop cher, parce que cette conscience nous rend plus forts. […] Isolé au milieu d’une nature où tout pour lui était mystère, effaré à chaque manifestation inattendue de forces incompréhensibles, il était incapable de voir dans la conduite de l’univers autre chose que le caprice ; il attribuait tous les phénomènes à l’action d’une multitude de petits génies fantasques et exigeants, et, pour agir sur le monde, il cherchait à se les concilier par des moyens analogues à ceux qu’on emploie pour gagner les bonnes grâces d’un ministre ou d’un député. […] Ce n’est pas tout : l’Astronomie ne nous a pas appris seulement qu’il y a des lois, mais que ces lois sont inéluctables, qu’on ne transige pas avec elles ; combien de temps nous aurait-il fallu pour le comprendre, si nous n’avions connu que le monde terrestre, où chaque force élémentaire nous apparaît toujours comme en lutte avec d’autres forces ? […] Le jour où Copernic a prouvé que ce qu’on croyait le plus stable était en mouvement, que ce qu’on croyait mobile était fixe, il nous a montré combien pouvaient être trompeurs les raisonnements enfantins qui sortent directement des données immédiates de nos sens ; certes, ses idées n’ont pas triomphé sans peine, mais, après ce triomphe, il n’est plus de préjugé si invétéré que nous ne soyons de force à secouer.
D’abord elle voulut que les géants qui erraient dans les montagnes, effrayés des premiers orages qui eurent lieu après le déluge, cherchassent un refuge dans les cavernes, que malgré leur orgueil ils s’humiliassent devant la divinité qu’ils se créaient, et s’assujettissent à une force supérieure qu’ils appelèrent Jupiter. […] Ils retinrent par force dans leurs cavernes des femmes, dont ils firent les compagnes de leur vie. […] Les lois, les institutions sociales fondées par la liberté populaire n’ont point suffi à la régler ; le monarque devient maître par la force des armes de ces lois, de ces institutions. […] La seconde montrait une férocité généreuse dont on pouvait se défendre ou par la force ou par la fuite ; l’autre barbarie est jointe à une lâche férocité, qui au milieu des caresses et des embrassements en veut aux biens et à la vie de l’ami le plus cher. […] Mais la sagesse divine n’a pas besoin de la force des lois ; elle aime mieux nous conduire par les coutumes que nous observons librement, puisque les suivre, c’est suivre notre nature.
Dans la sensation, « cette hallucination vraie », les images, dès qu’elles ont une certaine force, entraînent la croyance à leur réalité ; voir assez fortement, c’est croire. […] Son domaine propre est l’émotion, mais, dans ce domaine, il peut choisir tel genre d’émotion qui lui convient le mieux, qu’il sent plus sympathiquement et qu’il rend avec plus de force. […] L’art doit imiter le souvenir ; son but doit être d’exercer comme lui l’imagination et la sensibilité, en économisant, le plus possible leurs forces. […] Le souvenir est ainsi comme un jugement porté sur nos émotions ; c’est lui qui permet le mieux d’apprécier leur force comparative : les plus faibles se condamnent ellesmêmes, en s’oubliant. […] Ils obtiennent la réalité de la perception par la force de la sensation.
. — Quelles forces ont produit la civilisation présente et élaborent la civilisation future. […] L’empire de ce monde est à la force. […] La faiblesse de ses impulsions sensibles contribue à la force de ses impulsions morales. […] Surtout ils sont flegmatiques ; ici comme ailleurs le tempérament est toujours la grande force. […] Celle-ci a sa force comme l’ancienne a sa force ; elle est scientifique si l’autre est nationale ; elle s’appuie sur les faits prouvés si l’autre s’appuie sur les choses établies.
Il fallait bien, en effet, tout cela, tout ce sacrifice, toutes ces vertus, toutes ces croyances, pour que des pauvres et des souffrants trouvassent en eux la force d’entreprendre une telle œuvre que celle de sauver, de tirer des duretés et des cruautés, d’affranchir de l’esclavage, de régénérer enfin le monde, et pour faire faire à la masse de l’humanité un si grand pas que celui qui l’éleva de la morale du paganisme à la morale chrétienne. […] A force de poursuivre tous les perfectionnements qu’a apportés l’Évangile dans la vie humaine et de pousser à bout toutes les conséquences de Jésus-Christ telles qu’il les comprend et qu’il les aime, il excède et il sort de toutes les proportions de l’histoire ; il est dans le dogme, il entre dans les mystères mêmes de la vie future et des récompenses destinées aux élus. […] erreur du temps, de la profession tant que l’on voudra, mais aussi erreur et faiblesse de caractère ou d’esprit en celui qui parle et qui, à force d’embrasser l’universalité des siècles, ne prévoit pas ce que lui garde le jugement du lendemain ! […] C’est sans doute les grands hommes qui font la force d’un empire. […] Tel est, — tel du moins qu’il s’est dessiné à moi en toute sincérité, — ce noble ouvrage qui restera toujours comme un puissant monument de la vue, de la force surtout, de l’ordonnance et de la méthode propres à Bossuet, en même temps que de son mâle et majestueux talent.
Aussi je ne crains pas de dire qu’il faut une très-grande force de volonté aujourd’hui pour rester simple poëte, même quand on est poëte évidemment. […] Sous un air de gentillesse parfois adolescente et de pure grâce, ce volume de Marie annonçait donc une qualité très-certaine de force et de nerf. […] J’ai souvent pensé à ce qu’il faut ainsi de force réelle, de force contenue et bien apprise, pour atteindre à une grâce nette, souple, déliée, à un tour découpé et décisif. […] Sa force, en quelque sorte, est brève. […] Cette espèce de force qui s’était marquée dès les gracieux débuts de M.
Force nous est donc de commencer par chercher si la seule vertu des races ou celle des idées explique pleinement l’expansion de l’égalitarisme, si l’Anthropologie ou l’Idéologie est capable de nous en donner la raison suffisante. […] Nous en avons assez dit pour prouver que la race reste, jusqu’à nouvel ordre, une force occulte à laquelle il ne faut faire appel qu’en désespoir de cause ; mesures et statistiques ne doivent pas nous faire illusion : l’explication anthropologique n’est et ne sera pas longtemps, sinon toujours, qu’un pis-aller. […] Quelle que soit leur nature dernière, nos idées nous paraissent être, de tous les phénomènes, les plus capables d’être modifiés, et de modifier tout le reste ; c’est sur la force et par la force des idées que nous croyons pouvoir le plus facilement agir, et cette croyance même facilite sans doute notre action. […] Pourquoi, demande un historien des théories morales48, chercher à toute force dans les idées des stoïciens un écho des idées chrétiennes, alors qu’on y peut voir un reflet de l’état social de l’Empire ? […] Comme la « force des races », la « force des idées » est un problème plutôt qu’une solution.
On peut dire en général que Louis XIV mesura un peu trop ses forces par son caractère. […] Partout il fallut opposer de grandes forces à de grandes forces. […] Il est probable que si Louis XIV avait reçu une éducation digne de la vigueur de son caractère, il eût joint à sa passion des grandes choses le génie qui les juge, et que surtout il eût appris l’art le plus difficile des rois, celui de n’abuser ni de ses vertus ni de ses forces. […] Il leur manquait je ne sais quoi de calme qui arrêtât leurs forces et qui les rassemblât, qui les rendît utiles en les dirigeant. […] Notre esprit naturel devint du génie ; notre activité inquiète, de la force ; notre impétuosité, un courage docile et terrible ; tout prit un caractère, et l’esprit national (car nous commençâmes alors à en avoir un), formé par de grands exemples et de grands objets, acquit un degré de hauteur inconnu jusqu’alors.
Gaston Paris me permettra de citer ici quelques lignes de son écriture, car elles sont une critique et elles disent ma pensée même, depuis que je les ai lues : « Sur quelques points (comme ce qui regarde l’orthographe) je ne serais pas tout à fait d’accord avec vous, et en thèse générale je ne sais si dans l’évolution linguistique on peut faire autre chose qu’observer les faits ; mais après tout dans cette évolution même toute volonté est une force et la vôtre est dirigée dans le bon sens. » Ma pensée c’est cela même, c’est que je ne suis qu’une force, aussi petite que l’on voudra, qui voudrait se dresser contre la coalition des mauvaises forces destructives d’une beauté séculaire.
Point n’est besoin, d’ailleurs, pour expliquer ce dédoublement, de faire intervenir une force mystérieuse. […] Il ne faut pas oublier que la force qui évolue à travers le monde organisé est une force limitée, qui toujours cherche à se dépasser elle-même, et toujours reste inadéquate à l’œuvre qu’elle tend à produire. […] Si la force immanente à la vie était une force illimitée, elle eût peut-être développé indéfiniment dans les mêmes organismes l’instinct et l’intelligence. Mais tout paraît indiquer que cette force est finie, et qu’elle s’épuise assez vite en se manifestant. […] L’instinct qui anime l’Abeille se confond donc avec la force dont la cellule est animée, ou ne fait que la prolonger.
Il avait fini, après un vigoureux combat au-dessus du confluent de la Taya, par être forcé de se replier devant les forces supérieures des Russes, mais non pas sans les avoir de son mieux contenus et retardés. […] « Le maréchal Soult demandait au roi d’Espagne de manœuvrer avec ses forces réunies devant lord Wellington, de manière à le tenir en échec, mais sans hasarder une action sérieuse, jusqu’à ce que l’armée du maréchal fût en mesure d’attaquer l’armée anglaise par son flanc gauche et ses derrières, sur la rive droite du Tage, et de lui couper toute retraite. […] Il fallut nous faire monter de nouveau sur la tour et employer ensuite la force pour dissiper ces forcenés. […] Il profita de ce moment (remarque bien ceci, mon cher Saint-Joseph) pour rassembler le peu de forces qui lui restaient encore, et, s’étant mis sur son séant, il nous reprocha pour ainsi dire notre faiblesse ; il était, en effet, plus calme que nous tous, son visage était serein, et, quoique les ombres de la mort s’y fissent déjà apercevoir, il avait quelque chose de noble, d’imposant, d’auguste : « Qu’est-ce donc que mourir, mes amis ? […] Deux heures avant sa mort, le général m’appela auprès de lui ; il voulut se mettre de nouveau sur son séant, mais les forces manquaient.
La ruse, ou l’esprit, en face de la force […] Mais dans l’épopée, l’admiration, la sympathie vont à la force loyale, à Garin, à Bègue. […] Ce lourdaud d’Ysengrin fait ce qu’il peut, et ce n’est pas sa faute s’il est réduit à la colère brutale et à la force ouverte. […] Il en est des mauvaises mœurs comme des cadavres : cela ne signifie plus rien, à force d’être commun. […] Pas une émotion n’altère l’ironique sérénité des conteurs, tandis qu’ils nous défilent cet interminable chapelet de ruses souvent brutales, et même meurtrières : ils n’ont d’applaudissement que pour la force, force du corps ou force de l’esprit : de réelle sympathie, ils n’en ont pour personne.
Et de là tout principe d’agir est transporté à la raison, toute force d’agir à la volonté. […] Il exprime la force, et non la bonté de l’âme. […] Mais surtout, qu’arrivera-t-il, quand la volonté sera présentée dans sa force maxima, dans sa pureté supérieure : dominatrice, sereine, immuable ? […] Mais il a la force, et un éclat intellectuel, qui résulte du ramassé de la pensée, de la justesse saisissante des mots, de la netteté logique du discours. J’ai déjà dit que Corneille avait surtout l’imagination mécanique : il ne voit, et son style ne note que les forces qu’il met en action.
Ce n’est pas du premier coup que l’homme arrive à la conscience de sa force et de son pouvoir créateur. […] Souvent ce sont les agents surnaturels qui sont eux-mêmes les auteurs des oeuvres qui semblent dépasser les forces de l’homme. […] Sans doute l’homme produit en un sens tout ce qui sort de sa nature ; il y dépense de son activité, il fournit la force brute qui amène le résultat ; mais la direction ne lui appartient pas ; il fournit la matière ; mais la forme vient d’en haut ; le véritable auteur est cette force vive et vraiment divine que recèlent les facultés humaines, qui n’est ni la convention, ni le calcul, qui produit son effet d’elle-même et par sa propre tension. […] La réflexion imparfaite ne peut reproduire dès le premier essai les œuvres de la nature humaine agissant par toutes ses forces intimes. […] Mais il est physiquement possible que l’humanité soit destinée à périr ou à s’épuiser et que l’espèce humaine elle-même s’atrophie, quand la source des forces vives et des races nouvelles sera tarie.
C’est, en dernière analyse, séparer une force de sa direction, une volonté de son image-but, une variété animale de son premier type, que de distinguer une armée de son général, une masse d’adhérents h une entreprise de celui qui la conçut, un peuple de ses chefs, une classe de ses membres énergiques. […] D’autre part, l’excitation factice habituelle d’un certain groupe de sentiments tels que la pitié, le dédain, l’enthousiasme, la rêverie, doit comme tout exercice de toute faculté, tendre à augmenter la force de ce groupe de sentiments, à détruire l’équilibre mental précédent et à altérer la conduite dans le sens de l’une de ces inclinations. […] Une enquête minutieuse sur une centaine de grands hommes de tout ordre et de tout pays fournira probablement des confirmations exactes à nos critiques et permettra de mesurer avec une certaine approximation, l’effet de ces deux forces qui s’exercent, sans doute, mais avec des résultats d’autant moins discernables que la complexité sociale s’accroît, c’est-à-dire, en somme, eu raison inverse de la civilisation. […] Même, en vertu de la substitution qui peut s’opérer entre une émotion réelle et une émotion esthétique, en vertu de l’affaiblissement de force active que cause chez un individu ou un peuple la prévalence des sentiments esthétiques, nous pourrons, par l’analyse, arriver à connaître et l’intensité et la nature de la volonté, dans un ensemble social possédant un art. […] La suggestion ne repose par sur la terreur ou l’intimidation : « ce n’est point la crainte, d’ailleurs, je le répète, c’est l’admiration ; ce n’est point la force de la victoire, c’est l’éclat de la supériorité sentie ou gênante, qui donne lieu au somnambulisme social » (« Qu’est-ce qu’une société ?
A l’âge normal de la virginité, cet isolement du monde, nécessaire à la croissance de l’individualité physique, est une source de force et de profit, loin d’être néfaste. […] Un autre motif nous force à combattre ceux qui tentent d’élever l’onanisme mental à la hauteur d’une méthode : l’examen des résultats positifs que cette méthode a enfantés dans le monde nous le fournit. […] Mes sens fleurissent d’une flamme vive, Mon âme chante des psaumes allégresse, Mon sang projette des hymnes, Mes membres se gonflent de force pour tout travail. […] En conclusion de ses arguments, dont quelques-uns ne sont pas dépourvus de force, M. […] Il y a des volontés d’une telle puissance qu’elles semblent parfois plier l’individu à de véritables tours de force ; mais lorsque la tension est trop violente, l’être mental se brise soudain, et c’est le spectacle auquel nous assistons parfois.
Elle ne nous fait connaître véritablement que leur diffusion dans les esprits du vulgaire ignorant, leur dégradation pour ainsi dire, et la force d’impulsion qu’elles ont manifestée : mais la genèse et l’évolution de ces idées même dans l’élite qui pense, les formes supérieures de la vie intellectuelle, ne se sont pas déposées alors, sinon par hasard, dans les œuvres de langue française. […] Tout ce qu’il a été lui est à chaque moment attaché comme un poids qui l’entraîne : mais, à chaque moment aussi, des forces nouvelles surgissent qui accélèrent ou dévient son mouvement en mille façons. […] La décadence des principes qui avaient fait la force et la grandeur de l’âme féodale, les victoires de l’intérêt sur l’honneur, de la ruse sur la force, de la sagesse pratique sur la folie idéaliste, l’infiltration de la science cléricale dans le monde laïque, moins sévèrement enfermé dans l’abstraction, moins étroitement contenu par l’orthodoxie théologique, l’essor du bon sens bourgeois et de la logique disputeuse, l’éveil de la curiosité, de la critique, du doute, et la diffusion d’un esprit grossièrement négatif et matérialiste, tout cela, dans ce xive et ce XVc siècle qui sont moins le moyen âge que la décomposition du moyen âge, fait naître et fleurir toute sorte de genres, narratifs, didactiques, satiriques, prose ou vers, contes, farces, allégories.
Mais il n’y a pas, dans Shakespeare, que de ces œuvres rayonnantes dont le rayonnement force tout. […] La jeunesse des grands poètes ne se compte pas aux boucles brunes de leurs chevelures, mais aux forces, parfois tardives, de leur pensée. […] Dans la mesure de ses jeunes forces, tout ce que pouvait faire François Hugo, il l’a fait. […] J’aime mieux le Shakespeare rayonnant, avant d’être réduit à une seule force vitale des diverses facultés qui font l’esprit de l’homme comme les astres font le firmament. […] Inconscient de sa force et de son art, lui, Shakespeare ?
La force seule lui manqua, en dépit du bon vouloir. […] Autant La Bruyère a de saveur et de force, autant Bossuet semble fade et déclamatoire. […] Le pouvoir civil en est seul responsable, puisqu’à lui seul appartient la force. » L’argument est connu ; il tend à démontrer que, si, manquant de la force nécessaire, vous mettez le couteau aux mains d’un être robuste et dont vous avez fait votre chose, pour l’employer à vos desseins homicides, le meurtrier c’est lui, et c’est vous l’innocent ; que si vous prêchez le crime, laissant aux autres le soin de l’accomplir, vous demeurez sans reproche. […] Nous savons d’autre part que c’est la puissance militaire de la Prusse qui a donné à l’Allemagne sa force et son unité. […] Pour formuler une foi, il faut la force.
Par la force de son corps il chevaucha en maints pays. […] Son corps seul possédait la force de douze hommes. […] La force de Brunhilt nous l’a enlevé, j’imagine. […] La clairière retentit bruyamment de la force du coup. […] Les forces de son corps puissant l’abandonnent.
L’homme s’avise que l’exemple est d’une grande force et même est la seule force morale un peu sérieuse. […] Ni la force, ni la persuasion, ni l’exemple ne suffisent. […] Mais il a employé la persuasion et le bon exemple, c’est-à-dire qu’il est entré dans l’ordre des forces morales et c’est-à-dire des forces mystiques. […] — Parce que, auraient pu répliquer les anticléricaux, ces gens-là, étant organisés, sont une force, et on ne peut lutter contre une force que par une force. […] Qu’il passe à une nation qui ait cette force militaire et cette force navale à laquelle nous ne tenons pas.
Cette force du diplomate s’étale dans la chronique : Commynes observe et généralise. Il démonte, pour ainsi dire, les événements, pèse les forces et les influences, sonde les conséquences. […] Il sait triompher en dedans : il n’a pas de vanité bruyante, et ce fut peut-être sa plus grande force. […] La ruse, la négociation, l’esprit enfin n’ont pas toute leur valeur, si la force n’abdique devant certains droits. […] En troisième lieu, Commynes se fait une haute idée du pouvoir royal, procurant la force et la prospérité de l’État.
De pâles victimes sortent anéanties, les nerfs crispés ou atones, de quelque aventure terrible au-delà des forces humaines. […] Poe conçoit cette force comme la tendance de toutes les particules de la matière à rentrer en une unité originelle. […] Les particules irradiées en vertu de la première force, tendent par la seconde à rentrer dans leur état primitif d’unité. […] Poe fait douter de la santé cérébrale à force d’étaler les détraquements, les névroses et les hallucinations de ses maniaques. […] Il semble qu’en envisageant ces facultés comme les forces d’une mécanique cérébrale, on oublie leur caractère, de manifestations vitales et transitoires.
On croit entendre les clameurs d’un Isaïe ou d’un Ezéchiel : protestation du droit contre la force, affirmation de la justice contre la violence, espérance superbe de la conscience qui, blessée du présent, s’assure de l’éternité. […] Dans cet étalage de choses répugnantes, dans cette volonté d’être et paraître « malsain », dans ce « caïnisme » et ce « satanisme », je sens beaucoup de « pose » et la contorsion d’un esprit sec qui force l’inspiration. […] Le petit volume de Bouilhet est un témoin curieux des impulsions incohérentes auxquelles obéissaient entre 1850 et 1860 les talents secondaires qui n’avaient pas la force de s’affranchir et de s’orienter une bonne fois. […] La personnalité du poète ne s’affirme plus que par l’élection de la forme : une forme belle et large, impeccable et précise, aveuglante parfois à force d’éclat, dure aussi à force de fermeté. […] Sans doute la force de l’idée, la logique du raisonnement font obstacle parfois à la poésie et imposent aux vers une précision de prose scientifique.
Tout cela croule déjà ; mais, les premiers jours, la masse monstrueuse étonnait, imposait l’idée d’une force. […] Mais sa vérité ne me satisfait pas : elle est trop exclusivement élégante et fine, manque trop de force et de profondeur. […] Inconsciemment encore, il se défend lui-même et dénigre ce qui lui manque quand il critique la force qui est souvent stabilité. […] Je le hais, ce Mirbeau, qui me force à admirer la puissance de son esprit et à mépriser l’ignominie de son âme. […] D’ailleurs mon expérience personnelle m’a appris que toute cette œuvre, à une exception près, est, en effet, de la même force.
Il a la force acquise de ces luttes nommées traductions, et, ce qui est plus intime et plus important que la lettre, le sentiment du génie de l’homme qu’il traduit. — Le traducteur ou plutôt les traducteurs du second volume, c’est un M. […] Il avait de plus la sensibilité gouvernée, la force comparante et le calme, ce calme imposant qui n’est pourtant pas la froideur. […] Il y en a un sur Goldsmith, sur Atterbury, sur Bunyan, sur Addison, vu jusqu’au fond de son dernier sourire comme à travers un cristal, — cet Addison, un Voltaire doux et pur, absolument comme Fénelon était un serpent sans venin, — et enfin sur Johnson, ce Samson anglais par la force de l’esprit comme par la force du corps, un grand critique anglais, mais, hélas ! […] L’écrivain, chez lui, l’écrivain dont la force poétique est toujours donnée par la comparaison, a la comparaison surtout ingénieuse, et il la suit longtemps quand il la trouve… En somme, si le critique défaille souvent pour les causes que j’ai dites, l’écrivain se soutient toujours, et c’est ce souci d’être toujours écrivain qui fait de lui un esprit, avant tout, littéraire et inaliénablement tel, alors même que le critique littéraire a disparu dans l’historien à prétention, dans le whig incessamment présent, dans l’utilitaire, dans le scholar ; car il est resté scholar aussi, d’habitude intellectuelle et même quelquefois de langage, cet homme qui n’a pas, malgré une force incontestable, su rompre ces emmaillottements ! […] Intérieur et extérieur, également embrassés, de l’ouvrage qu’il veut faire connaître, influences subies ou repoussées, époques reproduites à grands traits, individualités pénétrées, manière toute-puissante et presque magique de grouper les faits dans laquelle il est passé maître, vues ingénieuses et profondes, preuves historiques resplendissant d’exemples à l’appui de ses opinions, et, quand il n’est pas dans la vérité absolue, mirages historiques si bien faits que les plus savants peuvent y être pris, voilà les forces vives du genre de critique qui est la gloire de Macaulay !
Telle est sa dernière force ; comptons-les toutes : le style simple et lucide qui met la science à la portée des ignorants ; la précision du langage qui imprime des convictions nettes ; la vigueur du raisonnement qui asseoit des convictions fortes ; les métaphores grandioses qui éclairent et dominent l’imagination ; la volonté impérieuse qui asservit les esprits indécis ; la verve féconde qui séduit les esprits grondeurs. […] Ainsi lié par le sens commun, par l’amour de l’ordre, par le christianisme, il passa trois ans, défaisant l’ouvrage des autres, et creusant de toute sa force, au milieu de la route, un mauvais trou. […] C’est l’hôte passager d’une terre vingt fois fracassée, le jouet fragile des forces souterraines qui font bouillonner des tempêtes de lave sous ses pieds. […] Quelle force les forme, les accommode à la nature des objets extérieurs, les enchaîne entre eux, les attache à la sensation ? […] On vit un jour un cheval plein de feu, d’orgueil et de courage, le cœur aussi grand que la force, généreux, capable de durer et de s’user à la peine.
Son crime fut d’être trop puissant : c’en était un dans une minorité orageuse, et sous un gouvernement faible où plusieurs grands hommes se choquent, et où l’autorité sans vigueur ne peut tenir la balance entre des forces extrêmes qui se combattent. […] Il fut précipité dans l’avilissement et le malheur, et par ses amis et par ses ennemis, et par la force des événements, et par sa propre faiblesse, et parce qu’il ne sut presque jamais s’arrêter ni dans l’abandon, ni dans l’usage de ses droits. […] Alors la témérité même cessait de l’être ; et ce grand homme appuyait le peu de forces qu’il avait des forces réelles de l’admiration et de l’enthousiasme. […] C’est ainsi que dans un siècle où l’on n’avait encore aucune idée de la vraie éloquence, la force d’un sujet pathétique et terrible, inspirait aux orateurs ou des mouvements, ou des traits heureux64. […] Malgré les défauts incroyables du mauvais goût, quelques-uns de ces discours attachent encore et intéressent par la force du sentiment qui y est répandu.
Ici elle agit comme force passive et défensive ; là, comme énergie active, offensive et conquérante. — Sous toutes ces formes et dans tous ces usages, elle apparaît comme une puissance régulatrice et organisatrice des instincts, des sentiments et des idées, comme le principe directeur de la vie, le guide de la conduite, comme la manifestation la plus haute de la personnalité. […] En nous la personnalité originelle résiste à l’autre et le conflit de ces deux forces ennemies paraît insoluble. […] Ces différences originelles dans les volontés sont reconnues par la théologie catholique : les forces du libre-arbitre sont en nous plus ou moins débilitées et inclinées au mal ou au contraire aidées et fortifiées par la grâce. — C’est comme correctif à cette inégalité des forces du libre arbitre chez les différents individus, que la théologie catholique admet la doctrine de la réversibilité des mérites, de la solidarité universelle des âmes. […] « À part les doctrines particulières des penseurs (Comte) qui visent à établir un despotisme de la société sur l’individu, il y a aussi dans le monde une forte et croissante inclination à étendre d’une manière outrée le pouvoir de la société sur l’individu et par la force de l’opinion, et par celle de la législation. Or, comme tous les changements qui s’opèrent dans le monde ont pour effet d’augmenter la force de la société et de diminuer le pouvoir de l’individu, cet empiètement n’est pas un de ces maux qui tendent à disparaître spontanément, bien au contraire, il tend à devenir de plus en plus formidable. » (Essai sur la liberté, ch.
Il nous faut une enquête semblable pour pénétrer jusqu’aux forces qui ont modelé une œuvre littéraire. […] Tel caractère d’un écrit ou d’un discours présuppose et permet d’affirmer l’existence de telle faculté correspondante chez l’écrivain ou l’orateur, et chacune des facultés ainsi constatées peut être considérée comme une des forces productrices cherchées. […] à force d’expérimenter directement sur elle par la suggestion hypnotique, pourquoi, dis-je, n’arriverait-on pas un jour, dans un siècle ou plus tard, à découvrir en totalité des corrélations dont quelques-unes ont été déjà surprises ? […] C’est qu’au fond toute disposition naturelle, toute faculté est une force neutre, qui pareille à la langue dont parle Esope, peut-être bonne ou mauvaise dans ses effets, suivant les conditions où elle s’exerce. […] Il y a la plupart du temps dans un caractère une lutte de forces qui se résout, il est vrai, en harmonie par le triomphe de l’une d’elles ; mais l’équilibre est instable et ce n’est pas toujours la même qui remporte la victoire.
Une même force peut donc se manifester sous deux formes différentes, et il n’y a pas de contradiction à supposer que les mouvements du cerveau se transforment en pensées. — Ceux qui se servent de ces comparaisons ne s’aperçoivent pas qu’ils tombent dans ce genre de sophisme qui consiste à prouver le même par le même (idem per idem) : c’est ce qu’il n’est pas difficile d’établir. […] La pensée résulte du conflit qui s’établit entre les forces cérébrales dépositaires des actions extérieures et la force interne ou force pensante, principe d’unité, seul centre possible de la conscience individuelle. […] Si l’organe des images et des signes est altéré ou bouleversé, la force pensante ne peut pas à elle toute seule exercer une fonction qui, selon les lois de la nature, exige le concours de forces subordonnées.
Fustel de Coulanges, ce robuste, nous frappe deux ou trois livres avec cette force qu’il a montrée dans son premier, il faudra bien que la Critique et l’opinion littéraire s’occupent de ce premier livre, où une méthode nouvelle et un talent neuf se révèlent. […] On ne lui eût rien imposé par la force. […] On ne force pas la main à tout un peuple. […] Si les Germains, en se culbutant les uns sur les autres, entrèrent dans l’Empire, ils n’y restèrent point par leur propre force, ce qui est le fait et le caractère de toute conquête. […] Malheureusement, une telle institution, à une si grande longueur de siècles, ne se reprend pas, quelle que soit la force d’un homme.
Le tour de force exquis, c’eût été, je crois, d’exprimer des idées et des « états d’âme » d’à présent, sans avoir recours au lexique de nos psychologues, et par les locutions très simples qui convenaient à un conte bleu. […] Il a la souplesse, l’esprit, la grâce, la couleur, l’imagination fleurie et la langueur mièvre, quand il veut, et même, quand il lui plaît, la précision, la force, et presque partout des rimes ingénieuses et belles. […] Il a l’idée frappée dans le métal sonore de l’expression ; il a l’imagination et l’image qui s’envole comme un oiseau versicolore ; il a l’intelligence qui se communique à la foule par un verbe éclatant ; il a l’art dont les délicats sont ravis et charmés ; il a la force et la sensibilité, l’abondance et la variété, la fantaisie et l’esprit, l’émotion et l’éclat de rire, le panache et la petite fleur bleue. […] Cette force lyrique et dramatique ne se gouverne pas et va dans l’excès ; elle donne souvent sur ses deux écueils : le précieux caché et le facile des situations. Mais, loin qu’il y ait décadence et faiblesse de Cyrano à l’Aiglon, le progrès de force et d’invention est éclatant.
Je ne suis cependant point entièrement délaissé, et j’ai encore un appui d’une assez grande force : c’est la tendance même des esprits les plus remarquables de ce temps. […] En un mot, la pensée, ainsi que le sentiment musical, manquait d’une expression franche, nette, énergique, dont la force fût en elle-même. […] En effet, à force d’admettre, dans tous les moyens qui ont été donnés à l’homme pour exprimer ou communiquer ses sentiments et ses pensées, à force, disons-nous, d’y admettre des choses de convention, nous avons délayé et perdu les types primitifs. […] Mais, quoi qu’il en soit, j’ai besoin de le redire, et je voudrais faire passer dans mes lecteurs la conviction intime où je suis que Dieu ayant fait l’homme pour vivre en société, la providence de Dieu ne cessera point de veiller sur les sociétés humaines ; quoi qu’il en soit, répéterons-nous, s’il est vrai que jusqu’à présent Dieu se soit servi de la parole pour diriger les destinées du genre humain, si la parole enfin a été jusqu’à présent une révélation toujours subsistante au sein de la société, et que ce moyen ait cessé de lui paraître utile ou nécessaire, il saura bien en faire sortir un autre de la force même des choses, en supposant que celui-là manquât d’une manière absolue, ce que je suis loin d’admettre, ainsi qu’on a pu le voir, ou en supposant qu’il soit devenu insuffisant, ce qu’on sera beaucoup plus porté à croire.
Émile Saisset veut, à toute force, être modeste. […] Ce n’est ni plus ni moins qu’un petit catéchisme cartésien à l’usage des faibles qui ne veulent pas devenir forts, car la force, c’est une témérité pour les prudents, et la force serait sur cette question de Dieu de s’élever plus haut qu’une philosophie qui la pose, l’agite, mais n’a jamais pu la résoudre. […] Saisset ne vénérerait pas la force jusque dans l’abus qu’on fait d’elle, un bon sens plus fier n’aurait pas de ces attitudes devant les gauchissements du génie ou ses crimes, car les fautes intellectuelles d’un homme investi de facultés transcendantes peuvent aller jusque-là, mais il faut se rappeler que M. […] Ôtez, en effet, les vérités indémontrables et nécessaires à la vie et à la pensée humaines, qu’on savait avant les philosophes, et auxquelles ils n’ont pas donné un degré de certitude de plus, — le nombre infini de leurs sophismes laborieux, — les forces d’Hercule perdues par eux pour saisir le faux ou le vide, — le mal social de leurs doctrines qui n’ont pas même besoin d’être grandes pour produire les plus grands maux, — ôtez cela après l’avoir pesé, et dites-moi ce qui reste de tous ces philosophes et de toutes ces philosophies, même de ceux ou de celles qui paraissent le plus des colosses !
mais ce qu’on sait moins, c’est comment cette issue se prépara, par quelle force puissante et cachée la Révolution fut menée à terme, et par quel principe de vie le salut de la France s’enfanta au milieu des cris, des larmes et du sang. […] Que si l'on entend par là désigner l’absence de tout pouvoir supérieur, de toute autorité souveraine, on se méprend fort ; car jamais gouvernement, quel qu’il fût, monarchie ou dictature, ne fut plus exigeant, ni plus obéi que la Convention d’alors et ses comités ; et, plus on avance dans cette sombre époque, ou, en d’autres termes, plus cette prétendue anarchie augmente, plus aussi la force du pouvoir se centralise et s’accélère dans sa marche irrésistible. […] Les comités créés dans son sein et chargés des mesures administratives, financières et militaires, reçoivent d’elle un nouveau ressort et une force plus illimitée. […] Déjà l’énergie du Comité, ou, pour mieux dire, du triumvirat qui en était sorti, n’était plus en rapport avec les besoins publics ; sa tyrannie, dès lors, parut exorbitante, intolérable, elle dut cesser ; et, comme les tyrannies ne cessent jamais de bon gré, et que celle-ci s’était fermé tout retour par ses excès, elle croula de force, et comme de toutes pièces, sur la tête des oppresseurs.
Il force l’attention. […] Le seul que les rois aient à redouter a été réduit à l’impuissance voilà vingt ans, et il achève de consumer ses forces en faisant chez lui l’expérience de la démocratie. […] Je sais bien que la Conférence de Berlin n’aura été qu’une cérémonie ; qu’elle aura peu de résultats, ou que, si elle en doit avoir, ils seront indirects et inattendus ; je sais bien que les membres de la Conférence, surpris et gênés de se trouver ensemble, se borneront à constater que le sort des ouvriers est digne d’intérêt, qu’il ne faut pas faire travailler les enfants de cinq ans, qu’il est excellent de se reposer le dimanche, et autres vérités de cette force. […] Nous observons loyalement le traité signé par nous ; mais le juger irrévisable serait au-dessus de nos forces, et, d’ailleurs, nous n’en aurions pas le droit.
Mais nous repoussons le mot, si on lui donne un sens doctrinal sur l’essence des choses sociales, si, par exemple, on entend dire qu’elles sont réductibles aux autres forces cosmiques. […] Seule, en effet, elle peut apprendre à traiter avec respect, mais sans fétichisme, les institutions historiques quelles qu’elles soient, en nous faisant sentir ce qu’elles ont, à la fois, de nécessaire et de provisoire, leur force de résistance et leur infinie variabilité. […] Une chose est une force qui ne peut être engendrée que par une autre force.
À mesure que ses forces revenaient, les fantômes apparaissaient moins fréquemment et diminuaient de grandeur, jusqu’à ce que, à la fin, ils ne furent pas plus grands que son doigt. […] Présente, elle accroissait la force et la netteté d’une vague représentation ordinaire jusqu’à en faire un fantôme sensible. Absente, elle diminuait la force et la netteté de ce fantôme sensible jusqu’à le ramener à l’état ordinaire, c’est-à-dire à l’état de vague représentation. […] Il faut laisser de côté les mots de raison, d’intelligence, de volonté, de pouvoir personnel, et même de moi, comme on laisse de côté les mots de force vitale, de force médicatrice, d’âme végétative ; ce sont des métaphores littéraires ; elles sont tout au plus commodes à titre d’expressions abréviatives et sommaires, pour exprimer des états généraux et des effets d’ensemble. […] Chaque image est munie d’une force automatique et tend spontanément à un certain état qui est l’hallucination, le souvenir faux, et le reste des illusions de la folie.
Tel corps éclairé donne une couleur de telle nuance et de telle force. […] Dans un parcours, il y a trois termes, la grandeur de la force motrice, la longueur du temps employé, l’étendue de l’espace parcouru, et chacun d’eux est déterminé par les deux autres. […] Des forces diverses qui, sous diverses conditions, provoquent en nous des sensations diverses : voilà les corps par rapport à nous et à tout être analogue à nous. […] Peu à peu, à force d’expériences et de vérifications, nous avons restreint ce transport trop complet de nous-mêmes hors de nous-mêmes. […] Il la note par les mots de propriété, de pouvoir, de force.
Sans aspirer à des titres si fastueux, il est naturel de bien considérer la carriere où l’on veut courir, pour y mesurer plus surement ses forces. […] Veut-on un moment se faire une juste idée de la force des regles et de celle de l’usage ? […] Je pense qu’elle doit se mesurer à l’importance des sacrifices et à la force des motifs qui engagent à les faire. […] Il faut avoir bien de la force pour soûtenir un sujet trop simple par la richesse et la beauté des détails. […] Eh qui, sans être philosophe, ne connoît pas la force de la liaison des idées !
De l’amour de la gloire De toutes les passions dont le cœur humain est susceptible, il n’en est point qui ait un caractère aussi imposant que l’amour de la gloire ; on peut trouver la trace de ses mouvements dans la nature primitive de l’homme, mais ce n’est qu’au milieu de la société que ce sentiment acquiert sa véritable force. […] La célébrité qu’on peut acquérir par les écrits est rarement contemporaine, mais alors même qu’on obtient cet heureux avantage, comme il n’y a rien d’instantané dans ses effets, d’ardent dans son éclat, une telle carrière ne peut, comme la gloire active, donner le sentiment complet de sa force physique et morale, assurer l’exercice de toutes ses facultés, enivrer enfin par la certitude de la puissance de son être. […] On ne sait pas au-dehors un nom propre du gouvernement de Venise, du gouvernement sage et paternel de la république de Berne, un même esprit dirige depuis plusieurs siècles, des individus différents, et si un homme lui donnait son impulsion particulière, il naîtrait des chocs dans une organisation, dont l’unité fait tout-à-la-fois le repos et la force. […] Une idée peut se composer des réflexions de plusieurs ; un sentiment sort tout entier de l’âme qui l’éprouve ; la multitude, qui l’adopte, a pour opinion l’injustice d’un homme exercée par l’audace de tous ; par cette audace qui se fonde et sur la force, et plus encore sur l’impossibilité d’être atteint par aucun genre de responsabilité individuelle. […] Tant d’actions composent la vie d’un homme célèbre, qu’il est impossible qu’il ait assez de force dans la philosophie, ou dans l’orgueil, pour ne reprocher aucune faute à son esprit : le passé, prenant dans sa pensée la place qu’occupait l’avenir, son imagination vient se briser contre ce temps immuable, et lui fait parcourir en arrière, des abymes aussi vastes que l’étaient, en avant, les heureux champs de l’espérance.
La vision des plus grises réalités est impitoyablement nette ; la force graphique du style en fait saillir aux yeux les ternes linéaments, — et à cette évidence se joint un sentiment du mystérieux, du spectral et de l’hallucinatoire, qui par un merveilleux alliage, infuse, au vrai, tout le noir effroi du rêve. […] Il n’est rien de plus haut, de scène écrite en phrases plus nobles, plus pénétrantes en tout cœur, que cet incident final d’Humiliés, où Natacha, ayant consommé son martyre et consenti à ce que son faible amant la quittât, succombe enfin à ses forces brisées, et cependant encore éprise, dit amèrement et comme en rêve, la honte et la délicieuse humiliation de son attachement. […] Par un alliage aussi surprenant que celui, dans son art, du fantastique et du réel, en ses personnages il étudie à la fois, comme un virtuose variant un thème, les développements possibles de certains cas de fièvre spirituelle ; et, en même temps, il devine avec un réalisme génial toutes les forces insconscientes, ataviques et bestiales qui remuent le fond obscur des âmes balbutiantes. […] Le devoir d’arracher sa sœur à Loujine lui donne un instant la force de reprendre sa vie normale ; un curieux conflit d’amour instinctif, de besoin de pitié, d’ironique abaissement, le pousse à chercher en une prostituée une amie, comme la curiosité, la haine et le pressentiment d’une secrète et honteuse égalité l’attachent aux pas de Svidrigaïloff. […] Son intelligence n’était de force ni à obtenir cette victoire, ni à faire contrepoids en un équilibre indécis, à la violence de ses sentiments.
Toute liberté est un privilège ou elle est sans force. […] A la force publique ? La force publique n’est autre chose que la majorité sous les armes. […] C’est la rapidité des communications qui a transformé la volonté nationale de force latente en force toujours sentie, ou de force à action lente en force à action rapide et instantanée. […] L’homme ne peut pas croire énergiquement à quelque chose sans vouloir de toutes ses forces et par la force y faire croire les autres.
C’est la marque même du génie que cette force. […] La force et le génie ne veulent pas même gagner. […] Une force merveilleuse. […] Le lever du soleil de la grandeur et de la force. […] Il ne tire sa force, ou son apparence de force, que des régimes qu’il combat, des mondes qu’il a entrepris de désintégrer).
Il n’en voulut devoir les preuves qu’à la force de son esprit, comme Descartes avait fait pour Dieu et pour l’existence de l’âme. […] Car combien peu ont la force de se connaître ! […] Il tire des livres saints un texte où ce vice est caractérisé avec la force de peinture propre à ces livres. […] Dans aucun autre des ouvrages de Bossuet le penseur n’a montré plus de force d’esprit, et l’écrivain n’a déployé plus de qualités. […] On l’a appelé l’aigle de Meaux ; si cette image n’est pas vaine, il la faut entendre aussi bien de la force de son regard que de la hardiesse de son vol.
Telle fut la force de son génie, qu’il inventa l’art et le perfectionna. […] C’est l’élégance qui y répand la beauté, c’est la précision qui y met la force, et c’est le grand sens qui en fait le prix. […] Le courage et la force des héros ne leur suffisent pas pour vaincre, si les dieux ne s’en mêlent. […] Il n’avoit peut-être pas la force de s’élever à des idées plus justes ; mais aussi n’étoit-il pas nécessaire pour son dessein. […] Mais qu’y a-t-il qu’elle n’exprime avec la force et les graces propres au sujet ?
Parmi les Mémoires, ceux de Saint-Simon sont seuls écrits avec cette force de pensée et d’expression qui élève les Mémoires au rang des ouvrages d’art. […] Tous les deux sont admirables, toute proportion gardée, par tout ce qu’ils ont tiré de subtilité, d’émotion et de force, de la pensée qui les possédait. […] Ce sont des morceaux achevés, et pour quiconque estime le beau langage, la précision, la netteté des nuances, la justesse des contrastes, la force du coloris, l’art ne peut aller au-delà. […] Quelle force de discours ! […] Grand enseignement d’ailleurs pour les gouvernements, qu’un pays si fécond encore après avoir tant produit, et où la décadence ne venait que du mauvais emploi de forces inépuisables.
Il se défie de ses propres gardes, de ses créatures les plus dévouées, et force un vieux serviteur qui lui reste encore à goûter le premier les mets qu’il lui apporte. […] La tragédie allemande la fait ressortir avec non moins de force par l’apparition d’une troupe de personnages étrangers à l’action, et qui n’ont avec elle aucun rapport ultérieur. […] Ce genre d’effet tient à la disposition du cœur de l’homme, qui, dans toutes ses émotions de frayeur, d’attendrissement ou de pitié, est toujours ramené à ce que nous appelons la superstition, par une force mystérieuse dont il ne peut s’affranchir. […] Nos héroïnes passionnées, Alzire, Aménaïde, Adélaïde du Guesclin, ont quelque chose de mâle ; on sent qu’elles sont de force à combattre contre les événements, contre les hommes, contre le malheur. […] Elle n’a point d’armes contre eux ; sa force est tout intérieure.
Pour apercevoir, par exemple, dans la destinée de Napoléon autre chose qu’un objet d’amour ou de haine, qu’un phénomène politique utile ou funeste, pour y voir une force énergique, immense, majestueuse, qui saisit et subjugue, il n’est pas besoin d’être poète, et il suffit d’être homme, de même encore que cela suffit pour voir dans une belle nuit ou dans une tempête autre chose que du sec ou de l’humide, du vent qui rafraîchit ou de la pluie qui enrhume. […] En poésie, comme ailleurs, rien de si périlleux que la force : si on la laisse faire, elle abuse de tout ; par elle, ce qui n’était qu’original et neuf est bien près de devenir bizarre ; un contraste brillant dégénère en antithèse précieuse ; l’auteur vise à la grâce et à la simplicité, et il va jusqu’à la mignardise et à la simplesse ; il ne cherche que l’héroïque, et il rencontre le gigantesque ; s’il tente jamais le gigantesque, il n’évitera pas le puéril. […] Cette imagination est si rapide en effet qu’elle se meut sur chaque point à la fois, et qu’elle met la main à tout ; elle devient analytique à force d’être alerte et perçante. […] Les fautes habituelles sont des fautes de goût, et on les déduit même aisément des précédentes critiques : de la trivialité pour du naturel, du précieux pour de la force. […] Hugo se garde surtout de l’excès de sa force ; qu’à l’heure de la méditation, il sache attendre à loisir ses propres rêves, les laissant venir à lui et s’y abandonnant plutôt que de s’y précipiter ; qu’à l’heure de produire, il se reparte sans cesse aux impressions naïves qu’il veut rendre, les contemple longuement avant de les retracer, et plus d’une fois s’interrompe en les retraçant pour les contempler encore ; que, n’épuisant pas à chaque trait ses couleurs, il approche par degrés de son idéal, et consente, s’il le faut, à rester au-dessous plutôt que de le dépasser, ce qui est la pire manière de ne pas l’atteindre.
Celui-ci fit voir, dans une ode, que les difficultés de la versification disparoissent devant ceux qui sont nés poëtes ; & que, bien loin d’être nuisibles au talent, elles contribuent à le faire sortir, & deviennent la source de mille beautés : De la contrainte rigoureuse, Où l’esprit semble resserré, Il acquiert cette force heureuse Qui l’élève au plus haut dégré. Telle, dans des canaux pressée, Avec plus de force élancée, L’onde s’élève dans les airs ; Et la règle, qui semble austère, N’est qu’un art, plus certain de plaire, Inséparable des beaux vers. […] Toutes ces raisons, si spécieuses & si foibles d’ailleurs, prenoient du poids & de la force dans la bouche & dans les écrits de Fénélon, de La Mothe & de M. l’abbé Prévôt ; car ils en vouloient tous à la rime. […] Le mauvais poëte, celui qui veut porter un poids au-dessus de ses forces, tombe seul dans cet inconvénient. […] Pour rendre supportables les morceaux de versification qu’on présenta dépouillés de la rime, il eût fallu suppléer à ce défaut par un redoublement de force & de chaleur : mais ces exemples étoient froids & sans génie, & la rime ne les eût pas élevés au mérite des vers.
D’ailleurs, il va être démontré qu’une autre force morale commence à succéder à celle qui vient de se briser, une force morale modifiante et extensible. […] Enfin, dans ces derniers temps, nous avions la censure discrétionnaire : sans doute on avait cru avoir trouvé un remède à ce qu’on croyait un mal, et qui était la force même des choses. […] La liberté de la presse est, dans nos institutions nouvelles, ce que, dans les machines à vapeur, sont les soupapes de sûreté pour remédier à l’excès de la force d’expansion de la vapeur. […] L’opinion est donc devenue cette force morale modifiante et extensible dont nous parlions tout à l’heure, et qui est destinée à remplacer la parole traditionnelle.
c’était là une erreur, l’abbé Gorini va nous apprendre qu’on peut devenir, à force d’attention, de volonté, que dis-je ! […] Jamais la vocation, la force de la vocation, n’a touché de plus près au génie. […] À cette époque de rénovation littéraire, l’Histoire si longtemps hostile à l’Église, et devenue presque innocente à force d’imbécilité sous les dernières plumes qui l’avaient écrite, l’Histoire remonta dans l’opinion des hommes parle talent et parle sérieux des recherches, mais elle remonta aussi dans le danger dont l’abjection de beaucoup d’écrivains semblait avoir délivré l’Église. […] C’était un Robinson de lecture dans son île déserte, finissant, comme l’autre Robinson, par se nourrir et s’ameubler à force d’industrie, de ressources dans la pensée et la volonté. […] On ne revenait pas de cette succession de tours de force qu’il avait dû faire pour devenir une perle de science, positivement dans le désert…, pour s’étoffer savant, comme la chèvre se nourrit au piquet, en tondant seulement le diamètre de sa corde !
Tels qu’ils sont, violemment manqués, mais portant la trace à toute page d’une force inouïe, les livres que la traduction de M. […] Doué de la force de cette race de puritains qui se sont abattus d’Angleterre comme une bande de cormorans affamés, ce qu’il prend aux préoccupations contemporaines ne vaut pas la force qu’il déploie pour se servir de ce qu’il a pris ; et ici nous arrivons à ce qui l’emporte, selon nous, dans Edgar Poe, sur les résultats obtenus de sa manière, — c’est-à-dire l’application de son procédé. […] Revanche de la pensée, cette force spirituelle contre l’immoralité fangeuse de la vie, ce fut sa grande anxiété, à cet Hamlet américain ! […] Pour lui donner force à l’être pourtant, Dieu, après le génie qui est aussi une lumière pour le cœur, lui avait donné des affections domestiques.
Pascal, par le trait qui lui est commun avec Descartes, allait donc ajouter à la force de l’esprit français. […] Je crois que je suis, parce que je pense ; je crois à Dieu, je crois à l’immortalité de l’âme ; oui, sans doute et de toute la force de mon intelligence : est-ce assez pour me conduire dans la vie ? […] Jamais Pascal n’abonde dans son sens, n’exagère ses preuves, ne force ses interprétations, ou ne se contente de voir à demi, comme il arrive au docteur que le zèle du mandat, l’esprit de la profession, l’habit, rendent moins délicat sur la qualité et la force des preuves. […] Pascal s’attache à ses preuves, comme le naufragé à la planche de salut ; et de même qu’en embrassant cette planche de toute la force de ses mains, le naufragé ne peut se défendre de l’affreuse pensée qu’il va périr, de même, aux endroits où Pascal croit le plus à la force de ses raisons, lisez-le d’un cœur que touche cette sublime misère, et vous verrez jusque dans sa conviction l’horreur secrète du doute qui s’y glisse, et l’idée de la possibilité de la mort ? […] Cette raison si puissante, à force d’être toujours aux prises avec l’incompréhensible, a-t-elle fini par se troubler ?
L’énergie de son style vient en partie de la profondeur de ses idées & de la force de son ame. […] Dans Britannicus la cour de Néron est peinte avec toute la force de Tacite & toute l’élégance de Virgile. […] Nous n’avons point eu depuis Corneille & Racine de Poëte tragique de leur force ; mais sans parler de M. […] Saurin des traits comparables à ceux de la plus grande force de Corneille. […] Barthe dans son héroïde de M. l’Abbé de Rancé, est noble, animé, plein de force.
Il nous semble que la force psychique, emprisonnée dans l’âme comme les vents dans l’antre d’Éole, y attende seulement une occasion de s’élancer dehors ; la volonté surveillerait cette force, et, de temps à autre, lui ouvrirait une issue, proportionnant l’écoulement à l’effet désiré. […] Bain nous dit par exemple que la sensibilité concomitante du mouvement musculaire coïncide avec le courant centrifuge de la force nerveuse : c’est donc l’émission même de la force nerveuse que la conscience apercevrait. […] Ces faits semblaient déjà indiquer que nous n’avons pas conscience d’une émission de force, mais du mouvement des muscles qui en est le résultat. […] Pourtant le sujet s’imaginera avoir conscience d’un accroissement continu de la force psychique affluant au bras. […] Sans cette force d’inertie, dont nous prenons conscience par la résistance que nous opposons à ce qui pourrait nous distraire, le plaisir serait encore un état, mais non plus une grandeur.
Dante, Shakspeare et Milton n’ont prouvé que la force et la hauteur de leur génie individuel ; leur langue et leurs conceptions sont barbares. […] Elle n’est le symbole spécial d’aucune des forces féminines ; et, certes, il n’en est pas ainsi de l’Hélène d’Homère, à la fois si vivante et si idéale. […] Les forces de l’âme s’y retrempent et l’ardeur du combat s’y ravive. […] Charles Baudelaire n’est pas de cette force, assurément. […] Le vers plein de force et d’éclat du plus grand des Lyriques s’empreint, quand il le veut, d’une grâce et d’un charme irrésistibles.
La conscience, elle aussi, est régie par deux grandes lois : concours des forces mentales et conflit des forces mentales. […] Nous ne connaissons pas toutes les forces en jeu dans la nature, c’est-à-dire tous les grands modes possibles d’ondulations éthérées. […] Les forces physiques de la pesanteur tendraient à faire tomber le bras soulevé ; il faut donc, pour le maintenir, une contraction persistante des muscles. […] Non seulement on peut endormir par la force de la pensée, mais on peut, par la même force, faire des suggestions à une personne déjà endormie. […] Danville, l’Idée et la force (Revue phil.
« Le désordre est un effet qui devient cause toute-puissante lorsqu’il est manié par une force qu’aucune autre ne contrebalance » ; il s’accroît de ses propres ravages, il se fortifie, il s’organise, il crée des intérêts nouveaux, tout s’enchaîne. […] Sa conclusion, c’est que, la force révolutionnaire grandissant chaque jour, on sera vaincu par elle, fût-on toute l’Europe, si on n’oppose à cette flamme volcanique envahissante qu’une guerre sans passion, sans concert, qu’une guerre de routine, et qui n’aille pas se susciter et puiser des ressources jusqu’au cœur de la France. […] Si l’on n’en venait pas à bout, « je le prononce hautement, s’écrie Mallet, la Révolution serait indestructible. » — Pensant évidemment aux héros de Coblence : Il faut donc abandonner aux gascons de la politique, ajoute-t-il, l’idée que la force seule réussirait à soumettre le royaume. La soumission possible, celle qu’on doit invoquer, celle qui, en écrasant les bases d’une féroce anarchie, préviendrait de nouvelles révolutions, ne résultera jamais que de la force et de la persuasion réunies. […] Des conseils de cet ordre, en effet, n’ont chance de réussir que quand ils rencontrent à la tête des États des hommes qui sont de force à s’en passer et à se les donner eux-mêmes.
La santé de M. de Suhm justifia trop les craintes de son ami : après plus de trois années de séjour en Russie, et au moment où Frédéric devenu roi lui écrivait : « Revenez et soyez à moi », M. de Suhm, épuisé de forces, expirait dans le voyage. […] Mais les autres ne le lui permirent pas de sitôt ; et, après avoir commencé par être un envahisseur, force lui fut de rester pendant des années un infatigable donneur de batailles et de devenir le plus grand capitaine de son époque : mais, l’étoffe de l’esprit et du caractère y étant, on peut dire encore qu’il ne le devint que par la force des choses. […] C’est ce qu’il se hâta de faire, mais ses forces le trahirent. […] c’est dans ce moment que je sens toute la force du doux lien qui m’attache au plus aimable, au plus vertueux des mortels que la bonté du ciel m’ait fait rencontrer sur la terre pendant le pèlerinage de mes jours. […] L’heure approche, je sens déjà que mes forces m’abandonnent ; il faut se quitter.
L’humanité s’élève, et elle gagne pour le mal et l’intelligence du mal une force proportionnelle à celle qu’elle a gagnée pour le bien. […] Cela même est une condition de notre force intellectuelle générale. […] Je crois que l’antiquité était pleine de respect pour les tambours-majors et les faiseurs de tours de force en tout genre, et que tous les fétiches extravagants que je citais ne sont que des signes d’adoration, ou tout au plus des symboles de force, et nullement des émanations de l’esprit intentionnellement comiques. […] Léandre, Pierrot, Cassandre, font des gestes extraordinaires, qui démontrent clairement qu’ils se sentent introduits de force dans une existence nouvelle. […] La malheureuse jeune fille, entichée de rêves de grandeur, est fascinée par ce déploiement de forces militaires.
Mais voyez en revanche ce qu’il apporte au monde, l’énorme présent dont il l’enrichit, la force vitale dont il ruisselle, les œuvres et les espoirs qu’il éveille, les désirs qu’il contente, les joies qu’il assouvit, les germes qu’il répand ! […] Un corps social en faiblesse définitive peut tenter de s’isoler pour reprendre conscience de lui-même ou se laisser peu à peu envahir par les forces du dehors : dans les deux cas, son existence est condamnée. […] S’il s’agit au contraire d’un peuple possédant encore en lui-même des forces vitales suffisantes pour jouer un rôle dans le monde, les vents du large peuvent souffler sur lui, sans venir à bout de le détruire. Seul les caducs sont annihilés ; les forts au contraire tirent de tout ce qui les entoure des germes de force nouvelle et font servir le monde extérieur au renouvellement de leur propre personnalité. […] Ce n’est pas une alliance universelle par voie diplomatique que je préconise, — car y songer même un instant serait absurde à force d’irréalité — mais une entente par voie cordiale entre les éléments homogènes épars dans le monde, en dehors de toute participation gouvernementale.
Ce qui compte et ce qui demeure, c’est ce qu’on a apporté de vérité positive . l’affirmation vraie se substitue à l’idée fausse en vertu de sa force intrinsèque et se trouve être, sans qu’on ait pris la peine de réfuter personne, la meilleure des réfutations. […] Or, ce n’est point ainsi que vous vous y prenez — force vous est de recourir à une méthode toute différente, qui tient le milieu entre celle de l’historien et celle du juge d’instruction. […] Bien au contraire, elle l’a rétréci sur plus d’un point ; et c’est d’ailleurs ce qui a fait sa force. […] La science moderne est donc fille des mathématiques ; elle est née le jour où l’algèbre eut acquis assez de force et de souplesse pour enlacer la réalité et la prendre dans le filet de ses calculs. […] Sur cette force nous sommes sans action, justement parce que notre science de l’esprit est encore dans l’enfance ; et c’est pourquoi les savants n’ont pas tort quand ils reprochent au vitalisme d’être une doctrine stérile : il est stérile aujourd’hui, il ne le sera pas toujours ; et il ne l’eût pas été si la science moderne, à l’origine, avait pris les choses par l’autre bout.
Et cette difficulté si grave se rencontre dans presque tous les cas du mouvement, car presque tout mouvement est l’effet d’un concours de forces, et les effets respectifs des diverses forces se trouvent en lui mêlés à un tel point qu’on ne peut les séparer sans le détruire, en sorte qu’il semble impossible de savoir quelle part chaque force a dans la production de ce mouvement. Prenez un corps sollicité par deux forces dont les directions font un angle, il se meut suivant la diagonale ; chaque partie, chaque moment, chaque position, chaque élément de son mouvement est l’effet combiné de deux forces sollicitantes. […] Ainsi, pour découvrir les causes des mouvements des planètes, nous recherchons par des inductions simples les lois de deux causes, l’une qui est la force d’impulsion primitive dirigée selon la tangente, l’autre qui est la force accélératrice attractive. […] Ce sont eux que l’on désigne sous les noms de forces, causes, lois, essences, propriétés primitives. […] Nous travaillons à transformer chaque groupe de phénomènes en quelques lois, forces ou notions abstraites.
L’État a bien socialisé toutes les forces matérielles ; mais les forces spirituelles ne se sont nullement développées. […] C’est précisément sa force spirituelle, qui était sa seule vraie force, qu’elle perdait de la sorte. […] Donc, pour se garantir de cet abus, il sera nécessaire d’opposer à la force qu’on appelle pouvoir, une autre force qui la réprime. Mais cette force sera-t-elle spirituelle ou matérielle ? […] Elle a la force, la victoire.
La douleur de la destruction se fait sentir avec toute la force de l’existence ; c’est assister soi-même à ses funérailles ; et, violemment attaché à ce triste et long spectacle, renouveler le supplice de Mézance, lier ensemble la mort et la vie. […] Je l’ai dit, celui qui veut mettre le suicide au nombre de ses résolutions, peut entrer dans la carrière des passions ; il peut y abandonner sa vie, s’il se sent capable de la terminer, alors que la foudre aura renversé l’objet de tous ses efforts et de tous ses vœux ; mais comme je ne sais quel instinct, qui appartient plus, je crois, à la nature physique qu’au sentiment moral, force souvent à conserver des jours dont tous les instants sont une nouvelle douleur, peut-on courir les hasards, presque certains, d’un malheur qui fera détester l’existence, et d’une disposition de l’âme qui inspirera la crainte de l’anéantir ? […] La philosophie n’est pas de l’insensibilité, quoiqu’elle diminue l’atteinte des vives douleurs il faut une grande force d’âme et d’esprit pour arriver à cette philosophie dont je vante ici les secours ; et l’insensibilité est l’habitude du caractère, et non le résultat d’un triomphe. […] Le bruit du vent, l’éclat des orages, le soir de l’été, les frimas de l’hiver ; ces mouvements, ces tableaux opposés produisent des impressions pareilles, et font naître dans l’âme cette douce mélancolie, vrai sentiment de l’homme, résultat de sa destinée, seule situation du cœur qui laisse à la méditation toute son action et toute sa force.
Il faut donc reconnaître que l’on touche ici, avec l’aspiration à la vérité, à une nouvelle croyance bovaryque d’une force extraordinaire et qui jouit dans l’esprit des hommes d’un caractère sacré. […] Au moyen de cette illusion suprême, l’homme, concevant la vie phénoménale autre qu’elle, n’est en son fond le plus essentiel et rassemblant toutes ses forces pour la réduire à cette fausse conception, s’élance constamment vers l’impossible. […] Une force est ainsi ; engendrée sans fin, que. la vie phénoménale tourné à son profit.
Par l’une, il soumettait à Dieu la vie intérieure de l’individu, par l’autre, la conduite universelle du monde ; par l’une et l’autre, il faisait échec à la raison et la courbait sous une force divine, impénétrable et irrésistible. […] Il y a là un art singulier de traduire les idées abstraites en actes, en gestes, en accents, en un mot une réelle force d’imagination dramatique. […] Il évite toutes les déperditions de forces : tout ce qui n’est pas nécessaire est inutile. […] Quelle force pouvaient donner à la religion ces démonstrations étranges ? […] Il faut voir avec quelle force d’observation et de logique Pascal réduit à la fantaisie, au préjugé, à l’habitude, toute l’œuvre de l’esprit humain, hors de lui et en lui-même.
Il se crut tout à fait libre, à l’état de table rase, ne conservant que le désir ardent de découvrir la vérité en toutes choses par les seules forces de son esprit. […] J’entends par sa méthode, tout à la fois ce dessein de rechercher la vérité par les seules forces de la raison, et l’art de la communiquer. […] Il avait pu se dépouiller de toutes les opinions ; mais il gardait les bonnes habitudes, et c’est du commerce même de l’antiquité qu’il tirait la force de s’en rendre indépendant. […] Je suis sûr d’y découvrir un certain défaut familier, un côté où penche son esprit, faute de force pour se tenir en équilibre ; une faiblesse qu’il a su rendre séduisante par l’adresse dont il la déguise. […] Si le lecteur n’arrive pas jusqu’à la force du mot, c’est par trop peu d’attention ; s’il la dépasse, c’est que son imagination s’est ingérée dans le travail de sa raison.
Lui-même était très vif sur le sentiment de l’honneur, et l’on sait qu’à vingt ans il avait connu dans toute sa force la passion qu’il peint dans Rodrigue. […] La force d’âme y paraît toucher à la dureté, par exemple dans les deux Horaces, chez qui le citoyen a étouffé l’homme. […] Une fois qu’il y fut engagé, il lui devint impossible de revenir sur ses pas, et dans la force de l’âge et du talent, l’auteur d’œuvres sublimes ne put retrouver sa propre tradition. […] Qu’est-ce en effet que la force du vers, le raisonnement, le sentiment, sinon autant de traits de ressemblance avec la vie ? […] Mais il faut joindre à de longues recherches une grande force de réflexion, pour trouver un sujet où les situations naissent des caractères.
Elles résultent de la rencontre de ce principe avec une innombrable quantité de forces, toujours variables. […] Chaque système social est aussi envahissant que ses forces le lui permettent. […] Et les rapports du droit avec la force sont continuellement mal compris. […] Il détourne à son profit la force que l’âme sociale a donnée aux idées d’obligation, de conscience et de vertu. […] La force de la probité, ou de la charité est éprouvée par leurs luttes avec les désirs qui s’opposent à elles.
C’est chez André Chénier que se manifeste avec le plus de force et d’éclat la conscience des destinées nouvelles qui s’ouvrent pour la poésie. […] Est-il besoin de citer des exemples, la loi d’équivalence et de transformation des forces, l’homogénéité de la matière cosmique révélée par l’analyse spectrale ? […] Et surtout il a donné droit de cité dans la langue poétique à une foule d’idées que l’on ne pouvait jusqu’alors traduire que par des périphrases, il a introduit de gré ou de force des mots légitimes et nécessaires, dont la proscription injuste obscurcissait le style et l’énervait. […] C’était l’argument du Chercheur, et il garde toute sa force devant la brusque conversion du poète. […] Malgré tout, il y a dans cette tentative même une audace et une force qui honorent singulièrement le poète, et s’il s’est trompé, croyons bien qu’on ne se trompe ainsi qu’avec de nobles ambitions et un grand talent.
Les passions, cette force impulsive qui entraîne l’homme indépendamment de sa volonté, voilà le véritable obstacle au bonheur individuel et politique. Sans les passions, les gouvernements seraient une machine aussi simple que tous les leviers dont la force est proportionnée au poids qu’ils doivent soulever, et la destinée de l’homme ne serait composée que d’un juste équilibre entre les désirs, et la possibilité de les satisfaire. […] Dans l’étude de certains États, qui par leurs circonstances, encore plus que par leur petitesse, sont dans l’impossibilité de jouer un grand rôle au-dehors, et n’offrent point au-dedans de place qui puisse contenter l’ambition et le génie, il faudrait observer comment l’homme tend à l’exercice de ses facultés, comment il veut agrandir l’espace en proportion de ses forces. […] On pourrait opposer à leurs raisonnements, que la principale cause de la destruction de plusieurs gouvernements a été d’avoir constitué dans l’État deux intérêts opposés : on a considéré comme le chef-d’œuvre de la science des gouvernements de mesurer assez les deux actions contraires, pour que la puissance aristocratique et démocratique se balança, comme deux lutteurs qu’une égale force rend immobiles. […] L’on n’a point, au-dedans de soi, de transaction à faire avec des obstacles étrangers ; l’on mesure sa force, on triomphe, ou l’on se soumet ; tout est simple, tout est possible même ; car, s’il est absurde de considérer une nation comme un peuple de philosophes, il est vrai que chaque homme en particulier peut se flatter de le devenir.
Ses vers ont de la force, de la précision, & en plusieurs endroits on voit un grand fond de morale philosophique. […] Par-tout on voit une force, une vivacité de coloris, qui annonce l’art & le génie. […] On désireroit seulement plus de force & d’élévation dans son style. […] Mais à force d’esprit, l’auteur d’Hudibras a trouvé le secret d’être fort au-dessous de Dom-Quichote. […] Celle de M. de Silhouette est estimable par la force & par l’élégance de son style.
. — Mais, comme il arrive souvent dans l’histoire des institutions juridiques155, la sévérité des lois n’est ici qu’un indice de la force des coutumes qu’elles voudraient enrayer : l’impossible en droit est souvent l’invincible en fait. […] Notre organisation économique force les individus à se spécialiser tout entiers s’ils veulent subsister ? Mais il arrive aussi qu’elle les force, s’ils veulent subsister, à exercer plus d’une profession à la fois — elle bat en brèche, par là, les groupements professionnels exclusifs. […] L’Église catholique a pu, en fait, mettre souvent ses forces organisées au service de l’absolutisme, et lui offrir l’appui de ses dogmes. […] Livré à ses seules forces, l’individu n’aurait pu, sans doute, dresser son droit contre les collectivités ; mais parce qu’il appartenait à beaucoup de collectivités à la fois.
Il ne peut jamais s’abandonner à aucun de ses mouvements, car il est rare que la nature soit un bon guide dans la route de la politique ; et par un contraste cruel, cette passion, assez violente pour vaincre tous les obstacles, condamne à la réserve continuelle qu’exige la contrainte de soi-même ; il faut qu’elle agisse avec une égale force pour exciter et pour retenir. […] Ils ont pour ennemis le besoin qu’a le public de juger et de créer de nouveau, d’écarter un nom trop répété, d’éprouver l’émotion d’un nouvel événement : enfin, la multitude, composée d’hommes obscurs, veut que d’éclatantes chûtes relèvent de temps en temps le prix des conditions privées, et prêtent une force agissante aux raisonnements abstraits qui vantent les paisibles avantages des destinées communes. […] L’orgueil, ou la paresse, la défiance, ou l’aveuglement, naissent de la possession continue de la puissance ; cette situation où la modération est aussi nécessaire que l’esprit de conquête, exige une réunion presque impossible ; et l’âme qui se fatigue ou s’inquiète, s’enivre ou s’épouvante, perd la force nécessaire pour se maintenir. […] Une révolution suspend toute autre puissance que celle de la force ; l’ordre social établit l’ascendant de l’estime, de la vertu : les révolutions mettent tous les hommes aux prises avec leurs moyens physiques ; la sorte d’influence morale qu’elles admettent, c’est le fanatisme de certaines idées qui n’étant susceptible d’aucune modification, ni d’aucune borne, sont des armes de guerre, et non des calculs de l’esprit. […] Des crimes de tout genre, des crimes inutiles aux succès de la cause, sont commandés par le féroce enthousiasme de la populace ; elle craint la pitié, quel que soit le degré de sa force, c’est par de la fureur, et non de la clémence qu’elle sent son pouvoir.
L’admirable Port-Royal, où revit toute une partie de la société française du xviie siècle, où se dessine une des grandes forces qui aient agi sur la littérature de ce temps, ce Port-Royal est surtout un chef-d’œuvre de restitution psychologique. […] « Il n’y a ici comme partout qu’un problème de mécanique : l’effet total est un composé déterminé tout entier par la grandeur et la direction des forces qui le produisent866. » Ainsi, la littérature anglaise est le produit de la race anglaise, sous tel climat, dans telles circonstances historiques, telles croyances religieuses : Shakespeare, Milton, Tennyson, sont des « résultantes », qui représentent diverses forces appliquées en divers points. […] Étalant à nos yeux son ample collection de petits faits significatifs, il a encore ici fait jouer ses trois forces, race, milieu, moment, avec une étonnante vigueur d’imagination philosophique : quelques erreurs dans l’estimation des sources, de violents partis pris dans l’interprétation de l’enchaînement des faits, ne diminuent pas la solidité de l’œuvre, ni surtout sa richesse suggestive867 Taine est un des grands esprits de ce siècle : il a eu au suprême degré l’intelligence et la volonté. […] Les forces qu’il manie s’appliquent diversement, tantôt ensemble, et tantôt séparées : elles restent toujours distinctes et inaltérables. […] Ce qu’il y a de sûr, c’est que sa science suppose l’immutabilité des substances, l’identité des forces, que son analyse distingue : pour mieux dire, sa synthèse n’est qu’une analyse retournée.
Avec l’évolution des sociétés, avec leur croissance en étendue et en hétérogénéité, l’oppression sociale perd de sa force et l’individualisme fait des progrès. […] La beauté correspond à une supériorité de force, de vie, de puissance ; elle procède d’un désir de se distinguer et d’être distingué47. […] Car la beauté sous toutes ses formes, beauté sexuelle, beauté artistique, beauté comme manifestation de vie, d’énergie et de force, est un principe de division, d’inégalité, de rivalité et de discorde. […] Cette volonté d’indépendance, cette culture esthétique raffinée, si elle produit des exemplaires humains d’une singularité plus saisissante, est par contre funeste à la santé et à la force de l’organisme social. […] « La simplification logique et géométrique est une conséquence de l’augmentation de force ; d’autre part, la perception de pareilles simplifications rend intense le sentiment de la force… Sommet de l’évolution : le grand style. » (Volonté de puissance, § 359.)
Cependant, quand l’émotion est trop violente, mieux vaut lui lâcher la bride un instant, que de dépenser en vain sa force de résistance. […] L’homme idéal serait celui chez qui les émotions auraient une grande puissance, l’intelligence une force extraordinaire de reproduction et dont la volonté tiendrait l’une et l’autre dans une sujétion égale. […] La rétentivité et la répétition tendent à donner de la force à ces motifs qui n’ont pas pour but un objet actuel. […] Le terme Aptitude (Abilily) est inoffensif et intelligible ; mais le terme Liberté a été amené de force dans un phénomène avec lequel il n’a rien de commun. […] Rien de plus commun que le désaccord des appréciations humaines sur les grandeurs, forces, poids, formes, couleurs… S’il en est ainsi pour les objets des sens externes, quelle raison avons-nous de croire que le sens interne est plus exact ?
Ensuite, quand l’effort puissant des années a courbé le corps, émoussé les organes, épuisé les forces, le jugement chancelle, et l’esprit s’embarrasse comme la langue. […] On est d’abord conduit à penser que cette circonstance est le volume ou plutôt la masse des cerveaux7, car c’est une loi assez générale de la physiologie que la force des organes est proportionnelle à leur masse, et ainsi, par exemple, les plus gros muscles sont les plus forts. […] Je comprends que l’on compare un organe au reste du corps lorsque les fonctions de cet organe ont précisément rapport au corps tout entier : par exemple, le système musculaire ayant pour fonction de mouvoir le corps, si l’on veut en mesurer la force, il faut évidemment comparer le poids des muscles au poids du corps, car c’est dans cette relation même que consiste leur fonction. […] Un naturaliste distingué, Desmoulins, a essayé d’établir cette loi : que l’étendue et la force de l’intelligence sont en raison du nombre des circonvolutions ; quelques uns ajoutent : et de la profondeur des anfractuosités. […] Aussi n’est-il pas éloigné d’affirmer que les petites espèces ont, en général, plus d’intelligence que les grandes, comme si la nature, en les privant de la force physique, avait voulu leur accorder une sorte de compensation dans l’adresse et dans la ruse.
» Et il relut les passages suivants : L’harmonie admirable qui règne sur la terre et dans les cieux force la raison à reconnaître une intelligence suprême qui a tout disposé avec une souveraine sagesse. […] Le troisième nous vient avec une force irrésistible de la considération des causes finales. […] Pourquoi donc mon jeune étudiant les pousse-t-il de force dans des opinions dont ils s’écartent avec horreur ? […] Depuis dix leçons déjà, il parlait de métaphysique, sans avoir défini ni le mot ni la chose ; plusieurs auditeurs, embarrassés, et voulant à toute force une formule pour la mettre en tête de leurs cahiers, le pressaient d’interrogations. […] À celle d’un grand fleuve, c’est un homme dans la force de l’âge, c’est un demi-dieu couché tranquillement au milieu des roseaux, et contemplant d’un œil satisfait les campagnes qu’il féconde et qu’il enrichit.
La philosophie, dans la Grèce, est presque de même date que la poésie ; et, de bonne heure, ces deux, forces de l’intelligence s’étaient inspirées l’une l’autre, ou parfois s’étaient mêlées. […] En effet, qu’un homme puissant au pugilat vienne chez un peuple, eût-il la supériorité dans les cinq combats, fut-il le premier à la lutte et à la course, ce qui est le suprême degré de force dans les jeux, la ville, pour cela, n’en sera pas mieux gouvernée. […] Séparé de Pythagore à peine par un demi-siècle, Eschyle reçut cette doctrine de ses premiers disciples ; et sans doute il avait pratiqué comme eux cette vie pure, solitaire, rigoureuse, si favorable à la force d’âme et à l’imagination poétique. […] Dans son explication des forces vives de la nature, dans son double principe d’affinité et d’antipathie, de réunion et de séparation, d’où il fait sortir l’harmonie et la durée de l’univers, il paraît avoir affecté de combattre ceux qu’on appelait dès lors les athées, et qui réduisaient tout à la matière. […] Juge par l’esprit ce qu’il y a de manifeste en chaque chose. » Sublime par le ton, enthousiaste par la doctrine, cette poésie d’Empédocle, tout en peignant avec force la misère de l’homme, n’a rien du triste découragement de Lucrèce ; elle aspire à Dieu, comme Lucrèce aspire au néant.
Et les forces ne lui manquent pas dans cette entreprise ; car l’orgueil en lui vient aider la conscience. […] Le naturel réfléchi a donné la règle morale, le naturel batailleur donne la force morale. […] La force de leur zèle ne se manifeste que par le sérieux de leur attention. […] C’est cette pensée qui rallie autour du christianisme toutes les forces que Voltaire tourne contre lui en France. […] Chacun a le sien, petit ou grand, qu’il défend de toute sa force.
Il y a une force d’erreur qui contraint au silence, comme la force de vérité : l’une et l’autre, poussées au dernier degré, emportent conviction, la première négativement, la seconde affirmativement. […] Or, il est aisé de prouver trois choses : 1º que la religion chrétienne, étant d’une nature spirituelle et mystique, fournit à la peinture un beau idéal, plus parfait et plus divin que celui qui naît d’un culte matériel ; 2º que, corrigeant la laideur des passions, ou les combattant avec force, elle donne des tons plus sublimes à la figure humaine, et fait mieux sentir l’âme dans les muscles, et les liens de la matière ; 3º enfin, qu’elle a fourni aux arts des sujets plus beaux, plus riches, plus dramatiques, plus touchants, que les sujets mythologiques.
Ses animaux sont peints de la même force et de la même vérité. […] Si les coups de force s’isolent, et se font sentir séparément, l’effet du tout est perdu. […] Un beau jour il s’échappe de l’atelier de son maître et d’entre les bras de sa maîtresse ; il se présente à l’Académie avec vingt tableaux de la même force, et se fait recevoir par acclamation.
Nibelle, comme inspiration et comme forme, a goûté à cette candide coupe de lait écumant dans laquelle buvait Yorick… Lorsque la visée commune est la force, soit dans l’expression des caractères ou des passions, soit dans les situations dramatiques, à une époque de corruption et de décadence où l’on a transporté dans le langage, cette forme rationnelle de la pensée, la couleur torrentielle des peintres les plus éclatants, il faut savoir bon gré à un jeune homme d’avoir, dans ses premiers récits, été sobre et simple comme s’il avait eu l’expérience, et de ne s’être adressé qu’aux saintes naïvetés du cœur pour plaire et pour intéresser. […] Nous ne disons pas du monde chrétien, car le chef-d’œuvre de Gœthe est peut-être son Divan, dont l’inspiration, comme on le sait, est orientale, et qui est un tour de force de cette impersonnalité des grands génies qui les fait s’incarner, par la pensée, dans l’âme la moins semblable à la leur. […] Mais tout cet archaïsme coûte plus qu’il ne vaut même à ceux qui savent y porter des facultés supérieures, et, malgré le succès de ses expériences, on sent la déperdition des forces colossales que le magnétisme du Génie doit employer, comme l’autre magnétisme, pour faire vivre ce qui ne vit plus.
l’élégance, la pureté de style, la force comique, et l’invention. […] Qu’est-ce que Pantagruel, issu de géants, mangeur de saucisses, banquetant à force flacons ? […] En ce démêlé comique, force coups de bec distribués de gauche et de droite à nos citoyens, à nos proviseurs, et à nos chefs du Prytanée. […] Là, le ridicule outré n’est pas un défaut ; là, se déploie en liberté la force comique. […] Le jeu des situations, la force comique, la vivacité du dialogue, déguisent très bien le défaut de cette catastrophe ; mais le vraisemblable y manque de scène en scène.
La réflexion est l’attention concentrée, et l’attention concentrée centuple la force et la durée des émotions. […] Il n’en est rien ; jusque dans un amusement, la satire ici conserve sa force, parce que la réflexion conserve ici son intensité. […] Il force sa femme à s’asseoir à table à côté de filles perdues, ses maîtresses. […] À ses yeux, ce sont des forces ayant des directions et des grandeurs différentes. […] » Partout la fougue, la force, l’atrocité, couvrent la laideur et la corruption.
Le principe de l’économie de la force et le principe de la suggestion poétique. — II. […] La grande force à ménager, ici, c’est l’« attention » de l’auditeur : la perfection du style, c’est de faire comprendre et sentir avec le minimum d’attention. […] Tant il est vrai que la force et le temps dépensés en vain, pour l’agrément, pour l’art, font accomplir les plus réels travaux et empêchent la fatigue de se produire trop tôt. […] En somme, le point de vue mécanique et le principe de « l’économie de la force » ont assurément leur importance en littérature. […] Après de pareils tours de force, il n’y a plus rien à imaginer.
Le livre qu’il intitule Sixte-Quint et Henri IV est une vue nouvelle, pour conduire par un chemin de plus à une conclusion déjà ancienne dans beaucoup d’esprits, c’est que la Réforme ne réforma rien, mais détruisit tout du monde qu’elle devait réformer… La Réforme, en effet, pour tous ceux qui l’ont étudiée, fut la destruction complète et violente du monde catholique, si unitairement constitué, tel qu’il était au Moyen Âge, destruction consommée par une minorité qui ne l’eût jamais accomplie si les gouvernements n’avaient donné mieux que le nombre en donnant les forces organisées de leur pouvoir à cette minorité sans eux vaincue. […] qu’il n’y en ait pas mis une autre… Henri IV a donc commis là bien évidemment une des plus grandes fautes que souverain pût commettre, même la question religieuse écartée, que l’Histoire cependant n’écartera pas, car, je le dis, en regardant bien en face les révolutions futures, ou du moins le chemin par lequel elles peuvent venir, les gouvernements doivent toujours venir à bout, quand ils le voudront, eux qui sont la force organisée, de la force qui ne l’est pas… Segretain a par des exemples nombreux et frappants fait toucher du doigt dans son histoire la bévue des gouvernements du xvie siècle qui précédèrent celui de Henri IV, lequel paracheva et fixa les conséquences de cette énorme faute, en la commettant à son tour ; et on se demande vraiment pourquoi, en lisant Segretain, qui nous met en lumière une chose qu’avant lui on n’avait pas assez vue, ce qui prouve son extrême bonne foi et son désir de justice : c’est qu’à toutes les époques de sa vie Henri IV, quelles qu’aient été ses apostasies, avait toujours été au fond de sa pensée plus catholique que protestant ! […] Cela déconcerte un peu les idées reçues, mais voyez si avec la nature de Henri, cette nature indifférente aux idées religieuses pour elles-mêmes, son bon sens qui touchait au génie, son ardeur de cœur et de sens, son esprit politique, pratique et si bien fait pour le commandement, voyez si le catholicisme, cette religion de l’unité et de l’ordre et qui était encore la force dans le pays, ne devait pas être préférée à l’anarchie des doctrines protestantes, scindées déjà de son temps par plusieurs communions. […] ce cri de combattant pour l’Église à qui sa force était, par l’élection, tout à coup révélée.
Taine, ce foudre d’érudition, qui en finit, selon moi, avec toutes les histoires faites jusqu’ici sur la Révolution française et qui force à les recommencer ; mais il a sur le Jacobinisme, qui est la Révolution dans sa forme définitive et sa fatalité dernière, la même Vue droite, inflexible et perçante… Il est de même portée et il atteint au même point, — mais avec une flèche enflammée, avec la palpitation et la passion de l’éloquence en sus, et que M. Taine a eu la force d’étouffer. […] Dans un temps où le flot furieux des partis ne permettait plus à personne de rester dans sa liberté et dans sa conscience, André Chénier resta dans la force de sa raison, et, ne vous y trompez pas ! c’est la force de sa raison qui le distingue même comme écrivain et comme polémiste, ce poète ! […] Il reparut pour mourir et pour chanter, du fond de sa prison, ce dernier chant du cygne assassiné, qui a été le plus magnifique cri d’aigle qui ait jamais été poussé, de cette force-là, parmi les hommes !
Il concentre ses forces sur un point donné. […] C’est un style d’orateur doué pour principale qualité de cette espèce de force dans l’idée et l’expression vulgaires, qui explique, du reste, tout l’ascendant de l’orateur. […] C’est vice de conformation et de nature ; mais alors qu’il ne déclame pas, alors qu’il est le plus heureusement et le plus purement orateur, il a, de nature et de conformation aussi, cette force d’expression et d’idée vulgaire dont je parlais tout à l’heure et qui l’empêchera toujours d’atteindre à la hauteur de pensée et à la concentration de forme du grand écrivain. […] Prenez-les tous, si vous voulez, et cherchez s’ils n’avaient pas tous cette force dans la vulgarité qui est leur fond même ! […] Ledru-Rollin, avec leur part de talent et d’influence, ceux-là ont besoin de la verve ou de la force dans les idées communes : or, du temps que M. de Montalembert parlait au lieu d’écrire, il les avait.
Puis, ayant remis son chapeau sur sa tête et s’étant frayé de vive force un passage, il s’élança hors de l’église et disparut. […] Il a donc développé avec beaucoup de soin, dans l’introduction de son livre, les conditions de son programme : « Nous prenons — dit-il — l’engagement de démontrer dans une foule de cas physiologiques, psychologiques, historiques et physiques, l’intervention très fréquente de ces agents mystérieux que nous appelons des forces intelligentes, autrement dit des esprits. Ces forces sont de deux ordres opposés : celui du bien et celui du mal. Mais, comme les circonstances y obligent et qu’il faut, avant tout, se débarrasser du fardeau le plus pesant, ce premier mémoire sera consacré aux forces du dernier ordre. […] Et quand il a encore épuisé ces témoignages il prend les faits eux-mêmes, et ils sont nombreux dans son livre, et il démontre par eux l’intervention de ce « principe surnaturel » qui s’impose de vive force à l’observation la plus supérieure, en raison même de sa supériorité.
Il n’y a, en effet, que deux poésies dans le monde, — la poésie de la Force et la poésie de la Grâce. […] Seulement, par un privilège de ces adorables natures poétiques quelquefois délicieusement fondues, de temps à autre le muscle de la Force peut saillir tout à coup dans le doux contour de la Grâce, et créer alors cet hermaphrodisme divin dont les Grecs, moins prudes que nous et plus connaisseurs, faisaient deux beautés réunies, et non pas une monstruosité ! Jules de Gères — comme nous allons le voir — a souvent dans le talent cet hermaphrodisme harmonieux qui vient de la Force saillant dans la Grâce, mais il n’en appartient pas moins exclusivement en poésie à ce que je me permets d’appeler le genre gazelle. […] Et encore je n’en suis pas bien sûr… Même avec des défauts, un poème (je ne parle pas de celui de Chapelain) est une œuvre d’haleine, de composition, d’invention, qui surpasse de beaucoup, en forces employées, les maigres et presque mécaniques proportions et difficultés du sonnet. […] Il a la force du Verbe moderne.
Était-elle belle ou simplement jolie, ou, à force d’âme, divinisait-elle sa laideur ? […] Quel que soit son genre de poésie, Mme Desbordes-Valmore est-elle poète, dans toute la force de ce robuste mot ? […] Tout cela pèse trop à leur main, même quand leur force est centuplée par le génie qui leur est propre et qui, pour la force, leur a souvent versé la fièvre, — le terrible génie de l’amour ! […] — annonçait, dans ces vers libres ou plutôt lâches, et où la langue s’effilochait comme un tissu usé dans chacun de ses fils, la femme qui, vingt ans plus tard, s’est essayée à se faire un rythme, et qui, en son coin solitaire, a participé, dans la mesure de ses forces de femme, à ce grand mouvement rénovateur du style poétique qui s’est produit avec tant de continuité et de fécondité parmi nous.
… Dans la lutte en question, ce nouveau poète, qui a choisi le Sonnet pour expression unique de sa pensée et qui en dehors du Sonnet n’existerait peut-être plus, a-t-il déployé une véritable force de poète ? […] Joséphin Soulary a peut-être l’esprit plus grand que ses Sonnets, et son humour, à ce bizarre, ce vin noir comme le sang d’un cœur triste, finira peut-être par devenir fougueuse à force d’être comprimée, et passera par-dessus le bord, rose et or, du verre de Bohême aux pans régulièrement taillés, dans lequel il la sert avarement aux lèvres qui l’aiment et qui en voudraient beaucoup plus ! […] Le poète qui a écrit L’Influenza, La Note éternelle, Un soir d’été, La Colombe, L’Ancolie, A Éva, Sur la Montagne, Dans les Bois, Dans la Grotte, Dans les Ruines, Stella, La Canne du Vieux, Abîme sur Abîme, Hermès, ou, pour mieux parler, car il faudrait tout citer, les Cent soixante-douze Sonnets du recueil, qui sont, à bien peu d’exceptions près, presque tous, à leur façon, des chefs-d’œuvre, est certainement plus qu’un artiste de langue et de rythme, introduisant, à force d’art et de concentration, je ne sais quelle téméraire plastique dans le langage. Il a (regardez-y et même vous n’avez pas besoin d’y regarder pour en être frappé) la fécondité, la force, la profondeur, la grâce, la variété dans l’inspiration et cette unité dans le sentiment qui fait l’originalité d’un homme et qui lui crée son moi poétique, mais dans quelle proportion a-t-il tout cela, si ce n’est dans celle qui étouffe, en le restreignant, le génie, le génie à qui la place est nécessaire et qui ne peut jamais se passer d’horizons ! […] à la perfection des choses petites, qui n’est qu’une réussite, un tour de force… ou bien d’adresse, cause d’une sensation très-vive et très-particulière, je le sais, mais qui ne donne pas la suffisante sensation qui nous dit : « Voici le génie !
Il en avait la force, la bravoure, la crânerie (il a fait un livre intitulé : Crâneries de tête et de cœur), et son vers, éclatant et dru, était la grenade qui portait la mort dans le rang· Je dis bien, en disant la mort, car il était un satyrique Il l’était de tempérament et de vocation. […] Ce qu’il y a de commun entre eux, c’est la force, — la force, bien plus que la couleur. — Barbier et Barthélemy sont supérieurs comme coloristes. […] On se rappelle les vers qu’il publia, peu avant sa mort, dans le journal La Liberté, et avec lesquels il recommença le tour de force de Barthélemy, qui publiait chaque semaine un numéro de sa Némésis. Amédée Pommier fit le tour de force, pendant un an, d’un feuilleton hebdomadaire qui était un véritable poème, et jamais personne ne s’aperçut, dans le jet superbe du disque qui eût pesé à la main d’un autre, de la fatigue du discobole !
Il a toute la souplesse de la force. Et c’est particulièrement de cette souplesse dans la force qu’il donne la preuve dans Madame André. […] C’était une force. […] Ce talent, je l’ai dit, me fait l’effet d’être voulu, artificiel ; l’application de cette souplesse dans la force qui caractérise M. […] Ce que j’y vois de mieux, c’est le style, de force à déborder, et qui est endigué.
Son style, qui n’est jamais impétueux et chaud, est du moins toujours élégant ; au défaut de la force, il a la correction et la grâce. […] Enfin il a le mérite de la double harmonie, soit de celle qui, par le mélange et l’heureux enchaînement des mots, n’est destinée qu’à flatter et à séduire l’oreille ; soit de celle qui saisit l’analogie des nombres avec le caractère des idées, et qui, par la douceur ou la force, la lenteur ou la rapidité des sons, peint à l’oreille en même temps que l’image peint à l’esprit. […] Il faut admirer l’orateur qui, à force d’art, d’esprit, de peinture de mœurs et de philosophie, tantôt délicate et tantôt profonde, vient à bout de suppléer à ce que son sujet lui refuse72, et il ne faudrait pas condamner ceux qui ont eu moins de succès. […] Les deux premières parties peignent avec noblesse les talents d’un général et les vertus d’un sage ; mais, à mesure que l’orateur avance vers la fin, il semble acquérir de nouvelles forces. […] Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.
L’humanité ayant à sa disposition des forces infinies ne s’en montre pas économe. […] Reste la force ; faites bonne garde Oh ! […] Au premier réveil du libéralisme moderne, on put croire un instant que l’absolutisme ne reposait que sur la force des gouvernements. […] Le gouvernement légitime est celui qui se fonde sur la raison du temps ; le gouvernement illégitime est celui qui emploie la force ou la corruption pour se maintenir malgré les faits. […] La serpe qui émonde les rameaux faibles ne fait que donner aux autres plus de force.
Les populations s’accroissaient lentement ; les enfants, à la mort d’un père, n’allaient pas, comme aujourd’hui, démantibuler sa ferme pour en partager les terres entre eux ; au contraire, ils la renforçaient ; les cadets se servaient des forces acquises pour défricher, à leur profit, les landes voisines. […] Le Play est d’une génération toute nouvelle ; il est l’homme de la société moderne par excellence, nourri de sa vie, élevé dans son progrès, dans ses sciences et dans leurs applications, de la lignée des fils de Monge et de Berthollet ; et, s’il a conçu la pensée d’une réforme, ce n’est qu’à la suite de l’expérience et en combinant les voies et moyens qu’il propose avec toutes les forces vives de la civilisation actuelle, sans prétendre en étouffer ni en refouler le développement. […] Pour rester impassible en présence d’une contradiction ardente, éloquente parfois, qui s’attaque à vos convictions les plus chères et à ce que vous croyez la vérité, il faut plus de force et de constance encore que pour rester froid devant les injures ; et cette constance ne s’acquiert que moyennant un grand fonds de vigueur et de foi en la vérité même. Pour être véritablement un homme du régime moderne, pour résister à l’idée et au premier mouvement qui porte (si on en a le pouvoir) à l’emploi de la force, pour réprimer l’attaque et faire taire l’adversaire, il faut avoir en soi une conviction bien ferme de la fécondité du régime moderne : il faut être bien sûr aussi qu’on a en soi et de son côté un principe plus énergique et supérieur à opposer à de telles attaques, et être bien déterminé à l’employer à armes égales, pour ainsi dire, afin de triompher non seulement en fait, mais dans l’opinion de tous. […] Cette grande qualité sociale, ainsi composée et combinée de deux contraires, quand on a le bonheur de l’avoir conquise et de la bien pratiquer, donne à la concurrence des esprits et au jeu des forces libres toute leur activité et toute leur vie, en conjurant les dangers qui naissent du refoulement et de la compression : « Elle permet, il est vrai, la propagation du mal, mais elle donne à celle du bien une force incomparable.
Somme toute, et quoi qu’il en soit de ces critiques de détail, le premier il a permis aux lecteurs curieux et patients de se faire une vaste idée, une idée continue (j’y insiste) du génie et de la force complexe de son héros. […] Armand Lefebvre, sans songer à se poser le cas d’une manière si générale, a observé le précepte ; à force d’interroger les faits et de les serrer de près, ils lui ont répondu en ce sens. […] « On avait le choix entre deux systèmes : l’un tout de force et de représailles, l’autre tout de clémence et de conciliation. » Convenait-il d’user du premier en toute rigueur, comme la victoire en donnait le droit, et de mesurer ses prétentions sur sa fortune ? […] Oui sans doute, les plus grands hommes, s’ils veulent dominer et régler les situations, doivent circonscrire à temps leur sphère, borner leur tâche et limiter le champ où leur génie aura à s’exercer : sans quoi ils s’engagent dans des entreprises et des combinaisons qu’ils ne gouvernent plus, et ils risquent d’être entraînés sur des pentes fatales, irrésistibles, où leur force, si grande qu’elle soit, ne sert qu’à leur faire décrire des bonds plus gigantesques et plus impétueux, mais sans arrêt possible. […] Que n’a-t-il eu le temps de profiter de toutes les lumières répandues aujourd’hui sur cette période historique et qui n’auraient fait qu’apporter de nouvelles forces à ses arguments !
D’autres vérités, au contraire, influent sur les sentiments des individus comme sur l’esprit des nations, et sont comme des forces immortelles qui, une fois créées, ne cessent pas d’agir. […] On les force de travail, on leur épargne la nourriture même la plus commune. […] S’agit-il de montrer ce qu’il en coûte à l’âme pour avoir cédé l’empire aux sens, il égale, par la force et la sévérité de ses tableaux, les grands moralistes du dix-septième siècle. […] Ces conseils, donnés comme en passant, avec une gravité majestueuse et douce, ont une force singulière. […] Il avait sous la plume le mot nature ; s’il écrit « l’auteur de la nature », c’est qu’à ce moment-là, l’explication des beautés de l’ordre suprême par une force aveugle et impersonnelle ne satisfait pas son esprit.
Comment refuser une formidable vertu plastique au climat, cette force qui agit incessamment et presque toujours dans le même sens ? […] Comment, par exemple, n’être pas frappé de ce fait, qu’au temps de saint Louis et dans la première moitié du règne de Louis XIV, c’est-à-dire aux époques où la langue et la littérature françaises ont eu leur plus grande force d’expansion sur le monde, l’activité intellectuelle de la France s’est concentrée autour de sa capitale, comme si le génie national poussait ses fleurs les plus originales, les plus vivaces et partant les plus capables de séduire les étrangers, en ce coin de terre qui est, en quelque sorte, la France de la France ? […] elle ne le fait pas penser seulement à un sol repu de cadavres ; c’est, à ses yeux, le royaume de la force, de l’injustice, l’impitoyable cirque où les faibles sont dévorés par les forts. […] Il n’apprécie la nature rude et sauvage que le jour où la nature civilisée lui permet d’arriver sans trop grand effort aux parties qui ont échappé à son action et de regarder sans crainte et sans arrière-pensée des forces imposantes contre lesquelles il se sent ou se croit abrité. […] Les Châtiments (Force des choses).
Un tel équilibre ne peut pas être le fruit d’un calcul, le résultat d’une combinaison ; car les passions, toujours irréfléchies et dépourvues de mesure, auraient bientôt franchi des barrières qui n’auraient été élevées qu’à force d’art. […] Il lui faut enfin, sinon l’accord des mœurs et des opinions, du moins une telle indépendance entre ces deux forces, qu’elles ne puissent plus se rencontrer pour se combattre ; car nos mœurs ne sauraient s’avancer au niveau de nos opinions ; et l’on ne voudra pas souffrir que les opinions rétrogradent pour marcher d’un pas égal avec les mœurs. […] On est descendu trop bas ; les factieux ont cru qu’ils devaient faire comme l’Antée de la fable, s’approcher continuellement de la terre pour y puiser de nouvelles forces ; mais enfin il faut que l’Hercule de la civilisation finisse par triompher. […] Nous ne pouvons pas l’accuser de ce qu’elle a été revêtue d’un tel ministère, puisqu’il lui a été délégué par la force même des choses ; seulement il nous serait permis d’examiner si elle a accompli ce ministère, tout le temps qu’il a duré, avec persévérance, zèle et dévouement : or il n’y a point de doute à cet égard, puisqu’elle a fini par nous donner la monarchie de Louis XIV. […] L’esprit de société, à mesure que le régime féodal s’affaiblissait parmi nous, créait une aristocratie factice et arbitraire, qui tend à son tour à devenir moins exclusive, et qui doit finir par s’éteindre, puisqu’elle n’est pas assise sur la force des choses.
Tel cheval a la force de traîner tel chariot. […] La loi mécanique de la conservation de la force en commande une foule d’autres. […] L’écrivain et le penseur s’y montrent au plein de leur force. […] Qu’ils sont beaux dans leur force ! […] Une force, assurément.
… Pourquoi cette impression consolidée a-t-elle la force d’un préjugé ? […] Il aimait, avec la rage d’un homme qui n’atteindra jamais à ce qu’il aime, toutes les manifestations et les expressions de la force. […] Les armes même dont il était curieux, — mais non à la manière des artistes et des antiquaires, — il ne les aimait que parce qu’elles sont des forces ajoutées à la force humaine, dormant pour s’éveiller, quand il le faut, sous notre main. […] Trelawney, trempé et carabiné comme un tromblon d’abordage, était pour Byron une fière expression de cette force qu’il adorait, et voilà pourquoi Byron vécut avec lui comme avec le lion de Janina, si Ali pacha le lui eût donné. […] Du reste, en tant qu’il convint de rapetisser Byron, et comme l’on dit, de le descendre, on ne pouvait s’y prendre avec une précaution et une adresse plus antipathiques à la force.
Elle vivra comme un témoignage des grandeurs de la religion et de la vertu devant l’iniquité de la force doublée de génie. […] À travers ces revanches du sentiment moral, l’imagination de nos poëtes servait à l’apothéose de la force : le monde, après avoir eu le spectacle d’une prodigieuse fortune, subissait le contrecoup et partageait souvent l’illusion des talents que cette fortune avait d’abord éblouis. […] ce qui était imposé de souffrance et d’énergie à la vie active rendit une force nouvelle à la pensée. […] Brillante d’une beauté qui semblait le voile transparent de son génie, parée pour les yeux espagnols d’une grâce à la fois nationale et demi-étrangère, respirant surtout dans son talent la grandeur et la force, mais y mêlant ce goût de pureté, cette correction sévère trop rare en Espagne pour ne pas sembler originale, elle étonna, elle charma tous ceux qui l’entendirent. […] Et toi, suprême auteur de l’harmonie, qui donnes des sons à la mer, au vent, à l’oiseau, prête une force virile à mes accents, et accorde-moi de redire, dans une sévère poésie, la puissance de la croix.
C’est à exprimer ce type dans sa pureté que tendra de toutes ses forces la peinture à sa grande époque. […] Il aime à nous donner une haute idée de sa force, à se montrer formidable. […] Ces frères, martyrs inconnus des forces aveugles, m’intéressent à peu près comme les métamorphoses d’Ovide. […] Il me ressemblait ; il aura eu ma force ; il vit, mon cœur en est sûr. […] C’était l’argument du Chercheur, et il garde toute sa force devant la brusque conversion du poète.
Et cette difficulté si grave se rencontre dans presque tous les cas du mouvement, car presque tout mouvement est l’effet d’un concours de forces, et les effets respectifs des diverses forces se trouvent en lui mêlés à un tel point qu’on ne peut les séparer sans le détruire, en sorte qu’il semble impossible de savoir quelle part chaque force a dans la production de ce mouvement. Prenez un corps sollicité par deux forces dont les directions font un angle, il se meut suivant la diagonale ; chaque partie, chaque moment, chaque position, chaque élément de son mouvement est l’effet combiné des deux forces sollicitantes. […] Ainsi, pour découvrir les causes des mouvements des planètes, nous recherchons par des inductions simples les lois de deux causes, l’une qui est la force d’impulsion primitive dirigée selon la tangente, l’autre qui est la force accélératrice attractive. […] Ce sont eux que l’on désigne sous les noms de forces, causes, lois, essences, propriétés primitives. […] Nous travaillons à transformer chaque groupe de phénomènes en quelques lois, forces ou notions abstraites.
De cette disposition à saisir le ridicule, la comédie tire sa force & ses moyens. […] Quant à la force de chaque trait, la vraissemblance a des bornes. […] Qui vous force a porter ces parricides armes ? […] La force & la précision sont inséparables ; mais c’est avec l’élégance qu’il est difficile de les concilier. […] Telle est la force du merveilleux sur les esprits de la multitude.
On peut observer une marche à peu près pareille depuis Auguste jusqu’aux Antonins, avec cette différence cependant, que les empereurs qui ont régné pendant ce temps, ayant été des monstres abominables, l’empire n’a pu se soutenir, l’esprit général a dû se dégrader, et un très petit nombre d’hommes ont conservé la force d’esprit nécessaire pour se livrer aux études philosophiques et littéraires. […] Leurs écrits en latin et en grec ont un caractère tout à fait distinct de celui des littérateurs du temps d’Auguste ; ils ont plus de force et plus de concision que les philosophes républicains eux-mêmes. […] Mais avant que toute l’Europe fût civilisée, avant que le système politique et militaire et l’emploi de l’artillerie eussent balancé les forces, enfin avant l’imprimerie, l’esprit national, les lumières nationales devaient être aisément la proie des barbares, toujours plus aguerris que les autres hommes. Si l’imprimerie avait existé, les lumières et l’opinion publique acquérant chaque jour plus de force, le caractère des Romains se serait conservé, et avec lui la nation et la république ; on n’aurait pas vu disparaître de la terre ce peuple qui aimait la liberté sans insubordination, et la gloire sans jalousie ; ce peuple qui, loin d’exiger qu’on se dégradât pour lui plaire, s’était élevé lui-même jusqu’à la juste appréciation des vertus et des talents pour les honorer par son estime ; ce peuple dont l’admiration était dirigée par les lumières, et que les lumières cependant n’ont jamais blasé sur l’admiration.
Nous sommes bien éloigné de nier la tendance organique et sainte du progrès en toute chose, cette force centrifuge de l’esprit humain. Cette force centrifuge lui imprime tout mouvement, comme la force centrifuge des planètes imprime leur rotation aux astres ; mais les astres eux-mêmes ne progressent pas indéfiniment, ils tournent sur leur axe immobile et dans des orbites prescrits. […] Cela est si vrai que, quand nous voulons parler d’une chose supérieure en sagesse, en vertu, en force, en beauté matérielle ou morale, nous disons : Cela est antique. […] Je sentis comme si une main pesante m’avait précipité hors de mon lit par la force d’une impulsion physique. […] Parents, amis, frères, amante même, finissent par se lasser de dévouement ou par s’épuiser de forces.
Par-tout le naturel, la force, l’érudition, la solidité, s’adaptent & se fondent, pour ainsi dire, dans les sujets qu’il traite. […] Un ton noble & mesuré dans l’exorde, des gradations bien amenées dans le cours du discours, une chaleur qui naît de la force des raisons, des réflexions vives & pénétrantes, un pathétique qui acheve, dans la péroraison, de subjuguer le cœur, après avoir captivé l’esprit, sont des ressorts qu’il manie toujours avec un succès, fruit du génie, de l’art de le modérer & de lui donner l’essor à propos. […] Est-ce par des phrases philosophiques, par des ironies indécentes, par un style épigrammatique, par un ton & par des manieres conformes aux mœurs énervées de notre temps, qu’on prétendroit nous retracer, dans la plus noble des fonctions, cette élévation, cette force, cette vive sensibilité, & sur-tout cette décence qui caractérisoit chez les Romains les Défenseurs des Loix & les fléaux de l’iniquité ?
À force d’être porté et d’aller au soleil, cet uniforme s’était entièrement fané, il fallait le remplacer. […] Il me dit : « Je me force au travail ; il le faut pour que je conserve le dessus, et que je supporte cette séparation subite. […] Aucun œil humain ne peut le voir d’avance ; aucune force humaine ne pourrait rapprocher ce temps et faire naître cette occasion. […] Se redresse-t-il, celui qui ne sort de son repos que parce qu’on l’y force avec violence ? […] Ceux qui se tuent n’ont pas le droit de vivre, car ils n’ont pas la force de supporter les grands assauts de la nature de l’homme, les passions meurtrières !
Il n’y a même que les plus grands moralistes qui aient le droit de tracer le portrait actuel de cette puissance et de cette force, au-delà de toutes les limites connues. […] — Elle a bien combattu, elle a bien travaillé, et enfin elle a cédé à la force, à la fatigue incessante de ce travail de tous les jours […] Pauvre société perdue à force d’esprit, d’élégance, de scepticisme ! […] « La persuasion, disait Xénophon, a plus de force que la violence. […] Elle avait appelé à son aide tout ce qui lui restait de force, de grâce, de charme, de beauté !
Quelle force de jeunesse n’ont pas alors l’imagination, la mémoire, et les passions qui inspirent la poésie ? […] Le droit héroïque fut celui de la force. […] Les querelles ne sont plus légales ; elles se décident par la force. […] Les puissants s’élèvent dans le désordre ; et l’anarchie, la pire des tyrannies, force le peuple de se réfugier dans la domination d’un seul. […] Enfin ses forces diminuant tous les jours, il resta quatorze mois sans parler et sans reconnaître ses propres enfants.
L’Algérie était certainement un bras de la France engagé à perpétuité avec cent millions et cent mille hommes de l’autre côté d’une mer qui n’est pas à nous ; diminution immense de nos forces actives, de nos budgets, de nos soldats, gage de dépendance donné à l’Angleterre toujours prête à nous dire : « Ou la paix servile, ou l’Algérie perdue, comme l’Égypte sous Napoléon, grâce à nos escadres et aux Arabes soulevés par nous contre votre naissante colonie ! […] Et pour moyen, l’équilibre ; L’équilibre, maintenu, autant que possible, par la force relative propre, ou par la force des alliances qui mettent le poids des petits États à côté des grands pour égaliser les systèmes. […] Le second moyen de paix, c’est le système des alliances adopté par un État avec d’autres États pour se garantir mutuellement et se secourir, en réunissant leurs forces contre l’omnipotence, l’usurpation, l’oppression des autres États ; une assurance réciproque contre les périls communs. […] Il n’y a donc point de système d’alliance naturel et permanent pour un peuple ; les alliances sont dépendantes des circonstances, des avantages, des dangers, des groupements de forces qui résultent pour les nations alliées de la situation des choses en Europe. […] Elle ne combattit avec toutes ses forces que pour l’Italie et en Italie.
Là mieux que chez nous, il put sentir l’énormité indomptable des forces naturelles et les lourds midis endormeurs de la conscience et de la volonté. […] Les forces inéluctables qu’il avait reconnues, subies et parfois aimées dans la nature aveugle et magnifique, il les retrouvait dans la société des hommes, mais franchement haïssables cette fois, visiblement hostiles et méchantes. […] Elle lui apparut comme l’universelle tragédie du mal, comme le drame de la force sombre et douloureuse. […] Mais le plaisir qu’ils prennent au déploiement des forces brutales et leur intelligence bornée les préservent des désespoirs métaphysiques. […] Ajoutez une strophe de cinq vers dont il est, je crois, l’inventeur, et à qui la prédominance des rimes masculines donne beaucoup de force et de gravité.
Nul ne l’a peut-être établi avec plus de force et de méthode que M. […] Les âmes qu’il a décomposées et réduites à leurs éléments essentiels prennent des airs de machines à vapeur, de léviathans de métal d’une force effroyable et aveugle. […] Le peuple est grand admirateur de la force et de la grandeur matérielle. […] Et cela, par la force des choses. […] Cela tient du tour de force ?
Cette institution, plus forte que la main qui prétendait la façonner à la servitude, n’avait pas tardé à créer contre tout despotisme une force ingouvernable par tout autre puissance que l’opinion. […] Aussi la gloire littéraire force-t-elle quelquefois les portes des académies ; mais elle y entre toute faite, elle n’en vient pas. […] En concentrant dans un seul foyer toutes les individualités littéraires éparses et isolées dans la nation, on leur a donné ainsi le sentiment de leur force, de leur dignité et de leur ascendant sur l’opinion et même sur le pouvoir politique. […] Tout est bon, même la force brutale, à une nation effarée par la terreur. […] Nous avons, disent-ils, énervé ainsi la démocratie, nous avons fait répudier au peuple sa seule force, la terreur ; nous avons rassuré et encouragé d’avance par l’impunité les réactions de ses ennemis.
De plus forts que lui avaient la peine (la force est faite pour cela, du reste), de porter comme l’orage de leur génie autour de leur nom et de leurs œuvres, lorsqu’il paissait une gloire agréable et tranquille, et, le croira-t-on ? […] Si on ne se laissait pas démoraliser par cette renommée, si on osait regarder ses œuvres, on verrait bientôt que l’on s’est entendu un peu trop aisément et trop vite pour les trouver de grandeur et de force à honorer la tradition littéraire d’un pays. […] Ce qui prouve, du reste, la triple absence de l’aperçu, de la sensibilité et de la science réelle en Villemain, c’est qu’au meilleur moment de sa jeunesse et de sa force il n’ait cherché dans les Pères et dans l’étude de leurs écrits qu’une raison et qu’un moyen d’enseigner l’éloquence, comme si l’éloquence s’enseignait ! […] c’est lui qui se croit menacé dans la personne de la littérature, parce qu’au rebours d’exorbitantes prétentions trop longtemps soutenues, la littérature n’est plus considérée maintenant comme la première des forces sociales ! […] … En Angleterre, c’est Fox et Grey qui l’ont séduit et qui l’entraînent, Grey, un homme médiocre qui n’eut qu’une idée et une attitude, — il n’en faut pas plus en politique, — une idée qui a triomphé moins par la force du talent que par la force d’une situation, dans un pays aristocratiquement organisé, comme l’Angleterre, et Fox, comme lord Grey, parce qu’il représentait le wighisme, qui est le libéralisme anglais, cher à tous les libéraux de France, et non pas pour les raisons humaines tirées de l’âme de Fox, et qui, eût-il tort dans ses opinions politiques, ce qu’il eut souvent, faisaient cependant de son âme une toute-puissance d’orateur !
. — Le commerce est, par son essence, satanique… Le commerce est naturel, donc il est infâme », etc… Tout est de cette force. […] de la simplicité, de la piété, de l’humilité : « Je me jure à moi-même de prendre désormais les règles suivantes pour règles éternelles de ma vie ; « Faire tous les matins ma prière à Dieu, réservoir de toute force et de toute justice, à mon père, à Mariette et à Poë comme intercesseurs : les prier de me communiquer la force nécessaire pour accomplir tous mes devoirs, et d’octroyer à ma mère une vie assez longue pour jouir de ma transformation ; travailler toute la journée, ou du moins tant que mes forces me le permettront ; me fier à Dieu, c’est-à-dire à la justice même, pour la réussite de mes projets ; faire, tous les soirs, une nouvelle prière, pour demander à Dieu la vie et la force pour ma mère et pour moi ; faire, de tout ce que je gagnerai, quatre parts : une pour la vie courante, une pour mes créanciers, une pour mes amis, et une pour ma mère ; obéir aux principes de la plus stricte sobriété, dont le premier est la suppression de tous les excitants, quels qu’ils soient. » Plus je me rapproche de l’homme et plus je reviens de mes préventions contre l’artiste.
Cet Hercule sous la figure d’un Adonis, perdit la beauté de l’un, sans conserver la force de l’autre ; ses traits restèrent affectés ; des humeurs âcres se jetèrent sur ses yeux. […] Il fallait cependant un aliment à l’inquiète activité de son esprit ; sa tragédie de Moustapha et Zéangir, commencée depuis longtemps, abandonnée et reprise vingt fois dans les alternatives de langueur et de force qu’éprouvait sa santé, fut achevée dans cette retraite : plusieurs scènes de cette pièce prouvent avec quelle attention Chamfort avait étudié la manière de Racine, et jusqu’où il en aurait peut-être porté l’imitation, s’il n’eût été sans cesse distrait par ses maux et par des travaux étrangers à ses goûts. […] La force, l’impétuosité, la sensibilité passionnée dominaient dans Mirabeau ; la finesse d’observation, la délicatesse ingénieuse, dans Chamfort. […] Il le regardait comme son supérieur et son maître, même en force morale. […] Les personnes qui se trouvaient chez lui, et avec lesquelles il venait de dîner, averties de ce qui se passait par le bruit du coup de pistolet et par le sang qui coule à flots sous la porte, se pressent autour de Chamfort pour étancher le sang avec des mouchoirs, des linges, des bandages ; mais lui, d’une voix ferme, déclare qu’il a voulu mourir en homme libre, plutôt que d’être reconduit en esclave dans une maison d’arrêt, et que si, par violence, on s’obstinait à l’y traîner dans l’état où il est, il lui reste assez de force pour achever ce qu’il a commencé.
Il se trompe avec une force !… » Remarquez-le bien, ce qui l’irrite, ce platonicien d’ordinaire si doux, ce n’est pas qu’on se trompe, mais c’est qu’on se trompe avec une force ! […] « On imite la force, — dit-il, — la gravité, la véhémence, la légèreté même, non la délicatesse et la finesse. » Erreur de son amour pour elles ! L’homme peut faire singerie de tout, et, d’ailleurs, l’effort jamais ne fut la force. Mais la force, dans les qualités humaines, Joubert ne l’estimait pas son vrai prix.
La solidité ne serait pas venue, ni la force simple, ni la sincérité. […] Le catholicisme, cette source sublime d’inspiration, a donné à Donoso Cortès une assez belle forme pour qu’il ne puisse la dédaigner sans affectation ou sans injustice, et il ne la lui a donnée qu’à la condition d’élever, d’épurer, de grandir toutes les forces de sa pensée, car la pensée et la forme ne se séparent pas. […] C’est lui plutôt, Donoso, qui arrive à l’aperçu, comme à une lumière en dehors de sa pensée, et à force d’aller vers elle, de raisonnement en raisonnement. […] Là il déposa tout son effort, toute sa force et sa vie presque. […] Cette introduction est de la placidité pleine de force qu’ont les chrétiens, quand ils regardent deux choses tristes, — le monde et un tombeau.
Écrire la profession de foi d’un siècle qui semblait ne plus en avoir ; proclamer la seule croyance restée debout sur toutes les autres, la seule religion qui convienne à des Titans intellectuels de notre force ; proclamer la foi au progrès, la foi scientifique au progrès, imposée à tout ce qui pense, de par l’autorité même de l’histoire ; en trois mots, reprendre en sous-œuvre et refaire l’histoire des civilisations successives, de l’homme et de la création, était n’importe pour quel esprit une tentative dangereusement grandiose. […] L’erreur a des manières d’attacher le collier de force aux plus généreux esprits et de les traîner après elle ! […] quand on veut élever ce mot à la hauteur d’une démonstration qui force la foi et en moule énergiquement l’expression dans un symbole, il se trouve des difficultés embarrassantes auxquelles tout d’abord on ne pensait pas… Et nous ne parlons pas pour nous, qui n’avons ni dans le cœur ni dans l’esprit la même foi que M. Pelletan ; qui ne pensons pas comme lui, que le progrès, soit l’expansion illimitée de toutes les forces passionnées de l’homme, avec toutes leurs excitations et leurs réalisations dans l’État, dans l’Art, dans l’Industrie, dans les mœurs ; mais qui croyons, au contraire, que le progrès, c’est, la vertu par le sacrifice en vue de quelque chose qui n’est ni dans l’histoire, ni dans la vie visible de l’humanité ! […] Il y a en lui des tendresses de cœur, des forces de sentiment qui ne savent plus que devenir dans ce système, sans Dieu personnel, de l’humanité progressive !
Dans le temps qu’il lança contre les docteurs du jour cette masse qu’il faut contre eux relancer encore, Brucker était dans le plein midi de sa force. […] Ce fut sa destinée, à cet homme qui avait réellement du génie, mais pour qui le génie fut toujours une force perdue, de mériter dix gloires pour une, et toutes ces dix, de les manquer ! […] C’est pour cela que, de bonne heure, il dédaigna d’écrire… et que les livres qu’il a laissés ne donnent pas la mesure de la force de son esprit. […] Eh bien, c’est cette force de la Paternité, dont Brucker n’avait pas seulement que l’idée dans la tête, mais dont il avait aussi le sentiment dans la poitrine, c’est cette force de la Paternité qu’il résolut de réapprendre au monde, en la lui peignant… Et puisqu’il avait accepté la forme du roman dans son ouvrage, il y introduisit un père comme on n’en connaissait plus, un père qui relevait la Paternité de tous les avilissements qu’elle subissait, depuis des siècles, dans les mœurs et dans les comédies !
Mais s’il engouffra la force de son cerveau, fait pour mieux que cela, dans le creux d’un système, il eut, du moins, la mousse des mots et le sel de l’esprit. […] Ribot ; ceux qui veulent prendre rigoureusement la mesure du système de Schopenhauer peuvent recourir au commentaire qu’il nous donne sur sa philosophie, commentaire détaillé, technique, germanique et ennuyeux pour qui ne croit pas à la métaphysique et qui ne s’intéresse pas à la manière de jouer de ce jeu sans fin… Mais pour qui cherche dans les méditations de l’esprit la certitude et la sécurité intellectuelles, pour qui croit que la vérité n’a pas été placée par un être ou un ensemble de choses incompréhensiblement moqueur hors de la portée et de la main de l’homme, les différences de force cérébrale attestées par la différence des systèmes importent peu si les résultats sont les mêmes, s’ils viennent se rejoindre dans les mêmes négations et se briser contre l’Χ inconnu, qui, dans toutes les philosophies de l’heure présente, a été mis à la place de Dieu ! […] Appuyé sur cette force qu’il appelle volonté, et qui est, selon lui, le principe du monde : « consciente par accident, — dit-il, — inconsciente par essence, s’objectivant un moment dans l’homme, mais immanente et indestructible », et dont il ignore tout, sinon qu’elle est, Schopenhauer a donné de l’Athéisme une traduction et une expression nouvelles. […] Foucher de Careil (un philosophe de France) ; c’est de cet état contemplatif, absorbé, rigide, anéanti, et par conséquent d’indifférence absolue, que Schopenhauer essaye de tirer une incompréhensible sympathie, par un tour de gobelet ou de force que j’appelle, moi, hardiment, une contradiction ! […] Ribot, agrégé de philosophie et docteur ès lettres, la métaphysique, qui n’aboutit jamais qu’à du matérialisme ou de l’idéalisme athée, ou à un scepticisme pire encore, est une science orgueilleuse dont on démontre le néant par la force de ses philosophes… Ils servent à cela.
Eh bien, qu’un tel fait ne soit pas perdu et me soit une raison pour reprendre en sous-œuvre la parole sans alliage du prédicateur, la parole froidie, corrigée, écrite, hors les lèvres qui l’animèrent, hors le corps qui parle au corps, dit Buffon, en parlant de l’éloquence, et pour rechercher ce que cette parole réduite à elle seule, avec la force muette de son verbe, contient d’essentiel, de grand et de vrai. […] Après le discours éteint, fumant, évaporé, le livre, qui condense la vie de la parole et qui la force à reparaître et à rester là pour qu’on la juge ; le livre, qui affronte la pensée solitaire, glacée, difficile ! […] J’ai entendu nier la carrure de sa tête, la force doctorale qui est en lui, parce que cette force ne se montre pas assez nue, assez décharnée, assez seule pour qu’on la voie : aux yeux des esprits superficiels ou raccourcis, l’indigence d’une faculté étant le meilleur repoussoir d’une autre. […] Dieu lui a donné une organisation d’élite, un mélange de force et de tendresse, une expression poétique et spirituelle en même temps… Mais j’ai dit que je ne parlerais pas de l’orateur.
la politesse de Caro est une des forces de son livre. […] Les nouveaux critiques de l’Idée de Dieu ont remis en valeur des théories qui n’avaient pas le degré de force, de précision et de profondeur, qu’on est en droit d’exiger d’une philosophie, et l’insuffisant redevenait du vrai à la lumière épouvantable du faux complet ! […] Les soixante premières pages du livre de l’Idée de Dieu exposent avec une netteté pleine de force les idées qui pénètrent et dissolvent la philosophie du moment, et que l’auteur ne caractérise que par la rigueur de leur absurdité. […] C’est surtout avec Renan, bien plus qu’avec Taine, qui est le Démocrite de l’athéisme, et Vacherot, qui en est le Zénon, gens très nets et qui dispenseraient volontiers Caro de politesse, que Caro s’est livré à ces tours de force d’amabilité dont je ne parle tant que parce qu’ils donnent un caractère nouveau et presque plaisant à un livre grave, et que ce caractère restera à ce livre sans l’amoindrir. […] On dirait que les tours de force de la politesse auxquels il s’est livré avec Renan, Taine et Vacherot, l’ont amolli en l’assouplissant, et qu’il ne sait plus se tenir debout dans un jugement rigoureux, si ce n’est devant les insensibles et impassibles idées, qui n’ont pas d’amour-propre à blesser !
Brucker, puisqu’il se frappe dans son passé de toute la force de sa supériorité d’aujourd’hui) avait été élevé par un prêtre apostat et marié, qui, au lieu de lui apprendre à prier Dieu, avait empoisonné son enfance, en la plongeant dans le naturalisme païen du vieux Pline ? […] de ce qui fut un bonheur et une force pour le bibliothécaire de Catherine II. […] Brucker répandit ses arômes dans tous les sens, atteignit les esprits qui l’entouraient, les pénétra des fécondantes contagions de sa pensée, et, chez certaines organisations rêveuses jusqu’à la pesanteur et à l’engourdissement, força le génie, comme on force la bête, à se lever. […] Il y vint du sein du Fouriérisme dont l’apparente grandeur logique et la mystérieuse force de combinaison l’avaient attiré et retenu. […] Dévoré d’une fièvre apostolique (je demande pardon pour la hardiesse du mot), il se servit, dans l’intérêt de sa foi nouvelle, de ce merveilleux don de parole improvisée qui est sa vraie force, sa plus incontestable supériorité.
L’éditeur a plus consulté mon amitié que mes forces. […] Elle les admire ; elle en est éblouie ; elle en reconnaît la justesse et la force. […] Élisabeth le fait cependant ; elle est conduite, à son grand effroi, par les maximes hégéliennes, à considérer la société humaine simplement comme un ensemble de forces contradictoires, l’injustice comme l’empiétement trop violent et l’usurpation d’une force sur une autre, le devoir, comme la transaction de toutes les forces entre elles. […] Il a pourtant un grand signe de vocation : la sincérité et la force de sentiment. […] Tant de force et de noblesse !
La République conservatrice les fixa d’un regard triste, sans employer la force. […] Tocqueville voyait dans le suffrage universel une force conservatrice. […] D’où la force de ces partis, et aussi une des forces de ces chefs. […] C’est une grande force, mais contre cette force agissent des forces antagonistes. […] Le radicalisme est un parti d’idées ; de là vient en partie sa force électorale.
A force de raisonnements, nous pouvons établir que nos sensations sont les signes plus ou moins fidèles des choses, mais c’est là une question de degré : tout est signe fidèle et infidèle à la fois. […] Tout état de conscience est idée en tant qu’enveloppant un discernement quelconque, et il est force en tant qu’enveloppant une préférence quelconque ; si bien que toute force psychique est, en dernière analyse, un vouloir. […] La force considérée par le physicien n’est-elle « qu’un autre aspect » de ce que les philosophes appellent volonté ? […] — C’est cette volonté qui donne aux idées et représentations leur vraie « force » ; c’est elle qui les tire de l’indifférence passive où elles demeureraient abîmées si elles n’étaient que les reflets d’un monde complet sans elles. […] En effet, si cette méthode étudie des conditions de changement interne et externe, c’est-à-dire des forces psychiques, elle étudie aussi des idées, et principalement les idées qui sont le fond même de la métaphysique.
Il faut avoir vécu contemporain d’une révolution religieuse ou politique, pour savoir quelle est la force de cette passion. […] Il faut que les moyens soient de la nature de la cause, parce que cette cause paraissant la vérité même, doit triompher seulement par l’évidence et la force. […] Plus l’esprit de parti est de bonne foi, moins il admet de conciliation ou de traité d’aucun genre ; et comme ce ne serait pas croire véritablement à l’existence efficace de sa religion, que de recourir à l’art pour l’établir, dans un parti, l’on se rend suspect en raisonnant, en reconnaissant même la force de ses ennemis, en faisant le moindre sacrifice pour assurer la plus grande victoire. […] L’ambition sait se plier à chacune des circonstances pour profiter de toutes, la vengeance même peut retarder, ou détourner sa marche ; mais l’esprit de parti est comme les forces aveugles de la nature, qui vont toujours dans la même direction : cette impulsion une fois donnée à la pensée, elle prend un caractère de roideur qui lui ôte, pour ainsi dire, ses attributs intellectuels ; on croit se heurter contre quelque chose de physique, lorsqu’on parle à des hommes qui se précipitent dans la ligne de leur opinion. […] Il sera vrai, cependant, que l’homme vertueux peut surpasser, en force active et dominante, le coupable le plus audacieux.
Cet homme n’avait pas assez de cette révolution, immense héritage de force et de puissance qui lui fut cédé si gratuitement. […] Tant de maux étaient inévitables : ils sortaient de la force même de la situation. […] Des mariages opérés par la force, le partage des emplois et des dignités entre les hommes les plus considérables des deux peuples, la division même d’une partie des propriétés, rien n’avait pu encore effacer la distinction de Romains et de Sabins : mais ce que n’avaient pu faire des circonstances si propres à confondre les intérêts divers et les prétentions opposées, la haute sagesse de Numa le fit. […] Dans tous les lieux où nous avons jadis obtenu des triomphes, nous avons eu des triomphes nouveaux ; partout où nous avions jadis fléchi devant la force même des choses, nous avons pu venger d’antiques injures. […] Le 20 mars a été une concentration de toutes les forces antisociales.
L’homme est une force libre qui peut agir sur le monde pour achever la création. […] Mais comment ces impressions venues du dehors peuvent-elles ainsi se transformer en force créatrice ? […] Toute science, en remontant la chaîne des causes secondes, parvient nécessairement à un point où ce système de force naturelles, imaginé pour expliquer tous les phénomènes, aboutit nécessairement à une force primitive au-dessus de laquelle rien n’est aperçu. […] Ses sens sont divers et leurs forces d’appréhension sur les objets sont inégales. […] Le vrai respect n’existe qu’avec la force et la liberté.
C’est toi qui me forces, par moments, à regarder les choses. […] cher vieillard, tu ignores donc que les forces s’équilibrent. […] Parmi le conflit des forces^ tu exerces la sélection. […] Bien que déchue aujourd’hui, elle a fourni jadis des éléments à la formation de l’idéal humain, — elle fut une force… Il ne faudrait pas que cette force sombrât dans l’ordure. […] Versez l’énergie à l’homme nouveau qui tremble devant les Forces.
Dans l’un ou l’autre cas, d’ailleurs, il y a intervention évidente des forces subconscientes. […] Mais comme Mozart, ils ne savent ce qu’ils font ; ils obéissent à une force irrésistible. […] Il semble cependant qu’il ne serait pas absurde de ne considérer l’armée que comme la force extériorisée d’une nation ; et alors de ne demander à cette force que les qualités mêmes qu’on demande à la force. […] La liberté littéraire, comme toutes les autres, naquit de l’union de la conscience et de la force. […] La force a les droits de la force ; elle les outrepasse en jetant à travers le monde des aphorismes enveloppés de vertu comme des pièges cachés sous des feuilles mortes.
Dès qu’une force ne peut plus s’accroître, il faut qu’elle diminue. […] Une hiérarchie s’établit, qui n’est plus seulement basée sur la force. […] Ces points (maintenant j’analyse) sont animés les uns les autres et les uns vers les autres d’une force attractive et d’une force répulsive, lesquelles forces varient d’après les distances selon une loi donnée. […] Une force le pousse que ne vient pas contrebalancer la force contraire : il tombe. […] Le chemin de fer utilise sa force dix fois mieux qu’une automobile.
» Quel tour de force que de dompter ces gens ! […] La prodigieuse réserve de forces vierges qui sommeille en elle n’est pas épuisée. […] Elle fait comprendre que la première vertu de l’opérateur est la force d’âme. […] Il sent sa force à la fois et la règle de sa force. […] La force publique les défend.
Ainsi, nous ne ferons paraître à l’appui de nos raisonnements ni Fénélon, si plein d’onction dans les méditations chrétiennes, ni Bourdaloue, force et victoire de la doctrine évangélique : nous n’appellerons à notre secours ni les savantes compositions de Fléchier, ni la brillante imagination du dernier des orateurs chrétiens, l’abbé Poulle. […] » Voilà où se réduit la philosophie sublime des impies ; voilà cette force, cette raison, cette sagesse qu’ils nous vantent éternellement. Convenez de leurs maximes, et l’univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s’évanouissent ; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n’a plus de règle ; et toute l’harmonie des corps politiques s’écroule ; et le genre humain n’est plus qu’un assemblage d’insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n’ont plus d’autres lois que la force, plus d’autre frein que leurs passions et la crainte de l’autorité, plus d’autre lien que l’irréligion et l’indépendance, plus d’autres dieux qu’eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c’est que vous êtes dignes d’y occuper une place. » Que l’on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l’on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées ; dans les orateurs chrétiens, un ordre d’idées plus général, une connaissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l’antiquité.
Esprit d’exécution, il rassemble avec vigueur, avec ardeur, ses forces, ses idées, et se met résolument à l’œuvre, peu soucieux de la forme, l’atteignant souvent par le nerf et la décision de sa pensée. […] On supprime toutes les forces qui n’ont pas produit leur effet et qui auraient pu cependant le produire. […] Il vous tient et vous mène jusqu’au bout, combinant avec force le fait, la réflexion et le but. […] Sa parole, à l’isoler en elle-même, a plutôt de la force et du nerf. […] Le néant de l’homme, la petitesse de sa raison la plus haute, l’inanité de ce qui avait semblé sage, tout ce qu’il faut de travail, d’étude, de talent, de mérite et de méditation, pour composer même une erreur, tout cela ramène aussi à une pensée plus sévère, à la pensée d’une force suprême ; mais alors, au lieu de parler au nom de cette force qui nous déjoue, on s’incline, et l’histoire a tout son fruit.
Les faits ne sont que des faits, c’est-à-dire des brutalités de la fortune, de la force et du hasard. […] La force de la France est sur son territoire ; la disséminer c’est l’anéantir. […] Il usa et abusa des forces de l’Angleterre, mais elle était le second pays de la terre quand il mourut, et le premier huit ans après sa mort. Et à quoi seraient bonnes les forces des nations, sinon à essayer de dominer les unes sur les autres ? […] Les grandes nations civilisent, éclairent le monde, et le font marcher plus rapidement dans toutes les voies ; seulement il faut leur conseiller d’unir à la force la prudence, qui fait réussir la force, et la justice, qui l’honore.
« Crassus parla longtemps, avec chaleur, avec force, avec violence. […] Ajoutons que, pour son temps, Cicéron est personnellement plus philosophe : car Bossuet répète la philosophie sacrée du christianisme, et sa force n’est que sa foi. […] quelle force ! […] Tout récemment, mon cher Brutus, après que vous fûtes parti de Tusculum, j’éprouvai mes forces devant un grand nombre d’amis. […] « Vos jours finiront, et, de force ou de gré, finiront bien vite, car le temps vole.
Le jour même de sa mort, il trouvait encore la force de dicter une page sur l’architecture arabe. […] Esprit remarquable par la rapidité de conception, la finesse, la subtilité, la force de pensée. […] Enfin, il avait vingt-sept ans, il sentait sa jeunesse et sa force et il avait besoin de les dépenser. […] Mais cette lutte contre la fatalité des forces naturelles ne pouvait durer toujours. […] La force illimitée, la faculté sublime, obscure chez les êtres inférieurs, chez l’oiseau claire et vive, de prendre à volonté sa force au foyer maternel, d’aspirer la vie à torrent, c’est un enivrement divin.
Qu’il me donne la force de lutter contre mes douleurs ? […] Et c’est là le sceau de sa grandeur, le signe de sa supériorité, le triomphe de sa force ! […] La vraie force est-elle d’étouffer ses passions, ou de les satisfaire ? […] Je vois en ce moment dans le mariage deux forces opposées que le législateur aurait dû réunir. […] Ce n’étaient pas seulement les forces de l’industrie, c’était, chose plus triste !
Aujourd’hui le savant admet des forces ou des lois ; c’est toujours quelque chose qui gouverne le phénomène. […] La méthode expérimentale détourne nécessairement de la recherche chimérique du principe vital ; il n’y a pas plus de force vitale que de force minérale, ou, si l’on veut, l’une existe tout autant que l’autre. Le mot force que nous employons n’est qu’une abstraction dont nous nous servons pour la commodité du langage. Pour le mécanicien la force est le rapport d’un mouvement à sa cause. […] La vie a son essence primitive dans la force de développement organique, force qui constituait la nature médicatrice d’Hippocrate et l’archeus faber de van Heknont.
Certainement l’homme criminel croit toujours, d’une manière générale, marcher vers un objet quelconque, mais il y a un tel égarement dans son âme, qu’il est impossible d’expliquer toutes ses actions par l’intérêt du but qu’il veut atteindre : le crime appelle le crime ; le crime ne voit de salut que dans de nouveaux crimes ; il fait éprouver une rage intérieure qui force à agir sans autre motif que le besoin d’action. […] L’ambition, la soif du pouvoir, ou tout autre sentiment excessif, peut faire commettre des forfaits, mais lorsqu’ils sont arrivés à un certain excès, il n’est aucun but qu’ils ne dépassent ; l’action du lendemain est commandée par l’atrocité même de celle de la veille ; une force aveugle pousse les hommes dans cette pente une fois qu’ils s’y sont placés ; le terme, quel qu’il soit, recule à leurs yeux à mesure qu’ils avancent ; l’objet de toutes les autres passions est connu, et le moment de la possession promet du moins le calme de la satiété. […] Il faudrait accueillir la première lueur du repentir comme un engagement éternel, et lier par leurs premiers pas ceux qui, peut-être, les commençaient au hasard ; mais à peine un individu a-t-il assez de force sur lui-même pour suivre une telle conduite, sans se démentir. […] La plus grande partie des idées métaphysiques que je viens d’essayer de développer, sont indiquées par les fables reçues sur le destin des grands criminels ; le tonneau des Danaïdes, Sisyphe, roulant sans cesse une pierre, et la remontant au haut de la même montagne, pour la rouler en bas de nouveau, sont l’image de ce besoin d’agir, même sans objet, qui force un criminel à l’action la plus pénible, dès qu’elle le soustrait à ce qu’il ne peut supporter, le repos.
L’état quelconque du mouvement qu’il immobilise apparaît sous le regard de la conscience, comme le seul état parfait ; il emporte la foi absolue en lui-même et fait tenir le nombre illimité des possibles dans les limites qui le définissent. « Je suis, dit-il toujours, la vérité et la vie. » Et la force avec laquelle ce pouvoir d’arrêt s’affirme sous forme de vérité dans le monde moral traduit expressément le degré du pouvoir de réalisation dont il est l’interprète. […] *** Dans tous ces cas la vérité se montre un principe arbitraire qui s’exprime dans la croyance qu’elle inspire et dont la vertu consiste à contredire une force contraire qui lui résiste. Cette contradiction et cette résistance dessinent en leurs points d’équilibre les contours du réel ; mais pour que le réel se forme et devienne perceptible une condition est nécessaire : c’est une certaine durée de l’état d’équilibre qui s’est établi entre les deux forces antagonistes. Cet équilibre est-il trop tôt ou trop fréquemment rompu, la force d’arrêt et d’association qui contredit le pouvoir de mouvement et de dissociation s’exerce-t-elle trop faiblement, voici une série d’avatars qui n’aboutissent point à se formuler, qui ne parviennent point à ce degré de fixité où un état de conscience les enregistre.
Jamais la poésie n’a été si rare à force d’être si commune, à prendre ce dernier mot dans tous les sens qu’il peut avoir. En tout genre de talents, le menu peuple est aujourd’hui très nombreux ; et malheureusement on ne peut pas dire des beaux-arts comme des États, que c’est le peuple qui en fait la force. […] L’arrêt est dur sans doute ; il est aisé à ceux qui ne courent pas la carrière, de s’y montrer difficiles : mais il est encore plus aisé de ne la pas courir, si on n’en a pas la force. […] Quoi qu’il en soit, l’épître paraît plus faite pour réussir aujourd’hui ; elle se présente modestement et sans appareil ; la philosophie d’ailleurs, cette philosophie qui de gré ou de force s’introduit partout, croit y être plus à sa place, parce qu’elle s’y trouve plus libre, et plus maîtresse du ton qu’elle veut prendre.
L’Égalité politique et physiologique de Rousseau, lequel ne comprit jamais rien à l’unité complexe de la famille, pesait les hommes comme mâles et ne les pesait pas comme pères, par conséquent noyait les forces morales de l’ordre et de la société dans la force brute d’un nombre qui n’était pas du tout, malgré son titre, suffrage universel. L’application de cette théorie, — qui supprimait la famille chrétienne en faisant égaux en droit le père et le fils, renversait le foyer domestique et son crédit, donnait une prime aux turbulents, toujours prêts, contre les pacifiques, toujours promptement dégoûtés de ces orgies, et tout cela pour se terminer irrévocablement par des réactions que la force des choses veut et que le législateur devrait prévoir, ne fût-ce que pour organiser, — telle est, sans phrases, girondines ou autres, sans déclamation et sans haine, la Révolution française. […] Quant au mouvement insurrectionnel dont Vaultier nous fait le récit en l’opposant au récit des Mémoires de Louvet et de Wimpfen, le général équivoque des forces armées du Calvados, il se borna, ce formidable mouvement, à la ridicule affaire de Brécourt, que des historiens à microscope, dès qu’il s’agit de la Révolution, ont exagérée.
Si la pécheresse, au bord de la tombe, demande sa consolation et sa force au plus mystérieux sacrement de la religion catholique, la peinture de cette scène a juste autant de valeur dans l’ensemble du roman que la description d’une casquette ridicule sur la tête d’un collégien de province. […] Certes l’objection n’aurait aucune valeur, si elle s’adressait à l’œuvre d’un poète, d’un conteur ému ; dirigée contre les prétentions du roman archéologique, elle garde toute sa force. […] On dit qu’à défaut de la passion vivante nous devons apprécier ici la force, et moi, je demande où est la force sans la pensée. […] L’auteur n’échappe pas cependant à l’ironie de Chénier ; relisez les sarcasmes dont le satirique accablait l’école de Delille, vous verrez qu’ils tombent avec la même force sur l’auteur de Salammbô. […] On sent que la pensée n’est pas de force à le soutenir dans les hauteurs.
Les mots ne doivent avoir précisément que la force même que les choses leur donnent. […] Elle est une force qui se sent, je dirai même une force simple, mais impliquée dans beaucoup d’autres. […] Il leur faut plus de force et plus de souffle ! […] Il a le charme, — supérieur à la force. […] Les jambes sont de force à porter tout l’édifice.
Non, je ne souffrirai point la violence ; ne me saisis pas ainsi avec ta force meurtrière. […] Un être vertueux, convaincu de ce système, en serait profondément affligé, car il craindrait sans cesse que l’influence toute-puissante des objets extérieurs n’altérât la pureté de son âme et la force de ses résolutions. […] Moi, je n’ai plus que la force de fuir. […] Sa mort atteste la force et le désintéressement de son amour. […] Malgré l’état de faiblesse auquel madame de Staël était réduite, elle voulut que ses enfants lui fissent la lecture de cet ouvrage, et elle le jugea avec toute la force de son esprit.
Toutes les énergies de la sève, toutes les forces de la nature naturante, toutes les obscénités du rut universel, prennent forme et souffle, figure et costume, pour se grouper autour de leur chef. […] Toutes sont à lui, il est tout à toutes ; ses maîtresses asiatiques et grecques tariraient la force d’Hercule. […] Baal-Hamman, le Seigneur très ardent de Tyr et de Carthage, versait spécialement sur les raisins sa force solaire. […] Atys, l’émasculé, incarnation syrienne du Soleil qui perd sa force en hiver, déshonore l’auguste Rhéa par les frénésies de son amour impuissant. […] L’Orphisme condamnait les impies à puiser aux Enfers de l’eau dans un crible ; c’est l’image de ses mystagogues s’acharnant à remplir de leurs spéculations et de leurs systèmes un dieu sans fond, à force d’avoir été élargi. — Un roman carlovingien raconte qu’un chevalier héritait de la force de tous les guerriers qu’abattait sa lance : Bacchus hérite des attributs des dieux qu’il supplante, mais non de leur force qui n’existait plus.
Enfin la douleur excite une réaction motrice énergique, qui se traduit par la contraction des muscles : il y a exertion de force, réalisation du mouvement par l’effort. […] Cet état transitif d’opposition de forces devient un moyen de dissociation et d’association tout ensemble entre les états opposés : il les réunit en les divisant et sert de pont entre les deux. […] Pour se changer en une « idée » véritable et distincte, le sentiment de ressemblance n’a besoin que d’être renforcé, porté au point visuel de la conscience, érigé ainsi en force dominante qui entraine à sa suite les mouvements appropriés. […] Pour cela nous n’avons qu’un moyen : agir et nous mouvoir selon notre idée, afin de voir si elle est une force capable de conséquences pratiques dans le monde réel. […] Seule, la force de l’idée, son lien avec l’action et le mouvement permet de lui attribuer une valeur objective, de la considérer non comme un rêve, mais comme une véritable connaissance en acte.
Il y aurait surtout à y rechercher la répercussion du tourment social contemporain, répercussion plus ou moins étroitement associée au réveil des études historiques, ainsi qu’à l’examen des forces qui, à travers les temps, ont pesé sur les sociétés : la fortune du roman de mœurs sociales et collectives s’explique par-là merveilleusement. […] Ils ont prétendu, de plus, montrer en eux l’action des forces sociales et nous faire surprendre les transformations que le travail des idées et que les vicissitudes des mœurs ont opérées dans la vie d’un peuple ou dans l’histoire d’une race. […] Les romans de l’auteur du Thé chez Miranda et principalement la Force, la Ruse, l’Enfant d’Austerlitz, etc., présentent, à côté de leurs défauts, de très grandes qualités. […] Bourget ait songé à ramener de force et en bloc l’ancien régime avec ses divisions inexorables, et à empêcher, par principe, les migrations de classe exceptionnelles et justifiées ; il a simplement voulu montrer combien étaient salutaires les coutumes qui, dans la vieille société française, préservaient les familles des désordres que nous y voyons généralisés aujourd’hui. […] La défense de la religion catholique s’y rattache directement parce que l’auteur voit dans l’Église une force nécessaire à la vie active du pays.
si, par la force de l’esprit et de la parole, certains arcanes m’étaient enfin révélés ! […] — Non, non, se dit-il à lui-même, au commencement était la force ! la force, le dieu du monde ! […] Jamais la force lyrique et la force impassible et analytique de l’observation ne furent plus étrangement réunies dans un même homme. […] Tu m’as donné la puissante nature pour royaume, la force de la sentir, la volupté d’en jouir !
« Car de l’alliance de la douceur avec la force, de la sévérité avec la tendresse, résulte la bonne harmonie. […] Ce qu’il fait, ce qu’il crée, il le doit à cette force céleste. Mais terrible est cette même force quand elle échappe à ses chaînes, quand elle suit sa violente impulsion, fille libre de la nature. […] Privé d’espoir, l’homme cède à la force des dieux, et regarde, frappé de stupeur, son œuvre s’abîmer. […] Là où règnent les forces inintelligentes et brutales, là l’œuvre pure ne peut s’accomplir.
Personne après Molière n’était de force à l’oser. […] Quelques traits de plus de cette force, et le joueur serait un caractère. […] L’esprit d’égalité les force à ressembler, au moins par l’habit, aux autres hommes ; mais le cœur est resté le même. […] Ces pièces sont loin pourtant d’être de la force de Turcaret. […] Sa prédiction s’est accomplie, parce que sa préférence était sincère et d’un auteur connaissant ses forces.
On peut d’abord ne pas apprécier toute la force contenue de son talent. […] La force brutale terrifie et domine en despote. […] La jeune littérature perd une force. » J. […] Sa dernière œuvre est, dit Rachilde, « un tour de force ». […] Il y a de l’humour, de la vie, de la couleur et de la force dans ses romans.
Il les constate, il les note et inscrit le long des forces littéraires le dessin de ces forces et de leurs résultantes. […] Toutes les forces se sont tournées vers le livre. […] Il en a la justesse et la force. […] Bladé, on se figure que la force vitale, la force créatrice a diminué dans l’homme. […] C’est un tour de force de mimétisme.
Les idées n’ont pas de force ; elles reçoivent la force et n’en donnent pas. […] C’était une de ses forces. […] On s’est soumis à la force intérieure qui pouvait défendre, par terreur de la force étrangère qui pouvait attaquer. […] La théorie de la force a été pleinement réalisée ; ce n’est pas l’union qui fait la force ; c’est la force qui fait l’union, l’union véritable. […] Ça force à aller se promener.
La cellule cérébrale décompose ces matières et convertit en d’autres formes de force la force emmagasinée en elles : ces formes sont les aperceptions et les impulsions motrices68. […] Au moyen âge, l’Allemagne avait eu une brillante période de force et de floraison intellectuelle. […] Or, cette belle et noble avidité de savoir est devenue à la fois la force et la faiblesse des Anglais. […] Elle ne peut, vu le caractère rigidement indépendant du peuple anglais, recourir à la force matérielle. […] Il avait seulement dit que la défectuosité de la forme peut être rachetée par la force et le noble sentiment de l’artiste.
Elle n’a pas été donnée en proie et en abus de force aux Américains du Nord, seuls. […] Les monuments gigantesques des Aztèques ont laissé sur la terre des traces d’intelligence et de force très supérieures jusqu’ici aux édifices exclusivement utilitaires des Américains du Nord. […] Leur liberté toute personnelle a toujours quelque chose d’hostile à quelqu’un, l’absence de bienveillance leur donne en général le ton et l’attitude de quelqu’un qui craint qu’on ne l’insulte, ou qui cherche à force d’orgueil dans le maintien à prévenir l’insulte qu’on voudrait lui faire. […] Enfin la force physique et la force morale se réveillèrent en moi. […] Quand la première fureur de l’ouragan fut épuisée et comme assouvie, des millions de rameaux fracassés volaient encore dans l’air, et la marche de la colonne dense qui signalait le passage de la tempête dura encore quelques heures, comme déterminée par une force d’attraction.
L’action extérieure, la guerre, le gouvernement, la magistrature, le sacerdoce, la tribune, la chaire, la délibération, la parole, tout ce qui exige la publicité, la force, la lutte, la virilité, est masculin. […] Qui dit autorité, dit force d’un côté, soumission et obéissance de l’autre. La force suppose la rigueur, l’obéissance suppose souvent la contrainte. […] Peut-être la tension prodigieuse d’esprit nécessaire au grand poëte pour cette éjaculation à la fois passionnée et raisonnée des vers, est-elle disproportionnée à la force et à la délicatesse des organes de la pensée dans la femme ? […] La force ou l’idée, voilà alternativement le gouvernement de la France ; mais il n’y a point de place pour le gouvernement de convention et de préjugé.
L’histoire des peuples modernes est sèche et petite, sans que les peuples soient plus heureux. » « Avant la fin du siècle, il a pourtant paru cet homme dont la force sait détruire, et dont la sagesse sait fonder ! […] Vous qui avez épuisé tous les chagrins de la vie, que penserez-vous d’un jeune homme sans force et sans vertu, qui trouve en lui-même son tourment, et ne peut guère se plaindre que des maux qu’il se fait à lui-même ? […] Ce dégoût de la vie que j’avais ressenti dès mon enfance revenait avec une force nouvelle. […] Rien ne me pressait ; je ne fixai point le moment du départ, afin de savourer à longs traits les derniers moments de l’existence, et de recueillir toutes mes forces, à l’exemple d’un ancien, pour sentir mon âme s’échapper. […] « On peut trouver des forces dans son âme contre un malheur personnel ; mais devenir la cause involontaire du malheur d’un autre, cela est tout à fait insupportable.
Quand il s’agit d’être juste envers le génie, je ne le serai pas à demi : je ne craindrai pas de heurter des erreurs qui ont acquis du crédit à force d’avoir été répétées. […] Le premier il mit de la noblesse dans notre versification ; il éleva notre langue à la hauteur de ses idées, il l’enrichit des tournures mâles et vigoureuses qui n’étaient que l’expression de sa propre force. […] Telles sont les plus heureuses productions de l’art, celles qui par la force du sujet réussiraient même dans la main d’un homme médiocre ; et quand l’exécution en est digne, ce sont les chefs-d’oeuvre de l’esprit humain. […] Il était dans cet âge où l’homme joint au feu de la jeunesse, qui n’est pas encore amorti, toute la force de la maturité, les avantages de la réflexion, et les richesses de l’expérience. […] Ne vois-tu pas qu’ils sont tourmentés du sentiment de ta force et de celui de leur faiblesse ?
Par la force de l’idée divine déposée en lui par son fondateur, il s’est reconstitué peu à peu, comme les tronçons d’un corps saignant et dispersé qui se rejoindraient par miracle. […] Avant le catholicisme, nulle institution politique ou religieuse ne l’avait révélé aux hommes avec cette force d’expression. […] Les gouvernements catholiques méconnaissant leur grandeur passée, leur force présente et les intérêts de leur avenir, ne songeaient plus qu’à frapper le catholicisme. […] Il semblait, par sa volonté, par sa parole et par sa beauté puissante et majestueuse, être l’expression vivante de la force de son gouvernement. […] On sent bien qu’elle a de la puissance, puisqu’elle a des passions ; mais les passions sont la force la moins noble, la plus animale de notre être.
À cette date, la défaite politique des classes aristocratiques en a rendu toutes les forces intellectuelles disponibles pour l’activité mondaine et littéraire. […] A côté d’eux, derrière eux, paraîtront Bourdaloue et Malebranche, La Bruyère et Fénelon, et que l’étude des grands esprits et des chefs-d’œuvre : les courants contraires s’enfoncent et disparaissent, et les forces hostiles semblent paralysées. […] Dans sa ruine, la mort de son oncle lui donne une force avec qui la royauté devra compter : de coadjuteur il devient archevêque de Paris. […] Cette force d’imagination dans un tempérament froid fait la valeur de la peinture que Mme de Sévigné a tracée de la société de son temps. […] Ce sont là des tours de force ou des gentillesses qui n’ont guère de conséquence.
Guizot : « Le socialisme puise son ambition et sa force à des sources que personne ne peut tarir. […] Ainsi la société doit se défendre contre le christianisme, non par des raisonnements, mais par la force. […] Tout gouvernement devient ainsi, par la force des choses, un point de mire exposé à tous les coups et est fatale-ment condamné à ne pouvoir remplir sa tâche. […] De même, les formes de l’humanité s’étant durcies et comme pétrifiées, il a fallu un grand effort pour les rompre ; l’humanité a dû recueillir ses forces et se proposer la destruction pour elle-même. […] On ne déclame que parce que l’on se figure la chaîne comme imposée par une force étrangère à l’humanité.
Il est bon qu’une piqûre anatomique détruise cette existence, menacée dans sa force vive. […] Toutes ces agitations et ces passions ne parviennent pas à le distraire de la torpeur qu’il sent glacer sa force morale, lise contraint longuement, à force de monologues, en essayant de s’exagérer à lui-même la beauté de son but. […] » Par une dernière infortune, il s’est épris d’une jeune fille loyale, ferme, qui croit de toutes ses forces aux idées révolutionnaires et se prépare sans hésiter à évangéliser le peuple ; son amour pour Nejdanof est né en dernière analyse, du rôle d’agitateur que celui-ci a prétendu jouer. […] Il sait les hommes particuliers, chaque homme parmi ceux qu’il a notés, et à force d’observations individuelles, faites sans préjugés, il est parvenu à voir le microcosme de demi-vertus et de fractions de défauts, de petitesses, de médiocrités, les transfigurations momentanées, les rechutes, les abandons et les élans qui font de toute âme un alliage bizarre et unique. […] Son esprit était fort peu synthétique, se déliait de ses forces, craignait les visions définies, s’attachait distinctement à ne point empêcher par des faits trop précis de s’épanouir sa sensibilité qui était extrêmement vive, douce et tendre.
Les forces isolées s’annulent, l’idéal et le réel sont solidaires. […] Le poëte dompteur et architecte, Linus aidant Hercule, Musée assistant Dédale, le vers force civilisante, telle est l’origine. […] Ces grands haïsseurs du mal sont haïs par tous les flatteurs de la force et du succès. […] La deuxième barbarie, la barbarie féodale, redoute, elle aussi, cette force, le vers. […] Il y en a un qui force les léopards à le traîner.
Or, nous sommes menacés de ne plus penser : nous touchons à l’un de ces moments « où l’humanité énervée n’aspire qu’à se reposer et à jouir, où la science, passant surtout des théories aux applications, s’expose à perdre sa force inventive en laissant éteindre le souffle spirituel qui la lui avait donnée ». […] — Non, me direz-vous : je parle de la pensée appliquée aux grands problèmes de la destinée, aux facultés de notre nature, je parle de la pensée appliquée à elle-même. — Ici, je vous arrête encore, et je ne puis admettre que ce genre d’application et d’étude ait jamais été la mesure de la force morale des sociétés ni de la vigueur de la civilisation : car cette philosophie-là touche de bien près à la sophistique. […] On travaillait de toute sa force à détruire ce qu’on célèbre et qu’on a l’air de regretter aujourd’hui. […] Ici, maître de son terrain, manœuvrant de pied ferme, prenant son temps et ses mesures, il étudie les faits, il les ordonne et les combine, il les appuie et les enchaîne dans des compositions savantes qui ont de l’intérêt, du jugement, de la force et des parties d’éclat. […] Son élégance, à force d’être grave, a quelquefois ses pesanteurs : il n’a jamais rien eu à faire avec les grâces négligées.
Le sujet, c’est le sujet éternel de la force domptée par la faiblesse, du lion amoureux, d’Hercule aux pieds d’Omphale, de Samson énervé par Dalila : d’où le titre même. Mais la force qui sera vaincue n’est ici que la force toute morale du talent. […] Ajoutez que la pièce est dans la vraie mesure de l’art ; la moralité y est plutôt conclue qu’affichée ; elle reste à tirer, l’auteur ne l’impose pas ; et si l’on veut à toute force conjecturer que le jeune artiste au cœur trop faible, s’il avait écarté différemment, aurait trouvé un autre genre d’écueil dans le bonheur somnolent du mariage, comme il a trouvé sa perte sur la mer orageuse de la passion, il n’y a pas de raison absolue qui s’y oppose : vous êtes libre d’y rêver tout à votre aise. […] Sibylle, je l’admets, est une imagination poétique, un génie naturel comme il s’en rencontre, hardi, élevé, plein d’essor : quand le curé veut lui apprendre son catéchisme, elle raisonne, elle veut savoir le pourquoi des choses ; elle force le bonhomme à se remettre à ses auteurs et à étudier. […] cette belle et florissante personne, si faite pour les jouissances de la vie, si amie du positif et des réalités, qui servait à Sibylle de repoussoir, la voilà qui se trouve, elle aussi, atteinte et infectée du même vice que Sibylle, de vouloir à toute force quelque chose de transcendant et de surnaturel !
Renan a préparé, parmi les incrédules, les esprits qu’il faut pour faire à cette nouvelle attitude de l’Église l’accueil qu’elle mérite ; et, si le mouvement dessiné depuis plusieurs années s’achève, si l’Église redevient, selon son véritable esprit, une grande force démocratique, l’Église en profitera sans doute, le monde plus encore, et notre pays plus que les autres. […] Il a toujours défendu l’objectivité de l’œuvre d’art, le respect de la nature fidèlement rendue, et il a toujours affirmé que les œuvres d’art valent par les idées qu’elles traduisent, par la force morale qu’elles contiennent. […] Il a su, comme Renan, retenir la grâce et la force de deux cultures opposées ; et son charme complexe vient de là. […] Quant aux œuvres, il est remarquable que du réalisme, insensiblement, par la force des choses, le Théâtre-Libre est passé au symbolisme. […] Pascal Gefosse, 1887 ; Jours d’Épreuve, 1888 : la Force des choses, 1892 ; la Tourmente, 1893, etc.
Quand il y eut moyen de parler, Dandolo répondit ; et cette fois la nécessité, la circonstance extrême, lui inspira des forces et une audace inaccoutumée ; il fut noble, courageux, éloquent ; il fit résonner avec sincérité les grands mots de patria, libertà ; il les appuya de raisons : La force de ses raisonnements, sa conviction, sa profonde émotion agirent sur l’esprit et le cœur de Bonaparte, au point de faire couler des larmes de ses yeux. […] Cependant la douce et honorable hospitalité de Vienne ne suffisait pas au maréchal ; il se sentait encore des forces, de l’ardeur, une curiosité active ; pour la satisfaire, pour tâcher de donner « un nouvel intérêt à son existence », il conçut le projet d’un grand voyage à travers la Hongrie, la Russie méridionale, jusqu’en Turquie, en Syrie et en Égypte. […] C’est, en général, une des vertus de ceux qui sont placés en présence de l’immensité : l’homme qui est soumis à l’action d’une force supérieure, accoutumé à reconnaître son impuissance, se soumet, facilement à l’empire de la nécessité. […] Mais quand l’homme se trouve en face d’une difficulté réelle, disproportionnée avec ses forces, il se résigne ; et si l’expérience lui a enseigné que le temps et un effort réglé et continu sont les seuls moyens du succès, il prend alors l’habitude de la patience, et cette habitude passe dans sa nature. […] De même un Arabe, dont la vie se compose de marches dans le désert, sait que, pour le traverser, il lui faut beaucoup de temps, qu’il doit ménager ses moyens et ses forces ; dès lors les jours s’écoulent à ses yeux sans précipitation ni lenteur, parce que d’avance il les a comptés ; il est entré dans un mouvement dont il a calculé les effets, auquel il s’abandonne avec confiance et tranquillité.
Ceux qui avaient applaudi avec le plus d’enthousiasme l’étrange poète à trois voix, ont mieux aimé se déclarer dupes d’un faux artiste que de reconnaître la force réelle d’un talent vrai. […] Mais quand il y a de la force quelque part, fût-elle une erreur du génie, car le génie a ses erreurs, ou une bassesse d’animalité, l’homme de cette force, quelle qu’elle soit, est immanquablement sincère. Nier la sincérité dans l’auteur des Névroses, c’était nier ou entamer sa force. […] le mérite n’est pas la force. […] La Vache au taureau a révolté des pudeurs que je trouve, celles-là, par trop rougissantes, car c’est, pour moi, un groupe qui vaut le marbre dans sa plasticité et digne de la main de Michel-Ange ou de Puget, ces forts sincères qui n’avaient pas peur de la force !
Il apostrophe ceux qui ne rougissent point des vertus et grandeurs paternelles, et qui se sentent de force à en soutenir l’héritage ; il les supplie de lui tendre la main et de lui prêter secours. […] Henri IV, dans le premier moment, voyant que tout bronchait déjà autour de lui, se retira dans un cabinet avec deux gentilshommes des siens, La Force et d’Aubigné, et, les prenant par la main, les consulta. La Force s’étant excusé, d’Aubigné fit alors un de ces discours dont il aime à se ressouvenir, et où il résume avec énergie et talent tout l’esprit d’une situation et d’une crise : Sire, vous avez plus de besoin de conseil que de consolation ; ce que vous ferez dans une heure donnera bon ou mauvais branle à tout le reste de votre vie, et vous fera roi ou rien. […] Le président Jeannin avait une force de prudence et de patience qui manqua tout à fait à l’autre pour être un homme d’État et un homme politique, bien que d’Aubigné eût d’excellents instants et de vifs éclairs de conseil. […] Sans se dissimuler quelques exagérations de ton et les jactances ou les fougues de pinceau, elle reconnaît en lui la force, la conviction, l’honneur, ce qui rachète bien des défauts et des faiblesses ; elle l’accepte volontiers, malgré les contradictions et les disparates, comme le représentant de ce vieux parti dont il avait le culte et dont il cherche à rehausser la mémoire.
Est-ce que, pendant le peu de jours où la nécessité, et non l’ambition, nous donna un rôle politique, nous avons abusé des circonstances, de la popularité et de la force, par quelques-uns de ces sévices, contre les partis ou contre les personnes, qui laissent dans les cœurs de justes et implacables ressentiments ? […] « Il fallait vous servir contre nous de la force des révolutions quand vous l’aviez en main », nous disent aujourd’hui avec une amère ironie ces écrivains qui nous battent la joue de leur plume. […] Lorsque, après la révolution de 1830, que j’avais vue avec douleur, je voulus entrer dans les assemblées publiques pour y défendre à la tribune, selon mes forces, non cette révolution, mais la liberté, un poète fameux alors, tombé depuis, relevé aujourd’hui par sa noble résipiscence, écrivit contre moi une satire sous le titre de Némésis. […] Quand l’auteur de la Némésis, Barthélemy, me décochait ses iambes mordants pour arrêter ma marche au début de ma carrière civique, j’étais jeune, riche, heureux, entouré de ces illusions du matin de la vie que trompe si souvent le soir, armé de mes vers pour le combat poétique, armé de ma parole aux tribunes pour le combat politique ; il était peut-être injuste, mais il était loyal et courageux de m’attaquer dans ma force. Aujourd’hui, je ne succombe pas, mais je chancelle sous le poids de beaucoup de choses plus lourdes que les années : je suis pauvre des besoins d’autrui ; sous ma fausse apparence de bien-être je ne suis pas heureux ; je n’éblouis personne de tous mes prestiges éteints ou éclipsés ; je dispute des proches, des amis, des clients, un berceau, un sépulcre, à l’encan des revendeurs de tombes ; je suis désarmé, je veux l’être ; il n’y a ni mérite, ni force, ni gloire à m’outrager ; il y en aurait à m’aider dans mon travail si l’on avait un autre cœur !
. — Le docteur Maudsley a développé avec beaucoup d’ardeur cette thèse : que les phénomènes ne diffèrent qu’en ce que les plus élevés sont produits par une concentration, les moins élevés par une dispersion de la force : une unité de pensée équivaudrait à plusieurs unités de vie, une unité de vie à plusieurs unités de force purement mécanique. « Toute transformation ascendante de la matière et de la force en est pour ainsi dire la concentration sur un plus petit espace. » Enfin Darwin, indépendamment de ses travaux comme naturaliste et de sa grande théorie de l’évolution, a contribué pour sa part à la constitution de la psychologie comme science expérimentale282. […] Habit and Intelligence in their connexion with the laws of matter and force, 2 vol. 1869. […] Ils combattent les cérébralistes (Bain), qui s’appuient sur la corrélation des forces, en disant que les théories cérébrales n’expliquent pas du tout le fait de conscience ; qu’expliquer la conscience par le mécanisme, c’est expliquer ce qu’on connaît peu par ce qu’on ne connaît pas. — Ils combattent l’Associationisme en disant « que son πρώτον φενβδος c’est de ne pas reconnaître l’activité de l’esprit dans la connaissance » ; que la théorie de l’Association n’explique bien que les processus inférieurs de l’esprit ; que dans sa théorie du raisonnement Stuart Mill est obligé d’ajouter à l’Association et « the exspectation concerning the uniformity of nature » et que Bain resorts to emotional nature to explain belief , etc., etc.
* * * Une des accusations le plus volontiers répétées par la critique, au sujet des écrivains de la jeune génération, c’est que ceux-ci ne s’occupent pas de leur patrie, qu’ils n’exécutent pas de travaux utiles et qu’ils ne pensent pas avec une force vraie1. […] Eugène Montfort a prononcé des mots d’une force et d’une tendresse peut-être plus pures encore : « Puisqu’on ne se plaît plus à l’église, a-t-il écrit au cours de l’Essai sur l’amour, je voudrais qu’aujourd’hui la voix du poète — comme autrefois celle des cloches — sonnât dans toutes les âmes ; je voudrais qu’elle les réunît, elle aussi, dans un vol unanime ; je voudrais qu’elle les fît vivre ensemble dans ce temple incommensurable qu’est le monde. » Voilà l’expression positive de nos pensées. […] Ne serait-ce pas une injustice que de leur refuser l’amour, la force, l’ardeur et la patience indispensables ? […] Ce n’est que par l’application la plus sérieuse que des créateurs comme Sophocle, comme Phidias, comme Platon, comme Dante, comme Michel-Ange, comme Descartes, comme Hugo, comme Carlyle, comme Vigny, ont pu acquérir peu à peu cette étendue d’inspiration, cette certitude dans la technique, cette force et cette justesse dans tous les sens de l’art. […] S’y soustraire est aussi dangereux qu’il le serait de faire défaut aux forces du monde.
Aussi bien leur faiblesse en face de la vie, fera leur force en face du public. […] Mais, nous voici naturellement amenés au centre historique de notre sujet, à la récente crise qui mit comme en présence, toutes les tendances toutes les formes, toutes les forces de nos lettres modernes, et cela à l’époque où précisément, par une coïncidence merveilleuse tandis que sur la poésie le formisme régnait, dans le domaine du roman trônait l’empirisme à son apogée. […] Les jeunes combattants ne pouvaient se tromper sur la valeur des forces ennemies… Car il est temps de rendre à la poussée lyrique dont la clameur emplit ces quinze ou vingt dernières années, son sens réel et sa juste physionomie. […] On lit dans la Correspondance, à propos de deux livres d’amis, ces paroles : « L’un a le charme et l’autre la force. […] Dans la précision des assemblages, la rareté des éléments le poli de la surface, l’harmonie de l’ensemble, n’y a-t-il pas une vertu intrinsèque, une espèce de force divine, etc., etc. ?
Et il les lui rappelle ici avec plus de force que jamais. […] C’est ce visage, qui n’est pas un masque, mais qui est maître de soi, comme la force, que Louis Teste a entrepris d’éclairer pour remuer et raviver un peu d’espérance dans les cœurs chrétiens désespérés. […] Il y a toutes les vertus du prêtre, la sainteté, la doctrine, la science, la fermeté de l’esprit qui s’appuie sur la fermeté du caractère, base de tout, et qui, réunies, donnent la force absolue, dans son intégrale et irrésistible beauté. […] Il vit, comme Grégoire XVI, au premier regard, la supériorité de Mgr Pecci, et dans la circonstance surchargée et prodigieusement difficile d’un royaume nouvellement fondé, il eut souvent recours aux conseils de ce jeune nonce, qui, avant d’être diplomate, avait glorieusement prouvé qu’il était surtout un homme de gouvernement effectif, et dont la force, comme la vraie force, avait toujours été assez grande pour être moelleuse.
Tout en maintenant la force supérieure de l’intelligence de Colomb, prise au sens humain, et qu’il aurait pu, ce nous semble, abandonner davantage, car, si l’esprit de Dieu est un homme, que fait le reste et qu’est-il besoin d’autre chose ? […] Pour ceci, il fallait une force de vie morale sans laquelle la force de la vie intellectuelle défaillait et le triomphe du génie devenait impossible. Cette force de vie morale, le christianisme pouvait seul la créer… M. […] Assurément nous ne doutons pas qu’elle ne les attaque, mais le tout sera de voir comment elle s’y prendra pour ruiner ces faits surnaturels, appuyés sur la même base que les autres, c’est-à-dire sur ces témoignages éprouvés qui sont toute la force de l’histoire.
Pour mesurer sa force et définir ses exigences, nous avons analysé les réformes civiles et juridiques, politiques et économiques qu’elle nous semblait, principe directeur et explicatif, imposer à nos États. […] * ** On comprendra mieux, d’ailleurs, l’étroitesse d’une conception qui attribuerait, à la seule force de l’idée de l’égalité, le développement des formes sociales que nous avons énumérées, si l’on embrasse, d’un rapide coup d’œil, la multiplicité des conditions que suppose l’existence de chacune d’elles. […] En réalité, chacun ces phénomènes est la résultante d’un concours de forces nombreuses et complexes : et ce serait sans doute une tâche immense que de les déterminer toutes, en mesurant l’apport de chacune. […] Si la force ne prime pas le droit, les raisons de la valeur d’une tendance demeurent distinctes des conditions de son succès.
Seulement reste à savoir comment il convient de mener cette enquête, portant non seulement sur toutes les branches de la civilisation, mais sur toutes les forces qui peuvent modifier l’évolution humaine. […] v) que toutes les forces, qui forment, déforment et transforment un individu et par conséquent une société, peuvent se ramener à trois catégories : milieu psycho-physiologique ; milieu terrestre et cosmique ; milieu social. […] Aucun de ces trois groupes de forces n’est à négliger ; mais ils ne nous permettent pas tous une moisson égale de renseignements utiles.
Panurge est besoigneux, de petite extraction ; il n’a rien de la débonnaireté massive que donnent à Pantagruel sa force de géant et sa naissance. […] Il y voit si clair, avec une intelligence si nette à trouver en tout le bouffon et le ridicule, qu’il ne respecte pas même cette chose éminemment vénérable, la force. […] Ni l’exaltation à propos de questions métaphysiques, ni le respect de la force ou du droit, n’ont dominé en France au point de garantir la religion, les rois et les juges.
L’image, qui presque partout (et même en philosophie) a culbuté l’idée, l’image, dans ce poète dépaysé, n’a ni la puissance ni l’imprévu qui nous enlèvent ; on la connaît, on l’a déjà vue… Enfin, ce rhythme dont nous parlions tout à l’heure, et qui est d’un travail si agencé et si merveilleux sous la plume de Gramont, cette guirlande flexible et forte que tout poète moderne semble tenu d’enlacer et de sertir autour de sa pensée, tant les travaux sur le rhythme et la langue du mètre ont été multipliés en ces derniers temps, Bouniol, s’il ne le dédaigne, semble l’oublier ; et c’est ainsi qu’il se présente tout d’abord, modeste et hardi, dans son livre, dénué des trois forces de la poésie telle que l’Imagination l’aime et la veut au xixe siècle. […] car les satiriques ne manquent pas à la littérature française, mais aucun de ceux-là qui l’ont illustrée n’ont le caractère de force douce, comme l’est la vraie force, qui distingue la poésie satirique de ce chrétien qui trempe son fouet dans l’huile de la charité avant de frapper, et qui n’en frappe que plus fort après.
Les événements qui font la trame du roman de Charles Barbara sont combinés avec une force égale à celle qu’il lui fallait pour attaquer le terrible et sévère sujet du remords dans une âme perverse et puissante. […] Mais ce qui le rend différent, ce qui appartient à Barbara, et ce que cet écrivain n’a trouvé qu’en creusant dans la nature humaine, c’est le besoin, subsistant avec une égale force dans les âmes criminelles, de taire son crime et de l’avouer ! […] Il ne l’entoure d’aucune poésie, pas même de la poésie qui suit la force dévoyée.
Il faut considérer ces passages comme une partie de l’exposition des mœurs : là le génie fait, pour ainsi dire, la revue des forces militaires qu’il va mettre en campagne. […] ingénieuse allégorie, dans laquelle se confondent le merveilleux et le vrai, qui se prêtent tous deux une force mutuelle ! […] Partout la force de cette morale tendante à égaliser les humains, reluit dans chaque épisode. […] Que le style imite donc leur irrésistible artifice, il deviendra noblement épique si l’heureux emploi des tropes et des ellipses rapides ajoute à la force touchante du discours. […] Libre des entraves du style, il nous révèle sa juste opinion sur la supériorité de l’idiome poétique, dont il vante le joug, en le port tant avec autant de force que de grâce.
Empédocle est une force primitive, un hymne vivant à la création, une émanation de l’Être nécessaire et éternel. […] Mais notre étude a essayé de montrer que chez les plus grands, elle n’agit pas comme une force oppressive. […] La poésie, force primitive des âmes, langage primitif, loi primitive, que le progrès ne saurait que dessécher et abolir. […] L’appel des passions, cette vie intense, cette exaltation des meilleures forces que nous portions en nous. […] Ils allaient dire que la nature n’était que force spontanée — cette même force spontanée que l’homme de sentiment sent bouillonner en lui, rebelle à tout artifice et victorieuse de toute obligation.
Ces traits sont les meilleurs, parce qu’ils nous montrent le phénomène dans toute sa force. […] Le piano, l’allemand n’éveillent pas spontanément l’attention ; ils la suscitent et la maintiennent par une force d’emprunt. […] Dans le passage de l’état de distraction à l’état d’attention, il y a donc transformation de force de tension en force vive, d’énergie potentielle en énergie actuelle. […] L’un dénote une force exagérée, l’autre une faiblesse exagérée du pouvoir de concentration. […] Même chez les mieux doués, le capital accumulé se dépense vite, si l’attention a de la force et de la durée.
Par sa propre force, elle empira. […] Il ajoute par des inversions de la force aux idées et de la gravité au discours. […] Il serait mort sur la place ; mais, par bonheur, il se souvient que sa maîtresse lui a ordonné de s’éloigner, et trouve encore des forces pour accomplir son commandement. […] Jusque dans les compilateurs on sent une force et une loyauté d’esprit qui donnent confiance et font plaisir. […] Au lieu d’âmes, de forces vivantes, de répugnances et d’appétits, on y voit des poulies, des leviers et des chocs.
Ils ont, tous les deux, le souffle, la force, le goût de l’énorme, le sens de l’épique. […] Où est la Source de la force ? […] Paris, Mercure de France, 1901. — Les Forces tumultueuses. […] Les Forces tumultueuses, « Un soir ». […] Les Forces tumultueuses, « Les Villes ».
Il s’avilit de toutes les forces de sa nature animale pour vivifier davantage les forces de sa nature spirituelle. […] Sa faculté maîtresse paraît avoir été une force extraordinaire, de contemplation réfléchie. […] Enrichissement par l’action, ensuite : à cette lutte contre les barbares, l’analyste a pris un sens plus vif de sa force. Il veut l’éprouver, cette force, sur un théâtre plus vaste, hors de la retraite où il s’était d’instinct renfermé. […] Cette christianisation, si elle est une œuvre de justice, est aussi une œuvre de force.
Les Convulsionnaires veulent renverser les portes à force ouverte. […] On y gagne ; car on retrouve en la personne de ce suprême magistrat plus de force qu’on n’en a quitté pour l’autoriser, puisqu’on y retrouve toute la force de la nation réunie ensemble pour nous secourir. » (Politique tirée des propres paroles de l’Ecriture sainte.) […] Y a-t-il quelqu’un, dit-il, qui force un philosophe à sacrifier, à jurer par vos dieux ? […] C’était, après tout, les enfants de la maison qui ne voulaient pas de partage avec des étrangers introduits par force. […] Les grands princes, à force d’acheter les troupes des plus petits, cherchent de tous côtés à payer des alliances, c’est-à-dire presque toujours à perdre leur argent.
Vous la relevez de toutes vos forces. […] Un si grand homme a eu moins de confiance que vous en ses propres forces ! […] L’impression artistique ne se produit pas, ou perd infiniment de sa force. […] C’était là sa plus grande force, qui le faisait sans rival. […] Il eut une dernière bonne fortune qu’il avait souhaitée de toutes ses forces.
Ces souches toscanes, greffées de sang romain, ont toujours produit des branches prodigieuses de sève et de force dans l’espèce humaine. […] Le monde moderne n’a eu qu’une tête de cette force, Bacon ; nous vous le ferons connaître un jour. […] Les premiers, il leur arrive toujours malheur ; les seconds ne succombent presque jamais : c’est pour cela qu’on a vu réussir tous les prophètes armés, les prophètes désarmés finir misérablement. » On voit qu’à l’inverse du sophisme de ce temps-ci, qui attribue plus de force à la parole qu’au glaive, il donne à la force le rôle si vrai que Dieu lui a donné, grâce à la lâcheté du cœur humain. « On fait croire par force » ! […] Machiavel sentait pour l’Italie le besoin de la force nationalisée ; cette force qui lui a toujours manqué, à cette noble race, et qui lui manque encore, semblait se personnifier, aux yeux de Machiavel, dans César Borgia, grand général et habile politique, le premier des condottieri et le plus ambitieux des princes lieutenants de la papauté.
Il faut que la France porte en son cœur une force vitale très-singulière pour qu’elle n’ait pas encore été tuée par cette gérontocratie qui la dévore. […] Aussi, nous l’avouons sans pâlir, nous les haïssons de toute la force de notre amour pour les lettres et de notre respect pour les grandeurs de l’esprit humain ! […] Ce sera peut-être ainsi que la guerre se fera plus tard contre toutes les nations improductives, en vertu de cet axiome de mécanique, vrai en toutes choses : il ne doit pas y avoir de forces perdues ! […] Ils ont centuplé la vie, les forces et les richesses de l’homme. […] Qu’il s’y mêle hardiment, qu’il se baigne sans crainte dans les eaux fécondes de ces fleuves de régénération, il y trouvera des forces qu’il ne soupçonne pas et des vigueurs à soulever le monde.
D’ailleurs, il savoit s’élever, quand les circonstances & les caracteres exigeoient plus de force & d’élévation. […] A force de tendre au naturel, il tombe dans une simplicité froide ou rampante. […] D’après cette maniere austere de penser, que lui donnoit le sentiment de sa propre force, il avoit de la peine à regarder Quinault comme un grand Poëte, & en cela il étoit conséquent* ».
Il a de la force et de l’austérité dans sa couleur. […] C’est un homme embrasé de l’amour de son Dieu qu’il vient recevoir à l’autel, malgré la défaillance de ses forces. […] On en ferait un excellent chapitre de la force de l’unité.
Les affinités religieuses prennent une force exceptionnelle. […] Nos soldats ont le cœur plein de sentiments qui font leur force et qu’ils veulent revivifier auprès de cœurs amis. […] quoi, les mêmes forces qui, hier, nous précipitaient les uns contre les autres et que la mobilisation a rompues, voudraient se reconstituer ?
Ce qu’il se proposait, c’était moins de convaincre que d’exprimer nettement, avec force, sa pensée. […] Taine avec non moins de force que le groupe nationaliste ; et, je ne sais pourquoi, les philosophes de la monarchie le mettent à côté de Maistre, qu’il ne pouvait souffrir. […] Dans la Littérature anglaise, ici l’éloge de la force et des instincts, là, de la contrainte et du sacrifice. […] Il force l’expression pour donner de la couleur à son style ; surtout il répète continuellement ses idées. […] Il y a des gens à qui cela donne l’idée de la force, à moi cela me donne surtout l’idée de l’impuissance.
Sans doute, l’affaiblissement de Hugo serait une force encore dans un autre homme ! […] Fait pour chanter la guerre, l’héroïsme, la foi, toutes les forces, que ne nous donna-t-il cette joie de le voir rentrer dans la vérité de son génie ! […] Son livre ne nous force pas à discuter la question du pouvoir temporel, qui est l’ébrèchement, sacrilège pour les uns, légitime pour les autres, de la Papauté. […] Béranger et Hugo sont des théologiens de la même force. […] Mais c’est cette idée, entre toutes, qui fait la portée de son poème, et c’est cette magnifique stupidité qui l’emporté, en force et en influence, sur son talent.
Ce n’est point un enfant, parce qu’il a dix ans de moins qu’elle, mais parce qu’il n’a ni force de volonté, ni principe, ni manière à lui de concevoir la vie, ni rien, enfin, de ce qui constitue en bien ou en mal la virilité morale d’un homme. […] Il est force bons esprits qui prétendent que Fanny descend de l’Amaury de Volupté. […] Il y a une géométrie dans les choses littéraires comme en mathématiques, et la rapidité et la force de l’intérêt s’y calculent aussi par le carré des distances…. […] Il est simplement dégoûtant, et la correction extérieure de son vice, et sa force physique, et son sang-froid qui tient à ses muscles, et son luxe qui tient à son argent, toutes ces matérialités, que M. […] Or, le retour à la première manière est presque toujours un progrès dans un homme, car la première manière est la vraie ; elle est d’instinct pour les facultés, quelle qu’en soit la force ou la faiblesse.
Aussi désire-t-elle quelqu’un qui prend, qui ne se donne et ne s’abandonne pas lui-même, qui, au contraire, veut et doit enrichir son moi par une adjonction de force, de bonheur et de foi. […] Ce fut un de mes étonnements, je ne le cache pas, à la première lecture de la Maison du Péché, qu’une femme eût pu concevoir avec cette force, réaliser avec cette vigueur. […] Nous avons alors la suite rigoureuse, déduite avec une force étrange chez une femme, force intellectuelle, non plus seulement sensible, des états passionnels et des crises qu’elle comporte, présentant un caractère de logique auquel on ne saurait rien modifier sans altérer du même coup la portée comme la signification de l’ouvrage. […] Les Femmes de Mme Henri de Régnier y font plus de façons peut-être : elles ont un mouvement de révolte contre la force qui va les soumettre. […] Mais ce sera précisément à raison de ces luttes où sont engagées les destinées de l’âme, par la mise en jeu des forces, conservatrices ou destructrices, qui se combattent en elle.
Qu’on cherche, dans sa pensée, à quelles conditions il aurait été possible qu’un pays, dans l’état où était le nôtre, après les événements qui l’avaient modifié et non fixé, n’ayant plus ni précédents, ni usages, ni lois à force d’en avoir, aurait pu traverser le règne de quatre caducités couronnées ; on trouvera que ces conditions ne pouvaient se réaliser. […] Deux jours sans direction, le peuple des rues agit de lui-même ; tandis que le peuple des palais, des salons et des Chambres regardait l’action sans pouvoir comprendre comment la force qu’on avait toujours appelée brutale était devenue intelligente sans rien perdre de son énergie, au contraire. […] On n’ose pas se répondre à soi-même de ta force de son âme, tant qu’on n’a point bravé on danger. […] Il faut au contraire la concevoir dans toute son étendue, et se dire avec franchise : « Tout mouvement qui affermit l’ordre social par ses propres forces met à découvert la faiblesse des pouvoirs.
La gloire moderne n’eût pas suffi pour récompenser de tels efforts ; il ne fallait pas moins que la gloire antique, pour donner la force de soulever de si grands obstacles. […] Combien cette morale, qui consiste tout entière dans le calme, la force d’âme et l’enthousiasme de la sagesse, est admirablement peinte dans l’apologie de Socrate et dans le Phédon ! […] Les anciens prenaient souvent leur point d’appui dans les erreurs, souvent dans des idées factices ; mais enfin ils se sacrifiaient eux-mêmes à ce qu’ils reconnaissaient pour la vertu ; et ce qui nous manque aujourd’hui, c’est un levier pour soulever l’égoïsme : toutes les forces morales de chaque homme se trouvent concentrées dans l’intérêt personnel. […] Les opinions stoïciennes n’unissaient point la sensibilité à la morale ; la littérature des peuples du Nord n’avait point encore fait aimer les images sombres ; le genre humain n’avait pas encore atteint, s’il est permis de s’exprimer ainsi, l’âge de la mélancolie ; l’homme luttant contre les souffrances de l’âme, ne leur opposait que la force, et non cette résignation sensible, qui n’étouffe point la peine et ne rougit point des regrets.
Quand le vrai chrétien s’est acquitté de ses devoirs, son bonheur ne le regarde plus ; il ne s’informe pas quel sort lui est échu, il ne sait pas ce qu’il faut désirer ou craindre, il n’est certain que de ses devoirs ; les meilleures qualités de l’âme, la générosité, la sensibilité, loin de faire cesser tous les combats intérieurs, peuvent, dans la lutte des passions, opposer l’une à l’autre, des affections d’une égale force ; mais la religion donne pour guide un code, où, dans toutes les circonstances, ce qu’on doit faire est résolu par une loi. […] Cet homme cependant, qui manqua de la force nécessaire pour préserver son pouvoir, et fit douter de son courage, tant qu’il en eut besoin pour repousser ses ennemis ; cet homme, dont l’esprit naturellement incertain et timide, ne sut ni croire à ses propres idées, ni même adopter en entier celle d’un autre ; cet homme s’est montré tout à coup capable de la plus étonnante des résolutions, celle de souffrir et de mourir. […] À travers tant de dangers, il persista à ne prendre pour guide que les maximes d’une piété superstitieuse ; mais c’est à l’époque où la religion seule triomphe encore, c’est à l’instant où le malheur est sans espoir, que la puissance de la foi se développa toute entière dans la conduite de Louis ; la force inébranlable de cette conviction ne permit plus d’apercevoir dans son âme l’ombre d’une faiblesse ; l’héroïsme de la philosophie fut contraint à se prosterner devant sa simple résignation ; il reçut passivement tous les arrêts du malheur, et se montra cependant sensible pour ce qu’il aimait, comme si les facultés de sa vie avaient doublé à l’instant de sa mort, il compta, sans frémir, tous les pas qui le menèrent du trône à l’échafaud, et dans l’instant terrible où lui fut encore prononcé cette sublime expression : Fils de Saint Louis, montez au Ciel. […] Quelque chose d’enthousiaste comme elle, des pensées qui, comme elle aussi, dominent l’imagination, servent de recours aux esprits qui n’ont pas eu la force de soutenir ce qu’ils avaient de passionné dans le caractère : cette dévotion se sent toujours de son origine ; on voit, comme dit Fontenelle, que l’amour a passé par là ; c’est encore aimer sous des formes différentes, et toutes les inventions de la faiblesse pour moins souffrir, ne peuvent ni mériter le blâme, ni servir de règle générale ; mais la dévotion exaltée qui fait partie du caractère au lieu d’en être seulement la ressource, cette dévotion, considérée comme le but auquel tous doivent tendre, et comme la base de la vie, a un tout autre effet sur les hommes.
Après avoir eu tout d’abord exclusivement le caractère d’une institution sociale, d’une force sociale contraignante, le droit est devenu de plus en plus un sentiment de la conscience individuelle. L’idée du droit s’est dissociée en deux idées secondaires : l’une, l’idée ancienne, celle du droit social, consigné dans les codes, garanti par la contrainte légale ; et l’autre, l’idée nouvelle, celle du droit individuel, du droit considéré comme un fait de conscience, une idée, une force intérieure qui pousse l’individu à soutenir certaines prétentions, à revendiquer certains avantages comme lui étant dus soit par ses semblables pris isolément, soit par l’ensemble de la société. […] Le mot célèbre de Goethe pourrait servir d’épigraphe à tout libellé de jugement : « J’aime mieux commettre une injustice que supporter un désordre. » Le juge voulût-il donner satisfaction au sentiment de justice des individus, cette tâche dépasserait ses forces. […] Elle appelle à l’existence juridique de nouvelles forces, de nouveaux besoins, de nouveaux sentiments qui veulent se faire jour.
Mais c’est là l’essence du bas-bleuisme que de tuer le sexe dans la femme pour sa punition d’avoir voulu singer l’homme, et finalement de lui faire prendre la grossièreté pour de la force et le cynisme pour de la virilité ! […] Quand La Bruyère peignait des Caractères, il aurait pu se dispenser d’avoir autant de coloris et de force picturesque qu’il en avait, et le prodigue génie, il ne s’en dispensait pas ! […] J’ai en commençant ce chapitre exprimé des doutes sur les chances d’avenir qu’avait cette réimpression des œuvres complètes d’une femme qui a fait, par la force de sa coterie et le bavardage toujours prêt de sa plume, l’illusion du talent aux gens de son temps, aux éternels badauds qui sont le fond de tous les publics. Mais cette réimpression n’en est pas moins intelligente, comme toute réimpression d’œuvres complètes, qui ramène sous le regard, en une seule fois, les forces éparpillées d’un esprit qu’il s’agit de juger définitivement, et qui peut être aussi regardée comme le dernier coup de sonde donné à l’opinion publique.
Demogeot qu’un livre plaqué sur ce cours ou extrait de ce cours, parce qu’il y aurait là, pour la Critique, une garantie plus grande de la sincérité du professeur et de la force pure de ce premier jet, qui est le sang de l’artère même dans le talent et de l’artère ouverte. […] N’est-ce pas une force et une rareté ? […] Là est sa force, parce que là est son tempérament, qui ne le trahit pas quand ses opinions le trahissent, qui ne bouge point quand elles oscillent… Suivez-le ! […] Nous, comme d’autres, nous pourrions trouver que la main de ce peseur de mérites ne tient pas toujours la balance assez droite, non par faiblesse, mais parce qu’il met peut-être trop de force dans sa manière de l’empoigner.
Le devoir est le seul poids qui donne à l’homme la force de le porter. […] Ce sont les deux parties de cet organisme mystérieux qu’on appelle la force d’un grand homme. […] L’intelligence qui sent la force et qui en a l’inquiétude se bride mal ou se cabre sous le mors. […] et s’ouvrit alors cette période de vingt-deux années de raffermissement et d’extension, de conquête et de force intérieure pour Espagne, qui resta, depuis Ferdinand jusqu’à la mort de Philippe II ; malgré les malheurs, le temps et les fautes, ce faisceau serré dans un chapelet de moine, qui valait le baudrier d’un héros !
Eh bien, la première condition de tout cela, et quelle qu’eut été la solution à laquelle se fût arrêté l’historien, c’était une de ces fermetés d’esprit qui ne se laissent pas entamer, et ce bon sens, le premier degré de la force intellectuelle, comme le grand sens, en est le second ! […] Hatin, aucun principe souverain ne s’élève et n’éclaire la route dans laquelle il va tout à l’heure s’avancer, et l’auteur n’a, pour nous faire voir clair dans cette histoire à travers laquelle il veut nous conduire, que de vieilles phrases éteintes depuis longtemps à force d’avoir servi. […] Avant de créer sa gazette, il avait innové en médecine au point de s’attirer déjà beaucoup d’inimitiés, qui éclatèrent plus tard, après son succès comme gazetier, et parmi lesquelles brille au premier rang celle du fameux et violent Guy Patin, doué plus que personne de cette force de haine corporative qui semble avoir plusieurs cœurs pour mieux détester… Renaudot, qui était chimiste, avait introduit la chimie en médecine, et peut-être ceux qui sont friands de ces rapprochements historiques en feront-ils un jour comme un précurseur de Hahnemann. […] Beaucoup plus à son aise quand il n’est qu’un simple rapporteur, qu’un simple dépouilleur de catalogues, que quand il s’agit de se montrer homme politique dans l’appréciation de cette force du journalisme qui alors se constituait, Μ.
Lacombe a exposé avec une clarté savante et une force de déduction qui font, selon nous, un grand honneur à son intelligence et à son éducation historique. […] Chaque jurande, pour être individuellement constituée, n’en participait pas moins dans la sphère de son activité au mouvement de progression universelle… » L’esprit qui animait cette organisation était cet esprit catholique qui fit la force du Moyen Âge, et qui refera la nôtre quand il recommencera de souffler en nous. […] Lacombe a suivi d’un œil perçant ces dégradations successives d’une organisation qui se corrompit, mais qui, malgré la corruption à laquelle elle était en proie, fut encore une force immense au service de la démocratie jusqu’au milieu du xvie siècle. […] Qu’on le sache et qu’on le nie, avec l’hypocrisie des partis qui ont leur chemin à faire et qui veulent tourner pacifiquement les résistances, ou qu’on l’avoue, au contraire, avec cette foi exaltée aux idées fausses qui a ses racines dans l’orgueil, de tels systèmes, si on les acceptait comme on les donne, ne seraient pas seulement avec le passé une rupture haineuse et profonde, ils mèneraient droit à l’effacement radical de tout ce qui a produit pendant dix-huit siècles la gloire, la force et les vertus de la société européenne.
Cette érudition si particulière et si malsaine, Edgar Poe, le tempérament américain, le puffiste immense dans l’ordre de l’imagination, le visionnaire qui fit entrer dans les constructions de la plus idéale ou de la plus sombre fantaisie une force de calcul digne de Pascal, en fut certainement moins victime que de l’ivrognerie, son vice favori, qui le tua ! […] Fou comme le Tasse, sans que l’amour y fût pour rien et sans avoir créé Armide et Clorinde, la folie de Gérard ne fut pas une force égarée. Dans l’ordre intellectuel, il ne fut réellement rien de fort ni même d’assez charmant pour faire oublier son manque de force. […] Nous savons combien, dans cette époque ramollie, il est facile et accoutumé d’introduire l’attendrissement dans toutes les questions… Nous savons la force des pleurards.
Ce sont ces forces qui limitent, qui repoussent la force qui est le moi. […] Ils sont formés d’un nombre fini de forces élémentaires. […] La seule chose réelle est la force, des forces semblables à celle que nous sommes et qui n’ont pas besoin de l’étendue pour agir. […] La force inhérente à chaque idée n’étant plus combattue par la force contraire de la volonté, nous devenons la proie de nos souvenirs. […] Le beau pourra dès lors être défini : un accord harmonieux de la force et de la richesse. — Mais cet accord ne peut être parfait : tantôt la richesse l’emporte au détriment de la force, tantôt la force au détriment de la richesse.
Puis il se dérobe sans vergogne, sentant que sa force est bornée et mesurant son audace à sa force. […] Mais leurs vices sont réels aussi, parce qu’ils ne dépassent pas les forces d’une âme commune. […] Ses forces le trahirent bientôt. […] Il cherche : c’est son mérite et sa force ; il est séduit par toute doctrine nouvelle : c’est sa faiblesse. […] Je repousse de toutes mes forces le côté démoc tel qu’on l’a compris en langage de club.
Lui, d’un courage égal, sans fantaisie comme sans défaillance, il met l’honneur à vaincre, non pas à se faire tuer, et il aime mieux être en force pour combattre l’ennemi. […] S’agit-il d’une bataille, d’un assaut, il dit les forces des deux partis, les ordres de bataille, les dispositions principales, les incidents décisifs. […] Sa force est dans ce qui se mêle de sincérité à son habileté. […] En vain les Templiers essaient-ils de lui faire comprendre qu’ils ne peuvent toucher aux dépôts qu’on leur confie : il force leur caisse, pour payer la rançon du roi. […] Ce jour-là, une des forces morales qui produiront le xviie siècle, entre en jeu.
Entre nations, on pratique et on proclame le droit de la force, le vieux « droit du poing », selon l’expression allemande. […] Qui peut avoir oublié en France les sanglants démembrements opérés au nom de ce culte de la force, les rogues et froids mépris jetés à la face des vaincus par les docteurs qui représentaient cette conception naturaliste du droit international. […] Les uns se retournèrent contre le divorce que leurs devanciers avaient appelé de tous leurs vœux et de toutes leurs forces. […] Ils concevaient comme supérieure au mariage, attachant de force l’un à l’autre deux êtres humains qui peuvent en être venus à se haïr ou à se mépriser, une union ne reposant que sur l’amour, pouvant se nouer et se dénouer sans l’intervention de l’autorité sociale, et ils voulaient acheminer les intelligences paresseuses vers cet idéal encore lointain. […] S’adressant à une foule encore mal dégrossie, ils s’abaissent volontiers à sa taille au lieu de l’élever à leur niveau, ils se gaspillent en œuvres bâclées ; ils ressemblent à cet homme à la cervelle d’or dont parle quelque part Alphonse Daudet : ils s’arrachent chaque matin un morceau du trésor qu’ils ont dans la tête et, quand ils ont durant des années éparpillé ainsi leur pensée, ils s’aperçoivent un peu tard qu’ils sont parvenus au bout de leurs forces et de leur vie sans avoir rempli leur mérite, sans avoir condensé le meilleur d’eux-mêmes en un ouvrage élaboré avec amour.
On a imaginé que la nature agit toujours par le chemin le plus court, qu’elle emploie le moins de force et la plus grande économie possible : mais que répondraient les partisans de cette opinion, à ceux qui leur feraient voir que nos bras exercent une force de près de cinquante livres pour lever un poids d’une seule livre ; que le cœur en exerce une immense pour exprimer une goutte de sang ; qu’une carpe fait des milliers d’œufs pour produire une ou deux carpes ; qu’un chêne donne un nombre innombrable de glands, qui souvent ne font pas naître un seul chêne ? […] II, chap. 1] Comme la philosophie du jour loue précisément le polythéisme d’avoir fait cette séparation, et blâme le christianisme d’avoir uni les forces morales aux forces religieuses, je ne croyais pas que cette proposition pût être attaquée. […] Quant à ceux qui font un crime au christianisme d’avoir ajouté la force morale à la force religieuse, ils trouveront ma réponse dans le dernier chapitre de cet ouvrage, où je montre qu’au défaut de l’esclavage antique, les peuples modernes doivent avoir un frein puissant dans leur religion. […] De même qu’on voit un grand fleuve qui retient encore, coulant dans la plaine, cette force violente et impétueuse qu’il avait acquise aux montagnes d’où il tire son origine ; ainsi cette vertu céleste, qui est contenue dans les écrits de saint Paul, même dans cette simplicité de style, conserve toute la vigueur qu’elle apporte du ciel, d’où elle descend.
Cette littérature, nous l’avons imposée aux autres nations ; puis nous avons voulu introduire de force, dans notre langue des Trouvères, le grec et le latin. Je dis de force, car, puisque déjà nous avions le sceptre de la langue universelle, la pente naturelle des choses ne comportait pas une telle introduction. […] Il est possible que cette époque-ci eût été devancée si nous eussions conservé notre langue sans la modifier contre la force des choses. […] On y verrait les facultés de l’imagination luttant de toute leur puissance contre la rigueur des idées morales ; on y verrait les instincts des sens et les sophismes de la raison fournir de fragiles appuis à des superstitions privées de force vitale. […] Homère peignit l’homme luttant avec ses seules forces contre les limites de la liberté, assignées par l’état de déchéance.
Ses forces s’usaient, ses yeux se fermaient, las de scruter l’immuable horizon qui ne pouvait ni varier ni s’élargir. […] Tout commentaire de l’auteur affaiblirait la puissance de cette biographie d’âme, vivante et chaude, qui se développe sous nos yeux, avec la force d’un organisme. […] Guinaudeau est de s’être fait l’évocateur vibrant de ce vibrant spectacle ; d’avoir rejeté tous les ornements, toutes les thèses, tous les incidents et d’avoir concentré dans le drame lui-même toute la force du récit. […] Contre ces deux forces dangereuses l’Église a des armes. […] Dans notre conception moderne, tout ce qui est sans base réelle ne peut s’élever, tout ce qui s’efforce contre les lois de nature est sans force ; le sur-humain n’est que l’humain à la suprême puissance, le divin n’est que l’« âme » du naturel.
Au lieu de cela, il sema sa force sur l’élément stérile, sur la plaine où l’on ne vendange pas. […] Rien de gracieux, mais la force même. Cette force se détruisit par l’excès du travail intellectuel. […] Il a de ces tours de force de travail. […] Une affreuse catastrophe, où elle avait montré toute sa force d’âme, dominait ses souvenirs de jeunesse.
Or, comme l’esprit humain ne pouvait se plier à cette abdication de sa liberté morale et déclarer la révélation sacerdotale en permanence dans la politique de tout l’univers, il fallait la force sans raisonnement et sans réplique pour contraindre l’esprit humain, il fallait le bourreau pour dernier argument de conviction. […] Les peuples asservis, dans la force armée qui les a conquis et qui les possède par le droit des armes ; Les peuples monarchiques la confèrent à une dynastie et la confondent avec le droit de naissance sur un trône. […] Le père avait la force de l’âge ; les fils la faiblesse de l’enfance. L’autorité de la force matérielle s’unissait en lui à l’autorité du plus intelligent, le droit du plus fort et le droit du plus capable se confondaient naturellement dans son nom de père. […] XXXII Le libéralisme le plus progressif ne s’exprime pas mieux aujourd’hui que Confucius sur les deux systèmes de la force brutale et de la force morale et raisonnée appliqués au gouvernement des peuples.
On ne consultait ni la force de la mère ni le tempérament de l’enfant. […] J’oserai le faire dans la mesure de mes forces. […] Les mêmes forces ne suffisant pas aux deux tâches, la même vie ne suffit pas aux deux devoirs, et il est trop juste que le plus grand dispense du plus petit. […] L’ouvrage de la législation est une entreprise au- dessus de la force humaine. » Sera-ce l’autorité ? […] Son style, plein de force, a je ne sais quoi de bourgeois.
L’affaiblissement des forces n’est donc pas la perversion des forces. […] L’affaiblissement de l’activité et de l’intelligence, chez certains vieillards, correspond souvent à l’augmentation de la force des habitudes, des formules toutes faites où la vie s’emprisonne. […] Ainsi, pour une société comme pour un individu, la décadence est l’affaiblissement et la perversion de la vitalité, de « l’ensemble des forces qui résistent à la mort ». […] II. — Un autre trait des décadences, comme nous l’avons déjà dit, c’est l’amour exagéré de l’analyse, qui finit par être une force dissolvante. […] Les déséquilibrés sont, dans le domaine esthétique, des amis dangereux par la force de la sympathie qu’éveille en nous leur cri de souffrance.
Il faut une spéciale faveur du ciel, et ensemble une grande et généreuse force et fermeté de nature, pour remarquer l’erreur commune que personne ne sent, s’aviser de ce de quoi personne ne s’avise, et se résoudre à tout autrement que les autres. […] On citerait de Charron quantité de beaux et judicieux passages pour la tolérance et contre les dogmatistes opiniâtres, qui veulent donner la loi au monde : « Où le moyen ordinaire fait défaut, l’on y ajoute le commandement, la force, le fer, le feu. » Il parle avec bien de l’humanité et du bon sens contre la question et la torture : avec bien du sens aussi contre l’autorité en matière de science. […] Il fait commencer l’instruction dès les plus tendres années de l’enfant ; il montre la force des premières impressions, il développe le « quo semel est imbuta recens… » : « Cette âme donc toute neuve et blanche, tendre et molle, reçoit fort aisément le pli et l’impression que l’on lui veut donner, et puis ne le perd aisément. » Cette jolie et franche expression (une âme toute neuve et blanche, mens novella) est-elle bien de luim ? […] Charron, à force d’en user, en a fait son ordinaire. […] » Et ici vient l’exemple des mouches à miel qui n’emportent point les fleurs comme les bouquetières (dont il vient de parler), mais s’asseyant sur elles comme si elles les couvaient, en tirent l’esprit, la force, la vertu, la quintessence, et s’en nourrissent, en font substance, et puis en font de très bon et doux miel, qui est tout leur : ce n’est plus thym ni marjolaine.
Gœthe n’était pas un physicien, un géomètre ; mais il était un naturaliste, il avait à un haut degré le génie de l’histoire naturelle, le sens et le tact du monde organique, et, de ce côté, en se confiant en sa force, il ne se trompait pas. […] À cet égard comme à beaucoup d’autres, ses conversations nous prouvent que son calme n’était pas de l’insensibilité, mais de la force ; qu’il savait faire taire son indignation et se contenir. […] Leur force d’enfantement est vite épuisée. […] Aussi, quand ils nous louent, ce n’est jamais qu’ils reconnaissent nos mérites, mais c’est seulement parce que nos idées viennent augmenter les forces de leur parti. » Il fut bientôt amené à réformer ce jugement et à le rétracter peu à peu : « Il ne faut pas, disait-il moins d’un an après (11 juin 1825), prononcer de jugement sur l’époque actuelle de la littérature française. […] — L’auteur est mort depuis, enlevé dans la force des ambitions et des espérances ; cet homme aimable et distingué voulait mener trop de choses à la fois.
C’est donc un tour de force complet qu’il a prétendu faire, et il n’y a rien d’étonnant qu’il y ait, selon moi, échoué. Ce dont il faudrait plutôt s’étonner, c’est de la force, de l’habileté, des ressources qu’il a déployées dans l’exécution d’une entreprise impossible et comme désespérée ; mais il a eu beau faire appel de toutes parts à l’érudition et aux descriptions, il a eu beau, en fait d’inventions personnelles, entasser Ossa sur Pélion, Pélion sur Ossa, il n’a pu communiquer à son œuvre l’intérêt réel et la vie. […] Pline le Jeune a parlé quelque part du silentium acre, un silence attentif, pénétrant, aigu à force d’écouter, un silence à entendre marcher une fourmi, comme a dit à son tour Saint-Simon. […] Flaubert a voulu tâter à toute force et nous faire tâter des deux genres. […] Il en sort avec l’estime des doctes archéologues et des savants sémitisans, flattés dans l’objet de leurs études, avec l’estime encore, et mieux que cela, de quelques esprits éminents qui aiment la force jusqu’à ne pas en détester l’abus, et qui, rien qu’à lui voir cette vigueur héroïquement déployée, ont désiré de le connaître.
Ils triomphaient dans les combats par leur courage, mais leur force morale consistait dans l’impression solennelle et profonde que produisait le nom romain. […] Le code des devoirs est présenté par Cicéron avec plus d’ensemble, plus de clarté, plus de force, que dans aucun autre ouvrage précédent. […] La vertu consistait, chez les anciens, dans la force sur soi-même et l’amour de la réputation. […] L’étude du cœur humain n’était pour eux que celle de la force ou de la faiblesse. […] L’histoire de Salluste, les lettres de Brutus28, les ouvrages de Cicéron, rappellent des souvenirs tout-puissants sur la pensée ; vous sentez la force de l’âme à travers la beauté du style ; vous voyez l’homme dans l’écrivain, la nation dans cet homme, et l’univers aux pieds de cette nation.
L’opposition, jusque-là timide et dispersée, en reçoit force et cohésion. […] Ils savent opposer aux exigences outrées la force d’inertie. […] Elle devine aux commotions électriques qui la secouent, par intervalles, que s’ébranlent quelque part des forces mystérieuses et redoutables en route pour bouleverser le monde. […] Son enquête, publiée à Londres vers 1880, ramène l’attention sur la doctrine d’Allan Kardec, qu’un événement impressionnant va réhabiliter : l’apparition du livre de Crooke, la Force psychique. […] Ils semblaient prendre plaisir à vouloir vaincre par eux-mêmes et à s’imposer, contre vents et marées, par la seule force de leur génie.
Appliquée à la nature, elle en a détruit le charme et le mystère, en montrant des forces mathématiques là où l’imagination populaire voyait vie, expression morale et liberté. […] Le premier sentiment de celui qui passe de la croyance naïve à l’examen critique, c’est le regret et presque la malédiction contre cette inflexible puis-sance, qui, du moment où elle l’a saisi, le force de parcourir avec elle toutes les étapes de sa marche inéluctable, jusqu’au terme final où l’on s’arrête pour pleurer 54. […] C’est notre gloire à nous d’en appeler toujours à la lumière ; c’est notre gloire qu’on ne puisse nous comprendre sans une haute culture, et que notre force soit en raison directe de la civilisation. […] Je n’insulte pas ceux que la nécessité des temps force à se renfermer dans des cénacles ; souvent, il faut le dire, ce n’est pas leur faute. […] Ce regret ne se remarque pas chez les premiers sceptiques (les philosophes du XVIIIe siècle par exemple), lesquels détruisaient avec une joie merveilleuse et sans éprouver le besoin d’aucune croyance, préoccupés qu’ils étaient de leur œuvre de destruction et du vif sentiment de l’exertion de leur force.
Il y voua ses forces, qui étaient immenses et s’augmentèrent à mesure. […] Toutes les forces réunies se précipitèrent par l’issue ouverte. […] Hugo y resplendit de toute sa force descriptive. […] Il faut cela pour accomplir des tours de force pareils aux siens. […] Il secrète sa force.
Une dangereuse curiosité force l’attention et invite aux longues rêveries devant ces énigmes de peintre ou de poète. […] C’est le rôle du psychologue de discerner ce qu’il y a de force positive et créatrice dans l’une et dans l’autre, et de diriger, s’il est possible, cette force. […] Il combat, de toute la force de son éloquence, l’exécrable coutume des sacrifices humains. […] Ce trait dominant, je le disais tout à l’heure, c’est la force, et une force souvent poussée jusqu’à la méconnaissance des exigences sentimentales des êtres qui l’entourent. […] — ont renouvelé notre vue théorique de l’univers et multiplié nos moyens d’action sur les forces naturelles.
Quelques historiens, empiétant un peu au-delà, et considérant les premiers actes de l’Assemblée, ses premiers rapports avec le roi, ont essayé de déterminer le point précis, passé lequel la Révolution, selon eux, n’était plus possible à diriger, et où, la force des choses remportant décidément, l’on n’avait plus devant soi qu’un vaste torrent aveugle. […] S’il avait eu un de ces éclairs d’indignation comme en avait à ses côtés sa généreuse compagne, si le sang lui avait monté au visage, s’il s’était souvenu qu’il était le dernier roi d’une race militaire, s’il avait résisté à la force par la force, l’épée à la main, avec ses dévoués serviteurs qui y comptaient ; si, dans le conflit, il s’était seulement fait tuer en gentilhomme sur les marches de son palais, l’histoire de la Révolution eût changé ; il n’y aurait pas eu cette tache juridique sanglante qui s’appelle le procès de Louis XVI, et qui fut la plaie livide et toujours ouverte pendant de longues années.
Voilà son destin, voilà sa nature, voilà sa pensée, même quand elle ne pense pas : la force des choses pense sans elle. […] Puissance civilisée, la France a été là à sa place, à la tête de la civilisation contre la force. […] À un tel partage la France a tout à perdre, et rien à gagner que la force doublée de ses ennemis naturels. […] L’élément nouveau appelé l’opinion, force morale, s’est mêlé aux autres éléments de force matérielle que les négociations et les traités avaient pour objet de concilier et d’asseoir. […] Enfin nous lui devons une force française, toujours prête à garantir cette confédération italienne.
Il luttait de grâce et de licence avec l’abbé de Chaulieu, l’Horace de cette cour ; s’il ne l’égalait pas encore en souplesse, il le dépassait en force. […] Cet attachement, décent aux yeux du monde et autorisé par les mœurs du temps, était alors dans toute sa force : travail, plaisirs, sciences, amusement, société, maison même, tout était commun entre l’amie et l’ami. […] C’est là que Voltaire, dans la plénitude de son génie, passa plusieurs années, les plus douces et les plus fécondes de sa vie, dans le sein de l’amitié qui double les forces de l’âme. […] La solitude où il s’était relégué nourrit les pensées et recueille les forces. […] Les prêtres furent d’autant plus respectés du peuple qu’ils furent moins protégés par la force officielle de l’État.
C’est lui qui décide la réputation des grands écrivains, lorsqu’il se trouve joint à l’élévation dans les pensées, à la noblesse dans les sentimens, à la justesse & à la force dans les raisonnemens, à une belle & brillante imagination. […] Ces disputes sur le stile peuvent, à force d’objections faites avec jugement de part & d’autre, devenir aussi lumineuses qu’utiles, & mettre sur la voie pour s’en former un.
C’est, par une loi mentale analogue à la loi physique de l’équivalence des forces, en transmuer le retentissement douloureux en un autre mode de vibrer, la création esthétique, où l’énergie totale n’a nullement diminué. […] Il se crut perdu, puis dans l’accablement qui l’écrasa, une énergie d’homme acculé le mit sur son séant, lui donna la force d’écrire à son médecin. » Traitement par les lavements nutritifs à la peptone d’abord, puis préparés suivant la formule : Huile de foie de morue 20 grammes Thé de bœuf 200 grammes Vin de Boulogne 200 grammes Jaune d’œuf N°1 « Puis l’estomac se décida à fonctionner », les nausées et les vomissements sont domptés par la bière de gingembre et la potion antiémétique de Rivière et on parvient à lui faire avaler, par les voies ordinaires, un sirop de punch à la poudre de viande. Enfin, peu à peu, les organes se restaurent ; « aidées par les pepsines, les véritables viandes furent digérées ; les forces se rétablirent »… « le moment échut où il put demeurer levé pendant des après-midi entières ». […] Devant le succès de cette méthode — apanage des esprits malades ou des corps débiles — il arriva ceci : que loin de chérir l’équilibre et la force, on se prit à aimer leurs contraires. […] Mais ses sensations n’en furent pas moins véhémentes… Au lieu de se laisser surmener, torturer par ces forces qui l’envahissaient, au lieu de s’y complaire, il les restituait sous forme de travail. » 45.
Une aussi énergique assurance ne peut provenir que de deux causes ; soit de la connaissance approfondie de sa valeur et de sa force, soit de l’ignorance complète de son état réel. […] Il y aurait là, suivant son intime sentiment, une sorte de prédestination divine ou fatale, que nulle force humaine ne pourra contrarier. […] François Coppée qui s’est toujours fait le champion du sentimentalisme chauvin en notre pays, a exprimé vers la même époque, de non moins étranges sentiments : « En lisant, dans les journaux, le compte-rendu des imposantes cérémonies du Jubilé, à Londres, et surtout la description des formidables forces navales passées en revue par le prince de Galles, à Spithead, mon vieux cœur de Français et de Latin a été comblé de tristesse. […] » Sa conclusion est également typique : « Pourtant, après ces fêtes où vient de se manifester, avec tant d’éclat, la force nationale de nos voisins, je ne puis m’empêcher de songer bien tristement aux luttes stériles qui nous épuisent aux périls extérieurs qui nous menacent ; et j’ai frissonné, en me demandant avec angoisse si, dans mes veines de Latin, je ne sentais pas couler le poison de la décadence. » Voici enfin mon troisième texte dû à M. […] Quand nous saurons exactement ce que nous sommes, quel est notre état positif, ce que nous possédons et ce qui nous manque, il est impossible que nous ne consacrions pas toutes nos forces à nous guérir et à reconquérir le terrain perdu.
Dans cette force et dans cette faiblesse, vous voyez d’avance la misanthropie de Swift et son talent. […] Elle est l’arme de l’orgueil, de la méditation et de la force. […] Mais, dans les sujets prosaïques, quelle vérité et quelle force ! […] Swift a le génie de l’insulte ; il est inventeur dans l’ironie, comme Shakspeare dans la poésie, et ce qui est le propre de l’extrême force, il va jusqu’à l’extrémité de sa pensée et de son art. […] Tout son talent et toutes ses passions se sont amassés dans ce livre ; l’esprit positif y a imprimé sa forme et sa force.
Un autre pamphlet, mal compris encore, le mène en prison, le force à payer une caution de huit cents livres, et c’est juste à temps qu’il reçoit le pardon de la reine. […] La vertu, comme toute force, se mesure aux résistances, et il n’y a qu’à la soumettre à des épreuves plus violentes pour lui donner un relief plus haut. […] Tout déborde en lui, la force, l’activité, l’invention, et aussi la tendresse. […] Je veux un cœur vivant, plein de chaleur et de force, non un pédant sec occupé à aligner au cordeau toutes ses actions. […] Aussi, pour lire Sterne, faut-il attendre les jours de caprice, de spleen et de pluie, où, à force d’agacement nerveux, on est dégoûté de la raison.
Une fois nous avons mesuré nos forces sur la colline de Malmor, et le sol de la forêt fut labouré sous l’effort de nos pas. […] Ils ont dans leur course la légèreté du chevreuil et la force de l’aigle fondant sur sa proie. […] Redoutable était Fingal dans la force de sa jeunesse, redoutable est encore son bras dans sa vieillesse. […] Le bras du héros était affaibli, mais son âme était pleine de force. […] Enfin la force de Swaran s’épuise, il tombe, et le roi de Loclin est enchaîné.
Mais les forces ne répondaient pas au courage. […] Le poëte est rarement propre à l’action ; sa force est hors du monde réel, et elle ne l’élève si haut que parce qu’il ne l’emploie pas à soulever les fardeaux de la terre. […] Si, du temps de Shakespeare, un autre homme que lui eût su, dans la peinture des sentiments naturels, unir à ce point la force et la vérité, l’Angleterre eût compté alors un poète de plus. […] De là vient la nécessité de mettre en accord toutes les parties de la représentation, de ne pas répandre inégalement la force de l’illusion, affaiblie dès qu’elle se laisse reconnaître. […] Le génie est tenu de suivre la nature humaine dans tous ses développements ; sa force consiste à trouver en lui-même de quoi satisfaire toujours le public tout entier.
Voilà ce qui prédomine dans la conception de Valérius Flaccus : tout marche, tout agit, tout s’entraîne avec rapidité, force, et grandeur dans son. […] Ce poème ne veut pas moins d’art, mais plus de force, de patience et de ressources dans le génie de l’auteur. […] ou ne l’a-t-elle que sur un seul, qui peut sur le monde ce qu’elle peut sur lui, et qui force la nature entière à subir l’ascendant qu’il subit lui-même ? […] Des noms étymologiques que je leur donnai remplacèrent les noms techniques reprouvés par la poésie : j’appelai Barythée, la force centrale ; Proballène, la force centrifuge : ces deux frères divins me représentèrent le système de la gravitation universelle. […] Celle-ci (de mes conceptions la plus favorable à la variété des effets) ne représenta pas seulement la force vitale, mais la force végétative, et la transformation perpétuelle des êtres.
— Une partie de cette force qui veut toujours le mal et fait toujours le bien. — Que signifie cette énigme ? […] Elle est une force. […] Votre amie dort là, au sein d’une nature pleine de grâce et de force… Une jolie chapelle s’élève à deux pas du tombeau. […] Il était puissant, puisqu’il a créé une école en deçà et au-delà de nos frontières ; aussi parce qu’il a suscité contre lui une réaction littéraire extrêmement vive ; car il n’y a que la force contre quoi d’autres forces réagissent. […] Laquelle aura la force de se sacrifier sans mourir ?
Comment résister à la force qui vous maîtrise et vous dompte ? […] A force de se surmener, l’art est devenu monotone. A force de se blaser, le public est devenu exigeant. […] Elle lui a obéi, mais il y a perdu ses forces. […] A force de vous attirer, Flaubert vous retient.
Point de cette amertume qui force le trait et noircit les peintures. […] On va lui apprendre à se délier, et à se battre, par la force s’il peut, par la ruse plutôt. […] Le propre d’une force comme celle qui fait le fond de l’honorable M. […] Il semble que oui : il repousse de toutes ses forces les idées innées. […] Les gouvernements ont cette force.
A-t-il eu pour causes immédiates l’amour des contrastes et le goût du tour de force, que nous étudierons plus loin, ou doit-on lui attribuer des origines beaucoup plus complexes ? […] Quiconque possède la force et la liberté d’esprit indispensables pour composer un poème, un roman ou un drame, aura, pour le moins, cessé de sentir ce qu’il dépeint, et ne l’éprouvera plus que par souvenir. […] Les causes externes n’ont guère rien changé aux forces latentes chez l’homme, mais elles les ont mises en mouvement et les ont aidées à se produire. […] Devant la splendeur de cette force et de ce génie, qu’importe le reste du monde ? […] et, quand on examine avec soin sa théorie, n’y découvre-t-on pas constamment l’admiration et l’apologie plus ou moins voilées du tour de force ?
C’est l’inspiration, l’inspiration qui est à la langue ce que l’explosion est à la pensée, c’est-à-dire la force et la soudaineté intérieure du sentiment qui le fait jaillir en feu et en flamme dans une harmonie divine qui subjugue à la fois du même coup l’auditeur et le poëte. […] Sainte-Beuve préfère ici la force de la prose de Chateaubriand à la mollesse de la poésie de Lamartine ; mais c’était de mollesse qu’il s’agissait dans ces deux peintures. S’il s’était agi de force, nous l’aurions renvoyé à la dernière des Méditations, le Suprême Verbe. […] La France, qui suait le sang sur l’échafaud de la Terreur depuis trois ans, et qui avait horreur et peur d’elle-même, cherchait à retrouver son équilibre et son ordre matériel dans la force de ses armes et dans la pacification de ses doctrines. Un véritable grand homme qui eût paru alors, le glaive dans une main, la modération dans l’autre, pouvait lui apporter la raison, la force et la paix ; c’était une de ces époques où la dictature des soldats et la dictature des législateurs peuvent s’unir pour reconstituer un grand peuple ; mais, il faut le reconnaître, la France, qui est le pays des armes, du génie et de la gloire, n’est pas le pays de la raison.
On y a été plus favorable à la liberté, qui est pleine de périls et d’égarements, qu’à la discipline, qui ajoute à la force réelle tout ce qu’elle ôte de forces capricieuses et factices. […] La subtilité, qui n’est qu’une force mal employée, y est louée comme un regard de l’âme plus ferme et plus soutenu. […] Notre imagination, à force d’être subordonnée, est quelquefois timide. […] Que de fois la force d’esprit qui doit tenir toutes ces pièces rangées ne fléchit-elle point ? […] Mais peut-être ce spectacle est-il plus beau encore là où le public, au lieu de se placer au point de vue de l’écrivain, force l’écrivain à se placer au point de vue général.
Chacun, dit-il, aime qu’on lui fasse ainsi violence ; impossible de se roidir contre la force des pensées de Balzac, impossible d’y contredire. […] La civilité et la flatterie y tiennent une grande place, et ont coûté bien des tours de force à Balzac. […] Au seizième on n’était pas assez mûr, ni l’écrivain pour la force de méditation qu’exige un plan, ni le public pour le plaisir qu’on éprouve à être persuadé. […] On y touchait du doigt ces perfectionnements que Descartes loue dans Balzac : cette suite, cette liaison des parties, ce plan conçu avec force et clarté, ce langage précis, figuré avec mesure, ce tour libre et majestueux, cette noblesse qui n’est que l’unité de ton dans un sujet où il n’est rien entré qui n’y convienne. […] Mais c’était de la raison de remarquer dans Balzac ce style relevé, ce beau choix de paroles, cet ordre et cet arrangement d’où elles tiraient leur force, tant de perfectionnements de détail dont ses critiques mêmes étaient d’accord avec ses apologistes.
Tâche de notre temps : reconstruire par la science l’édifice bâti par les forces spontanées de la nature humaine. […] Ne nous objectez pas les égoistes frivoles… La religion chez les modernes ne fait rien pour la force des nations. […] Déperdition de forces par suite de cette inintelligence. […] Reste la force.
Les Prophètes mêmes d’Israël sacraient sa puissance et oignaient sa force. […] Xerxès y parut, sans doute, coiffé de la tiare droite que le monarque seul avait droit de ceindre, et vêtu de cet habit chargé de diamants, qu’un historien grec, vantant la force de son successeur, le loue d’avoir pu porter tout une matinée, sans qu’il eût faibli sous son poids. […] Le peuple ne le connaissait que par les taureaux ailés à face humaine, dressés aux portes de son palais, symboles de sa force et de sa puissance. […] Tel était le Grand Roi, incarnation formidable des puissances et des monstruosités de l’Orient, armé de forces qui, depuis un siècle, avaient tout dompté et tout asservi, dominateur absolu du monde.
Flaubert fut, dans toute la force du terme, un artiste. […] C’est aussi son inconvénient : fausse ou mal formée, elle échappe au contrôle, car rendant inutile l’expérience personnelle, elle tend il la supprimer ; aussi propage-t-elle le mensonge et l’erreur avec la même force, avec laquelle elle propage les vérités. […] En est-il autrement, les notions et les images étrangères sont-elles représentées dans le miroir de la conscience, sous des dehors plus séduisants, avec plus de force et plus d’éclat, que les images et les notions appropriées aux aptitudes héréditaires, l’énergie va se trouver divisée avec elle-même. Sollicitée en deux sens contraires, d’un côté par l’instinct, de l’autre par l’exemple, elle va hésiter, elle va pâtir, quelle que soit d’ailleurs l’issue du conflit qui dépend de la force plus ou moins grande de la personnalité héréditaire, en même temps que de l’assaut plus ou moins grave qu’elle subit du fait des images étrangères enfermées dans la notion.
Il convient d’en compléter l’explication par l’examen des procédés qui permettront, après analyse, de restaurer l’œuvre et les hommes dans leur unité totale, dans le jeu des forces naturelles et sociales qui les forment, les meuvent et les heurtent. […] Il faut donc ici la montrer non plus en la pénétrant et essayant de dégager le secret des causes de ce qui en émane, mais la considérer de front et du dehors comme une force dont le choc est à mesurer. […] Relisant le livre, évoquant le tableau, faisant résonnera son esprit le développement sonore de la symphonie, l’analyste, considérant ces ensembles comme tels, les restaurant entiers, les reprenant et les subissant, devra en exprimer la perception vivante qui résulte du heurt de ces centres de forces contre l’organisme humain charnel, touché, passionné et saisi. […] — Ce sera de même, en recourant à îles procédés usités déjà, mais dont l’insuffisance, s’ils demeurent isolés, a été montrée plus haut, que l’on résumera des analyses psychologiques, l’image îles êtres vivants qui y auront été disséqués Le critique concevra que le mécanisme mental exsangue et incolore, qu’il aura lentement et pièce par pièce déduit des données esthétiques, n’est point une entité idéale, une force flottante et sans point d’application, mais qu’animé, existant, nourri d’un sang pourpre, concentré en des cellules sans cesse vibrantes et rénovées, il se situe en un encéphale particulier, un système nerveux, un corps, un être humain, qui fut debout, marchant et agissant dans notre air, sur notre terre.
Si son talent n’a pas jailli d’un bloc, il ne s’est montré que quand il a été bloc, c’est-à-dire, pour parler plus littérairement, quand il a réuni en soi tout ce qui fait l’unité de la force et la perfection de cette harmonie que Platon compare à une sphère ! […] Nous la laisserons telle qu’elle est en toutes les imaginations, dans la grandeur de sa double force, imposante comme la bonté grave, et charmante comme la toute-puissance qui sourit. […] Il s’est joué en elle, il a eu la force qui s’arrête à temps, et sa force a été doublée.
IV Tout fut contraste dans Nelson, abîme de force et de faiblesse. […] » Mais la vocation, mais le génie, le génie seul, — car il n’est pas comme son ennemi et son vis-à-vis dans la gloire, qui eut, lui, le génie et la volonté, la bonne part, et qui s’appelait Bonaparte, — le génie seul, qui est d’un jet sans aucune pièce de rapport, dans Nelson, et qui l’avait fait amiral au ventre de sa mère, l’emporta sur les prédictions de la force, de l’expérience et du métier ! […] Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale, aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté, et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes, borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie, cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité. […] Malheureusement aucun de ceux qui ont écrit sa vie, — et il paraît qu’ils sont nombreux en Angleterre, — n’a été de force à donner ce coup de pinceau qui fixe et embellit la gloire, fût-ce la plus solide et la plus belle !
IV Tout fut contraste dans Nelson, abîme de force et de faiblesse. […] et qui s’appelait Bonaparte, — le génie seul, qui est d’un jet, sans aucune pièce de rapport, dans Nelson, et qui l’avait fait amiral au ventre de sa mère, l’emporta sur les prédictions de la force, de l’expérience et du métier ! […] Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes : borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité. […] Malheureusement, aucun de ceux qui ont écrit sa vie — et il paraît qu’ils sont nombreux en Angleterre — n’a été de force à donner ce coup de pinceau qui fixe et embellit la gloire, fût-ce la plus solide et la plus belle !
… Mais ce qu’on n’a pas vu et ce qu’on ne voit guères, dans la résignation qui nous prend tous, de guerre lasse, devant cette impossibilité de ne pas mourir, c’est l’acharnement du combat de l’âme infinie contre le fini de la vie ; c’est la révolte de l’âme qui se veut immortelle devant le néant, ou qui craint de l’être devant l’enfer, et tout cela poussé à un tel degré de furie, de rage, d’imprécation et d’intensité, que l’être qui en souffre, s’il n’était pas mort de phtisie, aurait été capable de voir éclater ses organes, comme un instrument qui se casse, sous la force de cette intensité ! […] Nous sommes ici bien loin de Joseph Delorme, qui écrivit des Consolations, et qui, depuis, a passé cinquante ans à faire de la petite dentelle littéraire… Georges Caumont, qui ne fait pas de vers, il est vrai, mais dont la prose est « de premier jet et de source colorée dans son sang, noyée dans ses larmes, pourprée dans ses plaies, sa bile et son fiel, ayant des monstres de style pour exprimer des monstres de souffrance », Georges Caumont est une bien autre personnalité que Joseph Delorme et tous les Mélancoliques et les Souffrants de ce siècle, et c’est sa force de personnalité qui le rend intéressant et pathétiquement sympathique, malgré les farouches et délirantes aberrations de sa pensée. C’est la force de sa personnalité qui l’excuse presque de son impiété, de ses blasphèmes, de ses attentats contre Dieu même. […] — dit-il quelque part, bondissant sous elle, — l’écrasante et affolante pensée d’un Dieu tout-puissant, qui, non content de tyranniser nos corps, tyrannise nos cœurs, en nous ôtant la force même de nous plaindre, parce que nous savons que l’iniquité même sera juste si le caprice de celui qui peut tout l’a décidé ainsi… » Voilà Job et le poitrinaire qui meurent à Madère, — et c’est lui, Georges Caumont, fou des terreurs de Dieu, et qui, de la religion qu’il réprouve, n’a gardé que la croyance à l’enfer… « Non !