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68. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

» Mais on ne s’en tenait pas là, et il devenait trop clair que, pour une raison ou pour une autre, tout ce qui avait une plume et savait s’en servir d’une manière vive, acérée, spirituelle, venait se ranger dans des cadres opposés, et prenait plus ou moins parti contre vous. […] Et la meilleure preuve, c’est que parmi ces hommes distingués et d’un si bon esprit, qui ont assisté à la naissance et participé à la rédaction de ce sénatus-consulte, pas un ne s’est avancé jusqu’à dire à l’empereur : « Sire, je vous supplie de ne pas laisser subsister ces mots malencontreux en eux-mêmes, qui semblent en contradiction ouverte avec ce qui suit, et qui gâtent jusqu’à un certain point votre sénatus-consulte, qui y font tache en commençant. » Car c’était là le langage direct à tenir à l’empereur. (Après tout, il a peut-être été tenu.) […] si vous tenez tant à mettre des contradictions en présence, je suis homme à vous proposer, moi aussi, mon amendement, et cet amendement, je le formule en ces termes : « Les ministres ne dépendent que de l’empereur, mais ils gardent en présence de l’empereur leur entière indépendance de jugement, de caractère et de langage. » Que si, encore une fois, on tient tant à faire antithèse et à mettre des contradictions aux prises, je propose celle-là. Puisqu’on se donnait le temps de discuter si au long et de remanier sur quelques points le sénatus-consulte, j’aurais aimé qu’on tînt plus compte de l’amendement de M. de Sartiges et de la première partie du plan proposé par M. le président Bonjean, qui, l’un et l’autre, tendaient à ménager et à résoudre les conflits possibles entre le Corps législatif et le Sénat.

69. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

. — D’autre part, parmi les chefs de guerre aux longs cheveux, à côté des rois vêtus de fourrures, l’évêque mitré et l’abbé au front tondu siègent aux assemblées ; ils sont les seuls qui tiennent la plume, qui sachent discourir. […] Il a tenu dans ses mains le tiers des terres, la moitié du revenu, les chaux tiers du capital de l’Europe. […] Les États qui, d’après l’exemple de l’ancien Empire, ont tenté de s’élever en édifices compacts et d’opposer une digue à l’invasion incessante, n’ont pas tenu sur le sol mouvant ; après Charlemagne, tout s’effondre. […] En tout cas, le noble alors c’est le brave, l’homme fort et expert aux armes, qui, à la tête d’une troupe, au lieu de s’enfuir et de payer rançon, présente sa poitrine, tient ferme et protège par l’épée un coin du sol. […] Tous les goûts, tous les sentiments sont subordonnés au service ; il y a tel point de la frontière européenne où l’enfant de quatorze ans est tenu de marcher, où la veuve jusqu’à soixante ans est forcée de se remarier.

70. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Ici l’anecdote disparaît presque : elle tient en quatre vers sur quarante-huit. […] C’est un être qui tient le milieu entre l’homme tel que nous sommes et l’esprit pur. […] C’est ce que l’on appelle, comme on voudra, car je ne tiens pas au mot, des réalistes ou des naturistes ; seulement, ce sont des réalistes psychologues. […] Et Voltaire qui, pour ce qui était querelles littéraires, n’y tenait pas beaucoup, qui ne tenait pas beaucoup, dans ce genre de discussions, à son opinion, Voltaire sourit, félicite Chamfort et s’excuse auprès de lui d’avoir dit souvent, presque trop souvent, du mal de La Fontaine. […] Je tiens à vous citer la jolie strophe de Victor Hugo sur La Fontaine qui vaut d’être citée.

71. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Ampère à ce mot n’y tint pas, et tout d’un coup éclatant avec trouble et avec sanglot : « Ah ! […] J’ai dit le bien et montré le beau côté : je tiens aussi à ne pas dissimuler le revers. […] car quand une pensée le tenait une fois, il en était comme obsédé et il ne s’en délivrait qu’en l’épuisant. […] Il ne tenait pas à se faire des ennemis. […] Ampère, en insistant sur les traces du latin populaire, tenait la piste.

72. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

L’instabilité, qu’il est trop aisé de constater dans les monuments historiques bâtis jusqu’ici par les meilleurs architectes, tient à plusieurs causes et en particulier à des défauts de méthode. Mais ces défauts tiennent eux-mêmes en grande partie à une confusion qu’il est nécessaire de dissiper dès le début. […] L’historien, au contraire, s’il tient à éliminer la grande cause d’erreur, doit se défaire autant qu’il peut de sa personnalité. […] S’il désire puiser dans les faits des arguments à l’appui d’une doctrine qui lui tient à cœur, il est entraîné malgré lui à grossir les uns et à négliger les autres ; il se crée un intérêt, ce qui est un moyen sûr « pour se crever agréablement les yeux », suivant l’expression de Pascal.

73. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Quand il n’y aurait que deux personnes de la religion, je serai un des deux. » Il a tenu cette parole dans toute la suite des guerres, et il n’a renoncé que lorsque tout lui a manqué. […] Le maréchal de Thémines, qui avait l’avantage des forces, tient campagne, ravage le plat pays et s’empare de Saint-Paul, seule action un peu notable que Rohan lui attribue, en la diminuant de son mieux et la présentant comme plus facile qu’elle ne fut peut-être. […] Celui-ci avait promis au roi d’Angleterre de prendre les armes après que l’armée anglaise aurait fait sa descente dans l’île de Ré, et il tint parole. […] Les clefs de La Rochelle, quand il les tiendra, vaudront à ses yeux celles des cabinets qu’il ne peut forcer jusqu alors, ni entraîner comme il le voudrait dans la sphère d’action de la plus belle monarchie du monde. […] On n’a pas toutes les qualités à la fois, et des qualités qui tiennent en propre à des conditions distinctes ; si Richelieu, avec toutes celles qu’il possédait comme le premier des grands ministres, avait eu encore la clémence, il eut été vraiment un roi.

74. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Il n’a pas cette baguette d’or que tient Pellisson, et qui lui fait dire, par exemple, à propos des différentes retraites qu’eut l’Académie faute d’un local assuré, jusqu’à ce que le chancelier Séguier lui eût donné asile dans son hôtel : « Il me semble que je vois cette île de Délos des poètes, errante et flottante jusques à la naissance de son Apollon. » Il ne se peut rien assurément de plus élégant pour dire que les séances se tenaient çà et là, tantôt chez M.  […] Cela tient à la durée même et à la longévité de ses membres. […] J’estime donc que l’Académie qui commença par donner assez pertinemment son avis sur Le Cid, n’aurait peut-être pas trop mal tenu ce que promettait ce commencement, si elle s’y était vue obligée. […] Pour les curieux et ceux qui tiennent à savoir par le menu ce qu’il y a de réel dans une métaphore, je dirai même que dans nos séances particulières il n’y a pas de fauteuils, mais seulement de bons sièges. […] J’espère qu’à la fin l’Académie se tiendra chez vous et que vous y présiderez (octobre 1681). » Puisque l’Académie semblait si bien chez elle en étant chez Mlle des Houlières, Boileau ne pouvait se croire chez lui quand il était à l’Académie.

75. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

De là des biographies émues, animées d’une partialité posthume qui ne déplaît pas et qui tient à la jeunesse sans cesse renaissante des cœurs. […] La tante Victoire avait pour la Dauphine des soubresauts de bonté maternelle qui ne tenaient pas, et on aurait dit par moments qu’elle avait fini par être entraînée par les deux autres. […] Non, il est impossible de s’amuser davantage et de reprendre plus drôlement son sérieux que notre auditoire qui tenait sur une chaise. […] L’abbé de Vermond, s’il revit en effet les endroits qu’on vient de lire, put y mettre quelques points et virgules et peut-être l’orthographe ; mais il n’y donna pas le mouvement et ce je ne sais quoi de léger qui tient à la personne. […] Feuillet tenait à ne pas avoir lu, — à ne pas paraître avoir lu, — ce premier article avant d’avoir publié lui-même son Introduction : or, dans cette Introduction, il me semble, au contraire, qu’il y a trace et indice très-probable qu’il m’a lu, comme il était naturel d’ailleurs qu’il le fît tout en terminant son travail et en corrigeant ses épreuves.

76. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

De Baudelaire, pour qui sa prédilection est très marquée, il semble tenir un mélange singulier de sensualité et de mysticisme, une sorte de catholicisme un peu dépravé. […] Taine, il tient l’esprit scientifique, certaines habitudes de composition et de langage et le goût des grandes généralisations ; de M.  […] Paul Bourget tienne grand’chose, encore qu’il les comprenne merveilleusement. […] Ne séparons point les deux choses ; car, chez lui, elles se tiennent étroitement. […] Mais le fond de son coeur et de son être, c’est, je pense, un très douloureux souci de la vie morale, l’impossibilité de s’en tenir aux plaisirs de la curiosité et de la spéculation.

77. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Il y réussit, il tint tête dans les luttes finales et dans les Actes de l’école à un abbé protégé du cardinal de Richelieu, et l’emporta d’une manière signalée, sans se soucier de choquer ainsi le puissant cardinal « qui voulait être maître partout et en toutes choses ». […] Combien de grandes choses dans l’histoire ne tiennent qu’à un cheveu ! […] C’est ce que Retz excelle à nous rendre, et ces pages de ses Mémoires, qu’on pourrait intituler : Comment les révolutions commencent, tiennent à la fois, par leur hauteur et par leur fermeté, de Bossuet et de Montesquieu. […] Ce premier et double rôle de restaurateur du bien public et de conservateur de l’autorité royale tenta d’abord l’esprit élevé et lumineux de Condé ; mais Retz nous fait comprendre à merveille comment le prince ne put s’y tenir ; il était trop impatient pour cela : « Les héros ont leurs défauts ; celui de M. le Prince était de n’avoir pas assez de suite dans l’un des plus beaux esprits du monde. » Et, poussant plus loin, il nous explique à quoi tient ce peu de suite. […] Depuis que l’on a de ces Mémoires une meilleure édition, il est facile de voir que les obscurités qu’on leur a reprochées tenaient simplement, la plupart, à des altérations de la copie.

78. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Est-ce que la civilisation généralisera jamais assez son être pour que les grands coups de tonnerre de l’histoire retentissent plus en lui et réveillent plus d’écho que ces tout petits événements qui tiennent dans les dix pouces de sa poitrine et ne font pas de bruit, à ce qu’il semble, mais qui seuls ont la puissance de faire palpiter plus vite sa tempe et son cœur ? […] Eh bien, nous le disons avec le regret d’une affectueuse tristesse, Dargaud tient à ce groupe d’esprits ! Il n’y tient, certes ! […] Mais il y tient surtout par des attaches que la critique, forcée d’être juste, ne peut pas s’empêcher de voir. […] Il est donc tenu d’être dans la vérité, même avant d’être artiste, avant d’être poète, avant d’avoir le talent qu’il a et de le manifester.

79. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Berthelot tenait aussi de son père un reste de croyances chrétiennes. […] Je fis en quelque sorte le triage des vertus du sulpicien, laissant celles qui tiennent à une croyance positive, retenant celles qu’un philosophe peut approuver. […] Depuis qu’il est mort, je n’y tiens plus. […] Plus tard, je vis bien la vanité de cette vertu comme de toutes les autres ; je reconnus, en particulier, que la nature ne tient pas du tout à ce que l’homme soit chaste. […] Le siècle où j’ai vécu n’aura probablement pas été le plus grand, mais il sera tenu sans doute pour le plus amusant des siècles.

80. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Si Buffon tient du xviiie  siècle français par un esprit d’indépendance et par une secrète hostilité à la tradition, il s’en sépare d’ailleurs par l’ensemble de son caractère, par le maniement et la bonne économie de ses facultés, par toute son attitude ; en un mot, son esprit tient du xviiie  siècle bien plus que son genre de vie et son talent. […] Réaumur tenait en France le sceptre de l’histoire naturelle quand Buffon parut, et, pour le lui mieux enlever, celui-ci prit plaisir à le combattre, à le harceler même et à le diminuer peu à peu dans l’opinion. […] Il s’étonnait du soin, selon lui excessif, qu’on prenait à décrire si longuement leurs mœurs, et surtout à faire admirer leur industrie : « Car enfin, disait-il, une mouche ne doit pas tenir dans la tête d’un naturaliste plus de place qu’elle n’en tient dans la nature. » Il semble que Buffon, se tenant au point de vue de l’homme et placé entre les deux infinis, celui de l’infinie grandeur et celui de l’infinie petitesse, n’ait été sensible qu’au premier. […] Buffon apparaît donc ici sous la forme d’un conquérant qui tient l’épée, comme une sorte de Moïse ou de Josué de la science, et je m’avoue un peu étonné : je me l’étais toujours figuré plus calme et moins flamboyant. […] Je tiens, avant tout, à bien limiter le champ de ma critique : il y a eu entre M. 

81. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Ce qu’on appelle la trempe ne résulte que d’éléments ou de qualités opposées et combinées, qui se tiennent en échec l’une l’autre. […] Il n’y a rien de si brutal qu’un fait, a-t-on dit : aussi ne s’en tient-il presque jamais à un fait comme conclusion et dernier mot. Vous croyez tenir sa pensée, sa formule définitive, vous vous en emparez soit pour l’adopter, soit pour la combattre. ; prenez garde, il va vous la reprendre, la traduire de nouveau, y introduire précisément ce que vous n’y aviez pas vu. […] La chaire pourtant, ne fut point donnée ; un très estimable chargé de cours64, tint l’intérim en quelque sorte. […] Il tient à honneur d’instituer et de restaurer, en France une haute étude que Bossuet a fait proscrire et a étouffée à sa naissance dans la personne de Richard Simom.

82. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Il se développa et se forma dans la sphère de l’éloquence proprement dite, et y apporta un excellent jugement ; mais il sortait peu de cet ordre d’idées qui tiennent à la rhétorique. […] Les séances de l’Académie se tenaient encore à l’hôtel du chancelier Séguier, qui en était protecteur depuis la mort de Richelieu. […] Dès que la reine parut, une question d’étiquette s’éleva tout d’abord, c’était de savoir si la compagnie se tiendrait debout ou s’assoirait devant elle. […] Le chancelier tint conseil ; on appela un ou deux académiciens pour savoir les précédents : M. le chancelier appela M. de La Mesnardière qui, sur cette proposition, dit que, du temps de Ronsard, il se tint une assemblée de gens de lettres et de beaux esprits de ce temps-là à Saint-Victor, où Charles IX alla plusieurs fois, et que tout le monde était assis devant lui. […] Vaugelas, qui espérait et promettait de lui une rhétorique, a prononcé à son sujet ce nom de Quintilien français que Patru n’a point tenu : car il écrivait peu, et il s’est borné à des décisions orales.

83. (1761) Salon de 1761 « Peinture — M. Pierre » pp. 122-126

Le corps du saint est à terre ; l’exécuteur tient le couteau avec lequel il a séparé la tête ; il montre cette tête séparée à Herodiade. […] La jeune fille qui tient le plat sur lequel elle sera posée, détourne la tête, en tendant le plat ; cela est bien ; mais l’Herodiade paraît frappée d’horreur ? […] Elle tient le sabre et elle l’enfonce tranquillement dans la gorge d’Holoferne. […] Que Paris tienne la pomme, mais qu’il ne l’offre pas.

84. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Benoist qui aspire à nous en tenir lieu et à les résumer tous à notre usage. […] La philologie a eu beau rendre son arrêt, la librairie tient bon et ne veut pas se soumettre. […] Est-ce donc que nous ne saurions plus en France la valeur des termes, et que les à peu près suffisent désormais à ceux qui devraient tenir d’une main légère la balance des esprits ? […] Des choses exactes, mais trop sèches, ne nous satisfont pas, et la justesse la plus scrupuleuse ne saurait faire bannir l’agrément ni en tenir lieu. […] Il ne tint pas à lui que la France ne prit quelque résolution vigoureuse qui eût amené un conflit avec l’Angleterre.

85. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

… » En même temps qu’il est décidé à entrer dans le sacerdoce, il ne tient à rien qu’il ne fasse un pas de plus et qu’il n’entre aussi dans la Compagnie de Jésus. […] Les textes irrécusables, les témoignages directs, longtemps tenus sous clef, sortent enfin et parlent assez haut. […] Le mieux est donc, de part et d’autre, de s’en tenir au strict nécessaire en fait de lettres. […] Il le tint enseveli durant vingt ans (1816-1836) ; mais, dès 1816, il avait déjà proféré entre ses dents le mot qui éclatera un jour et qui sera le mot de la fin. […] — Il racontait que, sous la Restauration, étant allé un soir assister chez le vicomte Sosthène de La Rochefoucauld à je ne sais quelle séance de ce qu’on appelait la Congrégation, il y avait entendu tant de sottises qu’il n’y put tenir, et en sortant il fut pris d’un fou rire à se tenir les côtes, tellement qu’il avait dû s’asseoir sur un do ces bancs de pierre comme il y en avait alors dans le faubourg Saint-Germain à la porte des hôtels, jusqu’il ce qu’il eût fini de rire tout son soûl.

86. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

La révolution continuant, il quitta Paris pour Péronne, où il fut confié à une tante paternelle, qui tenait là une espèce d’auberge. […] D’ailleurs elle n’eût pas mieux demandé que de tenir de moi ce qu’elle était obligée d’acheter d’un autre. […] En 1821, quand Béranger récidiva, il se le tint pour dit, et du jour de la publication du second recueil, il ne remit pas les pieds à son bureau : on accepta cette absence comme une démission. […] Mais le poëte tenait à part toutes ses arrière-pensées de patriotisme, de sensibilité et de religion, tant de germes tendrement couvés, qu’il refoulait bien avant.  […] Alors, suivant sa locution expressive, il tient son affaire et se rendort.

87. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Ce sujet tient, en réalité, en trois mots. […] Ils sont contraints de se faire, de temps en temps, des sujets de désir et d’inquiétude : tant il est vrai que l’entière satisfaction et le dégoût se tiennent la main ! […] Je tiens absolument à ce que vous connaissiez les autres vers ou que vous vous en rappeliez le souvenir, les voici. […] La Fontaine y a tenu infiniment. […] Il ne tenait qu’à lui qu’il ne s’en trouvât bien.

88. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Ce n’est qu’une hypothèse, mais elle est fondée sur un raisonnement par analogie que nous devons tenir pour concluant tant qu’on ne nous aura rien offert de plus satisfaisant. […] Pour le moment, nous nous bornons à tracer une ligne de démarcation entre ce qui est hypothèse, construction métaphysique, et ce qui est donnée pure et simple de l’expérience, car nous voulons nous en tenir à l’expérience. […] Ne vaut-il pas mieux alors s’en tenir jusqu’à nouvel ordre à celui des deux points de vue qui ne sacrifie rien de l’expérience, et par conséquent — pour ne pas préjuger la question — rien des apparences ? […] Il est vrai qu’une certaine doctrine accepte le témoignage des sens, c’est-à-dire de la conscience, pour obtenir des termes entre lesquels établir des rapports, puis ne conserve que les rapports et tient les termes pour inexistants. […] Nous en rencontrerons de perçus ou de perceptibles ; ceux-là pourront être tenus pour réels.

89. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

En vain les stoïciens voudraient nous présenter ici Jupiter comme soumis à leur destin ; Jupiter et tous les dieux ont tenu conseil sur les choses humaines, et les ont par conséquent déterminées par l’effet d’une volonté libre. […] Tite-Live s’étonne de ce qu’au passage d’Annibal, de pareilles assemblées se tenaient dans les Gaules ; mais nous voyons dans Tacite, que chez ce peuple les prêtres tenaient des assemblées analogues, dans lesquelles ils ordonnaient les punitions, comme si les dieux eussent été présents . […] Toutes les puissances souveraines reconnaissent la Providence, et ajoutent à leurs titres de majesté, par la grâce de Dieu ; elles doivent en effet avouer publiquement que c’est de lui qu’elles tiennent leur autorité, puisque, si elles défendaient de l’adorer, elles tomberaient infailliblement. […] Mais les souverains ne peuvent l’exercer que pour conserver l’état dans sa substance, comme dit l’École, parce qu’à sa conservation ou à sa ruine tiennent la ruine ou la conservation de tous les intérêts particuliers. […] Par cela seul que les nobles des premiers peuples se tenaient pour héros, c’est-à-dire pour des êtres d’une nature supérieure à celle des plébéiens, ils devaient maltraiter la multitude.

90. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il s’en tient à cet arrangement naturel où se disposent d’elles-mêmes les choses, selon leur ordre et leur importance, dans les têtes bien faites. […] Là, comme dans le Discours sur l’histoire universelle, Bossuet s’en tient à la tradition, c’est-à-dire à Descartes. […] Pourquoi faire tenir ce langage aux premiers chrétiens ? […] La conduite que tint Fénelon est moins connue. […] Au reste, la victoire éclatante de Bossuet n’ôta pas à Fénelon ce à quoi il tenait peut-être le plus, la faveur de la personne.

91. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Celui qui tient avant tout à être utile se distingue bientôt, à sa méthode et à son accent, de celui qui ne prétend qu’à briller. […] Laissant de côté cet épisode local, qui tient une assez grande place dans la jeunesse de Gandar, je ne dirai ici que quelques mots encore de son second voyage en Grèce. […] Maison n’est pas moderne pour rien, et toutes les études désormais convergent, rivalisent, se lient et se tiennent en un faisceau qu’il faut embrasser […] Sa correspondance nous tient au courant du nouveau travail auquel il dut se livrer à ce renouvellement de carrière ; il ne croyait jamais en avoir fait assez. […] Pour dire la vérité, le volume du frère m’a causé assez d’ennuis, et je n’ai tenu bon jusqu’au bout que par complaisance pour l’éditeur.

92. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Mais le déterministe, trompé, par une conception de la durée et de la causalité que nous critiquerons en détail un peu plus loin, tient pour absolue la détermination des faits de conscience les uns par les autres. […] il semble que nous tenions à sauvegarder le principe du mécanisme, et à nous mettre en règle avec les lois de l’association des idées. […] Ces directions deviennent ainsi des choses, de véritables chemins auxquels aboutirait la grande route de la conscience, et où il ne tiendrait qu’au moi de s’engager indifféremment. […] Mais le déterministe ne se tiendra pas pour battu, et posant la question sous une nouvelle forme : « Laissons de côté, dira-t-il, les actions accomplies, considérons seulement des actes à venir. […] Il n’en est pas moins évident que notre croyance à la détermination nécessaire des phénomènes les uns par les autres se consolide à mesure que nous tenons la durée pour une forme plus subjective de notre conscience.

93. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Mais s’il s’en tient là, il aura négligé quelque chose, et peut-être l’essentiel. […] Mais nous ne devons pas nous en tenir à l’aspect qui était probablement le seul à intéresser la plupart des initiés. […] L’entreprise était en effet décourageante : la conviction qu’on tient d’une expérience, comment la propager par des discours ? […] A cette indication s’attachera le philosophe qui tient Dieu pour une personne et qui ne veut pourtant pas donner dans un grossier anthropomorphisme. […] Il se tient d’ordinaire, quand il écrit, dans la région des concepts et des mots.

94. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Il y tint constamment la main et se fit craindre de quiconque était tenté de s’en écarter. […] Boileau n’aimait et n’estimait guère rien en dehors des livres ; il n’avait nul goût pour les sciences, pas même la curiosité de se tenir au courant de leurs résultats généraux ; le tour précieux et maniéré, que Fontenelle donna à son livre de la Pluralité des Mondes, l’empêcha toujours d’en reconnaître la vérité et la supériorité philosophique. […] Boileau (autre infirmité), enfin, ne sentait pas la famille, ni le rôle que tient la femme dans la société, ni celui qu’elle remplit en mère au foyer domestique et autour d’un berceau ; sa sensibilité et son imagination n’avaient jamais été éveillées de ce côté. […] Mais entre tout ce qui défilait devant lui de ces contes de la Mère l’Oie, si mêlés et faits presque indifféremment pour tenir éveillé l’auditoire ou pour l’endormir, il eut le bon goût de choisir et le talent de rédiger avec simplicité, ingénuité. […] Un homme qu’il est bon d’interroger quand on veut savoir à quoi s’en tenir, un savant, qui n’est pas pourtant de l’Académie des Inscriptions, mais qui me paraît composer à lui seul toute une académie d’érudits, M. 

95. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Les Anglais sont moins indépendants que les Allemands dans leur manière générale de considérer tout ce qui tient aux idées religieuses et politiques. […] Le caractère général de la littérature est le même dans tous les pays du Nord ; mais les traits distinctifs du genre allemand tiennent à la situation politique et religieuse de l’Allemagne. […] L’enthousiasme que Werther a excité, surtout en Allemagne, tient à ce que cet ouvrage est tout à fait dans le caractère national. […] Il faut s’en tenir aux principes universels de la haute littérature, et n’écrire que sur les sujets où il suffit de la nature et de la raison pour se guider. […] Un joug volontaire met cependant obstacle, à quelques égards, au degré de lumières qu’on pourrait acquérir en Allemagne, c’est l’esprit de secte : il tient dans la vie oisive la place de l’esprit de parti, et il a quelques-uns de ses inconvénients.

96. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Tout se tient chez Marivaux : c’est un théoricien et un philosophe, beaucoup plus perçant qu’on ne croit sous sa mine coquette. […] Sort-il du spectacle un jour de première représentation, il s’amuse à regarder passer le monde, les jolies femmes qui font les coquettes, les laides qui n’ont pas moins de prétention et qui trouvent moyen de faire concurrence aux jolies, les jeunes gens aussi, qui font les beaux ; il s’amuse à interpréter ce que signifient toutes ces mines qu’il voit à ces visages, ces grands airs et ces maintiens complaisants ; il leur fait tenir de petits discours intérieurs bien précieux, bien vaniteux, qu’il déduit par le menu : Ce petit discours que je fais tenir à nos jeunes gens, on le regardera, dit-il, comme une plaisanterie de ma part. […] Est-il du parti des modernes, il aura à peine commencé à parler que déjà on le tiendra pour suspect de manière et de trop de finesse. […] » Marivaux, très judicieux tant qu’il se tient ainsi dans le point de vue général, ne veut pas qu’en se mettant à écrire, un jeune homme imite personne, pas plus les modernes que les anciens ; car les anciens « avaient, pour ainsi dire, tout un autre univers que nous : le commerce que les hommes avaient ensemble alors ne nous paraît aujourd’hui qu’un apprentissage de celui qu’ils ont eu depuis, et qu’ils peuvent avoir en bien et en mal. […] Quand il a une vue, il la dédouble, il la divise à l’infini, il s’y perd et nous lasse nous-mêmes en s’y épuisant : « Un portrait détaillé, selon lui, c’est un ouvrage sans fin. » On voit à quel point il procède à l’inverse des anciens, qui se tenaient dans la grande ligne, dans le portrait fait pour être vu à quelque distance, et combien il abonde dans le sens et l’excès moderne, dans l’usage du scalpel et du microscope.

97. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Dans ses plans de vie heureuse qu’il diversifie avec assez d’imagination, il faisait entrer plus de choses qu’il n’en tenait dans cette boîte ou petite cellule. […] Ses croyances religieuses se réduisent à peu près à celle de la Providence ; mais il y tient, il y insiste, et il trouve à redire à ceux qui s’en passent. […] Tenons-nous à notre place. […] Le tempérament physique et les sens tiennent chez lui une très grande place, et une place très avouée comme dans tout son siècle22. […] D’Argenson n’avait plus rien dans sa retraite ni de l’ancien ministre ni même de l’homme qui tient à un rang quelconque : c’était un homme de lettres amateur.

98. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Tout ce conflit de propos et de jugements est nécessaire, inévitable, utile quelquefois peut-être à quelques-uns pour les tenir en éveil, le plus souvent inutile et irritant. […] Le style vous tient-il à cœur, et avez-vous souci de la distinction ou de la nuance : vous n’êtes qu’un maniéré. […] Si j’étais plus jeune, ou pour mieux dire moins vieux, ma tête n’y tiendrait pas… « En attendant le départ, je fais des têtes de soldats comme s’il en pleuvait. […]Tiens, je ne veux pas écrire tout ce que je pense. »  Chassons nous-même ces ombres déjà si lointaines et qui feraient tache au tableau. […] Les petits détails des armes, dans lesquels on sent encore le paysan, le mauvais cheval avec son harnachement mal tenu, et le flegme italien de ce drôle barbu, en font un charmant petit tableau.

99. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Rien n’est mieux tenu, et il est impossible de voir de plus beaux hommes. […] Là encore il s’en tient à la trempe originelle première, et ne songe pas à s’en donner une autre. […] Tiens, chère amie ! […] Un jour qu’à son retour d’Orient, à Smyrne, sa femme et sa fille lui avaient fait recommander, je ne sais pourquoi, de se tenir ferme contre les amis du duc de Bordeaux, lequel voyageait apparemment de ce côté, il avait répondu, en s’étonnant à bon droit de la recommandation : « Dans tous les cas, rassurez-vous ! […] Que si l’on tient à savoir au juste les paroles dites par l’empereur Nicolas à Horace Vernet au sujet de la mort du duc d’Orléans, je les donnerai en propres termes, d’après une note digne de foi que j’ai sous les yeux, et qui a été écrite sous la dictée d’Horace lui-même.

100. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

cet homme qui avait le plus lu, qui avait, comme particulier, la plus vaste bibliothèque qu’on pût voir et à laquelle il tenait tant, savez-vous ce qu’il pensait des livres ? […] Cette passion, qui n’était que dans le ton, tenait au feu de la jeunesse ; cette première rudesse, que l’abbesse voudrait enlever, se polira vite dans le monde et à la Cour. […] Huet, en poésie française, tenait décidément pour la littérature d’avant Boileau, pour celle de Segrais, de Conrart, des premiers membres de l’Académie française ; il ne s’en départit jamais. […] Mais, tout en pensant de la sorte dans la vie habituelle et dans les entretiens familiers, Huet s’en tenait là, et n’était sceptique que jusqu’aux autels. […] Chaque génération de jeunesse tient à y mettre du sien et à faire acte de présence à son tour.

101. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Il devenait de la plus haute importance que cette ville d’Orléans tînt bon pour la Fronde, sans quoi toute la ligne de la Loire était coupée, et le prince de Condé, qui arrivait de Guyenne, trouvait l’ennemi maître des positions. […] Dès qu’elle fut dans les plaines de Beauce, elle monta à cheval, elle se mit à la tête de l’armée de la Fronde qui était aux environs ; on tint conseil de guerre devant elle, et il fut dit que rien ne se ferait plus que par ses ordres. […] Quand elle le tenait une fois, elle s’y oubliait pendant des heures. […] Le mariage, décidé de la veille ou de l’avant-veille, fut déclaré le lundi 15 décembre (1670), et tint jusqu’au jeudi 18. […] Pourtant, par des raisons qui sont demeurées obscures, mais qui tenaient à cette grande affaire, il fut arrêté environ un an après (25 novembre 1671), et enfermé au château de Pignerol.

102. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Il y a aussi de beaux et de grands bazars, où se tiennent les marchés en gros et en détail. […] Voici comment: Deux hommes tiennent la bête féroce par la laisse, à l’endroit du cou. […] Les Portugais en jouissent pour avoir cédé à la Perse les terres qu’ils tenaient dans le golfe. […] On en tient toujours ses garde-robes pleines. […] On les tient dans des magasins séparés par assortiment.

103. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Delécluze seul avait manié le pinceau ; mais son instruction, très-réelle et estimable quand elle se tenait dans le domaine historique, ne servit guère à lui affiner le goût. […] Là où d’autres seraient rudes et blessants d’expression, même sans le vouloir, il a des délicatesses qui tiennent à une qualité morale ; il a des égards de confrère. […] Il vous a fait passer sous les yeux une image fidèle, une merveille de réduction toute brillantée, et il vous laisse à vous, l’homme sévère, l’arbitre inexorable du goût, l’honneur facile de prononcer, si vous y tenez, le jugement qu’il a amené, pour ainsi dire, sur vos lèvres. […] C’était une gageure, et chacun la tint à ravir. […] De toutes ses manières, de toutes ses notes poétiques, les Émaux et Camées sont la dernière, la plus marquée, et je ne serais pas étonné si l’on me disait que c’est celle qui lui tient le plus à cœur et qui lui est la plus chère.

104. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

C’est cette période d’intervalle et d’élaboration que je tiens à bien définir, en la rattachant à l’individu et au nom qui la personnifie le mieux. […] Hier et aujourd’hui il a vu Son Éminence, qui l’a caressé et accueilli en telle sorte qu’il ne tient pas dans sa peau… » C’est à cette occasion que Vaugelas fit cette réplique souvent citée, et que Pellisson nous a transmise. […] « … Au reste vous pourriez toujours assurer Son Éminence de la continuation des travaux de M. de Vaugelas, qui fournit aux trois bureaux qui se tiennent toutes les semaines avec assiduité pour l’avancement du Dictionnaire. […] Vaugelas, en ses dernières années, était donc devenu le grand travailleur, la cheville ouvrière de l’Académie* celui qui tenait la plume pour le Dictionnaire et qui avait la conduite de tout l’ouvrage. […] Vaugelas ne s’en tient pas au pur relevé des mots et à l’enregistrement des locutions qui lui ont été fournies par le bon usage : il a quelques règles qui sont pour lui le résultat de l’observation et d’une comparaison attentive.

105. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Depuis qu’il existe une société civilisée, la femme de cet âge y a tenu une grande place, la première peut-être. […] On ne vit, pendant toute une saison, que Rastignacs, duchesses de Langeais, duchesses de Maufrigneuse, et l’on assure que plus d’un acteur ou actrice de cette comédie de société tint à pousser son rôle jusqu’au bout. […] Ce n’est que de nos jours qu’on a vu de ces organisations énergiques et herculéennes se mettre, en quelque sorte, en demeure de tirer d’elles-mêmes tout ce qu’elles pourraient produire, et tenir durant vingt ans la rude gageure. […] En un mot, pour suivre mon image toute physique et anatomique, je dirai : Quand il tient la carotide de son sujet, il l’injecte à fond avec fermeté et vigueur ; mais quand il est à faux, il injecte tout de même et pousse toujours, créant, sans trop s’en apercevoir, des réseaux imaginaires. […] On dirait qu’en lui l’homme du monde accompli, l’honnête homme, comme on s’exprimait autrefois, a tenu de bonne heure l’artiste en échec.

106. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Le goût s’est vivement reporté à toutes les choses du siècle de Louis XIV, et, du moment qu’on y entrait surtout par le côté de l’esprit, elle était sûre d’y être comptée pour beaucoup et d’y tenir un des premiers rangs. […] Il y a des moments même où l’on dirait qu’elle charme ; mais, dès qu’on la quitte, ce charme ne tient pas, et l’on reprend de la prévention contre sa personne. […] Tout occupée des autres, sans les aimer, elle tiendra bon avec sourire et bonne grâce à son esclavage de toutes les heures : « J’ai été vingt-six ans, dit-elle, sans dire un mot qui marquât le moindre chagrin. » Vers la fin, par une de ces illusions de l’amour-propre qui sont si naturelles, elle se figurait qu’elle avait reçu des grâces singulières pour ce rôle nouveau, qui n’était que la suite, le perfectionnement et le couronnement de tous les autres rôles qu’elle avait tenus dès sa jeunesse ; elle regardait sa vie comme un miracle. […] Mme de Maintenon aida autant que personne et tint la main à cette réforme dont le xviiie  siècle hérita : « Je me corrigerai des fautes de style que vous remarquez dans mes lettres, lui écrivait le duc du Maine ; mais je crois que les longues phrases seront pour moi un long défaut. » Mme de Maintenon dit et écrit en perfection. […] Pour se compléter l’idée de Mme de Maintenon, il convient, en les lisant, d’y ajouter un certain enjouement de raison, une certaine grâce vivante qu’elle eut jusqu’à la fin, même dans son austérité ; qui tenait à sa personne, à son désir de plaire en présence des gens, mais qui n’allait pas jusqu’à se fixer par écrit.

107. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Vers l’année 1770, il était tout à fait en vogue par deux ouvrages de genre différent, mais qui tenaient à une même nature d’esprit, par ce récit anecdotique de la Révolution de Russie et par un discours en vers sur Les Disputes. […] « C’est, me dit-il à l’oreille, un homme qui tient à la Cour. » Ensuite il remarqua qu’il avait presque toujours la main droite sur sa poitrine, les doigts fermés et les ongles en dehors : « Ah ! […] — Cela ne tient plus qu’à un fil ; tenez, lisez notre correspondance, et vous verrez. […] La dernière fois qu’il est allé voir Jean-Jacques, celui-ci l’a reçu en grondant et s’est tenu tout le temps sur la défensive : Je sonne, il m’ouvre : — « Que venez-vous faire ici ? […] Mais ceux qui aiment à se rendre compte ne s’en tiendront pas à cet aspect de coloris un peu lointain, et ils se demanderont ce qu’il y a au revers de cette toile immense.

108. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Pour goûter les écrits de Richelieu, pour en tirer tout le fruit et tout le suc qu’ils renferment, il faut se faire à son style et se tenir bien averti d’avance sur quelques défauts qui, autrement, pourraient rebuter. […] Il tenait à montrer à l’Europe, dès le premier jour, ce qu’il exprime si noblement dans les instructions données à Schomberg : « Jamais vaisseau ne résistera à si grande tempête avec moins de débris qu’on en remarque au nôtre. » Richelieu, tombé de ce premier ministère, accompagne la reine Marie de Médicis dans son exil à Blois (mai 1617) ; bientôt, sa présence en cette petite cour porte ombrage à ses ennemis : la calomnie l’implique dans des intrigues, d’où son bon sens suffisait à le tenir écarté. […] Les flatteries l’emportèrent jusque-là qu’il crut que toutes les louanges qu’on lui donnait étaient véritables, et que la grandeur qu’il possédait était moindre que son mérite… Il était plein de belles paroles et de promesses qu’il ne tenait pas fidèlement ; mais, lorsqu’il donnait des paroles plus absolues, c’est alors qu’on était plus assuré de n’avoir pas ce qu’il promettait ; et, lorsqu’il promettait le plus son affection, c’était lorsqu’on avait plus de sujet d’en être en doute : tant il manquait de foi sans en avoir honte, mesurant tout l’honneur à son utilité ! […] Richelieu, par exemple, ne se croit nullement tyrannique dans le sens où l’était le devancier qu’il flétrit : Lui, au contraire, dit-il, ayant la force en main, méprisait de contenter aucun, estimant qu’il lui suffisait de tenir leurs personnes par force, et qu’il n’importait de les tenir attachées par le cœur : mais en cela il se trompait bien ; car il est impossible qu’un gouvernement subsiste où nul n’a satisfaction et chacun est traité avec violence. […] Ce fut la résistance et l’effort qu’il eut à faire pour maintenir ce qu’il ne tenait que d’emprunt, qui le rendit parfois tyrannique de procédé et d’allure.

109. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Humilité m’a tenu compagnie, et Patience ne m’a jamais abandonnée. […] Elle tient un petit chien entre ses bras. […] Je ne sais pourquoi Brantôme ajoute qu’à son avis la princesse avait tenu tout ce propos plus par bonne grâce et par manière de conversation que par créance : il me semble, au contraire, qu’il y a ici croyance à la fois et bonne grâce, convenance de la femme délicate et de l’âme pieuse, et que tout y est concilié. […] Pourtant cette joyeuse compagnie ne peut s’en tenir absolument à un si austère régime, et il est convenu qu’on fera un partage du temps entre le sacré et le profane. […] Ce curieux investigateur ayant recouvré le livre de dépenses, tenu par Frotté, le secrétaire de Marguerite, en a tiré tout le parti possible et en a fait aisément ressortir la preuve journalière de l’humeur bienfaisante et de la libéralité inépuisable de la bonne reine.

110. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

Mais je me soucie de Lamartine ; et quand on fait un livre qui porte son nom, on est tenu à ne voir que lui, — à ne parler que de lui, — à ne creuser que dans cette âme et dans ce génie. On y est tenu, pour l’honneur de l’homme dont on ose parler et pour son honneur à soi-même. […] L’épée du Gibelin et la plume du secrétaire de Cromwell pèsent assez peu, maintenant, dans la balance où se pèsent les mains qui les tinrent ! […] Le succès du Génie du Christianisme tenait aux idées religieuses qui faisaient encore le fond des âmes, et que la révolution avait comprimées et blessées. […] Henri de Lacretelle, où, en parlant de lui, il tient plus de place que lui.

111. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

» Le comte de Gasparin n’en était pas encore là ; il se tient en équilibre sur l’étroite frontière de ce protestantisme universel. […] ontologique, puisqu’elle tient à la nature même des choses. […] Elle devait s’en tenir au commencement des Apôtres ; et le comte de Gasparin s’y tient. Il s’y tient, et il s’y étrangle ! […] Ce sont des hommes d’ordre surnaturel, prêchant des doctrines surnaturelles, et y mêlant, quand ils sont des Massillon et des Bourdaloue, des torrents de notions sur le cœur humain, qu’ils tiennent et tordent dans leurs chirurgicales mains de confesseurs.

112. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Or sus, pour abréger, voyez, magister, à quoi vous voulez vous résoudre, ou venir en prison, ou donner la bonne main à la compagnie avec les écus qui sont restés dans votre robe ; car le voleur ne vous a pris que ceux que vous teniez pour les changer. […] Étends bien la main, te dis-je ; tiens la droite comme cela. […] Toi, Marca, tiens-lui ferme les pieds, qu’il ne puisse faire un mouvement. Toi, Corcovizzo, descends-lui les braies et tiens-les bien bas, et c’est moi qui me charge de l’étriller. […] réplique le Capitan ; le seul récit de mes hauts faits doit suffire à te tenir en vie.

113. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Sans compliments, car vous savez que je n’en sais point faire, j’aimerais bien mieux avoir votre avis que de vous dire le mien ; j’ai trop souvent éprouvé combien, dans tout ce qui tient au sentiment et à l’âme, vous avez le tact supérieur à moi. […] On dit, et peut-être avec raison, qu’il n’y a pas un homme au monde qui ait fait de son esprit le plus grand usage possible ; on peut dire, et peut-être avec encore plus de fondement, qu’il n’y a pas un écrivain qui, dans ses ouvrages, montre à ses lecteurs l’esprit qu’il a : les uns font parade de l’esprit d’autrui, les autres tiennent le leur contraint et captif ; ceux-là n’ont d’avis sur rien, ceux-ci n’osent dire le leur. […] J’écris, comme l’auteur, mes jugements sans beaucoup d’ordre, et à mesure que les idées me viennent ; les écarts qu’il se permet si fréquemment dans ses livres, doivent moins choquer dans celui-ci que dans aucun autre, parce que l’objet en est si vaste, qu’il n’y a, pour ainsi dire, rien qui n’y tienne. […] Rousseau me paraît tenir plus aux sens qu’à l’âme. […] Je suis étonné qu’un écrivain si supérieur ait affecté dans quelques endroits un langage scientifique dont il aurait pu se passer, et qui n’a qu’un air d’étalage ; comme quand il dit que l’homme de la nature est une unité absolue, et que celui de la société est une unité fractionnaire qui tient au dénominateur ; et tout cela pour dire que l’homme isolé est un tout, et que celui de la société n’est que la partie d’un tout.

114. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Déchiffrer la vérité d’une époque sans se servir des noms écrits dans le dictionnaire de la gloire, c’est lire aussi bien dans l’obscurité que dans la lumière, c’est avoir la vue complète, et, endroit et envers de l’histoire, c’est tenir les deux côtés à la fois. […] Et ceci tiendrait-il à un développement nouveau de cet esprit vigoureux, ou au genre du sujet qu’il traite ? […] Avec les événements et les préoccupations actuelles, que serait un livre signé du plus grand nom, s’il ne se rattachait pas aux préoccupations qui nous tiennent asservis et aux événements qui nous poussent ? […] Or, on dira ce qu’on voudra du fanatisme religieux, il marque au moins que les âmes ont leur trempe, que les mœurs se tiennent droites encore, que les probités se surveillent sous le regard, toujours présent, de la Justice éternelle. […] Il concentre la haine universelle, et de cette haine universelle dont Dieu est l’objet, il est résulté dans les âmes, dans les mœurs, dans les probités, l’écroulement de tout ce qui vivait et se tenait autrefois.

115. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Elles nous découvriront à la fois cette part de sincérité et d’artifice qui existe chez tant d’écrivains, chez la femme qui tient une plume, plus encore que chez l’homme ! […] Ce sont là circonstances dont on ne tient pas assez compte, quand on juge dans son ensemble la carrière d’un écrivain. […] Je tiens seulement à souligner les raisons pour quoi Mme Marcelle Tinayre est la plus virile des plumes féminines d’aujourd’hui. […] En vérité, c’est un perpétuel concours que la vie, où nul n’est assuré, si brillants que soient ses succès, de tenir le premier rang. […] j’entends assez ce que l’on peut objecter, et qui tient tout en ceci : les Droits de la passion.

116. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Une autre différence encore qu’il faut noter entre ces dîners, dont probablement un 1858 ne sortira pas, et les banquets dont 1848 est sorti, c’est que les dîneurs intellectuels d’aujourd’hui ont sur les orateurs politiques d’autrefois l’avantage d’être beaucoup moins longs, puisqu’ils ne sont tenus qu’à un mot. […] voilà tout le contingent obligatoire auquel sont tenus ces hommes, modestes par l’offrande, mais immenses par le dévouement, qui, de présent, se donnent la fonction de dîner chez Véfour pour ranimer, dans leurs personnes, l’esprit français, manifestement défaillant. […] Et, au contraire, qu’un homme qui voit juste en cela le dise comme nous, — mais que, pour mieux l’affirmer, il établisse une fondation de post-obit, une espèce de repas des funérailles comme les Écossais en font à la mort de leurs parents, le tout, dit-il, en se moquant un peu de nous, pour ressusciter le défunt, ce qui serait un miracle auquel ne croient pas les Écossais, ni lui non plus, tous les gens d’esprit de France et de Navarre qui l’entendent, cette redoutable impertinence, ne s’insurgent ni ne se gendarment, et disent même, en approuvant : « Tiens, c’est une idée !  […] Il s’est dit qu’aucune dissidence d’opinion, aucune répugnance, aucune animosité, aucune hauteur de caractère ne tiendrait contre le charme d’un dîner galvanisateur, et il a eu raison.

117. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Le mal tient à des causes trop nombreuses, trop invétérées, pour qu’un mieux se produise si vite, en supposant toutefois qu’il puisse se produire. […] Aussi les hommes qui tiennent par tout leur être à la cause du catholicisme, c’est-à-dire de la plus admirable organisation de propagande qui ait jamais existé, distinguèrent-ils d’abord le livre de Nicolas. Ils avaient reconnu, avec le tact des hommes qui savent la place que tient la sensibilité dans les décisions de l’esprit et de la conscience, qu’il naissait à l’Église un bon serviteur de plus, un missionnaire de parole écrite, dont le talent agirait sur les âmes peut-être avec une force plus efficace et plus pratique qu’un talent beaucoup plus élevé, car il serait toujours à la hauteur de cœur, à ce niveau où, qui que nous soyons, forts ou faibles, il faut un jour se rencontrer. […] La meilleure raison qu’on puisse invoquer de cette impossibilité, qui vient de la nature des choses et non de l’intolérance des esprits, tient à l’essence même du protestantisme, à son origine et à sa descendance.

118. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Les xvie et xviie  siècles tiennent lieu aux professeurs de sucres d’orge. […] Il me semble qu’il n’est pas de l’intérêt de la grandeur et de la pensée françaises de tenir pour nul et non venu un siècle qui pourrait aussi bien s’appeler le siècle de Hugo, de Lamartine, de Stendhal, de Sainte-Beuve, de Renan. […] Aucun des autres ne traînera le xixe  siècle dans la boue sans salir les idées qui lui tiennent le plus au cœur, et ce sera bien se conduire en rhinocéros. […] Je ne tiens pas plus à changer ma patrie dans le temps que ma patrie dans l’espace. […] Tel a été le rôle universel, tenu par nos grands écrivains du xixe .

119. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Cette imagination, périlleuse dans la réalité, devint une grande qualité littéraire pour représenter par le roman une société où les affaires et l’argent tenaient tant de place. […] Il ne tient au xviiie  siècle que par certaines audaces et certaines crudités de pensée : par l’aspect extérieur aussi de sa personne intellectuelle. […] Il tient beaucoup à ce qu’il écrit, mais il ne veut pas paraître y tenir. […] Mérimée appartient à la grande période romantique : son œuvre de romancier tient à peu près toute dans une vingtaine d’années, elle est achevée en 1847. […] Ainsi en un sens il tient dans le roman la place que tiennent au théâtre Scribe.

120. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Il tenait de son père pour la constitution physique ; mais, comme tant d’hommes célèbres, pour le dedans et la manière de sentir, il tenait étroitement de sa mère. […] Il n’a pas été d’abord philosophe et métaphysicien, et ensuite poëte ; sa conception et sa forme se tiennent de plus près et ont une bien réelle harmonie. […] Si vous trouviez quelque chose de malsonnant dans l’expression Esprit révolutionnaire, vous seriez dans une grande erreur ; car nous en tenons tous : il y a du plus, il y a du moins sans doute ; mais il y a bien peu d’esprits que l’influence n’ait pas atteints d’une manière ou d’une autre ; et moi-même qui vous prêche, je me suis souvent demandé si je n’en tenais point…. […] Je ne crois pas, comme je vous l’ai dit franchement, que vous soyez tout à fait dans la bonne voie, mais vous y tenez un pied, et vous marcherez gauchement jusqu’à ce qu’ils y soient tous les deux. […] Croyez-moi, la société a été imposée à l’homme, non comme un moyen de parvenir au bonheur, mais comme un moyen de développer ses facultés. » Nous tenons surtout à cette dernière pensée, et M.

121. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Ne s’est-il point trompé quand il dit que feu M. le duc tenait une boutique ? […] Dangeau fut constamment l’organe et l’introducteur ou maître des cérémonies de l’Académie française auprès du roi ; il ne perdit aucune occasion de la servir et de lui montrer qu’il tenait à honneur d’en être. […] Tout cela n’était pas si ridicule, et Duclos, le mordant esprit, parle ici de cette institution, trop tôt déchue, d’un ton reconnaissant, — Enfin, c’était aussi une idée d’homme de lettres chez Dangeau que de tenir registre chaque soir de tout ce qu’il avait vu dans la journée, sans y manquer jamais, et en comblant soigneusement les lacunes quand il faisait de rares absences. […] Dangeau n’a pas la curiosité remuante comme Saint-Simon et ceux qui veulent tout pénétrer, il s’en tient à la face des choses, à l’écorce ; mais il s’attache à être complet là-dessus, et il ne dort tranquille que quand il a mis son registre au courant. […] [NdA] Dangeau, nommé ambassadeur en Suède, s’adressait à Chapelain pour lui demander s’il ne connaîtrait pas « quelque homme de bien et d’érudition qui pût, à des conditions honorables, lui tenir compagnie pendant son voyage de Suède, et lui servir soit par la conversation, soit par la lecture des bons livres anciens et modernes, le divertir des objets désagréables, etc. » C’est ce qu’on apprend d’une lettre (manuscrite) de Chapelain au marquis de Dangeau, datée d’avril 1671.

122. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Je ne prendrai pas pour exemple, dans ce volume même, tout ce qui tient au blocus continental et à ces questions de douanes qu’il fait suffisamment comprendre, à la seule condition d’y donner tout leur développement : mais si l’on s’attache à cette expédition de Masséna en Portugal, expédition ingrate s’il en fut, pleine de mécomptes, où tout avorte, où les combats acharnés restent indécis, où personne n’a d’illusions, et où, si peu qu’on en ait, le résultat trouve encore moyen de tromper un reste d’espérance ; si l’on suit cette expédition dans l’Histoire de M.  […] Comment tenir la balance, lors même qu’on serait de ceux qui auraient tenu ce jour-là l’épée ? […] On lit dans une lettre de Napoléon à Berthier, du 19 septembre 1810 : Mon cousin, faites partir demain un officier porteur d’une lettre pour le prince d’Essling, dans laquelle vous lui ferez connaître que mon intention est qu’il attaque et culbute les Anglais ; que lord Wellington n’a pas plus de 18000 hommes dont seulement 15000 d’infanterie, et le reste de cavalerie et d’artillerie ; que le général Hill n’a pas plus de 6000 hommes d’infanterie et de cavalerie ; qu’il serait ridicule que 25000 Anglais tinssent en balance 60000 Français, etc. […] Mais ceci tient à tout un système général d’écrire l’histoire, et nous sommes ramené à la préface de M.  […] Thiers (à la page 70), et commençant ainsi : « Cet illustre défenseur de l’Église, etc. », qui est bien la chose la plus flattée, la plus épurée et la moins réelle ; il n’y est tenu aucun compte de la nature grossière, jointe au talent, et de la déconsidération trop méritée du cardinal Maury.

123. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

De deux maux, il choisit le moindre ; il préfère encore le jeter du côté des Jésuites, car il sait bien qu’il ne peut se tenir et marcher seul. […] Il n’est pas moins clair que le duc de Bourgogne cherchait, étudiait toujours, et n’avait rien trouvé de précis, n’avait rien de positivement arrêté ; que ses intentions étaient droites, pures, chrétiennes, tournées tout entières au bonheur et au soulagement des peuples, mais qu’avec tant d’instruction et le désir continuel d’en acquérir encore, il manquait de lumières supérieures, de génie politique, de ce génie qui tient surtout au caractère et à la conduite, à la décision de vue dans les crises, bien plus qu’aux règlements écrits et aux procédés mécaniques de constitution. […] Cette question de la comédie lui tenait à cœur. […] » — « Bien des gens, répondit le prince, prétendent que, s’il n’y en avait point, il y aurait encore de plus grands désordres à Paris : j’examinerais, je pèserais mûrement le pour et le contre, et je m’en tiendrais au parti qui aurait le moins d’inconvénients. » Et son biographe ajoute que ce parti eût été sans douté celui de laisser subsister le théâtre, en le réformant sur le modèle des pièces composées pour Saint-Cyr. […] On l’attribua à l’assiduité avec laquelle il tenait la plume et le crayon.

124. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Que ceux qui veulent chasser avec moi, se tiennent prêts. […] Près du courant de la source, il se tenait, le superbe étranger. […] S’il avait tenu son épée, Hagene était mort. […] quelle souffrance est la tienne ! […] Ils tenaient cela pour certain.

125. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Il tient de Sophocle, et Corneille tiendra de lui. […] Weill était un des plus dignes chefs, tenait à honneur de mal écrire. […] qu’à cela ne tienne, on les lui donne pour rien. […] Les impuissants et les mal doués n’y sauraient tenir longtemps. […] Aurélien Scholl avait tenu à se servir de cette arme.

126. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

« Sire, répondit le poëte, rien n’est impossible à Votre Majesté ; elle a voulu faire de mauvais vers, et elle y a réussi. » Louis XIV, avec son grand sens, se le tint pour dit. […] Mais, dans le dernier cas, l’extrême infériorité du ton tient surtout à une autre espèce d’entraves. […] Un tel travail de traduction suppose en effet une application littéraire qui tient au métier. […] La protectrice de Bonaventure des Periers, la reine de Navarre, y tient une grande place. […] Champollion a relevé cet oubli, qui tient à plus d’une cause.

127. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

Elles nous semblent être de deux espèces : les unes tiennent à l’histoire, les autres à l’historien. […] Une balance religieuse et politique tient de niveau les diverses parties de l’Europe. […] Le christianisme a été l’ancre qui a fixé tant de nations flottantes ; il a retenu dans le port ces États qui se briseront peut-être, s’ils viennent à rompre l’anneau commun où la religion les tient attachés.

128. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Il n’a que trois étoiles, — très insuffisantes pour éclairer le monde et pour nous y faire voir distinctement ce qu’il tient à nous y montrer. […] Franchement, je ne sais trop comment m’y prendre pour vous parler convenablement d’un livre dont le caractère est la platitude, — une platitude comme je n’en ai jamais vu, — une platitude ineffable, qui ne ressort ni de la critique sérieuse ni même de la plaisanterie, et dans lequel, si par hasard le Diable y était pour quelque chose, je le tiendrais, lui qu’on a toujours regardé comme une personne d’esprit, pour complètement déshonoré ! […] Malheureusement il ne s’agit pas de le dire, il faut le prouver, chose duriuscule pour notre abbé Trois-Étoiles, lequel tient la plume pour son héros et ne peut lui donner que ce qu’il a. […] — le mariage des prêtres, — réclamé, exigé avec la furie d’un homme qui n’en peut plus, qui n’y tient plus, et pour qui c’est la grande question, la question pressée ! […] Une remarque à faire en passant, c’est que tous ces drôles qui sont, comme le Julio, issus du Vicaire Savoyard, ont le goût pour la botanique de Rousseau, leur père ; seulement, Julio y joint le goût de la géologie, et, comme madame Sand, qui fait présentement des voyages dans le cristal, il fait des voyages dans la pierre et passe sa vie, au lieu de dire son bréviaire comme tout curé y est tenu, à casser de petits cailloux pour leur regarder dans le ventre.

129. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Étant spécial, il doit tenir à des causes spéciales, qu’il importe de déterminer. […] Parmi ces faits, il en est qui tiennent évidemment à un appauvrissement de la vie normale. […] Nous n’avons que faire du souvenir des choses pendant que nous tenons les choses mêmes. La conscience pratique écartant ce souvenir comme inutile, la réflexion théorique le tient pour inexistant. […] Nous tenons l’objet réel : que ferions-nous de l’image virtuelle ?

130. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

La petite s’approcha du berceau. — Tiens ! […] Diki-Barine était le seul dont la figure restât impassible ; il se tenait toujours immobile. […] Morgatch se détourna ; Obaldouï se tenait tout attendri, la bouche ouverte. […] Jamais la bécasse ne se tient dans le fourré, il faut l’aller chercher sur la lisière du bois. […] Pièce froide et sans fenêtres qui tient lieu d’antichambre dans les maisons des paysans russes.

131. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Mais elle tenait à son pays, à sa souche allemande, à son Rhin allemand, par d’autres souvenirs que par celui des mets et de la cuisine nationale : elle aimait la nature, la campagne, la vie libre, un peu sauvage ; ses impressions d’enfance lui revenaient avec des bouffées de fraîcheur. […] Elle fit abjuration à Metz… Madame, en effet, fut sincère dans sa conversion : pourtant elle y porta quelque chose de sa liberté d’esprit et de son indépendance d’humeur : « Lors de mon arrivée en France, dit-elle, on m’a fait tenir des conférences sur la religion avec trois évêques. […] Elle-même s’est plu de tout temps à faire acte de laideur ; on dirait qu’elle y tient : Il n’importe guère que l’on soit beau, et une belle figure change bientôt ; mais une bonne conscience reste toujours bonne. […] C’est par là qu’elle tient un coin unique dans la cour de Louis XIV. […] Si je n’avais eu la fièvre et de grandes vapeurs, madame, du triste emploi que j’ai eu avant-hier d’ouvrir les cassettes de Monsieur, toutes parfumées des plus violentes senteurs, vous auriez eu plus tôt de mes nouvelles, mais je ne puis me tenir de vous marquer à quel point je suis touchée des grâces que le roi a faites hier à mon fils, et de la manière qu’il en use pour lui et pour moi : comme ce sont des suites de vos bons conseils, madame, trouvez bon que je vous en marque ma sensibilité, et que je vous assure que je vous tiendrai très inviolablement l’amitié que je vous ai promise ; et je vous prie de me continuer vos conseils et avis, et de ne jamais douter de ma reconnaissance qui ne peut finir qu’avec ma vie.

132. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Revenons à ma promenade solitaire… Il s’interroge alors sur les causes de ce bonheur ; il se demande à quoi tient cette impression d’intime contentement : il sent que c’est qu’il est dans sa voie et qu’il est rentré dans une situation d’accord avec toute son organisation physique, laquelle a été faite pour le repos plus que pour les passions. […] J’ai cherché ce qui constitue mes moments heureux, et j’ai toujours éprouvé qu’ils tenaient à un certain état de mon être, absolument indépendant de mon vouloir… Moi-même qu’ai-je fait de bien lorsque je me trouve dans cet état de calme dont je désire la prolongation ? […] Les révolutions spontanées, continuelles, que je n’ai cessé d’éprouver, que j’éprouve encore tous les jours, ont prolongé la surprise et me permettent à peine de m’occuper sérieusement des choses étrangères, ou qui n’ont pas de rapport à ce phénomène toujours présent, à cette énigme que je porte toujours en moi, et dont la clef m’échappe sans cesse en se montrant sous une face nouvelle, quand je crois la tenir sous une autre. […] C’est la cause qui m’a rendu psychologue de si bonne heure. » Doué par la nature de la faculté d’aperception interne, il ne tient pas à lui qu’on ne croie que cette aptitude qu’il a est due à une maladie ou à une manie. […] L’exercice des facultés que j’ai le plus cultivées et auxquelles je tiens le plus est toujours en moi plus ou moins pénible, et je n’ai presque jamais le sentiment de force et d’aisance dans leur exercice. » Tout le journal que nous avons sous les yeux est la preuve de ce labeur et de cette difficulté continuelle.

133. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Après ses premiers succès à l’Opéra-Comique, des difficultés matérielles et l’intérêt de son père la contraignirent à sacrifier l’avenir au présent et à accepter un engagement pour Bruxelles, où elle tint l’emploi des jeunes premières dans la comédie, et des jeunes Dugazons dans l’opéra. […] de Sophie Arnould, un auteur manqué qui n’avait jamais eu que des moitiés ou des quarts de succès, un candidat-lauréat perpétuel à l’Académie, mais qui, à travers ses ridicules, n’était point dépourvu de connaissances, ni d’esprit, ni même d’un certain goût, s’était pris d’affection pour la jeune actrice, et il tenait à lui donner des conseils. […] Joanny voulait jouer les rôles qui conviennent à présent à son âge, il pourrait ravoir la faveur du public ; mais il tient plus que jamais aux rôles des amours ; que veux-tu que j’y fasse ? Ce n’est pas ma faute ni la tienne. […] Il n’aurait pas tenu à Mme de Launay que Mme Valmore ne fût comme elle une rieuse.

134. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Nous tenons là sur le fait l’espiègle, le petit libertin, comme dirait le cardinal Fleury ou madame sa maman. […] A de telles déterminations, qui tiennent de si près à la conscience et à la morale intime, il n’y a rien à opposer ; l’idée qu’on peut se faire du cœur de Gresset gagne plutôt à le voir ainsi se dérober à ce qui eût tenté la plupart. […] Il ne tiendrait pas à M. de Cayrol que nous ne vissions dans ces années de retraite de Gresset l’époque la plus remplie littérairement et la plus fertile de sa vie. […] et est-il bien vrai alors qu’on en ait eu réellement auparavant, j’entends du vrai goût, du franc, du meilleur, de celui qui tient à la première nature ? […] Mais la duchesse de Chaulnes le tient apparemment dans ses fers, comme Mme du Châtelet Voltaire.

135. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Tandis que la postérité acceptait, avec des acclamations unanimes, la gloire des Corneille, des Molière, des Racine, des La Fontaine, on discutait sans cesse, on revisait avec une singulière rigueur les titres de Boileau au génie poétique ; et il n’a guère tenu à Fontenelle, à d’Alembert, à Helvétius, à Condillac, à Marmontel, et par instants à Voltaire lui-même, que cette grande renommée classique ne fût entamée. […] Et lorsque dans leurs idées de réforme, ils ont décidé de revenir à l’antiquité grecque et romaine, toujours fidèles à cette logique incomplète du bon sens qui n’ose pousser au bout des choses, ils se tiennent aux Romains de préférence aux Grecs ; et le siècle d’Auguste leur présente au premier aspect le type absolu du beau. […] Alors les arts, au lieu de vivre et de cohabiter au sein de la même sphère et d’être ramenés sans cesse au centre commun de leurs rayons, se tenaient isolés chacun à son extrémité et n’agissaient qu’à la surface. […] Les dîners de la rue du Vieux-Colombier s’arrangent pour chaque semaine, et Boileau y tient le dé de la critique. […] Je ne blâme pas ces soins ; bien loin de là, je les honore, et j’en profite ; le moment en était venu sans doute ; mais l’opiniâtreté du labeur, chez ceux qui s’y livrent, remplace trop souvent la vivacité de l’impression littéraire, et tient lieu du goût.

136. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Chaque femme d’esprit et de sensibilité, à son exemple, tenait registre de ses impressions, de ses souvenirs, de ses rêves ; elle écrivait en petit ses Confessions, fussent-elles les plus innocentes du monde. […] Les larmes me venaient aux yeux, je ne pouvais plus y tenir. […] Tenez, soyez de bonne foi et ne me cachez rien, c’est l’ennui ; ce n’est pas autre chose. […] De grâce, ne manquez pas votre vocation : il ne tient qu’à vous d’être la plus heureuse et la plus adorable créature qu’il y ait sur la terre, pourvu que vous ne fassiez plus marcher l’opinion des autres avant la vôtre, et que vous sachiez vous suffire à vous-même. […] Quand il était obligé de quitter Paris, c’était elle qui tenait la plume à sa place, et qui, sous la direction de Diderot, continuait sa Correspondance littéraire avec les souverains du Nord.

137. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Grimm n’est point pour cette critique pesante, routinière, et qui tient du procès-verbal. […] Le but, pourtant, et l’utilité de cette méthode, à une époque où les communications étaient moins faciles, était de tenir les savants des divers pays au courant des écrits nouveaux, et de les leur offrir du moins par extraits fidèles et sûrs, en attendant qu’ils pussent se procurer l’ouvrage même. […] Son opinion a d’autant plus de poids qu’il sent plus profondément le génie des maîtres de notre scène, et qu’il les tient pour plus conformes au génie même de la société française. […] Ses Mémoires secrets, « ouvrage qui tient un milieu fort intéressant entre le genre des mémoires particuliers et celui de l’histoire générale », sont aujourd’hui le seul livre à lire de lui : justice leur est rendue par Grimm en quinze lignes. […] Il fit, dès le premier jour, à ce grand mouvement presque universel, des objections sensées, froides, qui portaient sur tout ce qu’il y avait d’illusoire dans le vertige du moment, mais qui ne tenaient point assez compte de ce qui s’y agitait de profond.

138. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

On ne sait à quoi tient ce louche du local, si ce n’est peut-être au défaut de la perspective, à la bizarrerie occasionnée par la difficulté d’agencer sur une même scène des évènemens disparates. […] J’en suis fâché, Monsieur Doyen, mais la partie la plus intéressante de votre composition, cette mère éplorée, ces suivantes qui l’entourent, ce père qui tient son enfant, tout cela est manqué net. […] Et le malade qui s’élance de l’hôpital, et la mère agenouillée qui supplie, et les trois suivantes qui la servent, et le mari qui tient l’enfant, tous ces objets forment un chaos, une masse compacte de figures. […] C’est que Michel qui tient l’école laissera bientôt vacante une place à laquelle ils prétendent tous. […] Qu’il mette un peu de plomb dans sa tête ; que ses compositions deviennent plus sages, plus décidées ; que les figures en soient mieux assises ; qu’il n’entasse plus tête sur tête ; qu’il étudie plus les grands maîtres ; qu’il s’éprenne davantage de la simplicité ; qu’il soit plus harmonieux, plus sévère, moins fougueux, moins éclatant, et vous verrez le coin qu’il tiendra dans l’école française.

139. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Nous tiendrons ce synchronisme pour un point de départ des temps nouveaux. […] Elles tiennent la place la plus honorable dans le cortège funèbre du genre. […] Nous tenons aujourd’hui, comme y ont tenu les contemporains, à maintenir dans le paysage de Chateaubriand cette fumée auguste d’autel antique. […] Un seul était artiste, tenait les clefs des écluses, Chateaubriand. […] Il se tient en disponibilité sept ans.

140. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

On demande à quoi tient l’autorité royale, ce qui la fonde et ce qui la sanctionne, de qui le roi tient son droit, à qui il est responsable. […] Et maintenant tout se tient. […] Ils servent à prouver que tu es femme et que tu te tiens pour telle. […] Dieu sait si de Bonald y tient ! […] Mais elle tient surtout à la date où de Bonald écrivait.

141. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Ceux-ci en général (le grand Coray à part), se sentant après tout les fils de la vraie race, ont trop négligé l’érudition proprement dite ; ils se sont trop conduits comme les descendants d’une grande famille ruinée, mais qui, fiers de parler la langue de leur nourrice, la langue de leur maison, s’y tiennent et négligent les autres sources d’instruction et les autres moyens d’éclaircissement comme n’étant proprement qu’à l’usage des étrangers. […] L’ancienne Université y tenait pourtant par principes ; lorsque des amateurs instruits, comme Guys dans ses Lettres sur la Grèce, protestaient contre cette routine si pleine de cacophonie, les savants de profession, comme Larcher, s’efforçaient de démontrer que ce n’était pas routine, mais raison, et ils répondaient, sans se déconcerter, aux exemples tirés de la tradition, qu’après la prise de Constantinople par les Turcs, les savants grecs qui s’étaient réfugiés en Italie y avaient porté leur prononciation vicieuse. Voilà ce que nous nous permettons d’appeler des préjugés ; mais ce n’est là qu’un détail, et le désaccord qui se rapportait à la prononciation en couvrait d’autres qui tenaient au fond des choses. […] Dans une foule de cas, ils n’ont qu’à se ressouvenir, à faire acte d’une analogie rapide ; ils n’ont pas cessé en effet, même dans ce fleuve diminué, de tenir, si l’on peut dire, le fil du courant.

142. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Quant au jeune groupe dont nous voulons parler, et qui se comporta, sinon plus sagement, du moins avec plus d’esprit et de décence, le fait principal qui le concerne, c’est qu’il se dispersa à l’instant, et que l’ensemble des idées qui avaient l’air de se tenir pour un bon nombre d’années encore, s’éparpilla en un clin d’œil comme le plus vain des nuages. […] Lerminier n’est nullement tenu de répondre à une objection d’une telle exigence. […] Lerminier, qui n’était pas tenu à être surtout bienveillant, n’a franchi ni l’équité stricte ni la convenance d’usage avec les gens qu’on se donne pour adversaires. […] Le peuple de juillet n’ira pas calquer trait pour trait l’Amérique, pas plus qu’il ne s’en est tenu au babil satirique d’Athènes.

143. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Laissez-moi même dire que le monde ferait peut-être bien de nous écouter davantage et de tenir plus de compte de nos timides observations. […] Nous autres, que beaucoup de circonstances ont tenus jusqu’ici en dehors de la grande arène du monde, nous avons des nerfs moins excités, un sens plus rassis. […] Dès que je leur ai parlé breton, ils m’ont tenu absolument pour un des leurs. […] On ne comprend rien à l’humanité, si l’on s’en tient aux vues d’un individualisme étroit.

144. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Il s’était fait un régime de vie accommodé à ses études, qui tînt son âme dans la moindre dépendance possible du corps. […] Mais c’est surtout par sa méthode que le père de la philosophie moderne tient une si grande place dans l’histoire de notre littérature. […] La foule la plus entraînée éprouve un certain respect pour celui qui se tient à l’écart ; elle sent involontairement qu’elle agit plus par passion que par raison, et qu’en ne la suivant pas on fait preuve de raison. […] Ce qui ne veut pas dire, on le comprend de reste, l’homme qui raisonne ou enseigne, mais l’homme qui sent, imagine, s’émeut, se passionne dans une mesure telle, que tout lecteur se reconnaît dans ses écrits, et que nous tenons pour nôtres ses sentiments, ses passions et sa raison. […] Je suis sûr d’y découvrir un certain défaut familier, un côté où penche son esprit, faute de force pour se tenir en équilibre ; une faiblesse qu’il a su rendre séduisante par l’adresse dont il la déguise.

145. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Bourget, n’imitait Stendhal que dans la mesure où tout débutant est tenu d’imiter quelqu’un. […] Il n’est pas difficile de voir la place qu’y tient M.  […] Il a tenu le coup et il a réussi en choisissant cette voie étroite et paradoxale. […] À partir de Walter Scott ce rôle de « natures » est tenu en Occident par des romanciers. […] D’une part, les femmes auteurs tiennent plus de place dans le premier que dans le second.

146. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Mais nous tenons l’homme dans sa génération directe, et nous nous heurtons à ses limites. […] Cette réponse n’est pas toujours facile, et, même lorsqu’on croit savoir à quoi s’en tenir, il n’est pas bon toujours de trahir de tristes et arides vérités. […] Il a sur les cérémonies, et même sur des points de dogme, des poussées de hardiesse qui semblent ne plus vouloir s’arrêter ; mais cela ne se tient pas. […] Ce grand magistrat n’avait guère alors plus de quarante ans ; il avait l’âme libérale et généreuse, et portée vers toutes les nobles idées de son siècle, en même temps qu’il tenait de la force du précédent. […] Gui Patin et son cher fils Carolus, l’amateur d’histoire et de médailles, y tenaient leur bonne place.

147. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Il aurait donc tenu avant tout à être mis à même, une bonne fois, de confondre sur ce terrain ses détracteurs. […] Ney et son chef d’état-major avaient dû suppléer à tout, et il n’avait pas tenu à ce dernier que la direction donnée à l’attaque ne fût plus centrale et plus décisive encore. […] Jomini ne fut donc point promu à un grade supérieur ; mais, loin de là, Berthier obtint contre lui un ordre pour lui faire garder les arrêts pendant quelques jours, en se fondant sur la nécessité de tenir les chefs d’état-major des corps dans la dépendance du major général. […] … Envoyé aux arrêts, mis à l’ordre comme un chef d’état-major incapable, après ce que je viens de faire à Bautzen, et au moment où j’attends une promotion pour prix d’une conduite que peu d’officiers auraient osé tenir !! […] Mais l’empereur Alexandre tenait bon et ne se laissait pas entamer ; M. de La Harpe était désormais à son poste près de son ancien élève, et, comme le dit M. 

148. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Dans la plupart des cas, pour édifier en lui l’illusion d’être ce qu’il croit être, il s’en tiendra à cette imitation des apparences qui n’exige l’accomplissement d’aucun acte effectif. […] C’est le cabotin qui joue ses rôles à la ville, et, comme il tient au théâtre les rôles humanitaires, il se croit une mission sociale : il est Christ et sauveur. […] Pour se persuader qu’elle est ce qu’elle veut être, elle ne s’en tient pas aux gestes décoratifs que l’on vient de décrire mais elle ose accomplir des actes véritables. […] Il lui faut donc, après avoir falsifié sa propre sensibilité, falsifier les conditions extérieures auxquelles elle est soumise ; il lui faudra encore falsifier l’être intime de celui à qui elle décidera de faire tenir le rôle principal dans son rêve sentimental. […] Elle ne perçoit pas cette commune réalité qui tient peut-être sa consistance et sa force de ce qu’elle est l’œuvre collective de tous les hommes.

149. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Toute l’immoralité qu’il peut avoir ou qu’il peut affecter tient à cela. […] Dans l’esprit du discuteur l’argument, si souvent envoyé, reçu et renvoyé, devient une chose tout extérieure qui ne tient plus à vous et à qui l’on ne tient plus. […] Mais vous ne tenez ni à être chrétiens ni à être forts. […] Supprimons-les ; tenons-les comme n’existant pas. […] Sans cela, ils ne tiendraient pas le moins du monde à être élus députés.

150. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Qui se tient, qui existe. […] Que nous autres Français nous tenons. […] Tout tient à elle. […] Tenez, en voilà un, un outrage. […] De qui tiendrais-je mon pouvoir.

151. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Tous ceux qui ont eu à passer sur un des chemins que M. de Maistre a traversés savent à quoi s’en tenir sur son exactitude et ses scrupules en matière de citation. […] Dès qu’on n’est pas de l’avis de Lamennais, de l’opinion et du système qu’il tient pour vrai dans le moment, il vous insulte et vous injurie ; il vous appelle imbécile, idiot, et vous loge aux petites maisons ; c’est sa formule invariable : Le sentiment que fait éprouver la lecture de l’Essai sur l’indifférence, dit M.  […] Il nous semble qu’il y a là un manque de goût littéraire, et que ce manque de goût tient au vice fondamental du talent de Lamennais, la tendance à l’emphase et à la déclamation. […] L’un de ceux qu’il traite avec le plus de sévérité en croyant peut-être le traiter encore avec indulgence, est en ce moment hors de la patrie ; un autre est comme un combattant, longtemps redouté, qui ne tient plus, à l’heure qu’il est, cette plume dont il faisait une épée. […] Scherer lui-même avait peut-être besoin d’être signalé à la classe plus nombreuse de lecteurs auxquels je désire qu’il s’adresse dorénavant, et j’ai tenu à le faire sans retard ; c’était justice à la fois et plaisir ; j’aime assez à sonner le premier coup de cloche, comme on sait.

152. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Au lieu de s’en tenir aux livres et aux procédés en usage dans son pays, il voyagea et le fit avec ordre, méthode, en tenant note et registre de chaque observation, sans rien laisser d’inexploré ou d’étudié à demi. […] En voulant déterminer les conditions principales d’une industrie, il en vint à reconnaître que le procédé technique n’était plus que la chose secondaire et que la condition essentielle tenait le plus souvent à un ressort moral, à un sentiment de fixité, de stabilité, d’affection et d’attachement au sol ainsi qu’à l’œuvre collective et à la communauté dont on fait partie. […] Une après-midi qu’il était avec son truchement à interroger le chef de famille, deux femmes entrèrent brusquement sous la tente, et l’une d’elles assaillit de paroles très vives le pauvre homme qui était son mari et qui se tenait coi, l’oreille basse. […] C’est le même langage uni et simple que dans son livre, avec l’abondance de plus, avec la particularité et un certain accent qui grave Il y a lieu de croire que la Révolution de 1848, les graves problèmes qu’elle souleva et les sombres pensées qu’elle fit naître, introduisirent un degré d’examen de plus dans quelques parties du livre, et tinrent plus constamment en éveil l’attention de l’observateur sur le principe moral qui maintient dans l’ordre certaines populations d’ouvriers, moins avancées et plus heureuses pourtant que d’autres. […] Par bonheur, je le répète, il a l’insouciance tant qu’il a sa plume, comme le militaire tant qu’il tient l’épée.

153. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

La complaisance qu’on a pour ses idées, la peine qu’on éprouve à se retrancher, à repousser un trait d’esprit ou une pensée originale, font qu’on manque sans cesse aux lois de la proportion, qu’on développe les parties au gré de sa fantaisie et de son plaisir, non pas selon leur importance, et qu’on produit des œuvres boiteuses, bossues, des monstres difformes qui ne se tiennent pas debout et qui ne sauraient vivre. […] Il arrive que, dans cette liberté vagabonde qu’on donnait à sa pensée, lorsqu’on rêvait sur le sujet à traiter, on a rencontré des idées gracieuses, spirituelles, originales : elles ne tiennent peut-être pas de très près au sujet ; il faudra se détourner un peu pour les montrer au lecteur ; elles ne sont pas non plus toujours d’accord avec les vraies raisons ou les faits essentiels, avec le ton ou le sens général du développement. […] Il n’y a point de beauté ou d’esprit qui tienne : le premier mérite, le mérite fondamental de toute partie, de la plus petite comme de la plus grande, c’est de servir à soutenir le tout ; la grâce, le piquant, le plaisant, le sublime s’ajouteront par surcroît : il faut d’abord que la chose contribue à prouver ou à peindre, à pousser l’œuvre vers la fin qui lui est assignée. […] Mais les idées se tiennent entre elles ou peuvent se tenir par une infinité de relations : elles peuvent occuper dans le plan dessiné une quantité de places. […] Un récit ne sera vraisemblable que par telle petite circonstance, qu’il faudra tenir toujours présente sous les yeux du lecteur : la dire une fois, ce serait tout risquer, on ne saurait la trop rappeler.

154. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

C’est un sentiment qui tient tout entier dans le mot de cette Napolitaine qui disait que son sorbet était bon, mais qu’elle l’aurait trouvé meilleur s’il avait été un péché. […] Par exemple, le ressouvenir des obligations de la pudeur chrétienne, encore qu’on ne se croie plus tenu par elles, nous rend plus exquis les manquements à cette pudeur. […] Le farouche écrivain développe, exprime violemment, abondamment — et longuement — les actes et les sentiments de ses personnages : il ne les explique jamais, et ne saurait en effet les expliquer sans éliminer le diable — auquel il tient plus qu’à tout. […] » Je me le tiens pour dit, et je tâche de transformer mon étonnement en admiration. […] comme il tient !

155. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

L’éditeur anonyme de ce portefeuille de Madame Récamier, trié et surveillé, l’éditeur qui fait la main pieuse, déposant, de nuit, des fleurs sur un tombeau, nous raconte tout ce qui lui plaît sans mettre hardiment, en se nommant, comme il y était tenu, le poids de sa moralité et de son autorité en tête des récits qu’il nous donne et qu’il faudrait appeler, car c’est là leur vrai titre : Souvenirs sur Madame Récamier, par une personne qui l’a bien connue, mais qui n’a pas voulu y mettre son nom. […] Elle qui n’avait besoin que de son sourire pour consoler, elle ne s’en tenait pas au sourire. […] , Adrien et Mathieu de Montmorency, Lémontey (qui n’y est pas assez), toute une société, enfin, de gens très comme il faut, mais qui n’ont sur rien une idée nouvelle, et qui ne savent que geindre entre eux parce que Napoléon envoyait Madame de Staël à Coppet, vivre en millionnaire dans le plus pittoresque pays d’Europe, quand elle tenait à épigrammatiser contre l’Empire sur le bord de son ruisseau de la rue du Bac. […] Nous croyons, nous, et nous soutenons, que des publications semblables, qui promettent par le titre ce qu’elles ne tiennent pas par le livre, ne sont ni plus sauvées, ni plus excusées, ni plus couvertes par les plus attendrissantes intentions que par les avidités de bruit ou d’argent les mieux calculées. […] Il n’y a d’intérêts qui tiennent ici que deux seuls intérêts pour que la chose reste morale : c’est l’intérêt de réputation de celui qui a écrit les lettres, et l’intérêt de jouissance intellectuelle de celui qui les lira.

156. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Cette science du Beau, à la pousser à sa limite, à la creuser jusqu’aux principes, on lui découvre des racines profondes qui tiennent à la constitution de notre être. […] Par leurs tendances positivistes les parnassiens s’en tiennent à la simple description. […] Je tiens un absolu : je ne réfléchis rien, je suis cela. […] » Pourtant devant qui vous prierait, par cet exemple vécu, de faire tenir ma vie en une définition, vous demeureriez muet. […] Citons encore la vision qui fut donnée au prophète Élie : « Une voix lui dit : “Sors et tiens-toi devant l’Éternel” ; et en effet l’Éternel passa.

157. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Il ne leur disait rien ; même avant qu’il les eût attaquées, elles avaient de l’éloignement pour lui et se tenaient froides et à distance. Lorsqu’il eut lancé contre elles sa fameuse Satire, aucune ne se présenta pour arracher au poète chagrin un démenti et ne tint à honneur de l’obliger à se dédire : elles en eussent été pour leurs frais. […] Pour moi, grâces au Ciel, j’ai bien fait toutes mes épreuves ; je sais à quoi m’en tenir sur le cœur des autres et sur le mien. […] Il tient comme un diable à l’opinion du moment, qu’on est tout étonné de le voir abandonner le quart d’heure d’après, sans qu’on l’eu prie. […] Bergounioux, qui les envoya à ce journal, les tenait de M. 

158. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Dans les sermons de Bossuet, la doctrine tient plus de place que la morale. […] Cependant le Christ tient plus de place que Dieu dans les sermons. […] Le mystère, le dogme, sauf dans quelques sermons de pure théologie, n’y tiennent que le second rang. […] Il se tient à l’écart, il le regarde de loin, dans la foule, plus ébloui qu’attiré par l’auréole lumineuse qui entoure sa tête. […] Il se tient à égale distance d’une spiritualité aride et du culte grossier des images.

159. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

À ses côtés, le coude sur la table, se tient une femme d’un certain âge, aux beaux traits un peu sauvages, une sorte de médaille de gitana. […] Il se jura qu’on ne rirait plus de lui, et il se tint parole, en se séchant à fond. […] Ce monde va à un jeune efflanqué, que trois femmes en haillons tiennent et battent avec des gifles qui cassent, sur sa tête, son chapeau de haute forme. […] Alors on a jeté une serviette sur sa tête, pour qu’elle ne se voie pas, pendant que deux internes lui tenaient les bras, et lui parlaient… M.  […] tiens, ça c’était plus horrible que tout… j’ai fermé les yeux… on lui a mis les grosses éponges… elles entraient toutes, toutes… On ne les voyait plus !

160. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Niel s’est attaché dans sa collection à ne reproduire que ce qu’il y a de plus authentique et de tout à fait original, et il s’en est tenu à une seule espèce d’images, à celles qui sont dessinées aux crayons de diverses couleurs par les artistes du xvie  siècle : « On désignait alors par le nom de crayons, dit-il, certains portraits sur papier exécutés à la sanguine, à la pierre noire et au crayon blanc ; teintés et touchés de manière à produire l’effet de la peinture elle-même. » Ces dessins fidèlement reproduits, et où la teinte rouge domine, sont dus primitivement la plupart à des artistes inconnus, mais qui semblent être de la pure lignée française. […] Elle tenait un intervalle, car bien peu pouvaient admettre qu’elle aspirât à occuper la place même. […] Henri IV venait tenir à Rouen l’Assemblée des notables. […] Quand elle était en habit de cheval, elle aimait la couleur verte : Le vendredi 17 mars (1595), dit L’Estoile, il fit un grand tonnerre à Paris avec éclairs et tempête, pendant laquelle le roi était à la campagne, qui chassait autour de Paris avec sa Gabrielle, nouvellement marquise de Montceaux, côte à côte du roi qui lui tenait la main. […] Mais, en admettant ces obligations, il serait singulier qu’un homme de bon sens et de ferme jugement, comme Sully, fût tenu d’affaiblir son opinion d’historien sur une femme, parce qu’elle lui aurait rendu quelques bons offices dans un intérêt tout personnel.

161. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Toutes les religions se tiennent, et celle envers Dieu venant à lui manquer ne faisait qu’annoncer que son culte pour la mémoire de Marianne allait finir. […] Malgré tout cela, après quelque temps, après quelques années de ce genre de vie, Lassay, qui avait remis un pied dans la société tout en ayant l’autre dans la retraite, comprit trop bien qu’il n’y pouvait tenir, et que ce qui, dans le principe, avait été de sa part une consécration pieuse envers une chère défunte, n’était plus qu’une gageure d’amour-propre envers le monde. […] Il passait alors pour un homme léger, qui, avec de l’esprit, n’avait fait que des folies, qui avait obéi à des fantaisies et à des fougues, qui avait pris de grands partis sans les tenir : Impie, dévot, jaloux amant, Courtisan, héros de province, disait ou allait dire de lui la chanson ; on l’appelait le Don Quichotte moderne ; des gens qui valaient moins que lui par l’esprit et par le cœur le raillaient, et il n’y était pas insensible. Cette considération, qui le fuyait et qu’il ne rattrapera point, était précisément ce qui lui tenait le plus à cœur : vers la fin, il la regagna petit à petit et en détail moyennant les longues années qu’il vécut, mais jamais à temps ni avec éclat, et sur le pied qu’il aurait souhaité. […] Le mécontentement de Louis XIV tenait à ce que Lassay avait quitté le servies quelque temps après son mariage.

162. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

D’Aubigné s’accoutuma donc à assembler en sa nature passionnée bien des contraires qui, en d’autres temps, n’eussent pas tenu bon et n’eussent point résisté en lui avec cette hauteur et cette âpreté. […] L’auteur n’y perd jamais de vue un plan de composition et même une symétrie extérieure qu’il s’est imposée : c’est ainsi qu’il termine tous ses livres (et il y en a cinq dans chaque tome) par un traité de paix, ou, quand la paix fait faute, par quelque édit ou trêve qui y ressemble : il tient à couronner régulièrement chaque fin de livre par ce chapiteau. […] » Dans une Histoire contemporaine comme celle qu’il écrit et où il est témoin et quelquefois acteur, il lui est difficile de ne point parler de soi ; il n’évite pas ces sortes de digressions ou d’épisodies, selon qu’il les appelle ; il s’y complaît même ; toutefois, malgré le coin de vanité et d’amour de gloire, qui est sa partie tendre, il a soin le plus souvent de ne pas se nommer, et ce n’est qu’avec quelque attention qu’on s’aperçoit que c’est lui, sous le nom tantôt d’un écuyer, tantôt d’un mestre de camp, qui est en cause dans ces endroits, et qui donne tel conseil, qui tient tel discours. […] Il intervient plus d’une fois dans son Histoire par des discours qu’il est censé tenir à son prince ; il aime cette partie oratoire et y excelle ; il la traite en homme de talent et en écrivain. […] Ne suis-je un autre vous-même qu’avec des exceptions et des réserves, pour vous tenir compagnie à table, faire l’agrément de votre couche et causer quelquefois avec vous ?

163. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Satisfait d’avoir fait preuve de savoir et d’esprit dans ce tournoi tout littéraire, et d’avoir obtenu un grand succès auprès des mondains, Bailly paraît avoir tenu médiocrement, dans la suite, à son opinion scientifique ; et lorsqu’il publia en 1787 le Traité de l’astronomie indienne et orientale, comme supplément à sa précédente Histoire, il se trouva que son peuple primitif y figurait très peu, et qu’il ne se distinguait plus guère des Indiens, des ancêtres et auteurs de ceux d’aujourd’hui. […] Mais Bailly avait sa prédilection ; il tenait pour Sedaine, l’auteur d’opéras-comiques, qui écrivait comme un maçon, mais qui composait comme un architecte. […] cette alliance qu’avaient scellée l’Histoire de l’astronomie ancienne, l’adoption du feu central, la communauté d’hypothèse d’un peuple primitif antédiluvien et l’âge d’or des Atlantes, cette alliance solennelle contractée devant de si grands dieux et pour de si graves sujets, se rompit par le trop d’attache de Bailly pour Sedaine, et qu’on dise après cela qu’il n’était pas littérateur jusqu’au point de tenir envers et contre tous pour la littérature même légère ! […] On avait parlé d’exclure de la nomination ceux qui tenaient des pensions du gouvernement ; il se crut obligé de déclarer à l’Assemblée qu’il tenait, des grâces et des pensions du gouvernement, la plus grande partie de sa fortune : Je ne crois pas que l’on pense à moi pour la députation, disait-il, mais je dois cet éclaircissement, qui m’en éloigne à jamais ; je crois même devoir prévenir mes collègues que dans le cas où, malgré cette motion et les motifs d’exclusion qu’elle établit, on me ferait l’honneur de me nommer, je me ferais un devoir de refuser. […] Je fus au Roule, je le trouvai avec M. de Sillery ; je leur exposai la conduite que je me proposais de tenir ; ils m’approuvèrent en tout, et je revins content.

164. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Les ambassadeurs tiennent registre de tout, et ils informent leurs souverains des moindres choses qu’ils entendent dire aux ministres : celle-ci serait prise comme une insinuation qui sûrement déterminerait M. le duc de Savoie à faire ce que nous souhaitons, en lui laissant néanmoins une pleine liberté d’agir à sa fantaisie. […] Un moment elle craint que le peu de contentement où l’on est à la Cour de France de certains procédés équivoques habituels au duc de Savoie, ne fasse renoncer aux vues qu’on avait sur la princesse sa fille : « Si cette nouvelle est véritable, écrit Mme des Ursins, je vous supplie très humblement, madame, de m’informer sur ce qui pourra venir à votre connaissance, afin que je puisse prendre mes mesures de bonne heure. » Mais bientôt elle apprend que tout tient et achève de se conclure ; en attendant, elle ne s’en est pas fiée aux simples insinuations auprès de la cour de Turin ; elle a écrit, elle s’est décidément offerte. […] On doit aimer à tenir les cartes quand on sait si bien le jeu. […] [NdA] Expression du marquis de Lassay (Recueil de différentes choses, Lausanne, 1756, tome i, page 264). — Antérieurement, soit à Paris, soit à Rome, Mme des Ursins avait beaucoup vu le cardinal de Retz et avait pu prendre de lui ses premières leçons de politique ; il ne tiendrait même qu’à nous de croire qu’elle fut sa dernière galanterie : « On me mande, écrivait Bussy à Mme de Montmorency, que M. le cardinal de Retz achève de faire sa pénitence chez Mme de Bracciano qui, comme vous savez, était Mme de Chalais ; cela étant, je ne désespère pas de voir l’abbé de La Trappe revenir soupirer pour quelque dame de la Cour ; et si l’on va en paradis par le chemin que tient ce cardinal, l’abbé est bien sot de tenir le chemin qu’il tient pour y aller. » 57.

165. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Il était noble, et il ne tenait qu’à lui en achetant une terre, un fief, d’avantager son aîné ; il y renonça quand il lui naquit un second fils. […] L’un accepte et comprend les choses comme elles sont dans la nature et dans l’humanité ; il prend, sans les disjoindre (car tout cela se tient, se correspond et, pour ainsi dire, se double), le rat et le cygne, le reptile et l’aigle, le crapaud et le lion ; il prend le cœur à pleines mains, tel qu’il est au complet, or et boue, cloaque ou Éden, et il laisse à chaque objet sa couleur, à chaque passion son cri et son langage. […] Le comte Joseph de Maistre, dans une de ses Soirées de Saint-Pétersbourg, s’est tenu à cette vue première. […] Rousseau marche avant lui dans le monde et dans les Académies ; mais, dans l’Église, je tiendrais pour Racine… » Ce jour-là, le noble Comte avait oublié toutes ses préventions contre les jansénistes et demi-jansénistes, et nous le surprenons trop rarement en flagrant délit d’indulgence pour l’en blâmer. […] Aussi ne marche-t-on qu’avec eux, en s’appuyant sur eux, sur ce qu’ils ont dit ; on a dans la mémoire toutes sortes de belles ou jolies sentences, recueillies à loisir et qu’on tient à placer ; on dirige tout son discours, on incline tout son raisonnement pour amener une phrase de Quintilien, pour insinuer une pensée de Cicéron, et l’on est tout content d’avoir échappé ainsi à penser par soi-même et en son propre nom.

166. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Guéroult en tient un des plus essentiels et qui ferait faute s’il n’existait pas. […] Certes, je suis loin de méconnaître les progrès que l’art musical a faits depuis les couvents, j’ai admiré plus que tout autre le Requiem de Mozart et les messes de Cherubini, et, pour qui se tient au point de vue de l’art pur, nul doute que les vastes proportions, la richesse d’harmonie, les grands effets d’instrumentation des compositions modernes n’offusquent singulièrement la simplicité, la nudité du chant grégorien ; sous ce rapport, il n’y a pas de comparaison à établir : mais voulez-vous sentir où gît la supériorité réelle du simple chant d’église ? […] Vous sortez dilettante et non pas chrétien. » Belle et très-belle page, qui tiendrait son rang en tout lieu et en toute compagnie ! […] Scherer, autrefois théologien lui-même, aujourd’hui le plus libre et le plus émancipé des esprits, en reconnaissant les qualités fermes et élevées du journaliste de l’Opinion, a tenu cependant à marquer profondément sa dissidence avec lui et lui a fait un reproche principal. […] Les grands souvenirs d’entreprises glorieuses qui se rattachent aux époques libres où régnaient des Assemblées souveraines, tiennent aux hommes supérieurs enfantés par ces époques, et en qui le plus souvent la liberté a fini par se personnifier et quelquefois se perdre ; ceux qui l’ont concentrée et absorbée en eux sont les mêmes qui l’ont conduite.

167. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

La piété est une des affections de l’âme les plus douces et les plus nécessaires à son repos ; on doit en avoir dans toutes les religions… » Sismondi se le tint pour dit ; il revint à la prudence et rentra une partie de ses arguments. […] Il ne tenait qu’à moi, il est vrai, de conclure que le cerveau qui avait engendré ces nouvelles chimères était « infirme et malade » ; mais il ne me l’a pas dit. […] La société n’a pas trop de tous ses fondements et de toutes ses colonnes pour subsister et se tenir. […] J’ai tenu à donner la note et à indiquer le sens général des raisonnements de mes trois amis. […] Notre clergé catholique lui-même, qui ne discute en pareil cas que le moins possible et comme à la dernière extrémité, qui oppose tant qu’il peut aux dissidents une fin de non-recevoir, ne tenait nul compte de ces travaux hétérodoxes, rien ne l’obligeant à s’en inquiéter.

168. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Nous ne le perdons pourtant point de vue encore ; mais, à travers cette vue, il est simple que le souvenir du passé tienne une grande place.  […] tandis que M. de La Mennais luttait ainsi et se croyait sûr et ne doutait pas, il dériva sans s’en apercevoir d’abord, et ne se tint plus. […] Ce que je ne puis m’empêcher de relever, c’est ce qui tient à la logique même, à la série d’idées et de doctrines du grand écrivain. […] Combien j’ai su d’âmes espérantes que vous teniez et portiez avec vous dans votre besace de pèlerin, et qui, le sac jeté à terre, sont demeurées gisantes le long des fossés ! […] Au reste, M. de La Mennais est tenu de nous donner, sur ce point du vrai christianisme qu’il professe aujourd’hui, des explications plus précises.

169. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

La séance promettait certainement beaucoup ; elle a tenu tout ce qu’elle promettait. […] Le succès prodigieux de l’opéra-féerie de Cendrillon tenait encore la curiosité en éveil, lorsqu’on annonça quelques mois après (août 1810) la représentation des Deux Gendres, l’une de ces pièces en cinq actes et en vers qui, à cette époque propice, étaient des solennités attendues et faisaient les beaux jours du Théâtre-Français. […] Toutes grossières et sans goût, toutes rebutantes que se trouvent ces dernières pièces, elles ne sont pas autant à mépriser qu’on est tenu de le faire paraître dans un Éloge public. […] Le peintre, en voyant ainsi, tenait à la main la lampe merveilleuse. […] Longtemps il s’est donc tenu à part sur sa colline, et, comme je le lui disais un jour, il est rentré avant midi dans sa tour d’ivoire.

170. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Il tenait registre avec grand soin de toutes ses impressions ; c’est ainsi qu’il avait pris note des divers symptômes qu’il avait observés sur des lépreux de la province de Constantine. […] C’est dire que, selon l’idée que je me fais du roman moderne, le romancier est tenu d’avoir des connaissances universelles. […] Pour éviter tout reportage ou indiscrétion, nous nous en tiendrons strictement à ses publiques affirmations. […] Malot, qui tient tant cependant à montrer les hommes et les choses avec tous les caractères de la fidélité réaliste, que le prétendu aliéné qu’il met ainsi en scène n’a jamais existé et ne répond à aucun type connu. […] Nous préférons nous en être tenu à l’analyse des œuvres sincères, comme susceptibles seules d’être, à leur tour, sincèrement commentées.

171. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

C’est peu que leurs conseils si je ne sais les suivre… Et qu’au moins vers ma fin je recommence à vivre ; Car je n’ai pas vécu ; j’ai suivi deux tyrans : En vain bruit et l’amour ont partagé mes ans… » Racine, homme plus grave, caractère plus élevé que ses trois amis, son tenait glorieusement sa marche dans la carrière qu’il s’était ouverte. […] Encore est-il plus sage de s’en tenir au doute qu’exprime M.  […] Enfin le poète suppose à sa précieuse une docte demeure, toujours ouverte aux beaux esprits, où se tiennent les bureaux du faux bel esprit, où s’étale une école de mauvais sens prêché par une folle ; aucun de ces traits n’est applicable à madame Deshoulières, qui n’était point une folle, qui ne tenait point école, qui n’avait point de maison, point de cercle, qui était fort pauvre, allait dans le monde chercher le monde, et passait une grande partie de son temps à l’hôtel de Nevers. […] combien de gens prêtèrent toujours celui des deux qu’ils tiennent à sa main ! […] La Champmeslé y aurait fait mal au cœur. » Si Voltaire avait eu le loisir de lire madame de Sévigné, avec l’application qu’on est en droit d’exiger d’écrivains moins occupés qui parlent d’elle, il aurait vu que les préventions de cette femme illustre, préventions qui n’ont pas été jusqu’à méconnaître le mérite de Racine et à lui préférer Pradon, tenaient à un principe moral d’une nature fort supérieure aux préceptes du goût en littérature.

172. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Carrel donnait là l’idéal de sa forme préférée de gouvernement : mais il restait par trop dans son rôle de journaliste, quand il accusait uniquement de ces désordres populaires le manque d’institutions Les institutions, en ces heures de trouble et de crise, ne valent que ce que vaut l’homme qui les tient en main ; il n’y a de république du Consulat que quand il y a un consul, un chef. […] Après expérience, nous savons là-dessus à quoi nous en tenir aujourd’hui. […] Laissons donc le détail d’une polémique dans laquelle il devient de plus en plus difficile de distinguer ce qui n’est que machine de guerre d’avec ce qui est pensée ultérieure et but véritable ; et tenons-nous à constater quelques faits qui achèveront de nous donner idée de l’homme. […] Je ne dis pas qu’il se fût rallié, je ne dis pas qu’il eût désarmé ; et je sais que, lorsqu’on écrit chaque jour et au jour le jour, les ménagements et les moyens termes sont presque impossibles à tenir. […] Et notez que, de plus que Charles XII, il avait en même temps à tenir tête à plus d’un turbulent dans le logis.

173. (1903) La pensée et le mouvant

Il faudra renoncer à tenir virtuellement dans un principe la science universelle. […] Ce serait lui demander encore de s’en tenir à une manipulation de concepts. […] Voilà le langage que nous tenons au philosophe. […] Je tiendrai un absolu. […] Là s’en tient le philosophe qui reste dans l’abstrait.

174. (1921) Esquisses critiques. Première série

Ils ne supportent point le supplément d’examen que leur attire l’estime dans laquelle on continue à tenir l’auteur. […] Il tient à la pente naturelle de son intelligence qui est moraliste, construite pour étudier les mœurs et observer l’homme. […] Indiscrétion, les aventures où on les mêle, les propos qu’on leur fait tenir. […] Ronsard le tenait d’Horace qui l’avait hérité d’Anacréon. […] Montfort tient à l’union contraire de ces éléments.

175. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Combien il a tenu à peu de chose que tel ou tel de ces trésors d’autrefois fût perdu ou conservé ! […] Dehèque, qui tient à l’Antiquité par toutes sortes d’affinités et de liens, — et je n’ai garde en parlant ainsi d’oublier M.  […] De ses deux sandales, il en a perdu une, comme un homme ivre qu’il est : l’autre tient encore à son pied ridé. Il chante ou l’aimable Bathylle ou Mégistès, et tient suspendue dans sa main sa lyre aux amours douloureuses. […] Il savait, Aristocratès, tenir d’agréables discours en public, et, vertueux, ne pas froncer un sourcil sévère.

176. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Pour Dante, c’est plus voisin de nous et plus frappant encore ; il a fallu le déchiffrer, l’épeler livre à livre ; on s’en tenait d’abord à l’Enfer. […] Je n’en médis pas et ne déprécie rien, mais on a bien fait de ne pas se tenir à ce goût-là si vite contenté, si promptement dégoûté. […] Deschanel, semble avoir tenu en effet à me réfuter presque aussitôt, et quelques mots de bienveillance, que j’ai surpris un matin sous sa plume, m’ont prouvé que, même dans ses sévérités habituelles de ton, il n’avait pas autant de parti pris que je l’avais supposé. […] Il est difficile de doser à point la louange, quand on tient à ne pas excéder la vérité. […] Deschanel, quand il va de ville en ville et de pays en pays propager le goût des conférences, n’est l’envoyé de personne et ne tient sa mission que de lui-même.

177. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Je sais à quoi m’en tenir, et si ma conjecture va son train, je sais qu’elle est conjecture. […] A Rome l’idée de royauté, une fois bannie, demeura absente, étrangère, haïe et repoussée bien plutôt que méprisée ; l’auteur tient à établir ce dernier point. […] Le personnage sanglant de Frédégonde n’est qu’un détail, un accident de la barbarie ; Brunehaut tient à l’histoire de l’esprit humain. […] Il tient à montrer les Carlovingiens aquitains d’origine plutôt qu’austrasiens. […] Là, les croyances étaient des impressions et non des doctrines ; elles tenaient moins du raisonnement que de l’habitude.

178. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Les assemblées politiques tiennent trop de place dans notre régime de société, et y exercent une trop grande influence, pour pouvoir être omises dans une étude un peu variée et complète des hommes de ce temps. […] Les dames y tiennent beaucoup de place ; les observations sérieuses s’y retrouvent sous le badinage. […] Il éclaire, il instruit, il élève plus qu’il n’émeut : là même où ses sentiments sont en jeu et où il s’agit de questions qui lui tiennent à cœur, il s’adresse surtout à la raison. […] Il tient au pouvoir presque aussi peu qu’à la popularité. […] Un grand malheur qui le frappa en 1838, la mort de Mme la duchesse de Broglie, augmenta en lui cette disposition sérieuse et réservée, cette faculté de s’abstenir, dans laquelle la pensée religieuse a pris plus de part et tenu plus de place chaque jour.

179. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Elles ont de commun un goût prononcé pour l’esprit, et pour la raison relevée d’un certain tour distingué, concis et neuf, qu’il ne tient qu’aux personnes peu bienveillantes de confondre avec le recherché et le précieux. […] Obligée d’en passer par les habitudes beaucoup plus mélangées du jour et d’ouvrir sa maison à presque tout ce qui était célèbre dans le monde à divers titres, elle y introduisit du moins le plus d’ordre, le plus d’organisation possible ; elle fit elle-même ses choix d’admiration particulière et d’estime : Buffon tint auprès d’elle le même rang à peu près que Fontenelle tenait chez Mme de Lambert. […] Elle était beaucoup plus occupée des Brancas, des Miossens, du chevalier de Grammont, et de tout ce que la Cour avait de jeunes seigneurs aimables, que de son honnête homme de mari, lequel avait la tête faible et finit même par être tenu enfermé dans une chambre comme hébété. […] Elle n’était pas insensible à ces traits, car elle tenait avant tout à l’opinion. […] Ceux mêmes qui ne sont pas assez heureux pour croire comme ils doivent, se soumettent à la religion établie : ils savent que ce qui s’appelle préjugé tient un grand rang dans le monde, et qu’il faut le respecter.

180. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Toujours il débutera vivement, brillamment, mêlant l’esprit à l’audace, la repartie à la bravoure ; il se montrera capable, des plus prompts à l’occasion, plein de promesses qu’il ne tient qu’à lui, ce semble, de réaliser : puis tout à coup, à un certain moment, une affaire d’honneur, de vrai ou de faux point d’honneur, l’arrêtera court, le fera sortir de la route tracée et le lancera dans une sphère d’action différente : il a en lui comme une force excentrique secrète qui le déjoue. […] Bonneval exposa l’affaire à sa manière et ne put se tenir de dire en terminant : Je ne croyais pas qu’une dépense, faite avec le consentement et l’approbation de Monseigneur le duc de Vendôme, fût sujette à la révision des gens de plume, et plutôt que de m’y soumettre, je la paierai moi-même. […] Décidément Bonneval est trop le contraire de ce d’Antin que nous avons étudié la dernière fois : lui, il tenait trop peu à ceux qu’il appelait ses maîtres. […] Il ne put s’y tenir tranquille (1729). […] Celui qui avait eu pour guide l’honneur, un faux honneur trop souvent, mais enfin qui avait tenu à l’opinion et à l’estime de ses semblables, ne trouvait pas son compte sous ce turban de quatre livres qui lui pesait, et qu’il n’avait pris que comme un bonnet de nuit ; il avait beau plaisanter, un fonds de remords et de regret lui disait qu’il avait mal usé de si beaux dons naturels et que sa vie avait, totalement échoué.

181. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Il tient tout à la fois du Dominiquin et de Le Sueur. […] Je le mesure du bout de son pié, jusqu’à l’extrémité de la main dont il tient la couronne. […] Ce n’est point un chasseur intrépide qui s’est précipité sur un lion, et qui le dépèce ; c’est un homme tranquille qui tient un lion entre ses jambes, comme un pâtre y tiendrait le gardien de son troupeau. […] Un catéchisme d’autant plus utile aux peuples qu’on n’avoit guères que ce moyen de tenir présentes à leurs esprits et à leurs yeux, et de graver dans leur mémoire, les actions des dieux, la théologie du tems. […] Elle a sur ses genoux un petit enfant qui tient une rose.

182. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Tiens, tiens, tiens, tous ces soldats qui entourent la guillotine ! […] Tiens, je ne vois pas M.  […] — Tiens ! […] — Tiens ! […] — Qu’à cela ne tienne.

183. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Ces fonctions sociales, auxquelles on suffisait autrefois avec du courage, de l’élégance et de l’honnêteté, supposent aujourd’hui des têtes puissantes, capables d’embrasser à la fois beaucoup d’idées et de les tenir toutes en même temps fixées sous le regard. […] Tenez donc pour décisives, jeunes élèves, les années où vous êtes, et que trop souvent on considère comme des années sacrifiées. […] Ils vous annonceront des déconvenues ; ils vous diront que la vie ne tient pas ce qu’elle promet, et que, si on la connaissait quand on s’y engage, on n’aurait pas pour y entrer le naïf empressement de votre âge. […] Tenez toujours invinciblement pour la légalité.

184. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

… Il nous reste une foule de gens d’esprit, assez forts pour mettre chez toutes les nations de l’Europe la carte de la France, comme celle de la nation la plus spirituelle ; mais, à cela près, — à cela près de ce qu’il peut tenir d’esprit sur une carte de visite, nous n’avons rien, ni œuvres, ni hommes, parce que les grands sentiments qui font naître les grandes œuvres, et les croyances générales qui font naître les grandes passions, ne subsistent plus. […] Quand il en est ainsi, du reste, la forme, qui tient à l’impuissance de tous, s’impose aux esprits les plus graves et les plus féconds, s’il en est encore. […] Seulement, les hommes comme Louandre sont-ils tenus de respecter tant de faiblesse et n’ont-ils pas réellement mieux à faire qu’à doser au public dans des proportions homœopathiques les trésors de leur érudition ? […] Il ne sait pas, ou il veut ignorer, qu’elle est, après tout, la faculté qui tient le plus de place dans l’esprit humain, et qui pèse le plus sur la volonté.

185. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Ils tiendraient, dispersés qu’ils furent et ramassés ici, comme ces clous d’or, dont parle Bossuet quelque part, qui tiennent dans le creux de la main. […] Dans ce recueil des Poésies complètes, les soupers, le bal masqué, le carnaval, tous les plaisirs de ce débauché de Paris, tiennent une large place comme sources d’inspiration, mais l’émotion du poète les attendrit et les idéalise : Monselet est, avant tout, un élégiaque. […] Il tenait aussi, lui, dans ses doigts une flûte.

186. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

L’intérêt véritable est là ; on tient le nœud ; l’action se resserre, elle est vive, pressante, à la fois naturelle et merveilleuse, unissant les combinaisons mythologiques et les peintures du cœur humain. […] A peine de retour à ses vaisseaux, Jason a tenu conseil avec ses compagnons ; plus d’un se lève et s’offre, quoi qu’il arrive, à combattre et les taureaux monstrueux et les géants nés des dents du dragon. […] Dans son ardeur pour le fils d’Éson, mille soins la tenaient éveillée ; elle craignait l’indomptable force des taureaux, sous lesquels il était près de périr d’une indigne fin dans la plaine de Mars. […] Prenons nos exemples dans l’antiquité, qui est à la fois plus simplement naturelle et avec laquelle on est moins tenu de rester poli. […] Tantôt, dans leur pudeur, ils tenaient tous les deux leurs yeux attachés à la terre, tantôt ils les relevaient pour se voir, en s’envoyant de complaisants sourires de dessous leurs sourcils brillants.

187. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

On ne saurait mieux marquer que par de tels traits la différence qui nous sépare de nos pères ; ceux-ci et Désaugiers le dernier, dans leur manière d’entendre le vin, c’est-à-dire de le boire et de le chanter, tenaient un peu plus directement, on en conviendra, des façons du bon Homère et de celles du bon Rabelais. […] Mais il ne tint pas à l’épreuve, et dès le lendemain sa vocation l’emportait : il faisait une comédie en un acte et en vers qui réussissait au boulevard ; il arrangeait en opéra-comique le Médecin malgré lui de Molière, dont son père faisait la musique, et qu’on jouait à Feydeau en 1791. […] L’ancien Caveau, dont les réunions se tenaient au carrefour Bussy, chez le restaurateur Landelle, dura dix années et plus. […] tienne, s’est plu à constater la différence : « J’ai, dit-il, je m’en accuse, le tort particulier à ma génération de ne pas assez regretter la gaieté de l’ancien Caveau, où se réunissaient, dit-on, les disciples fervents de Vadé, de Collé et de Piron… » Il y a bien du dédain, bien du sérieux dans ce dit-on. […] Le nom de Désaugiers m’en rappelle un autre qu’on n’est guère tenté de lui associer, et que je tiens absolument à y rattacher par quelque bout, — un personnage célèbre à tout autre titre, et qui pourtant, né en d’autres régions sociales, eût tenu largement sa place parmi les coryphées de la gaieté pure : je veux parler de Lally-Tollendal, auteur de pots-pourris délicieux, d’une folie à l’usage de la bonne compagnie, et qu’il chantait à ravir ; il n’était pas seulement le plus gras, mais encore le plus gai des hommes sensibles.

188. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Du reste, le changement qui, au temps de Montaigne, fit perdre au grec la faveur publique, tenait à des causes générales. […] Du moins a-t-on raison de tenir ceux qu’on lit pour les plus grands. […] Si, dans tout le reste, il doute, c’est résistance d’une haute raison à toutes ces opinions qui croyaient tenir la vérité, et qui l’imposaient à leurs contradicteurs par le fer et par le feu. […] Le propre d’une mémoire paresseuse, dans un esprit excellent, est de retenir plutôt les choses auxquelles l’esprit résiste que celles auxquelles il acquiesce tout d’abord, et celles qui promettent plus qu’elles ne tiennent, plutôt que celles qui tiennent tout ce qu’elles promettent. […] Y a-t-il une méthode dans cette sorte de journal de sa pensée, dont les feuillets se suivent sans se lier, qui porte des titres de chapitres, mais qui, selon l’humeur de l’écrivain, promet plus qu’il ne tient ; ou tient plus qu’il ne promet ?

189. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Ce mot est formé d’un mot grec, qui veut dire tenir le premier lieu : c’était, en effet, par là que s’ouvrait le drame. […] Les anciens connaissaient peu cet art : au moins les Latins s’embarrassaient-ils peu de tenir ainsi l’esprit des spectateurs dans l’attente. […] C’est le plus grand exemple d’une exposition froide ; mais aussi c’est ce même Corneille qui en a donné le plus parfait modèle dans la Mort de Pompée, où Ptolemée tient conseil sur la conduite qu’il doit tenir après la victoire de César à Pharsale. […] Il est à souhaiter que l’action commence dans un jour illustre ou désiré, remarquable par quelque événement qui tienne lieu d’époque ou qui puisse le devenir. […] Si quelqu’un était surpris à tenir tout seul des discours si passionnés et si continus, ne serait-il pas légitimement suspect de folie ?

190. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Notre poète tenait dans cette maison la charge de l’économat. […] Elle le tint dans ses fers pendant les dernières années de son séjour à Rome. […] Malgré l’accointance de son royal protecteur, le poète n’y put tenir. […] Faites grâce à celui dont vous tenez le jour. […] Tenez, voilà le sang que vous m’avez donné.

191. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Son intelligence, son esprit tient de son caractère ; il a de l’élévation et de la simplicité. […] Il lui promit dès lors sa protection à tout événement, et il tint parole. […] — Il présida et tint constamment la main par la suite aux arrangements qui furent réglés dans l’intérêt de la jeune femme, lors de la séparation des époux. […] Elle a cette faculté, qui tient à l’énergie du cœur, de ne jamais oublier. […] On le voit, tout se tient et concorde dans cette organisation ferme et accomplie.

192. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Napoléon s’étant porté à Bry et de là sur la chaussée de Namur, étonné de voir que les Anglais tenaient encore aux Quatre-Bras, ordonna les mouvements qui accélérèrent leur retraite, déjà ordonnée d’ailleurs par Wellington. […] Un ordre expédié à Grouchy l’informa de la bataille qui allait se livrer : tenir les Prussiens séparés des Anglais, et rester lui-même en communication avec l’armée française, dont il formait avec ses 36,000 hommes l’extrême-aile droite, voilà le rôle, la part d’action qui lui revenait ; c’était clair. […] Que Ney emporte la Haie-Sainte et s’y tienne, s’y arrête pour le moment : quand Bülow aura été reçu comme il convient, qu’il aura été refoulé et retardé pour une heure ou deux, il sera temps de se reporter au plateau du Mont-Saint-Jean et d’y frapper le coup décisif. […] Ney n’y tint pas : se voyant une telle force en main, après une attaque des Anglais repoussée, il déboucha de la Haie-Sainte, se lança sur le plateau, et livra cet assaut acharné dans lequel un nouvel entrainement vint englober toute la grosse cavalerie de la garde, la réserve même, sans que celle-ci eût reçu aucun ordre pour cela. […] La nuit était venue, quelques carrés de la garde tenaient seuls et demeuraient, dans le débordement universel, comme des têtes de rochers sombres.

193. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. […] M. de Caumartin avait charge du Roi de tenir les sceaux pendant la durée des Grands-Jours : c’était un magistrat poli, de cour, ami de Retz qui lui rend bon témoignage, et fort lié avec les gens d’esprit de ce temps-là. […] Nous tenons donc une œuvre de Fléchier qu’on va lire, lire avec le plaisir qui s’attache aux choses familières et vraies, observées par un esprit délicat et fin, racontées par une plume rare. […] C’est à Riom qu’il s’arrête d’abord, c’est là qu’à propos d’une beauté, merveille de cette ville et de la province, il se fait au long raconter par une personne de qualité du pays tout un petit roman des amours de cette belle45, lequel ne tient pas moins de trente pages, et qui pourrait être vraiment de madame de La Fayette elle-même. […] Nau est le bras droit, cette digne mère qui est venue là pour tenir le ménage de monsieur son fils, occupe dans la relation toute la place qu’elle peut ambitionner ; elle préside à sa façon les Grands-Jours parmi les dames de la ville, les organise en assemblées de charité, les réglemente, les gronde, les fait taire, s’ingère dans les brouilleries des couvents, et prétend réformer jusqu’aux Ursulines.

194. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

Un voyage de huit jours à Paris durant lequel le discret auteur s’est constamment tenu sur la défensive contre les renseignements qui allaient à sa rencontre, n’a fait illusion à aucun d’entre nous, badauds de Paris, comme il nous appelle. […] — Tome Ier, pages 53 et suivantes : « Reçus dans la société des nobles et des riches, à titre de tolérance, les gens de lettres du XVIIIe siècle n’y tenaient pas un rang beaucoup plus élevé que les musiciens ou les artistes dramatiques, parmi lesquels se sont trouvés souvent des hommes de talent et de réputation que les meilleures sociétés attirent à elles, pendant que la profession à laquelle ils appartiennent reste généralement exposée au mépris et à l’humiliation. » A quoi pensaient donc MM.  […] Sir Walter Scott, avons-nous dit, prononce la clôture de la Révolution à la mort de Robespierre ; mais il ne tient pas à lui qu’elle n’ait été terminée plus tôt, et les projets de répression qu’il expose à ce sujet n’eussent pas manqué, si on les avait suivis, de tout rétablir dans l’ordre dès la journée du 14 juillet, qu’il appelle par inadvertance le 12 juillet. En effet, « Nous tenons d’un témoin oculaire digne de confiance que, pendant l’attaque de la Bastille, une voix cria au milieu de la foule que le régiment de Royal-Allemand  s’approchait. […] Et d’abord, le jour de la première séance, il nous montre « tous les yeux fixés sur les représentants du tiers état, vêtus  d’un habit modeste, conformes à leur humble naissance et à leurs occupations habituelles. » Il nous apprend que, parmi ces représentants, si modestement vêtus, se trouvaient beaucoup de gens de lettres « qu’on a y avait appelés, parce qu’on les savait partisans de  systèmes, la plupart incompatibles avec l’état présent  des choses ; que, dans le principe, ces gens de lettres avaient été tenus à l’écart par les avocats et les  financiers, leurs collègues ; mais qu’à la fin ils avaient  repris le dessus et s’étaient faits républicains décidés » ; — que pourtant ces républicains décidés, lesquels étaient« d’un ordre plus élevé et de sentiments plus honorables » — que les jacobins de club, avaient surnommé ceux-ci « les enragés » ; — que néanmoins il y avait dans l’Assemblée de furieux démagogues, désignés sous le nom de Montagne ; et que, « quand les jacobins de la Montagne s’efforçaient d’interrompre Mirabeau par leurs rugissements, celui ci s’écriait d’une voix de tonnerre : Silence aux trente voix !

195. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

. — Tiens, je n’ai pas la force de parler, et il faut encore que je dise : Madame, et s’il vous plaît !  […] Ça m’est parfaitement égal… Ce Roqueplan, un homme tout couvert de l’aes alienum, comme dit Salluste… Tenez, il y a un jeune homme, l’auteur d’une Sapho, qui a touché juste, le mâtin ! […] Dans les raisons que X… a données à son père, pour qu’il lui fournît les fonds nécessaires à son commerce, il a fait entrer l’énorme économie qu’il réaliserait en n’allant plus au café, et le malheureux en tient un gratis ! […] il l’aurait eue… s’il s’était tenu un rien du monde moins salement !  […] * * * — Nous soupons beaucoup cette année : des soupers imbéciles où l’on sert des pêches à la Condé, des pêches-primeurs à 8 francs pièce, dont le plat coûte quatre louis et où l’on boit du vin chaud fabriqué avec du Léoville de 1836 ; des soupers en compagnie de gaupes ramassées à Mabille, de gueuses d’occasion qui mordent à ces repas d’opéra, avec un morceau de cervelas de leur dîner, resté entre les dents, et dont l’une s’écriait naïvement : « Tiens, quatre heures… maman est en train d’éplucher ses carottes ! 

196. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

C’est-à-dire qu’il possédait, jointe à des connaissances positives, la vue supérieure du Christianisme sans laquelle il est impossible de juger la société antique et même de la comprendre, l’homme ayant besoin pour juger une chose de valoir mieux qu’elle, de la tenir sous ses pieds, de la dominer ! […] La famille impériale, qui était réellement la famille romaine, n’était sans doute pas encore suffisamment préparée à sa fonction, c’est-à-dire assez élevée au-dessus des volontés accidentelles de ses chefs, pour être devenue, comme la famille l’est aujourd’hui, une base permanente et stable, une espèce de môle historique dans lequel peut s’enfoncer et tenir le premier anneau de la tradition. […] Par-là, il aurait répondu péremptoirement aux hommes de cette école historique qui n’était que philosophique et révolutionnaire, et qui cherchèrent, au xviiie  siècle, par exemple, à établir des parentés républicaines, entre nous et Rome, et il leur aurait démontré que si nous tenons autant à Rome que nous tenons peu à la Grèce, ce n’est pas, certes ! […] C’est par là que nous tenons aux Romains et que nous continuons leur œuvre !

197. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

Tenez ! […] Mais il a mieux aimé nous tenir éveillés. […] Aux surprises que son livre nous cause, il pourrait ajouter celle-là pour ces messieurs… On n’est jamais sûr de ce qu’on tient ou de ce qu’on attrape. […] Il a eu ce joli mouvement qui dit : « Je n’y tiens pas !  […] Mais cette Sévigné de reflet lui a suffi, et il en tient aussi pour elle : Vous en êtes un peu, dans votre âme, entiché.

198. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Il tient par mariage à cette Revue, et le népotisme littéraire paraît très simple aux benêts qui s’indignent le plus contre le népotisme papal… Jamais, je crois, Blaze de Bury n’aurait été vu à cette vitrine de la Revue des Deux-Mondes s’il en avait été réduit à son mérite personnel. […] II Faire comme Shakespeare, — si on peut, — c’est sans contredit une chose excellente et même glorieuse ; mais l’auteur des Femmes du temps d’Auguste a trop de ressources dans l’esprit pour s’en tenir à ce trop simple et trop audacieux conseil. […] On se dit bien un peu : « Suis-je sûr de ce que je tiens là ?… » Car ce qu’on a lu de la théorie historique de l’auteur dans son Introduction vous tinte dans le souvenir, mais c’est égal, on ne lâche rien parce que ce qu’on tient est suspect. […] Il n’a ni la raideur ni la morgue classiques, il ne tient pas puérilement à la couleur locale et à ce que les pédants appellent, avec des airs suprêmes : la convenance dans le langage.

199. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Or, le journaliste n’est pas plus tenu, par l’essence de sa fonction, d’être littéraire, que l’avocat et le médecin. […] Dans ce misérable passé qu’abhorre naturellement l’ancien rédacteur de La Presse, les lettres ont tenu trop de place, et elles en tiendront trop peu dans l’avenir qu’il rêve pour qu’en conscience et de bonne foi il estime beaucoup cette vieille amusette des sociétés qui eurent de l’âme et de nobles loisirs. […] Tenez ! […] Nous tenons le rien, c’est déjà la moitié de l’art.

200. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Il y aurait eu, au contraire, un succès certain, et qui n’aurait même pas tenu uniquement à cet accent parisien que je lui reproche. […] Vous le voyez, c’est un moraliste d’instinct et de réflexion qu’Aubryet ; mais plus encore de rétorsion… Jusqu’ici, il avait, comme la famille d’esprits dont il descend : les Chamfort et les La Bruyère, procédé surtout par des jugements, des portraits et des caractères ; mais l’invention l’a tenté, et, de moraliste devenu romancier, il nous donne cette Vengeance de Madame Maubrel, qui est un livre de détails parisiens si connus qu’il fallait sa plume pour les renouveler en les décrivant, mais qui n’est pas le cas nouveau d’âme humaine que j’attendais, et que tout romancier psychologique est tenu de mettre dans son livre, s’il se risque à faire un roman. […] J’ai cru pourtant qu’il la tiendrait, quand j’ai vu sa madame Maubrel, après la mort de son mari, tué, comme il avait vécu, pour les besoins de la situation, chercher partout, avec l’acharnement d’une âme profonde qui n’oublie pas, et pour lui faire expier son crime, l’insolent farfadet qui l’a outragée ; — car il s’en est allé, il a disparu comme un farfadet ! […] Tenez ! […] Il s’en est allé avec les vieilles lunes… Et c’est comme cela que s’en iront peu à peu tant de romans et de compositions de notre pays où Paris, le tic de Paris, le parlage de Paris, les mœurs banales et coulées de Paris, tiennent évidemment trop de place, — des œuvres de talent pourtant, mais qui n’en ont pas assez pour lutter contre l’influence qui les diminue, et pour les élargir et les faire durer.

201. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Le bon moment pour naître, l’étonnant fanatisme, cela allait jusque-là, d’un critique célèbre, sans enthousiasme, mais, au contraire, habituellement difficile et hargneux, l’influence de la Revue des Deux-Mondes, aussi réelle alors qu’elle est nulle maintenant, tout, jusqu’à la rareté de ses publications, — rareté qui tenait même à la nature de son talent, — facilita la fortune littéraire de M.  […] Mérimée qui tenaient partout la plume de la critique. […] Sylla lui-même ne résilia la dictature que quand il ne fut plus sûr de la tenir. […] Tout faire tenir sur une carte de visite, comme le voulait Richter, voilà l’idéal ! […] Quoique la littérature française tienne pour nous, Français, la plus large place dans la littérature de notre temps, et que cet ouvrage soit plus particulièrement consacré à la littérature française, cependant, quand, dans les autres littératures contemporaines, marquera, à tort ou à raison, une œuvre ou un homme, nous les regarderons par dessus leur frontière… A quoi bon, d’ailleurs, parler de frontière ?

202. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Francis Wey tient, par son inapaisement dans le travail, à ces malcontents de génie. […] Telle est l’explication d’une obscurité dans laquelle a été trop tenu comme romancier un homme digne du grand jour par tous les côtés de son esprit. […] Quoique la description et le sentiment y tiennent leur place, ils n’y débordent pas, comme dans la plupart des romans actuels, et l’auteur, qui a vécu, car il faut avoir vécu pour faire des romans, a mis tout au fond une pensée. […] Le combat de la vocation religieuse contre la vocation de la mère de famille qui se révèle avec tant d’énergie dans la scène, au village, où Éliane est obligée, par les combinaisons du roman, à tenir un enfant dans ses bras, — scène magnifique, d’un contenu excessivement émouvant, et que Stendhal seul aurait pu écrire s’il avait été chrétien, — le triomphe enfin de la vocation de l’épouse, le discours de la mère Saint-Joseph qui clôt le roman dans une souveraineté de raison éclairée par la foi, et surtout, surtout, la réalité de la sœur Saint-Gatien, qui représente l’être surhumain, l’ange gardien d’Éliane, et qui s’en détache si humainement et si vite quand elle lui a préféré, pour s’appuyer, le cœur d’un homme, — trait cruel que Wey n’a pas manqué, — voilà les beautés de la troisième partie de ce livre, écrit avec une sûreté de main et une maturité de touche qui n’ont fait faute à l’auteur de Christian qu’une seule fois. […] Comme eux, c’est un concentrateur dont la force porte bien plus en dedans qu’en dehors, ainsi que nous l’avons montré en racontant son livre ; et l’on peut même douter, à la vigueur expérimentée de son esprit et à la décision de sa pensée, dont les plis sont trop marqués pour s’effacer, qu’il élargisse beaucoup cette « cuiller à café » dans laquelle Chamfort voulait faire tenir toutes les émotions et tous les efforts de la vie.

203. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Tiens ! […] — Le tenez-vous donc pour un sorcier ? […] Tiens, ne veux-tu pas approfondir le cœur de la petite Schourotschka ! […] Et il tint parole. […] Lavretzky se redressa ; il se tint debout, pâle et frissonnant d’enthousiasme.

204. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Qu’on se figure bien la difficulté pour un écrivain de la Suisse française, qui tiendrait à la fois à rester Suisse et à écrire en français, comme on l’entend et comme on l’exige ici. […] Les classifications ont peine à se tenir, et les exceptions font brèche sur tous les points. […] Celui-ci se sentait peintre en effet, et aurait voulu en commencer l’apprentissage incontinent : le père tint bon et exigea qu’avant de s’y livrer, son fils eût achevé le cours entier de ses études. […] Je conçois en d’autres temps du scrupule et la nécessité pour l’auteur de se tenir avant tout et de n’opérer qu’avec nuance dans le cercle régulier dessiné ; mais aujourd’hui qu’est-ce ? […] En voulez-vous un échantillon : « A droite, c’est la fontaine où tiennent cour, autour de l’eau bleue, servantes, mitrons, valets, commères.

205. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Une littérature qui, comme la tienne, serait saine de tout point n’exciterait plus maintenant que l’ennui. […] Persuadés que ce que l’on gagne est pris sur un autre, ils tenaient l’avidité pour chose basse. […] Elle tenait à sa classe, ne quitta jamais ses coiffes de bourgeoise, ne souffrit jamais d’être appelée que mademoiselle. […] Ses cheveux, qu’elle tenait en vain prisonniers sous un lourd bonnet, s’échappaient en tresses tordues, comme des gerbes de blé mûr. […] Il était partisan de l’ancien genre, de la complainte narrative, et il se mit à me chanter celle qu’il tenait pour la plus belle.

206. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

L’Empire et l’Allemagne, la Hollande, l’Espagne, l’Angleterre, la Savoie tout à l’heure, on a à tenir tête à toutes ces puissances, et on y réussit d’abord sans trop de fatigue et sans presque qu’il y paraisse au-dedans. […] Au retour de cette inspection, Louis XIV travaille avec ses ministres et tient conseil comme s’il était à Versailles. […] Il n’avait jamais eu l’honneur de manger avec le roi. » La garnison, composée d’environ cinq mille hommes, sort de la place le lendemain 10 ; Monseigneur assiste au défilé : « Le gouverneur salua Monseigneur de l’épée, et sans mettre pied à terre ; il lui dit qu’il était bien fâché de n’avoir pu tenir plus longtemps, afin de contribuer davantage à la gloire du roi. » Ainsi tout se passait de part et d’autre en parfait honneur et en courtoisie. […] Il se décide, pour cette campagne de 1692, à faire encore quelque gros siège ; ce sera celui de Namur. — « Jeudi 10 avril, à Versailles. — Le roi tient conseil de guerre le matin avec M. de Luxembourg, M. de Barbezieux, Chanlay et Vauban. […] La ville se rend après sept ou huit jours de tranchée ; le château tient un peu plus longtemps.

207. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Ces cinq cents ans n’embarrassent pas Bossuet : « Dieu donna, dit-il, à la majesté de son Fils de faire « taire les prophètes durant tout ce temps pour tenir son peuple en attente de Celui qui devait être l’accomplissement de tous leurs oracles. » Il franchit ce temps de silence, toujours son fil conducteur à la main, et le flambeau de l’autre. […] Mais qu’à cela ne tienne ! […] Tous ces miracles tiennent plus de la bonté que de la puissance, et ne surprennent pas tant les spectateurs qu’ils les touchent dans le fond du cœur. » Quant à la doctrine, il la montre également humaine, appropriée, et tempérant la hauteur par la condescendance : « C’est du lait pour les enfants et tout ensemble du pain pour les forts. […] En nous supposant dociles, — plus dociles que nous ne l’avons été, — il nous a tenus par la main et nous a conduits où il voulait, au plus haut degré de l’autel d’où nous voyons désormais toute chose, le passé et l’avenir, la terre et le ciel. […] Le fond du dessein de Bossuet, on le sait maintenant, et on le tient de sa propre bouche, était dans ce livre de « prouver le Christianisme aux libertins. » C’est une démonstration par l’histoire, et les faits en main, qu’il avait entreprise.

208. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Parmi les hommes qui ont de bonne heure marché dans cette voie, qui ont tenu et agité le flambeau, qui le tiennent encore et qui le promènent sur les têtes, M.  […] Duveyrier père, alors jeune avocat, patriote, un des ardents électeurs de 89, attendait avec impatience Mirabeau qui ne rentrait pas de l’Assemblée ; il était dans le cabinet de l’éloquent tribun qui, selon son habitude, avait ordonné qu’on lui tînt un bain tout préparé pour se délasser au retour : « Il arrive enfin, il entre dans un enthousiasme facile à se figurer : “Ah ! […] Volney devait tenir plus de compte des connaissances exactes, et M.  […] Duveyrier a cru utile d’opposer immédiatement un tableau presque contraire, celui des frais, des sueurs, des risques et périls, des pertes et sacrifices de tout genre que coûte cette grande œuvre : il a tenu à montrer l’envers de la tapisserie, le revers de la médaille, la cuisine du dîner, les coulisses du théâtre. […] Lui, il s’en est tenu à une conclusion morale ; il se contente de produire l’idée affectueuse, fraternelle, apostolique.

209. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Je crois qu’on en dit de bonnes à l’arbre de Cracovie (au Palais-Royal, là où se tenaient les nouvellistes). […] Adieu, pays, tenez-vous joyeux ; c’est un spécifique souverain contre le renard, comme c’en est un pour bien faire ce que l’on veut faire, ce que l’on fait et ce que l’on fera. » Un spécifique contre le renard…, c’est sans doute quelque dicton de paysan ou de chasseur. […] On avait tenu la chose exactement secrète. […] « Il arrive au vieux Louvre, nous dit M. de Luynes, sans être attendu, et il entre dans une salle sans savoir où il était ; il reconnaît que c’est l’Académie des Sciences ; il sort au plus tôt et arrive enfin à l’Académie française ; il prend place auprès de l’abbé Alary ; le directeur, qui est M. de Saint-Aignan, n’y était point. » Collé, qui nous complète, dit que Mirabaud présidait ce jour-là ; il tenait du moins le bureau en qualité de secrétaire perpétuel : à la vue du soudain confrère qui faisait son apparition, il ne quitta point le fauteuil pour le lui donner. […] Il dit encore, en recevant son jeton comme les autres membres présents, qu’il s’en tenait si honoré, qu’il aurait envie de le faire percer pour le porter à sa boutonnière ; il ajouta que ce serait « sa croix de Saint-Louis d’académicien », et autres agréables fadaises.

210. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

En voici un enfin qui a tenu bon, qui a résisté sans fléchir. […] Brizeux me fait l’effet de ces officiers supérieurs dans une arme spéciale, savante, qui, voués au noble génie de leur art, s’y tiennent, sans vouloir jamais d’avancement ailleurs. […] Elle tient encore, si je l’ose dire, de celle de la chèvre125 qui, après avoir bondi d’un saut abrupt, tout d’un coup, au lieu de courir, tourne court au bord du précipice et s’y tient pendante avec hardiesse dans un arrêt net et élégant : de l’autre côté du ravin le promeneur indécis ne sait d’abord si c’est un jeu du rocher, et admire. […] Puis, si le talent est réel, s’il a de l’avenir, il ne s’en tient pas au coup d’essai, il récidive. […] Nous aurions encore çà et là plus d’une remarque à y faire ; mais l’essentiel est dit, et les points sont touchés auxquels nous tenions.

211. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Racine, un peu plus que Corneille sans doute, dut pénétrer dans ses arrière-pensées ; il est permis pourtant de croire que ce que nous savons aujourd’hui assez au net par les révélations posthumes était beaucoup plus recouvert dans le moment même, et qu’en acceptant le sujet d’une si belle main, le poëte ne sut pas au juste combien l’intention tenait au cœur. […] Après tout, en cette pièce qu’on a appelée une élégie à trois personnages, Antiochus tient son rang. […] Il est vrai qu’on peut, au premier abord, opposer que ce Titus, non plus qu’Énée de qui il tient, n’est assez passionnément amoureux ; que, s’il l’était davantage, il céderait peut-être. […] La grande scène voulue au troisième acte ne produit point ici de péripétie proprement dite, car nous savons tout dès le second acte, et il n’eût tenu qu’à Bérénice de le comprendre comme nous. […] Quant à l’Antiochus, il est suffisant. — Ainsi, pour conclure, nous devons à mademoiselle Rachel non-seulement le plaisir, mais aussi l’honneur d’avoir goûté Bérénice, et il ne tient qu’à nous, grâce à elle, de nous donner pour plus amateurs de la belle et classique poésie en 1844 qu’on ne l’était en 1807.

212. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vicaire, Gabriel (1848-1900) »

André Theuriet Il est des titres qui donnent des promesses que parfois le livre ne tient guère. […] Rare exemple d’une œuvre qui tient plus que ses promesses et supérieure à son titre ! […] Continuer, après de tels livres, à ne voir dans Gabriel Vicaire qu’une façon de « poète du clocher », ce serait vraiment tenir à trop peu de prix les qualités de finesse, d’abandon, de bonhomie délicate, de verve gracieuse et franche, répandues d’un bout à l’autre de son œuvre ; ce serait oublier surtout qu’elles ont passé jusqu’ici « pour le fonds même des poètes de bonne race gauloise », qu’elles ont servi à distinguer tour à tour nos vieux « fableors » anonymes du moyen âge et leurs héritiers directs :

213. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Ces procédés expéditifs contre les financiers et traitants, intermédiaires entre le roi et le peuple, n’étaient pas neufs, et ils furent souvent renouvelés depuis : Sully les appliqua en toute rigueur avec art et avec suite, et y tint la main tout le temps qu’il fut maître. […] Les principaux produits de la France consistent, dit-il, en grains, légumes, vins, pastels, huiles, cidres, sels, lins, chanvres, laines, toiles, draps, moutons, pourceaux et mulets : la vraie source des richesses pour la France, la matière naturelle du travail est là, il faut s’y tenir. […] Henri IV, à ce mot, l’arrête et lui dit une vérité : Ce n’est pas là où il vous tient, car je sais que vous ne manquez pas de bonne opinion de vous-même, pour aspirer encore plus haut. […] Henri IV consulte Rosny sur toutes choses, et, sans suivre toujours son avis, tient à l’écouter. […] La suite du discours de Henri IV concernant Sillery et Villeroi est belle et montre bien la supériorité politique de celui qui parle, qui contrôle l’un par l’autre, et qui met chacun à son juste emploi ; mais c’est assez de nous tenir à Sully.

214. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Duclos commença là en petit ce qu’il fera plus tard dans la société : il fut respecté et peut-être un peu craint de ces jeunes seigneurs ; il se tint à sa place, mais se la fit. […] Boindin surtout, original qui faisait l’athée, y tenait le dé : Duclos crut s’illustrer en lui rompant en visière et en brisant des lances avec lui. […] Duclos, qui n’avait que de bons traits, de bonnes anecdotes, de fermes et fines remarques de grammaire, de littérature ou de société, s’y tenait sans viser plus haut. […] Duclos, érudit et historien, nous occupera la prochaine fois ; tenons-nous aujourd’hui au romancier et au moraliste. […] L’ami de La Chalotais allait chaque année reprendre pied sur sa terre celtique, et il ne s’en tenait que plus ferme ensuite dans les salons.

215. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Il y pense beaucoup, à sa réputation, à sa popularité, il s’en inquiète ; elle lui tenait au coeur, on le sait : mais toutes les réflexions que vous êtes prêt à faire en souriant, il les a faites avant vous ; il s’est dit à lui-même ses vérités, et plus gentiment que nous ne les lui dirions. […] « Je mourais de peur en arrivant, écrit-il, et je me suis tenu caché. […] Je tiens à conserver ma foi dans l’humanité. » Puis, à d’autres jours, la sociabilité dont il avait une si forte dose l’emportait sur son rassasiement des hommes ; il sentait le besoin du monde, des vieux amis ou même des jeunes visages nouveaux, et il se rapprochait, il revenait au gîte, à ce maudit Paris qu’on aime tant. […] La science m’a toujours manqué : l’instinct du bon et du beau m’en a quelquefois tenu lieu, et, si je ne craignais d’être accusé de vanité, je dirais qu’il m’a fait, dans mes bons jours, aller en avant de la science. […] Guernu (c’est son nom) de se tenir coi ; mais, en attendant, comme il le trousse !

216. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Saint-Simon, qui n’avait pas eu le temps de connaître Louvois, ne lui en. voulait pas moins personnellement comme au grand niveleur qui avait mis au pas la noblesse dans les armées, qui l’avait réduite à l’égalité dans l’obéissance et la discipline, avait assujetti les plus grands seigneurs (sauf les seuls princes du sang) à débuter par porter le mousquet et à faire le service comme les plus simples gardes, puis, les grades venus, à ne tenir de leur naissance aucune prérogative et à ne figurer qu’à leur rang selon l’ordre du tableau. […] Mme de Sévigné écrivait à M. de Coulanges, le 26 juillet 1691 : « Le voilà donc mort, ce grand ministre, cet homme si considérable, qui tenait une si grande place ; dont le Moi, comme dit M.  […] Et qui dit Louvois, dit en même temps tous les hommes importants de son époque, qui étaient en correspondance suivie avec lui, de sorte qu’on tient d’un même coup de filet toute la politique et toute l’histoire militaire de la plus belle période de ce grand règne. […] Tout se tient et s’explique : la politique avec tous ses ressorts joue devant nous, et nous assistons au fur et à mesure au travail de l’histoire. […] Il les acquiert et les crée, soit qu’il se concilie le grand Condé en lui faisant rendre le commandement des armées, soit qu’il s’entende presque en camarade avec Luxembourg, brillant capitaine, homme corrompu : il y a, dès le principe, partie liée entre eux, bien que l’alliance ne doive pas tenir jusqu’au bout.

217. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Le père, assis dans un coin, tient une gourde d’une main et de l’autre un verre. […] Il semble que vous entriez brusquement dans la maison, et que toutes ces bonnes gens, sans sortir de leur quiétude ni de leur caractère, tiennent les yeux fixés vers vous ; et encore semble-t-il que vous soyez plus d’un à entrer, car ils ne regardent pas tous au même point du seuil. […] Ce sont des enfants déjà grands, dont l’une est mère et emmaillote l’enfant, qu’elle tient sur ses genoux avant de le coucher, avec grande attention et gravité. […] Champfleury les connaît bien, et je le soupçonne lui-même d’en tenir par quelque coin secret : on ne décrit pas de telles maladies sans les avoir non-seulement vues à côté de soi, mais ressenties pour son propre compte. […] Que si tout cela te manque et que tu te bornes strictement à ce que tu es, sans presque nul choix et selon le hasard de la rencontre, si tu te tiens à tes pauvretés, à tes sécheresses, à tes inégalités et à tes rugosités de toutes sortes, eh bien !

218. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Il en est ainsi de Tiens ferme ! (un énorme cochon qui veut se sauver de toutes ses forces et que tient par là queue un cavalier retenu à son tour par un fantassin qui s’accroche au pan de sa veste en lui criant : Tiens ferme !) […] Tous ceux qui furent un jour populaires à ce degré, on tient à le leur faire payer plus tard par un retour excessif ; on l’a essayé pour Béranger ; on y a réussi pour Casimir Delavigne, doué d’un talent naturel moins ferme et moins vif : on aurait bien voulu le tenter aussi contre Horace Vernet, mais son talent de bonne trempe a résisté, et il a eu un trop beau lendemain, une suite trop éclatante de renouvellements, pour ne pas réduire l’envie à grincer des dents tout bas et à se ronger elle-même. […] Ainsi, jusque dans cette Bataille de Bouvines qui lui était commandée et qui rentrait dans le solennel ennyeux (1824), je remarque un joli incident, le pige qui tient des chiens en laisse, un souvenir des Noces de Cana. […] Tu vas me dire : Voilà de belles paroles J’espère ne pas m’en tenir là ; d’ailleurs quand l’idée vous en vient naturellement, il y a déjà la moitié du chemin de fait. » Horace était alors dans sa trente et unième année.

219. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Madame Royale (ainsi nommait-on la duchesse mère qui prit en main la Régence) tint toute la première, à l’égard de son fils, une ligne de conduite très peu maternelle : elle aimait le pouvoir, elle ne haïssait pas le plaisir, elle ne songea point à élever son fils en vue d’un prochain partage et exercice de l’autorité ; elle le traita avec froideur, avec roideur, non en mère française, mais en mettant sans cesse l’étiquette entre elle et lui. […] L’imagination s’en mêle et ne se tiendra probablement pas encore pour vaincue. […] La veille de ce jour où le jeune duc avait ses quatorze ans accomplis, l’Académie de Turin tint une séance extraordinaire, et l’abbé de Saint-Réal y prononça le Panégyrique de Madame Royale. […] Si Louis XIV, voyant ce jeune couple de dix-huit ans et de quinze régner en Savoie, se flatta de les tenir à la lisière, il se préparait du mécompte. […] Mais il ne peut agir seul contre ses sujets : qu’à cela ne tienne !

220. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Au fond, il n’est pas interdit de penser que, tout en s’élevant si fort contre l’idée d’un premier ministre, le maréchal de Noailles n’était pas fâché de se frayer la voie à devenir ministre lui-même, et le ministre le plus influent ; c’est ce qu’il fut, en effet, à un moment où il réunissait sans titre spécial et tenait presque entièrement dans ses mains les Affaires extérieures et la Guerre. […] » Avant que la critique allemande ait protesté contre de pareilles plaisanteries mises sur le compte d’un des souverains qui ont eu le plus à cœur leur métier de roi, il y avait longtemps que la critique française, dans une vue de simple bon sens, avait dit : « Nous ignorons si Frédéric était capable de se servir des moyens indiqués ici ; mais nous croyons pouvoir affirmer que, s’il avait assez d’immoralité pour employer des médecins et des serruriers politiques, il avait en même temps trop d’adresse pour l’avouer à qui que ce soit, même à son successeur75. » Il y avait peut-être à introduire Frédéric dans cette Étude où Louis XV tient le premier rôle, mais c’aurait dû être alors pour opposer les deux esprits, la mollesse et la force, l’abandon et l’infatigable vigilance, le laisser aller de tout, après quelque velléité d’action passagère, et l’héroïque et constant labeur, tant civil que guerrier, qui occupa toutes les heures d’une longue vie. […] À Paris et dans les salons on le faisait valoir à l’excès, par opposition à son collègue : « Les troupes, disait-on, ont en lui une entière confiance, parce qu’elles sont assurées qu’il paye de sa personne, et que le courage est ce qui les frappe le plus. » Louis XV qui, pendant ces mois-là, se comparait à l’oiseau sur la branche et qui désirait, disait-il, vieillir, ne pouvait s’empêcher de tenir le maréchal de Noailles au courant de ces méchants propos : « J’ai promis de vous tout dire, vous voyez que je tiens parole. […] Je sais me passer d’équipage, et, s’il le faut, l’épaule de mouton des lieutenants d’infanterie me nourrira parfaitement. » Cela ne tiendra pas. […] Tout se tient, le mouvement, le rythme intérieur, le geste, la parole, la plume, l’épée.

221. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Molière, La Fontaine, et Mme de Sévigné appartiennent à une génération littéraire qui précéda celle dont Racine et Boileau furent les chefs, et ils se distinguent de ces derniers par divers traits qui tiennent à la fois à la nature de leurs génies et à la date de leur venue. […] Mlle de Sévigné figurait, dès 1663, dans les brillants ballets de Versailles, et le poëte officiel, qui tenait alors à la cour la place que Racine et Boileau prirent à partir de 1672, Benserade, fit plus d’un madrigal en l’honneur de cette bergère et de cette nymphe qu’une mère idolâtre appelait la plus jolie fille de France. […] Désormais séparée de sa fille, qu’elle ne revit plus qu’inégalement après des intervalles toujours longs, Mme de Sévigné chercha une consolation à ses ennuis dans une correspondance de tous les instants, qui dura jusqu’à sa mort (en 1696), et qui comprend l’espace de vingt-cinq années, sauf les lacunes qui tiennent aux réunions passagères de la mère et de la fille. […] Elle était sérieuse, même triste, surtout pendant les séjours qu’elle faisait à la campagne, et la rêverie tint une grande place dans sa vie. […] Fouquet : il a été convaincu d’avoir servi à faire tenir à Mme Fouquet une lettre de son mari ; sur cela il a été condamné aux galères pour cinq ans : c’est une chose un peu extraordinaire.

222. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Ce sont ces gens-là qui décident à tort et à travers des réputations ; qui ont pensé faire mourir Greuze de douleur et de faim ; qui ont des galeries qui ne leur coûtent guères ; des lumières ou plutôt des prétentions qui ne leur coûtent rien ; qui s’interposent entre l’homme opulent et l’artiste indigent ; qui font payer au talent la protection qu’ils lui accordent ; qui lui ouvrent ou ferment les portes ; qui se servent du besoin qu’il a d’eux pour disposer de son temps ; qui le mettent à contribution ; qui lui arrachent à vil prix ses meilleures productions ; qui sont à l’affût, embusqué derrière son chevalet ; qui l’ont condamné secrètement à la mendicité, pour le tenir esclave et dépendant ; qui prêchent sans cesse la modicité de fortune comme un aiguillon nécessaire à l’artiste et à l’homme de lettres, parce que, si la fortune se réunissait une fois au talent et aux lumières, ils ne seroient plus rien ; qui décrient et ruinent le peintre et le statuaire, s’il a de la hauteur et qu’il dédaigne leur protection ou leur conseil ; qui le gênent, le troublent dans son attelier, par l’importunité de leur présence et l’ineptie de leurs conseils ; qui le découragent, qui l’éteignent, et qui le tiennent, tant qu’ils peuvent dans l’alternative cruelle de sacrifier ou son génie, ou son élevation, ou sa fortune. […] On lui dira, oui, cela est beau, mais cela est triste ; un homme qui tient la main sur un brasier ardent, des chairs qui se consument, du sang qui degoute : ah fi, cela fait horreur ; qui voulez-vous qui regarde cela. […] Laisse là ce reproche que les sots, qui ne pensent point, font aux hommes profonds qui pensent… tenez, sans m’alambiquer tant l’esprit ; quand je veux faire une statue de belle femme ; j’en fais déshabiller un grand nombre ; toutes m’offrent de belles parties et des parties difformes ; je prends de chacune d’elles ce qu’elles ont de beau… et à quoi le reconnois-tu ? […] Je le pense, du moins en suivant la route qu’ils tiennent ; en n’étudiant que la nature, en ne la recherchant, en ne la trouvant belle que d’après des copies antiques, quelque sublimes qu’elles soient et quelque fidelle que puisse être l’image qu’ils en ont. […] De celles surtout qui rarement exposées à nos yeux, telles que le ventre, le haut des reins, l’articulation des cuisses ou des bras, où le (…) et le (…) sont sentis par un si petit nombre d’artistes, ne tiennent pas le nom de belles de l’opinion populaire que l’artiste trouve établie en naissant et qui décide de son jugement.

223. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Tout ce qui a plume s’en est occupé et a tenu à dire son mot, quelquefois très long, sur un ouvrage qui n’a d’analogue ni dans notre langue ni dans aucune autre. […] Le succès instantané de Saint-Simon au dix-neuvième siècle tient bien moins à des qualités qui le font grand qu’à des défauts qui le rapetissent. […] Ce qui le préoccupe plutôt, ce qui le tient comme un impérieux besoin, c’est de se soulager de cette bile rentrée d’ambitieux qui le dévore jusqu’aux moelles (une de ses expressions !) […] Il est tenu à voir clair et à voir tout. […] il ne s’agit plus ici d’un serviteur de ce grand roi qui le tenait, lui, Saint-Simon, comme non-avenu devant son regard.

224. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Et qu’on ne croie pas que cette progression tient seulement à une crise historique, que la faute en est à la seule « paix armée », tourment de l’Europe. […] — Il est vrai que le pouvoir du tsar est unique et absolu, qu’il ne rencontre aucun corps constitué capable de lui tenir tête : pas de corporations, pas de noblesse, pas de provinces. […] Mais il est certains effets, favorables à l’égalitarisme, qui tiennent aux qualités propres de la dernière forme sociale examinée. […] Ils font profession de tenir tête aux forts et de protéger les faibles. […] L’unification des sociétés hâte le moment ou les individus sont tenus pour les vrais titulaires du droit et où l’opinion publique déclare qu’il faut les juger, non en vertu de lois spéciales, d’après leur rang, mais en vertu de lois uniformes, d’après leur mérite personnel.

225. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Et, même alors, nous ne nous tenons jamais tout entiers. […] Nous tenons donc les deux bouts de la chaîne, quoique nous n’arrivions pas à saisir les autres anneaux. […] Elle tient à l’essence même de la vie. […] C’est dans un sens bien différent que nous tenons l’humanité pour la raison d’être de l’évolution. […] Tous les vivants se tiennent, et tous cèdent à la même formidable poussée.

226. (1925) La fin de l’art

Mais vraiment, je ne sais pas trop à quoi cela tient. […] Croyez-moi, monsieur le juge de paix, tenez-vous en au Code, c’est plus sûr. […] Avec les Veuillot on sait à quoi s’en tenir. […] J’en ai tenu un instant le manuscrit autographe. […] Encore un effort et il la tenait !

227. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Sans doute ; mais ce n’est que pour les hommes systématiques que tout se tient, et pour les autres tant s’en faut que tout se tienne. […] Mais ce tribut payé, Marot s’est tenu quitte. […] Calvin y tint la main jusqu’à sa mort avec une inflexible constance. […] L’exhorté peut-il être tenu pour tout passif ? […] Pourquoi ne tenons-nous les bois ?

228. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

— Cette fois, il n’est sophisme qui tienne. […] Montesquieu se tient au dehors. […] et Montesquieu tient à cette distinction. […] Duclos se tient sur la réserve et le tient à distance. […] Il tient à un Dieu « rémunérateur et vengeur ».

229. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Cet historien de Philippe II n’a tenu aucun compte des desiderata que j’avais posés quand il publia les deux premiers volumes de son histoire. […] Ce livre a la puissance personnelle des facultés qui font le talent, mais il a l’impuissance de son siècle, — d’un siècle à qui manque radicalement le sens des choses religieuses, et il en faut au moins la connaissance et la compréhension pour en parler dans une histoire où elles tiennent une si grande place. […] … — Il faut savoir le reconnaître… Nous nous tenons pour tels, et la politique de Forneron nous tient pour tels aussi.

230. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

MM. les officiers de tous les corps se tiendront prêts à faire à M.  […] Seulement, ce sera à moi de juger si je dois ou non sortir de l’Hôtel ; mais tant que je pourrai me tenir ferme dans la foule, j’y marcherai. » (18 mai 1843). […] C’est une baraque. » — « Je reviendrai l’année prochaine, repartit Horace, et vous y serez encore. » Il fut piqué du mot, et puis l’ennui le tenait déjà ; il s’en revint en France. […] Louis-Philippe devait venir en visite à l’atelier ; Horace se tenait sur le qui-vive, et, au moment où le roi entra, il fit comme s’il était occupé à effacer la croix. — « Que faites-vous donc là, Horace ?  […] maintenant que nous vous tenons, vous allez en entendre de belles ! 

231. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Tenez, voilà le cas qu’on fait de votre exploit. […] Mais, nonobstant l’exemple et l’infraction fréquente, la règle a tenu bon et résisté. […] Il n’y a pas de dictateur qui tienne : ni le grand Malherbe, ni le grand Balzac, ni la grande Arthénice elle-même (Mme de Rambouillet), n’ont puissance et qualité à cet égard qu’avec l’aide et l’assentiment de tous. […] Vaugelas tenait donc une autre voie et s’y prenait indirectement pour faire dire à la personne ce qu’il voulait savoir et ce qu’il lui importait d’entendre, sans qu’elle soupçonnât le nœud de la difficulté. […] Étienne, Essai sur La Mothe-Le-Vayer ; Vaugelas y tient naturellement une grande place, comme ayant eu La Mothe-Le-Vayer pour antagoniste.

232. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Il rédige le procès-verbal, et si, quand il est un peu paresseux ou trop occupé ailleurs, il ne tient qu’à lui de faire cette rédaction courte et sèche, il ne tient qu’à lui aussi (et nous en avons l’exemple en M.  […] Tous les mots sacramentels, orthodoxie, secte, schisme, étaient proférés, et il ne tenait pas à lui que l’Académie ne se constituât en synode ou en concile. […] D’autres prix littéraires se fondent chaque jour et sont, pour ainsi dire, en attente ou en préparation ; car c’est à qui tiendra à perpétuer honorablement son nom en le rattachant à un Corps réputé immortel. […] Cette marque pour elle est plus vraie et plus sûre que le baptême douteux qu’elle tient de l’Ordonnance royale de 1816. […] L’essentiel est de se mettre en communication régulière avec l’air du dehors ; qu’elle tienne à honneur et à devoir de paraître informée, à son heure, de tout ce que la littérature contemporaine produit de distingué, même dans les branches réputées légères.

233. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

. — Mais on tient mal à deux sur un trône ; Étéocle, maître de Thèbes, chassa bientôt Polynice. […] Sa harangue est mâle et concise comme le langage qu’il tient durant tout le drame ; l’accent de la volonté y domine, il y a de l’Imperatoria brevitas romaine dans son laconisme. […] Il se compare à un pilote taciturne, « debout à la poupe de la ville, qui tient la barre de la chose publique, et défend ses paupières contre le sommeil ». […] Dans les sièges modernes, l’ennemi, tenu à distance par le feu des forts, reste invisible au peuple bloqué. […] Son écusson porte pour emblème un Homme nu qui tient une torche enflammée, et cet homme crie, en lettres d’or : « Je brûlerai la ville ! 

234. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Il en est de même de certaines idées si ancrées qu’elles semblent moins tenir à l’intelligence qu’au caractère. […] Il n’a tenu qu’à moi de participer à toutes les faveurs compatibles avec son système. […] même en simple révolution de littérature, heureux qui n’a été que de 89 et qui s’y tient ! […] Il n’a pas tout à fait tenu ni dû tenir ce qu’il écrivait à madame de La Fayette (30 octobre 1799)  : « Quant à moi, chère Adrienne, que vous voyez avec effroi prêt à rentrer dans la carrière publique, je vous proteste que je suis peu sensible à beaucoup de jouissances dont je fis autrefois trop de cas. […] je me suis tenu debout. » C’était assez, c’était unique, au milieu des prosternations universelles.

235. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Malheureusement, dans une histoire où le Catholicisme tient une si grande place qu’il semble tenir toute la place, il faudrait le sens profond et nécessaire du Catholicisme, et il manque à Forneron. […] L’Europe ne tenait pas toute, en effet, à cette heure, dans les entrechoquements de la politique, de la guerre, de la cour, des passions charnellement humaines, mais elle tenait encore plus dans les idées, qui tombaient de toutes parts, dans tous les esprits, comme la pluie de flammes de Sodome, et qui allaient mettre à feu toutes les traditions respectées, depuis des siècles, par les peuples. […] Mais il a tenu tellement à l’être, qu’il a fait parler avec leurs propres paroles les acteurs de son histoire plutôt que de la raconter lui-même, afin qu’elle fût plus fidèlement racontée et d’une vérité plus intime. […] Nous nous tenons pour tels, et la politique de Forneron nous tient pour tels aussi. […] Toute la Révolution tient, en effet, intégralement, en cette Histoire générale des Émigrés, qui n’en est pas moins l’histoire spéciale de la Révolution.

236. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Vous aurez trois éloges très différents ; auquel vous en tiendrez-vous ? […] Elle tient de sa main gauche une balance suspendue dont les plats de niveau sont également chargés de lauriers. […] Mercure tient son caducée de la main gauche ; il a aux deux côtés de sa tête deux ailes éployées, d’assez mauvais goût. […] Tu laisses reposer cette cuisse sur la tienne, et tu ne t’en saisis pas, et tu ne la dévores pas ? […] Est-ce que cet enfant ne devoit pas tenir une des mains de sa mère, la dévorer et l’arroser de larmes ?

237. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Mon présent est donc à la fois sensation et mouvement ; et puisque mon présent forme un tout indivisé, ce mouvement doit tenir à cette sensation, la prolonger en action. […] Mais cette apparence de destruction complète ou de résurrection capricieuse tient simplement à ce que la conscience actuelle accepte à chaque instant l’utile et rejette momentanément le superflu. […] La diminution apparente de la mémoire, à mesure que l’intelligence se développe, tient donc à l’organisation croissante des souvenirs avec les actes. […] Une conscience qui, détachée de l’action, tiendrait ainsi sous son regard la totalité de son passé, n’aurait aucune raison pour se fixer sur une partie de ce passé plutôt que sur une autre. […] N’est-il pas vraisemblable, dès lors, que la rupture de l’équilibre mental dans l’aliénation tient tout simplement à une perturbation des relations sensori-motrices établies dans l’organisme ?

238. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

ce décret de Moscou, comme il le tient et comme il en tient ! […]tiens ! […] » et s’en tient là. […] tiens ! tiens ! 

239. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Zola, ou du moins par son protagoniste, et qui tiennent plus des trois quarts de ce livre ? […] Je suis malheureusement tenu à l’abréger beaucoup, faute de place. […] Tenez : fouillons au pied du rosier ! […] Il n’a pas l’air de tenir à l’argent. […] La Reine tint parole et inventa pour ses hôtes tous les jours des distractions nouvelles.

240. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Pourquoi tient-on à croire que Louis XIV a fait asseoir Molière à sa table, et l’a servi lui-même ? […] C’est comme on sait, le genre d’affaires où il tenait le plus à décider par lui-même. […] Elle le tenait de M. de Pompone. […] Nom donné au poulet qu’on tenait prêt à toute heure pour le roi. […] C’est d’Arnauld lui-même qu’on tient le mot.

241. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Pendant sept ans, il a la force de se tenir à l’écart et de vivre dans la retraite malgré les curiosités du public. […] Mais il ne s’en est pas tenu aux vérités qu’il avait découvertes chez les autres. […] C’est cette constatation faite qui émeut, je crois, les jeunes gens : l’excès de leur probité les tient hésitants. […] Sully Prudhomme tienne tant à une définition exacte et rigoureuse du vers et à une définition de la prose. […] Et nous devons ici nous en tenir au raisonnement.

242. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

Au-dessous de Jupiter sévère, je vois un scélérat qu’on se prépare à lier ; il est désespéré, il regarde la terre, il se frappe le front du poing. à côté de ce brigand, car il en a bien l’air, un jeune homme qui lui a saisi le bras, qui tient une chaîne de sa main gauche, et qui serre si fort cette chaîne qu’on dirait qu’il craint plus qu’elle ne lui échappe que son coupable. […] Adonis est assis ; on le voit de face ; son chien est à côté de lui ; il tient son arc de la droite, sa gauche est je ne sais où. […] Dans le berceau voisin, le jeune Hercule assis tient par le cou un serpent de chaque main, et s’efforce des bras, du corps et du visage, de les étouffer.

243. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

Les passions qui leur donnent les joïes les plus vives leur causent aussi des peines durables et douloureuses ; mais les hommes craignent encore plus l’ennui qui suit l’inaction, et ils trouvent dans le mouvement des affaires et dans l’yvresse des passions une émotion qui les tient occupez. […] Quand les hommes dégoutez de ce qu’on appelle le monde prennent la resolution d’y renoncer, il est rare qu’ils puissent la tenir. […] Veritablement l’agitation où les passions nous tiennent, même durant la solitude, est si vive, que tout autre état est un état de langueur auprès de cette agitation.

244. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

On l’a baptisé décadent, il s’en tiendra là. […] Et tenez, ce tabide décadisme fut un bienfait de la Providence. […] Tenez, vous allez comprendre. […] Tenez, je viens de lire l’Argent. […] Camille de Sainte-Croix, tenez !

245. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

J’ai tenu à marquer non pas le premier succès de M.  […] je ne me tiens plus ! […] … Elle le tenait. […] Tiens. […] On n’aura plus qu’elle, on y tiendra passionnément.

246. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Comme il avait lu dans mon âme pour se tenir devant moi dans une attitude semblable ! […] Tenez… et il tendit à son ami un billet qu’il avait, ouvert devant lui, sur sa table. […] Il dut se tenir debout, près de la porte, entre deux jeunes gens coiffés de toques. […] Malot, toute son étude psychologique, tiennent dans ces trois phrases. […] Malot tient tout entière dans ces deux mots.

247. (1897) Aspects pp. -215

Abadie tient dans ces strophes d’une si parfaite allure. […] Bakounine ne peut pas se tenir tranquille !  […] Cela tient, peut-être, à la lenteur du développement. […] Tiens ! […] En terminant, je tiens à dire à M. 

248. (1896) Études et portraits littéraires

Apercevez-vous comme cela se tient ? […] Même je veux ignorer qu’il les a jadis tenus. […] Tenez, la décoration est l’image du reste. Rien ne s’y tient. […] Tout en lui se tient en échec, se neutralise.

249. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

On comprend donc que des biologistes épris de rigueur aient tenu pour artificielle la distinction entre les deux règnes. […] Ils y échappèrent et à cette heureuse circonstance tient l’épanouissement actuel des formes les plus hautes de la vie. […] Nous le tenons pour capital. […] Au contraire, nous tenons l’intelligence humaine pour relative aux nécessités de l’action. […] Elle peut tenir en échec d’autres habitudes motrices et, par là, en domptant l’automatisme, mettre en liberté la conscience.

250. (1813) Réflexions sur le suicide

L’excès du malheur fait naître la pensée du Suicide, et cette question ne saurait être trop approfondie ; elle tient à toute l’organisation morale de l’homme. […] La vivacité de nos désirs tient aux difficultés qu’ils rencontrent ; l’ébranlement de nos jouissances à la crainte de les perdre ; la vivacité de nos affections aux dangers qui menacent les objets de notre amour. […] Le remords tient nécessairement à l’idée qu’on se fait de la Justice divine, car si nous ne comparions pas nos actions à ce type suprême de l’équité, nous n’aurions dans la vie que des regrets. […] Le courage d’un grand nombre d’hommes tient souvent aussi à cette imprévoyance. […] Les lumières de la raison sont bien vacillante dans des questions si hautes, et je m’en tiens au dogme du sacrifice, c’est celui-là dont je ne puis douter. 

251. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

À cela ne tienne, lui répondis-je ; j’ai assez d’argent pour toi et pour moi. […] Tiens, dis-je au Tasse, c’est Dieu qui nous a conduits à cette porte qui mène à Rome ! […] Quoique j’eusse le plus ardent désir de finir mon vase, je promis néanmoins de le contenter, tant pour mon propre plaisir que pour tenir parole à mon père. […] — C’est, répondit Nero, qu’il n’en a pas eu l’occasion. — Hé bien, riposta le pape, je le tiens encore pour un honnête homme. […] Le duc, qui le tenait tantôt pour un fou et tantôt pour un poltron, se mit à rire, et s’enfonça dans son lit.

252. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

” « Grandet tint son couteau sur le nécessaire, et regarda sa fille en hésitant. […] « — Tiens, ma fille, ne nous brouillons pas pour un coffre. […] Tiens, vois, j’embrasse Eugénie. […]Tiens, Eugénie, tiens, ma femme, voilà pour vous, dit-il en maniant les louis. […] Tiens, vois-tu, mémère, nous ne faisons qu’un maintenant.

253. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Il est une fraîcheur qui tient à la source ; il est des images vives et légères qui tiennent aux impressions du berceau, et dont la trace se perpétue à travers les âges. […] Il a de ces débuts enflammés qui tiennent des deux ivresses : ainsi, dans cet élan d’orgie ou de sérénade (c’était un peu la même chose chez les Anciens, comessatio), il veut courir à la porte de sa maîtresse, et s’adresse tour à tour à son serviteur pour qu’il allume le flambeau, et à lui-même pour s’enhardir : « Le dé en est jeté : allons, enfant, j’irai. — Allons, courage !  […] La petite Timo dura peu de temps, à ce qu’il semble, et ne lui tint guère au cœur ; elle vieillit vite, et il se vengea ou de ses rigueurs, ou plutôt de ses infidélités avec le beau Diodore, par une manière d’épode sanglante, digne d’Archiloque ou d’Horace à Canidie : il la compare pièce pour pièce à un vaisseau qui ne peut plus soutenir la mer. […] Mais non : ces phases analogues et ces récidives du goût tiennent à des lois générales de l’esprit humain ; on réinvente, à de certains âges et en de certains lieux éloignés, les mêmes défauts, comme quelquefois aussi on rencontre, sans s’être connus et à l’aide de la seule nature, les mêmes beautés. […] Cette épigramme ne porte pas le nom d’Héliodora, mais elle est toute pareille à d’autres où cette maîtresse est nommée, et dont elle peut tenir lieu.

254. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Un double caractère de cette petite école est d’être à la fois en arrière et en avant, de tenir à l’âge qui s’en va et au siècle qui vient, d’avoir du précieux et du hardi ; enfin, de mêler dans son bel-esprit un grain d’esprit fort. […] Saint-Pavin, Hesnault, Mme Des Houlières elle-même, tenaient du philosophe, de l’indévot : par leur liberté de pensée en morale non moins que par leur goût en poésie, ils devaient être antipathiques à Despréaux, à Racine. […] Il est un nom célèbre qui va me suffire à résumer, à développer mon aperçu ; je m’en tiendrai à Mme Des Houlières. […] Il a eu raison de l’être195 : le genre plus ou moins précieux, qui s’était tenu dans les coulisses sous Louis XIV, rentrait en scène en s’émancipant. […] Ce n’était qu’un rien que ce point littéraire ici aperçu ; j’ai tenu pourtant à ne le pas laisser fuir.

255. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Mais si la postérité s’en tient, dans l’essor de son coup d’œil, à cette brève compréhension d’un homme, à ce relevé rapide d’une œuvre, il y a, jusque dans son sein, des curiosités plus scrupuleuses et plus patientes qui éprouvent le besoin d’insister davantage, de revenir à la connaissance des portions disparues, et de retrouver épars dans l’ensemble, plus mélangés sans doute mais aussi plus étalés, la plupart des mérites dont la pièce principale se compose. On veut suivre dans la continuité de son tissu, on veut toucher de la main, en quelque sorte, l’étoffe et la qualité de ce génie dont on a déjà vu le plus brillant échantillon, mais un échantillon, après tout, qui tient étroitement au reste, et n’en est d’ordinaire qu’un accident mieux venu. […] Les Mémoires d’un Homme de qualité nous semblent sans contredit, et Manon à part, Manon qui n’en est du reste qu’un charmant épisode par post-scriptum, — nous semblent le plus naturel, le plus franc, le mieux conservé des romans de l’abbé Prévost, celui où, ne s’étant pas encore blasé sur le romanesque et l’imaginaire, il se tient davantage à ce qu’il a senti en lui ou observé alentour. […] Il ressuscite avec ampleur, après Louis XIV, après cette précieuse élaboration de goût et de sentiments, ce que d’Urfé et mademoiselle de Scudery avaient prématurément déployé ; et bien que chez lui il se mêle encore trop de convention, de fadeur et de chimère, il atteint souvent et fait pénétrer aux routes secrètes de la vraie nature humaine ; il tient dans la série des peintres du cœur et des moralistes aimables une place d’où il ne pourrait disparaître sans qu’on aperçût un grand vide. […] Jean-Jacques, dont c’était aussi le vœu, mais qui ne s’y tenait pas, eut occasion, à ses débuts, de rencontrer souvent l’abbé Prévost chez leur ami commun Mussard, à Passy ; il en parle dans ses Confessions (partie II, livre VIII), et avec un sentiment de regret pour les moments heureux passés dans une société choisie.

256. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

On n’y peut tenir, direz-vous, c’est une souffrance. […] Du reste, en tout ce qui ne tenait pas à l’appréciation de mon état, il fut bon autant qu’on peut l’être… Ces messieurs de Saint-Sulpice et M.  […] Vous trouverez peut-être singulier, mon cher ami, que, ne croyant pas au christianisme, je puisse me tenir en une telle assurance. […] Mais vous n’avez pas une preuve qui tienne devant la critique psychologique ou historique. Jésus seul tient.

257. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Quel succès si la pièce tenait ce que promet un si beau prologue ! […] » Aucune justification ne tient contre ce mot décisif, et madame Merson n’a qu’à baisser humblement la tête. […] C’est l’œuf de Christophe Colomb qui tient sur la table, quand on a cassé l’un des bouts. […] Merson est venu pour tenir le même emploi, dans la comédie de M.  […] A quoi bon les jeter, d’ailleurs, dans un panier percé dont madame Fourchambault tient l’anse ?

258. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Longtemps maladif dans son enfance, le jeune roi, dont la vie semblait ne tenir qu’à un souffle, avait été élevé avec des précautions excessives, et on lui avait épargné tout effort, plus même qu’il n’était d’usage avec un prince. […] Il ne tint pas à elle qu’on ne pût dire le siècle de Louis XV comme on dit le siècle de Louis XIV. […] Il paraît avoir eu assez de jugement, si ce terme n’était pas trop élevé pour signifier l’espèce d’immobilité et de paresse dans laquelle il aimait à tenir son esprit ; mais il lui fallait avant tout être gouverné. […] Jusque-là, je m’en tiens volontiers aux aperçus historiques de Duclos sur les causes et les malheurs de cette guerre de 1756. […] Il tenait cette sournoiserie de sa première éducation sous le vieux cardinal de Fleury. — Enfin, elle s’écrie avec un sentiment secret de sa misère et une expression qui ne laisse pas d’étonner : « Ah !

259. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Il paye tribut au goût du moment, à la mode des Almanachs des Muses et des Athénées ; il fait de petits vers, mais il ne s’y tient pas, et il sort bientôt du frivole. […] Je n’ai point à entrer dans ce procès ; mais c’est ainsi qu’à l’âge de vingt et un ans le jeune élève commissaire des guerres était de force à tenir tête aux champions de la critique universitaire d’alors, et avait un pied solide dans la littérature classique. […] Ce ministre, homme de bien et de mérite, s’appliqua à tenir une comptabilité régulière, et, après une année d’exercice, il soumit le tableau complet de ses opérations au jugement des Conseils législatifs et du public ; il le fit avec sincérité, sans réticence. […] Saint-Ange a fait imprimer ses Métamorphoses ; Chénier prépare aux Français un Don Carlos… En un mot, elle parlait à Daru de tout ce qu’elle savait bien qui l’intéressait le plus et qui lui tenait le plus à cœur. […] Aujourd’hui il me sera impossible de résister à la tentation de tenir sur ma cheminée le volume des Satires d’Horace et de me rengorger, lorsque les survenants indiscrets, jetant un coup d’œil sur la première page, s’écrieront : Oh !

260. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Pendant les derniers dix-huit mois de la vie de Bossuet, l’abbé Le Dieu nous tient au courant, beaucoup plus que nous ne voudrions, de ses griefs, des mille tracasseries et des misères de cet intérieur où l’illustre prélat était de plus en plus enchaîné par sa maladie. […] Bossuet tient à ce qu’on sache en haut lieu qu’il n’est pas si désespéré de santé qu’on l’a dit. […] Sa condition désormais, sa spécialité, en quelque sorte, sera de tenir l’article Bossuet (manuscrits, biographie., etc.) ; il craint les concurrences. […] Après la grande salle, on entre dans le grand cabinet où se tient le bureau du secrétaire et autres officiers ; là il y avait des sièges pour les expectants et bon feu à la cheminée. […] Il laisse les gens de la maison aller à la descente du carrosse, et il se tient dans la première grande salle au haut de l’escalier.

261. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

On peut tenir pour une merveille qu’un seul auteur ait produit tant de choses. […] Votre Ovide s’en est défendu avec Sénèque le tragique, Térence, Valerius Flaccus, Silius Italicus, et Claudian ; mais je ne les en tiens pas pour sauvés, et toute la grâce qu’ils en peuvent prétendre, c’est celle du cyclope d’Ulysse, c’est d’être assassinés des derniers. […] Tenez à bonheur de n’être pas à son goût, c’est pour vous le meilleur signe du monde28… En est-ce assez pour ruiner et anéantir la page de Sorel, lequel, comme critique, n’a jamais compté ? […] L’anecdote s’était conservée dans la famille, mais Jean Rou, qui la tenait de tradition, n’avait jamais eu occasion de voir la petite gravure très vantée, dont très peu d’épreuves avaient été tirées dans le temps. […] Selon cette chronique dont il se porte garant, les deux personnes qui passaient pour être filles de l’intendant et fidèle domestique de Marolles auraient tenu de plus près à ce dernier ; les gens soi-disant bien informés prétendaient qu’il était le vrai père.

262. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Lui, entier dans sa foi, ne voulut aucune atténuation à ce qu’il tenait pour la vérité. […] Quand on croit la tenir, elle vous échappe ; elle se livre quand on sait l’attendre. C’est aux heures où on croyait lui avoir dit adieu qu’elle se révèle ; elle vous tient, au contraire, rigueur quand on l’affirme, c’est-à-dire quand on l’aime trop. […] Le résumé ou, comme on disait autrefois, le « bouquet spirituel » de cette séance doit être que l’ardeur pour le bien ne tient à aucune opinion spéculative. […] On prend à cet égard les plus belles résolutions de sobriété intellectuelle, et on ne les tient pas.

263. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Le Mamignon ne se tient pas pour battu. […] Cette dot est l’hypothèque de maître Joulin, et il y tient à n’en pas démordre. […] Mais quelle est cette rivale dont elle tient le vêtement et dont elle ne voit pas le visage ? […] L’adultère vénale aura beau se masquer de vertu, se voiler de décence, s’envelopper de précautions et de feintes, elle sera trahie par son luxe postiche, qui ne tient ni à sa position ni à sa fortune. […] Le cadran que les nègres d’enseigne ont dans le ventre, madame Chariot l’a dans le cœur ; elle a juré de trahir sa pratique au coup de l’horloge ; elle tient sa parole.

264. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Enfant de l’Hérault, je tiens à l’honneur et à la gloire de mon pays ! […] Jacques a l’air en peine, il a vu Marthe… Tremblant, honteux, il s’est arrêté… Le prêtre n’y tient plus : de sa voix forte, pleine, qui épouvante le péché : « Jacques, quelle est cette femme ?  […] Il serait difficile et injuste de faire dans ce succès la part à l’un des éléments plutôt qu’à l’autre : ils sont également nécessaires et se tiennent. […] Homme, elles lui ont procuré la considération qui ne suit pas toujours la renommée ; poète, elles l’ont amené à la perfection de son talent et au goût, à ce goût naturel, qui tient à l’usage complet et sûr de toutes les louables facultés. […] je veux vous peindre, pendant que je tiens le pinceau, notre pays aimé du ciel.

265. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Ce qui ajoute au piquant, c’est que le billet de huit mille livres, ainsi donné au receveur, lui fut tenu en compte, et que cela entra dans sa décharge de comptabilité. […] La première grande négociation de Gourville fut celle de la pacification de Bordeaux, où le prince de Conti et Mme de Longueville tenaient encore (1653). […] Qu’à cela ne tienne, dit Gourville, qui n’est jamais à court d’expédients ; et il retourne à Bordeaux avec deux amnisties en poche, l’une telle qu’elle a été convenue, l’autre plus restreinte, et dans laquelle Duretête et quatre ou cinq autres sont exceptés. […] Il s’y ennuie fort pourtant, et, lorsqu’il obtient de sortir, il n’y tenait plus. […] Louis XIV le remit au pas ; l’excellent esprit de Gourville qui, de tout temps, serait allé de pair avec les plus fins, devint digne d’une époque où les honnêtes gens avaient le dessus ; il y tient son coin original et distingué.

266. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

La théorie de la Relativité a beau n’en tenir aucun compte dans ses déductions proprement scientifiques : elle en subit pourtant l’influence, croyons-nous, dès qu’elle cesse d’être une physique pour devenir une philosophie. […] Ils tiennent à une équivoque. […] Nous venons de voir que les zéros des deux horloges ont été placés de telle manière qu’un rayon de lumière parût toujours, à qui tiendra les horloges pour concordantes, mettre le même temps à aller de O en A et à en revenir. […] Pierre, qui sait à quoi s’en tenir, dirait à Paul : « Au moment où tu t’es détaché de moi, ton système s’est aplati, ton Temps s’est enflé, tes horloges se sont désaccordées. […] Maintenant, je dois ajouter que je tiens ces changements pour bienfaisants.

267. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

A quoi cela tient-il ? […] Très légitimement, il tient à sa méthode comme l’ouvrier à ses outils. […] Or, ce n’est point ainsi que vous vous y prenez — force vous est de recourir à une méthode toute différente, qui tient le milieu entre celle de l’historien et celle du juge d’instruction. […] Dressez le fait à se produire dans un laboratoire, on l’accueillera volontiers ; jusque-là, on le tiendra pour suspect. […] Encore ne tenons-nous pas compte de la coïncidence dans le temps, c’est-à-dire du fait que les deux scènes dont le contenu est identique ont choisi, pour apparaître, le même moment.

268. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Ce n’est pas à nous et ce n’est pas ici qu’il convient d’entrer en éclaircissement sur ce qu’on a appelé les divers degrés d’oraison : nous ne pouvons rester qu’au seuil, et c’est beaucoup déjà de nous y tenir. […] On y a trop exclusivement rassemblé ce qui tient aux choses intérieures, en retranchant des lettres ce qui s’y mêlait d’accidentel, de relatif au monde, aux personnes, ce qui y donnait de la réalité. […] Mais une autre conversion qui occupa le monde quelques années après et qui tint bon, fut celle de Mme de La Sablière, cette amie désabusée de La Fare, cette patronne constante de La Fontaine : Ce que vous me mandez de Mme de La Sablière, écrivait Fénelon de Versailles (1691), me touche et m’édifie. […] À cette modification de famille et d’orgueil, il s’en joignait en ce temps-là une autre pour Mme de Grammont, une mortification plus intime et plus secrète, qui tenait à la personne et à la beauté. […] On le lui passe comme à quelqu’un qui tient d’Amyot, qui est venu avant Bossuet et qui s’est formé avant Malherbe.

269. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Après quarante ans d’une lutte glorieuse, durant laquelle fortes de leur droit, de leur patriotisme et de leur conscience, elles avaient tenu en échec la toute-puissante monarchie espagnole et prouvé leur souveraineté à la face du soleil, les Provinces-Unies de Hollande, lasses enfin, aspiraient à la paix. […] La paix se faisant d’ailleurs, le traité n’en subsistait pas moins ; l’influence de la France était désormais assurée, et Henri IV, par les mains du président Jeannin, tenait la balance. […] C’était un congrès diplomatique qui se tenait en pleine république, chez les intéressés, et au foyer le plus ardent des passions et des discours populaires : ce qui ne rendait pas la négociation plus aisée. […] Le président Jeannin, qui prévoyait qu’on n’aboutirait point par cette voie, fit en juin un voyage en France, dans lequel il se fixa avec Henri IV sur la conduite à tenir ; il avait amené le roi à son idée de conclure une longue trêve au lieu d’une paix, et de retour en Hollande, trouvant le projet de paix rompu, il y substitua heureusement et à temps sa proposition moyenne pour laquelle, avec un peu d’effort de son côté, tout le monde bientôt s’accorda. […] Dans le dernier discours qu’il tint devant l’assemblée des États-Généraux, à la veille de la conclusion (18 mars 1609), le président Jeannin les convie à ne plus différer, et en des termes remarquables : Vous ne rencontrerez jamais, leur dit-il, tant de choses conjointes ensemble pour vous aider à entretenir un traité avantageux comme à présent.

270. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

On n’attend pas de Joseph de Maistre un jugement froid et des paroles mesurées : il a sur ces terribles combats dont l’issue tient le monde en suspens, sur ces grands revers et ces désastres inénarrables dont il est témoin, des attentes, des transes, des espérances et des cris de joie, qui nous étonnent, qui nous blessent. […] Dans un entretien confidentiel qu’il a avec l’empereur Alexandre, en mai 1812, il déconseille à ce monarque de faire la guerre en personne ; il faut laisser cela à l’usurpateur, dit-il : « Un usurpateur ne peut être tel qu’en vertu d’une volonté de fer et d’une force qui tient du miracle. […] Sa correspondance est le contraire d’une correspondance effacée ; ce sont des saillies perpétuelles, des éclats de bon sens ou du moins qui tiennent le bon sens sur le qui vive. […] Sem est bon homme : pourvu qu’il ait une pipe, un sofa et deux ou trois femmes, il se tient assez tranquille ; mais Japhet est un terrible polisson ! […] Quant au fond de ses idées, on en tient peu compte avec lui, qui est un homme de parti pris, un écrivain tout de montre et de parade, et qui nous offre le plus singulier assemblage de toutes les prétentions et de toutes les boîtes à onguent de style mêlées on ne sait comment à d’heureuses et très heureuses finesses qu’on en voudrait détacher.

271. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

La stabilité et la tradition permettaient à ces utiles existences, dénuées d’avancement, de se continuer et de se transmettre, en quelque sorte, dans la même famille : on tenait le fil, on avait le secret des affaires et le chiffre ; on se le passait de la main à la main. […] Napoléon, dans une audience publique à Milan (juin 1805), fit une scène à l’envoyé extraordinaire de la reine, chargé de le complimenter, et la dénonça avec une colère calculée comme une furieuse ennemie de la France : « Si après tant d’années de règne elle ne sait pas mettre du calme et de la modération dans sa conduite et dans ses discours, le vaisseau anglais qu’elle tient dans la rade de Naples ne la sauvera pas. » Après de telles injures, l’ulcération, des deux parts, devint incurable. […] Je souscris à tout ce que la relation me fait dire ; je réclame cependant pour un mot ; je voudrais circonspects au lieu de judicieux. » Les Français, en effet, quelque complaisance qu’on mette à les juger, sont évidemment très-rétifs à la nouveauté en littérature, et, du temps de Gœthe surtout, il était difficile de trouver judicieuse la disposition d’esprit où se tenaient la plupart des écrivains de l’Empire : évidemment circonspect était le mot le plus doux, le mot poli. […] Thiers fut annoncée et vint, en quelque sorte, déboucher, défiler comme une grande armée, à dater de 1845, et pendant près de vingt ans occuper le devant de la scène, envahir et posséder l’attention publique : lui, l’historien diplomatique, qui avait puisé aux mêmes sources, qui en avait par endroits creusé plus avant quelques-unes, qui y avait réfléchi bien longtemps avant d’oser en tirer les inductions, les conséquences essentielles, mais qui, une fois les résultats obtenus, y tenait comme à un ensemble de vérités, il se trouvait du coup distancé, effacé, jeté de côté avec son noyau de forces. […] Il faisait comme un général habile et prudent qui, se sentant coupé ou débordé par des forces supérieures et hors d’état pour le moment de tenir campagne, occupe les points essentiels, quelques places fortes, et abandonne le reste du pays, sauf à rejoindre plus tard ses garnisons et à rétablir ses communications dès qu’il le pourra.

272. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Une anecdote que je tiens de la bouche même de M.  […] La prose tenait une grande place dans le talent de Charles Loyson. […] Je viens de parcourir un recueil auquel il a fort collaboré, le Spectateur politique et littéraire, de 1818 : c’était une feuille périodique ou à peu près, créée en opposition à la Minerve, et qui bientôt tint le milieu entre elle et le Conservateur, c’est-à-dire entre les libéraux-bonapartistes du temps et les ultra-royalistes. […] Droz, Auger, Campenon, tous exacts et honnêtes esprits, mais un peu froids, un peu ternes et sans nouveauté : il se retrouvait plus à sa place et dans son vrai monde, lorsqu’il était en compagnie des Royer-Collard, des de Serre, ses vrais maîtres, et qui lui témoignaient par leur considération qu’ils le tenaient, malgré sa jeunesse, pour l’un des leurs. […] Ce sont des erreurs d’optique qui tiennent à l’etmosphère particulière où l’on vit.

273. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Rousseau qu’il allait, durant quelques années, tenir un des premiers rangs, le premier rang peut-être ! […] On lui a fait honneur, et Chaulieu l’a félicité agréablement, d’avoir refusé une place dans les Fermes, que lui offrait le ministre Chamillart ; mais ce refus nous semble moins tenir à des principes d’honorable indépendance, qu’au goût qu’avait Rousseau pour la vie de Paris et les tripots littéraires. […] Il y tenait au reste beaucoup plus qu’on ne croirait. […] Rousseau n’invente rien : il s’en tient aux strophes de Malherbe ; il n’a pas le génie de construction rythmique. […] Le style de Rousseau, au contraire, ne se tient nullement et ne forme pas une seule et même trame.

274. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

» et dans le second cas : « Tiens ! tiens ! […] Bien des gens nerveux, capricieux et frivoles  à moins qu’ils ne soient, au contraire, très philosophes  ne tiennent guère compte que de la personne même de l’artiste, qui leur est sympathique ou antipathique, voilà tout. […] Elle n’embrasse pas, n’étreint pas pour de bon, a des gestes relativement modérés qui, par convention, tiennent lieu d’une mimique plus échauffée. […] Mme Sarah Bernhardt me fait toujours l’effet d’une personne très bizarre qui revient de très loin ; elle me donne la sensation de l’exotisme, et je la remercie de me rappeler que le monde est grand, qu’il ne tient pas à l’ombre de notre clocher, et que l’homme est un être multiple, divers, et capable de tout.

275. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Bordeaux reçoit un prix, sait-on a priori de quelle catégorie il le tient ? […] Abel Hermant en sera, Jean Moréas y était désigné : la mort lui a refusé cet honneur, auquel il tenait beaucoup, sans rien faire pour l’obtenir. […] Je la tiens pour surannée, sans but, sans mandat valable, hostile à la vraie indépendance du caractère et du talent, donnant des primes à l’arrivisme, et tout occupée de mesquines intrigues. […] Cette douairière tient fort bien son salon. […] Camille Mauclair, il tient l’Académie « pour surannée, sans but, sans mandat valable, hostile à la vraie indépendance du caractère et du talent, donnant des primes à l’arrivisme et tout occupée de mesquines intrigues ».

276. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Royer-Collard, M. de Rémusat disait : « S’il tient de nos classiques la pureté du goût, la propriété des termes, la variété des tours, le soin attentif d’assortir l’expression et la pensée, il ne doit qu’à lui-même le caractère qu’il donne à tout cela. » On voit qu’ici la part faite aux qualités classiques semble plutôt tenir à l’assortiment et à la nuance, au genre orné et tempéré : c’est là aussi l’opinion la plus générale. […] Combien de ces classiques précoces qui ne tiennent pas et qui ne le sont que pour un temps ! […] Voltaire y passerait, mais, tout en s’y plaisant, il n’aurait pas la patience de s’y tenir. […] Je ne veux pas continuer ici plus longtemps cette description qui, si elle était complète, tiendrait tout un livre. […] On s’en tient à ses amis, à ceux qu’un long commerce a éprouvés.

277. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Tenez, si vous êtes sage, vous retirerez votre harangue napoléonienne, et, renonçant tout de suite à votre expédition, vous rentrerez pacifiquement chez vous. […] Tenez-vous absolument à faire une croisade ? […] J’y tiens et j’y reviens. […] Sarcey rôdait par là… il s’avança et lui tint à peu près ce langage : “ Qui vous a permis de faire des contes romains ? […] » De quoi Duranty se frotte les mains et rit à se tenir les côtes, en confectionnant des nœuds coulants — ou étrangloirs — qu’il vend, au plus juste prix, à Sarcey.

278. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

On entrevoit par un mot de M. de La Chapelle, chancelier de l’Académie, qui lui répondit le jour de la réception, que l’abbé avait sollicité les suffrages avec beaucoup d’empressement : non content de sa charge d’aumônier de Madame, il avait vu dans la place d’académicien l’entrée à un nouveau spectacle, et sa curiosité n’y avait pas tenu. […] La sienne, telle qu’il l’établit et la pratiqua dans tous ses livres, est en effet une orthographe toute rationnelle, purement et simplement conforme à la prononciation, qui rompt en visière à l’étymologie et qui ne tient aucun compte de l’usage. […] Il énonce une chose juste, il propose une réforme utile, vous l’approuvez, il n’est pas content : pour la mieux établir et pour vous convaincre à satiété, il va s’amuser à énumérer les objections les plus futiles, se donnant le plaisir de les réfuter à son aise, une à une, premièrement, secondement…, vingt-huitièmement… Il ne s’arrêtera qu’après nous avoir accablés ; il tient à rester victorieux jusqu’au bout sur le papier, et à dormir sur le champ de bataille : dormir est bien le mot, surtout pour le lecteur. […] Il n’entend rien à Colbert et ne lui tient nul compte des grandes et patriotiques entreprises qu’il eut l’adresse de faire adopter au jeune roi pour l’honneur de la nation. […] Pour ceux qui y regardent de près et qui tiennent à voir les hommes tels qu’ils ont été, sans se contenter de l’à-peu-près des statues, une petite question se pose et revient toujours, bon gré mal gré, dès qu’on s’occupe de ses œuvres et de ses mérites : Était-il donc aussi ennuyeux à écouter qu’à lire ?

279. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

c’est un type romain, et vous avez beau le trouver charmant et ne pas vous lasser de l’aller entendre, de lui faire des compliments dans sa langue et de recevoir les siens, gardez-vous de lui dire que la critique littéraire est jusqu’à un certain point une branche de la philosophie et de la critique historique ; que le divin Dante tient quelquefois du barbare (sans en être moins étonnant et moins intéressant, tant s’en faut !) […] Et puis, tenez, une idée philosophique à laquelle je tiens beaucoup, c’est que le génie des peuples modernes n’a pas tant besoin d’être ni excité ni endoctriné par tels ou tels hommes. […] Vous seriez bien frappé et charmé de la tenue de ces cours et de ces étudiants, et de leur maintien et de leur ton et de leur mise, et des cahiers qu’ils tiennent à chaque cours avec tant d’ordre. […] Dans le petit nombre des maîtres universellement salués et reconnus qui tiennent, à leur époque, le sceptre de l’esprit et qui pourraient être dans tous les sens les arbitres des grâces, il s’en est rencontré un (chose rare !)

280. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Joséphin Soulary Je vous tiens (je l’ai dit en maintes circonstances) pour le premier poète de notre époque. […] Théodore de Banville L’auteur des Fleurs du mal est non pas un poète de talent, mais un poète de génie, et de jour en jour on verra quelle grande place tient, dans notre époque tourmentée et souffrante, son œuvre essentiellement française, essentiellement originale, essentiellement nouvelle. […] Et quand il tient une image, comme il la serre, de peur qu’elle ne lui échappe ! […] Mais qu’il ait desséché sa verve poétique (ce que nous ne pensons pas) parce qu’il a exprimé et tordu le cœur de l’homme lorsqu’il n’est plus qu’une éponge pourrie, ou qu’il l’ait, au contraire, sur-vidée d’une première écume, il est tenu de se taire maintenant, car il a dit les mots suprêmes sur le mal de la vie, ou de parler un autre langage. […] En effet, il est surprenant de penser qu’on le conteste encore, que les critiques le dénaturent, que les anthologies le négligent, qu’on le tient tout au plus pour un poète étrange, malsain, stérile en tout cas.

281. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Lui, pour tenir sa famille en gaieté et aider au travail de la nuit, chante en s’accompagnant de la cornemuse. […] On voit que sur le théâtre des Gelosi et dans les comédies même, l’élément comique ne prévalait pas exclusivement ; le sentiment, la passion et le drame y tenaient une bonne place ; la bouffonnerie n’y était souvent qu’accessoire et épisodique, et ainsi mesurée elle n’en produisait sans doute qu’un plus grand effet. […] Il y fait entrer Isabelle, et se tient à la porte pour écarter les importuns. […] Or, la logette où est entrée Isabelle est le galetas du jardinier Burattino ; et l’amoureux Oratio, dont la maîtresse du logis est complice, s’y tient caché. […] Lorsque ensuite Burattino rencontre Pantalon, il l’engagea tenir prêts ses mille ducats, parce que Franceschina ne peut tarder de mettre au jour un garçon.

282. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Les figures ne tiennent pas davantage dans le jugement de Salomon du Poussin. […] S’il y avait eu de l’effet, de la couleur, de l’expression ; si, sans rien changer à l’ordonnance, à la position des figures, l’artiste avait su leur donner seulement ce contour mou et fluant, cette variété d’attitudes naturelles faciles, aisées, qui tient à l’âge, au caractère, à l’action, à la sympathie des membres, à l’organisation, on aurait après cela jugé de ce morceau. […] Le bon Chardin que vous connaissez me prend par la main, me mène devant ces tableaux et me dit avec le nez et la lèvre que vous savez : tenez, voilà de l’ouvrage de littérateur… il ne tenait qu’à moi de tirer certains papiers de ma poche, et de lui dire : tenez, voilà de l’ouvrage de peintre.

283. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

L’homme de bon sens tâche de fermer son esprit aux préjugés, et tient l’imagination en bride sans l’étrangler. […] Reybaud est visible ; tous les critiques n’entrent pas dans des détails aussi domestiques ; mais que de fois des théories sur l’art, des vues historiques, toutes les recherches de l’esprit et de l’expression tiennent-elles la place de l’analyse que j’attends ! […] Ou plutôt je ménagerais son temps et sa complaisance, et je me tiendrais satisfait s’il voulait me dire seulement ce qu’il pense de l’efficacité de son art. […] Pour me l’imposer, il vous faudrait une autorité supérieure à la mienne, pareille à celle que le prêtre tient de son ministère. […] Beaucoup se plaignent de l’injustice des hommes ; mais on n’est pas tenu de les en croire, et dans ce siècle moins que jamais on peut accuser les lecteurs d’ingratitude.

284. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IX »

« C’est parce qu’il y a un nombre égal d’auteurs notoirement médiocres qui ont raturé et dont nous voyons la médiocrité obtenue exactement par les mêmes procédés que la perfection. » A ce compte, on ne doit plus conseiller d’être original, parce qu’à vouloir être original on risque de devenir excentrique ; on ne doit plus dire à ceux qui marchent mal : « Tenez-vous droit », parce que, quelques-uns, pour se tenir droit, se tiennent raides ; on ne doit plus recommander aux peintres, aux sculpteurs, aux romanciers de se recueillir, de méditer, d’observer, parce qu’il y en a qui, après s’être recueilli, après avoir médité, après avoir observé, n’ont produit que de médiocres œuvres. […] Qu’à cela ne tienne, « Chateaubriand n’est pas un exemple, c’est un caractère : il est unique. » Et M. de Gourmont ajoute : « Et uniques sont également les autres modèles que M.  […] Albalat voit des intentions de poète, Bossuet n’avait que des intentions de théologien. » Il est très vrai que le souci d’exactitude théologique explique certaines ratures de Bossuet ; j’accorderais même, si l’on y tient, qu’aucune de mes citations n’est probante.

285. (1910) Rousseau contre Molière

Molière a marqué ce trait et tenu à le marquer. […] Mais alors il aurait dû, pour la même considération, tenir les Fourberies de Scapin pour négligeables. […] Tenez-moi des vôtres, mon cher. […] Il faut cependant savoir ces choses et en tenir quelque compte. […] Il répondrait sans doute : « Ce n’a pas été mon intention. » On ne peut pas le tenir pour responsable.

286. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Il tient de la poésie. […] Il avait d’ailleurs de qui tenir. […] Si jeune, ce propos est de quelqu’un qui tient un rôle. […] Celui-ci a tenu un journal. […] Verdun, c’est la bataille de l’infanterie, terrée, mitraillée, asphyxiée, et qui tient, qui tient toujours.

287. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Sur le fond, au bord de son lit, des soldats affligés, les regards attachés sur lui, tiennent sa couverture levée. à droite, à son chevet, c’est un groupe de soldats debout, ils sont consternés. […] Tout à fait à gauche, sur le devant, un troisième qui tient la cuirasse du général et qui la présente à ses camarades qui forment un groupe devant lui. […] Je vois que ces soldats placés sur le fond qui tiennent la couverture levée feront une belle masse ; ils attendent sans doute que Pélopidas soit expiré pour la lui jetter sur le visage ; et je ne nie pas que cette idée ne soit simple et sublime. […] Ce modèle de tombeau est simple et beau, l’ensemble en est pittoresque, et l’on ne désire rien à la figure de l’amitié de tout ce qui tient aux parties de l’art ; la position, l’expression, le dessin, la draperie, sont bien ; mais qu’est-ce qui désigne l’amitié plutôt qu’une autre vertu ?

288. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

celui-là ressemblait vraiment à la corbeille de figues sous lesquelles dormait l’aspic de Cléopâtre, si vous tenez si furieusement à cette comparaison de panier ! Pour moi, je n’y tiens pas du tout. […] Dès les premiers mots, on sent qu’il y a là dedans de l’Alfred de Musset, comme dans Alfred de Musset on sent qu’il y a du Voltaire : Dans mon panier tiennent déjà Pastèques, oranges, grenades, Des sonnets et des sérénades, Force vers à la Maruja Et des sifflets pour les alcades ! […] ce cri nous le promet toujours ; mais il ne nous l’a pas tenu encore !

289. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « En guise de préface »

Alors c’est autre chose : je ne tiens pas du tout au nom de ce que je fais. […] Si tel de ses jugements particuliers paraît « étroit », comme on dit, ce n’est que par une illusion ou un abus de mots : car toute une conception de l’esprit humain et de la destinée humaine tient dans l’ampleur sous-entendue de ses considérants. […] Lire un livre pour en jouir, ce n’est pas le lire pour oublier le reste, mais c’est laisser ce reste s’évoquer librement en nous, au hasard charmant de la mémoire ; ce n’est pas couper une œuvre de ses rapports avec le demeurant de la production humaine, mais c’est accueillir avec bienveillance tous ces rapports, n’en point choisir et presser un aux dépens des autres, respecter le charme propre du livre que l’on tient et lui permettre d’agir en nous… Et comme, au bout du compte, ce qui constitue ce charme, ce sont toujours des réminiscences de choses senties et que nous reconnaissons ; comme notre sensibilité est un grand mystère, que nous ne sommes sensibles que parce que nous sommes au milieu du temps et de l’espace, et que l’origine de chacune de nos impressions se perd dans l’infini des causes et dans le plus impénétrable passé, on peut dire que l’univers nous est aussi présent dans nos naïves lectures qu’il l’est au critique-juge dans ses défiantes enquêtes.

290. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Va retrouver les tiens. […] Tiens : lis ; lis tout haut. […]Tiens, je te la donnerai. […] Tiens ! […] Il se tient debout devant son fauteuil.

291. (1922) Gustave Flaubert

Le mot le plus banal me tient parfois en singulière admiration. […] Votre image m’a tenu compagnie dans la solitude, incessamment. […] En réalité, tout se tient. […] Qu’à cela ne tienne ! […] Il semble qu’il tienne une place analogue au motif de l’eau.

292. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

N., disent certaines personnes, a promis la liberté du culte : oui ; mais vous savez bien qu’on n’a rien tenu de ce qu’on vous avait promis. […] votre comte de Maistre, il vous a bien tenu parole…. » Elle répondit : « Je n’ai pas lu le livre ni ne le lirai ; mais si M.  […] Or, en toute vérité, il faut, pour l’embrasser, tenir à la fois les deux pôles et l’entre-deux. […] Nous en verrons d’autres, tenez cela pour sûr, et ne croyez pas que rien finisse comme on l’imagine. […] Riaux, qui a mis une judicieuse introduction aux Oeuvres de Bacon (Charpentier, 1843), s’est tenu dans un milieu plus spécieux, plus vraisemblable.

293. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Je ne tenais pas beaucoup à lui, mais j’y tiens à présent et je le garde ; et, comme cela m’amuse d’être méchante, je te préviens que je te jouerai les tours les plus abominables. » Et Jeanne répond : « C’est comme moi : je ne tenais pas non plus à Chambard. […] Elle tient, par des points nombreux, à la réalité d’aujourd’hui. […] Le bon goût, le bon sens, les bonnes mœurs, tout cela se tient. […] Il s’en tient à des aperçus et à des impressions du premier degré. […] Il a tenu son serment.

294. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Ceux-ci ne se tinrent pas pour battus. […] Cela tient, je crois, à ce que l’auteur, toujours occupé à se circonscrire, ne s’élève à aucun de ses points de vue qui domineraient le sujet. […] Quoique ce défaut, qui tient à l’abus de la méthode dite d’analyse, n’ait pas laissé de restreindre, j’ose le croire, la portée de M. […] Daunou tenait, pour sa part, la pierre de touche de la diction et ]e creuset de l’analyse moderne : ajoutez-y la grammaire générale toujours présente au fond, ce qui ne nuit pas. […] Sa tète se montait, il n’y tint plus.

295. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Elle tient aujourd’hui auprès du public sérieux la place laissée libre par plusieurs autres genres littéraires. […] Parce que les cadres étaient les mêmes, on a pensé qu’il y faisait tenir les mêmes choses. […] Tous les grands sentiments y tenaient ensemble et y tenaient à l’aise. […] Il n’a jamais tenu une épée. […] Lui-même ne s’est pas tenu de s’essayer dans ce genre : de là les Diaboliques.

296. (1896) Les Jeunes, études et portraits

L’astronomie y tient une grande place. […] Et c’est ce qui fait qu’on le tient pour suspect. […] Ces défauts tiennent sans doute au tour d’esprit de M.  […] Nullement romanesque, il se tient très près de la réalité. […] Il y tient par de profondes et de subtiles racines.

297. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Né le 9 juillet 1689, à Dijon, il tient de sa province en général et de sa famille en particulier. […] La délation veillait et tenait en main son arme ; elle ne s’en dessaisit jamais. […] On tenait table encore. […] …..  » Ce chapitre des lavements tient fort à cœur à Piron. […] Il tenait toujours boutique d’épigrammes, mais on n’y allait plus.

298. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Les successeurs sont tentés d’en tenir peu de compte, même quand ils s’en portent les héritiers. […] Il est bien peu d’hommes, depuis vingt-cinq ans, dont le libéralisme ne se soit usé, découragé ou perverti ; le sien a tenu bon et a gardé de sa flamme. […] Bien des lettrés alors plus en vue, et qui occupaient le devant de la scène, s’en tinrent pour avertis et se mirent au pas. […] M. de Rémusat, par sa critique hardie et inventive, ou par sa conversation qui en tenait lieu, a été un de ces constants remorqueurs, et que le plus souvent le public n’apercevait pas. […] Le lieu qu’il tient est au premier rang parmi les esprits de cet âge ; il l’étend chaque jour, et, pour l’agrandir encore, il n’a qu’à le faire tout à fait égal à son mérite.

299. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Tenons-nous en aux causes apparentes et aux caractères particuliers de la conversion de Louis Veuillot. […] Cela semble une chose épouvantable d’être tenu à une vie honnête et réglée par le grand devoir divin. […] Pendant plus de quarante ans, presque chaque jour, il tient tête à ses ennemis, c’est-à-dire aux ennemis du catholicisme et, pareillement, à ceux qui n’étaient pas catholiques de la même façon que lui ; bref, il tient tête à tout le monde, ou à peu près, successivement. […] Il a arraché beaucoup de masques, que sans doute on a remis depuis, mais qui ne tiennent plus aussi bien. […] Sur Chateaubriand : « Il a tenu et mérité une grande place, mais ce n’est pas mon homme.

300. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Cette phrase tient à la fois de lord Byron et du puisatier d’Écully. […] Passe encore pour un mariage qui ne tient qu’à un fil… d’épée ! […] Entre ces deux mots : sublime ou détestable, leur plume ne sait rien faire tenir. […] Gaiffe tînt à des adverbes si laborieusement conquis ! […] … car je les ai tenus dans ma main….

301. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Qu’est-ce qu’elle tient donc à la main ? […] — Tiens ! […] Nous tenons tout ! […] — Tiens ! […] — Tiens !

302. (1927) Approximations. Deuxième série

En quoi elle tient de sa mère, dont le dernier ouvrage se caractérise avant tout par la hardiesse de cette jonction. […] Il provient de ceci que derrière ces objections, c’est toujours Degas lui-même qui se tient. […] Dans leurs traductions Paul Alfassa et Gilbert de Voisins étaient tenus à plus de sévérité. […] que dans les parties où, infidèle à son titre, Jaloux se tient à la surface. […] Sous l’Ancien Régime l’usage voulait que chaque chef de famille tînt un livre de raison.

303. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Ils vous mettent en goût, et ils ne tiennent pas, ou ils ne tiennent qu’à demi ; ils commencent, et ils vous laissent en chemin. […] Dans le présent il est à tout, il a vent de toutes les pistes, et en tient registre incontinent. […] Il y a entre les façons infinies d’écrire l’histoire, deux divisions principales qui tiennent à la nature des sources auxquelles on puise. […] Il prétend qu’il a plus contribué que personne à mettre mon père en place de ministre et que mon père ne lui a pas tenu les choses qu’il lui avait promises comme pot-de-vin du marché ; or quelles étaient ces choses ? […] Toutefois, même dans ces brusques croquis de notes, tels qu’on les a imprimés jusqu’ici, il y a bien des fautes qui tiennent à une copie inexacte.

304. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Tout ce qui tient au détail des observations des faits particuliers, et aux souvenirs de l’antiquité classique, source éternelle d’instruction et de vie, est concentré dans des notes placées à la fin de chaque volume. […] Si, malgré la petitesse de notre planète, ce qui la concerne exclusivement occupe dans cet ouvrage la place la plus considérable, et s’y trouve développé avec le plus de détail, cela tient uniquement à la disproportion de nos connaissances entre ce qui est accessible à l’observation et ce qui s’y refuse. […] Nous ne l’explorerons pas, comme le fait la philosophie de l’art, pour distinguer ce qui dans nos émotions appartient à l’action des objets extérieurs sur les sens, et ce qui émane des facultés de l’âme ou tient aux dispositions natives des peuples divers. […] On tient généralement le livre de Job pour l’œuvre la plus achevée de la poésie hébraïque. […] Que d’ailleurs, dans les plus anciennes poésies des Arabes, la description du sol n’ait tenu que peu de place, il n’y a pas là de quoi s’étonner, si l’on songe, ainsi que l’a remarqué un orientaliste très versé dans cette littérature, M. 

305. (1925) Proses datées

Cheval et voiture étaient d’ailleurs soigneusement tenus. […] Il se tient volontiers immobile et parle peu. […] Sous son bras, il tenait un livre qu’il me tendit. […] Faguet nous en rapporte l’argument mais s’en tient là. […] Tenez, m’y voici.

306. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Bœrne. Lettres écrites de paris pendant les années 1830 et 1831, traduites par M. Guiran. »

Quand le feu a une fois trouvé son bois, il se tient tranquille et on n’a qu’à ne pas s’en approcher, pour être en sûreté ; mais la flamme sans aliment s’élance de tous côtés avec avidité, lèche çà et là et incendie mille objets avant qu’elle tienne sa proie et que sa proie la tienne.

307. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Les générations toutes fraîches tiennent à ne pas se confondre dans ce qui les a précédées, à ne point paraître venir à la suite ; elles veulent à leur tour commencer quelque chose, marcher en tête de leurs propres nouveautés, avec musique et fanfares, et guidées par les princes de leur jeunesse. […] Il me semble qu’on n’en est guère là, et l’on aurait chance bien plutôt de peindre avec vérité un homme résolu à tout, déterminé à faire fortune, à se conquérir un nom, un état, une influence, une considération presque, ou du moins tout ce qui en tient lieu socialement et la représente, et cela en envoyant promener sa conscience et même le respect humain, mais en osant, en voulant fortement, en s’imposant. […] A défaut d’une comédie de caractère, il aurait pu y avoir un agencement de pièce mieux entendu, une intrigue mieux ourdie ; le second acte semblait promettre à cet égard, le troisième n’a pas tenu : tout ce monde convoqué dans l’appartement d’Octave n’y produit rien de bien vif, de bien inquiétant ni de bien amusant.

308. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Si donc nous la tenons d’emblée, l’étude de la réalité présente n’a plus d’intérêt pratique et, comme c’est cet intérêt qui est la raison d’être de cette étude, celle-ci se trouve désormais sans but. […] Non seulement elles sont en nous, mais, comme elles sont un produit d’expériences répétées, elles tiennent de la répétition, et de l’habitude qui en résulte, une sorte d’ascendant et d’autorité. […] Les idées que nous nous en faisons nous tiennent à cœur, tout comme leurs objets, et prennent ainsi une telle autorité qu’elles ne supportent pas la contradiction. […] C’est une règle depuis longtemps reconnue et pratiquée en biologie comme en psychologie et que le sociologue n’est pas moins tenu de respecter. […] Le sociologue est tenu aux mêmes précautions.

309. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Le 18 brumaire trouva Fontanes déjà rentré en France, et qui s’y tenait d’abord caché. […] ces gens-là ne voient pas que cela tient à la nature même de votre talent. […] Tenez, ce matin, j’ai vu mon architecte ; il est venu me proposer le plan du Temple de la Gloire. […] La politique de Bonaparte était là : tenir en échec les uns par les autres. […] La Revue Rétrospective, qui fait elle-même cette remarque, n’en tient pas assez compte.

310. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Avant et après le repas, Wagner se tint au piano. […] Il lui parla de l’Australie, qu’il tenait, naturellement, pour le plus beau pays du monde. […] Balfour, la raison n’a aucun droit à tenir dans la vie de l’esprit le rôle qu’elle prétend y tenir, mais il est faux que son rôle y soit vraiment essentiel. […] Il était tenu de tirer un cordon, à des intervalles déterminés. […] — Tiens, Ottomar, prends cela, jette, brûle cela !

311. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Le duc, par suite d’un pari, se trouve tenu d’être, la nuit prochaine, à minuit, dans la chambre à coucher de mademoiselle de Belle-Isle ; la marquis se tient contre ; y sera-t-il ou n’y sera-t-il pas ? […] Les prédicateurs eux-mêmes ont d’ordinaire enseigné qu’on n’était pas obligé de tenir les serments téméraires : qu’importe ? […] Dumas n’en est que plus grande d’avoir fait marcher son drame, sans coup férir, à travers ces invraisemblances, et d’avoir tenu constamment en haleine le spectateur sans lui laisser le temps de regimber.

312. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

La philosophie française tient davantage au sentiment et à l’imagination, sans avoir pour cela moins de profondeur ; car ces deux facultés de l’homme, lorsqu’elles sont dirigées par la raison, éclairent sa marche, et l’aident à pénétrer plus avant dans la connaissance du cœur-humain. […] Les vers blancs n’offrant que très peu de difficultés, les Anglais ont réservé pour la poésie tout ce qui tient à l’imagination ; ils considèrent la prose comme la langue de la logique, et le seul objet de leur style est de faire comprendre les raisonnements, et non d’intéresser par des expressions. […] Ils reprochent avec vérité aux écrivains français leur égoïsme, leur vanité, l’importance que chacun attache à sa personne, dans un pays où l’intérêt public ne tient point de place. […] Il n’y a point en Angleterre de mémoires, de confessions, de récits de soi faits par soi-même ; la fierté du caractère anglais se refuse à ce genre de détails et d’aveux : mais l’éloquence des écrivains en prose perd souvent à l’abnégation trop sévère de tout ce qui semble tenir aux affections personnelles.

313. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

Nous avons déja perdu cette docilité pour les conseils des autres, qui tient lieu aux enfans de bien des vertus ; et notre perseverance aussi foible que notre raison, n’est point à l’épreuve des dégoûts. […] Racine disoit que Despreaux lui avoit tenu parole. Mais ces peines et ces contradictions ne sont point capables de dégoûter de la poësie un jeune homme qui tient sa vocation d’Apollon même, et qu’excite encore le desir de se faire un nom et une fortune. […] Leur inaction vient souvent de la crainte qu’ils ont des peines que leur coûtent des ouvrages dignes d’eux, quand il semble que c’est la paresse qui les tient dans l’oisiveté.

314. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

L’action diplomatique, quand elle est réelle et effective, tient si intimement à la personne, au corps qui parle au corps, — comme dirait Buffon ; elle tient tellement à des séductions subtiles et relatives et à d’inexprimables manières, que celui qui l’a exercée n’est pas capable de la raconter. […] Et qu’on n’a pas, comme Metternich, un Napoléon à qui tenir tête tous les jours ! […] … Illustre par sa famille, qui tient le premier rang en Prusse, il était né en 1788 à Posen, le chef-lieu de la grande Pologne, et, avant d’entrer dans la diplomatie prussienne, il avait fait bravement, comme officier, les campagnes de 1809 et de 1811.

315. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

S’il s’en était tenu à des productions aussi spéciales et aussi techniques, il est bien probable que nous n’eussions jamais parlé de lui ; mais cette fois il vient à nous par Laïs et Ninon, c’est-à-dire par l’histoire, et, dans un temps où les plus honnêtes femmes vont rêver aux dramatiques apothéoses des Dames aux camélias, il est peut-être bon de dire un mot des grandes courtisanes, remises avec tant d’admiration en lumière, pour dégoûter des petites qui y sont. […] Les courtisanes tiennent leur empire d’une corruption qu’elles n’ont pas créée, mais qu’elles augmentent. […] III Dans son livre sur Laïs et Ninon, Debay, qui tient à prendre la mesure phrénologique du petit front grec de la charmante Corinthienne, nous rapporte une foule de mots qui lui font l’effet, à lui, d’être supérieurs. […] Seulement, moins heureux dans tout ce qui tient à l’appréciation de l’intelligence qu’à l’appréciation de la moralité du caractère, Chateaubriand a trop consacré une réputation d’esprit dont il n’était pas juge ; car, dans ses Mémoires, on se rappelle comment il a traité Rivarol.

316. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Originalité solitaire qu’il faut compter à Wey, parce qu’il ne la tient que de la nature propre de son esprit. […] Il regarde le dedans et le dehors, le dessous comme le dessus des choses, l’envers et l’endroit, la ville en ruines, la ville bâtie, la ville partie, la ville qui reste, la grande tournure des monuments, le profil des maisons, la rue, le visage des passants, le paysage, et jusqu’à l’air ambiant et la lumière dans lesquels tout vit, se tient ou se meut ! […] Lisez, pour en juger, son chapitre sur les médecins, ces confesseurs du corps qui tiennent, par en bas, une société matérialiste, et dont on ne dira jamais le mal qu’on a dit des confesseurs de l’âme, qui, du moins, tenaient la société par en haut !

317. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

C’est celui où Julien se dit en parlant de la femme qu’il aime et en mettant un pistolet chargé dans sa poche : « Je la presserai dans mes bras ce soir, ou je me brûlerai la cervelle. » À chaque péril qui peut le démoraliser, à chaque fatigue qui tombe sur son âme, Vaublanc a mieux que le pistolet de Julien ; il a son mépris qu’il se parle et qu’il se tient toujours chargé sur le cœur. « Tu es un lâche si tu fais cela », dit-il, et il ne le fait pas, le noble homme ; et il continue de vivre dans des conditions d’existence intolérables, traqué, mourant de faim, persécuté de gîte en gîte, mais ne voulant pas émigrer et ne voulant pas que ses ennemis qui le poursuivent pour le jeter à l’échafaud, aient plus d’esprit que lui en le prenant ! […] Je crois, moi, pour mon compte, que la Révolution ne serait pas allée plus loin… ce jour-là, mais qu’elle aurait plus tard repris sa marche, parce qu’elle ne tenait pas uniquement aux fautes de ceux qui occupaient le pouvoir quand elle arriva. […] de tenir le plus longtemps possible et de se faire tuer, si, en se faisant tuer, on gagne un jour de plus. […] Mirabeau, le Mirabeau des Mémoires de La Mark (l’autre, nous voudrions l’oublier), celui qui disait : J’emporte en mourant les lambeaux de la monarchie, les emportait-il en effet, et aurait-il, s’il eût vécu, tenu le sublime et imprudent marché, souscrit aux pieds de Marie-Antoinette ?

318. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Mais Prescott ne peut pas tenir ce langage. […] On aime à voir trembler la main qui, chez ses compatriotes, tient si fermement le revolver. […] Prescott ne tient pas à nous exhiber cette grande marionnette historique. […] Et on en trouve souvent, de ces paroles sur l’indifférence, de Prescott… Or, voilà ce que je tenais à dire !

319. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Il est vrai que malheureusement je tenais, pour mon compte, aux coquilles de l’huître autant qu’à la perle. […] Le poète de Mirèio est un André Chénier, mais c’est un André Chénier gigantesque qui ne tiendrait pas dans les quadri où lient le génie du premier. […] Il y a un chant dans le poème qui est intitulé Le Dépouillement des Cocons, où les compagnes de Mirèio, réunies en un Décaméron laborieux et charmant, commèrent ensemble et rêvent tout haut, dans un dialogue étincelant d’images, et cette peinture dramatique de chacune d’elles montre, par le magnifique dialogue qu’elles tiennent, comme le poète entend la nuance qui diversifie ces fronts de vierge dans l’unité de la beauté et de la pudeur. […] Mistral tient un tel espace, il a besoin d’un tel champ pour se déployer dans sa magnificence ou dans son charme, un peu farouches tous les deux ; ses bas-reliefs fourmillent de tels détails, que de tous les poètes, difficiles à citer dans un chapitre de la nature de celui-ci, il est peut-être le plus difficile.

320. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Après Balzac, qu’il faudra citer ici bien longtemps et pour tant de choses, après Balzac, qui, lui aussi, a fait entrer, et Dieu sait avec quelle habileté, quel tact, quelle soudaineté préparée, quelle science de composition supérieure, des récits, des romans entiers dans des conversations, il n’est plus permis de s’en tenir à des rubriques aussi lâchées, à des artifices de mise en scène aussi élémentaires et aussi usés que les rubriques et les artifices de M.  […] Charles Didier devait publier ses récits d’aujourd’hui sans les lier entre eux et sans leur demander l’effet d’ensemble qui est le but le plus élevé de l’art, ou, les liant et voulant les ployer et les embrasser dans une unité qui les contienne et les concentre, il était tenu, de rigueur, à nous donner un livre bien autrement construit que celui qu’il nous a donné. Du reste, en restant dans la comparaison que la Critique qui tient à s’entendre avec elle-même ne peut accepter, si nous n’avons pas le fil du collier, avons-nous du moins les perles ? […] IV Il est donc évident qu’il n’est point un Boccace, qu’il n’a aucun des dons exquis de ce roi des conteurs dont le style tient de la musique et l’imagination de l’arc-en-ciel.

321. (1881) Le naturalisme au théatre

tiens ! […] Jullien, tout se tient au théâtre. […] Adolphe Jullien, tout se tient au théâtre. […] On y répète : « Tiens ! […] Rien ne tient debout dans cette fable extraordinaire.

322. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Segard, Achille (1872-1936) »

Je ne lui reprocherai pas, quant à moi, de s’en tenir presque intégralement à la rythmique traditionnelle, mais plutôt de s’en tenir aussi à des formes de pensée trop prévues.

323. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Je vous tiendrai néanmoins toujours pour mon maître, et réputerai à grande faveur d’apprendre de vous, pourvu que ce soit sans ces mots odieux : Sus Minervam, qui sont tout à fait indignes, à mon jugement, d’être proférés entre deux amis de l’un à l’autre. […] Gui Patin était au fond de cette Défense, et tenait la plume si l’on en croit Renaudot. […] Renaudot, revenant sur cette condition imposée à ses fils et expliquant comment on pouvait tenir le Bureau d’adresses et d’annonces sans se charger pour cela des détails confiés à des commis, reconnaît qu’en effet ses fils ont déclaré devant la Faculté « qu’ils ne se mêlaient point et ne s’étaient jamais mêlés des négociations dudit Bureau ». […] On y voit que Renaudot, depuis l’année 1634 ou 1635, tenait tous les mardis de chaque semaine une séance de consultations gratuites dans sa maison : il y assemblait, à cet effet, plusieurs médecins, la plupart étrangers comme lui et de la faculté de Montpellier. […] Il y était dit que cette espèce de consultation et de clinique gratuite devait se tenir tous les samedis à l’issue de la messe qui se célébrait chaque semaine en la chapelle de la Faculté, et après laquelle on réciterait désormais les Litanies de la Vierge et l’on invoquerait particulièrement les saints et saintes qui de leur vivant, par profession ou par charité, avaient exercé et pratiqué la médecine.

324. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

— La réponse à ces diverses questions tient peut-être à des considérations littéraires plus générales qu’on ne croit. […] Ces deux rôles, en effet, se tenaient naturellement, et devaient finir ensemble. […] Bien avant De Maistre et ses exagérations sublimes, il disait de Voltaire : « Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux. » « Voltaire avait l’âme d’un singe et l’esprit d’un ange. » « Voltaire est l’esprit le plus débauché, et ce qu’il y a de pire, c’est qu’on se débauche avec lui. » « Il y a toujours dans Voltaire, au bout d’une habile main, un laid visage. » « Voltaire connut la clarté, et se joua dans la lumière, mais pour l’éparpiller et en briser tous les rayons comme un méchant. » Je ne me lasserais pas de citer ; et pour le style, pour la poésie de Voltaire, il n’est pas plus dupe que pour le caractère de sa philosophie : « Voltaire entre souvent dans la poésie, mais il en sort aussitôt ; cet esprit impatient et remuant ne peut pas s’y fixer, ni même s’y arrêter un peu de temps. » « Il y a une sorte de netteté et de franchise de style qui tient à l’humeur et au tempérament ; comme la franchise au caractère. […] Mais même lorsqu’il y a quelque affectation chez lui (et il n’en est pas exempt), il n’a que celle qui ne déplaît pas parce qu’elle est sincère, que lui-même définit comme tenant plus aux mots, tandis que la prétention, au contraire, tient à la vanité de l’écrivain : « Par l’une l’auteur semble dire seulement au lecteur : Je veux être clair, ou je veux être exact, et alors il ne déplaît pas ; mais quelquefois il semble dire aussi : Je veux briller, et alors on le siffle. » Marié depuis juin 93, retiré de temps en temps à Villeneuve-sur-Yonne, il y conviait son ami et la famille de son ami ; il voudrait avoir à leur offrir, dit-il, une cabane au pied d’un arbre, et il ne trouve de disponible qu’une chaumière au pied d’un mur. […] « L’ordre littéraire et poétique tient à la succession naturelle et libre des mouvements ; il faut qu’il y ait entre les parties d’un ouvrage de l’harmonie et des rapports, que tout s’y tienne et que rien ne soit cloué. » Maintenant, dans la plupart des ouvrages, les parties ne se tiennent guère ; en revanche (je parle des meilleurs), ce ne sont que clous martelés et rivés, à tête d’or.

325. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

La métaphysique ne tient pas davantage de place dans son œuvre : l’affirmation de Dieu, la négation de la Providence et du miracle, voilà toute la métaphysique de Voltaire ; ajoutez-y ce fameux dada que de longue date il a emprunté à Locke, que Dieu, tout-puissant, a bien pu attribuer à la matière la faculté de pensée. […] Il tient les hommes de son temps par le charme de son esprit, par la surprise aussi ; il tient leur intelligence, leur curiosité toujours en éveil, toujours dans l’attente, de ce qui peut venir du côté de Ferney. […] Il sait que le gouvernement, qui ne peut rien contre lui et ne tient pas à pouvoir quelque chose, lui demande pour toute concession de ne pas s’avouer l’auteur des plus meurtrières brochures. […] Voltaire perdit plus qu’il ne gagna dans ces polémiques ; une certaine mésestime s’insinua dans l’admiration qu’il inspirait et il donna lieu, même à des gens qui tenaient de lui toutes leurs idées, de mépriser sa personne absolument. […] Il faisait avec plaisir le seigneur de village ; il tenait aux privilèges, aux droits de ses fiefs.

326. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Encore du Plessys se contentait-il de nous tenir en haleine par l’exposé de projets grandioses sans cesse renouvelés. […] pessimistes et schopenhauriens (or je vous annonce, pour peu que vous y teniez, que je n’ai jamais, pour ma part, lu une ligne du, paraît-il, décourageant Épicure teuton). […] Leurs biceps ont des fûts robustes de mâtures ; Leur timbre tient son or des célestes Luthiers, Et, nourris du fort miel des doctes confitures, La Santé, sous leur peau, couve ses églantiers. […] Beaucoup de beaux esprits ont pris L’enseigne de l’homme qui bêche, Et Lemerre tient les paris. […] Verlaine tenait ce renseignement de Baju lui-même, mais je soupçonne fort ces voyages d’être un produit fertile de l’imagination·du jeune pince-sans-rire.

327. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Et, pour peu que l’on tienne à ne pas en user ainsi avec M.  […] France, plus subjectif et moins divers, pour oser ne pas le soupçonner de s’isoler, lorsqu’il se nourrit de solitude, et voir en lui, quand il y tient, un pessimiste cordial et un contempteur vrai de l’éphémère ? […] Tout au plus ne réussissons-nous pas à nous défendre d’un certain trouble, en voyant notre impuissance d’en savoir plus long sur les dispositions sensibles, les nuances d’âme du plus paradoxal de nos écrivains contemporains, d’un auteur aimable et, apparemment, non moins normal, qui nous a présenté l’œuvre la plus originale, la plus déconcertante à la fois, la plus inattendue et la plus agréable, qui nous a tenu, avec cordialité, les propos les plus désolants, et qui, en nous secouant du plus ample désespoir, a eu aussi bien l’air de se mettre en peine pour nous en démontrer la logique que celui de tenir à nous en inspirer le mépris raisonné. […] Loti, par exemple, qui tient de l’imaginatif et du professionnel, procédât autrement que par imprécisions et par tableaux successifs, et que sa forme ne lui sonnât pas un refrain, et que ce refrain ne l’incitât pas à une reconstitution, toujours approximative, encore que rapide et efficace ? […] Tenir à cette formule quand, loin de ramener à soi la vie même de l’individu, elle exprime, presque traîtreusement, la somme de nos expériences, et s’impose si désolément à nous comme le principe et la fin de notre raison de durer, et y tenir par égard pour son identité avec nos modalités intérieures, ne serait-ce donc que donner crédit à la menace de prédestination dont s’oppresse le sentiment de notre personnalité ?

328. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Une fois qu’il traversait la rue avec plusieurs autres enfants, sa mère, et une personne qui était avec elle à la fenêtre, remarquèrent qu’il marchait avec beaucoup de majesté, et lui dirent que cette manière de se tenir droit le distinguait des autres enfants de son âge. […] Le soir de ce jour-là ou le lendemain, Bettina revit Goethe chez Wieland, et, comme elle faisait la jalouse d’un bouquet de violettes qu’il tenait à la main et qu’elle supposait qu’une femme lui avait donné, il le lui jeta en disant : « Ne peux-tu te contenter que je te les donne ?  […] Il y eut là chez lui un faible qui tenait un peu au cœur. […] Goethe, à la différence de Rousseau, est charmant pour celle même qu’il tient à distance ; il répare à l’instant, par un mot gracieux et poétique, ses froideurs apparentes ou réelles, il les recouvre d’un sourire. […] Elle demande peu, mais que ce peu soit au moins tout entier de lui : « Tu m’as dans mes lettres, dit-elle ; mais moi, t’ai-je dans les tiennes ? 

329. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il avait des pensées grandes, élevées, sublimes, dignes de Vico sinon de Platon, dignes de la Grande-Grèce, et tout à coup ces pensées étaient déjouées par des lazzis, des calembours, par du bouffon, et du plus mauvais : « Mais voilà comme je suis, disait-il agréablement, deux hommes divers, pétris ensemble, et qui cependant ne tiennent pas tout à fait la place d’un seul. » Lu aujourd’hui, l’abbé Galiani perd beaucoup ; il fallait l’entendre. […] Ainsi des illusions de la vie et des perspectives où elle se joue : il faut les respecter et par moments s’y complaire, même quand on sait trop bien ce qu’il y a par-delà. » Voilà, dans toute sa vérité, la théologie de l’abbé Galiani, et, même au point de vue de l’illusion à laquelle il tenait tant, je ne la donne ni comme très belle ni comme consolante ; le total, il en convient, en est égal à zéro. […] Il est vrai que le nombre de ses vrais amis, de ceux auxquels il tient réellement et par les fibres secrètes, se réduit fort avec les années. […] Cette théorie, très vraie peut-être, se trouve en défaut par rapport à lui dès qu’il est en présence d’une perte vive et qui lui tient réellement au cœur ; il n’en est pas venu encore à l’insensibilité qu’il suppose : « Le temps, remarque-t-il, efface les petits sillons, mais les profondes gravures restent. […] Mais l’éditeur a fait précéder ce léger recueil d’extraits, assez agréable d’ailleurs à parcourir, d’une Introduction, c’est-à-dire d’une dizaine de pages, où il a tenu à se montrer le plus qu’il a pu désobligeant et maussade pour tous ceux qui l’ont précédé sur ce même sujet et dont il n’a eu vraiment qu’à profiter.

330. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Tout cela tenait en haleine le monde parisien, et l’empêchait de s’endormir sur le Beaumarchais jusqu’à la première représentation du Barbier de Séville. […] Beaumarchais tint bon ; il exigea, non pas une somme payable argent comptant (qu’on lui offrait bien volontiers), mais un compte exact et clair, un chiffre légitime qu’on refusait poliment ; il l’exigeait moins pour lui encore qui n’en avait pas besoin, que pour ses confrères les gens de lettres, jusque-là opprimés et dépouillés. […] Beaumarchais tint la gageure, et Le Mariage fut écrit ou crayonné dès 1775 ou 1776, c’est-à-dire dans cette période que je considère comme celle où Beaumarchais fut en possession de tout son esprit et de tout son génie, et après laquelle nous le verrons baisser légèrement et s’égarer de nouveau. […] Beaumarchais repoussé ne se tint point pour battu. […] Il ressentit profondément cet affront, qui lui venait dans le plein de son triomphe ; il se tint quelque temps chez lui dans la retraite, ne répondant que peu aux questions, aux lettres des curieux et admirateurs.

331. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

D’autant plus qu’elle est elle-même occupée, et aussi gravement que lui, souvent par une charge auprès d’une princesse, toujours par un salon important qu’elle doit tenir. […] Jadis ils étaient des sujets ; jusqu’à un certain point, ils le sont encore, et les exigences nouvelles de la vie mondaine achèvent de les mettre ou de les tenir à l’écart. […] Car, sans lui, comment faire avec aisance, mesure et légèreté les mille actions les plus ordinaires de la vie courante, marcher, s’asseoir, se tenir debout, offrir le bras, relever l’éventail, écouter, sourire, sous des yeux si exercés et devant un public si délicat ? […] Ayant fait le code des usages, il est tout naturel que ce soit à leur profit, et elles tiennent la main à ce que toutes les prescriptions en soient suivies. […] Quant au « grand-papa », M. de Choiseul, « comme un petit rhume le tient au lit, il se fait lire des contes de fées toute la journée : c’est une lecture à laquelle nous nous sommes tous mis ; nous la trouvons aussi vraisemblable que l’histoire moderne.

332. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Ils ne tenaient pas assez compte du temps, des circonstances, des ressentiments immérités, mais implacables, des envies sourdes qui attendent l’heure des disgrâces pour se révéler. […] La composition en est confuse, comme celle de tout recueil composé de débris rejoints ensemble ; un chapitre n’y tient pas nécessairement à l’autre par un enchaînement logique. […] Quand on m’a fait savoir que la misère était dans quelque endroit, j’ai fait ouvrir mes greniers, et j’ai fait tenir du secours à ceux qui en avaient besoin. […] Les arts viennent ensuite : l’histoire, l’art de la porcelaine y tient une grande place ; l’histoire naturelle y a ses Pline et ses Buffon. […] Les savants qui ont composé cette Encyclopédie littéraire n’ont aucun système et ne tiennent à aucune opinion.

333. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Tiens ! tiens ! […] tiens ! […] … Mais tiens ! tiens !

334. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Ces gens-là pensent tous, comme Turcaret, que l’argent donne toutes les qualités dont il tient lieu. […] Que craindre d’un méchant qui ne tient même pas à ce que ses méchancetés lui profitent ? […] Oh il y a un Sganarelle, tenez pour sûr qu’Ariste n’est pas loin. […] Tenons-lui compte pourtant d’avoir eu, dans la famée de ses succès, un moment de clairvoyance. […] Ce sont tous ensemble des individus et des types, et nous les tenons à la fois comme gens de notre espèce et comme gens de notre pays.

335. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Or ce grand bouillon de colère et indignation étant aucunement refroidi, et là-dessus ayant ouï parler des gens de toute sorte, consultant à part moi souvent de ce qu’en conscience il en faut tenir et croire, enfin je me suis aperçu bien changé… Il est à remarquer que la date de cette lettre, qui est d’avril 1589, coïncide avec les premiers temps de la connaissance que fit Charron de Montaigne37 : je n’irai pas jusqu’à conjecturer que, dès les premiers entretiens, Montaigne fut pour quelque chose dans ce changement de Charron. […] Charron ne s’en tint pas aux armes de noblesse, il prit la devise morale de son maître et de son ami ; et dans la maison qu’il fit bâtir à Condom, l’an 1600, il fit graver ces mots : « Je ne sais. » Montaigne disait : « Que sais-je ?  […] Peu de gens, remarque-t-il, ont la force et le courage de se tenir droits sur leurs pieds, il faut qu’ils s’appuient ; ils ne peuvent vivre s’ils ne sont mariés et attachés ; n’osent demeurer seuls de peur des lutins : craignent que le loup les mange : gens nés à la servitude ! […] Il ne s’en est pas tenu à Montaigne : en ce qui est des passions et affections particulièrement, il avertit qu’il n’a vu personne « qui les dépeigne plus naïvement et richement que le sieur du Vair en ses petits livrets moraux. » Il reconnaît donc qu’il s’en est fort servi. […] « Les désirs et cupidités s’échauffent et redoublent par l’espérance, laquelle allume de son doux vent nos fols désirs, embrase en nos esprits un feu d’une épaisse fumée, qui nous éblouit l’entendement, et, emportant avec soi nos pensées, les tient pendues entre les nues, nous fait songer en veillant.

336. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

L’abbé de Rancé, dans les années suivantes, était assez tenu au courant de Santeul et de ses pas et démarches par cet abbé Nicaise, de Dijon, correspondant infatigable et bénévole, qui lui transmettait quelquefois des vers ou des nouvelles du poète son ami. […] Il n’y tint pas et courut au collège des pères, criant merci et miséricorde. […] Dijon, dans les dernières années, était devenu comme une seconde patrie pour Santeul : il y accompagnait M. le duc, qui y allait tenir les états, et il y réussit par son tour d’esprit et son sel plus qu’à Paris même. […] Le père de Piron, ce jovial apothicaire, y tint tête plus d’une fois à Santeul, et ils firent assaut d’épigrammes devant M. le duc. […] Je voudrais que vous eussiez assisté à la description d’un chapitre que tinrent ses confrères, pour délibérer s’ils chanteraient ses hymnes dans leur congrégation.

337. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Madame Bovary est un livre avant tout, un livre composé, médité, où tout se tient, où rien n’est laissé au hasard de la plume, et dans lequel l’auteur ou mieux l’artiste a fait d’un bout à l’autre ce qu’il a voulu. […] Il y a un bien beau jour pour Yonville-l’Abbaye, c’est celui où s’y tiennent les comices agricoles de la Seine-Inférieure. […] Ce double rêve côte à côte et à perte de vue, du père abusé qui ne songe qu’à de pures douceurs et joies domestiques, et de la belle et forcenée adultère qui veut tout briser, est d’un artiste qui, quand il tient un motif, lui fait rendre tout son effet. […] Pourquoi mériter qu’on vous dise : « Moraliste, vous savez tout, mais vous êtes cruel. » Le livre, certes, a une moralité : l’auteur ne l’a pas cherchée, mais il ne tient qu’au lecteur de la tirer, et même terrible. […] Gustave Flaubert tient la plume comme d’autres le scalpel.

338. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Mais avant d’en dire quelque chose, il est indispensable de parler du genre même des Mystères, duquel il n’est, après-tout, qu’une variante ; et cela nous mène à expliquer ce qu’était notre ancien théâtre ; car tout s’y tient, et il n’est pas possible d’en prendre une juste idée sans remonter aux origines et le suivre dans ses progrès et son développement. […] Mais aujourd’hui nous n’en sommes qu’aux Mystères, à ce qui tient lieu, jusqu’à un certain point, de la tragédie au moyen âge. […] Adam, c’est le drame à la fois extérieur à la liturgie et adhérent encore à l’Église, au moment où il va s’en détacher : si j’osais, en faveur de l’exactitude, usurper une image chirurgicale, je dirais que l’enfant tient encore à la mère, et que le cordon n’est pas encore coupé. […] Qu’alors vienne le Sauveur (Dieu) revêtu d’une dalmatique, et que devant lui se tiennent Adam et Ève. Qu’Adam soit vêtu d’une tunique rouge, mais Ève d’un vêtement de femme blanc, avec un voile de soie blanc, et que tous deux se tiennent debout devant la Figure (la Figure, c’est le nom par lequel Dieu est habituellement désigné dans le courant de la pièce), Adam plus rapproché pourtant, le visage respectueux, Ève la tête un peu plus inclinée. » Tout ceci est pour la mise en scène ; ce qui suit est pour la récitation ; écoutez !

339. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Même dans le cadre resserré où je me suis tenu ; on a  pu saisir parfaitement la marche et le progrès naturel du Mystère ou jeu dialogué, et par personnages, des sujets religieux et sacrés. D’abord il se passe dans le sanctuaire et dans l’église, et est tout latin ; Puis, dans son premier mélange, à l’état de drame farci, c’est-à-dire dans son latin entrelardé de français, il se tient dans l’église encore ; Puis, tout en français, mais encore timide, s’écartant peu des textes, sacrés et, pour ainsi dire, attenant, à l’église, il se joue tout contre et devant. […] Laissant donc le mystère inédit dont on ne peut juger sur parole, je m’en tiens à celui que j’ai sous les yeux, imprimé, et qui a pour sujet la Passion de Notre-Seigneur. […] Et ceci est une remarque essentielle et tient à la forme même dont il s’agit, forme qui en est une à peine et qui n’exigeait de la part des auteurs aucuns frais d’invention. […] J’ai tenu à rétablir les vrais termes et à fixer nos mesures, pour en finir, une bonne fois, avec ces rapprochements et avec ces défis que nous jettent de temps en temps à la tête les moins prudents parmi les estimables érudits qui se sont occupés de ces rapsodies curieuses.

340. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Il se manifesta chez la plupart de ceux qui tinrent la campagne une seconde phase (et pas toujours progressive) de leur talent : il y eut bien des coups de vent dans les bannières. […] Chacun aurait ses réserves pour de certains apanages propres et auxquels on tient chèrement tout bas ; mais on entrerait en communauté et en concert sur bien des points de critique positive et de travaux qui s’appuieraient. […] Si j’avais l’honneur d’être conservateur à quelque degré et de tenir à la société par quelque coin essentiel (et qui donc n’y tient pas un peu en avançant ?) […] Dix ans se sont écoulés, et ces mêmes esprits développés, rapprochés, peuvent, quand on les lit, sembler unis en une large nuance commune, qui ne laisse guère subsister d’essentiellement différent que ce qui tient au talent propre, à la manière, à la finesse. […] Cet article, qui avait pour but de rallier à la Revue des Deux Mondes un groupe d’écrivains et de critiques, présente sur la plupart des personnages littéraires une suite d’aperçus qui tiennent au courant et qui sont comme des appoints aux précédents portraits.

341. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Soit qu’il fit choix d’époques encore neuves à l’étude, soit qu’il se jetât sur des pays à mœurs franches et sauvages, soit même qu’il se tînt à des cas singuliers du cœur, toujours, en tout sujet, il se retranchait, pour ainsi dire, au début ; il mettait une portion de sa vigueur à ne pas sortir du cercle tracé ; il faisait comme le soldat romain qui, à chaque halte, avant toute chose, traçait le fossé et posait le camp. […] Mais c’est quand on est à la seconde ou plutôt troisième guerre sociale, à celle qui complique le retour de Sylla, et dans laquelle les seuls Samnites et Lucaniens indomptés tiennent tête jusqu’à la fin avec l’énergie du désespoir, c’est alors que l’intérêt grandit, et que le sujet, comme dans une dernière scène, se fait égal vraiment au cadre de l’empire. […] Colomba, dans sa nouveauté, a tenu tête au fameux traité du 15 juillet ; elle y a fait une diversion charmante, et, si on a tant parlé du traité, ce n’est pas assurément sa faute à elle, car on ne parlait que d’elle en même temps. […] Mais ici on ne s’y est pas mépris, on a senti au début que c’était vrai, que c’était amusant, que ces singularités énergiques jouaient dans leur cadre, qu’un guide aisé et sûr, et pas dupe le moins du monde, tenait la main. […] Il est aussi une certaine atmosphère intellectuelle, soit pour les sociétés, soit pour les individus ; notre auteur en tient trop peu de compte et, dans les traits précis où il est maître, il s’en passe volontiers.

342. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Tout ce qui tient dans la littérature grecque à la religion païenne, à l’esclavage, aux coutumes des nations du Midi, à l’esprit général de l’antiquité avant l’invasion du peuple du Nord et l’établissement de la religion chrétienne, doit se retrouver avec quelques modifications chez les Latins. […] Quoiqu’on puisse, avec raison, lui reprocher tout ce qui, dans la nomination des sénateurs, tenait purement à l’hérédité, néanmoins le gouvernement de Rome, dans l’enceinte de ses murs, était un gouvernement libre et paternel. […] Les principales bases des opinions philosophiques des Romains sont empruntées des Grecs ; mais comme les Romains adoptèrent, dans la conduite de leur vie, les principes que les Grecs avaient développés dans leurs livres, l’exercice de la vertu les a rendus très supérieurs aux Grecs, pour l’analyse de tout ce qui tient à la morale. […] Les Romains n’auraient point voulu qu’on représentât sur le théâtre ce qui pouvait tenir à leur histoire, à leurs affections, à leur patrie27. […] La première époque de la littérature latine étant très rapprochée de la dernière de la littérature des Grecs, on y remarque aussi les mêmes défauts, qui tiennent, comme ceux des Grecs, à ce que le monde connu n’existait pas depuis longtemps.

343. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Je comprends qu’on ose beaucoup dans un livre : le roman même, qui tient de l’histoire et de la critique, a des libertés presque égales. […] Mais l’auteur ne l’a pas voulu ; il tient son cadavre et ne le lâche pas. […] Ses diamants lui tiennent à la peau, ainsi qu’elle le dit elle-même, « comme les taches de la panthère tiennent à sa robe… Elle veut briller, elle veut resplendir, exploiter le monde et en jouir, vivre dans le rayonnement dont l’or entoure la beauté suprême ; et, pour atteindre ce but, elle marchera, d’un pas tranquille, à travers la ruine, la mort et le désespoir de toutes les existences qu’elle traversera. […] Il faut la voir entrer, la tête haute, dans ce salon bruyamment hostile, et le fendre d’un long sillage, et démêler, en passant, d’un mot furtif, d’un geste imperceptible, les deux ou trois intrigues dont elle tient les fils. […] Le violent mâle tient à sa femelle : gare aux amants qu’il verrait tourner autour de sa bauge conjugale !

344. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Tant il est vrai que « les choses ne tiennent pas aux champs comme elles sont ordonnées en chambre », et que le sens d’un seul homme ne saurait prétendre donner ordre à un si grand nombre de gens ! […] Commynes se tint tout ce jour avec lui, « ayant moins de crainte, dit-il, qu’il n’en eut jamais en lieu où il se trouvât depuis » ; et il en donne la raison, de peur qu’on ne s’y méprenne : c’est qu’il était jeune et n’avait nulle connaissance du péril. […] Il avait, comme le grand Frédéric, le propos méchant, caustique ; il ne pouvait se tenir de lâcher un bon mot sur les gens, quand il ne les craignait pas. […] Il disait avec une grâce parfaite, car son propos se retrouvait charmant dès qu’il le voulait : « Ma langue m’a porté grand dommage, aussi m’a-t-elle fait beaucoup de plaisir : c’est raison que je paie l’amende. » Si l’on ne se tenait sur ses gardes en lisant Commynes, on se prendrait par instants, non seulement à excuser et à goûter Louis XI, mais à l’aimer pour tant de bonne grâce et de finesse. […] Il a raison de remarquer quelque part que presque tous ceux qui ont fait de grandes choses ont commencé fort jeunes ; mais ce qui est bien rare, c’est de conseiller si sagement et de voir si juste, de tenir la balance si exacte, dès cette première moitié de la vie.

345. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Imitez-moi, mon ami ; vous m’avez vu dans les mêmes sollicitudes que vous ; mais, en y songeant bien, j’ai substitué le droit au fait, et je me suis convaincu que les événements actuels tiennent comme effets nécessaires à des causes nécessaires, et que, s’ils ont lieu, c’est qu’ils devaient arriver comme cela et non autrement. […] Ce n’est pas que je n’aie conservé les mêmes principes ; mais il faut les tenir sous le boisseau. […] Richerand, bien que chirurgien (ce qui semble impliquer l’obligation d’être positif), y tenait essentiellement. […] Le 26 octobre 1819, pendant la séance que le Conseil général des prisons tenait au ministère de l’Intérieur, M.  […] Pour s’en guérir, il devrait suffire de relire dans les anciens éloges ces parties si applaudies autrefois : ce sont celles qui font tache aujourd’hui. — Mlle Mars disait un mot d’un grand sens, et qui a son application dans plus d’un art : « Comme nous jouerions mieux la comédie, si nous ne tenions pas tant à être applaudis ! 

346. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Il est arrivé au cardinal Mazarin, si heureux en toutes choses, un très grand malheur après sa mort : cet homme, sans amitiés et sans haines, n’a eu qu’un seul ennemi avec qui il ne se soit pas réconcilié et à qui il n’ait jamais pardonné, le cardinal de Retz ; et celui-ci, en écrivant ses immortels Mémoires, a laissé de son ennemi, de celui en qui il voyait un rival heureux, un portrait si gai, si vif, si amusant, si flétrissant, que les meilleures raisons historiques ont peine à tenir contre l’impression qui en résulte, et qu’elles ne parviendront jamais à en triompher. […] Enfin, M. de Laborde vient en dernier lieu, il met comme la dernière main à cette œuvre de réhabilitation ; bien loin de se laisser arrêter un seul instant à ce charme contraire du cardinal de Retz, il n’en tient nul compte, et il semble avoir passé lui-même, avec entrain et verve, sous le charme de Mazarin. […] Dès qu’il vit entrer Beringhen, devinant quelque message, il laissa les cartes à tenir à Bautru et passa dans une chambre voisine. […] Il tenait à la vie, il y tenait par des attaches plus fortes que celles des grands cœurs, je veux dire par les mille liens du possesseur vulgaire qui s’attache aux choses en raison des biens qu’il a amassés : Un jour, dit Brienne, je me promenais dans les appartements neufs de son palais (c’est la grande galerie qui longe la rue de Richelieu et qui conduisait à sa bibliothèque) ; j’étais dans la petite galerie où l’on voyait une tapisserie toute en laine qui représentait Scipion, exécutée sur les dessins de Jules Romain ; le cardinal n’en avait pas de plus belle. […] » Il s’arrêtait à chaque pas, car il était fort faible et se tenait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; et, jetant les yeux sur l’objet qui lui frappait la vue, il disait du profond du cœur : « Il faut quitter tout cela ! 

347. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Lorsqu’on lit Portalis dans la suite de ses discours et de ses écrits, comme je viens de le faire, on est, au reste, frappé d’un procédé qui tient à la méthode de bien des orateurs de l’Antiquité, et à la sienne en particulier. […] Mais le sujet était trop vivant et trop pathétique, il tenait de trop près aux sentiments qui se réveillaient alors dans tous les cœurs ; pour qu’un orateur comme Portalis n’en fît pas un texte de morale humaine et réconciliatrice. […] Le temps de la retraite de Portalis, après le 18 Fructidor, tient une place intéressante dans sa vie. […] De grands et hardis esprits ne s’y tiennent pas : ils veulent sonder hors de la sphère où porte notre vue ; ils sondent aussi en eux-mêmes et creusent dans le monde de leur pensée. […] La portion supérieure de son ouvrage est celle où il montre la décomposition de la société par les sophistes, espèce destructive si éloignée en tout de ces hommes à grand caractère et à grandes vues positives, qui ont fondé les sociétés et institué les peuples : « Le faux esprit philosophique est une lime sourde qui use tout. » Il distingue entre les diverses sortes de corruption publique : malgré sa bonté morale personnelle, il sait à quoi s’en tenir sur le fond de l’homme ; les passions étant les mêmes en tout temps, les mœurs aussi sont toujours à peu près les mêmes, ce ne sont que les manières qui diffèrent : mais la différence est grande, d’une corruption qui n’est que dans les mœurs, et à laquelle de sages lois peuvent remédier, d’avec cette corruption subtile qu’un faux esprit philosophique a naturalisée dans la morale publique et dans la législation.

348. (1912) Le vers libre pp. 5-41

(Conférence donnée à la Maison des Étudiants) Messieurs les Étudiants, C’est avec plaisir que je viens au milieu de vous, avec joie que je vous entretiendrai d’un sujet qui me tient fort à cœur : le vers libre. […] Personne n’admire plus que moi la beauté des fresques évocatrices de Leconte de Lisle, personne autant que moi n’admire chez Banville un magnifique poète et un conteur presque unique dans toute littérature, car je ne connais qu’Edgar Poe dans une couleur d’images différente, pour avoir fait tenir dans quelques volumes de contes brefs autant de vie et autant d’idées. […] Cette poétique possède sa valeur et la conserve en tant que cas particulier de la nouvelle comme celle-ci est destinée à n’être plus tard qu’un cas particulier d’une poétique plus générale ; l’ancienne poésie différait de la prose par une certaine ordonnance ; la nouvelle voudrait s’en différencier par la musique, il se peut très bien qu’en une poésie libre on trouve des alexandrins et des strophes en alexandrins, mais alors ils sont en leur place sans exclusion de rythmes plus complexes… » Nous avons bien en français un accent tonique ; mais il est faible et cela tient à l’amalgame que fit Paris des prononciations excessives et différentes des provinces, les usant pour en constituer une langue modérée, calme, juste milieu, quant au retentissement des consonnes et au chant des voyelles, neutre de préférence à bariolée. […] » disent Vildrac et Duhamel) tient à cette exagération de l’emploi de moyens constamment employés ; à cette utilisation hors de propos d’une ressource utile dans un cas particulier, et à cette utilisation répétée tient cet aspect de littérature à bras tendu et à bras fatigué qu’offre trop souvent le poème en vers réguliers et surtout à strophes fixes. […] Théophile Gautier, que nous aimons et connaissons plus et mieux que les fils de Parnasse, disait : « Je vois le monde extérieur et j’écris des métaphores qui se suivent. » Nous, nous avons cherché à voir le mieux possible le monde extérieur, à traduire quelques nuances, (le plus possible) du monde intérieur, ce qu’on en peut saisir, chacun dans les limites de ses forces, et nous avons cherché à créer des métaphores qui s’engendrent les unes les autres ; nous n’avons pas souvent tenu à les exprimer entièrement mais pour ainsi dire à les citer, à les énumérer.

349. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Elle tient auberge, Mlle Gaud. […] Renan, si vous voulez, qui tiendrait ici la scytale ; mais M.  […] L’homme ne tient guère plus de place chez eux. […] Car je ne tiens pas pour mondains M. de Goncourt ni M.  […] Comme poète, il tient un rang très estimable.

350. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

» et à lui seul il tenait tout le spectacle avec un bruit, un enthousiasme, une fête ! […] Où se tient-il ? […] Molière… en l’aimant avec passion, tenait son peuple à distance. […] Il tient à toutes les choses et à toutes les œuvres de la vie. […] Léonore ne se tient pas encore pour battue.

351. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Ainsi la pensée et la forme se tiennent indissolublement. […] Ceux qui le fréquentaient ne savaient jamais à quoi s’en tenir. […] Quelle contenance tenir devant ces sombres visions de l’avenir ! […] La concurrence est une excellente chose pour tenir l’artiste en haleine. […] C’est dans ces jargons méprisés que je crois tenir la clef du mystère.

352. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

… » Tiens ! tiens ! […] Elle tenait donc du père ? […] Tenez ! […] — Tiens !

353. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Or, d’où a-t-il tenu ce fait ? […] Elle se dit : « Tiens ! Tiens ! […] George Sand, ayant pris son tour de lecture : « Tiens ! […] Ne croyez pas tout à fait qu’il s’y tint.

354. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Si l’autorité paternelle n’est montrée que dans ses abus, cela tient donc à une nécessité d’optique théâtrale. […] Souday tienne à voir de tels archanges veiller, l’épée haute, sur la confiance et l’innocence du public. […] En tout cas, je m’en tiens, quitte à l’expliquer, à mon opinion sur la correspondance. […] Daudet, paraît-il, éclata d’un grand rire olympico-rabelaisien, et le tint avec raison pour fou. […] La fin, très nourrie, du livre de Curtius peut provisoirement en tenir lieu.

355. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Si l’on m’avait dit, avant de me l’avoir montré, qu’il était possible de faire tenir un dictionnaire, doublé même d’un extrait de grammaire, entre les feuillets d’un sous-main, je ne l’aurais pas cru ; mais il n’y a plus de tour de force, petit ou grand, qui puisse étonner en notre âge industrieux. […] pour le coup, Duclos, vous nous croyez par trop honnêtes femmes. » Que si l’on appliquait cela à la manière d’écrire, et si quelque docteur relâché venait à poser en principe que plus on a d’esprit et moins on est tenu à ces misères de l’orthographe, que ce sont choses à laisser à des plumes bourgeoises et que la marque de la supériorité consiste à ne pas se priver de ces licences d’autrefois, un exemple comme celui de Mme de Bregy suffirait, certes, à dégoûter les moins susceptibles, à effrayer les moins timides, et il n’est personne qui ne s’écriât : « Dieu nous garde d’être jamais beaux esprits à ce point !  […] C’est un signe de première éducation, et celles même qui n’en ont pas eu tiennent à s’en donner le semblant.

356. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres Jetons un coup d’œil sur le chemin déjà parcouru. […] Mais est-il possible de nous en tenir là ? […] On s’habitue à ne plus voir par quels liens ils tiennent à leur temps et à leur pays.

357. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Je n’entre pas, encore une fois, dans la discussion religieuse ou métaphysique : je m’en tiens purement à l’évidence extérieure des faits. […] Chacun a présents à l’esprit les noms de contemporains vraiment exemplaires, d’honnêtes gens modèles ; mais, pour nous en tenir au passé, quel plus honnête homme, plus modéré, plus sage, plus sobre, plus bienfaisant dans les tous les jours de la vie que d’Alembert ? […] Il a été démontré que l’honorable professeur (M. le docteur Broca), mis en cause pour avoir fait l’apologie de la doctrine de Malthus, n’avait point fait l’apologie de Malthus et n’avait pas prononcé la phrase telle qu’on l’a construite et arrangée, en rapprochant arbitrairement deux passages d’un discours qui, d’ailleurs, n’avait point été tenu à l’École de médecine, mais à l’Académie de médecine. […] Sire, Sire, m’écrierai-je, (et je voudrais que ma voix qui n’est que l’écho de milliers de voix eût assez de force pour être entendue), Sire, redoublez de fermeté dans voire sagesse : tenez bon, Sire ; tenez toujours en respect et à distance ces périlleux alliés, impérieux et intéressés, qui ont été de tout temps, pour qui les a écoutés, des conseillers de malheur. […] laisseriez-vous, à certains jours, se convoquer tout à côté et se tenir d’orageux congrès de Liège ?

358. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

A travers toutes ces circonspections et ces ménagements, la pièce marche, elle intéresse, elle tient en haleine. […] Elles ne sont ni poésie ni prose, elles tiennent de la pensionnaire et de la précieuse : vrais anges de salon qui jouent de l’aile comme de l’éventail. […] Tenez, voilà un collier de perles. […] C’est un Grec de fine souche, qui saigne aussi bien qu’il plume, et tient une rapière de spadassin au bout de sa main d’escamoteur. […] Cependant, hâtons-nous de le dire, si sa pièce ne tient pas à l’analyse, les morceaux en sont bons, quelques-uns même excellents.

359. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

quand on pose de ces thèses contre cet enseignement séculaire qu’on appelle l’Église, et qu’on lui dit, avec le sans-façon d’un goujat, qu’elle, la sainte Église, ne fut jamais juste, on est tenu au moins de déterminer avec une clarté d’éclair fixé, avec une splendeur de soleil, ce qu’on entend par la Justice, Mais P. […] Quand un homme se lève de grand matin pour nous annoncer que l’Église éternelle est morte, il est tenu de mettre à la place, dans ce vide profond qu’elle va laisser, quelque chose qui remplisse mieux que cette pancarte : La Déclaration des droits ! […] Il les tient au courant de ses travaux et des développements de sa pensée, et s’il leur parle de ses misères, c’est qu’elles nuisent à sa vie de penseur. […] Le Diable le tenait par ailleurs. […] La femme, qui tient tant de place dans les mœurs d’un peuple ; la femme, qui est presque toutes les mœurs d’une nation, a été pour lui la grande question de son livre.

360. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Un jour que Catherine était dans sa chambre à coucher, attenante à celle où se faisait ce vacarme, et qu’elle lisait peut-être du Bayle ou du Platon, elle entendit de tels cris qu’elle ouvrit la porte : « Je vis qu’il tenait un de ses chiens en l’air par le collier, et qu’un garçon, Kalmouck de naissance, qu’il avait, tenait le même chien par la queue (c’était un pauvre petit Charlot de la race anglaise), et avec le gros manche d’un fouet, le grand-duc battait ce chien de toute sa force. […] Les comtes Razoumowsky, que j’avais toujours aimés, furent plus caressés que jamais ; je redoublai d’attention et de politesse envers tout le monde, excepté les Schouvaloff ; en un mot, je me tins fort droite : je marchais tête levée, plutôt en chef d’une très-grande faction qu’en personne humiliée et opprimée. » Sa fierté n’a pas grand effort à faire pour se redresser : elle n’était pas née pour l’attitude et le rôle de victime. […] Tout ce qu’on vous dira à la place de ceci ne sera que des propos de pruderie non calqués sur le cœur humain, et personne ne tient son cœur dans sa main, et ne le resserre ou le relâche à poing fermé ou ouvert à volonté. » On ne peut mieux indiquer, par cette digression même presque involontaire et où la femme revient et se trahit, que, tout en cédant volontiers de son côté à la tentation et à l’attrait, elle se prévalait aussi à son tour de cet attrait et de cet ascendant aimable, de sa séduction irrésistible et de sa certitude de plaire, pour se faire, à la Cour et dans tous les rangs, nombre d’amis dévoués, inféodés, résolue à tout pour la servir, et qui, le jour et le moment venus, la firent ce que de tout temps elle avait rêvé d’être, afin de pouvoir ensuite donner sa mesure au monde et marquer son rang dans l’histoire. La philosophie pour elle n’était qu’un en cas qu’elle tenait en réserve pour une éventualité extrême.

361. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

La Revue des Deux Mondes et les écrivains qui tiennent à honneur de lui appartenir ont été récemment l’objet de telles attaques violentes et outrageuses, outrageuses et pour ceux qu’on y désignait malignement, et pour ceux qu’on y passait sous silence, en ayant l’air de les ménager, et pour ceux surtout qu’on cherchait à y flatter en se les donnant pour auxiliaires, que c’est un devoir à eux, non pas de se défendre (ils n’en ont pas besoin), mais de témoigner de leurs sentiments, de leurs principes, et de marquer de nouveau leur attitude. […] Mais voilà qu’aujourd’hui on se charge de prouver contre lui, contre nous, qu’il n’y a que trop de Barbares en effet, même quand ce sont les habiles qui y tiennent la main. […] Je comprends très-bien, et j’ai souvent accepté moi-même avec joie, avec orgueil, ce rôle, cet office de la critique en tant qu’elle sert la poésie : Nous tiendrons, pour lutter dans l’arène lyrique, Toi ta lance, moi les coursiers ! […] L’essentiel, le seul point que nous tenions à constater, et que le public peut-être voudra bien reconnaître avec nous, est celui-ci : Somme toute, et à travers les nombreux incidents d’une course déjà longue, la Revue a fait de constants et d’heureux efforts pour se fortifier, pour s’améliorer, et, depuis bien des années déjà, pour réparer par l’importance des travaux en haute politique, en critique philosophique et littéraire, en relations de voyages, en études et informations sérieuses de toutes sortes, ce qu’elle perdait peu à peu en caprice et en fantaisie, ce qu’elle ne perdait pas seule et ce que les premiers talents eux-mêmes, le plus souvent fatigués en même temps que renchéris, ne produisaient plus qu’assez imparfaitement. […] Eh bien, dans ce rôle de critique positive que nous pratiquons, la Revue des Deux Mondes se pique de tenir ferme à quelques points, de compter de près avec les œuvres mêmes, et d’observer un certain esprit attentif de vérité et de justice.

362. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Cette salle fut affectée ordinairement aux représentations théâtrales, quoiqu’elle eût de temps en temps une destination plus sérieuse : ainsi elle servit aux États généraux tenus en 1614, les derniers de la France monarchique avant 1789. […] Les acteurs français ne pouvaient lutter avec ces étrangers : « La comédie telle que ceux-ci la jouaient, dit Brantôme, était chose que l’on n’avait encore vue et rare en France, car, par avant, on ne parlait que des farceurs, des conards de Rouen, des joueurs de la Bazoche et autres sortes de badins. » Ce qui devait offrir surtout un vif attrait, c’était la présence d’actrices élégantes jouant les rôles féminins, tandis que les rôles de femmes étaient tenus chez nous par des hommes. […] Flaminio Scala avait alors dans sa troupe quatre rôles de vieillards ou de pères nobles, comme nous dirions aujourd’hui : le Pantalon ou le Magnifico, tenu par un acteur nommé Giulio Pasquati ; Cassandro da Siena, joué on ne sait par qui ; Zanobio, le vieux bourgeois de Piombino, représenté par Girolamo Salembeni de Florence ; enfin le docteur, il dottore Gratiano Forbisone, dont Lodovico de Bologne portait la robe. […] Francesco Andreini, outre l’emploi du capitan qu’il tenait avec une grande supériorité, créa le type du Dottore siciliano et celui du magicien Falcirone. […] Nous ne savons l’acteur qui tenait le rôle de Pedrolino (Pierrot) ; ce rôle est, dans les canevas des Gelosi, fort pareil à ce qu’il est resté sur la scène française, pétulant, grimacier, malin, gourmand et poltron.

363. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Avec ces spirituelles rieuses on ne sait jamais à quoi s’en tenir, et on serait bien dupe souvent de s’arrêter à quelques mots qui, chez d’autres, diraient beaucoup. […] Quelques mots de Tallemant caractérisent bien cette charmante et puissante nature de femme, telle qu’elle se déclarait toute jeune dans l’abondance de la vie ; après avoir dit qu’il la trouve une des plus aimables et des plus honnêtes femmes de Paris, « elle chante, ajoute-t-il, elle danse, et a l’esprit fort vif et agréable ; elle est brusque et ne peut se tenir de dire ce qu’elle croit joli, quoique assez souvent ce soient des choses un peu gaillardes… » Voilà le mot qu’il ne faut pas perdre de vue avec elle, tout en le recouvrant ensuite de toute la politesse et de toutes les délicatesses qu’on voudra. […] J’ai les yeux assez grands ; je ne les ai ni bleus ni bruns ; mais, entre ces deux couleurs, ils en ont une agréable et particulière ; je ne les ouvre jamais tout entiers, et quoique, dans cette manière de les tenir un peu fermés, il n’y ait aucune affectation, il est pourtant vrai que ce m’est un charme qui me rend le regard le plus doux et le plus tendre du monde. […] Les restes de ménagements que son mari avait eus pour elle ne tenaient qu’à sa fortune, et, du moment qu’il y eut une preuve légale suffisante pour la lui ravir, il ne ménagea plus rien. […] Celle-ci, en effet, au milieu de tout ce qui pouvait la faire déchoir, sut toujours tenir son rang et se concilier ce qu’il faut bien appeler (je ne sais pas un autre mot) de la considération.

364. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Car je tiens qu’il n’en avait besoin d’aucune manière. […] » Et le style, en effet, le tenait si fort, cet homme de style, marié grâce à son style, qu’il raconta le bonheur de son mariage dans un feuilleton enivré et resté célèbre, trouvant, cet enfant gâté du bonheur, que c’était augmenter son bonheur que de récrire, tant il était écrivain ! […] Cuvillier-Fleury s’avisât de l’en nommer « le Roi », se laissait dire par la femme qui lui avait tant donné en l’épousant, et qui exerçait sur ce préoccupé du style une délicieuse petite puissance maternelle : « Tenez, voilà votre journée ! […] À l’heure de la vie où l’on est frivole et où l’homme tient à relever ses avantages extérieurs par les soins de la mise et les détails de la toilette, à une époque où tant de gens de lettres affectaient d’être des Beaux, parmi les de Musset, les Roger de Beauvoir, les Roqueplan, les Sue, qui furent des dandies, des gants jaunes, des furieux (un mot du jargon de la mode du temps), Janin, très à la mode par l’esprit et par le talent et très en vue, Jules Janin, qui n’était pas sans beauté alors, ne pensait point à la faire valoir, cette beauté, par les ressources que la mode offre à la coquetterie. […] Je ne suis pas bien sûr qu’il n’ait vanté Viennet… Il tenait pour l’Antiquité et le xviie  siècle, et quoiqu’il comprît les beautés d’une littérature puisée à une autre source, il revenait toujours à ces deux sources-là.

365. (1911) Études pp. 9-261

L’accord descend sur elles et les tient ensemble. […] Elle tient séparé. […] Il refuse de s’en tenir à ce qu’il a déjà posé de lui-même. […] Avec toutes ses idées qu’il tient délicatement en jeu, il imite le monde. […] Je tiens en moi mon être tout entier, nu et violent comme un animal.

366. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

On est toujours tenu de payer l’amende, quand on a regardé par des trous de serrure. […] Balfour tient beaucoup à ce que M.  […] Quel symbole de sa divinité tenait-elle ? […] Tient-il à ce qu’on y porte remède ? […] Si les Anglais tenaient à avoir de l’ordre en Irlande, ils ne laisseraient pas un de nous vivant.

367. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

« L’épopée tient à la tragédie en ce qu’elle est comme elle, sauf le mètre, une imitation des actions nobles à l’aide du discours. […] À quoi tiennent tant de lacunes et tant d’erreurs ? […] À quoi tiennent des erreurs si profondes et si diverses ? […] Est-il équitable de demander au siècle d’Alexandre tout ce qu’a pu tenir le dix-septième siècle, tout ce que le nôtre pourrait donner ? […] Mais Aristote, qui a certainement connu celle de son maître, ne semble pas en avoir tenu le moindre compte.

368. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

tenir tête à l’ennemi. » Les coups d’épée tombaient pressés sur son corps. […] Ces héros hardis et adroits déposèrent les épées qu’ils tenaient en leurs mains. […] Hagene de Troneje leur dit: « Tenez-vous près des murs de la salle. […] Le chef alla trouver les deux guerriers, qui se tenaient hors de la salle, appuyés contre le mur du bâtiment. […] Vous affirmiez que vous vouliez, seul, me tenir tête dans un combat.

369. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Manzoni, jeune, tenait à honneur de se dire non-seulement son plus tendre ami, mais son disciple. […] Il semblait qu’en cela la difficulté même et la nouveauté de l’application aiguisassent son goût et le tinssent en éveil. […] S’en remettre en idée à quelques juges d’élite, écrire en vue de leur suffrage, qui tient lieu et qui répond d’avance de tous les autres. […] Le reste, si beau que cela parût, lui tenait moins à cœur. […] Anaxagore, qui tenait l’école de Thalès au moment où cette guerre eut lieu, se réfugia à Athènes et y porta la philosophie.

370. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Il combat pour des idées auxquelles il tient. […] Dumas déclare qu’il ne tient pas à la durée de son œuvre. […] Il s’est toujours tenu en belle humeur et en belle santé. […] … Il dort… tenez, à cette heure. […] Il se tient à côté et en dehors d’eux.

371. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Les rencontres fortuites, l’arrivée de personnages subalternes, et qui ne tiennent point au sujet, leur fournissent un genre d’effets que nous ne connaissons point sur notre théâtre. […] Wallstein tient en main les fragments de cette chaîne brisée. […] Tout l’univers s’adresse à l’homme dans un langage ineffable qui se fait entendre dans l’intérieur de son âme, dans une partie de son être inconnue à lui-même, et qui tient à la fois des sens et de la pensée. […] L’admiration dont il est l’objet chez les Allemands tient à leur manière de considérer l’amour, et cette manière est très-différente de la nôtre. […] Cela tient à ce que les Allemands prennent le sentiment pour base de la morale, tandis que pour nous cette base est la raison.

372. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Seulement, la raison qui a fait écrire : Un mariage dans le monde à Octave Feuillet, est une raison qui tient à sa personnalité d’écrivain. […] Car c’était accompli comme cela… Nous tenions dans le creux de notre main, comme une carte de photographie, cette grande société française, qui à présent peut y tenir… Puisqu’il faut que tout soit avalé des choses les plus amères, puisqu’il y a pis que la ciguë de Socrate, qui du moins lui fut présentée dans une coupe de bronze et non dans une coupe de carton, n’était-ce pas là un résultat ? […] ce qui tient à la constitution même de l’écrivain. […] Seulement, fidèle à sa manière, qui tient à sa nature, l’auteur a de ces choses inappuyées qui, sous une plume plus vigoureuse que la sienne, et qui, les reprenant en sous-œuvre les foncerait, deviendraient superbes. […] Il se croit probablement bien moins fort comme romancier que comme auteur dramatique, et peut-être ne se trompe-t-il pas… Il tient mieux dans cette case du théâtre, sur cette feuille de parquet où l’on ne se meut qu’en se ramassant, il y tient mieux que dans ce large espace du roman où il faut être le poète, le peintre et le philosophe à la fois.

373. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Le même Aristote à qui l’esclavage en général paraît chose toute naturelle, semble tenir l’asservissement des Grecs les uns par les autres pour une chose contraire à la nature90. […] Responsabilités collectives, propriétés communes, autorité sociale despotique, activités individuelles altruistes, tous ces traits, par lesquels se ressemblent les sociétés fortement homogènes, nous prouvent assez que l’individu n’y est nullement, comme le voudrait l’égalitarisme, tenu pour une cause par soi ni pour une fin en soi. […] D’ailleurs, et plus directement, par les sentiments qu’elle inspire aux individus qu’elle distingue comme par la façon dont elle les tient liés, la division du travail rend leur égalisation nécessaire. […] Topinard 131, l’inégalité de ces différences mêmes peut tenir à l’inégalité des séries de crânes comparées, et il est encore impossible d’affirmer « que les variations individuelles soient moins étendues dans les races inférieures que dans les races supérieures ». […] Il peut donc arriver qu’elle tienne tête à l’hérédité, qu’elle brouille ses cartes, qu’elle rende homogène ce que l’hérédité laissait hétérogène, et inversement, — et par suite rien ne prouve a priori qu’elle ait, comme l’hérédité, préparé dans les sociétés occidentales le règne de l’égalitarisme : qui sait si l’une ne travaille pas à détisser ce que trame l’autre ?

374. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Et, tenez ! […] Tiens ! […] on tient bon ? […] Le décadent n’y tient guère. […] — Et il a tenu parole.

375. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Tout se tient ainsi d’une dépendance nécessaire et visible, et une seule cause se manifeste dans la diversité des effets successifs. […] « Si le ciel tient en réserve des châtiments plus terribles que tous ceux que je puis te souhaiter, oh ! […] Avec une netteté glacée, il accentuait les détails de ce chaos de pierres qui est l’Islande ; tout ce pays, vu de la Marie, semblait plaqué sur un même plan et se tenir debout. […] Toutes ces idées se succèdent sans se tenir, elles ne s’amènent pas, ne s’engendrent pas, ne sortent pas les unes des autres.

376. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

De son hérédité, il tient des aptitudes et des inaptitudes, une virtualité qui le destine à certains actes, de préférence à d’autres actes. […] Cela tient à un premier pouvoir, pouvoir d’abstraction qui a permis à l’homme de faire tenir en des signes extérieurs, formes sonores ou graphiques, dans les mots, des approximations des images qui se forment dans son cerveau. […] Il n’arrive guère, en effet, que l’être humain tienne de l’hérédité une orientation unique.

377. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Le coeur s’agite de lui-même et par un mouvement qui précede toute déliberation, quand l’objet qu’on lui présente est réellement un objet touchant, soit que l’objet ait reçu son être de la nature, soit qu’il tienne son existence d’une imitation que l’art en a faite. […] Si le mérite le plus important des poëmes et des tableaux étoit d’être conforme aux regles redigées par écrit, on pourroit dire que la meilleure maniere de juger de leur excellence comme du rang qu’ils doivent tenir dans l’estime des hommes, seroit la voïe de discussion et d’analyse. […] Mais comme il est sans connoissance des autres ouvrages, il n’est pas en état de discerner à quel point le poëme qui le fait pleurer est excellent, ni quel rang il doit tenir parmi les autres poëmes. […] Les hommes persuadez par instinct que le mérite d’un discours oratoire, ainsi que le mérite d’un poëme et d’un tableau, doivent tomber sous le sentiment, ajoutent foi au rapport de l’auditeur, et ils s’en tiennent à sa décision dès qu’ils le connoissent pour une personne sensée.

378. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Victor Hugo lui-même, que Théophile Gautier, que tous ceux-là enfin de notre époque qui, arrivés à la grande renommée, ont rencontré les résistances des commencements, — Prévost-Paradol n’était pas cependant ce qu’on appelle un homme heureux, et ces Essais de littérature et de politique que je tiens là, m’ont appris à mon grand étonnement son secret, et m’ont dit sa mélancolie. […] Et peut-être même cesserait-il d’écrire, peut-être, ennuyé des sons creux qu’il file, enverrait-il promener la flûte de sa rhétorique, s’il ne se croyait tenu d’exécuter encore quelques airs funèbres en l’honneur de ce pauvre régime parlementaire qu’il aime comme lui-même, et qui, s’il n’était pas mort, lui aurait peut-être permis d’accoucher enfin de son grand ministre et de son grand orateur ! […] Seulement, si bien qu’il se tienne sous la garde de cette prudence en ces deux volumes qu’il offre au public, il a glissé, et en glissant, dans une toute petite phrase sur Fontenelle il a montré les parties honteuses de sa pensée : — « Fontenelle — nous dit-il — respecte tout COMME IL CONVIENT, mais, partout où il est passé, rien n’est resté debout. » Sentez-vous la joie ? […] C’était un de ces camélias d’école normale, dont le Journal des Débats tient serre.

379. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

L’auteur de L’Esprit révolutionnaire avant la Révolution n’a point tenu les promesses de son titre. […] Quand, à part même les philosophes dont il se fait sa plus belle ceinture, il invoque le témoignage de toutes les voix gallicanes, jansénistes, parlementaires qui ont le plus insolemment piaillé contre le pouvoir religieux et monarchique d’alors, ou du moins contre ce qu’il en restait encore ; quand sa plus large et sa plus familière et sa plus chère source de renseignements et d’informations est Barbier, le bazochien Barbier, l’avocat consultant au Parlement, et qu’il consulte — qui tient plus de place dans le livre de M.  […] il tient pour elle et il tient pour ceux qui, dans son livre, annoncent son avènement avec joie.

380. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Tiens, prends ce livre ; parcours avec attention les caractères qui le composent ; à mesure que tu liras, tu verras s’élever autour de toi les ombres des grands hommes, et elles ne te quitteront plus. » Ce livre était Les Hommes illustres du philosophe de Chéronée. […] Naissance, éducation, mœurs ; principes ou qui tiennent au caractère ou qui le combattent ; concours de plusieurs grands hommes qui se développent en se choquant ; grands hommes isolés et qui semblent jetés hors des routes de la nature dans des temps de faiblesse et de langueur ; lutte d’un grand caractère contre les mœurs avilies d’un peuple qui tombe ; développement rapide d’un peuple naissant à qui un homme de génie imprime sa force ; mouvement donné à des nations par les lois, par les conquêtes, par l’éloquence ; grandes vertus toujours plus rares que les talents, les unes impétueuses et fortes, les autres calmes et raisonnées ; desseins, tantôt conçus profondément et mûris par les années, tantôt inspirés, conçus, exécutés presque à la fois, et avec cette vigueur qui renverse tout, parce qu’elle ne donne le temps de rien prévoir ; enfin des vies éclatantes, dès morts illustres et presque toujours violentes ; car, par une loi inévitable, l’action de ces hommes qui remuent tout, produit une résistance égale dans ce qui les entoure ; ils pèsent sur l’univers, et l’univers sur eux ; et derrière la gloire est presque toujours caché l’exil, le fer ou le poison : tel est à peu près le tableau que nous offre Plutarque. […] Il eut le bonheur de casser bien vite une table de marbre : cet accident, qui lui fit une querelle, le rendit tout entier à la philosophie et aux lettres ; il avait ce tact du ridicule qui tient à un esprit délié et fin, et cette arme légère de la plaisanterie, qui consiste presque toujours à faire contraster les objets, ou en réveillant une grande idée à côté d’une petite chose, ou une petite idée à côté d’une grande. […] Ils roulent sur la liberté, sur la servitude, sur la honte de tenir la vie d’un ennemi de la patrie, sur le déshonneur qu’il causerait à Athènes, s’il renonçait à être libre pour se faire esclave dans sa vieillesse.

381. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Vous l’entendrez, si Dieu nous donne la consolation de vous voir après Pâques ; car on croit qu’il continuera de prêcher dimanches et fêtes jusqu’à la Pentecôte. » — Un autre oratorien, le père Maur (ou Maure), brillait dans la chaire à la même date, et ses débuts semblaient balancer ceux de Massillon ; le père Maur n’a pas tenu depuis tout ce qu’il promettait et son nom n’a pas surnagé, mais on faisait alors de l’un à l’autre des parallèles ; C’est toujours M.  […] Vuillart a bien de la peine à se décider entre les deux ; le prix même des chaises, assez significatif dans son inégalité, ne lui paraît pas concluant : il tient tant qu’il peut pour celui qui prêche dans son quartier à lui, et qu’il est le plus à portée d’entendre. […] Comme il craignait hier la trop grande consternation de son auditoire sur les défauts de la vocation et sur la difficulté extrême de les réparer, il le releva et le ranima par une incomparable paraphrase de tout le Cantique de Jonas, qui le tint élevé à Dieu et comme transporté hors de la chaire assez longtemps les bras croisés et les yeux au ciel.

382. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

Il y a un charme, un talisman qui tient aux doigts de l’ouvrier. […] René est bien le fils d’un siècle qui a tout examiné, tout mis en question ; mais le fils ne s’en tient pas au testament du père, il veut recommencer la vie et ne sait comment ; une intelligence avancée, consommée, qui a tout décomposé de bonne heure et tout analysé, se trouve chez lui en désaccord flagrant avec une imagination réveillée et puissante, avec un cœur avide, désenchanté et inassouvi. […] Mais René ne s’en tient pas là ; il recommence précisément où Voltaire finit : il fait mentir l’observation morale positive : lui, il désirera surtout ce qu’il ignore.

383. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Il faut économiser les mots, et faire tenir le plus de pensée qu’on peut dans la plus courte phrase. […] Il n’y a que les écrivains supérieurs qui sachent être brefs, sans être secs, et faire tenir un sens infini dans une étroite formule. Et puis chaque phrase ayant son éclat indépendant, brillant de tous les côtés sans tenir à rien, les idées ne s’enchaînent plus, ne s’engrènent plus les unes aux autres, et le discours perd sa cohésion.

384. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Il vous reste à entendre le mien, et j’en suis bien fâché pour vous : mais, pendant que nous vous tenons encore, nous ne voulons vous lâcher que dûment chapitrés et bien munis de sagesse pour vos vacances. […] Vous ne promettrez que ce que vous pourrez tenir. […] Je me hâte d’ajouter qu’ils sont à peine miens et que, les ayant tenus, je voudrais bien en faire tout le premier mon profit.

385. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

Cependant ce n’était pas une témérité bien grande, s’il est vrai que quelques années plus tard, « madame de Sévigné », comme le dit son cousin Bussy-Rabutin, « ne tenait pas ses bras trop chers ». […] Godeau, de l’Académie française, évêque de Vence, ayant adressé à Voiture un défi de vers galants en honneur de cette belle personne, Voiture lui adressa ce rondeau fanfaron : Comme un galant et brave chevalier, Vous m’appelez en combat singulier D’amour, de vers et de prose polie ; Mais à si peu mon cœur ne s’humilie, Je ne vous tiens que pour un écolier ; Et fussiez-vous brave et docte guerrier, En cas d’amour, n’aspirez au laurier. […] Il la recommande aux Romains ; la politesse exquise de son esprit en avait conçu les lois : mais la chose était hors des mœurs générales ; le mot décence n’existait même pas ; pour l’en tenir lieu, Cicéron emploie cette locution : quod decet .

386. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Ses travers, c’est la vanité, c’est l’entêtement, l’esprit de système, la bizarrerie, l’amour de soi : qui de nous n’en tient pas un peu ? […] Il n’est conte fait par elle qu’il ne soit prêt à tenir pour vérité. […] Tenez, mon cœur s’émeut à toutes ces tendresses Cela regaillardit tout à fait mes vieux jours. […] Les autres se tiennent plus sur la cime ; Molière vit au milieu de nous. […] En outre, comme la convention tient plus de place dans la tragédie que dans la comédie, le public se croit le droit d’y demander plus de changements.

387. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Pourquoi du moins ne s’en pas tenir aux critiques honnêtes avec nos écrivains ? […] On vous crie de venir au fait : vous en tenez-vous aux questions particulieres ? […] Il faut qu’il s’en tienne à plaire à sa façon, tandis que d’autres réüssissent autrement. […] Despreaux, en pensant qu’après s’être attendu à quelque chose de mauvais, le médiocre lui avoit tenu lieu du bon, et que son éxagération naissoit de sa surprise. […] J’ai déja déclaré qu’il y a des beautez dans l’iliade que je n’ai pû employer, parce qu’elles tiennent à des choses qui n’entroient pas dans mon plan.

388. (1902) Le critique mort jeune

La trame du récit, encore que solide et suivie, est d’une ténuité extrême et l’auteur semble n’y pas tenir beaucoup. […] Faguet ne puisse tenir la chaîne par Sainte-Beuve. […] Cela tient à ce qu’il est conservateur, et que son vrai fond est le conservatisme. […] Il ne tiendrait pas plus contre le Benedicite qu’il ne tient contre « Angèle de Blindes » et le « Chemin montant ». […] Tenir en laisse un géant, quel rêve pour une petite main !

389. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Mais, pour m’en tenir à ses compétitions littéraires, il y était d’une rare intolérance. […] Son amour-propre comblé, quoiqu’il n’ait jamais été satisfait, ne le rendait pas alors aussi malheureux que depuis et le tenait constamment en haleine. […] — Nodier passait d’engouements en engouements, mais à la superficie et sans y tenir. […] Le Globe ne s’en tiendrait pas, dit-il, à un seul article sur Cromwell ; c’était lui-même qui ferait les autres. […] Mais ce premier brillant, s’il l’a jamais eu, n’était qu’à la surface et n’a pas tenu longtemps.

390. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

On ne savait à quoi se tenir. — Que faire ? […] Thiers y tient sa place à côté de M.  […] « Celui-là tient bien qui tient une fois. » Aujourd’hui, il n’y a plus que la feuille qui tienne à l’arbre un instant. […] Dans cette redoutable rivalité de la gloire, à qui tenir ? à quoi tenir ?

391. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Ils appellèrent & réappellèrent à un futur concile ; dût-il ne se tenir jamais. […] Le jeune monarque tint un lit de justice le troisième avril 1730, & se fit obeir. […] Ces cérémonies tiennent-elles essentiellement à la religion ? […] Le poëte leur fit les plus belles promesses, mais il n’en tint aucune. […] La passion y tient lieu d’art, d’esprit, de méthode & de vérité ».

392. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

L’imagination ne s’en tient plus aux souvenirs ; elle s’émancipe ; elle prend le pas sur la mémoire. […] Mais d’où tient-elle ce caractère ? […] Chacune a ses admirateurs, qui la tiennent pour le type exemplaire de la poésie. […] Nous pouvons tenir pour certain que dans toute élaboration littéraire il en est de même. […] On tiendra ses idées en suspens jusqu’à ce que le moment soit venu de les développer.

393. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Un jour, je ne pus m’en tenir, et je le lui dis. […] Mais tenez pour sûr que ni l’un ni l’autre ne se soucie de la liberté. […] Seulement, quand il croyait la tenir, c’est elle qui le tenait. […] D’une main non moins ferme, Pasteur a tenu la science si. […] P*** de me dire pourquoi il tenait tant à me renvoyer chez moi.

394. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Celui-ci, en même temps, lui enfonça le poignard dans le corps, et, d’un coup de genou, le jeta à bas sur le bord d’un grand rond d’eau, à bord de jaspe, qui tient le milieu de la salle. […] Ce marché ne se tient que le matin ; l’après-midi, ce sont les menuisiers et les charpentiers qui étalent à la même place. […] Ce sont les appartements du palais où le roi tient ses assemblées. […] Je parle de ce logis comme bien instruit, l’ayant tenu l’an 1675 et 1676, par permission du roi ; car les chrétiens ne sauraient loger dans la ville d’Ispahan sans cette permission. […] Ces paroles, portées par ces deux seigneurs au premier ministre, et ensuite au second, auquel, sous ce même prétexte, ils tinrent un semblable discours, firent tout l’effet qu’ils en osaient désirer.

395. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

La femme tient dans le poème la place qu’elle peut tenir : la beauté de Blanchefleur, que Garin, Fromont et le roi veulent épouser, compte moins que son héritage. […] Adenet, Jean Bodel, Jendeus de Brie, Bertrand de Bar-sur-Aube ne veulent pas perdre le bénéfice de leur travail ; s’ils tiennent au profit, ils aiment aussi la gloire, dont la recherche est un des symptômes caractéristiques de l’individualisme : cela seul nous avertirait que les temps épiques sont passés. […] à qui tient-il ? […] Encore si l’on s’en était tenu à la banalité : mais on y ajoutait l’extravagance. […] A mesure que les dames tiennent plus de place dans les chansons, une galanterie plus polie, plus verbeuse surtout, enveloppe un amour de plus en plus cynique.

396. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Je tiens ces renseignements de mon vieil ami Auguste Lacaussade. […] Lacaussade, qui tenait ce renseignement du fils même de Marceline, Hippolyte. Mais Hippolyte, d’où le tenait-il lui-même ? […] Elle est simple… tiens, comme la bonté, c’est tout dire. […] Je tiens à être consultée sur la toilette de la mariée, — peut-être sur la mariée elle-même.

397. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Le soir, quelques-uns des jeunes allaient dans la chambre du vieux supérieur pour lui tenir compagnie pendant une heure. […] C’est un édifice dont les pierres sont liées par des tenons en fer ; mais la base est d’une faiblesse extrême. […] Il faut n’avoir pas la moindre habitude des choses religieuses pour s’étonner que des esprits singulièrement appliqués aient tenu en des positions aussi désespérées. […] je l’en tiens quitte. […] Vous le savez, tout cela n’a pas en moi une consistance dogmatique, et, au milieu de tous ces troubles, je tiens encore à l’Église, ma vieille mère.

398. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Ils étaient tous les deux  voilà ce qui leur est absolument commun  ils étaient tous les deux dépensiers, désordonnés, irréguliers, incapables autant l’un que l’autre de tenir un ménage, de soutenir une bonne maison. […] En tout cas, dans cette espèce de cour que Fouquet tenait à Saint-Mandé, qu’un peu plus tard il tint à Vaux, La Fontaine trouva une société tout à fait faite pour lui, tout à fait de son goût. […] Le soupir de satisfaction que je viens de pousser ne m’est pas personnel, c’est La Fontaine qui l’a poussé dans une épigramme très célèbre, un peu dure, que je ne tiens pas à reproduire…. […] On demandera pourquoi La Fontaine s’est exposé à de pareils affronts, car ce sont des affronts, et pourquoi il a tenu tellement à être de l’Académie française après la carrière si glorieuse qu’il avait parcourue. Je crois, tout simplement, qu’il tenait, le pauvre homme, à ses jetons de présence ; il tenait à la petite rente que le fait d’être de l’Académie constituait pour chacun de ses membres.

399. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

si amoureusement retorse, que nous imaginons très bien ce qu’aurait été — si l’auteur l’eût achevé — ce livre, qui tient à la fois de l’observation la plus perçante et de la fantaisie la plus inspirée, et où, comme deux lutteuses qui s’étreignent sur le pied d’une coupe antique, l’ironie s’entrelace à la Profondeur. […] Eh bien, que l’on compare, si on l’ose, ce traité du gentilhomme, ce rituel mondain de l’aristocratie anglaise, avec le traité de Balzac, et on verra si l’abîme qui sépare ces deux livres vient uniquement du mouvement des temps et de la différence des époques, mais s’il ne tient pas plutôt au fond même des notions de l’écrivain ! […] Elle tient à ce qui l’a faussée et à ce qu’on y prend pour elle : le dandysme. […] Nous savons à quoi nous en tenir sur ces moines que la frivole Renaissance a tympanisés parce qu’ils portaient des cuculles. […] Sans préjuger complètement l’avenir d’un jeune homme dont les défauts tiennent à l’impétuosité de la vie, nous osons dire que cet avenir restera marqué de l’influence première, et que le talent de l’artiste gardera toujours à son front la trace enflammée du baiser mordant de Rabelais.

400. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Le moraliste, sans négliger l’occasion du contrôle lorsqu’elle se présente, peut plus aisément s’en tenir aux discours mêmes du personnage si ces discours sont de grande étendue et très abondants : car il a moins à s’inquiéter du détail et de l’exposé des faits que de celui qui parle, et il est impossible qu’en parlant si longuement de soi ou de ce qui est autour de soi, on ne se découvre. […] Henri, dès qu’il l’aperçut, lui ordonna de mettre ses arquebusiers à pied afin qu’ils servissent d’éclaireurs et d’enfants perdus ; il le plaça, lui, avec sa compagnie de gens d’armes à son aile droite, et, l’emmenant un moment sur la ligne : « Tenez avec moi, dit-il, car je vous veux montrer toute la disposition des deux armées, afin de vous instruire à votre métier. » Rosny, même à la guerre, n’est qu’un élève de Henri IV. […] Trois pourtant des sept cavaliers, les mieux montés, lui dirent adieu et, donnant de l’éperon, lui échappèrent ; les quatre autres le suivirent, non sans lui avoir mis en main la cornette blanche semée des croix noires de Lorraine, l’étendard principal de l’armée ennemie ; il n’était pas de force à la tenir longtemps, et il fut bientôt obligé de la confier à un page du roi qu’il rencontra. […] C’est ce cortège tout chevaleresque et seigneurial que Henri IV, qui chassait par la plaine autour de Rosny, rencontra à l’entrée du bourg ; il y applaudit, il en sourit un peu ; il eut pour son brave serviteur, en l’embrassant, de bonnes et vives paroles, et de généreuses promesses qu’il sut tenir avec le temps : « Je n’aurai jamais bonne fortune ni augmentation de grandeur que vous n’y participiez. » Rosny, qui aimait le comptant, demandait quelques jours après le gouvernement de la ville de Mantes, que Henri lui refusait, de peur d’offenser les catholiques. […] « Je vous tiens pour loyal et laborieux », lui disait Henri.

401. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Avec une intelligence forte et un travail vigoureux, on pouvait sans doute tenir le grand chemin, parcourir la route entière des études classiques, et au plus vite, en toute hâte, se diriger encore à temps, si l’on en avait la volonté, vers les études spéciales, mathématiques et autres, qui ouvraient l’entrée des grandes écoles savantes ; mais la question alors était tout ou rien, et un faux pas au terme faisait échouer. […] Eu ces sortes de moments on tient peu de compte des nuances, et on est plus tenté de supprimer que de concilier. […] Franklin tenait tant à cette idée, qu’il l’exprimait toutes les fois que l’occasion s’en présentait, en variant légèrement son apologue48. […] Des juges, d’ailleurs équitables, ont cru trouver trop de régularité et de mécanisme dans l’indication stricte des heures, des minutes consacrées à chaque portion des devoirs dans les classes ; mais il semble qu’en se représentant avec une précision si parfaite les exercices de chaque groupe successivement, le ministre ait voulu ne pas s’en tenir à une idée prise de loin et de haut, comme cela est trop ordinaire ; qu’il ait voulu communiquer aux maîtres le sentiment de l’importance qu’il met à un parfait accord entre les facultés diverses. […] D’autres ministres ont succédé, qui ont tenu peu de compte de leur prédécesseur.

402. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Montaigne, retiré vers l’âge de trente-huit ans dans son château et dans sa tour seigneuriale, s’était amusé à tracer ou à faire tracer sur les poutres et chevrons supérieurs de la pièce qu’il appelait sa librairie ou bibliothèque quelques inscriptions morales et philosophiques, reproduisant les maximes ordinaires de sagesse qu’il tenait à avoir constamment devant les yeux. […] Lapaume ne s’en est pas tenu à si peu. […] Il n’était pas de ceux qui « s’agréent en eux-mêmes », qui « estiment ce qu’ils tiennent au-dessus du reste », et « ne reconnaissent aucune forme plus belle que celle qu’ils voient. » Il laissait aux esprits routiniers ce parfait contentement de soi, des siens et de la coutume. […] Ce seigneur raconta à Montaigne que ce changement lui était venu en un instant, un jour qu’il était chez lui plein d’ennui pour la mort d’un sien frère que le duc d’Albe avait fait mourir comme complice des comtes d’Egmont et de Homes : il tenait sa tête appuyée sur la main à cet endroit ; de façon que les assistants pensèrent, quand il eut retiré sa main, que c’était de la farine qui lui était tombée là par hasard. […] Ces gens de Mulhouse paraissent tenir assez peu au symbole, et la paye arrange tout.

403. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Après donc avoir donné ses soins à réparer ses affaires, à les régler une dernière fois et à les remettre sur un pied suffisant, il se retirait en prudent et en sage sur un dernier bon semblant de fortune, sur un succès modeste, sans pousser plus avant les chances, sans trop demander au sort, et, sans se soucier d’ailleurs des discours et propos, mêlés de sourire, qu’en tiendraient immanquablement entre eux les ennemis et les jaloux. […] On voit donc que Charles-Quint, en entrant au cloître, et tout en prenant la retraite très au sérieux, ne put tenir exactement sa résolution et sa gageure : il n’eut pas même le temps de ressentir l’ennui, le vide que son brusque changement de vie n’eût pas manqué de produire en son âme ardente et active. […] Ce qui est certain, c’est que les papiers de Van Male, de celui qui aurait servi de secrétaire à l’empereur pour ce genre de travail, furent saisis après la mort du maître pour être remis à Philippe II, lequel était peu ami de la publicité en telle matière, et qui, une fois qu’il la tenait, ne lâchait pas sa proie. […] Grave et piquante question, fort agitée entre les historiens, et qui pour les uns tient déjà, à la légende, tandis que pour les autres elle ne sort ni de la vraisemblance ni de la vérité ! […] Le Crucifix était celui qu’avait tenu embrassé l’impératrice mourante, et celui que lui-même il demanda à l’article de la mort.

404. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Il n’y a plus de lacune ; on tient par lui les derniers anneaux de la chaîne. […] Harlay, pénétré de reconnaissance, lui promit ce jour-là de n’avoir rien tant à cœur désormais que d’obéir en tout à un si grand roi et à un maître si clément, et il tint sa promesse. […] Un jour qu’il présidait l’Assemblée du Clergé (1670), on était à la veille de l’ouverture ; l’évêque qui devait prêcher à la grande messe solennelle, à la messe du Saint-Esprit, Bertier, évêque de Montauban, fit dire qu’il était indisposé et hors d’état de tenir sa promesse. […] Le roi tenait les Sceaux comme suspendus, et Harlay y avait l’œil. […] Quelle capacité facile et agréable ; et combien d’affaires, et des plus délicates, dans le grand règne, dont il tient le fil et dont le nœud se dénoue entre ses mains !

405. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Figurons-nous d’abord l’embarras du notaire chez qui l’on se présente, bien recommandé d’ailleurs et avec une lettre du président du tribunal de la Seine vous autorisant dans vos recherches, et que l’on aborde en lui disant : « Monsieur, vous êtes le successeur du notaire Me Boivin (ou Me Guyot ou Me Gaillardie), qui tenait l’étude il y a environ cent cinquante ans ; vous devez avoir minute de tel acte passé par-devant ce prédécesseur, et je viens pour le consulter. […] Soulié va plus loin, et supposant cet axiome admis et accepté : « Montrez-moi la chambre à coucher d’une femme, et je vous dirai qui elle est », il conclut, non sans quelque couleur de raison et selon qu’on aime à le croire avec lui : « C’est donc de Marie Cressé que Molière tenait son esprit élevé, ses habitudes somptueuses et simples à la fois, sa santé délicate, son attrait pour la campagne hors de Paris, et désormais la mère de Molière, restée inconnue jusqu’à ce jour, aura sa place bien marquée dans les commencements de la vie de son premier-né. » Voilà où peuvent conduire, à toute force, des inventaires bien lus et finement commentés. […] Cependant le grand-père maternel et subrogé tuteur de Molière, Louis de Cressé, ce riche bourgeois, aimait, dit-on, la comédie avec passion et menait souvent le petit Poquelin à l’hôtel de Bourgogne ; l’hôtel de Bourgogne où se tenait le théâtre, rue Mauconseil, n’était pas loin de la rue Saint-Honoré, ni des Halles. […] Je lui demanderai donc (en ne faisant ici que répéter ce que je tiens d’un amateur du théâtre, d’un de ces hommes de finesse, de rondeur et de sens, tels que Molière les eût aimés en son temps, et qui, en revanche, méditent et ruminent sans cesse leur Molière), je lui demanderai s’il sait quelle est la pièce en cinq actes, avec cinq personnages principaux, trois surtout qui reviennent perpétuellement, dans laquelle deux d’entre eux, les deux amoureux, qui s’aiment, qui se cherchent, qui finiront par s’épouser, n’échangent pas durant la pièce une parole devant le spectateur et n’ont pas un seul bout de scène ensemble, excepté à la fin pour le dénouement. Si l’on proposait la gageure à l’avance, elle semblerait presque impossible à tenir.

406. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

donnez-moi votre parole d’homme : vous ne chercherez jamais à me connaître… » Michel, le poète artiste, donna sa parole, et il la tiendra : il ne saura jamais au juste ce qu’était la dame. […] » Michel, l’artiste poète, est amoureux, heureux ou toujours prêt à l’être, bonnement, simplement, selon la nature ; il a le ciel dans le cœur ; mais, au moment où il croit tenir l’entière félicité, elle lui échappe ; on le désole par mille subtilités, par mille craintes. […] Si vous tenez à Dieu, c’est par Ève. » Elle est bien fille d’Ève, en effet ; elle le prouve en venant chez lui, en s’y laissant conduire. […] « Tiens, Marie, avant de quitter cette pensée, laisse-moi te dire qu’un de mes plus doux souhaits aurait été de te donner cette noble indépendance de la raison, cette fierté dans ce que l’homme a de plus fier, la pensée. […] Cela tenait à un rien… Enfin, Marie, vous êtes vous, et j’étais moi : qu’y faire ? 

407. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

C’était au n° 1 de la rue Fontaine-Saint-Georges que Gavarni tenait sa cour des Miracles. […] Mais, pendant son séjour en Angleterre, Gavarni ne s’en tint pas à Londres et à ses spectacles journaliers, aux figures de marins, aux nourrices de Saint-Giles, aux buveuses de gin et aux balayeuses en chapeau, il voyagea ; il voulut visiter les campagnes et les hautes terres ; il alla en Écosse et y fit moisson. […] Il s’engagea à y faire « une lithographie par jour » ; il tint la gageure pendant plus d’une année et y ouvrit simultanément ses séries nouvelles : les Partageuses, Histoire de politiquer, les Lorettes vieillies, les Propos de Thomas Vireloque, les Invalides du sentiment, etc. […] Il tient d’une main un panier d’ordures, de l’autre un grand bâton, et la main qui s’y appuie est d’un dessin admirable. […] Chez Gavarni, cet amateur de fleurs a son grand arbre, son cèdre empoté et à l’état de bouture : il le tient à la main et se sourit de plaisir à lui-même en le contemplant.

408. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Il paraît bien, au reste, que William Cowper, avec ses vers sans rime et qui tiennent de la manière un peu forcée de Milton, n’a pas mieux réussi de son côté à rendre, non plus la continuité, mais la rapidité du fleuve homérique21. […] Je conçois qu’on ne mette pas toute la poésie dans le métier ; mais je ne conçois pas du tout que, quand il s’agit d’un art, on ne tienne nul compte de l’art lui-même, et qu’on déprécie à ce point les parfaits ouvriers qui y excellent. […] » Pour être un bon et parfait critique, Pope le savait bien, il ne suffit pas de cultiver et d’étendre son intelligence, il faut encore purger à tout instant son esprit de toute passion mauvaise, de tout sentiment équivoque ; il faut tenir son âme en bon et loyal état. […] Ce que je tiens à marquer (après Campbell), c’est que s’il n’est pas un poète universel dans le sens qui frappe le plus aujourd’hui, il n’est pas moins véritablement poète, quoique dans un ordre moins orageux, moins passionné, moins éclatant, dans un mode orné, juste et pur. […] » et il vivra assez pour tenir sa parole.

409. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Ayant rencontré, dit-il, dans les hasards de ses recherches, des lettres inédites, les plus intimes, les plus familières, qui trahissaient les mœurs et les habitudes du prince, il les a données, et il y a joint tout ce qu’il a pu recueillir d’imprimé ou d’inédit concernant sa personne, sa fortune, ses résidences, ses divertissements, les propos tenus sur son compte, les éloges et les médisances dont il a été l’objet : tout s’y trouve ; les photogravures, comme on les aime aujourd’hui, n’y manquent pas. […] La Leduc tenait les guides des chevaux, et était escortée de deux valets de pied déguisés. […] Elle tenait même la feuille des bénéfices à la nomination du prince et lui désignait les sujets : passe encore quand elle n’eut à nommer que des aides de camp. […] Le siège de la ville de Furnes tient plus longtemps qu’on ne croyait (la place pourtant était rendue dès le 10 juillet). […] Ses lettres au maréchal se multiplient : il rend compte de ses moindres mouvements, des moindres informations qu’il reçoit ; il tient à faire preuve de déférence, marquant bien que pour chaque observation il n’attend pas de réponse.

410. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

A relire plus froidement aujourd’hui cette première moitié de son théâtre, on pourrait remarquer que, s’il se montre évidemment de la postérité de Racine par les soins achevés du style, il tiendrait plutôt de l’école dramatique de Voltaire par certaines préoccupations philosophiques et certaines allusions aux circonstances. […] En ces heureuses années, Casimir Delavigne fit le voyage d’Italie ; il s’y reposa des longs travaux par des inspirations qui tiennent davantage à la fantaisie ou à l’impression personnelle ; la plupart des ballades qui datent d’alors ne paraissent qu’aujourd’hui pour la première fois. […] Je conçois, Messieurs (et d’assez beaux noms autour de moi me le disent), que le divorce entre les différentes applications de la pensée ait cessé de nos jours, qu’un noble esprit habitué à tenter les hautes sphères, à parcourir la région des idées en tous les sens, ne se croie pas tenu à circonscrire son activité sur tel ou tel théâtre, qu’il ne renonce pas à sa part de citoyen, à faire peser ou briller sa parole dans les délibérations publiques, à compter dans l’État ; — je conçois, Messieurs, et même j’admire un tel rôle ; mais ce n’en est pas moins un aimable contraste que cette modération de désirs et, si l’on veut, d’idées, chez un homme aussi distingué, aussi désigné, et qui pouvait espérer beaucoup. […] L’analyse intérieure de son procédé, de sa tactique savante en cette seconde phase, serait curieuse à suivre de près : nous nous tenons aux simples aspects. […] Casimir Delavigne eut aussi son Linquenda tellus, et il le rendit en des accents bien émus : Cette fenêtre était la tienne, Hirondelle, qui vins loger Bien des printemps dans ma persienne Où je n’osais te déranger ; Dès que la feuille était fanée, Tu partais la première, et moi Avant toi je pars cette année ; Mais reviendrai-je comme toi ?

411. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

CHRISTEL Durant l’hiver de 1819, vers la fin de février, dans une petite ville du Perche, arrivèrent, pour s’y établir, une mère et sa fille ; elles venaient tenir le bureau de poste aux lettres, que de graves plaintes portées contre le prédécesseur avaient rendu vacant. […] Les douleurs de sa patrie française tenaient une grande place dans la jeune âme, et couvraient pour elle le vague des autres sentiments. […] Elle la tenait quelquefois jusqu’à ce que sa mère s’éveillât ou que lui-même il vînt, ce qu’il faisait d’ordinaire vers quatre heures. […] Mais non, encore non ; sa cage la tient ; il faut qu’elle y reste enfermée, sous cette grille, près du poison lent qui passe par ses mains et qui la tue, elle-même devenue jusqu’au bout l’instrument docile et muet de son martyre. […] Son mal réel l’obligeant à garder le repos, on ne se tenait plus dans la pièce du devant ; une personne qu’Hervé avait indiquée, une ancienne femme de charge, capable et sûre, y passait le jour, à des conditions modiques, et, tout en suivant son travail d’aiguille, répondait aux venants.

412. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Et souvent à combien peu il a tenu qu’elles ne triomphassenti ! […] Il vous tient et vous mène jusqu’au bout, combinant avec force le fait, la réflexion et le but. […] L’un tient étroitement à l’autre, et a réagi sur l’autre. […] On ne saurait ici, quand on a un sentiment de citoyen, s’en tenir au simple point de vue littéraire ; car, est-il donc possible de l’oublier ? […] En France, c’est à d’autres instincts encore qu’il faut s’adresser, c’est à d’autres fibres qu’il faut se prendre pour tenir même le pays légal.

413. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

En attendant que s’achève un tel livre, occupation et amusement de toute une vie, le docteur Payen nous tient au courant, dans de courtes brochures, des divers travaux et des découvertes qui se font sur Montaigne. […] En fait de vigilance et d’activité, ces esprits délicats et vifs sont sujets à tenir plus qu’ils ne disent. […] On est au mercredi 22 mai 1585 ; il est nuit, Montaigne veille, et il écrit au gouverneur de la province. » La lettre, qui est d’un intérêt trop particulier et trop local pour être insérée ici, peut se résumer en ces mots : Montaigne regrette l’absence du maréchal de Matignon et craint qu’elle ne se prolonge ; il le tient et le tiendra au courant de tout, et il le supplie de revenir aussitôt que les affaires le lui permettront : « Nous sommes après nos portes et gardes, et y regardons un peu plus attentivement en votre absence… S’il survient aucune nouvelle occasion et importante, je vous dépêcherai soudain homme exprès, et devez estimer que rien ne bouge si vous n’avez de mes nouvelles. » Il prie M. de Matignon de songer pourtant qu’il pourrait bien aussi n’avoir pas le temps de l’avertir, « vous suppliant de considérer que telle sorte de mouvements ont accoutumé d’être si impourvus que, s’ils devoient avenir, on me tiendra à la gorge sans me dire gare ». Au reste, il fera tout pour pressentir à l’avance les événements : « Je ferai ce que je pourrai pour sentir nouvelles de toutes parts, et, pour cet effet, visiterai et verrai le goût de toute sorte d’hommes. » Enfin, après avoir tenu le maréchal au courant de tout et des moindres bruits de ville, il le presse de revenir, l’assurant « que nous n’épargnerons cependant ni notre soin ni, s’il est besoin, notre vie pour conserver toutes choses en l’obéissance du roi ».

414. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Un grand choix des meilleures compagnies, un grand usage de les tenir, et même une cour ; une grande politesse, mais avec une grande distinction, et surtout une grande attention à ne s’avancer qu’avec dignité et discrétion. […] Là, sur ce terrain, en personne, elle reconquiert son influence, en même temps qu’elle y comprend mieux la ligne de politique qu’elle doit désormais tenir. […] La France restant victorieuse et puissante, l’Espagne restait sûre : mais à chaque défaite qui allait survenir en Allemagne ou en Flandre, les regards des grands se reportaient vers l’archiduc, et leur fidélité ne tenait plus. […] Dans les bals de Marly, elle paraissait haute, aisée, familière, lorgnant un chacun de sa lorgnette ; à l’un de ces bals, elle tenait un petit épagneul sous le bras, comme si elle eût été chez elle, et (ce qui fut encore plus remarqué) le roi caressa le petit chien à plusieurs reprises, quand il se retournait vers elle pour l’entretenir, et il le fit presque tout le soir. […] Elle ne parle jamais du roi que comme de l’« homme du monde le plus aimable », du « meilleur ami », et du « plus honnête homme du monde » : Si j’avais de plus, madame, comme vous me dites (écrit-elle à Mme de Maintenon), le bonheur qu’il se fût fort accoutumé à moi, je vous confesserais ingénument qu’il ne tenait qu’à Sa Majesté de s’apercevoir que je la trouvais de très bonne compagnie 67.

415. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

À peine entré en campagne, Frédéric tient Jordan au courant de tout. […] La veille de la première bataille de Frédéric, de la victoire de Mollwitz (10 avril 1741), qui tint à si peu de chose, Frédéric écrit à Jordan : Mon cher Jordan, nous allons nous battre demain. […] C’est la Moravie en épigramme. » Dans ces répits que lui laisse l’ennemi, il demande à Jordan des nouvelles de Berlin, et de le tenir au courant de tous les propos et les raisonnements politiques du public, qui lui semblent, la plupart du temps, fort saugrenus. […] Aussi souvent battu que victorieux ; seul, ayant la moitié de l’Europe sur les bras ; forcé de tenir tête avec cent vingt mille hommes (quand il est au complet) à trois cent mille ; calomnié par d’odieux libelles dont sa mémoire n’a triomphé encore aujourd’hui qu’imparfaitement, il a bien des paroles simples et magnanimes. […] Frédéric recommande à Milord Maréchal de lui ménager un asile et de lui faire tenir des secours : Je vois que nous pensons de même ; il faut soulager ce pauvre malheureux, qui ne pèche que pour avoir des opinions singulières, mais qu’il croit bonnes.

416. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

La femme à qui toute cette masse de lettres est adressée était, à ce qu’il paraît, de cette espèce très commune de femmes exigeantes, coquettes, capricieuses, gracieusement extravagantes, qui font des hommes, quand elles les tiennent, les polichinelles de l’amour. […] On connaît le rang qu’il tenait dans la faveur impériale. […] et même aussi dans la tête des hommes d’esprit, où Mérimée tient une si large place encore. […] tous ceux qui « tiennent à ce qu’on chante la messe à leur enterrement ». […] Il avait, sous les formes simples et condensées qu’il tenait de la sécheresse primitive de son esprit, l’indifférence scélérate la plus tranquille sur sa propre immoralité, et ce fut longtemps son genre de puissance.

417. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

C’est donc où il tient le moins d’humanité. […] Nous tenons à son opinion. […] Il y croit et il y tient. […] Je m’y tiens, au contraire, et j’y tiens. […] Elle ne veut plus se tenir en dehors de l’esprit du siècle.

418. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Ne croyez pas cependant que le poète ait tenu le propos indécent qu’on lui prête […] Elle ne tient guère plus à Lycaste qu’à Sganarelle. […] Le feuilleton devait tenir à cette gloire, elle était un peu en famille chez nous ; M.  […] Encore une fois, lisez les modèles, et tenez-vous aux modèles. […] Non, je veux m’y tenir.

419. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

En obéissant à son goût naturel et réfléchi, M. de Latena cependant ne s’y est point laissé aller comme un simple amateur ; il n’a pas jeté au hasard et sans suite les remarques que lui suggérait l’étude de l’homme ou le spectacle de la société, et, sans enchaîner précisément toutes ses notes et ses aperçus dans une combinaison de chapitres se succédant avec méthode et transition, il a tenu à y établir un ordre général qui maintient la liaison des principales parties ; il a fait et voulu faire un ouvraget ; il a eu tout le respect du sujet qu’il traitait. […] Notre siècle, après les excès philosophiques qui ont signalé la fin du précédent, est devenu prudent à bon droit dans ces considérations générales ; les cœurs honnêtes ont peur de toute témérité, et il semble même qu’on aime à s’en tenir, dans cette sphère élevée, aux apparences lumineuses, aux traditions générales et aux impressions premières du sentiment, plutôt que de les décomposer et de creuser trop avant, comme si l’on n’était pas sûr de pouvoir recomposer ensuite ce qu’on aurait trop indiscrètement analysé. […] Je demande pardon au lecteur de revenir ainsi sur un détail qui est de peu d’importance : pourtant, nous autres critiques qui n’avons que notre jugement, nous devons tenir à ne point paraître nous être trompés du tout au tout sur le caractère d’un ouvrage nouveau.

420. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

On sait presque aujourd’hui, cependant, à quoi s’en tenir sur ce fonds de vérité depuis les indiscrétions épistolaires de Sismondi qui a arraché les masques. […] Il avait, comme publiciste, des lumières, des doctrines ou des théories libérales et généreuses, des accès et comme des poussées d’enthousiasme : tout cela ne tenait pas dans le particulier ; esprit aiguisé, blasé, singulièrement flétri de bonne heure par je ne sais quel souffle aride, il se raillait lui-même, il se persiflait, lui et les autres, par une sorte d’ironie fine, continuelle, insaisissable, qui allait à dessécher les sentiments et les affections en lui et autour de lui. […] Cela n’empêchait pas qu’elle ne tînt fort à lui par le cœur.

421. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

« — Je tenais peu au trône, reprit le respectable étranger ; et, d’ailleurs, mes sujets m’ont dépossédé avec les plus grands égards. […] Ils ont absolument tenu à me laisser ma liste civile, qui est de deux millions. […] Il doit tenir avant tout, étant un sage, à la liberté de ses allées et venues  Il y a trois semaines, deux archiducs de Russie déjeunaient, non loin de Paris, chez un baron israélite, chez un coreligionnaire de ceux que les moujiks même méprisent et qu’ils massacrent encore quelquefois.

422. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Je tiens de M.  […] Tenez ! […] Tenez ! […] Tenez ! […] Ainsi, tenez ! 

423. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Sculpture, Vassié, Pajou, Mignot » p. 104

Elle est couchée nonchalamment ; elle tient une coquille d’une main ; elle est accoudée sur son autre bras. […] Tâchez de réchauffer cela et me tenez quitte.

424. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Mais encore une fois, plus la difficulté était grande pour Molière, et plus il y devait tenir. […] Ainsi a fini plus d’une monarchie en plein abîme, en plein argot ; tant il est difficile de se tenir longtemps à la majesté du drame, à la hauteur du discours ! […] À la fin, nous le tenions tel qu’il est sorti des mains ou plutôt des griffes de Molière, ce magnifique damné dont le nom est immortel ! […]  » Et moi, je vous réponds que le roi Louis XIV n’a jamais tenu un pareil langage à une abbesse, dans son propre couvent, et qu’en tout cas, si jamais le roi eût tenu ce discours, il ne l’aurait pas tenu avec dignité ! […] Il ne tient ni à la naissance, ni au nom, ni même à l’âge, fort peu même à la beauté ; tout lui convient, pourvu que cela soit vite fait.

425. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

On a le talent, l’exécution, une riche palette aux couleurs incomparables, un orchestre aux cent bouches sonores ; mais, au lieu de soumettre tous ces moyens et, si j’ose dire, tout ce merveilleux attirail à une pensée, à un sentiment sacré, harmonieux, et qui tienne l’archet d’or, on détrône l’esprit souverain, et c’est l’attirail qui mène. […] Théophile Gautier, ce n’est donc ni la légitimité ni la possibilité de l’innovation que je lui conteste ; j’aperçois même, dans la voie particulière où il s’est jeté, un sentier étroit qu’il aurait pu tenir, qu’il a tenu par endroits, mais qu’il a comme détruit à plaisir aussitôt en l’outre-passant. […] Il n’avait point encore porté sa prose descriptive à ce degré de perfection qui tient de la merveille. — Il n’est que juste, après ces extraits d’articles un peu chagrins et un peu rogues, d’indiquer, au tome VI de mes Nouveaux Lundis, les articles que j’ai faits sur Théophile Gautier, envisagé au complet et dans son dernier développement.

426. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Des propos tenus & rendus, avec la plus grande inconsidération, excitèrent, chaque jour, de nouvelles tracasseries. […] On rapprocha les circonstances, tous les propos qu’on lui avoit oui tenir. […] Le chancelier réprimanda le lieutenant criminel, qui n’avoit tenu cette étrange conduite que sur les ordres, en forme de sollicitation, des deux secrétaires d’état, protecteurs de Rousseau. […] Il avança qu’il en feroit d’aussi mordans, sans être aussi grand poëte que Rousseau, & tint parole.

427. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Son succès, — ce succès inouï, quoique explicable, puisqu’il tenait aux sentiments les plus généraux et les plus habituels à la moyenne des hommes, — son succès lui avait mis le cœur au ventre, — et elle a beaucoup de cœur, Craven, — et le ventre, — je ne dis pas la tête, — s’est mis à pondre et à couver, avec une déplorable fécondité ! […] Elle avait fait un livre qui tenait plus de l’action, — de l’action généreuse, — que du livre. […] À quoi bon, après ce Récit, vouloir augmenter le bagage dont elle n’a pas besoin pour augmenter sa célébrité, si, en vraie femme qu’elle est donc demeurée, elle tient vaniteusement à s’éventer, dans les salons où elle va, avec cet éventail de plumés de paon de sa célébrité ! […] Après le colossal Balzac, qui a renouvelé les sources du roman, il faut, pour avoir le courage d’en écrire un, se sentir du sang sous les ongles, plus qu’il n’en peut tenir dans toute la petite main d’une femme.

428. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Mais la France elle-même tenait bon, et elle tenait pour ses maîtres, infatigable encore de fidélité. […] Il le tenait lui-même ; il l’écrivait scrupuleusement de sa main. […] Toute âme, elle, comme Louis XVI était tout physique, toute àme, mais non pas toute intelligence ; car, lorsque son tour arriva de gouverner sous ce roi, qui n’était pas roi et dont le néant tuait la France, elle prit Brienne, croyant tenir le Kaunitz de sa mère !

429. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Je crois même que si on remontait jusqu’à cette Femme au xviiie  siècle, leur meilleur livre pourtant, on pourrait y retrouver quelque chose des premiers linéaments, des premiers traits de ce réalisme dont ils ont été les générateurs, et le dégager de ce livre où il n’apparaît pas encore avec cette netteté qui viole le regard… L’abus du détail, l’accumulation des infiniment petits dans la description effrénée, illimitée, aveuglante, qui tient toute la place de l’attention et qui prend celle de la pensée, la matérialité plastique exagérée et impossible en littérature, on pourrait, en cherchant bien, trouver tout cela dans cette Femme au xviiie  siècle, qui, quand elle fut publiée pour la première fois, a passé sans qu’on y vit tout cela. […] MM. de Goncourt ont compris les goûts de leur temps, ou plutôt ils les ont partagés, si même ils ne les ont subis ; et j’avais raison tout à l’heure de dire qu’avant eux, et avant que les choses de l’art eussent parmi nous leur toute-puissance, personne n’avait pensé, comme eux, à faire tenir toute l’histoire d’un temps dans un catalogue de peinture, et à l’écrire comme Diderot écrivait son Salon. […] Ils l’ont fait tenir ailleurs encore. […] Au-delà, il n’y a plus d’humanité ; il n’y a plus que des miasmes où l’on ne respire plus rien, où la lumière s’éteindrait d’elle-même aux mains qui voudraient la tenir. » Et ils ont raison.

430. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

S’il a parfois, comme les rivages qui ont des anses et les forêts qui ont des clairières, de petits coins de descriptions bornées qui ravissent les contemplateurs au microscope comme Sainte-Beuve, il n’en est pas moins vrai qu’il est particulièrement le poète du mystérieux et de l’immense ; quand, au contraire, André Chénier, le graveur sur onyx avec un poinçon d’or, le faiseur de camées en deux vers et qui en incruste ses plus longues pièces, cet artiste puissamment fin, qui fait tenir tout un combat de Lapithes et de Centaures ou tout un univers émergeant des ondes sur une facette de saphir, est le poète de la ligne ramassée et du contour, cette borne de l’âme à laquelle, pour l’en consoler, Dieu, et l’Art qui répète Dieu, ont donné cette forme divine du contour ! […] Tous les deux écrivirent également en prose et en vers ; mais l’un (André Chénier), le poète du fini, parla mieux la langue des vers, qui est le langage du fini, et l’autre (Maurice de Guérin), le poète de l’infini, parla mieux la langue de la prose, dans laquelle la nature et la pensée semblent avoir plus d’espace pour s’étendre et tenir tout entières. […] Gœthe, si respecté par Sainte-Beuve, Gœthe, qui aurait joui si profondément du Centaure et qui aurait rêvé à son tour cet Hermaphrodite, fils des Musées et de Pausanias, et qui devait devenir, dans la pensée de Guérin, le frère du Centaure ; Gœthe n’aurait confondu avec personne ce panthéiste original qui ne vit jamais au monde que la Nature, — la grande Nature qu’aimait Lucrèce, celle-là qui tient sous le bleu du ciel, entre deux horizons, — et, tout allemand qu’il fût, il aurait mieux compris que Sainte-Beuve l’interprétation presque consubstantielle de cette nature que Guérin nous a faite, dans ces fragments inouïs de pureté, de mollesse et de transparence, de contours sinueux et rêveurs ! […] Cette biographie d’un poète qui était plus la Poésie encore dans sa vie que dans son talent, ce n’est pas le fusain rapide de Sainte-Beuve qui en tiendra lieu, si je ne m’abuse, et un jour ou l’autre, soyez tranquille !

431. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Jules de Gères »

Eh bien, c’est après avoir lu cette pièce de L’Arbre devenu vieux et celle de la Soif de l’infini, qu’on se demandera comment une pareille âme de poète peut se pelotonner assez pour vouloir tenir dans ce mouchoir de poche d’un sonnet… et s’escamoter dans ce mouchoir ? […] Sa poésie ne tenait pas aux mots et ne tenait pas dans les mots. […] L’âme, chez lui, tient encore une plus grande place… Il aime le soleil, mais il n’en est pas le Memnon.

432. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Il est tenu à cette sublime équation. […] Tenez, ceci s’appelle l’épouvantail, — une si jolie chose ! […] Joséphin Soulary au premier rang dans cette École, aux préoccupations mauvaises, qui, confondant l’Art avec la Poésie, fait tenir, de préférence et de système, l’œuvre poétique dans la circonférence d’une médaille ou le tour d’une bague, encore plus étroit, et s’imagine que le fini du détail répond à toutes les exigences. […] Mystère qui, sans nul doute, tient aux proportions de notre être !

433. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

Par exemple, nous avons accepté les principes naturalistes ; nous tenons que la satisfaction des besoins est chose sacrée, qui prime tout, et que d’ailleurs les besoins diffèrent avec les organisations ; c’est en vertu de ces jugements généraux que nous déclarons juste et bon que les biens soient distribués proportionnellement aux besoins. Ou bien, nous avons accepté les principes rationalistes : nous tenons que la raison est par-dessus tout respectable, et que d’ailleurs elle habite dans tous les hommes ; c’est en vertu de ces jugements généraux que nous déclarons juste et bon que les mêmes devoirs leur soient imposés, et les mêmes droits reconnus. […] Les sentiments qu’elle éveille habituellement viennent s’interposer entre elle et nous, au moment même où nous la tenons sous le regard de notre intelligence. […] Par exemple, je tiens pour souverainement juste la maxime : « À chacun selon ses œuvres », et d’autre part je crois que la libre concurrence ne saurait, par elle-même, répartir les richesses proportionnellement aux travaux, j’invoque en conséquence l’intervention de l’État dans l’économie nationale.

434. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Viens, que je te saisisse. — Je ne te tiens pas, et cependant je te vois toujours. […] Ainsi, tiens-toi joyeuse. […] Tenons-nous prêts. […] (Entre le premier assassin ; il se tient à la porte.) […] Il n’y a pas un d’eux dans la maison de qui je ne tienne un homme à mes gages.

435. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Nous tenons à démontrer que tel est, en effet, le caractère de la poésie de notre temps. […] C’est en ce sens que Scott et Cooper font partie de l’art de notre époque ; ils tiennent au mouvement général de l’Humanité comme leurs pays tiennent à l’ensemble de la grande famille Américo-Européenne. […] Cela tient en partie, selon nous, à l’époque politique où ils ont commencé à écrire. […] On repousse de son esprit tous les grands progrès faits depuis les Pères de l’Église ; on voudrait presque s’en tenir à leur physique, à leur astronomie. […] Quant à ceux qui tiennent à la fois du penseur et du poète, comme M. de Chateaubriand et M. 

436. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Son incohérence actuelle nous paraît tenir à ce qu’elle contient, outre la science générale, des sciences particulières qui sont regardées comme une partie intégrante d’elle-même. […] Mais l’économie politique s’en tient aux faits, et quoiqu’elle supposé des principes philosophiques, elle ne les discute pas. […] A part la Lettre sur les aveugles, de Diderot, qui ne tient pas ce qu’elle promet, les pages de D. […] Sans doute cette science tiendra toujours beaucoup de la nature de l’art ; mais ne sera-t-elle point d’une exactitude suffisante pour en légitimer l’emploi ? […] Tel pourrait être, à s’en tenir aux phénomènes, et sans parler de la métaphysique de la psychologie, le cadre d’une division de cette science.

437. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Ce n’était pas le compte de Voltaire, qui prétendait, et avec raison, peindre, animer ses tableaux, tenir le lecteur en haleine et les yeux attachés sur les principaux personnages : « Je jetterais mon ouvrage au feu, si je croyais qu’il fût regardé comme l’ouvrage d’un homme d’esprit… J’ai voulu émouvoir, même dans l’histoire. […] Duclos, au milieu de toutes les manœuvres du parti encyclopédique, a sa marche à lui ; il s’est tenu et ne s’est point livré. […] La Harpe affirme qu’il tenait ce fait de la bouche des deux intéressés, de d’Alembert et de Duclos même : « Tout était noir », lui auraient-ils plus d’une fois répété l’un et l’autre. […] C’est là un rôle d’honnête homme austère et impitoyable qu’il est bien ambitieux de prétendre tenir, qui suppose dans celui qui l’exerce de bien stoïques vertus, et auquel suffisent à peine l’intégrité exemplaire et l’autorité proverbiale d’un Caton ou d’un Montausier. […] Les discussions effrénées qui se tiennent dans les dîners de Mlle Quinault et où il est question, entre la poire et le fromage, de toutes les choses divines et humaines, nous montrent Duclos le plus remarquablement cynique entre les cyniques, dans tout l’entrain et toute la jubilation de l’impudeur ; traduit en public et comme sténographié dans ce déshabillé, il reste sous le coup du mot final que lui adresse Mlle Quinault et que je laisse où je l’ai lu : car il faut être monté au ton des convives pour citer de ces choses.

438. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Mais quand tout s’écroule et se renouvelle, quand les institutions antiques tombent en ruines et que l’état futur n’est pas né, que toutes les règles de conduite et d’obéissance sont confondues, que la justice et le droit hésitent entre les cupidités, les intérêts révoltés qui courent aux armes, c’est alors que le don de sagesse est bien précieux en quelques-uns, et que les hommes qui le possèdent sont bientôt appréciés des chefs dignes de ce nom, qu’ils sont appelés, écoutés longtemps en vain et en secret, qu’ils ne se lassent jamais (ce trait est constant dans leur caractère), qu’ils attendent que l’heure du torrent et de la colère soit passée pour les événements et pour les hommes, et qu’habiles à saisir les instants, à profiter du moindre retour, ils tendent sans cesse à réparer le vaisseau de l’État, à le remettre à flot avec honneur, à le ramener au port, non sans en faire eux-mêmes une notable partie et sans y tenir une place méritée. […] C’est à ce titre qu’il fut appelé par le comte de Charny, grand écuyer de France et lieutenant général pour le roi au pays de Bourgogne, à un conseil secret tenu par ce seigneur, le surlendemain de la Saint-Barthélemy (26 août 1572). […] Il commençait ce rôle de conseiller écouté, et non suivi, qu’il tiendra durant bien des années auprès de ce prince. […] C’est un chef de parti qui n’était pas né pour l’être : il en avait les velléités sans en avoir toute l’étoffe, vices ou vertus, il se croyait tenu de venger ses frères, et poursuivait leur œuvre un peu par devoir, par ambition, par situation, quelquefois malgré lui, le plus souvent en se laissant volontiers aller aux circonstances qui le flattaient et l’entraînaient. […] J’appelle le moment où, sous un roi magnanime et brave qui sait distinguer les hommes, la carrière se rouvrira pour le président Jeannin, carrière d’honneur, d’utilité manifeste, de services publics non équivoques, et qui parleront d’eux-mêmes : on y verra enfin se dessiner tout entier le vieillard illustre et consommé, qui a en lui les talents d’un Forbin-Janson, et qui tient aussi des vertus de L’Hôpital.

439. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Cela tient à plus d’une cause, et surtout à ce revirement perpétuel des écoles poétiques qui se succèdent en s’efforçant de se détruire les unes les autres. […] Un homme qui depuis trente ans tient un des premiers rangs dans la poésie française, et qui a lui-même traversé bien des phases, a vu se rattacher à lui et s’en détacher, pendant cette longue durée plus d’un groupe, plus d’une colonie de disciples et d’imitateurs. […] Cet autre esprit d’un ordre élevé, M. de Vigny, depuis des années aussi, et par une préoccupation de chasteté trop idéale qu’il vaincra enfin, nous l’espérons toujours, se tient à l’écart dans un recueillement mystérieux qui a passé en proverbe. Si la nuit où nous sommes tient à leur silence, il y a longtemps déjà qu’il fait soir. […] Cette stérilité tient moins aux sujets extérieurs qu’aux talents mêmes et aux génies : on les dirait à sec.

440. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

L’homme, il faut le savoir, peut s’élever très haut par la culture, par l’effet continu et sans cesse agissant de la civilisation ; mais, en fait, le point de départ, dans quelque doctrine qu’on se place, et que l’on se reporte au dogme mystérieux de la Chute, ou que l’on se tienne à l’observation naturelle directe, le point de départ a été très bas et infime. […] Molé provoqua une fort belle réponse de cet homme d’État ; je la citerai ici tout entière, parce qu’en y faisant la part d’une certaine vivacité qui tenait aux circonstances et aussi à la délicatesse chatouilleuse des deux personnes, on y trouve une leçon gravement donnée, et d’un ton fort digne ; il y respire un sentiment fort élevé de la puissance publique que M.  […] Tout ceci est bien terre à terre, je le sais, aux yeux de cette opinion factice et amoureuse de popularité, qui tient le pouvoir, quelles que soient les mains qui l’exercent, pour l’adversaire présumé de la société. […] Si lui, le plus sensé et le plus pratique des esprits, le roi administrateur par excellence, il est sobre, dans ses Histoires, de longs raisonnements et de grandes considérations, même de guerre, c’est qu’il savait à combien peu tiennent souvent les plus grandes choses. […] Mais à quel âge et par quels procédés apprend-on jamais à corriger ce qui tient au fond même de la nature humaine ?

441. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Le lendemain de la victoire, une femme de la haute société et de beaucoup d’esprit disait à M. de Molènes : « C’est fort heureux, monsieur, que vos petits monstres n’aient pas tourné. » Cela tint à peu de chose, en effet. […] Guizot. » Et il tint parole, exactement pour l’un, à très-peu près pour l’autre. […] Mais je vais plus loin et je ne suis pas au bout : — Cet homme, — un autre homme encore, — est arrivé à admettre, à comprendre, à croire non-seulement la Création, non-seulement l’idée d’une Puissance et d’une Intelligence pure, distincte du monde, non-seulement l’incarnation de cette Intelligence ici-bas dans un homme divin, dans l’Homme-Dieu ; mais il admet encore la tradition telle qu’elle s’est établie depuis le Calvaire jusqu’aux derniers des Apôtres, jusqu’aux Pères et aux pontifes qui ont succédé ; il tient, sans en rien lâcher, tout le gros de la chaîne ; il est catholique enfin, mais il l’est comme l’étaient beaucoup de nos pères, avec certaines réserves de bon sens et de nationalité, en distinguant la politique et le temporel du spirituel, en ne passant pas à tout propos les monts pour aller à Rome prendre un mot d’ordre qui n’en peut venir, selon lui, que sous de certaines conditions régulières, moyennant de certaines garanties ; et ce catholique, qui n’est pas du tout un janséniste, qui n’est pas même nécessairement un gallican, qui se contente de ne pas donner dans des nouveautés hasardées, dans des congrégations de formation toute récente, dans des résurrections d’ordres qui lui paraissent compromettantes ; — ce catholique-là, parce qu’il ne l’est pas exactement comme vous et à votre mode, vous l’insulterez encore ! […] Comme dans les luttes à mort des Montagnards et des Girondins, on laissait assez en paix les gens de la Plaine, ceux qui ne soufflaient mot. — Pas toujours cependant, et plus d’un qui se tenait à l’écart y attrapait son éclaboussure. […] Mais il a beau faire, il en tient, lui, à son corps défendant et jusqu’aux moelles ; il est bien du fonds gaulois, du plus gras et du plus dru ; quoique, sous l’influence combinée de Bossuet et de M. de Maistre et sous le coup des événements, il ait eu ses inspirations éloquentes, il n’est complètement original que quand il coupe en pleindans sa première veine. — Car des pages même comme celle que je viens d’indiquer sur Saint-Simon, si vertes, si amères d’accent et où la verve, après tout, ne demande qu’à s’étaler insolemment au soleil, cela n’a rien d’épiscopal : c’est du mâle gaulois, c’est du bon Régnier en prose, c’est d’un rude et vaillant compère.

442. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Mieux vaut un bon tiens que deux tu l’auras ; mieux vaut un moineau dans la main que la grue qui vole en l’air. » — Mais aussi le même Sancho (car il a deux bâts à son âne) dirait « que mieux vaut tard que jamais ; qu’il n’y avait nul péril en la demeure ; que bonne espérance, après tout, vaut mieux que chétive possession, et qu’on peut attendre patiemment quand on est déjà si bien loti d’ailleurs et si bien nanti. » Le fait est que la dernière œuvre de M.  […] Le Dey d’Alger disait de lui que « quand il tenait sous bonne garde le manchot espagnol, il tenait en sûreté ses esclaves, ses galères et même toute la ville. » Dans l’Histoire du Captif, Cervantes, faisant raconter à ce personnage réel ou fictif bien des choses dont lui-même avait été témoin et les horreurs qui avaient affligé sous ses yeux l’humanité, lui fait dire encore : « Un seul captif s’en tira bien avec lui (avec le Dey) ; c’est un soldat espagnol, nommé un tel de Saavedra, lequel fit des choses qui resteront de longues années dans la mémoire des gens de ce pays, et toutes pour recouvrer sa liberté. […] Pauvre et si aimable Don Quichotte, à combien peu il a tenu bien des fois qu’on ne te possédât jamais ! […] Heureux celui à qui le Ciel donne un morceau de pain sans qu’il soit tenu d’en savoir gré à d’autres qu’au Ciel même ! 

443. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Le mérite de ses pièces dramatiques n’égale pas celui qu’il a eu de se former en ce pays-là, où il fait toutes sortes de personnages, où il complimente avec la foule, où il blâme et crie dans le tête-à-tête, où il s’accommode à toutes les intrigues dont on veut le mettre ; mais celle de la dévotion domine chez lui : il tâche toujours de tenir ceux qui en sont le chef. […] 98» Et voilà pourtant comme se trompent ceux qui se croient fins et qui s’en tiennent au dehors. […] Il n’y est tenu aucun compte de l’élément intérieur, du ressort principal qui explique les actions et toute la conduite de Racine dans ses dernières années, de son inspiration religieuse véritable, de son âme en un mot : et c’est elle qu’un ami du dedans va nous découvrir dans toute sa sincérité. […] Mais il nous faut chasser ces images et, pour aujourd’hui, nous tenir avec l’humble et pieux M.  […] Racine ce que j’apprenais et le priai de former lui-même le langage que je tiendrais aux personnes qui m’en parleraient comme me croyant son ami.

444. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ces Mémoires sont trop spirituels pour qu’on ne tienne pas à en dire son mot après tant d’autres critiques qui en ont bien parlé. […] Beugnot ne se fait faute de nous apprendre qu’au premier moment de l’arrestation de Mme de Lamotte il n’eut qu’une pensée : c’était la peur d’être arrêté lui-même pour ses relations avec elle ; et il s’y attendait si bien, que pendant plusieurs jours il tint, nous dit-il, sa malle toute prête pour la Bastille. […] Pourquoi la société n’a-t-elle pas su s’y tenir et s’est-elle ennuyée de son bonheur ? […] Beugnot tenait fort à ces arbres, qu’il avait plantés en des temps plus heureux et qui faisaient la joie des habitants : il réussit à les sauver moyennant distribution de bois qu’il fit faire aux troupes, au double de ce qui était nécessaire, et il nous raconte comme il suit son succès : « Tel est, nous dit-il, l’excès de notre prévention pour ce qui est notre ouvrage, que j’étais dans le ravissement pour avoir préservé un jardin que, deux jours après, je devais quitter, peut-être pour ne jamais le revoir, mais à coup sûr pour ne plus le posséder. […] — Veux-tu bien te taire, répondait un autre ; c’est le ministre de l’Empereur. — Tiens !

445. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Mais, en réduisant cette dernière à sa juste valeur et en ne voyant dans la princesse naine qui y tenait le sceptre qu’un bel esprit impérieux et fantasque, il serait vraiment injurieux de pousser plus loin la comparaison et de confondre pour la qualité des goûts la duchesse du Maine avec son neveu. […] Et osera-t-on bien comparer aussi, du plus loin qu’on veuille s’y prendre, à cette dame plus que vulgaire de Tourvoie, Mme de Montesson, qui tenait dans les dernières années la Cour du duc d’Orléans et qui réussit à être épousée ; celle-ci, une vraie madame de Maintenon en diminutif, un parfait modèle de maîtresse de maison dans la plus haute société, faible auteur de comédies sans doute, mais actrice de salon excellente, ingénieuse dans l’art de la vie et dans la dispensation d’une fortune princière, personne « de justesse, de patience et de raison », qui ne pouvant, sur le refus du roi, être reconnue pour femme légitime, sut par son tact sauver une position équivoque, éviter le ridicule et désarmer l’envie, saisir et observer, en présence d’un monde malin et sensible aux moindres nuances, le maintien si délicat d’une épouse sans titre ? […] J’aurais aimé encore être en villégiature à l’Isle-Adam, à prendre le thé dans ce salon que nous a peint Olivier, à écouter, pendant que Mozart était au piano, les discussions d’art ou de politique qui se tenaient dans quelque aparté. […] La réponse à une semblable question est déjà faite : il n’est pas un de ceux qui nous ont lu jusqu’ici qui ne sache à quoi s’en tenir. […] Grâce à la conduite qu’il tint d’un bout à l’autre de cette campagne, son nom est désormais un des trois ou quatre qui viennent le plus naturellement sous la plume toutes les fois qu’on a à citer des généraux pitoyables de l’ancien régime, « les Villeroy et les Marsin, les Clermont et les Soubise. »

446. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

L’érudit est entêté : il tient d’autant plus au résultat de ses recherches que ce résultat est plus mince : il ne veut pas avoir perdu son temps. […] Or, de travailler pour un si petit nombre de personnes et de tenir leur estime pour une suffisante récompense de son labeur, cela ne suppose-t-il pas une fierté qui a sa noblesse ? […] Cependant qu’il s’applique à sa tâche minutieuse, il se tient au-dessus. […] Je ne puis me tenir de détacher de la conclusion ces lignes où l’émotion de l’érudit, tout en se contenant, teint son style d’une couleur charmante : … Certes nous avons eu, depuis la Renaissance, une littérature plus belle, plus variée, plus riche pour le cœur et pour l’esprit que la poésie rude et simple de Roland ; et, quand nous revenons écouter ce langage naïf en sortant des harmonies savantes de nos grandes œuvres littéraires, il nous semble entendre le bégayement de l’enfance. […] Est-ce parce que le sentiment chrétien, dont le moyen âge était pénétré, répugne au fond à la beauté proprement artistique et littéraire, comme à quelque chose qui tient trop à la matière et à la chair et dont la séduction a je ne sais quoi de païen et de diabolique ?

447. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Il est bien vrai qu’au moment où il se demande si la nature entière n’est pas un fantôme, une illusion des sens, et où, pour être logique, il se place dans cette supposition d’un doute absolu, il est bien vrai qu’il se dit : « Cet état de suspension m’étonne et m’effraie ; il me jette au-dedans de moi dans une solitude profonde et pleine d’horreur ; il me gêne, il me tient comme en l’air : il ne saurait durer, j’en conviens ; mais il est le seul état raisonnable. » Au moment où il dit cela, on sent très bien, à la manière même dont il parle et à la légèreté de l’expression, qu’il n’est pas sérieusement effrayé. […] Pascal ne procède point ainsi : il tient à marquer davantage et d’une manière infranchissable la différence des sphères. […] Le même jour où l’on a lu Childe-Harold ou Hamlet, René ou Werther, on lira Pascal, et il leur tiendra tête en nous, ou plutôt il nous fera comprendre et sentir un idéal moral et une beauté de cœur qui leur manque à tous, et qui, une fois entrevue, est un désespoir aussi. […] Quelques curieux et quelques érudits continueront d’étudier à fond tout Pascal ; mais le résultat qui paraît aujourd’hui bon et utile pour les esprits simplement sérieux et pour les cœurs droits, le conseil que je viens leur donner d’après une lecture faite dans cette dernière édition des Pensées, c’est de ne pas prétendre trop pénétrer dans le Pascal particulier et janséniste, de se contenter de le deviner par ce côté et de l’entendre en quelques articles essentiels, mais de se tenir avec lui au spectacle de la lutte morale, de l’orage et de cette passion qu’il ressent pour le bien et pour un digne bonheur. […] Le caractère philosophique et indépendant qu’il a tenu à y laisser n’en saurait altérer le prix, et il y ajoute plutôt à mes yeux.

448. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Il tenait à l’une de ces familles de riche bourgeoisie qui avaient des occasions continuelles et même des liaisons avec les personnes du plus haut rang et de la première qualité. […] Maucroix, chanoine de Reims et poète, naïf comme La Fontaine, et, dans sa jeunesse, un peu plus romanesque que lui ; ce Champenois de l’Île-de-France, qui parlait un français si pur, qui a trouvé quelques vers heureux dans la veine de Racan, et qui a du La Fontaine en lui, au génie près, mais qui en tient pour la bonhomie et pour le cœur ; Maucroix, l’ami aussi de Patru et de d’Ablancourt, était de cette race bourgeoise bien parlante, bien clouée et paresseuse. […] Ceci tient à un défaut général de l’époque où est venu M.  […] On me dira qu’il ne tient qu’au lecteur d’avoir son Horace ouvert sur sa table, tout à côté des volumes de M.  […] Walckenaer tenait à M. 

449. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Nous tenons la revanche. […] Mais il devrait s’en tenir là. […] C’est qu’on tient à ne pas le comprendre. […] Quelle place il tient ! […] Il fallait s’en tenir là.

450. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

C’est ainsi qu’il eut la bonne fortune d’encourager les débuts laborieux du plus beau génie que l’art se soit choisi pour interprète dans les contrées scandinaves, de celui qui devait tenir le sceptre de la sculpture après Canova, Thorwaldsen. […] C’était une tout autre France ; mais il s’était tenu au courant dans l’intervalle. […] En les voyant reparaître, la rancune contre lui se réveilla ; et il comprit qu’il n’avait rien de mieux à faire que de se tenir à distance de l’ours bernois et de renouveler bail avec Genève, ne fût-ce que comme le meilleur des lieux de repos et de plaisance, la mieux située des hôtelleries pour un citoyen du monde. […] Il s’était fait des théories subtiles, mais à son usage et qu’il pratiquait finement, sur l’art de converser, d’écouter, de savoir toujours où en était l’interlocuteur, de lire son sentiment sur sa physionomie : la conversation pour lui était un concert ; l’ennui lui paraissait tenir à un manque d’unité : Une personne très spirituelle verra d’un coup d’œil le ton et l’esprit du salon où elle entre. […] Voilà la voûte du cachot rompue, et un beau rayon vient briller sur les douleurs qui tenaient votre âme captive.

451. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Le Cid tenait, en quelque sorte, Valence à sa merci et avait rendu le roi Câdir son tributaire. […] Elle arriva à Zamora, où se tient la Cour du roi, pleurant de ses yeux et demandant pitié ; « Roi, je suis une dame infortunée, ayez pitié de moi ! […] C’est sur cette simple objection qu’avec une spontanéité toute primitive Chimène tourne court brusquement : « Lorsque Chimène Gomez l’entendit, elle alla lui baiser les mains. « Merci, dit-elle, seigneur, ne le tenez pas à mal. […] Fils, passez devers Faro, où se tient votre oncle Ruy Laynez ; et moi j’irai à la Cour, où se tient le bon roi. […] Il tient sa parole et ne cesse dès lors de guerroyer et contre les Maures, et contre les Aragonais, contre les Navarrais, et contre les Français, les Savoyards.

452. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Une fois entré, il le disait lui-même, il était bien sûr de s’y tenir, d’y jeter l’ancre ; et il l’a prouvé. […] Le mal tient-il cette place, à la fois première et singulière, dans leurs vastes tableaux ? […] Villars, vainqueur d’Hochstedt, y fut employé, et y parut tenu en échec un moment. […] Sa puissance, sa prospérité, sa vie, tiennent essentiellement à cette forme de gouvernement. […] L’éditeur les réclame d’abord, et, une fois qu’il les tient, il ne les lâche plus.

453. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Lorsqu’on commença, dans ce siècle-ci, à contester les théories jusque-là régnantes, la critique s’appliqua, en sens inverse, à ces chefs-d’œuvre, et l’on s’efforça d’y démontrer certaines lacunes et défectuosités qui tenaient aux circonstances de l’époque, au cadre de la société. […] Des adeptes, le goût a passé au public, à un certain public ; nous sommes entrés dans une veine d’éditions : on compare, on revise, on retrouve la bonne leçon : qu’un peu d’inédit s’y mêle, on n’y tient plus, et on est tenté de s’écrier : Sublimi feriam sidera vertice. […] Arnauld, c’est M icole et autres experts qui tiennent le dé. […] pour le coup, nos bons premiers éditeurs n’avaient en rien l’idée de ce genre de beauté tronquée qui tient de celle de la Vénus de Milo, et, toutes les fois qu’ils avaient rencontré un audacieux fragment ainsi debout, ils l’avaient incliné doucement et couché par terre. […] Que si on s’en tient aux récits contemporains et à ses œuvres mêmes, on arrive à quelque chose de plus suivi et de plus cohérent, à quelqu’un de plus réel.

454. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Quoiqu’il avertisse quelque part128 de ne pas trop se fier aux lettres d’un auteur comme à de bons témoins de ses pensées, plusieurs de celles où il parle de la perte de sa place respirent un ton de modération qui ne semble pas tenir seulement à une humeur calme, à une philosophie modeste, mais bien à une soumission mieux fondée et à un véritable esprit de christianisme. […] Comme qualité qui tient encore à l’essence de son génie critique, il faut noter sa parfaite indépendance, indépendance par rapport à l’or et par rapport aux honneurs. […] Vous aurez peut-être peine à croire Qu’on ait dans un repas de tels discours tenus : On tint ces discours ; on fit plus, On fut au sermon après boire… Et cet autre jugement aussi, de Voltaire, n’est pas indifférent à rappeler ; Voltaire a très-bien parlé de Bayle en maint endroit, mais jamais mieux qu’à la fin d’une lettre au Père Tournemine (1735) : « M.  […] La Fleur des Pois, un de ces romans à la Balzac, qui promettent et qui ne tiennent pas. […] Simon de Troyes, dans laquelle il décrit à cet ami un dîner et la conversation qu’on y tint (février 1686) : Aux journaux de Hollande il nous fallut passer ; Je ne sais plus sur quoi ; mais on fit leur critique.

455. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Le troisième livre, tout nouveau, montrait le progrès de l’âge de l’auteur : il est plus grave (n’entendez pas plus réservé), plus posé, que les deux premiers, les contes y tiennent moins de place, les idées s’y élancent moins en pointes, s’étalent davantage, semblent plus fermes, plus arrêtées. […] Cependant ce gonflement maladroit a moins nui aux Essais qu’il n’aurait fait à un ouvrage mieux composé : comme rien ne se tient, chaque morceau vaut en soi, et ne saurait être affecté de son entourage ; peu importe où ni quand il vienne. […] Mais enfin, elle vient parfois : la gravelle tient Montaigne. […] Je sais bien ce qui manque à Montaigne, ou ce qu’il a de trop, pour être classique : le corps tient trop de place en lui ; l’individu s’étale. […] Sur la fin de sa seconde magistrature, la peste désola Bordeaux : Montaigne se tint à Libourne, en bon air.

456. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Elle tient sous clef la Pucelle, arrête le Siècle de Louis XIV. […] Il revient à Paris, s’y installe une maison, que Mme Denis, une de ses nièces et veuve, est appelée à tenir. […] Un des besoins impérieux de Voltaire, et qui tient aux racines mêmes de son génie, c’est le besoin de dire tout ce qu’il pense. […] Si disposé qu’il soit par sa vanité à être un plat courtisan, jamais il n’a pu tenir sa langue ni sa plume. […] Il tient toute cette manipulation éloignée des yeux du public ; mais il la fait.

457. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

On aime mieux passer pour leste et dégagé que pour un honnête nigaud, et, du moment que l’on associe à la morale quelque idée de pesanteur d’esprit, c’est assez pour qu’on la tienne en suspicion. […] Soit, par exemple, le XVIIIe siècle ; qui a tenu la haute main de l’humanité durant ce grand siècle ? […] Non ; c’est Voltaire, c’est Rousseau, c’est Montesquieu, c’est toute une grande école de penseurs qui tient puissamment le siècle, le façonne et crée l’avenir. […] Mais l’humanité sera-t-elle plus avancée, je vous prie, si c’est M.** ou M.*** qui tient le portefeuille ? […] Notre Journal des Débats eût fait gorge chaude de ces gens-là, et cependant ils ont vaincu, et, quatre siècles après, les plus beaux génies se sont fait gloire d’être leurs disciples et, au XIXe siècle encore, des intelligences distinguées les tiennent pour des inspirés.

458. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Ce qui est troublant, angoissant, passionnant pour la plupart des hommes n’est pas toujours ce qui tient la première place dans les spéculations des métaphysiciens. […] Comme, d’autre part, rien n’est plus aisé que de raisonner géométriquement, sur des idées abstraites, il construit sans peine une doctrine où tout se tient, et qui paraît s’imposer par sa rigueur. […] Quand j’ouvre les yeux pour les refermer aussitôt, la sensation de lumière que j’éprouve, et qui tient dans un de mes moments, est la condensation d’une histoire extraordinairement longue qui se déroule dans le monde extérieur. […] On tient à l’éloge et aux honneurs dans l’exacte mesure où l’on n’est pas sûr d’avoir réussi. […] Seules, les sociétés humaines tiennent fixés devant leurs yeux les deux buts à atteindre.

459. (1929) Amiel ou la part du rêve

Cette année 1847, en mai, il a décidé de tenir un journal régulier. […] Si chaque homme a ses maux, sache porter les tiens. […] Mais elle ne sait pas ce que c’est que de cheminer avec un, homme qui tient un Journal ! […] Et le Journal Voyez-vous le Journal tenu à Paris Le tutu-panpan de Buisson ! […] Mais il ne tiendrait, ce soir-là, qu’à Amiel, de permettre à Philine le même pronom qu’à Graziella.

460. (1908) Après le naturalisme

Elles ne tiennent pas au sujet lui-même ; elles disparaîtront devant la réussite. […] Puisqu’il en est ainsi le rôle exact de la Littérature parmi les hommes ne fut pas, par celle-ci, toujours rigoureusement tenu. […] Malgré sa défaite de l’encyclopédisme il ne se tenait pas pour battu. […] Le bien, la justice, nous les devons tenir d’une réalité autre que l’a priori. […] Nous tenions à le démontrer.

461. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 431-433

Campistron, [Jean Galbert de] Secrétaire des Commandemens de M. le Duc de Vendôme, de l’Académie Françoise & de celle des Jeux Floraux, né à Toulouse en 1656, mort dans la même ville en 1723 ; Poëte tragique, inférieur à ceux qui tiennent le premier rang parmi nous, mais supérieur à beaucoup d’autres qui prétendent en occuper un sur notre Théatre. […] Au reste, si la versification de Campistron est foible, elle est du moins pure, naturelle & d’une douceur qui tient de celle de Racine, qu’il avoit pris pour modele, & à l’exemple duquel il a fait une Comédie en vers.

462. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

En ce sens, du Parnasse par Banville et Gautier tient encore le Symbolisme. […] Il ne tint pas parole ! […] (Et inutile, dirons-nous, si l’on s’en tient à sa conception de simple traduction.) […] Exact, si vous y tenez, mais vrai, non pas. […] » « J’en tiens une, courons ! 

463. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Les Curius et les Camille tenaient la main à la charrue. […] Il alla, jeune, étudier dans l’île de Cos, sous l’illustre poëte Philétas, qui, tout l’indique, était dans l’élégie ce que Théocrite est devenu dans l’idylle, et qui tenait la palme entre tous. […] Sachons bien toutefois qu’en matière de poésie, le goût français, s’il n’y prend garde, est toujours enclin à tenir de ces deux hommes-là plus qu’il ne se l’avoue. […] … La danse finie, j’observerai la place où elle se tient, et je ferai ma rude main bien heureuse en touchant la sienne. […] Le Myndien me tient tout entière possédée ; mais va guetter vers la palestre de Timagète, car c’est là qu’il fréquente, c’est là qu’il lui est doux de passer le temps.

464. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Il n’est pas prudent, tant s’en faut, de se tenir à portée de l’animal, qui dans ce cas ferait certainement à l’agresseur un mauvais parti. […] En tout temps, néanmoins, lorsqu’il chante, il tient sa queue baissée. […] La frégate pélican a souvent recours à la même manœuvre, seulement elle saisit les petits bâtons dans son bec, au lieu de les tenir avec ses pieds. […] Ils s’accrochent aux murs avec leurs griffes, s’y tiennent appuyés sur leur queue pointue, et dès l’aurore, avec un bruit sourd et retentissant, ils s’élancent dehors exactement tous à la fois. […] Je me tenais à une fenêtre, à proximité du lieu ; il en vint plus de mille, et je ne les vis pas toutes, tant s’en faut !

465. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Il n’a pas un droit qu’il ne tienne de la société, et il n’est pas opprimé : car l’oppression, c’est l’exploitation de tous par quelques-uns, c’est l’inégalité. […] En un mot, il se tient dans la spéculation, et il construit un idéal absolu. […] A cette crise tient toute la vérité du caractère de Julie, si solide sous la phraséologie du temps : ses luttes, son progrès, ses rechutes, sa quiétude endolorie, font une admirable histoire d’âme. […] Et le pis est qu’après avoir demandé à l’homme le sacrifice de sa conscience, de sa pureté, de sa droiture, elle ne lui tient pas la promesse de bonheur par où elle l’a séduit. […] Avant Rousseau la nature n’avait guère tenu de place dans la littérature.

466. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Les Mysiens tenaient en arrêt de longs épieux durcis à la flamme. […] Rien d’humain ne semblait devoir tenir contre ce déluge du nombre chargé des ouragans de la guerre ; par sa seule masse, il devait tout submerger. […] Peu de morts du côté des Grecs ; la grande lance tenait le javelot écourté à distance, les Immortels étaient décimés par les invulnérables. […] Phœbus avait tenu sa promesse, sa ville et son temple étaient délivrés. […] L’Acropole se défendit comme les Thermopyles, les deux rochers tinrent en échec le même océan.

467. (1909) De la poésie scientifique

Par ce vers qui pourrait tenir toute sa théorie simpliste, Verlaine, spontanément, a été l’avertisseur du retour à l’exacte notion : qu’il n’est rien en l’esprit qui ne soit d’abord en les sens. […] Et, nous l’avons dit, tout se tient et se continue et s’associe et s’appelle : notre Moi est une-unité-qui-devient. […] (Les passions ont avec les sons un lien puissant et secret, a écrit Jean-Jacques Rousseau  « La pensée, qui tient à la lumière, s’exprime par la parole, qui tient au son », a dit incidemment Balzac.) […] Nous avons vu que la nécessité de l’effort tient éternellement à la première Fatalité de « non-conscience ». […] « Le Congrès des poètes tenu à Paris, dit en son Anthologie M. 

468. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Pendant le repos des actes, Thierry, qui se tient, tout le temps, la figure masquée avec la main, et qui écoute cela, comme un supplicié, échange à voix basse quelques mots avec les acteurs. […] Il avait un estomac excellent, il ne pouvait pas avoir un grand chagrin… C’est comme Marchal, tenez, Marchal n’a jamais pu avoir un chagrin avec son estomac !  […] Cette maison vraiment nous tenait au cœur, nous en étions devenus amoureux, pris par le grand je ne sais quoi, qui attache à une femme plus qu’à toutes les autres, et vous la fait paraître unique. […] … On me dit que je ne demande pas… Ce n’est pas ça… Il y a quelque chose dont je ne me rends pas compte… Tenez, n’est-ce pas, je vous parle de cela, d’une façon toute théorique… tenez comme exemple : Sacy, qu’est-ce qu’il a fait pour être du Sénat ? […] Fort de ses notions de collège, mon frère s’obstinait à citer, en faveur de son peuple aimé, l’invention de la boussole, de la poudre, de l’imprimerie, etc., etc., notre tante persistant à les couvrir de son mépris : « Tiens, tes Chinois, voilà pour eux ! 

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