« Tant que l’on conserve, comme cela a lieu dans les langues primitives, la double intelligence du sens physique et de son analogie avec le sens intellectuel, les mots restent des peintures à double fonction ; les langues sont figurées et poétiques.
Elle n’a ni la distinction patricienne de celle qui écrivit Delphine, ni le sentiment virginalement poétique qui créa Lucile Edgermond, ni la grâce, la grâce aérienne qui est partout dans Mme de Staël et qui, dans le génie des femmes, est encore le meilleur caractère du génie !
Imagination militaire, ce qui veut toujours un peu dire imagination chevaleresque, il s’est profondément pénétré de la personnalité de ce peuple arabe, — le seul peuple réellement poétique qu’il y ait maintenant sur la terre, et dont la description ressemble aune page de la Bible oubliée dans des feuillets de ce Khoran qui ne sera bientôt plus pour l’humanité qu’un livre oublié, — une poésie chantée !
Panthéiste poétique, qui n’est ni un philosophe ni un historien et qui croit naïvement faire de la philosophie et de l’histoire, Emerson a couvert de l’éclat d’un talent qui produit l’effet d’un flot pailleté de lumière succédant éternellement à un autre flot pailleté de lumière, un système misérable qui doit plaire aux esprits abaissés d’une génération qui hait toute distinction comme une aristocratie, et aux esprits niais qui ne peuvent se tenir de tendresse et fluent dans la philanthropie.
Moins poétique, moins mystérieux, moins divin que la sainte « Pastoure », incompréhensible si le miracle n’était pas là pour l’expliquer, Jacques Cœur, qui fut, lui, tout positivement et tout bonnement un grand homme, donna à Charles VII pour continuer la guerre tout ce que celui-ci voulut prendre d’une colossale fortune, et il fut payé de son dévouement avec la même ingratitude qui avait soldé le sacrifice de la vierge de Domrémy.
J’ai désigné plus haut les livres publiés sur le roi René, auquel on revient par la pente du bibelot, de la vignette, du manuscrit illustré, de la peinture et des œuvres poétiques, ce qui, du reste, est bien la pente d’un temps d’art prétentieux, de trissotinisme et d’amusettes littéraires comme le nôtre.
Il l’est même si fort qu’il a écrit sur elle de ces mots poétiques et idéalisants qui la déguisent, et que je suis fâché de trouver sous cette plume de goût, qui devrait peindre ressemblant, en parlant d’une femme aussi connue que cette blonde espiègle : « À quinze ans, — dit-il, — Marie (c’est madame de Sévigné) n’avait rien de cette timidité virginale, ou, si l’on veut, de cette gaucherie innocente que les jeunes filles rapportent du couvent dans les plis de leur robe montante. » Et cela, je crois bien que c’est vrai ; mais que dirons-nous de ce qui suit ?
Pichot, c’est un esprit poétique et individuel, dont le sentiment ne manque pas de justesse dans l’appréciation de ce qui est élevé, mais dont les allures familières et trop égotistes, — comme dirait lady Morgan, — rendent l’ouvrage parfois fatigant.
Il a écrit le poème d’Amadis, qui malheureusement n’est pas un chef-d’œuvre, mais dont l’inspiration, du moins, est poétique.
Pour des imaginations comme MM. de Goncourt, dont la nature poétique a toujours résisté au prosaïsme de leur système quand ils ont voulu faire de cette prétendue réalité, qu’ils appellent cruelle et que j’appelle simplement crue, les femmes sont, en effet, ce que je sais de plus dangereux et de plus mortel pour la supériorité d’un homme, — pour son sang-froid, sa justice et son impartialité.
Quoiqu’il fut mon collaborateur au Constitutionnel, M. de Mouy, je ne collabore pas à sa thèse sur les sentiments d’amitié, uniquement d’amitié, et de maternité adoptive, qu’il se contente de voir en Madame Geoffrin pour l’homme le plus beau, le plus poétique et le moins corrompu de son siècle ; car il était tout cela, Poniatowski !
Il paraîtrait que c’est une loi : les réalistes, comme les ours, viendraient mieux et seraient plus forts vers les pôles… Cette locution d’Âmes mortes, qu’on pense tout d’abord être une manière de dire poétique et funèbre, toute pleine d’attirants mystères, n’est qu’un terme usuel en Russie, un terme vulgaire et légal.
Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique » exaltée par la prière et trouvant dans réchauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri qui épouvante presque les cœurs et qui fait croire que le Génie a des rugissements comme l’Amour !
Une fois demandé, il jaillit, comme tout jaillissait dans Brucker, cet homme-source, qui avait en lui tous les agissements et tous les bouillonnements de l’esprit humain… Mélange de tous les genres de livres dans un seul livre, tout à la fois roman et histoire, critique d’idées et de systèmes, invention de caractères et de personnages pour rendre plus vivantes et plus entraînantes ses théories ; dramatique, poétique, descriptif, mettant des tableaux de mœurs dans des paysages, naturel et intime, et, au milieu de tout cela, débordant de questions, d’explanations, d’argumentations, de démonstrations et de conversations qui roulent dans une verve de style semblable à un battement précipité d’artères, ce livre est peut-être un chaos de puissant ces trop alchimiquement entassées, mais c’est un chaos auquel il faut appliquer cet éternel mot de génie qu’on peut appliquer pour tout à Brucker, — à cet ébaucheur rapide et sublime !
Dieu lui a donné une organisation d’élite, un mélange de force et de tendresse, une expression poétique et spirituelle en même temps… Mais j’ai dit que je ne parlerais pas de l’orateur.
C’est de la lumière qui tremble sur des larmes, des larmes qui tremblent sur des fleurs, et des arcs-en-ciel qui tremblent à leur tour sur ces fleurs, sur ces larmes et sur cette lumière, Dargaud est une nature poétique.
Est-ce chair ou poisson, que ce gros livre d’un méli-mélo enragé qui veut faire la science poétique et la poésie scientifique, et qui ne parvient qu’à rendre le tout ridicule ?
C’est bien là l’expression poétique de ce matérialisme qui fait mal au cœur et qui résume la pensée philosophique de cette fin du xixe siècle.
Tout à coup, 1830 éclata, et quelques jours après qu’on eut bu à cette coupe de Circé révolutionnaire, le journaliste Brucker, transformé en… farouche et en garde national, demandait, à Vincennes, la tête de M. de Peyronnet, avec lequel, par parenthèse, il s’est lié plus tard ; cette tête poétique qui fait de beaux vers et qui, en envoyant son portrait à son ennemi mortel devenu son ami jusqu’à la mort, écrivait ce quatrain tourné avec la grâce qui n’empêche pas d’être un homme d’État, en terre de France : J’entends encor l’hymne infernal, (Il faut bien dire que c’était La Marseillaise pour ceux qui ne la reconnaîtraient pas à l’épithète).
Féval ne procède jamais à la manière incolore de ce pauvre diable de Le Sage, à peu près poétique comme son nom, mais il n’en trouble pas moins la hiérarchie des choses, dans son système de roman, en mettant en premier l’intérêt des événements, qui devrait être le second, et en second, l’intérêt des sentiments, qui est certainement le premier… Et ne croyez pas qu’il n’en ait pas l’intelligence !
Seulement, parce qu’il était moraliste, comme doit l’être tout romancier, et qu’il ne s’agissait pas uniquement pour lui de peindre avec grandeur des mœurs poétiques et simples auxquelles une intelligence, que nous n’avons pas craint d’appeler épique, a donné la plus héroïque des tournures, l’auteur du Marquis des Saffras ne s’est pas concentré dans la sphère où l’auteur de Miréio est resté, et ses paysans primitifs n’ont plus été ces vanniers, ces pâtres, ces matelots revenus des guerres, ces conducteurs de cavales, ces toucheurs de bœufs, campés sur des reins d’Hercule, comme les héros d’Homère, dans un ciel d’un bleu olympien.
La fin de ce discours est une fiction moitié poétique et moitié morale, dans le goût de celles de Lucien.
L’audition colorée détermine, dans les esprits doués pour l’art et la poésie, un nouveau sens esthétique, auquel répond la poétique de la jeune école. […] N’est-il pas vrai que les figures de cire, exposées aux vitrines des coiffeurs inspirent des rêves poétiques aux collégiens ? […] Pensiez-vous donc qu’il fût impossible aux marionnettes d’être éloquentes ou poétiques ? […] Au fond, c’est là toute la poétique nouvelle. […] J’ajoute qu’il est très difficile aux actrices et surtout aux acteurs vivants de se rendre poétiques.
Il y a plus de mystérieux et par conséquent un plus grand effet poétique et moral et religieux si Œdipe disparaît loin de nous, sans que nous le voyons disparaître, sans que celui qui nous le raconte, celui-ci même, l’ait vu. […] Et c’est le premier acte, qui déjà est pittoresque et qui déjà contient des méditations philosophiques et poétiques, en beaux vers, du reste. […] Ce pâtre est philosophe ; ce pâtre se livre à la méditation philosophique et poétique ; ce pâtre, puisque nous sommes en 1905, est pacifiste et humanitaire. […] Lui-même, peut-être un peu bourgeois dans les premières scènes, s’est élevé à la majesté du malheur et au lyrisme de la démence poétique, de la démence visionnaire, à partir de la « scène de la bruyère » et surtout au dénouement. […] Les rôles poétiques ou élégiaques ne lui vont pas ; elle est faite pour les rôles modernes un peu vigoureux et véhéments ; aucune de ses qualités ne lui sert dans Ophélie, et elle n’a aucune des qualités qu’il y faudrait.
[I] Le romantisme a été, sans contredit, dans la littérature de notre pays et de notre époque, une grande révolution ; mais ce que je tiens à établir au début de cet article, c’est que cette révolution a porté moins sur le fond que sur la forme, et a moins jeté d’idées dans la circulation littéraire qu’elle n’a introduit, créé, ressuscité ou naturalisé dans la langue poétique d’images nouvelles et de rythmes originaux. […] Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’une si large place donnée à l’élément poétique, dans la peinture de la vie humaine, tend à amoindrir la réalité au profit de la fantaisie, à entraîner le réalisme sur la pente du lyrisme. […] Eux-mêmes, ses plus chauds amis d’autrefois, qui ont mal fait la digestion de ses dîners, ne prononcent plus son nom que pour le désigner narquoisement au choix du bureau de bienfaisance poétique de la Société des Gens de Lettres. […] Que si vous demandez aux poétiques la raison de ces erreurs ou de ces lacunes du drame, les poétiques vous répondent que le public a besoin de grands hommes et qu’à tout prix il lui en faut ; que le seul spectacle salutaire à offrir aux masses, c’est celui de ces gestes extraordinaires et de ces éclatantes destinées ; et qu’en fin de compte, ce n’est pas faire œuvre d’art que mettre l’homme, tel qu’il est, face à face avec lui-même, et le claquemurer dans la prison de ses infirmités et de ses misères. […] C’en est fait, l’ombre gagne de proche en proche, la Nuit devient chaque jour plus envahissante et plus épaisse, et l’art actuel est à dix mille mètres au-dessous du niveau normal du talent, de la poésie et de l’esprit. — Après avoir décrit son ellipse foudroyante, la comète du romantisme a disparu du firmament poétique, et c’est à peine si nous distinguons encore le bout de sa queue ; le chiffonnier Réalisme est à la veille de manquer d’huile pour alimenter sa lanterne ; et mieux vaudrait la nuit noire que ces lueurs sottes et bourgeoises que projette autour de nous la chandelle de suif de l’école du Bon Sens.
Le feuilletoniste appelle cet essai poétique de M. […] C’était tout à la fois poétique et absurde… J’en demande bien pardon à M. […] ou le rêve de ce type poétique, éclos sous le ciel sombre de la rêveuse Allemagne, attendait-il pour se réaliser l’organisation exceptionnelle de cette blonde enfant du Nord ? […] Ces deux noms n’existent pas dans la langue de Boileau ; il ouvre donc l’Art poétique et les baptise pour se conformer au style du maître : Ronsard et Chapelain. […] Viennet entre dans une colère poétique épouvantable, en voyant le progrès toujours croissant de l’importation anglaise dans le langage hippique.
Si la morale condamne Corneille, la littérature l’absout : ce qui paraît extravagant d’après les lois de l’honnêteté et de la décence, est admirable sous le rapport poétique et dramatique. […] L’auteur de l’Art poétique renverserait lui-même par cette doctrine tous les fondements de l’art ; ce serait autoriser tous les monstres dramatiques : le succès des absurdités ne peut jamais les justifier. […] Je laisse Voltaire s’amuser aux vétilles scolastiques, observer doctement que l’intérêt change : il s’agit bien ici de la poétique ! […] Ce qui paraît extravagant, d’après les règles ordinaires de la raison, est précisément ce qui fait la grandeur de cette conception poétique. […] (Réflexions sur la poétique du théâtre.)
C’est dans une conception poétique que naissent ces récits si riches, si variés, qui souvent s’altèrent dans la suite des événements, mais qui toujours ont des commencements merveilleux. […] Dans ces simples pages s’agitent en une seule âme tous les sentiments les plus sacrés de l’âme ; ils s’agitent, ils palpitent sous le voile ; ni le sexe ni l’âge de ce pauvre et poétique voyageur de la vie ne s’y révèlent un seul instant ; la passion et la souffrance y gardent une admirable pudeur, et le charme en est doublé. […] Il n’échappe pas à la poétique du genre qui condamne tout roman à n’être, plus ou moins, que l’histoire d’un amour malheureux. […] Chacun des romans de George Sand se résume dans une situation et dans un paysage dont rien ne peut rompre ni déconcerter la poétique union. […] Dans les jours orageux de la jeunesse on rêve de vivre au désert, on s’imagine que la solitude est le grand refuge contre les atteintes, le grand remède aux blessures que l’on recevra dans le combat de la vie ; c’est une grave erreur : l’expérience nous aura bientôt détrompés et nous apprendra que, là où l’on ne vit pas avec des semblables, il n’est point d’admiration poétique ni de jouissance d’art capables de combler l’abîme.
qui peut dire ce que fait Émile Goudeau et en quel lieu du monde il se trouve, cet évêque poétique du grand diocèse Nullius, qu’aucun mortel ne rencontre jamais nulle part ? […] Il venait de publier son premier livre, la Chanson des gueux, œuvre de violent effort et d’imitation compliquée qui fit croire un instant à la plus puissante originalité poétique. […] Sans chercher les causes profondes de l’aristocratie native de ce fils du peuple, le supérieur instinct poétique suffirait déjà à expliquer en lui cette manière d’être, si insupportable aux imbéciles et à jamais mystérieuse. […] Mais si toute critique élevée ne déserte pas cette société de plus en plus dédaigneuse des œuvres de l’esprit, les merveilleuses affinités poétiques de Rollinat tourneront infailliblement à sa gloire. […] Je vais donc donner deux pièces recueillies aux deux extrémités opposées de l’œuvre poétique et musicale de Rollinat.
Il y a dans cette pièce de ce génie poétique qui est si peu ordinaire, grande quantité de sentiments élevés, et de vers noblement tournés. […] Tout y est juste, poli, judicieux… » Fléchier n’eut jamais honte de jeter un regard en arrière vers le premier idéal poétique qu’il avait conçu et cultivé dans sa jeunesse.
Alexandre, au contraire, se livra aux élucubrations religieuses, poétiques et philosophiques des Allemands de distinction qui habitaient Francfort. […] Mais Guillaume, nommé ambassadeur de Prusse auprès de la cour de Rome, retiré à Albano et plongé dans des travaux poétiques, lui écrivait alors des vers fraternels dignes de Cicéron à Atticus : « Hélas !
M. de Régnier surtout se tient à l’écart des nouvelles recherches sur l’expression sonore de la pensée poétique ; M. […] Bien plus, le typographe qui dispose les lignes d’un titre ou d’une affiche s’y conforme jusqu’à un certain point, — quoique sans trop de délire poétique, on peut le supposer.
Quant aux réduits et aux cellules, qui sont aujourd’hui représentés par nos boudoirs, Boileau en a parlé deux fois ; la première dans L’Art poétique : Ne vous enivrez pas des éloges flatteurs Qu’un amas quelquefois de vains admirateurs Vous donne en ces réduits, prompts à crier : Merveille ! […] Mais comme c’est une vérité de l’art littéraire ou poétique observée par Voltaire, que ce qui fait rire au théâtre, ce sont les méprises des personnages, et que c’est une autre vérité recueillie par l’observation, que la méprise la plus risible et la plus ridicule consiste essentiellement dans la prétention manquée, il faut avoir plus d’esprit qu’il ne m’en appartient, pour reconnaître que Molière, ce grand maître de l’art dramatique, cet observateur profond, n’a exprimé ou sous-entendu ces vérités dans la préface des Précieuses que pour masquer un gros et plat mensonge sur ses intentions relativement à l’hôtel de Rambouillet.
Mardi 22 janvier On se demandait dans un coin de notre table de Brébant, comment on pourrait remplacer, plus tard, dans la cervelle française, les choses poétiques, idéales, surnaturelles : la partie chimérique que met dans l’enfance, une légende de saint, un conte de fée. […] Daudet m’entretient de son livre : Les Rois en exil, dont la conception est vraiment tout à fait jolie, en ce qu’elle se prête à une réalité poétique et ironique.
Rien de moins poétique, je vous assure, rien de moins littéraire dans le sens moderne du mot, et j’ajouterai presque comme une conséquence immédiate, rien de plus véritablement humble et de plus sincère.
L’illustre poète lubrique Baffo donna l’œil à l’achèvement de son éducation poétique ; un vieux sénateur retiré des affaires, mais non du monde, perclus de jambes, mais sain de tête, M. de Malipiero, lui ouvrit sa maison, sa table, avec les conseils d’une expérience vénitienne de soixante-dix ans, et l’initia au savoir-vivre exquis et à une honnête corruption.
C’est ce qu’Horace recommande dans son Art poétique, lorsqu’il dit : « Il est permis, et il le sera toujours, de donner cours à des mots nouveaux dans la langue ; et comme lorsque les bois changent de feuilles, les premières tombent pour faire place aux suivantes, de même les mots anciens s’usent par le temps, tandis que les nouveaux ont toute la fraîcheur et toute la force de la jeunesse. » Ce serait nuire au style français que d’établir qu’il n’est pas permis de se servir à présent d’un mot qui ne se trouve pas dans le Dictionnaire de l’Académie.
Toutes les grâces de ce style sont « légères. » Il s’est comparé lui-même « à l’abeille, au papillon » qui va de fleur en fleur, et ne se pose qu’un instant au bord des roses poétiques.
Disons-nous bien que toutes les opérations, qui pour la science des laboratoires sont réelles, ne peuvent être dans l’histoire littéraire que métaphoriques ou idéales, que l’analyse du génie poétique n’a rien de commun que le nom avec l’analyse du sucre, et se passe tout entière dans la tête qui la fait, que l’identification du genre littéraire qui se maintient par imitation, avec l’espèce vivante qui se perpétue par génération, est purement verbale, et qu’enfin tout ce qui est méthode dans les sciences de la nature, si on le transporte dans notre domaine, devient système.
La libation est de tous les usages de l’antiquité celui qui me semble le plus religieux et le plus poétique : sacrifice !
Lorsque Lamartine18 écrit : « C’est Ossian, après le Tasse, qui me révéla ce monde des images et des sentiments que j’aimai tant depuis à évoquer avec leurs voix… Ossian fut l’Homère de mes premières années ; je lui dois une partie de la mélancolie de mes pinceaux… » — voilà une filiation poétique qu’il serait désormais bien hardi de contester.
Tandis qu’une grande actrice y rendait la vie et la fraîcheur aux chefs-d’œuvre, de légers et poétiques talents y introduisaient la fantaisie moderne dans sa plus vive étincelle.
Comme écrivain, M. de Montalembert a publié, en 1836, l’Histoire de sainte Élisabeth de Hongrie, une touchante et poétique légende dont il s’était épris durant un séjour en Allemagne.
Les chefs-d’œuvre recommandés par le manuel au baccalauréat, les compliments en vers et en prose, les tragédies plafonnant au-dessus de la tête d’un roi quelconque, l’inspiration en habit de cérémonie, les perruques-soleils faisant loi en poésie, les Arts poétiques qui oublient La Fontaine et pour qui Molière est un peut-être, les Planât châtrant les Corneille, les langues bégueules, la pensée entre quatre murs, bornée par Quintilien, Longin, Boileau et La Harpe ; tout cela, quoique l’enseignement officiel et public en soit saturé et rempli, tout cela est du passé.
« Isaac fit entrer Rébecca dans la tente de Sara, sa mère, et il la prit pour épouse ; et il eut tant de joie en elle, que la douleur qu’il avait ressentie de la mort de sa mère fut tempérée121. » Nous terminerons ce parallèle et notre poétique chrétienne par un essai qui fera comprendre dans un instant la différence qui existe entre le style de la Bible et celui d’Homère ; nous prendrons un morceau de la première pour la peindre des couleurs du second.
Il faudrait également que je caractérisasse à la fois et Delille que nous venons de perdre, et M. de Chateaubriand qui est encore dans la force du talent, doués, l’un d’une immense richesse de détails poétiques, l’autre d’une imagination vaste et féconde, placés tous les deux sur les derniers confins de notre ancien empire littéraire, et venant terminer d’une manière admirable toutes les traditions de notre double langue classique dont le règne va finir : ce qu’il y a de plus remarquable dans l’association que je fais ici de ces deux noms, c’est que leurs ouvrages, honneur éternel de cette époque, sont à la fois des monuments littéraires et des monuments de nos anciennes affections sociales.
C’était Celle qui avait été sa vie dans le sens le plus intime et le plus poétique du mot.
Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique, exaltée par la Prière, et trouvant dans réchauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri qui épouvante presque les cœurs et qui fait croire que le Génie a des rugissements comme l’Amour.
C’était un Proudhon en action qui devançait la théorie, comme les poëtes devancent les poétiques, et qui voulait détruire tous les gouvernements.
À ce titre seul, nous avions reconnu le problème du temps présent, la chimère dit siècle, comme disait saint Bernard, — car les littératures font beaucoup de théories sociales, lorsque les peuples ont relâché ou brisé tous les liens sociaux, absolument comme on écrit des poétiques, lorsque le temps des poëmes épiques est passé, — et il était curieux de savoir comment le prêtre avait remué, à son tour, le problème vainement agité si longtemps par les philosophes.
Mais on n’a pu rien contre le fait de sa haute individualité poétique, et c’est en vertu même de cette haute individualité qu’il a troublé les facultés d’un homme qui a le sentiment très animé de la poésie, mais qui ne l’a pas, ce sentiment, au point de devenir une puissance.
Tel est le défaut radical d’un ouvrage qui se recommande par des qualités d’une grande force, mais que la critique devait signaler tout d’abord, avant tout détail et toute analyse, parce que ce défaut affecte l’ensemble et le fond du livre même, — parce que cette indigence de sensibilité, d’imagination, et je dirai plus, de sens moral et poétique, se retrouve à toute page et frappe l’œuvre entière de M.
Et alors, c’est la plus condamnable orgie du style dit « poétique » de ce dix-huitième siècle dont le jeune Chateaubriand est encore jusqu’aux moelles. […] Jeune, je cultivais les muses ; il n’y a rien de plus poétique, dans la fraîcheur de ses passions, qu’un cœur de seize années. […] La seconde et la troisième renferment la poétique du christianisme, ou les rapports de cette religion avec la poésie, la littérature et les arts. […] La deuxième partie (Poétique du christianisme) est peut-être la plus intéressante. […] Seul, le paganisme est agréable dans ce poème entrepris pour démontrer la supériorité poétique du christianisme.
Piron, en faisant de la fureur poétique le sujet et le mobile de la pièce et d’une pièce en cinq actes, a beaucoup osé ; il a fait une comédie, pour ainsi dire, individuelle : la Métromanie ou le Poëte, c’est sa propre histoire idéalisée, embellie, c’est la Piromanie, comme l’appelait Voltaire. […] Sous air de comique et de ridicule, que d’heureuses vérités d’art poétique l’auteur trouve moyen d’insinuer et de débiter ! […] Il touchait juste en appelant Marmontel vieil apprenti, et en voyant une Poétique de sa façon, il disait : Hé !
Elle fabrique, comme Ruth, un objet utile, très-utile, puisque demain elle vendra dix sous ; mais cet objet est une rose épanouie, dont les frêles pétales s’enroulent sous ses doigts comme sous les doigts d’une fée, dont la fraîche corolle s’empourpre d’un vermillon aussi tendre que celui de ses joues, frêle chef-d’œuvre éclos un soir d’émotion poétique, pendant que de sa fenêtre elle contemple au ciel les yeux perçants et divins des étoiles, et qu’au fond de son cœur vierge murmure le premier souffle de l’amour. […] Cet accès de lyrisme où les folies les plus poétiques naissent des banalités les plus vulgaires, semblables à des fleurs maladives qui pousseraient dans un vieux pot cassé, expose dans ses contrastes naturels et bizarres toutes les parties de l’imagination de Dickens. […] L’acquisition de ces habitudes, de ces facultés et de cet esprit, jointe au hasard d’une ancienne hostilité contre Rome et de ressentiments anciens contre une Église oppressive, a fait naître une religion orgueilleuse et raisonneuse qui remplace la soumission par l’indépendance, la théologie poétique par la morale pratique, et la foi par la discussion.
Dugas-Montbel, esprit assez studieux pour interpréter laborieusement le grand poète, assez poétique pour ne pas déflorer la poésie par la science. […] Et si on ajoute à cette admiration que cet interprète si intelligent, si fidèle et si éloquent, décrit, parle et chante dans une langue aussi divine et aussi harmonieuse que sa pensée ; si on ajoute que cette langue cadencée et transparente comme les vagues et comme l’éther dont il est entouré dans ses paroles rythmées, l’ordre logique des idées, le nœud puissant et serré du verbe qui relie en faisceau la phrase, la clarté du plein jour sous un soleil d’Orient, la force de l’expression, la délicatesse des nuances, la saillie du marbre, la vivacité des couleurs, la sonorité des armures d’airain dans le combat, des vagues de la mer dans les cavernes du rivage, le sifflement de la tempête dans les vergues et dans les voiles, le susurrement du zéphire dans les brins d’herbe ou dans les feuilles des forêts, enfin jusqu’aux plus imperceptibles palpitations du cœur dans la poitrine des hommes, on reste confondu, en présence d’un tel prodige d’expression, de tout ce que les sens perçoivent, de tout ce que l’âme sent et pense, et l’on se demande par quel étrange phénomène le plus ancien des poètes en est en même temps le plus parfait, par quel contresens apparent le génie poétique de la Grèce sort des ténèbres le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre à la main ; et on ne peut s’empêcher de se récrier sur le blasphème ou sur la cécité de ceux qui préconisent notre vieille jeunesse au détriment de cette jeune antiquité. […] Les détails de l’armement et de la coiffure de combat des deux héros sont aussi techniques que si le poète eût été un armurier ou un corroyeur, et cette toilette ne cesse pas d’être sous sa main aussi poétique qu’un son de la lyre.
Et Montesquiou m’entretient de son prochain volume de vers, qui sera tout entier consacré aux fleurs, et d’un pieux monument poétique, qu’il veut consacrer à Desbordes-Valmore. […] Il nous traduit, au courant de la lecture : La Maison des morts de la Cité, un morceau étrangement poétique sur un cadavre de prostituée, un morceau d’un lyrisme fantastique, dont semble descendre Maeterlinck. […] Alors le petit Hahn s’est mis au piano, et a joué la musique composée par lui, sur trois ou quatre pièces de Verlaine, de vrais bijoux poétiques, une musique littéraire à la Rollinat, mais plus délicate, plus distinguée, plus savante, que celle du poète berrichon.
Mais l’art dispose, pour créer des enfants vivants, d’une hypothèse commode, féconde, admirable : celle que le génie poétique est une enfance continuée, et que l’enfance est un génie poétique. […] méritait une réponse positive, car Athalie prouve ou tout au moins démontre beaucoup de choses, poétiques, politiques et humaines. […] Le symbole n’est pas un décalque, mais une substance poétique qui vit aussi par elle-même, avec spontanéité et gratuité. […] C’est que la création poétique ressemble à l’autre, et que celui qui crée imite Dieu. […] La composition n’est pas une partie essentielle de leur être poétique.
En choisissant et rapprochant habilement des mots dont le sens est tout conventionnel, on peut représenter analogiquement des phénomènes sonores : c’est ce que les poétiques et les rhétoriques appellent l’harmonie imitative. […] Aristote, Poétique, ch. […] Nous ne pensons ici qu’au langage scientifique, dont les défauts sont autant de qualités pour la langue poétique. […] [Horace, Art poétique, v. 180-181, op. cit.
Ces quatre vers sont revenus bien souvent à mon souvenir ; ils expriment à merveille et d’une façon très poétique ce besoin de vivre un moment, chaque matin, même à la condition certaine de mourir éternellement chaque soir. — Quæ lucis miseris tam dira cupido ? […] Certes, j’imagine qu’il y avait de quoi attendre impatiemment le dénouement d’un pareil drame, à une époque où l’on n’avait encore abusé de rien dans l’art poétique. […] Tu subis à ton insu l’admiration qu’on t’a imposée ; tu es trop vieux et trop mal élevé, et trop ignorant des choses poétiques pour admirer sérieusement ces grandes œuvres faites pour le grand siècle. […] La Néotemachie poétique du Blanc. — Paris, 1610. — 2 parties en 4 vol. in 4º. […] Réflexions sur la grammaire, la rhétorique, la poétique et l’histoire ou Mémoires sur les travaux de l’Académie Française, à M.
On dépouille la courtisane de l’auréole poétique dont le romantisme l’avait couronnée, et au lieu de Marion Delorme ou de Lélia, elle s’appelle Marguerite Gautier [Cf. […] Grégoire ; — 2º Chansons sentimentales, dans le genre du Bon Vieillard, du Voyageur, des Hirondelles ; — 3º Chansons libérales et patriotiques [parmi lesquelles on est étonné de voir Sainte-Beuve, ordinairement plus difficile, donner une place au Dieu des bonnes gens] ; — 4º Chansons satiriques, du genre du Ventru ou des Clefs du Paradis ; — et enfin 5º Chansons poétiques, comme Les Contrebandiers, Le Vieux Vagabond, Les Bohémiens. […] Le Premier Regret, Milly ou la terre natale] ; — mais de le montrer s’échappant à lui-même ; — ne se préoccupant désormais ni de choisir entre ses idées ; — ni de donner des digues au flot toujours plus abondant de son improvisation ; — et se préparant ainsi à écrire La Chute d’un ange. — S’il faut regretter que Lamartine se soit tourné vers la politique ; — et qu’il semble bien qu’en tout cas son inspiration poétique fut dès lors sinon tarie ; — mais assurément « dépersonnalisée ». — Qu’il appartient d’ailleurs encore à l’histoire de la littérature ; — par quelques-uns de ses Discours [Cf. […] 3º Les Œuvres. — Les Œuvres de Lamartine se composent de : 1º Ses Poésies, qui sont les Méditations, 1820 ; La Mort de Socrate, 1823 ; — les Nouvelles Méditations, 1823 ; — Le Dernier Chant du pèlerinage de Childe-Harold, 1825 ; — les Harmonies poétiques et religieuses, 1830 ; — Jocelyn, 1836 ; — La Chute d’un ange, 1838 ; — les Recueillements poétiques, 1839. […] Il existe plusieurs éditions des Œuvres complètes de Lamartine : Paris, 1840, chez Gosselin, 13 volumes ; — Paris, 1845-1849, Furne, 8 volumes [qui ne comprennent en réalité que les Œuvres poétiques et le Voyage en Orient] ; — et Paris, 1860-1863, chez l’auteur, rue de la Ville-l’Évêque, quarante volumes [dont ne font d’ailleurs partie ni la Correspondance, ni la totalité de son Cours familier de littérature].
Sous le ministère de l’archevêque de Toulouse, il fut appelé au conseil comme ministre sans portefeuille, ministre-amateur ; c’était sa vocation en toute chose : M. de Nivernais, dit à ce propos Besenval assez peu indulgent, était frêle, exigu, d’une santé fragile et délicate ; dans sa jeunesse, il s’était usé par les excès à la mode, et, trop faible pour servir, il s’était réduit à des ambassades, dont on pouvait attendre des résultats plus brillants, L’Académie française s’en était emparée, parce qu’un duc poétique était son fait. […] On y vit d’heureux traits de détail, mais on y sent trop bien l’absence d’intérêt dans les sujets et le manque d’invention poétique.
Selon son habitude toute poétique, Platon commence le dialogue par une gracieuse et pittoresque exposition de la scène et des personnages qui doivent prendre part à l’entretien. […] Elle a servi depuis de texte à mille rêveries prétendues sociales et politiques, mais qui ne sont, en réalité, ni politiques, ni philosophiques, ni même poétiques, à l’exception de la descente de l’Arménien aux enfers.
Suite XLVII Les citations de la poésie allemande révèlent sa prédilection pour les sujets graves, tendres ou pieux, les seuls véritablement poétiques, parce qu’ils touchent à l’infini par la pensée, par le sentiment ou par la religion, cet infini du cœur. […] Fille d’un ministre dont elle respira en naissant la popularité, favorite d’une nation qui flattait en elle son père, élevée sur les genoux des grands, des philosophes, des poëtes, habituée à entendre les premiers balbutiements de sa pensée applaudis comme des oracles de talent ; mêlée, sans en être trop rudoyée, au commencement d’une révolution qui grandit tout ce qu’elle touche, ses apôtres comme ses victimes ; abritée de la hache pendant les proscriptions par le toit paternel, au sein d’une nature poétique, écrivant dans le silence de cette opulente retraite des ouvrages politiques ou littéraires égaux aux plus beaux monuments de son siècle ; ne subissant qu’un peu les inconvénients de trop de gloire, en butte à une de ces persécutions modérées qui méritent à peine le nom de disgrâce, et qui donnent à celle qui les subit la grâce de la victoire sans les rigueurs de l’adversité ; vengée par l’Europe, de son ennemi, qu’elle a la consolation de voir tomber et de plaindre, remplissant le monde de son bruit, et mourant encore aimée dans son triomphe et dans son amour.
Les plaisirs du régent étaient des scandales, la cour une orgie ; Voltaire, tantôt caressé par les complaisances poétiques de cette cour, tantôt réprimé par quelques semaines de captivité pour ses insolences de favori, était le poëte de cette jeunesse. […] Quelques complaisances poétiques pour madame de Pompadour, pour la cour, pour le Dauphin, lui valurent la place de gentilhomme de la chambre du roi, d’historiographe, d’académicien, et une pension du roi.
Molière avait fait applaudir le Tartufe, Racine Andromaque et Britannicus ; on savourait les premières fables de La Fontaine ; Boileau, déjà célèbre par ses Satires, lisait dans les cercles son Art poétique. […] Tous les deux ont l’esprit touché d’un idéal de héros qu’ils ont trouvé, Perrault dans les romans, Boileau dans les poétiques d’alors.
N’est-ce pas la réaction provoquée par lui qui a réintégré dans le roman le souci du sentiment poétique et l’élégance qui substitue à la crudité des termes certaine préoccupation cérébrale désormais muée en ironie, — une ironie que nous apprécions d’autant plus qu’elle éloigne l’écrivain comme le lecteur des bassesses recherchées autrefois ? […] Dans un cadre joliment tracé, divertissant par la causticité même de son exactitude, il a mis en présence le vieil esprit poétique et tendre jadis en honneur au pays de Schiller et l’esprit prosaïque, commercial, militariste à outrance qui s’est, peu à peu, substitué au premier.
La section littéraire se réunit le 21 février 1920 et trois séances poétiques et littéraires furent prévues, dont une, à la demande de Paul Éluard, réservée à Dada. […] Tanka : forme poétique japonaise, proche du haïku, composé de cinq vers pentasyllabiques ou heptasyllabiques.
Ainsi la création poétique exige un certain oubli de soi, qui n’est pas par où pèche d’ordinaire l’homme d’esprit. […] Aussi ne trouvera-t-on souvent qu’une nuance de différence entre le jeu de mots, d’une part, et la métaphore poétique ou la comparaison instructive de l’autre.
Tandis que le propre de l’homme poétique et du poursuivant de l’idéal est à tout moment de mettre le marché à la main aux choses, et de dire : Tout ou rien !
L’abbé Le Dieu n’a peut-être pas sur ces points toute l’exactitude et la connaissance de détail qu’on désirerait : ce qui du moins reste bien manifeste, c’est que la littérature profane, en prenant alors une grande place dans les études de Bossuet, n’y envahit rien, n’y empiète point sur le reste ; elle a ses limites arrêtées à l’avance : bien qu’on nous dise qu’il lui arrivait quelquefois de réciter des vers d’Homère en dormant, tant il en avait été frappé la veille, il n’éprouva jamais dans ces sortes de lectures cette légère ivresse poétique qui, dans l’âme et rimagination séduite de Fénelon, se produira par le Télémaque.
On a beaucoup admiré les Paroles d’un croyant ; nous n’avons, pour notre part, jamais su goûter ce pastiche apocalyptique, ce genre emprunté à la Bible et qui consiste essentiellement dans le dépècement du discours en versets et dans l’usage de la conjonction et au commencement des phrases, cette prose soi-disant poétique enfin, qui trahit par son ambition même l’impuissance d’écrire un poème véritable.
De geste et de ton, et pour les cornes de lumière, il tient d’un Moïse ; il a d’un David pour la poétique ivresse.
Il y a lieu, en de certains moments décisifs, à cette critique auxiliaire, explicative, apologétique : c’est quand il s’agit, comme cela s’est vu dans les années de lutte de l’école poétique moderne, d’inculquer au public des formes inusitées, et de lui faire agréer, à travers quelques ornements étranges, les beautés nouvelles qu’il ne saluerait pas tout d’abord.
Il avait beaucoup médité sur la langue poétique, et pensait qu’elle devait être radicalement distincte de la prose.
Au pain du corps ajoutez celui de l’âme, non moins nécessaire ; car, avec les aliments, il fallait encore donner à l’homme la volonté de vivre, ou tout au moins la résignation qui lui fait tolérer la vie, et le rêve touchant ou poétique qui lui tient lieu du bonheur absent.
Littérateur, il hante les ateliers, il cause, il dispute ; il frotte ses idées contre leurs théories, son esthétique poétique contre leur esthétique pittoresque ou plastique.
Il nous a donné toute sa poétique dans une de ses plus belles pièces, le Triomphe de Pétrarque, où il s’adresse, en finissant, aux initiés et aux poètes : Sur l’autel idéal entretenez la flamme.
Edmond Lepelletier Parmi les jeunes poètes qui ont le plus contribué au puissant renouveau poétique de ces dernières années, M.
Nous pouvons donner une idée du talent poétique d’Aurelia.
Dans sa poétique conception de la nature, un seul souffle pénètre l’univers : le souffle de l’homme est celui de Dieu ; Dieu habite en l’homme, vit par l’homme, de même que l’homme habite en Dieu, vit par Dieu 701.
L’idée du « royaume de Dieu » et l’Apocalypse, qui en est la complète image, sont ainsi, en un sens, l’expression la plus élevée et la plus poétique du progrès humain.
En effet, littérairement parlant, ce volume des Confidences vient bien après Jocelyn, La Chute d’un ange, les Recueillements poétiques, et il continue, sans trop de décadence, cette série de publications dans lesquelles les défauts de l’auteur vont s’exagérant de plus en plus, sans que ses qualités pour cela disparaissent.
Mais il faut convenir qu’en ceci la poésie l’emporte infiniment sur la philosophie, dont les raisonnements trop crus sont un préservatif trop faible ou un remède peu sûr contre les mauvais effets de ces passions : au lieu que les images poétiques ont quelque chose de plus flatteur et de plus insinuant pour faire goûter la raison.
Nous nous servons cependant encore des expressions de charmes divins, de beauté divine ; mais sans quelque reste de paganisme que l’habitude avec les anciens poètes entretient dans nos cerveaux poétiques, cela serait froid et vide de sens.
Au xvie siècle, dont il vient de nous donner l’histoire, il aurait été protestant, comme il est aujourd’hui, nous dit-il, purement théiste, comme il sera demain, si c’est possible, quelque chose de plus dégagé encore de la forme religieuse qu’un théiste, le progrès pour lui étant de briser de plus en plus la forme religieuse, comme l’oiseau qui, en croissant, briserait sa cage avec ses ailes : c’est enfin (je le regrette assez) un soldat sans chef, sans uniforme et sans discipline, de ce bataillon débandé et maraudeur du progrès indéfini, qui ne sait où il va, et qui prétend aller toujours ; mais malgré la fausse philosophie, malgré l’empoisonnement des théories modernes, malgré les amitiés d’idées et les prétentions candides d’une imagination bien assez poétique pour s’égarer, M.
Son monsieur Adam et sa madame Ève sont bien du xixe siècle, mais du xixe siècle dans ce qui lui reste encore d’élevé, d’élégant, de poétique et d’amoureux… Ce n’est pas bien gros, cela… mais enfin ce que cela est a suffi pour faire faire à Ange Bénigne un livre d’une saveur exquise dans sa gaîté mélancolique et son comique nuancé et fin.
La découverte des caractères poétiques, des types idéaux, que nous venons d’exposer, fera luire un jour pur et serein à travers ces nuages sombres dont s’était voilée la chronologie.
Sa langue poétique était composée de toutes les vieilleries de son enfance. […] Mais il suffit d’avoir lu Ronsard pour savoir comment l’hiatus peut entrer dans la mélodie poétique. […] Raymond de la Tailhède a élevé, à la manière des lettrés de la Renaissance, un tombeau poétique à son ami. […] C’est un terme poétique et composé qui renferme proprement l’idée de détruire les barbes de l’épi. […] Et c’est là le monde poétique de M.
Trouvent-ils, à s’éloigner d’elle, leur poétique plaisir ? […] Mais cette vive antinomie, invention d’une critique impérieuse, se résout d’elle-même, comme en témoigne l’œuvre savante et poétique de M. […] Mme de Noailles a formulé son « art poétique » sous ce titre : L’Inspiration. […] Notons ces mots ; je les emprunte au poème que j’appelais l’Art poétique de Mme de Noailles. […] Définie ainsi, l’inspiration poétique n’est pas sans ressembler un peu à celle de la Pythie.
Il croyait au talent de Veyrat, il déclarait qu’il méritait de survivre », il le signalait comme une « personnalité poétique ». […] Guy de Maupassant, toute révocation d’un monde poétique que le peuple des mondains ne sait plus apercevoir ni deviner. […] Encore une fois il est regrettable que l’enfant n’ait pas été plus souvent le sujet des inspirations poétiques. […] En résumé, ce qui se dégage de l’œuvre poétique de M. […] Nous sommes loin de l’époque où l’Art poétique de Banville était acclamé comme la loi définitive de l’avenir.
On a dit qu’il s’était fait présenter le matin même à Mme Ancelot, sous le nom de Florestan Dufour, mainteneur des Jeux Floraux en mission poétique à Paris ! […] Quelles richesses poétiques ! […] L’un, épris de la forme, fou de plastique, plonge sans cesse au fond du monde païen et remonte au jour les Dieux et les Vénus enfouis, qu’il replantera dans ses odes comme dans un Versailles poétique. […] Sera-ce le suicide du chouan que l’auteur a décrit avec le style d’un grand poète, ce qui ne veut pas dire, bien entendu, « le style poétique », et qui serait un si magnifique sujet pour un grand peintre ? […] ———— Non, il n’existe pas de chose plus poétique ou plus pittoresque qu’une autre.
L’imagination poétique a rarement produit quelque chose de plus noble. […] Il était libre à chacun de trouver grande et poétique la guerre de Troie, mais admirer les Croisades eût été une chose inouïe. […] Ils ne le voyaient que sous des aspects pittoresques et poétiques. […] Alors il réduisit la poésie à n’être plus qu’une expression élégante et soignée d’idées qui n’ont rien de poétique par elles-mêmes. […] Du moins est-il vrai que Platon l’a parfois rendu éloquent, comme Homère avait rendu Fénelon poétique.
Mais si je veux vous en donner une idée plus complète, ou du moins plus particulière, je vous le ferai voir infatué de lui-même, colère, emporté, livré à des passions infâmes, ivrogne, fou d’orgueil, se disant et se croyant sincèrement le fils de Jupiter, et mourant à Babylone du genre d’excès qui prête le moins à la description poétique, d’excès de table. […] Goethe, en créant cette expression, qui est à la fois chez lui une expression poétique et scientifique, a voulu signifier que la nature, en créant des sexes, a fait de la différence des sexes une différence aussi profonde, en quelques points, que le peut être la différence des espèces. […] Je vais vous montrer dans la même situation une femme, une jeune fille de Molière, et une femme telle que savait en créer le théâtre vraiment bourgeois du xviiie siècle, ce théâtre si honnête, si poétique, expression achevée de cette bourgeoisie à la fois tempérée et héroïque qui a su faire 1789 et 1830 ? […] Il n’a jamais écrit de morceau plus joli, c’est le plus achevé de tous, le plus digne d’être mis, comme facilité de langage poétique, à côté des plus jolis morceaux de Regnard. […] Le grand poète, il l’a été, dans les plus belles lettres de La Nouvelle Héloïse, et dans les deux lettres à M. de Malesherbes ; c’est presque le sommet de la langue poétique ; le grand tribun, il l’a été dans la lettre à M. de Beaumont.
Le Parlement faisait fermer les maisons de jeu, les théâtres, et fouetter les acteurs à la queue d’une charrette ; les jurons étaient taxés ; les arbres de mai étaient coupés ; les ours, dont les combats amusaient le peuple, étaient tués ; le plâtre des maçons puritains rendait décentes les nudités des statues ; les belles fêtes poétiques étaient interdites. […] Mais dans ce compromis maladroit l’âme poétique de l’ancienne comédie a disparu : il n’en reste que le vêtement et la dorure. […] En effet, c’est la forme qu’ils prennent pour sujet dans presque toutes leurs poésies sérieuses ; ils sont critiques, ils posent des préceptes, ils font des arts poétiques. […] Roscommon traduit l’Art poétique d’Horace, Waller le premier acte de Pompée, Denham des fragments d’Homère, de Virgile, un poëme italien sur la justice et la tempérance. […] Quand Oronte vient lui lire un sonnet, au lieu d’exiger d’un fat le naturel qu’il ne peut avoir, il le loue de ses vers convenus en phrases convenues, et n’a pas la maladresse d’étaler une poétique hors de propos.
J’ai suivi le conseil, quelquefois, et ce qui serait une faute, si je donnais mon livre pour une poétique, ne l’est plus, je pense, si mon livre prétend seulement à renseigner au plus près et par annotations sur l’ensemble du mouvement contemporain. […] Forts de la poétique, préconisant les œuvres documentaires et le mépris de la rhétorique, ces ambitieux manœuvres créèrent une littérature de reportage qui, depuis dix ans, nous harcèle. […] Sa langue reste médiocre ; c’est cette langue semi poétique que vous connaissez, et qui est toute tissue de métaphores courantes ( Les barques comme des mouettes frileuses , etc. […] Et les préfaces succèdent aux manifestes, les théories aux poétiques. […] Paul Bourget, une des preuves les plus frappantes de la hauteur de vue d’Alfred de Vigny que d’avoir deviné la valeur poétique du symbolisme.
Il avait parlé ici d’une certaine lettre » (lettre par laquelle le duc de Laval donnait avec autant de noblesse que de patriotisme sa démission à Louis-Philippe), « lettre que M. de Lamartine a lue ici et louée ici avec une exaltation poétique ; il comptait en imiter la conduite et l’esprit ; il est allé en Bourgogne, où les séductions du pouvoir nouveau viendront le chercher. […] C’était sans valeur autre que la valeur poétique : la trace qu’un homme de génie laisse au lieu qu’il habita sur ce sable est éternelle.
Mais ce spectacle de la nature ne serait pas complet si nous ne considérions comment il se reflète dans la pensée et dans l’imagination disposée aux impressions poétiques. […] De la part d’Ovide, on eût pu attendre, comme fruit de son long séjour à Tomes, dans les plaines de la Mœsie inférieure, une description poétique de ces déserts sur lesquels l’antiquité est restée muette.
Est-ce notre idéal que nous trouvons également dans les poétiques dissertations de Job, dans les suaves cantiques des Hébreux, dans le tableau de la vie arabe d’Antara, dans les hymnes du Véda, dans les admirables épisodes de Nal et Damayanti, de Yadjnadatta, de Savitri, de la descente de la Ganga ? […] L’Asie a eu pour destinée d’avoir une ravissante et poétique enfance, et de mourir avant la virilité.
C’est qu’il ne s’agit pas de la supprimer et que le talent serait de la remplacer, celle-ci ou toute autre du même genre, par un équivalent apportant une note poétique, lyrique, idéale, de la même valeur, et un équivalent pris dans le vrai de la langue d’un amoureux. […] Quand même le romantisme ne posséderait pas à sa tête l’homme unique qui a doté l’art dramatique de la plus sonore langue poétique qui fût jamais, le romantisme aurait un théâtre ; et, ce théâtre, il le devrait à son côté faible, à son humanité tant soit peu sublunaire fabriquée de faux et de sublime, à cette humanité de convention qui s’accorde merveilleusement avec la convention du théâtre.
La seconde scène est une longue et poétique complainte amoureuse du héros, qui déplore la maladie de celle qu’il aime et la force indomptable de son penchant pour elle. […] La description de ces présents de noce est aussi pittoresque qu’elle est poétique.
Les impressions que je reçus alors de ces solitudes se sont représentées avec tant de force et de netteté à mon imagination, ces jours-ci, que j’en ai reproduit une partie dans les vers suivants, méditation poétique tronquée dont je copie seulement quelques fragments pour mes lecteurs. […] Méditation poétique I Il est nuit… Qui respire ?
Il est excellent dans son ordre et d’un singulier à propos ; il vient heureusement en aide à ce sentiment de justesse et de perfection qui caractérise la belle heure de Louis XIV ; il en est le plus puissant organe, le plus direct et le plus accrédité en son genre ; il est, on peut le dire, conseiller d’État dans l’ordre poétique, tant il contribue efficacement et avec suite à la beauté solide et sensée du grand siècle.
. — Que s’ils y ajoutaient encore, avec l’instinct et l’intelligence des hautes origines historiques, du génie des races et des langues, le sentiment littéraire et poétique dans toute sa sève et sa première fleur, le goût et la connaissance directe des puissantes œuvres de l’imagination humaine primitive, la lecture d’Homère ou des grands poèmes indiens (je montre exprès toutes les cimes), que leur manquerait-il enfin ?
Après être remonté jusqu’à l’aïeul et bisaïeul du coté de père et de mère, il a suivi Racine pas à pas dès sa naissance, dès son enfance, l’a accompagné dans le cours de ses études, l’a épié et surpris dans ses premiers divertissements, a insisté (et même avec surcroît) sur ses moindres relations de cousinage, les premières occasions prochaines de sa dissipation, et n’a rien laissé passer de vague ni d’indécis, pas plus dans sa vie de famille que dans sa carrière poétique : il a tiré à clair les amours de théâtre et les querelles littéraires.
Gessner, le libraire-imprimeur de Zurich, devint une des idoles de la jeunesse poétique, comme cet autre imprimeur Richardson pour sa Clarisse.
… C’est d’une telle supposition que les anciens ont tiré les plus terribles effets de leurs tragédies : ils attribuent à la fatalité les actions coupables d’une âme vertueuse ; cette invention poétique, qui fait du rôle d’Oreste le plus déchirant de tous les spectacles, l’esprit de parti peut la réaliser ; la main de fer du destin n’est pas plus puissante que cet asservissement à l’empire d’une seule idée, que le délire que toute pensée unique fait naître dans la tête de celui qui s’y abandonne ; c’est la fatalité, pour ces temps-ci, que l’esprit de parti, et peu d’hommes sont assez forts pour lui échapper.
A travers les romans chevaleresques et pastoraux, les élégies et les tragédies, la conception des troubadours s’étalera, s’épanouira, jusqu’à ce qu’elle rencontre ses formules définitives, philosophique dans Descartes et poétique dans Corneille, qui en feront saillir un élément de vérité.
Un homme capable de constater des analogies et des liens abstraits qu’on ne soupçonnait pas entre des formes et des images de la nature ; or, le critique véritable peut être ce poète, dans le domaine idéologique, et c’est parce qu’elles se sont élevées à cette haute compréhension de la critique que de grandes consciences poétiques comme Baudelaire, Carlyle, Mallarmé, ont été aussi des organismes critiques de premier ordre.
Mais sa curiosité émue s’attachait des mois à pénétrer une époque, une civilisation, un monde, à voir les paysages, à lire les chroniques, avant que sa verve poétique se plût à formuler en quatorze vers un moment d’histoire enfin possédé.
Le maniement poétique des concepts n’est pas le fait de nous poètes familiers, qu’aussi bien les idées générales « n’étouffent pas »… Ils auraient tort, dit-on, de s’adresser aux facultés logiques, c’est à la sensibilité, etc. — Mais qui dit ou qui fait le contraire ?
» Il aurait pu ajouter en guise d’exemple, que les plus grands génies poétiques dont s’honore l’humanité, Lucrèce, Virgile, Dante, Shakespeare, Goethe, furent instruits de la gnose22.
Il écrivit dans diverses revues poétiques et publia un recueil, L’automne, en 1886.
Originalité d’ordre poétique bien plus que d’ordre philosophique.
Le sentiment n’était-il pas mieux observé dans cette simple écume jetée au hasard, que lorsque nous lisons aujourd’hui : « Une terrasse couverte de quelques mûriers sépare le château de la plage de sable fin où viennent continuellement mourir, écumer, lécher et balbutier les petites langues bleues des vagues. » Remarquez, même aux meilleurs endroits, que ce qu’on nous donne ici comme le dernier mot, n’est pas plus vrai ni plus réel : c’est moins contenu, et dès lors moins poétique.
Mme de Sévigné travaillait de tout son pouvoir à le distraire : Nous tâchons d’amuser notre bon cardinal (9 mars 1672) : Corneille lui a lu une pièce qui sera jouée dans quelque temps, et qui fait souvenir des anciennes ; Molière lui lira samedi Trissotin, qui est une fort plaisante chose ; Despréaux lui donnera son Lutrin et sa Poétique : voilà tout ce qu’on peut faire pour son service.
Il faut pardonner à un vieillard déjà accablé de peines et d’infirmités, le ton faible et le style languissant de cette épître dédicatoire ; il faut même s’étonner de retrouver dans plusieurs des fables de ce douzième livre, une partie de son talent poétique, et, dans quelques-unes, des morceaux où ce talent brille de tout son éclat.
Quand il veut faire travailler à Pauline La logique de Condillac, lui faire apprendre par coeur L’art poétique de Boileau, dont il dira ensuite pis que pendre, ses conseils partent évidemment d’un fonds moins important, moins vraiment stendhalien que lorsqu’il veut lui faire prendre, en 1805, l’habitude d’analyser les personnes qui l’entourent (« l’étude est désagréable, mais c’est en disséquant des malades que le médecin apprend à sauver cette beauté touchante ») ou lorsqu’il contracte dans ses premières relations montaines l’aptitude à traduire par une algèbre psychologique les valeurs les unes dans les autres (" notre regard d’aigle voit, dans un butor de Paris, de combien de degrés il aurait été plus butor en province, et, dans un esprit de province, de combien de degrés il vaudrait mieux à Paris. " ) c’est à cette époque que Stendhal s’accoutume (héritier ici de Montesquieu qui ne paraît point, je crois, dans ses lectures) à rattacher instantanément un trait sentimental à un état social, à mettre en rapport par une vue rapide le système politique d’un pays avec ses façons de sentir.
Flaubert fait là un beau tableau lyrique de la vie poétique, un peu verbeux, mais profond, avec des premiers plans arides comme un désert, des lointains pleins de trésors et de beauté voilée. […] Il avait fait des études de médecine, avait été interne à l’Hôtel-Dieu, mais, fils et petit-fils de poètes locaux, le démon poétique l’avait touché. […] Et Bouilhet, qui est sa conscience et son autorité poétiques, le confirme dans ses sentiments. « Bouilhet est pénétré de ta Servante. […] Idée poétique qui se confond avec tout un courant d’idées religieuses orientales. […] Mme Arnoux se détachait sur un fond poétique et religieux.
Si je ne me trompe, cela doit tenir uniquement à l’effet poétique des noms et du décor italiens. […] Mais il suffit qu’elles ouvrent la bouche, et nous voilà ramenés aussitôt de ce monde idéal dans le petit monde français du xviiie siècle, avec Marivaux, poétique, si l’on veut, mais poétique à force de raffinements et d’élégances apprises. […] Elles y vivent d’une vie moins poétique, mais presque aussi réelle. […] Et vraiment, pour que l’on s’avise de trouver Marivaux poétique, il faut que le siècle soit bien profondément enfoncé dans la prose. […] Diderot ne pourra pas même écrire une poétique sans y parler en deux ou trois endroits de religion et de gouvernement ?
Peu de héros d’opéra, vous en conviendrez, atteignent cette hauteur poétique et morale. […] Mais les choses ne pouvaient rester toujours dans cette incertitude poétique ; il fallait ou que la légende tuât l’histoire, ou que l’histoire tuât la légende et l’épopée. […] C’est à l’hôpital qu’il composait ses vers ; il ne travaille plus guère que là ; son imagination poétique et bizarre lui charmait la grande salle froide et nue. […] Ce sont là, ce me semble, les premières élégances poétiques et mondaines du socialisme. […] J’ai là, sous les yeux, nombre de pages heureuses et faciles, d’une clarté à la fois géométrique et poétique.
C’est sur le terreau des mœurs corrompues et sous le fumier social qu’on fait pousser l’idylle, fleur d’arrière-saison, arrosée par l’art poétique. […] Horace, dans son Art poétique, a soin de distinguer le spectateur à jeun du public potus et exlex. […] Il ne voyait dans la préexistence des âmes, dans la chute et la métempsycose, que des mythes ingénieux, des métaphores poétiques. […] Les poétiques sont venues après Homère, et ce n’est peut-être pas du temps de Raphaël qu’on a le mieux parlé peinture. […] Oui, avec de l’ombre dessus ; cela fait repoussoir, en même temps que c’est poétique : ne se prend-on pas à rêver, sitôt qu’on est en nacelle sur un lac ?
Supposé qu’il ait prouvé que l’esthétique latente en quelque sorte du Discours de la méthode est la même qui, plus tard, a inspiré la poétique de Boileau, je lui demanderais donc de quel droit il élève ainsi le cartésianisme à la dignité de cause, tandis qu’il rabaisse la littérature classique au rang d’un simple effet de cette cause féconde. […] Krantz ne l’étudiera que dans l’Art poétique ; il nous reste Racine, et encore de Racine l’unique Bérénice ; il nous reste enfin Mme de La Fayette, ou plutôt la Princesse de Clèves. […] On l’obtient en prenant à la lettre l’opinion de Boileau, « qu’il n’est point de degré du médiocre au pire », et en la travestissant de façon à lui faire dire — quoiqu’il dise, et dans l’Art poétique, expressément le contraire — que le Tasse n’est pas plus près d’Homère que le bonhomme Chapelain. […] Et il apparaît clairement que bien loin qu’il y ait là rien de commun avec la déduction cartésienne, partant du « simple » pour descendre au « composé », c’est du complexe que l’on part, de l’observation des choses et de la connaissance de la vie, pour s’élever au point de généralisation qu’exige la vérité poétique. […] Les héros, n’ayant plus ce recul majestueux que donnait à ceux de Racine le poétique éloignement du temps ou de la distance, vivent de la vie de tout le monde.
» tandis qu’à son ami les études d’astronomie, de géologie et même de mathématiques, semblaient « remplies de suggestions poétiques ». […] Émile Grucker s’est appliqué à démontrer qu’en Allemagne, inversement à la marche habituelle, la poétique précède toujours la poésie. […] Lisez, pièce à pièce, les quinze volumes de vers qui constituent l’œuvre poétique et demandez-vous ce que chaque pièce veut dire. […] Je sais bien que la légende de Garibaldi, comme sa personne, est sympathique, poétique, etc. etc., et que ce sont choses à provoquer ces fièvres à la mode que tous éprouvent plus ou moins. […] Il a écrit ses vers au hasard, quand sa pensée se moulait sans effort dans la forme poétique, et il a dû être fort étonné lui-même de constater un jour qu’il en avait de quoi remplir quelques feuilles d’impression.
Mais Hamlet ou Hamnet, peu importe : on voit, dans divers actes, les deux noms couramment confondus ; seulement, comment voir dans cet acte de baptême la moindre trace d’intentions sombres ou de préoccupations poétiques ? […] Il s’est joué avec son sujet, et l’a laissé couler de sa brillante imagination revêtu des teintes poétiques qu’il y recevait en passant. […] Suivant Malone, le Songe d’une nuit d’été aurait été composé en 1592 : c’est une des pièces de la jeunesse de Shakspeare ; aussi a-t-elle toute la fraîcheur et le coloris d’un tableau de cet âge des rêves poétiques. […] Ainsi crée le poëte, et tel est le génie poétique. […] Le cinquième acte, il est vrai, est vide et froid, et les conversations qui le remplissent ont aussi peu de mérite poétique que d’intérêt dramatique.
Le plaisir si noble de dire des injures à des ennemis sans défense jette bientôt les Académiciens dans un transport poétique. […] Si Aristote ou l’abbé d’Aubignac avaient imposé à la tragédie française la règle de ne faire parler ses personnages que par monosyllabes, si tout mot qui a plus d’une syllabe était banni du théâtre français et du style poétique, avec la même sévérité que le mot pistolet, par exemple ; hé bien ! […] Aussi voyez-vous que Walter Scott, tout ultra qu’il est, et tenant à Édimbourg la place de M. de Marchangy à Paris, n’a garde de mettre de la politique dans ses romans ; il redouterait pour eux le sort de la Gaule poétique.
On ne lui permet pas de contempler les passions comme des puissances poétiques ; on lui ordonne de les apprécier comme des qualités morales. […] Du reste, comme l’aimable enfant a beaucoup de goût, l’imagination vive, une inclination poétique pour le changement, elle tient sa femme de chambre Pincott à l’ouvrage nuit et jour. […] Vous trouverez le même défaut dans leur critique toujours morale, jamais psychologique, occupée à mesurer exactement le degré d’honnêteté des hommes, ignorant le mécanisme de nos sentiments et de nos facultés ; vous trouverez le même défaut dans leur religion, qui n’est qu’une émotion ou une discipline, dans leur philosophie, vide de métaphysique, et si vous remontez à la source, selon la règle qui fait dériver les vices des vertus et les vertus des vices, vous verrez toutes ces faiblesses dériver de leur énergie native, de leur éducation pratique et de cette sorte d’instinct poétique religieux et sévère qui les a faits jadis protestants et puritains.
Ses beaux vers ou sa belle prose, peu importe, ne sont que la forme de ses idées, mais c’est l’idée seule qui est poétique, et Shakespeare a cette qualité du génie de plus ; il est poëte quelquefois comme Job, mais il l’est rarement ; et il tombe de son char comme Hippolyte emporté par ses coursiers, et il tombe très bas, par la faute de son parterre plus que par la sienne. […] Les vers, sans être poétiques, étaient de la plus vigoureuse satire. […] Nous ne l’analyserons pas, tout le monde la connaît, nous nous bornerons à citer pour tout commentaire les passages les plus saillants de ce langage poétique où il commençait à exceller.
Et c’est l’occasion pour le père de s’étendre sur l’atavisme, de se demander si le style ne vient pas d’un certain mécanisme du cerveau qui se lègue, et dont sa fille a hérité, car elle a toutes ses qualités de fabrication, jointes à « une essence poétique » qu’il confesse ne pas avoir, et qui doit faire d’elle, si elle continue, un poète remarquable. […] Dans le livre des Maisons vertes, je voyais une planche représentant des femmes du Yoshiwara, en contemplation devant la lune, par une belle nuit d’été, et l’écrivain du livre affirmait que ces femmes avaient un très remarquable sentiment poétique. […] Je crois qu’à l’heure présente, il y a peu de fêtes d’écrivain, où l’on fête de si haute littérature, et c’était charmant, l’espèce de griserie poétique qui nous avait tous pris, hommes et femmes.
Rodenbach croit plus tard, à un grand mouvement lyrique sur l’industrie, et il parle éloquemment des attitudes recueillies, de l’aspect presque religieux des occupations mécaniques, enfin d’une synthèse poétique du travail ouvrier, d’une étude au-delà de la simple photographie littéraire. Mardi 10 mai Le sommeil de la sieste : un curieux sommeil, où, au milieu de l’évanouissement de l’être, il y a, dirais-je, une perception poétique de ce qui se passe autour de ce sommeil. […] Vendredi 2 décembre Ce treillage, que j’ai fait élever au fond de mon jardin, a quelque chose, par les nuits claires, de la construction aérienne d’un rêve, et me rappelle le palais imaginaire, édifié dans le disque de la Lune, par Outamaro, en sa poétique illustration de : L’Admiration folle de la lune.
Pétrone, parlant d’un poëme de la Guerre civile, en esquisse largement la poétique en ces termes : « Il ne s’agit pas, dit-il, de comprendre en vers tout le récit des faits, les historiens y réussiront beaucoup mieux ; mais il faut, par de merveilleux détours, par l’emploi des divinités, et moyennant tout un torrent de fables heureuses, que le libre génie du poëte se fasse jour et se précipite de manière qu’on sente partout le souffle sacré, et nullement le scrupule d’un circonspect récit qui ne marche qu’à couvert des témoignages102. » On se ressouvient involontairement de cette recommandation en lisant les Argonautes ; non certes que les fables et les prodiges y fassent défaut : ils sortent de terre à chaque pas ; mais ici ces fables et ces prodiges sont, en quelque sorte, la suite des faits mêmes, et il ne s’y rencontre aucune machine supérieure, aucune invention dominante et imprévue, pour donner au poëme son tour, son impulsion, sa composition particulière. […] Il esquissait avec une hardiesse voilée de goût tout un programme poétique qu’il n’est pas interdit après plus d’un siècle de reprendre et de féconder.
On voit combien ces poètes s’enviaient les uns aux autres ces poétiques inventions. […] La hideuse description de sa folie, vantée comme un prodige de force poétique par les critiques italiens et même français, est selon nous une plaisanterie déplacée, plus propre à contrister le rire sur les lèvres qu’à le provoquer ; ce qui dégoûte cesse de charmer.
VI Son disciple, Platon, était un homme d’une tout autre nature : beaucoup plus lettré, beaucoup moins inspiré que son maître ; élégant, éloquent, poétique, épilogueur, rêveur, dissertateur, nuageux en philosophie, utopiste en politique ; espèce de J. […] Ces ancêtres, selon nous, qui avons profondément scruté l’Orient religieux, philosophique et poétique, se retrouvent d’abord au fond de l’Inde primitive, puis au fond des dogmes, encore indiens, de l’Égypte.
Ce fut un des plus beaux naufrages poétiques que l’histoire de la littérature ait enregistrés. […] Musset, qui fut l’enfant terrible du romantisme, s’est amusé à railler ces théories nébuleuses et ces fièvres poétiques où les illusions et les rêveries de la jeunesse x se mêlent toujours à une petite dose d’idées sérieuses et fécondes171.
Tous les auteurs dramatiques ont, souvent sans une pleine conscience, compris ainsi le drame ; mais, au-dessus de tous, le plus extraordinaire, Shakespeare, qui n’a aucune ressemblante à ses devanciers, et qui nous donne, non le drame poétique ou une œuvre d’art, mais la représentation immédiate du monde. […] Mais nous savons que jamais les vers d’un poète, pas même de Schiller et de Goethe, ne pourraient donner à la musique cette précision qu’elle demande ; seul peut la donner le Drame, et non point, certes, le poème dramatique, mais le Drame se mouvant réellement devant nos yeux, l’image devenue visible, de la Musique, où les mots et les discours appartiennent, seulement, à l’Action, non point à la Pensée poétique.
Un fait évident et caractéristique : en nulle œuvre autant qu’en le Rheingold et la Walküre la partie poétique et la décorative ne sont plus importantes, plus parfaites. […] Dans les seules scènes se rapportant directement à Wotan, la parole apparaît de nouveau et évoque devant nous la vision du dieu… mais, pour le reste, Wagner sur le poème a construit la symphonie la plus grandiose — peut-être — que jamais il ait écrite… Au fond, il n’y a qu’une chose ici : la musique… On sait qu’à la fin du drame il y avait des vers résumant l’idée poétique du Ring, et que Wagner, lorsqu’il vint à parachever la musique, les supprima ; il les a supprimés, nous dit-il, « parce que c’eût été essayer de substituer à l’impression musicale une autre impression », et « parce que le sens de ces vers est exprimé par la musique avec la plus exquise précision… » Ainsi apparaît décisif ce couronnement du tétraptyque wagnérien par l’unique et glorieuse musique.
la page s’ouvrit sur une de ces merveilleuses allégories poétiques dans lesquelles la poésie sacrée des Hindous incarne ses dogmes d’universelle charité. […] XXXIII Aussi, avant d’entrer dans l’appréciation des œuvres purement poétiques de l’Inde, laissez-moi vous donner brièvement un avant-goût de sa philosophie et de ses notions morales sur Dieu, sur l’âme, sur l’homme, sur les rapports de l’homme avec Dieu et de l’homme avec l’homme ; vous verrez si de telles notions, chantées en vers ou rédigées en dogmes et en codes, sont un indice de cette prétendue barbarie primitive que les philosophes de la perfectibilité indéfinie et continue attribuent à cette enfance du monde.
On joindra à la lecture des Institutions de Quintilien, quelques chapitres choisis du Traité des études, de Rollin ; Le Cours de belles-lettres78 , de l’abbé Batteux ; L’Orateur, de Cicéron ; La Poétique, d’Aristote ; La Poétique, d’Horace.
Le spiritualisme apparent de l’inspiration d’Edgar Poe est du matérialisme, passé au filtre d’un esprit poétique, mais l’Amérique, la nation matérialiste par excellence, ne pouvait pas avoir un fils plus pur. […] Il est le Spallanzani poétique qui galvanise encore les imaginations mortes ou qui vont mourir… Lui et son traducteur Baudelaire, qui l’a traduit deux fois, dans ses œuvres et dans sa vie, quoique la sienne ne fût pas comparable à celle du poète et du conteur américain, Edgar Poe et Baudelaire, que d’aucuns déjà appellent le grand Baudelaire, sont si bien étreints dans la préoccupation et l’admiration universelles, que des publications comme celle d’Émile Hennequin ne seraient pas capables d’entamer leur gloire ou de la diminuer.
Quand tout changeait autour d’elle et que la littérature à la mode se surchargeait de vaines recherches d’école, l’Armorique un peu arriérée et cantonnée restait fidèle à la vieille forme poétique comme aux vieilles mœurs ; elle restait surtout fidèle à ce courage qui est toujours prêt en France à renaître et à sortir quelque part de terre, quand les grands raisonneurs disent qu’il a disparu.
Et revenant aux peintres flamands, il s’attache à montrer que leur faire n’est pas, comme on l’a dit, toute réalité, mais bien plutôt tout expression ; que ce faire est « plus fin, plus accentué, plus figuré, plus poétique qu’aucun autre, et si éloigné d’être servilement imitatif de la nature, que c’est par lui au contraire que nous apprenons à voir, à sentir, à goûter dans une nature, d’ailleurs souvent ingrate, ce même charme que respirent les églogues de Théocrite et de Virgile ».
Nos spirituels ou poétiques auteurs de petites comédies, de proverbes, de spectacles dans un fauteuil, ont reconnu en Marivaux un aîné sinon un maître, et lui ont rendu plus d’un hommage en le rappelant ou en l’imitant.
Je trouve que la terre de Naples est tout à fait poétique, et ses habitants rappellent incontestablement les Grecs, leurs fêtes et leurs usages : l’État pontifical me paraît avoir un aspect différent ; les Romains ont quelque chose de plus sérieux et qui est en rapport avec l’idée que, généralement, on se fait de leurs ancêtres.
L’auteur évidemment y abonde dans son sens : « Chacun, a dit Mme de Staël, se fait la poétique de son talent. » M.
Jamais le sentiment mystérieux de l’âme des choses et de la vertu matinale de la nature, jamais la poétique et sauvage jouissance qu’elle fait éprouver à qui s’y replonge et s’y abandonne éperdument, n’a été exprimé chez nous avec une telle âpreté de saveur, avec un tel grandiose et une précision si parfaite d’images.
Ils parlaient bien, ils raillaient avec grâce, avec tour, ils jouaient d’un trait bien appuyé, bien acéré, et tout d’un coup, sans qu’on sache pourquoi, un petit délire soi-disant poétique les prend, ils s’arment d’un violon de village et font, pendant une minute ou deux, un crin-crin qui écorche les oreilles.
C’est une loi en effet : chez les nations qui n’avaient pas l’imprimerie, sous les gouvernements qui n’avaient pas leur Moniteur, il arrivait très vite que les personnages glorieux qui avaient frappé l’imagination des peuples et remué le monde, livrés au courant de la tradition et au hasard des récits sans fin, se dénaturaient et devenaient des types purement poétiques.
Il parle de Rome avec plus d’apprêt que Tite-Live, mais avec la même majesté poétique.
« Il avait la variété des tons, et passait du plaisant à l’accent élevé et poétique. » A ce portrait d’Halévy, tracé par M.
Lisez tout haut le paragraphe qui suit, en le scandant comme une prose poétique, et vous serez frappé du ton et du nombre : « Souvent, au milieu du jour, le soleil perdait ses rayons tout à coup.
Ce qu’il faut dire à son éternel honneur, c’est qu’il partit prévoyant sa fin, ne se faisant pas plus illusion alors que le premier jour sur le caractère et les défauts de ceux qu’il allait servir, s’étant tout dit sur les lenteurs et les misères de tout genre inhérentes à une telle entreprise : « Je n’ai pas de bourdonnement poétique aux oreilles, je suis trop vieux pour cela ; des idées de ce genre ne sont bonnes que pour rimer. » — « Je ne m’aveugle pas sur les difficultés, les dissensions, les défauts des Grecs eux-mêmes ; mais il y a des excuses pour eux dans l’âme de tout homme sensé.
On remarquera pourtant dans son poëme En Médoc une veine poétique amoureuse assez délicate, un talent de description harmonieux et nuancé ; voulez-vous, par exemple, une charmante aurore ?
Ce qui s’oppose le plus à l’impression poétique en présence des personnages trop voisins de nous, c’est la moquerie, l’ironie, ce grand dissolvant des temps modernes, comme on l’a appelé.
Jean Passerat, de Troyes (1534-1602), fut professeur au Collège Royal, et l’un des auteurs de la Ménippée.Editions : Œuvres poétiques, 1616 ; éd.
Jamais Ronsard ne fut mieux inspiré, plus simplement grand, éloquent, passionné, tour à tour superbement lyrique ou âprement satirique que dans ses Discours : jamais sa langue n’a été plus solidement et nettement française, son alexandrin plus ample et mieux sonnant ; jamais il n’a donné de meilleure expression de ses théories poétiques, auxquelles il ne songeait plus guère alors.
La Poétique de Scaliger est le chef-d’œuvre de ces codifications dogmatiques dont la principale erreur était de prendre les règles pour une méthode infaillible, pour les conditions nécessaires et suffisantes de la perfection littéraire.
Ceux qui croient que la vérité est une non seulement en morale, mais en religion, en politique, en tout, qui croient posséder cette vérité en eux et la démontrer à tous par des signes clairs et manifestes, voudraient à chaque instant que la littérature ne s’éloignât jamais des lignes exactes qu’ils lui ont tracées ; mais comme il est à chaque époque plus d’une sorte d’esprits vigoureux et considérables (je ne parle ici ni des charlatans ni des imposteurs) qui croient posséder cette vérité unique et absolue, et qui voudraient également l’imposer, comme ces esprits sont en guerre et en opposition les uns avec les autres, il s’ensuit que la littérature, la libre pensée poétique ou studieuse, tirée ainsi en divers sens, serait bien embarrassée dans le choix de sa soumission.
« Je ne me fais pas illusion, dit-il, sur mes œuvres poétiques.
Et puis l’un est pur et simple imitateur, copiste d’une nature commune ; l’autre est, pour ainsi dire, le créateur d’une nature idéale et poétique.
Léon Tolstoï fait remarquer, et c’est pour lui un critérium, que Shakespeare est un bien mauvais poète dramatique, puisqu’il n’a qu’un style, oratoire, poétique, lyrique, pour tous ses personnages, d’où conclusion que Shakespeare n’est pas, à proprement parler, un poète dramatique.
Si pur, si essuyé qu’il soit, l’amour de l’enfant est chez lui matériel, physique, animal, et les milieux élégants, poétiques, colorants qu’il traverse, n’y font rien.
Il a dépouillé sa poésie, il est resté simple orateur ; son style est devenu plus mesuré ; et cependant sa jeunesse parfois lui revient ; il s’enflamme encore ; on sent alors qu’il oublie ses auditeurs ; il voit son idée se lever devant lui ; il s’éprend d’amour pour elle ; il retrouve son enthousiasme ; il écrit cette phrase dont j’entends d’ici l’accent transporté et poétique.
Mais cela prouve tout simplement qu’ils appartenaient à des époques où la création poétique avait cessé d’être primesautière et inconsciente ; cela ne prouve pas que la critique comme telle, la critique chez ceux qui ne sont que critiques, ait, sur la production du génie des poètes, le moindre droit d’aînesse et de suprématie. […] Je sais des critiques d’une pénétration, d’un esprit poétique, d’une sagacité qui surpassent ceux-là même dont la destinée est de laisser à l’âge suivant le compte de notre état intellectuel38. […] C’est une forme fréquente de l’étourderie, chez les commentateurs, de dire : « Tel ouvrage a montré ce qu’on n’avait pas vu encore… Tel écrivain est le premier qui.. » Boileau a donné l’exemple et le modèle de ces façons inconsidérées de parler, dans le passage fameux de son Art poétique où il prétend que Malherbe, le premier, fit sentir dans les vers une juste cadence et que par lui les stances apprirent à tomber avec grâce. […] Calculez les conséquences d’une telle méprise dans l’intelligence d’Aristote et dans la constitution de l’art poétique ! […] Qu’on le sache ou qu’on l’ignore, qu’on y cède et s’y plaise ou qu’on y résiste, penser c’est toujours imaginer, et le dernier des diseurs de riens est poète dans son rabâchage, comme Platon ou comme Shakespeare dans leurs inventions, puisque l’esprit avec lequel Bouvard et Pécuchet croient penser n’est qu’un vieil artisan d’images matérielles dont la seule infériorité poétique est d’être toutes fanées et flétries par un usage de soixante siècles.
Ce n’est que dans un siècle aussi poli, aussi galant que celui de Louis XIV, que le génie poétique a pu dessiner cette figure presque divine de l’Andromaque française, qui semble transporter dans notre littérature moderne les miracles de la sculpture antique. […] Boursault nous apprend que l’auteur de l’Art poétique avait la physionomie très expressive ; ce qui semble prouver qu’il était plus sensible que ne l’ont cru certains philosophes égoïstes qui n’avaient que la sensibilité de l’amour-propre. […] Par quelle règle de l’Art poétique est-il ordonné aux personnages tragiques de ne rien faire que de noble ? […] Lamotte, qui n’avait pas une étincelle de génie poétique, a décoché tous ses sophismes contre ce vers fameux : Le flot qui l’apporta recule épouvanté. […] Oui, tandis qu’on enlève aujourd’hui avec une espèce de fureur des nouveautés poétiques assez médiocres, seulement parce que l’auteur a un nom, l’Athalie de Racine resta dans la boutique du libraire.
Chapelain, après examen, rendit cet arrêt : « L’ode est fort belle, fort poétique, et il y a beaucoup de stances qui ne se peuvent mieux. […] Parthénice était le nom poétique que le jeune abbé Le Vasseur donnait à mademoiselle Lucrèce. […] Ce que Shakespeare avait fait pour l’amour dans trois ou quatre de ses drames, là-bas, sous une autre forme et selon une autre poétique, Racine, à vingt-sept ans, l’a fait chez nous. […] Nulle part Racine ne s’est mieux souvenu du dialogue en vers iambiques de Sophocle et surtout d’Euripide, dialogue où le rythme soutient les familiarités du langage et, par sa continuité, permet de passer insensiblement de ces familiarités mêmes aux expressions les plus poétiques. […] Ce sont d’admirables légendes tragiques, oui, mais poétiques aussi.
Ce sont quelques-unes de ces causes que je voudrais essayer de mettre en lumière, les plus générales, celles qui se lient le plus étroitement à la définition du génie national et classique, en m’aidant pour cela de la récente édition des Œuvres poétiques de Bertaut, donnée par M. […] Boileau lui répondit dans le troisième chant de son Art poétique. […] Mais on voudrait qu’il y eût appuyé davantage, et qu’il eût plus éloquemment célébré la « beauté » du christianisme, sa richesse poétique, la fécondité de son inspiration. […] On peut s’inspirer des mystères de la foi pour en chanter la profondeur ou l’obscurité dans une ode ; on ne peut pas en faire des « machines poétiques » ; et quiconque se le permettra sera toujours suspect d’avoir une religion plus sentimentale que solide. […] Une science hérissée de calcul transformée en tableaux, enchante l’ignorance qui la comprend, étend à l’infini le champ usé des vérités et des fictions poétiques, et agrandit la création de nouveaux mondes11. » Remarquez cette dernière phrase.
Ces livres, ce sont les Kings, livres sacrés, espèce de Védas de l’Inde, triple recueil religieux, législatif, littéraire, poétique même ; il contient les dogmes, les rites, les lois, les chants d’un peuple anéanti et renaissant. […] » dit-il au disciple en langage poétique et rhythmé et en s’accompagnant encore de sa lyre, « la montagne de Faij (la tête) s’écroule, et je ne puis plus lever le front pour la contempler.
Ce fut ainsi dans la famille poétique du Tasse, dont le père était déjà un poète de seconde inspiration ; ainsi, dans la famille de Mirabeau, dont le père, et surtout les oncles, étaient des orateurs naturels et sauvages, plus frustes, mais peut-être plus natifs que le neveu ; ainsi de Cicéron et de beaucoup d’autres. […] Ce fut l’époque poétique de sa vie ; le loisir et l’infortune le refirent poète.
Aussi, tandis que la leur apparaît surtout comme analytique, critique, négative, destructive, la sienne fait l’effet d’être synthétique, poétique, positive, constructive. […] Et leurs amours se développent en émotions poétiques plutôt qu’en analyses psychologiques : rien de plus édifiant à cet égard que la promenade à la retraite de la Meilleraie567 ; les impressions des deux amants sur ce lac, parmi ces rochers qui ont été témoins de leur passion maintenant assagie, épuisée, toujours délicieuse, cette joie mêlée d’un sentiment mélancolique de l’irréparable écoulement des choses et de l’être, c’est le thème, et plus que le thème, du Lac de Lamartine.
Pour des sommes très modiques qu’il faut que je gagne, parce que sans cela je mourrais de faim, je ne dis que la moitié du quart de ce que je pense… et encore je risque, à chaque phrase, d’être traîné derrière les tribunaux. » * * * — Une jeune fille de ma connaissance a eu la plus fraîche, la plus délicate, la plus poétique imagination de cœur. […] Le couvent développe chez les jeunes filles, destinées à être des femmes d’ouvriers, des côtés poétiques, hostiles au foyer laborieux.
Cette négation de tout le passé théologique, philosophique, poétique, architectural, historique même, de l’humanité antérieure à nous, leur est nécessaire ; car, sans cela, comment pourraient-ils se justifier à eux-mêmes cette progressivité indéfinie et continue de l’esprit humain, progressant de Brahma, de Job, de l’Égypte, de la Judée, de la Grèce et de Rome, jusqu’à Paris, au siècle de Louis XV, et au nôtre ? […] Job, selon moi, était évidemment un de ces fils de la famille patriarcale et pastorale de l’Idumée, plus imbu que ses contemporains des traditions et des vérités de souvenir de la race primitive, et parlant aux hommes, on ne sait combien d’années après le déluge, la langue philosophique, théologique et poétique que nos premiers ancêtres avaient comprise et parlée avant le cataclysme physique et moral de l’humanité.
L’exemple fut suivi : le roman poétique nous est revenu, avec Pour l’amour du laurier de M. […] Mettons que dans les vers il y ait une trouvaille par strophe ; dans sa prose il y en a une par mot : une trouvaille “poétique”.
On aurait voulu dans l’Histoire de Bretagne plus de couleur et d’imagination populaire, plus de souffle poétique et de vie, — cette vie dont on a depuis tant abusé.
Cette prévention, déjà vaincue en physique et dans les matières de science, subsiste encore en littérature : Homère et Aristote sont les deux grands noms, les deux idoles encore debout sur le seuil de la rhétorique et de la poétique.
Le duc de Bourgogne tient naturellement une grande place, la plus grande, dans cette correspondance de Fénelon, en ces années, et c’est le côté aussi qui nous intéresse le plus ; c’est comme un jour à demi poétique et romanesque qui nous est ouvert sur l’histoire.
… Éternelle poétique, principe, entretien et règle supérieure des vrais talents, vous voilà établie en passant dans un sermon de Bossuet, au moment même où Despréaux essayait de vous retrouver de son côté dans ses Satires.
J’aime bien ces vins qui ont corps, et condamne ceux qui ne cherchent que le coulant à boire de l’eau. » Tout en se piquant, et avec raison, de n’être point coulant de style et d’être plutôt rude et fort de choses, d’Aubigné ne s’interdisait pas d’être recherché et alambiqué au besoin en certaines de ses productions poétiques.
Noblesse et vérité, c’est là toute la poétique de Léopold Robert, et qu’il ne songea à s’exprimer à lui-même que successivement et après l’œuvre : « La noblesse sans la vérité, pensait-il, n’est plus qu’une singerie qui ne peut plaire aux véritables connaisseurs. » La vérité sans noblesse est un autre écueil : Si je copie juste ce que je vois, je sens que je ferai un tableau plat… Si on se contentait de faire vrai, on se contenterait aussi de copier servilement le modèle que l’on a sous les yeux ; mais, aussitôt que l’on veut ajouter à cette qualité de l’élévation et de la noblesse, c’est une difficulté bien plus grande ; on peut tomber dans la manière, qui est l’opposé de ce qu’on doit chercher.
Elle n’a pas à se plaindre pourtant et n’a rien à envier même à la belle Gabrielle, au moins si l’on en juge, comme aime à le faire la postérité, au point de vue poétique et littéraire ; car assurément la plus ravissante lettre de Henri, la plus développée et la plus épanouie, celle où il se montre le mieux à nous dans un intervalle de paix pastorale et tendre et de repos, lui est adressée ; c’est la lettre où il lui décrit le pays de Marans sur la Sèvre Niortaise ; la voici, — voici ce coin de paysage délicieux : J’arrivai hier soir de Marans, où j’étais allé pour pourvoir à la garde d’icelui.
Il a plus tard esquissé, sans le terminer, un éloge du comte duc dans lequel on lit cette magnifique définition de la monarchie espagnole : « Celui-ci, au rebours (des ministres précédents plus favorisés), a toujours cheminé avec un vent contraire : parmi les ténèbres, et lorsque le ciel était couvert de toutes parts, il a tenu sa route au milieu des bancs et des écueils, et durant la tempête et l’orage il a eu à conduire ce grand vaisseau dont la proue est dans l’océan Atlantique et la poupe dans la mer des Indes. » Mais ce n’est là qu’un trait de talent et une belle image, comme l’écrivain doué d’une imagination poétique peut en trouver.
Ces journées de fermentation poétique étaient toujours suivies de quelque beau poème.
L’homme de lettres, s’il avait été un moment primé par l’homme de passion et de combat, se réveilla alors en lui avec toutes ses inquiétudes, et il essaya de donner un dernier témoignage de soi, de ses idées et de son talent dans une production suprême ; il y réussit en 1833 par quelques pièces fort belles du Recueil qu’il publia, et qui, moins populaire que les précédents, eut un succès poétique et littéraire.
le changement de gamme poétique et morale est-il assez sensible ?
Son fils unique, qui semblait destiné, si l’on en juge par les éloges et les regrets qu’il inspira, à faire refleurir la tige poétique des Racine, périt dans un voyage, victime du tremblement de terre de Lisbonne, à l’âge de vingt et un ans (1755).
Je suis loin de prétendre interdire aux artistes l’entrée et la conquête poétique de cet Orient, dans lequel, dit-on, l’état mental de l’humanité est un peu différent du nôtre.
Mais je me souviens trop bien des phases morales par lesquelles j’ai passé dans ma jeunesse, de mes sensibilités et de mes inconstances poétiques, de l’âge où j’ai rêvé les Consolations de celui où j’ai écrit Volupté et nombre de pages de Port-Royal , pour avoir jamais la prétention de m’offrir à l’état d’un type quelconque.
Jacques Des Sauts, quand il serait de quelque chose à Chactas, ne rendrait pas celui-ci moins étonnant, ni moins invraisemblable, et j’ajouterai, ni moins poétique.
Lorsqu’une œuvre puissante, marquée de beautés fortes, poétiques, chargée aussi de bizarrerie et d’excès, se pose devant lui, il peut la méconnaître ; mais dès qu’une production parfaite se présente, il dit du premier coup : C’est cela !
La Fontaine, il est vrai, se méprenait un peu sur lui-même ; il se piquait de beaucoup de correction et de labeur, et sa poétique qu’il tenait en gros de Maucroix, et que Boileau et Racine lui achevèrent, s’accordait assez mal avec la tournure de ses œuvres.
Au dedans, cette œuvre est une image plus ou moins vague, celle d’une ligne élancée, puis épanouie ; au dehors, elle est l’attitude et le geste imitatif du corps ; dans le langage primitif, chez les peuples enfants, à l’origine de la parole, elle est une autre imitation poétique et figurative, dont nous retrouvons çà et là des fragments ; aujourd’hui, elle est un simple mot appris, pure notation, reste desséché du petit drame symbolique et de la mimique vivante par laquelle les premiers inventeurs, véritables artistes, traduisaient leurs impressions.
La langue poétique, sauf dans quelques morceaux de Villon est inférieure à la prose, en proportion de ce que la poésie a plus besoin d’idées générales de types, d’idéal, que la prose.
Ce qu’il en dit montre que le principe de cette œuvre n’est nullement original et qu’elle ne doit se développer que comme très ingénieuse et intéressante compilation recréée par un esprit poétique, délicat et éminemment subtil, des conceptions idéales à priori.
Il y a au contraire une surprise agréable à saisir des ressemblances nouvelles : de là le plaisir que nous causent les comparaisons poétiques ou l’application pratique de quelque découverte au bien-être de la vie.
Au point de vue littéraire et poétique, il ne faudrait voir Chaulieu que de cette manière, tout à fait vieux, et devenu dès lors aussi tout à fait honnête homme, assis sous ses arbres de Fontenay ou à l’ombre de ses marronniers du Temple.
Le rayon poétique lui a toujours manqué.
— Gavarni nous dit aujourd’hui : « Vous ne savez pas ce que c’est que les mathématiques et l’empoignant qu’elles ont… La musique, n’est-ce pas, est le moins matériel des arts, mais encore il y a le tapement des ondes sonores contre le tympan… Les mathématiques sont bien autrement immatérielles, bien autrement poétiques que la musique… On pourrait dire d’elles que c’est la musique muette des nombres !
Autre chose est le génie religieux et le génie militaire, le génie de spéculation et le génie d’action, le génie scientifique et le génie poétique.
Ce qui nous fait sortir de la vie où nous sommes, ce n’est ni la littérature, si romanesque ou si poétique qu’elle puisse être, ni la peinture, ni la sculpture, c’est l’architecture et la musique, aux deux pôles, pour ainsi dire, de l’art : l’architecture qui, tout compte fait et quoiqu’on ait pu dire, ne copie rien et n’est que combinaison de belles lignes tout abstraites et tirées de notre conception intime et pure des belles lignes ; la musique qui ne copie rien et qui ne peint que des états d’âme et qui ne suggère que des états d’âme.
Et, dans ce cas-là, il y aurait encore la question de la ressemblance et de la vérité à débattre… Mais si cette Rolande, qui est la reine de ce roman et qui doit emporter avec elle l’intérêt humain du livre, au lieu d’être un monstre social n’est plus qu’une exception, un fait particulier de tératologie, enfin un monstre individuel, le chêne n’est pas responsable des champignons vénéneux qui croissent sur ses racines et je n’ai plus rien à dire à des romanciers qui ont — selon ma poétique, à moi — le droit de tout peindre, s’ils sont vraiment des peintres puissants… Seulement, il reste ceci entre nous : ont-ils peint leur monstre individuel avec le sentiment qu’ils auraient dû mettre dans leur peinture pour qu’une telle horreur fût sauvée par la beauté de la peinture et par l’impression, tragiquement morale, qu’elle devrait laisser dans les cœurs ?
[Suit une longue dissertation sur le grotesque]… Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes.
Son grand besoin est de voir clair ; il veut toujours se rendre compte, et dans la discussion dit quinze fois par heure : « Je n’entends pas. » Un peu sceptique, parfois moqueur, destructeur par occasion, surtout en matière d’illusions poétiques et métaphysiques, il a des habitudes d’algébriste, et a copié de sa main la Langue des calculs.
La poétique des contemporains de Parny était à la fois un classicisme affaibli et le premier symptôme de la corruption future. Lamartine hérite de cette poétique et l’anime d’un souffle divin. […] La naturelle et amoureuse jalousie dont il parle, l’avait-elle mordu, un instant, de façon à le rejeter dans le passé poétique de son idole, en lui faisant préférer les essais aux ouvrages enfin mûris ? […] « On assure, — disent les journaux, — qu’un garage d’automobiles avait été installé, en ces dernières années, dans la maison de Juliette, et l’on croit que la trépidation de ces engins brutaux a pu hâter sa ruine. » Avant ce coup de grâce de l’automobilisme, la poétique demeure avait sans doute reçu, dans le cours des siècles, d’autres blessures, moins tangibles, mais aussi cruelles : par exemple, le contact de la vulgarité morale. […] * … Ma mémoire a toujours gardé minutieusement le souvenir des circonstances et du décor qui entourent la naissance de mes divers ouvrages poétiques.
Pour cela, il faut renoncer à tout prix au style banal, au style poétique, qui est le style obligatoire des prédicateurs. […] Le talent poétique consistant surtout dans l’expression, plus un poète est original, plus il semble difficile à traduire. […] On peut comparer ce style poétique avec celui du vrai Flaubert (dernier texte) en relisant ce que dit Quinet de la Pythie (p. 359 et 303) et la tirade du désert (p. 129) 17. On peut comparer ce style poétique avec celui du vrai Flaubert (dernier texte) en relisant ce que dit Quinet de la Pythie (p. 359 et 303) et la tirade du désert (p. 129) 18. […] Il ne faut pas confondre ce genre de répétition avec le parallélisme biblique (le deuxième verset paraphrasant le premier) qui est un rythme poétique tout différent.
Le témoin véridique, de qui le mot m’est venu, n’en avait entendu que la lettre, et n’en saisissait ni le poétique ni le figuratif. […] On trouve, en les considérant dans leur entier, bien des inconséquences et de fausses voies, mais aussi des sillons lumineux, des saillies franches, des traces sincères : moins honorables que les précédents, ils sont plus intéressants et touchants ; l’imagination les aime ; je les vois surtout romanesques et poétiques. […] Oui, Boileau, de son vivant, triomphe : il est réputé législateur à satiété ; son Art poétique a force de loi ; la Déclaration des Droits n’a pas mieux tué les privilèges que ce programme du Parnasse n’a tué l’ancien mauvais goût.
Il n’était pas plus né métaphysicien qu’il n’était né poète, mais il avait des aptitudes métaphysiques comme il avait des facultés poétiques. […] C’est toujours et partout le philosophe du xviiie siècle, le matérialiste, l’athée de son temps, avec sa fausse morale, sa fausse vertu, sa fausse sagesse, son faux langage, tout cela plus faux encore que sa fausse poétique. […] Quand on lit, dans ses œuvres et dans ses théories, l’importance inouïe qu’il donnait à la chose dramatique, on s’étonne qu’il eût retranché la versification de sa poétique du drame ; car il était poète, ou, pour parler plus justement, cet homme, qui ne doutait de rien, avait l’insolente prétention d’être poète, dans sa vaniteuse universalité.
Pourtant les grands philosophes de l’antiquité couronnaient leur système du monde par une poétique, et ils faisaient sagement. […] C’est grand dommage ; et pourtant ces présages d’une fin prochaine apportent un attrait puissant : il n’y a de cher que ce qu’on craint de perdre ; il n’y a de poétique, hélas ! […] Et il y a beaucoup de croix de Jeannette dans ces bijoux poétiques. […] « … Rien n’est moins poétique que la nature. […] C’est une histoire écrite avec une bonne foi parfaite, un tour poétique et singulier, un enthousiasme qui ne lasse jamais parce qu’il n’est jamais banal, et aussi une certaine fantaisie dont la page qu’on va lire donnera l’idée.
C’est même une des premières recommandations que fait Horace en son Art poétique, d’être plein de réserve et de délicatesse dans l’emploi des mots : In verbis etiam tenuis cautusque serendis ! […] Cette poétique du doute si hardiment développée, et développée à haute voix, en plein théâtre, nous causait une espèce d’épouvante dont nous n’avions jamais eu la pensée ! […] Le bruit de ces fêtes, le bruit de ces amours expiées, ces improvisations de Molière et de Lulli, son camarade, et non moins que le souvenir de ces fêtes, ces aimables et chers souvenirs de l’histoire de Versailles : La Vallière, Montespan, dont le nom se mêle encore aux souvenirs poétiques du grand siècle, nous ramènent aux drames sans fin dont les amours de Louis XIV ont été le sujet, et parmi ces drames (car il faut que l’on sache de quelle façon ces royales amours ont été traitées), j’en choisis deux, un drame de la Gaîté, c’est-à-dire un drame quasi-français, et un drame anglais, écrit en anglais, par un bel esprit célèbre de l’Angleterre, M. […] Ajoutez que ce Molière parle un patois vif, alerte et vrai ; même il parle tous les genres de patois, comme un digne enfant des Halles : Tout lui va, le patois de la ville et celui du village, le patois des provinces, la vraie langue des franches natures, la langue qu’il nous faut protéger contre Despréaux, ce dédaigneux qui posait l’Art poétique comme la borne qui ne veut pas qu’on aille plus haut, ou plus loin.
Par cela seul qu’il juge quelquefois, qu’il admire ou raille certaines choses, qu’il a des prédilections et des antipathies marquées, on peut extraire de ses articles le pourquoi de ses sentiments, les causes qui les déterminent, autrement dit sa poétique et sa rhétorique. […] Et il insinue que le xviie siècle et même le xviiie pourraient bien avoir été tout aussi poétiques, quoique autrement, que celui où nous vivons. […] c’est là philosophie poétique, qui n’est pas tenue d’être très précise. […] Il réduit au minimum la part de la pensée dans une œuvre poétique. […] Il est altéré d’amour éternel, passionné, poétique, et son expérience de la vie parisienne le conduit à considérer l’amour comme un mensonge ou comme un mystère du corps qui dévore la force et la pensée des jeunes hommes36.
Il était difficile, à moins d’un grand et beau hasard, c’est-à-dire de l’apparition d’un grand génie, chose dont on n’a jamais su ce qui la produit, que ce siècle fût un grand siècle poétique. […] Que ce n’ait été ni un siècle poétique, ni un siècle philosophique, il nous le faut confesser ; mais c’est un siècle initiateur en choses de sciences, et l’annonce et la promesse, déjà très brillante, de l’âge scientifique le plus grand et le plus fécond qu’ait encore vu l’humanité. […] Il ne devait pas se plaire dans la peinture des trop vils coquins ; car il était très honnête homme, et, notez ce point, très rassis d’imagination et très simple d’attitudes, n’ayant point, par conséquent, ou ce goût du vice qui est un travers de fantaisie dépravée chez certains artistes d’ailleurs bonnes gens, ou cette affectation de tenir les scélérats pour personnages poétiques, qui est démangeaison puérile de scandaliser le lecteur naïf chez certains artistes d’ailleurs très réguliers et très bourgeois. — Restait qu’il fût un bon réaliste en toute sincérité et franchise, sans écart ni invasion d’un autre domaine, et bien chez lui dans celui-là. […] Avec son manque de profondeur, et d’imagination, et de sensibilité, c’est tout ce qu’il pouvait voir, et il s’en est fait une poétique, qui est bonne, qui est saine, qui est incomplète et qui est tout ce qu’il y a au monde de plus stérile. […] Prenez ce qui est comme l’enveloppe de la poétique du xviie siècle : trois unités, distinction rigoureuse des genres, noblesse de ton, merveilleux, éloquence continue, toutes choses qui sont des effets de la conception artistique du grand siècle, et non cette conception même ; et cette sorte d’enveloppe et d’écorce, désormais sans substance et sans sève, prenez-la pour l’art lui-même ; ayez cette illusion ; vous aurez celle de Voltaire, et l’explication, du même coup, de ce qu’il y a, manifestement, d’artificiel, de sec, d’inconsistant et de creux dans l’art de Voltaire et de son groupe.
[NdA] Dans le premier chant de Childe-Harold, Byron ou le héros-poète en qui il se personnifie a trouvé moyen de quitter sa terre natale d’une manière poétique et toute à lui.
Duclos a prononcé sur lui-même un mot qui explique le manque absolu de charme par où pèchent ses romans : « Je les aimais toutes, dit-il en parlant des femmes, et je n’en méprisais aucune. » Lorsqu’on pense ainsi des femmes, eût-on le génie poétique d’un Byron dans Don Juan, il est difficile qu’on nous intéresse particulièrement à aucune : qu’est-ce donc lorsqu’on est, comme Duclos, la prose même ?
Dans le genre plus classique de Didon et d’Ariane, dans les romans du ton et de la couleur de La Princesse de Clèves, on prodigue moins les balles et les coups mortels, on a les plaintes du monologue, les pensées délicates, les nuances de sentiment ; quand on a poussé à bout l’un des genres, on passe volontiers à l’autre pour se remettre en goût ; mais, abus pour abus, un certain excès poétique de tendresse et d’effusion dans le langage est encore celui dont on se lasse le moins.
Daru de loin, comme Andrieux de près, redisait à Picard les conseils de l’Art poétique d’Horace, conseils éternels et de bon sens, mais qui étaient peut-être d’une vérité trop générale et qui ne s’appropriaient pas assez au cas particulier.
. ; en un mot, il y combat au long et avec détail l’épicuréisme, auquel il sait bien que Chapelle incline et est d’humeur, soit en théorie, soit en pratique, à s’abandonner : Je me promets, lui dit-il, que vous donnerez bien ceci à ma prière, qui est de repasser un moment sur ces pensées si ingénieuses et si agréablement tournées qu’on a su tirer de vos mémoires (apparemment quelques écrits et cahiers de philosophie et de littérature de Chapelle), sur tant d’autres fragments de même force que je sais qui y ont resté, et généralement sur tous ces enthousiasmes et emportements poétiques de votre Homère, Virgile et Horace, qui semblent tenir quelque chose de divin.
On prétend qu’elle est la moins poétique ; moquez-vous de ceux qui mettent la poésie à toute sauce et quilaissent la morale et le bonheur pendus au croc.
Que ce soit dans une allée des jardins de Juilly au temps de M. de Salinis, ou au coin d’un maigre foyer dans une grande chambre à peine meublée de la rue de Vaugirard, ou sous les ombrages mélancoliques et mornes de La Chesnaie, à l’époque où s’y cachait l’humble Maurice de Guérin, inaperçu alors, devenu aujourd’hui le génie poétique du lieu ; ou encore, à quelque dîner discret du mercredi à l’Abbaye-au-Bois, sous une présidence gracieuse ; il y a de ces rencontres qui semblent toutes simples et faciles au moment même, et qui n’ont pu avoir lieu que bien peu de fois ; qui le lendemain, et l’instant passé, ne recommenceront jamais plus.
C’était donc Balzac, Léon Gozlan, Jules Sandeau, Théophile Gautier, Méry, Mélesville ; — Forgues, que la nature a fait distingué et que la politique a laissé esprit libre ; Edouard Ourliac, d’une verve, d’un entrain si naturel, si communicatif, et qui devait finir par une conversion grave ; un italien réfugié, patriote et virtuose dans tous les arts, le comte Valentini, qui payait sa bienvenue en débitant d’une voix sonore et d’un riche accent le début de la Divine Comédie : Per me si va… C’était le médecin phrénologue Aussandon, qui signait Minimus Lavater et qui avait la carrure d’un Hercule ; Laurent-Jan, esprit singulier, tout en saillies pétillantes et mousseuses ; le marquis de Chennevières, esprit poétique et délicat, qui admire avec passion, qui écoute avec finesse ; — nommerai-je, parmi les plus anciens, Lassailly l’excentrique, qui, même en son bon temps, frisait déjà l’extravagance, qui ne la séparait pas dans sa pensée de la poésie, et qui me remercia un jour très sincèrement pour l’avoir appelé Thymbræus Apollo ?
Il suppose, avec plus de subtilité sans doute que de fondement, et il a l’air de croire que Malherbe n’affectait ainsi en sa prose toutes ces phrases populaires que pour faire éclater davantage la magnificence de son style poétique par le contraste de deux genres si différents.
Fénelon n’était pas un flatteur ou il ne l’était qu’avec goût, lorsque dans son Mémoire sur les occupations de l’Académie française, et conseillant à la docte Compagnie de donner une Rhétorique et une Poétique, il disait : « S’il ne s’agissait que de mettre en français les règles d’éloquence et de poésie que nous ont données les Grecs et les Latins, il ne vous resterait plus rien à faire : ils ont été traduits… Mais il s’agit d’appliquer ces préceptes à notre langue, de montrer comment on peut être éloquent en français, et comment on peut, dans la langue de Louis le Grand, trouver le même sublime et les mêmes grâces qu’Homère et Démosthène, Cicéron et Virgile, avaient trouvés dans la langue d’Alexandre et dans celle d’Auguste. » Il y aurait à dire aux analogies, mais ce qui est certain, c’est que, s’il est naturel et juste de dire la langue de Louis XIV, il serait ironique et ridicule de dire la langue de Louis XV.
De tels écrits, qui ne sont pas seulement des œuvres d’étude et d’érudition poétique, mais des prières et des actes de piété, portent avec eux leur récompense.
Un livre alors tout nouveau, et qu’il leur avait apporté, enchanta fréquemment les heures : c’étaient les Méditations poétiques ; plus d’une fois, en lisant ces élégies d’un deuil si mélodieux, il dut s’arrêter par le trop d’émotions et comme sous l’éclair soudain d’une allusion douloureuse.
Elle se spiritualisait en rêves éthérés, en une sorte de mysticisme poétique confondant le ciel et la terre.
Je pourrais citer de lui là-dessus des pages charmantes, poétiques, écrites pour un ami et placées dans un livre où l’on ne s’aviserait guère de les démêler.
Le tempérament de ce peuple est tout poétique.
Tout à côté de Mme de Sévigné, avec moins d’imagination dans le style et de génie de détail, mais avec une invention poétique et romanesque pleine de tendresse, et une légèreté, une justesse d’expression incomparable, on trouve Mme de La Fayette.
La beauté poétique des anciens lui échappait entièrement ; il ne la soupçonnait même pas.
Le trait malin, proverbial, les alliances heureuses de noms et d’idées, la concision élégante, tout ce qui constitue le genre moral tempéré et en fait l’ornement, s’y trouve placé avec art, et il n’y manque vraiment qu’un souffle poétique moins sec et plus coloré, quand l’auteur tente de s’élever et de nous peindre, par exemple, le temple de l’Opinion promené dans les airs sur les nuages : c’est ici que l’on sent le défaut d’ailes et d’imagination véritable, l’absente de mollesse, de fraîcheur et de charme, comme dans toute la poésie de ce temps-là.
C’est de sa prison qu’il adressait une certaine Épître à Zélis, qu’on nous donne pour la première en date de ses compositions poétiques ; il finissait en invoquant la nuit pour remède à ses maux et en appelant quelque songe consolateur ; Ô Zélis, tu ne m’entends pas, Mais j’oublierai mon infortune En la pleurant entre tes bras !
Son début poétique fut un certain Portrait d’Iris, que Quinault trouva si joli qu’il s’en fit honneur auprès d’une demoiselle dont il était amoureux : Ses cheveux longs et noirs, luisants et déliés, Par boucles épandus et galamment liés, Ombragent doucement la fraîcheur de sa joue… Ce sont, en un mot, de ces vers à ravir Quinault et à mettre Boileau hors de lui.
La mère de Mme Émile de Girardin présida longtemps aux succès et à la renommée poétique de sa fille ; elle en reçut des reflets qui la réjouirent, qui la rajeunirent, et qui ne l’éclipsèrent pas.
Il y a une manière plus poétique, plus généreuse peut-être, plus magnifique, qui consisterait à voiler les défauts, à faire ressortir les belles et grandes qualités, à l’en envelopper et à l’en couvrir, à l’accepter selon l’attitude si chevaleresque et si fière dans laquelle il aimait à se présenter à tous, à ses amis, au public, aux adversaires, et dans laquelle la mort l’a saisi.
Toutes ces harmonies, tous ces contrastes, ces réverbérations morales dont il a tant parlé dans les Études et dont il traçait une poétique un peu vague, il les a ici réalisés dans un cadre heureux, où, dès l’abord, le site, les noms des lieux, les aspects divers du paysage sont faits pour éveiller les pressentiments et pour concourir à l’émotion de l’ensemble.
Il y a dans la littérature le domaine de l’imagination, les talents poétiques proprement dits, qui ont en eux un don de création et de génie ; ceux-là ne se suscitent point à volonté : Dieu et la nature y pourvoient ; il faut les laisser naître.
L’écrivain, chez lui, l’écrivain dont la force poétique est toujours donnée par la comparaison, a la comparaison surtout ingénieuse, et il la suit longtemps quand il la trouve… En somme, si le critique défaille souvent pour les causes que j’ai dites, l’écrivain se soutient toujours, et c’est ce souci d’être toujours écrivain qui fait de lui un esprit, avant tout, littéraire et inaliénablement tel, alors même que le critique littéraire a disparu dans l’historien à prétention, dans le whig incessamment présent, dans l’utilitaire, dans le scholar ; car il est resté scholar aussi, d’habitude intellectuelle et même quelquefois de langage, cet homme qui n’a pas, malgré une force incontestable, su rompre ces emmaillottements !
Jésus, non pas Christ, qui veut dire sauveur, mais Jésus, le fils du charpentier, l’homme aimable et poétique, le garçon délicieux, est enrégimenté dans la bande de Renan par Renan.
Au reste, il débutait noblement par quelques exclamations poétiques : « N’était-ce donc que pour te jouer de lui, ô nature, que tu formas l’homme ?
Il n’y a là qu’une image poétique.
Les Grecs ont aussi leurs mémoires, plus poétiques encore et plus naturels. […] Cette méthode poétique ranime-t-elle des êtres éteints, ou forge-t-elle des êtres imaginaires ? […] Michelet a laissé grandir en lui l’imagination poétique. […] Ce volume de psychologie poétique ne fait point disparate avec les autres ; il les complète. […] En décrivant cet état de l’âme, Platon s’emporte jusqu’aux métaphores les plus poétiques et les plus audacieuses.
Pour Sainte-Estelle, le 21 mai 1854, sept amis d’Avignon ou des environs : Roumanille, Mistral, Aubanel, Tavan, Mathieu, Paul Giera et Brunet se réunirent dans ce site poétique. […] « La Durance ici descend, murmure un poétique son… Holà ! […] II « Garcia est le poète du temps où il vivait, et de la secte poétique à laquelle il était pour ainsi dire affilié. […] À cette race poétique qui, si elle n’avait pas produit des poètes, avait produit la poésie elle-même, vint se surajouter un jour l’élément saxon. […] Si le nouveau système poétique proposé par Louis Tridon est très curieux — et nous l’étudierons plus loin, — son recueil de vers n’est pas moins audacieux d’allure.
S’il n’est pas poète, au sens précis du mot, du moins domine-t-il la spécialité où il s’est acquis une gloire impérissable, de deux façons : par la profondeur du sentiment poétique et par l’aisance avec laquelle il s’élève aux idées générales. […] A-t-il cherché des ornements ou des « machines » poétiques ? […] Quant au vrai service que Schiller rendit à Goethe, ce fut bien une « stimulation intellectuelle », ou, suivant la poétique phrase des Annales, l’éclosion d’un « nouveau printemps » ; mais dans quelle mesure et dans quel sens ? […] Considérant ce qu’était alors l’Italie musicale, il n’avait pas tort, et en tout cas il a profondément senti le charme poétique de cette terre bénie, que malgré tout il ne quitta pas sans regret. […] Rodolphe Boulanger de la Huchette, et quant à Emma Bovary elle-même, Flaubert ne condamne pas ses aspirations poétiques et romanesques, qu’il partage (« la Bovary, c’est moi »), mais seulement leur déformation dans son esprit et sa piteuse façon de les réaliser.
Benda est absurde, comme étranger à la considération de la beauté proprement poétique, qui seule importe en l’espèce. […] Mais il y a bien autre chose qu’un « Art poétique » épars, dans cette Morbidezza. […] À Stendhal nous devons le bienfait d’une conception de vie poétique et romanesque, en toute aisance et clairvoyance, sans ombre de fadeur ni de lourdise. […] Mais il avait le sentiment plus que l’oreille poétique, et il fut déconcerté par Hugo comme tel amateur de Mozart par Wagner. […] Pourtant le sens philosophique et poétique ne manquaient certes pas précédemment à Taine.
Son expression et ses moyens personnels ne la distinguent pas, quant au fond, quant aux Idées et à l’inspiration, de la prose susceptible de devenir poétique également. […] La partie a été prise pour le tout, et aussi le modifiable a passé pour l’élément modificateur en ce sens que le milieu poétique a servi d’élément extérieur. […] Avant d’en finir sur ce point, disons que pour notre part, nous saisissons très bien pourquoi les premières tentatives revêtirent cette forme essentiellement poétique.
Les grands poëmes indiens de deux cent mille vers ; Homère, en Grèce ; Les Saga, des nations septentrionales ; L’Edda, de l’Islande ; Les Romanzeros espagnols ; Antar, roman poétique de l’Arabie ; Les chants de Roland, en France ; Les ballades héroïques de l’Angleterre ; Les poëmes de Dante et du Tasse en Italie, plus tard ; Enfin, les Nibelungen de l’Allemagne en sont partout des preuves et des exemples. […] La couleur poétique seule et l’empreinte de l’antiquité, l’originalité des vieilles choses, nous paraissent laisser quelque lustre à regretter dans ce beau travail ; nous avons cherché à le retrouver et à le rétablir où il nous a paru que la fidélité littérale l’avait effacé ou affaibli. […] Le sujet nous oblige à abréger ces détails aussi poétiques, mais moins chastes qu’Homère.
Que signifierait ce format en trois volumes, et ces chapitres coupés à des intervalles significatifs, et ces nombreuses conclusions partielles nées de la poétique imposée par les circonstances, aux productions destinées à paraître par fragments quotidiens ? […] Aujourd’hui nous voulons aux femmes une raison plus ferme et un cœur, sinon plus viril, du moins plus sûr ; c’est ainsi qu’elles nous semblent dignes d’être aimées, et dès lors pourquoi borner ses conquêtes poétiques à la possession d’un reflet, si secondaire en mérite et en valeur ? […] Il ne fera plus peur à personne, et cette perte sera grande dans le magasin déjà si appauvri des terreurs poétiques.
On savait quelle tragédienne on allait revoir dans Mme Dorval ; mais avait-on prévu cette grâce poétique avec laquelle elle a dessiné la femme nouvelle qu’elle a voulu devenir ? […] Elle est poétique dans tous les détails de ce rôle qu’elle caresse avec amour, et dans son ensemble qu’elle paraît avoir composé avec prédilection, montrant enfin sur la scène française le talent le plus accompli dont le théâtre se puisse enorgueillir.
L’Angleterre, où ces poëmes galliques venaient d’être découverts, recueillis, écrits et vraisemblablement retouchés et complétés par un gentilhomme écossais nommé Macpherson, ne fut pas la seule contrée vivement émue par ces chants ; ils se répandirent dans toutes les autres contrées littéraires de l’univers, France, Allemagne, Espagne, Italie, par les traductions, en prose et en vers ; Letourneur, en prose française, Baour-Lormian, en fragments poétiques, Césarotti, en magnifiques vers italiens, à Vérone et à Milan, les consacrèrent dans les différents idiomes ; le trésor des monuments écrits s’enrichit ainsi d’un monument de plus. […] Macpherson ne répondit que par le dépôt des manuscrits ; Césarotti, intéressé plus que personne à vérifier les titres de sa gloire, publia en 1807, ses discours critiques sur l’authenticité des chants d’Ossian : « Un poëte, dit-il, qui sous le nom d’Ossian, a su se rendre célèbre et immortel comme un homme de génie, n’aurait-il pas d’abord donné dans sa langue usuelle des essais éclatants de son mérite poétique ?
Quel spectacle émouvant et propre à réveiller dans l’imagination l’idée de cette éternelle fraternité de l’amour et de la mort, objet de tant de plaintes poétiques ! […] Il est hors de doute que le roman-feuilleton exerce une action néfaste, parce qu’il est outrageusement faux, et que sans la vérité (vérité humaine dont ne doit pas être dépourvue la plus libre fantaisie poétique), il n’y a pas d’enseignement, pas de morale, il n’y a rien, — même si le vice est puni et la vertu récompensée à la fin.
Il a l’image parfaitement nette et qui joue à l’œil, la comparaison à la fois naturelle et poétique.
Le style de Mme Dacier, quoique pur, exact et facile, ne me paraît pas toujours noble, élevé, poétique, tel enfin que le demandait son sujet.
La lettre de réponse de Sismondi, à ce sujet, contient une page de critique excellente, et d’où il résulte qu’il ne faut pas juger le théâtre d’une nation avec la poétique d’une autre.
Ce charme d’un amour adolescent se mêle et se confond pour lui avec l’amour de la nature au printemps, et avec une vague inspiration poétique qui depuis longtemps couvait et qui éclate enfin.
Cette Correspondance judicieuse vient avertir à temps de ne point pousser les choses à l’extrême et de cesser d’exagérer dans le sens poétique ou chevaleresque.
Il existe une sorte de douceur sévère et très-profitable pour l’âme à être méconnu : ama nesciri ; c’est le contraire du digito monstrari, et dicier Hic est ; c’est quelque chose d’aussi réel et de plus profond, de moins poétique, de moins oratoire et de plus sage, un sentiment continu, une mesure intérieure et silencieusement présente du poids des circonstances, de la difficulté des choses, de l’aide infidèle des hommes, et de notre propre énergie au sein de tant d’infirmité, une appréciation déterminée, durable, réduite à elle-même, dégagée des échos imaginaires et des lueurs de l’ivresse, et qui nous inculque dans sa monotonie de rares et mémorables pensées.
C’est la souffrance que vous avez entendue, mais vous savez bien comme en réalité l’homme se trouve souvent au-dessous, et par conséquent moins poétique, moins méchant et moins damné que son démon… « Dites-moi le soir que vous pourrez me donner, afin que j’aie l’autre moitié de mon manuscrit.
On avait Marot, Calvin, on avait surtout Rabelais ; mais le grand réveil poétique de la pléiade n’était pas encore sonné ; on n’avait pas Montaigne ni même les douceurs prochaines d’Amyot, ni tout ce qui remplit si bien, en érudition, en doctrine parlementaire, en histoire, en poésie, en style, la seconde moitié de cette riche et confuse époque.
C’est le seul passage de ses œuvres en vers où Chateaubriand a été poëte ; partout ailleurs il ne fut que poétique.
. — La gloire poétique n’est même pas oubliée dans ces sorts propices jetés sur Argos ; les Danaïdes lui promettent le sourire des Muses et le chant des lyres : — « Que les chanteuses divines accordent ici leurs voix, et que le son de la cithare se mêle harmonieusement au son de leurs bouches sacrées !
J’ai vu des femmes… je voudrais les revoir encore. » Il n’y a rien de poétique ni de pathétique dans cette chute obscure et à moitié consentie.
Si Barnave a jamais atteint à quelque chose qui approche de ce qu’on peut appeler le sentiment ou l’expression poétique (accident chez lui très rare), c’est ce jour-là qu’il y est arrivé par l’émotion.
Le jeune Bazin conçut de bonne heure l’aversion du régime qu’il voyait finir ; il était encore au collège, qu’il se permit un jour, m’assure-t-on, quelque espièglerie poétique qui courut, quelque Napoléone au petit pied, qui eut l’honneur d’inquiéter la police impériale.
On a dit qu’il tenait de Newton et de Descartes, et qu’il oscillait un peu entre leurs deux méthodes : j’oserai penser que c’est plutôt de Newton et de Milton qu’il participe, et que la part systématique chez lui avait surtout le caractère poétique le plus élevé.
Le ministre, de même, semblait par son adresse faire un bon usage des malédictions publiques ; il s’en servait pour acquérir auprès de la reine le mérite de souffrir pour elle… On sent, dans ces passages et dans tout le courant du style de Mme de Motteville, une imagination naturelle et poétique, sans trop de saillie, et telle qu’il seyait à la nièce de l’aimable poète Bertaut.
je vous le dis : ce sont les gens de cour, Dont l’imaginative enfante chaque jour Ces merveilleux conseils… Cette observation, que je dois à l’un de mes lecteurs, est très vraie, et j’avais noté moi-même, chemin faisant, des vers qui sont tout poétiques : J’abandonnai des lieux si chers à mon enfance.
Michaud, l’auteur, d’ailleurs peu poétique, du Printemps d’un proscrit.
Il y joignait un tour d’imagination prompte qui revêtait aisément la pensée et la maxime d’une forme poétique, comme faisait son compatriote Montaigne ; mars il était moins aisé que Montaigne, et n’avait pas la fleur comme lui.
Il manque à cette nature saine, droite, habile, frugale et laborieuse de Franklin un idéal, une fleur d’enthousiasme, d’amour, de tendresse, de sacrifice, tout ce qui est la chimère et aussi le charme et l’honneur des poétiques natures.
L’un ne voit dans ce livre qu’une œuvre de réalisme, la peinture brutalement exacte d’un lieu et d’une classe ; les autres admirent en plus de surprenantes qualités poétiques, le don du grandiose, l’amour passionné de la force et de la masse.
On embrasse ici ces deux objets, parce que le Poëte & l’Orateur, (ainsi qu’on l’observe) n’ayant tous deux que le même but, celui de plaire, de toucher, d’instruire, ils ne différent que dans la maniere d’employer les moyens qui leur sont communs : mais la poétique n’est pas longue, parce qu’on se propose moins de former des Poëtes que des lecteurs éclairés.
Jusque-là, pour moi aussi, Rivarol, le grand conversationniste Rivarol, était bien au-dessus du Rivarol des livres ; et c’était là sa vraie gloire, bien autrement méritée, bien autrement triomphante et poétique que la gloire positive qu’on discute pièces et livres en main… Il avait celle-là qui ne laisse rien après elle pour qu’on puisse la juger.
Si on a la foi de l’écrivain qui a tracé ces pages, il n’est pas étonnant que ce soit beau, mais si, sans avoir la foi, on a seulement le sentiment poétique et l’imagination grandiose, on admirera certainement encore, et peut-être regrettera-t-on de ne pas croire à ce qui est si beau !
Poétique, rêveur, taciturne et prudent. […] Sainte-Beuve disait, le 22 août 1862 : « Il s’est écrit depuis des années bien des batailles de Waterloo : il y en a eu de nettes et de patriotiques, de savantes et de passionnées, de fougueuses et de brillantes, de poétiques et de souverainement, j’allais dire d’outrageusement pittoresques. […] Paul et Virginie, en donnant à l’île Maurice une popularité poétique, semble avoir contribué à la colonisation de cette terre, plus efficacement peut-être qu’une équipe de conférenciers. […] Des kiosques aux fines colonnettes, aux toits retroussés et frangés de sonnettes, avec des couleurs vives, des fleurs, des dragons ou des scènes poétiques, se mirent dans l’eau des lacs. […] J’ai vu aussi, au tournant de certaines pages, des « mousmés » très studieuses, qui se rendaient à l’École normale supérieure de Tokio, afin d’apprendre l’Art poétique de Boileau ou le quadrille des Lanciers.
Renouvier, qui naguère dans Victor Hugo, le poète, avait exposé avec une pénétration remarquable les procédés de l’imagination poétique de Victor Hugo, a cru devoir compléter comme il l’a fait son étude, et si un penseur dont l’autorité est incontestée a cru devoir accorder son attention à la philosophie du poète, nous devons de notre côté, simples lettrés que nous sommes, tenir de son opinion le plus grand compte. […] Non seulement c’est le cas de tous les drames en prose de Victor Hugo, et Lucrèce Borgia, Marie Tudor, Angelo n’ont rien à envier à la Tour de Nesle, mais le superbe manteau poétique des Burgraves n’est jeté que sur une armature de mélodrame. […] En parlant de crime d’amour, on fait bénéficier le crime de tout ce que le nom seul de l’amour éveille en nous de souvenirs tendres et d’émotions poétiques. […] Qu’un petit bourgeois, soigneusement élevé et pourvu d’un emploi modeste, soit conduit par sa paresse, par son ivrognerie, par toute sorte de vices à la prison et à l’hôpital… j’avoue pour ma part ne pas voir ce qu’il y a dans une telle destinée de hardi et de rare, de pittoresque et de poétique. […] Comme il arrive, Verlaine a érigé sa pratique en théorie : son « Art poétique », moitié fumisterie et moitié plaidoyer personnel, n’est que le résumé de ses procédés présentés sous forme de code.
Son image est réduite, mais son autorité est entière ; s’il est moins poétique, il est plus moral. […] Admirable livre où respire tout l’esprit de la réforme, où, à côté des touchantes tendresses de l’Évangile et des accents virils de la Bible, palpitent la profonde émotion, la grave éloquence, la générosité, l’enthousiasme contenu des âmes héroïques et poétiques qui retrouvaient le christianisme et qui avaient connu les approches du bûcher. « Père tout-puissant et miséricordieux, nous avons erré et nous nous sommes égarés hors de tes voies, comme des brebis perdues. […] Le puritain condamne le théâtre, les assemblées et les pompes du monde, la galanterie et l’élégance de la cour, les fêtes poétiques et symboliques des campagnes, les mai, les joyeuses bombances, les sonneries de cloches, toutes les issues par lesquelles la nature sensuelle ou instinctive avait cherché à s’échapper. […] Comme un splendide insecte qui s’est transformé et qui a perdu ses ailes, on voit la poétique génération d’Élisabeth disparaître et ne laisser à sa place qu’une lourde chenille, fileuse opiniâtre et utile, armée de pattes industrieuses et de mâchoires redoutables, occupée à ronger de vieilles feuilles et à dévorer ses ennemis.
Si ce roman ne possédait que cette valeur d’une monographie rigoureuse d’un caractère, et dans ce caractère d’une maladie très contemporaine, il serait encore admirable, il n’aurait pas, comme il l’a, ce charme d’une œuvre profondément poétique, — si bizarre que paraisse le mot, appliqué à une sorte d’écorché littéraire, — oui, poétique, au même degré que les plus beaux sonnets des Fleurs du mal. […] Il n’y a pas plus de préceptes pour écrire ainsi qu’il n’y a de préceptes pour avoir de l’âme, — au vieux sens, un peu naïf, mais si juste, de cette expression. « Jamais on n’a savouré aussi longuement ces voluptés de la conscience, ces réminiscences poétiques, où se croisent à la fois toutes les sensations de la vie, si vagues, si profondes, si pénétrantes, que, pour peu qu’elles vinssent à se prolonger, on en mourrait, sans qu’on pût dire si c’est d’amertume ou de douceur… ? […] Le couplet descriptif est filé avec une science de la langue poétique vraiment supérieure, et chaque image évoquée est un trait de caractère du personnage qu’elle vient assaillir. […] C’en est fini aussi de l’exaltation spiritualiste qui avait accompagné, en l’avivant, la ferveur poétique des jours de flamme. […] Ni la faveur du public pour les Écossais et Jouffroy, pour l’hégélianisme et Cousin, ni le renouveau de piété poétique qui signala le romantisme naissant, n’entamèrent cette première foi philosophique qui, de sa pensée, descendit dans son style.
Mais si la plupart des œuvres de Mme Sand ont cette beauté poétique sans laquelle les autres beautés de l’art ne sauraient avoir tout leur lustre, le poète n’envahit pas chez elle le romancier. […] C’est elle qui, le prenant par la main, lui a montré les plus riants paysages, lui a raconté les légendes les plus touchantes, lui a récité les ballades les plus poétiques. […] Tolla est un récit poétique tout imprégné de passion. […] Daudet a reçu en partage des dons précieux ; il a au plus haut degré la faculté de voir le côté poétique des choses ; il a aussi l’aptitude à être ému. […] Les passions, les ridicules, les aspects poétiques, les côtés plaisants, les parties émouvantes, les jalousies mesquines de ce monde multiple et varié qui vit aux halles, sont décrits d’une façon incomparable.
L’unité, la continuité, la durée de l’action, les mœurs, les sentiments, les épisodes, et tout ce qui compose ces deux poèmes, ne touchent que les habiles dans l’art poétique, ceux qui en connaissent les préceptes et les beautés ; mais le nœud et le dénouement bien ménagés produisent leurs effets également sur tous les spectateurs et sur tous les lecteurs. […] Fontenelle, intéressé à étendre les principes de son oncle, fit, de cet usage, un précepte dans sa Poétique. […] Cette économie intérieure du spectacle en musique, fondée d’un côté sur la vérité de l’imitation, et de l’autre sur la nature de nos organes, doit servir de poétique élémentaire au poète lyrique.
Quelques-uns prétendent que l’élision est une licence poétique, et d’autres, qu’elle est absolument nécessaire pour l’harmonie. […] Ce dernier sentiment est peut-être le mieux fondé : car, il en est de l’harmonie du discours, comme de l’harmonie poétique et de l’harmonie musicale. […] Un des moyens de se préserver de ce défaut, c’est d’éviter ce style figuré, poétique, chargé d’ornements, de métaphores, d’antithèses et d’épithètes, qu’on appelle, je ne sais par quelle raison, style académique.
Comme toute la jeunesse de son temps, et l’un des premiers, il prit feu au signal poétique donné par Du Bellay et par Ronsard, et il fit des sonnets dans leur genre.
Voilà la seule réponse à faire à ce négateur du nombre poétique, — un air de flûte pastorale, de la bouche d’André Chénier.
Et nous tous qui aimons, qui aimions avant tout en notre jeunesse à être papillons ou abeilles, demandons-nous quelquefois combien il faut de ces hommes-là dans une société pour que d’autres puissent sans inconvénient se livrer à toutes leurs fantaisies, à leurs rêveries aimables (je ne parle que de celles-là) et à leurs poétiques caprices.
Campaux s’est demandé si avant Villon il y avait eu de ces espèces de testaments poétiques, et il en a retrouvé quelques-uns à l’état d’essais ; mais il reste vrai que si Villon n’a pas entièrement inventé, en littérature, cette forme de contrefaçon et de parodie des volontés dernières, il se l’est appropriée par le dessin net et tranché, par l’ampleur du contenu, et par une Verve de détails, par un sel mordant qui n’appartient qu’à lui.
Qu’est-ce que de la peinture et les grands maîtres, lorsqu’on traite directement avec la nature, et une nature toute divine, toute poétique !
Je ne sais pas, dans le moderne, de plus frappant désaccord entre la tradition ou, si l’on aime mieux, la légende littéraire et poétique et la vérité historique, de plus éclatant démenti donné par celle-ci à l’autre que l’histoire de don Carlos, fils de Philippe II.
Ce n’est que lorsqu’on a pénétré le Moyen-Age, sa philosophie, sa théologie, sa dialectique, son idéal amoureux ; ce n’est que lorsqu’on a aussi connu à fond la vie politique et poétique de Dante, qu’on a marché d’un pas plus sûr à travers les cercles et tout le labyrinthe du mystérieux poème, et qu’on a conquis, pour ainsi dire, l’admiration.
La race poétique ne prend pas la chose si fort à cœur. — Voltaire a donné deux tragédies depuis la mort de Mme du Châtelet : on le disait mort aussi, parce qu'on le croyait fort attaché à cette dame.
Bernardin de Saint-Pierre offrit l’un des premiers le triste spectacle d’un talent élevé, idéal et poétique, en chicane avec les libraires.
L’auteur s’est montré moins poétique depuis dans ses couplets de sentiment au Gymnase.
« L’ordre littéraire et poétique tient à la succession naturelle et libre des mouvements ; il faut qu’il y ait entre les parties d’un ouvrage de l’harmonie et des rapports, que tout s’y tienne et que rien ne soit cloué. » Maintenant, dans la plupart des ouvrages, les parties ne se tiennent guère ; en revanche (je parle des meilleurs), ce ne sont que clous martelés et rivés, à tête d’or.
Eynard, qui se soucie moins que nous de l’intérêt poétique, et qui croit que l’aimable romancier a fini par guérir radicalement de sa chimère, par obtenir en don l’entière vérité.
Cette page, écrite dans un de ces moments d’enthousiasme plus poétique qu’historique où l’on s’élève si haut dans l’espace qu’on cesse de voir les sinistres détails d’un événement pour n’en considérer que l’ensemble (et l’homme à faible vue n’a pas le droit de s’élever ainsi jusqu’à ce point où l’on ne distingue plus que les résultats dans un désintéressement soi-disant sublime, mais en réalité coupable, du crime ou de la vertu), cette page, dis-je, est une des deux grandes fautes involontaires que j’aie à me reprocher dans ma carrière d’écrivain.
J’avais pardonné cependant, quand je me rappelai que ce même écrivain, toujours pur selon lui et ses amis, avait fait la cour à l’empereur pour obtenir la place de secrétaire d’ambassade à Rome, sous le cardinal Fesch ; qu’il avait ensuite été le favori de M. de Fontanes, favori lui-même de la princesse Élisa ; qu’il passait son temps à Morfontaine, dans l’intimité de cette famille couronnée ; qu’il avait obtenu par elle l’emploi de ministre plénipotentiaire en Valais ; qu’il avait, il est vrai, donné sa démission après le meurtre du duc d’Enghien ; mais que, dans sa harangue à l’Académie, peu de temps après, il avait proclamé Napoléon le nouveau Cyrus, en termes d’un poétique enthousiasme ; le fond de mon cœur n’était pas sans quelque scrupule sur l’immaculée pureté du bourbonisme de M. de Chateaubriand.
Mais ce furent surtout les faits contemporains, les grandes crises ou les grands hommes de l’Église qui firent le passage de la légende poétique à la biographie historique.
La satire du Pauvre Diable (1738) distribua impartialement de larges volées de bois vert sur les épaules de tous les ennemis du « vieux Suisse », ennemis philosophiques, poétiques, personnels ; jansénistes, jésuites, parlementaires, comique larmoyant, Gresset, Trublet, Pompignan, Desfontaines, Fréron, Chaumeix : que sais-je ?
Mais c’est précisément ce romantisme, cette puissance poétique qui font la valeur de l’œuvre de M.
« Un certain nombre de jeunes gens, las de lire toujours les mêmes tristes horreurs, dites naturalistes, appartenant d’ailleurs à une génération plus désabusée que toutes les précédentes, mais d’autant plus avide d’une littérature expressive, de ses aspirations vers un idéal, dès lors profond et sérieux, fait de souffrance très noble et de très hautes ambitions, — injustement, sans doute, un peu dépris de la sérénité parnassienne et de l’impassibilité pessimiste d’un Leconte de Lisle, d’ailleurs admiré, s’avisèrent un jour de lire mes vers, écrits pour la plupart en dehors de toute préoccupation d’école, comme je les sentais, douloureusement et joyeusement poétiques encore, et pleins, j’ose le dire, du souci de la langue bien parlée, vénérée comme on vénère les saints, mais voulue aussi exquise et forte que claire assez.
Les béguards de Flandre, les humiliati d’Italie arrivèrent aussi à une grande exaltation mystique et poétique, sous la pression vive de cet archet mystérieux, qui fait vibrer si puissamment les âmes neuves et naïves.
L’adultère devient sous leur plume quelque chose de poétique ou tout au moins de sympathique ; car il a l’excuse d’une quasi-nécessité en certains cas de tyrannie masculine et d’impossible union ; il prend une certaine grandeur par le danger bravé ; il émeut par le malheur presque inévitable où il mène.
Élevé à Hohenschwangau, cette légende du cygne, avec son indicible charme poétique, m’avait pénétré dans la chair et le sang.
Ce qui restait alors de la splendeur poétique de la France, c’étaient La Fontaine, âgé de 56 ans ; Boileau, de 44 ; Racine, de 41 ; Quinault, de 45.
Mais Panurge, cette création la plus fine du génie de Rabelais, est tout autrement singulier que Gil Blas ; c’est un original bien autrement qualifié, et doué d’une fantaisie propre, d’une veine poétique grotesque.
En 1748, Galiani, âgé de vingt ans, devint célèbre dans son pays par une plaisanterie poétique, une oraison funèbre du bourreau qui venait de mourir : c’était une parodie burlesque des éloges académiques, encore plus emphatiques en Italie qu’ailleurs.
Bref, il connut M. de Malezieu, qui le goûta, l’utilisa, et en fit son compère dans ses jeux et ses divertissements poétiques de société.
» Le souffle poétique, ce qui est rare chez Mirabeau, semble avoir passé en cet endroit, et en cet autre encore : « Si vous me redonnez la liberté, même restreinte, que je vous demande, la prison m’aura rendu sage ; car le Temps, qui court sur ma tête d’un pied bien moins léger que sur celle des autres hommes, m’a éveillé de mes rêves. » Ailleurs, parlant non plus à son père, mais de son père, il dira par un genre d’image qui rappelle les précédentes : « Il a commencé par vouloir m’asservir, et, ne pouvant y réussir, il a mieux aimé me briser que de me laisser croître auprès de lui, de peur que je n’élevasse ma tête tandis que les années baissent la sienne. » On a refusé l’imagination proprement dite à Mirabeau ; il a certainement l’imagination oratoire, celle qui consiste à évoquer les grands noms historiques, les figures et les groupes célèbres, et à les mettre en scène dans la perspective du moment : mais, dans les passages que je viens de citer, il montre qu’il n’était pas dénué de cette autre imagination plus légère, et qui se sent de la poésie.
En théorie poétique, il n’a été qu’un demi-novateur, il a eu des velléités de romantisme, si l’on peut dire, mais sans prévoir où cela le conduisait.
» Le maître de la maison se leva brusquement, et tout le monde avec lui… Il faut tout lire de cette Prophétie, jusqu’au dernier mot où Cazotte se prédit à lui-même sa fin et en style plus poétique et figuré.
Au lieu de s’en tenir aux préceptes serrés et brefs, aux prescriptions techniques, à la Poétique d’Aristote ou aux Partitions oratoires de Cicéron, auxquelles Gibert en revenait toujours et dont le siècle n’avait que faire, le bon Rollin s’abaissait et s’oubliait aux exemples, et même aux digressions ; s’il disait avec surabondance des choses inutiles, il y mêlait une variété de beaux endroits qui empêchaient l’ennui.
Tout y est énorme et monstrueux, tout y est flottant et poétique comme dans un crépuscule.
Le sentiment poétique n’est pas né de la nature, c’est la nature même qui en sort transformée en une certaine mesure.
Un Mythe est la conque sonore d’une idée… » Le symbolisme nous a donné, en outre d’une réforme poétique, une intelligence plus claire du rythme3 et des moyens d’expressions de l’art.
Ce que les directeurs refusent, ce que les lecteurs maudissent c’est surtout un certain ton poétique, une sorte de littérature fragmentaire, vaguement impressionniste dont l’Écho de Paris et le Journal, il y a sept à huit ans, saturaient leurs acheteurs.
Il auroit dû aussi moins insister sur la différence du langage poétique, d’avec celui de la prose, qui me paroît un peu chimérique, pour ce qui concerne les regles de la Grammaire, que les poëtes, comme les auteurs qui écrivent en prose, doivent également suivre avec exactitude.
Au-delà de ce poétique local, les eaux se répandent et forment un étang.
En dehors de ses peintures et de ses gravures à l’eau-forte, où il s’est montré toujours grave et poétique, il a fait de fort bons dessins grotesques, où l’idée d’ordinaire se projette bien et d’emblée.
Dans une page poétique des Ennéades, le philosophe Plotin, interprète et continuateur de Platon, nous explique comment les hommes naissent à la vie.
Le génie poétique est rare, ses éléments sont invariables. […] L’intelligence générale, le travail, la connaissance approfondie de la langue et des monuments littéraires sont au génie poétique d’un très faible secours et, seuls, ne servent à rien. […] Loin d’être une longue patience, le génie poétique est d’abord fait d’impatience et les retours, les retouches, le polissage n’enlèvent rien au caractère initial du poème, qui est la spontanéité. […] L’inspiration est le qualificatif traditionnel du génie poétique. […] La poésie a évolué, comme évoluait la sensibilité, base des mœurs, mais le génie poétique, par exemple d’Homère à Victor Hugo, est demeuré fixe : ni progrès ni déchéance ; constance absolue.
Le problème est encore plus insoluble, quand l’échange s’opère de l’idiome le plus poétique de l’Europe à celui qui l’est le moins. […] Voilà pourquoi sa « tristesse poétique », son « vague des passions » ne nous ennuient jamais ; chez lui, le cri d’âme blessée est sincère, presque involontaire ; il fait vite place à l’entrain habituel, à la griserie de l’esprit qui cherche à s’étourdir. […] Le créateur d’Oniéguine n’avait pris à celui de Childe-Harold que sa poétique ; Lermontof lui a pris son âme. […] Ce que la traduction ne pouvait rendre, c’est la magnificence de la prose poétique. […] Les petits brûlots se glissèrent un à un, de 1847 à 1851, sans malice apparente, abrités sous leur pavillon poétique ; le public n’en comprit pas d’abord le sens caché, la vigilante censure elle-même fut prise en défaut.
Le rôle de Victor Hugo, rôle considérable, s’est borné à renouveler la langue poétique, à créer une rhétorique nouvelle. […] Le lyrisme, dans une littérature, est l’exaltation poétique échappant à toute analyse, touchant à la folie. […] Son nouveau livre est de la psychologie poétique, si l’on me permet ce terme. […] C’est là de la réalité poétique, c’est-à-dire de la réalité acceptée, puis traitée en poème. […] Le document humain est ici si touchant que sa puissance agit même sous le voile poétique.
mais dans son fond, — est ce qui se rapproche le plus de la tragédie grecque ; et que plus d’une fois, dans sa Poétique, Aristote semble donner les règles mêmes du mélodrame. […] « Cet état d’esprit, Racine l’a exprimé, selon la poétique du temps, par le Songe d’Athalie. […] Et c’est peut-être la plus purement poétique, malgré l’excès d’esprit, et celle où le caprice est le plus libre ; il y a trois changements de lieu, des lutins, un anneau qui rend invisible. […] Je disais tout à l’heure : « Si je m’en rapportais à l’ancienne poétique… » Il faut être sincère. On découvre de temps en temps qu’elle a produit d’ineffables sottises, l’ancienne poétique, celle de la pièce « bien faite » et de l’optimisme !
C’est ainsi qu’il écrit sur Dumas fils cette appréciation stupéfiante : « … Les passions poétiques comme les tableaux de genre sont le véritable domaine de M. […] Brevet supérieur appartient à la même poétique, — observation aiguë des mœurs contemporaines dans une fable agréablement surannée, — que la Veuve ou que la Cigale. […] Albert Guinon semble conçue selon la poétique du lieu. […] Ce que l’auteur a sciemment gardé de la poétique du lieu contribue sans doute à nous donner cette impression d’adresse un peu inquiétante… Mais il serait injuste d’insister là-dessus. […] Il y avait, entre la poétique de l’œuvre et sa mise en scène, un désaccord presque continuel et tout à fait propre à nous déconcerter.
Ils pourront se confondre encore, puisqu’enfin toute poésie a sa source au moins dans la réalité, comme toute réalité peut devenir poétique, si l’on la regarde et qu’on la traite en poète ; mais la confusion n’en sera plus une, et le romancier saura toujours ce qu’il fait. […] Ni Boccace n’est romanesque, ni non plus Machiavel ; et on ne dira pas qu’il y ait rien de chevaleresque dans le roman de Rabelais ou dans le Grand Testament de Villon ; Il ne faut pas confondre le romanesque avec le poétique. […] Mais, ceux que ne contentent point ces analogies superficielles et qui en cherchent de plus profondes, leur paradoxe n’est-il point jugé quand nous les voyons, pour le rendre probable, obligés de réduire la littérature classique tout entière aux tragédies de Racine et à l’Art poétique de Boileau ? […] et que, si Boileau, dans son Art poétique ainsi que dans ses Épîtres, estime à très haut prix la raison, ce n’est point parce qu’il est cartésien, mais parce qu’il est Nicolas, fils de Gilles, greffier au parlement, bourgeois de Paris, et comme tel, ainsi que son ami Poquelin, ennemi né de l’extravagance ? […] George Bengesco nous a donc donné, dans son premier volume, la Bibliographie des œuvres dramatiques, poétiques, et historiques de Voltaire.
Outre ce frère du grand Condé, il comptait également pour émules Bernier, célèbre depuis par ses voyages, dont le récit se lit encore avec intérêt, et par ses livres de philosophie, aujourd’hui tombés dans l’oubli ; ce même Bernier qui, ayant presque tout appris dans ses excursions lointaines, hors le métier de courtisan, revint en France se faire tourner le dos par Louis XIV ; Chapelle, auquel un grand amour du plaisir et quelques petits vers ont assuré une immortalité facile ; enfin Hesnaut, fils d’un boulanger de Paris, connu par des poésies anacréontiques, le sonnet de L’Avorton et l’éducation poétique du chantre des moutons, madame Deshoulières ; Hesnaut qui prit, par reconnaissance, la défense de Fouquet contre Colbert dans des vers satiriques, et qui faillit se repentir de son plaidoyer. […] Malheureusement son prénom de Catherine n’avait rien de galant ni de poétique. […] « Le temps viendra de faire imprimer mes remarques sur les pièces que j’aurai faites. » Une mort prématurée empêcha Molière d’exécuter ce travail, qui certes eût pu servir de poétique à la comédie. […] Molière décida qu’il fallait conserver la première façon : Elle est, lui dit-il, la plus naturelle ; et il faut sacrifier toute régularité à la justesse de l’expression ; c’est l’art même qui doit nous apprendre à nous affranchir des règles de l’art. » Boileau, frappé de la justesse de l’observation, la mit en vers dans le quatrième chant de l’Art poétique : Quelquefois, dans sa course, un esprit vigoureux, Trop resserré par l’art, sort des règles prescrites, Et de l’art même apprend à franchir les limites.
À l’époque la moins poétique et la moins idéale du monde, sous la Régence et dans les années qui ont suivi, Mlle Aïssé offre l’image inattendue d’un sentiment fidèle, délicat, naïf et discret, d’un repentir sincère et d’une innocence en quelque sorte retrouvée. […] Le jeune homme à qui ses passions font trêve et donnent le goût de s’éprendre des douces histoires d’autrefois, la jeune femme dont ces fantômes adorés caressent les rêves, le sage dont ils reviennent charmer ou troubler les regrets, le studieux peut-être et le curieux que sa sensibilité aussi dirige, eux tous, sans oublier l’éditeur modeste, attentif à recueillir les vestiges et à réparer les moindres débris, voilà encore le cortège le plus véritable, voilà la postérité la plus assurée et non certes la moins légitime des poétiques amants.
Ou bien c’est un sentiment qui se prononce et qui bientôt demande et inspire une expression poétique et musicale ; peut-être un air connu, dans un secret accord avec sa disposition présente, vient comme par hasard errer sur ses lèvres et lui dicte un refrain qui semble traduire la note par la parole ; parfois enfin quelques mots fortuitement rassemblés, qui représentent une image, qui forment un vers, lui viennent à l’esprit, et bientôt rappellent un air qui les relève et les anime. […] Le passage sur René pourtant doit sembler sévère, en ce que, pour la juger, il commence par dépouiller une nature poétique de tous ses rayons.
Quant à la nature de la cause première, s’il y a une philosophie qui mérite l’accusation de réaliser des abstractions et d’invoquer des qualités occultes, c’est celle qui attribue à la nature un instinct, qui lui prête des facultés poétiques, qui demande comme un postulat nécessaire « la tendance au progrès », c’est la philosophie de M. […] Retrancherez-vous tous ces éléments comme trop poétiques ? […] Je le regrette ; mais partout où je reconnais les vestiges du divin Platon, je reconnais aussi une âme poétique, religieuse, amie du beau éternel, d’une race profondément différente de la race des athées.
Du côté de l’Asie était Mars impétueux et brutal, c’est-à-dire la guerre faite avec fureur ; du côté de la Grèce était Pallas, c’est-à-dire l’art militaire et la valeur conduite par esprit… La Grèce, depuis ce temps, … ne pouvait souffrir que l’Asie pensât à la subjuguer, et en subissant ce joug, elle aurait cru assujettir la vertu à la volupté, l’esprit au corps, et le véritable courage à une force insensée qui consistait seulement dans la multitude. » On n’a jamais mieux défini ce que l’esprit classique avait vu dans les chefs-d’œuvre de l’antiquité : des leçons de morale sociale enveloppées sous les plus poétiques fictions. […] Les Géorgiques de l’abbé Delille, en 1769, ont fait événement et Voltaire les a déclarées, — avec les Saisons de Saint-Lambert, il est vrai, et après l’Art poétique, — « le meilleur poème qui ait honoré la France ». […] L’Auteur dramatique ; — et que son originalité consiste en trois points, qui sont : — d’avoir abandonné les traces de Molière ; — d’avoir transposé la tragédie de Racine dans la vie commune ; — et d’avoir mis le principal de l’intrigue dans la transformation des sentiments : La Double Inconstance, 1723 ; — La Seconde Surprise de l’Amour, 1728 ; — Le Jeu de l’amour et du hasard, 1730 ; — Les Fausses Confidences, 1737 ; — L’Épreuve, 1740. — Critiques des contemporains, et réponse de Marivaux. — « Il s’agit dans toutes ses pièces de faire sortir l’amour d’une des niches où le retiennent l’amour-propre, la timidité, l’embarras de s’expliquer ou l’inégalité des conditions. » — Importance des rôles de femmes dans le théâtre de Marivaux. — Caractère original qui résulte de cette importance des rôles de femmes : — diminution de la part de la satire ; — accroissement de la partie sentimentale dans la notion même de la comédie ; — et révolution qui s’en suit nécessairement au théâtre. — La comédie de Marivaux et la peinture de Watteau. — Marivaux et Shakespeare ; — et qu’avec le décor vaguement poétique, et les noms italiens, — ce qu’il y a de plus shakespearien dans Marivaux, — c’est peut-être le « marivaudage ». — « Marivaudage » et « Euphuisme ». — Que d’ailleurs la préciosité n’empêche pas Marivaux d’être souvent assez sec ; — et même quelquefois grossier. — Le Jeu de l’amour et du hasard, et le Ruy Blas de Victor Hugo. […] Qu’aussi bien les doctrines de Chénier sont entièrement conformes au caractère de son œuvre, comme le prouvent — ses protestations contre « l’anglomanie » : Les poètes anglais……………………………… …………………………………………………… Tristes comme leur ciel toujours ceint de nuages Enflés comme la mer qui blanchit leurs rivages, Et sombres et pesants ; ………………………… et bien mieux encore la quatrième de ses Épîtres à Le Brun ; — ou encore son Poème de l’Invention ; — dont il faut dire que les leçons sont exactement celles de Boileau ; — mais d’un Boileau « plus libre » ; et surtout plus instruit ; — qui s’intéresserait à plus de choses, — et peut-être aussi d’un Boileau moins bourgeois. — Comparaison à cet égard du Poème de l’Invention avec l’Art poétique ; — et avec la Défense et illustration de la langue française [Cf. notamment vers 299-390]. — Bien loin de voir en Chénier le « premier des romantiques », il faut donc reconnaître en lui le « dernier des classiques » ; — et s’il eût vécu, la direction de la littérature n’en eût peut-être pas été tout à fait modifiée ; — parce que la pente était d’ailleurs trop forte ; — mais c’est assurément en lui que les disciples et les imitateurs littéraires de Rousseau eussent trouvé leur plus redoutable adversaire.
Un mercanti ; car « il a promené partout sa grasse pauvreté, tendu sa sébile au coin de tous les feuilletons, employé toutes les ruses pour obtenir, par cette industrie de la mendicité poétique dont il est le créateur, tout l’or et tout le billon que la compassion et la vanité se peuvent laisser traire ». […] De la part de Banville, auteur des Odes funambulesques, où l’habileté prodigue ses plus extraordinaires prouesses, et de la part de Banville, auteur du Petit traité, ce trésor de toutes habiletés poétiques, un tel mépris des stratagèmes déconcerte. […] Un jour, sur le tard de son existence, il songe aux subtiles délicatesses de notre poétique, à ses fines difficultés, sur lesquelles il a lui-même renchéri : et il se demande si les poèmes de nos savants artistes ne sont pas à tout jamais « lettre close » pour le peuple. […] » Ce sentiment de la continuité, il l’ajoute au poétique et tendre sentiment du passé. […] France lisait tout cela et savait bien ce qu’on pensait lui démontrer : que « l’audition colorée détermine, dans les esprits doués pour l’art et la poésie, un nouveau sens esthétique, auquel répond la poétique de la nouvelle école ».
Ma division du genre comique en un certain nombre d’espèces, inusitée encore dans les poétiques, est, quelque neuve qu’elle soit, aussi indispensable pour en traiter les conditions que le fut ma division des espèces du genre tragique auxquelles j’assignai une quantité de règles nécessaires. […] Toutes les poétiques font mention des trois époques de la comédie grecque qui se distingue par les noms de comédie ancienne, c’est celle dont nous avons donné une idée ; de moyenne comédie, c’est celle dont nous allons parler ; et de comédie moderne, c’est-à-dire celle que traitaient Ménandre d’Athènes, et Épicharme de Syracuse. […] On le trouve défini dans l’Art poétique. […] On sent aussi que le seul dépouillement des pièces de ce docte écrivain, bien examinées, suffit à compléter la poétique de son art, puisque la comédie grecque, latine, italienne et espagnole, rentre par ses imitations originales, dans le genre que son génie a comme épuisé tout entier. […] Pénétré de ces vérités sommairement tracées par l’auteur de l’Art poétique, le disciple ou l’amateur se persuadera savoir ce que c’est que la comédie, assez pour entreprendre d’en juger ou d’en composer.
Prenant à la lettre les conseils de ceux des primitifs qui, par paresse et par incapacité, prétendaient atteindre le plus haut but de l’art par l’effet seul d’une contemplation poétique des ouvrages de l’antiquité, S… dépassa bientôt, sans avoir rien appris, l’âge où l’on peut étudier avec fruit.
Aux abords de Thionville, déposant son fusil et s’asseyant, il relisait et corrigeait l’histoire poétique de sa fille sauvage. […] Parfois il lève la tête et regarde le ciel, avec une poétique et vide gravité que ne troublent ni l’affût, ni la peur. […] Sully Prudhomme, lui, refusait toute la poétique du vers libre. […] Poétique supercherie, ce folklore. […] Ce qui me touche, dans ce drame poétique, c’en est la qualité nationale.
Les accessoires du tableau, les éléments et les traits qui le justifient, se rencontrent épars, sans aucune physionomie poétique, dans la correspondance railleuse et dans les livres plus sérieux de Bonstetten.
Le plus ancien monument poétique à son sujet et qui date du xiie siècle, la Chronique rimée, nous montre le premier essai et comme la première ébauche grossière de ce roman du Cid.
À propos du clinquant qu’il avait reproché au Tasse, Boileau avait été blâmé par un traducteur du Tasse et déclaré plus poète que critique : contrairement à ces sentences du nouveau siècle, Marais tient ferme et reste dans les termes de sa première admiration : « Je dis que Despréaux était grand critique, qu’il l’a montré par ses Satires qui sont des critiques en vers, et que son Art poétique est un des plus beaux ouvrages de critique que nous ayons, aussi bien que ses Réflexions sur Longin. » Le président Bouhier, dans une dissertation savante, avait parlé un peu légèrement de Despréaux et de Bayle, les deux cultes de Marais ; celui-ci, après avoir lu la pièce manuscrite que lui avait communiquée l’auteur, le supplie (et il y revient avec instance) de modifier ce qu’il a dit d’eux et d’adoucir un peu ses expressions ; et il en donne, en définitive, une touchante et haute raison, tirée de Cicéron même, cette source de toute belle pensée et de toute littérature : « Multum parcendum est caritati hominum, ne offendas eos qui diliguntur.
Il n’est pas jusqu’à cette vogue religieuse du moment qui ne semble jusqu’à un certain point devoir se rapporter à lui : sans doute, en ce qu’elle aurait de tout à fait sérieux et de profond, lui-même il n’en accepterait pas l’honneur, et il l’attribuerait à une cause plus haute ; sans doute, en ce qu’elle offre d’excessif et de blessant, il aurait le droit d’en décliner la responsabilité, lui qui a surtout présenté la religion par ses aspects poétiques et aimables ; mais enfin il est impossible de ne pas remarquer que la vogue religieuse, dont le Génie du Christianisme fut le signal, est encore, après toutes sortes de retours, la même qui va accueillir la Vie de Rancé.
— Il y a quelqu’un de très-connu qui a dit : « Quand je vois un tas de boue, j’y vas, et je crois que tout le monde est comme moi. » C’est là un bien vilain mot et une bien diabolique pensée ; je ne serais pourtant pas étonné du tout (et j’en pourrais donner au besoin plus d’une raison) que l’auteur, osant tout ce qu’il savait, se fût dit ce mot-là pour article premier de sa poétique, lorsqu’il transporta d’abord ses lecteurs dans la rue aux Fèves.
Catherine de Médicis et Marie de Médicis régnèrent en France ; l’Italie poétique et artistique émigra avec elles, les arts les suivirent ; elles bâtirent le Louvre et le charmant château des Tuileries ; leur règne fut le règne de quelques vices et de beaucoup de génie.
Les désastres et les misères qui assaillirent les Bretons, l’invasion étrangère, les guerres séculaires, qui lentement les dépossédaient de leur antique héritage, avaient plutôt excité que brisé l’activité poétique de la race.
Il n’a qu’un trait de commun avec Guillaume de Lorris, et c’est précisément le sentiment poétique d’une certaine antiquité, d’une antiquité raffinée, voluptueuse, fastueuse, un peu mièvre, d’une sorte de xviiie siècle gréco-romain, mythologique, ingénieux, rococo, que le galant Ovide lui a révélée.
Thomas Sibilet a écrit dans son Art poétique : « Si le français s’était rangé à ce que la fin de la moralité fût toujours triste et douloureuse, la moralité serait tragédie ».
« Cette farcissure est un peu hors de mon thème, disait-il joliment un jour qu’il avait fait un écart un peu fort : je m’égare, mais plutôt par licence que par mégarde ; mes fantaisies se suivent, mais parfois c’est de loin, et se regardent, mais d’une vue oblique… J’aime l’allure poétique, à sauts et à gambades… Mon esprit et mon style vont vagabondant de même230… Je n’ai point d’autre sergent de bande à ranger mes pièces que la fortune : à mesure que mes rêveries se présentent, je les entasse ; tantôt elles se pressent en foule, tantôt elles se traînent à la file231. » Il se couvrait de Plutarque, coutumier aussi de ces « gaillardes escapades », et il avait fini par trouver que ce désordre, qui ne lui donnait pas de peine, était l’ordre même de son sujet.
Il convient de faire une place au roi354, qui dans ses Mémoires et dans ses Lettres, se montre à son avantage, avec son sens droit et ferme, son application soutenue aux affaires, sa science délicate du commandement : une intelligence solide et moyenne, sans hauteur philosophique, sans puissance poétique, beaucoup de sérieux, de dignité, de simplicité, une exquise mesure de ton et une exacte justesse de langage, voilà les qualités par lesquelles Louis XIV a pesé sur la littérature, et salutairement pesé.
Je suis d’ailleurs persuadé qu’on trouverait dans ses feuilletons épars et trop nombreux quelque chose comme la Poétique expérimentale d’Aristote, reprise, élargie, appuyée sur une masse énorme d’œuvres dramatiques, sur tout ce qui a été écrit pour le théâtre.
Le talent poétique qu’on peut entrevoir dans Organt est à peu près nul ; il y a de la facilité, çà et là un vers spirituel, rien de plus.
* * * — Rien n’est moins poétique que la nature et les choses naturelles.
Il n’est pas, sans doute, il n’est pas encourageant ; mais il n’y a rien à dire ici à La Fontaine, il ne fait que regarder et prendre des notes, exactement comme le plus poétique, le plus éloquent et le plus charmant des reporters.
Si la main, purement chrétienne et presque ascète de sa sœur Marie nous a cueilli quelques feuilles de ce beau lis double, la main poétique de Guérin a complété la corolle.
Dans l’ordre poétique et artistique, tout révélateur a rarement un précurseur.
De la politique poétique § I.
M. de Montalembert, sans abandonner les luttes politiques et religieuses qui avaient rempli dix-huit années de sa vie, ressaisissait le filon précieux qui avait ravi ses regards sur le seuil de sa poétique jeunesse. […] Il y a certainement une poésie en toute chose, dans la cour de la ferme avec ses mille bruits, dans le sentier qui mène au ruisseau où les moutons vont s’abreuver ; mais c’est la synthèse des impressions qu’on éprouve à la vue de ces spectacles champêtres qui est poétique. […] Puisqu’un beau paysage, un site agréable que nous avons vu dans notre jeunesse, nous laisse une impression qui se renouvelle avec une singulière vivacité lorsque, bien des années plus tard, nous nous trouvons, vieillis et tristes, en face de la même perspective, n’est-il pas naturel que le talent que nous avons aimé dans notre jeune âge, le génie poétique qui a éclairé et réchauffé par ses rayons notre âme à peine ouverte, nous demeurent sympathiques et chers ? […] Mais ces tendresses mystiques du cœur qu’expliquent la nature poétique et contemplative de cette âme, et la vie errante et solitaire que menait le saint, et sans doute aussi l’idée symbolique de l’agneau divin qui lui apparaissait à la vue de ce type de la douceur et de l’innocence, se trouvent de bien loin dépassées dans les exagérations ridicules que M.
Bourde, quand il faisait remarquer que les mots, pour parler le langage de la nouvelle école poétique, sont suggestifs. […] Comme elle est large, savoureuse et poétique ! […] Ce merveilleux organe met en saillie chaque mot de la phrase poétique, sans qu’il y paraisse songer. […] Elle n’est pas dans l’éclat des images prétendues poétiques ; elle n’est pas dans le désordre des exclamations soi-disant passionnées.
Avec un tel esprit, une nation ne devient point mercantile ; le commerce a toujours eu chez nous je ne sais quoi de poétique et de fabuleux, comme le reste de nos mœurs. […] Les Anglais conviennent que la prose d’Ossian est aussi poétique que les vers, et qu’elle en a toutes les inversions. […] Ses descriptions sont enflées, contournées ; on y sent souvent l’homme de mauvaise éducation, qui, ne connaissant ni les genres, ni les tons, ni les sujets, ni la valeur exacte des mots, va plaçant au hasard des expressions poétiques au milieu des choses les plus triviales. […] Son esprit nous paraît à la fois solide et fin : son imagination n’est pas toujours, comme les imaginations éminemment poétiques, portée par un sentiment vif ou une grande image ; mais aussi elle est spirituelle, ingénieuse ; ce qui fait qu’elle a plus de calme que de mouvement, plus de lumière que de chaleur. […] Les poétiques d’Aristote, d’Horace, de Boileau étaient remplacées par des poétiques pleines d’ignorance, de mauvais goût, de principes erronés et de faux jugements.
Et ceux que l’opposition des cerveaux poétiques et métaphysiques intéresse, n’ont qu’à rapprocher ces pages de celles où Kant, dans la Critique de la Raison pratique, cherche le fondement de l’harmonie morale et compare les cieux à la conscience. […] Or, cette trouvaille est un heureux trajet poétique et mental qui joint imperator, or et galère. […] Autour d’elles se cristallise l’étincelante puissance poétique. […] Un fils de la terre, grâce à une prodigieuse mémoire sensible, grâce à la plus aiguë impressionnabilité poétique, nous offre, palpitant, le mystère de la Provence, la douceur de la vie patriarcale, la splendeur de la journée humaine que rythment le travail, le soleil et la belle humeur. […] Nous tenons là un témoignage capital sur la nature poétique, sans alliage, culture, ni frelatage.
Vigny, lui, a essayé, s’est proposé de traduire en images colorées et mouvantes, vraiment « poétiques », des idées « philosophiques » rigoureusement définies, et dignes de ce nom. […] C’est pourquoi, dans cette poésie pourtant si personnelle, il n’y a pas ombre seulement de fatuité poétique, aucun étalage de soi, pas trace de dandysme, ni de byronisme, ni de romantisme. […] Assurément, à sa manière plus savante et plus précise, je continue de préférer, pour ma part, la manière dont Lamartine et Vigny, par exemple, ont entendu et traité la poésie philosophique, plus sommaire, plus large, plus poétique de son vague même et d’une certaine inexactitude. […] Ce qu’il y a de plus poétique dans Shakspeare, et de plus shakspearien, ce n’est pas sans doute Coriolan, ni même Othello, c’est ce qu’il y a de plus symbolique : c’est le Songe d’une nuit d’été, c’est Hamlet, c’est la Tempête. […] Je le pourrais, si je le voulais ; et je ferais voir aisément que chacune de ces renaissances poétiques a été précédée d’un retour au symbolisme.
Nous leur devons aussi, peut-être, ce qui se mêle de grâce attendrie et poétique, de profonde humanité, aux rigides déductions de cet austère dialecticien. […] La théorie sur la Fable poétique qui formait en 1853 le premier chapitre devient en 1860 le dernier. […] Enfin, au lieu d’une conclusion abstraite et vague sur le beau, nous avons une conclusion très concrète et précise sur les circonstances historiques qui ont favorisé l’éclosion des divers génies poétiques. […] Au lieu de donner à chaque événement, à chaque personnage la place proportionnée qui lui est due, il se laisse guider par les caprices de son imagination, se répand à chaque instant en des digressions poétiques. […] » Il se laissait même aller en contemplant les grandeurs du passé à de poétiques regrets.
Et comme il sentait plus vivement que quiconque, comme chez lui la joie et la douleur allaient toujours au paroxysme, comme l’instinct le menait et non la réflexion, il fut et il resta jusqu’à la fin l’étonné, l’impulsif, l’enfant barbare et charmant dont les jeux et les gestes, les colères et les repentirs nous ont valu l’œuvre poétique la plus haute de la fin du xixe siècle. […] D’ailleurs toute latitude n’est-elle pas laissée à qui tente les différents modes d’expression poétique ? […] Mallarmé sur la génération poétique qui succéda au Parnasse s’explique aisément. […] Beaucoup, d’ailleurs, se sont essayés aux vers et comme cet essai fut pour eux un labeur pénible, comme l’instrument infiniment délicat que constitue le rythme poétique les déçut, ils le disent inférieur, sans plus d’examen. […] Il y a là, de sa part, une erreur complète : le vers libre loin de se liquéfier en cette forme bâtarde : la prose poétique, s’affirme de plus en plus comme un jeu de cadences infiniment souples et musicales qui, lorsqu’elles sont bien maniées, arrivent à l’apogée du mode lyrique.
Une impression charmante est la planche en couleur où Hokousaï a représenté une collation dans la campagne, et où des femmes s’amusent à faire flotter sur un cours d’eau des coupes à saké, et l’homme auquel le courant l’apporte est obligé d’improviser une phrase poétique, sous peine, s’il ne peut l’improviser, de boire trois coupes. […] Et, à côté de cette architecture poétique, des dessins d’un naturel, comme cet homme qui dort la tête sur une table, visité par un rêve paradisiaque ; comme cette société sur un pic de montagne, saluant le lever du soleil, les robes et les cheveux flottants et soulevés derrière eux par l’air du matin. […] Et voilà ce que Hokousaï a écrit, comme légende de l’estampe : « Pendant l’automne dernier, j’étais tristement rêveur, et soudain j’ai imaginé de me promener dans un paysage pittoresque, en passant un nombre innombrable de ponts, et je me suis trouvé tellement heureux de ma longue promenade dans ce paysage que j’ai pris de suite mon pinceau et l’ai dessiné, ce paysage, avant qu’il ne se perdît dans mon imagination. » XXXI Cette note sur le Paysage à cent ponts est un témoignage du tempérament poétique du peintre, et la biographie de Kiôdén affirme en effet que Hokousaï fut un excellent poète dans la poésie Haï-kai (la poésie populaire). […] Non, rien ne peut donner une idée de la grandeur, du pittoresque, de la couleur à la fois réelle et poétique des paysages en hauteur où se passent ces scènes lyriques. […] Le sans-gêne de ces domestiques du palais valait leur renvoi mais, avant que quelqu’un de sa suite pût les punir, l’Empereur s’écria sur un ton de bonne humeur : « Quel plaisir de voir ces pauvres gens partager mon inspiration poétique !
Un mystère d’honneur paraissait nécessaire à l’effet de toute œuvre poétique. […] Cette origine d’Éloa, quoique un peu précieuse et affectée, était poétique et religieuse à la fois.
Tourgueneff a su l’éviter, et cela sans beaucoup d’efforts ; il en a été préservé par la nature de son sujet, le paysan russe étant encore essentiellement poétique, et probablement aussi par l’heureuse disposition de son esprit, qui aime avant tout la distinction sans pousser jusqu’à la recherche. […] Mais au sentiment religieux qui le soutient et le guide dans sa pénible carrière le paysan russe joint un tour d’esprit gracieux et poétique ; les pages charmantes intitulées la Prairie semblent avoir pour objet principal de mettre en évidence cette disposition naturelle.
C’était gracieux comme son âge et poétique comme son sujet. […] Nous désirons que ce qui a commencé par Paul et Virginie finisse par les Méditations poétiques.
À vingt ans, on le voit rêvant d’une vaste trilogie poétique, la Genèse, qui eût célébré la naissance des mondes et l’apparition de l’humanité d’entre les entrailles de la matière. […] Les évolutions romantiques et parnassiennes furent avant tout des évolutions poétiques, tandis que l’évolution naturaliste se manifesta, et naturellement, par des œuvres en prose, lesquelles ont toujours plus d’accès dans la foule.
Le roman d’amour, métaphysique et poétique, est en train de passer avec les aventures pseudo-historiques de Mme de Murat, de Mlle de la Force, de Mme Durand, de Mme d’Aulnoy. […] Leur ambition était de réussir un livre de prose « poétique, fantastique, lunatique, — un livre de rêve donné comme le produit d’une suite de nuits hallucinatoires ». […] Il y a longtemps que les poètes ont répondu par des métaphores, et les philosophes par des explications poétiques aussi quelquefois. […] On sait tout ce qu’il y a de douteux dans cette science accommodée au sentiment poétique et à la religiosité fausse de l’artiste. […] Je me la représente pieuse éducatrice de son frère, l’initiant au symbolisme poétique de la dévotion bretonne.
La poétique de ce répertoire exige que l’homme qui aime, passé quarante ans, soit ridicule et soit bafoué ; et Molière n’a point voulu qu’Arnolphe échappât à la règle. […] Il est un des rares poètes qui se soient créé une langue constamment poétique. […] Ce qui paraissait le plus exquisement poétique, c’était, au xviiie siècle, un prince ou une princesse de l’antiquité telle qu’on l’entendait alors. […] Il paraît que c’est là la plus belle vie et la plus « poétique » qu’on puisse concevoir… Sentez-vous ce qu’il y a d’audacieusement « convenu » dans cette fantaisie ? […] Cette figure, symbolique aussi, mais en même temps si vivante, cette Jeanne d’Arc modeste et sans visions, qui est par surcroît une Antigone et une Cordelia, cette fiancée humble et mystique de son roi — qui porte en elle l’âme de l’Écosse, et qui reste la petite Marie — est, assurément, une des plus nobles et des plus poétiques figures qu’on ait vues depuis longtemps au théâtre.
C’est une définition à la fois poétique et parfaitement exacte. […] Il a éparpillé, à travers son œuvre disparate, des préceptes avec lesquels on ferait aisément l’Art poétique du romantisme. […] Je sais, de plus, qu’après avoir rempli votre devoir avec le zèle le plus louable, vous avez profité de vos loisirs pour aller chercher à Vienne des impressions poétiques et pittoresques. […] Dans la soirée du 5 septembre 1870, le duc d’Aumale revenait à Paris par le train de Bruxelles, en même temps qu’un autre exilé dont le génie avait paré de splendeurs poétiques une monarchie vermoulue et une république éphémère : Victor Hugo.
Quelques semaines avant 1830, je lui vendis à un prix considérable les deux volumes des Harmonies religieuses et poétiques.
Politien, son ami, célébra ce retour par un salut poétique.
Nous avons à leur offrir d’assez précieux joyaux poétiques, je pense.
Tour à tour poétique et pittoresque, ingénieux et subtil, il ôte aux esprits les plus difficiles l’envie de remarquer quelques traces des défauts du temps parmi tant de beautés aimables que lui inspire le désir de plaire aux âmes pour les sauver.
Nul n’a mieux compris que lui que la science seule est désormais possible ; mais sa science n’est ni poétique ni religieuse ; elle est trop exclusivement abstraite et logique.
. — J’ignore si le proverbe français est vrai ici, « qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même » ; toujours est-il qu’à travers d’incontestables beautés poétiques, le public a trouvé des longueurs qui ont parfois refroidi l’effet de l’ouvrage.
Leur seule conquête a été critique, c’est-à-dire psychologique197. » Déplorer l’usurpation de la science sur la métaphysique, dans la recherche du vrai, et préférer la dernière, c’est ressembler à un homme qui, voulant aller en Amérique, et trouvant le voyage à pied plus poétique que la vapeur, se mettrait à marcher résolument, sans souci de l’Atlantique qui l’en sépare.
Du Monde poétique, suivons M. de Voltaire dans la vaste carriere de la Prose.
Ce début de Chamfort n’annonce aucune espèce d’originalité poétique, et il en était dépourvu en effet.
Dans les fantaisies de la pure imagination, comme la rêverie ou la composition poétique, l’ordre des images ne nous est pas imposé, il est voulu et plus ou moins arbitraire ; dans la perception, il est absolument involontaire : je ne puis déplacer la perception du milieu de ses circonstances environnantes.
Le beau livre de Fustel de Coulanges nous montre en effet les Grecs et les Romains dominés sur les deux points que l’on vient de dire par la croyance ancienne, alors que cette croyance n’est plus pour eux qu’un argument poétique.
La bouche garde le silence Pour écouter parler le cœur34 ; sa parole intérieure reste calme ; elle ne peut s’élever jusqu’à l’inspiration ; si, dans cet état, il se souvient de la Muse et de leurs amours d’autrefois, son esprit lui représente en vain tous les motifs poétiques qui devraient éveiller son génie ; aucun n’a le pouvoir de l’arracher à lui-même ; il ne ressent ni colère durable ni enthousiasme profond ; la Muse est pourtant descendue du ciel ; elle lui a parlé ; mais il a eu peine à la reconnaître ; ni son appel ni son baiser n’ont pu réchauffer un cœur glacé ; il refuse de s’envoler avec elle dans les « mondes inconnus » qu’en des temps plus heureux ils ont tant de fois parcourus ensemble.
Je me représente La Fontaine de la façon suivante : cette fois, La Fontaine a été amoureux (le texte l’indique), parce qu’il n’était amoureux d’aucune femme ; évidemment, c’est la rêverie sur l’amour lui-même, c’est la rêverie sur la jeunesse amoureuse, c’est la rêverie sur des souvenirs lointains et chéris, comme je le disais tout à l’heure, et qui, précisément, parce qu’elle n’a pas d’objet précis si elle en avait un, elle deviendrait un peu nonchalante comme nous voyons qu’était La Fontaine et qui, parce qu’elle n’a pas d’objet précis, a quelque chose de vague, d’indéfini, de lointain, de mystérieux… je mets beaucoup de synonymes au mot poétique, et celui-ci aurait suffi.
Après avoir expliqué l’influence de la race et de la patrie sur le génie de Virgile, il nous a fait voir la même influence sur sa gloire, sur cette spontanéité d’applaudissement qui porta si haut et si vite le nom de ce poétique Phidias qui avait, pour sculpter sa statue, pris son marbre dans l’orgueil national et la mémoire de tous.
Cousin, qui a de l’imagination et de la fantaisie dans l’esprit, à sa manière, s’est épris d’un amour intellectuel pour la figure historique de Mme de Longueville ; et si nous mettons de côté, par hypothèse, l’homme philosophique, ses préoccupations et presque ses devoirs, cet amour se conçoit fort bien au point de vue poétique et peut avoir son intérêt aux yeux de ceux qui aiment dans l’histoire moins ce qui s’y trouve que ce qui n’y est plus.
Nous sommes, nous serons toujours des primitifs, et trois ou quatre notes simples, dans tous les arts, résumeront cette perception, et suffiront à rendre toute la grandeur, toute la valeur poétique de cette apparition de la beauté.
L’affirmation peut sembler naïve, à force d’évidence ; et pourtant combien de gens qui se croient poètes parce qu’ils ont le sentiment poétique !
Boileau, Art poétique.
Ce titre d’Épigrammes, que portent tous les opuscules de l’Anthologie, n’a pas le sens que lui donne notre poétique. […] Méléagre, entre tous, excelle à ciseler ces figurines poétiques. […] Alors l’Ange dit à Salomon : « Voici pourquoi j’ai regardé cet homme avec attention : j’ai ordre d’aller prendre son âme dans l’Inde, et j’étais surpris de le rencontrer en Judée. » Aujourd’hui, la Mort a déposé sa faux, son sablier, son flambeau, ses ailes d’ange ou d’oiseau de proie, tous les attributs poétiques et terribles dont l’avait parée l’imagination. […] Immoral et poétique comme la Nature, il ne réclame des civilisations qu’il traverse que le droit d’asile dans son vaste temple.
Car incontestablement, c’est la même littérature ; la réalité des choses humaines vue par le côté triste, non lyrique, le côté humain, — et non par le côté poétique, fantastique, polaire, de Gogol, le représentant le plus typique de la littérature russe. […] … Dans l’idylle du second tableau, quel triste et pudique abandon, mais, mais… je ne sais pas, pour une scène d’amour si poétique, — la robe de bonne me fait une petite impression de froid, — en sera-t-il de même avec le public ?
Le mal est présent à tout pour protester… Le bien a l’unité, le mal a l’ubiquité. » Cette antithèse philosophique ne pouvait manquer d’inspirer à Hugo une série d’antithèses poétiques qui en sont l’expression figurée, depuis la « profondeur morne du gouffre bleu », l’identification du ciel et de l’abîme, jusqu’aux oppositions perpétuelles de l’ombre et de la lumière126. […] Nous doutons qu’une définition métaphysique valût cette condensation poétique d’idées et de sentiments ?
On leur a tant répété que le Système du monde de Laplace, ou le Cosmos de Humboldt, ouvraient à l’imagination poétique une carrière autrement plus vaste que le monde d’Homère ou la création de la Genèse, qu’il n’est pas étonnant qu’ils aient fini par le croire. […] Il ne leur manquerait, à vrai dire, que ce qui fait la supériorité de Dickens dans ce genre évidemment inférieur1 : — la puissance d’hallucination poétique, si particulièrement caractéristique de l’imagination anglaise ; et encore, et surtout, cet inimitable accent de l’émotion personnelle et de la souffrance vécue qui, du lointain de sa triste enfance, remontait si souvent aux lèvres de David Copperfield. […] À défaut de ces mortelles presque divines, les Hermione et les Phèdre, qui retenaient, jusque dans le désordre de la passion, quelque chose de la sérénité de l’antique, personne enfin ne nous rendra-t-il ces poétiques héroïnes qu’emportaient par-delà les conventions sociales l’impétueux élan et l’ardeur plus qu’humaine de la passion enivrée d’elle-même, — les Valentine et les Indiana ? […] Il n’a besoin ni de pitons, ni de palmistes, ni de la rivière des Lataniers ; point de « serpents verts », ni de « flamants roses », ni de « hérons bleus » ; il lui suffit des espaliers, des hirondelles et des ruisseaux de sa Normandie. — Remarquez en passant qu’un jour, infidèle à cette méthode, il ira chercher des paysages et des mœurs que l’éloignement, à travers le temps et l’espace, rende, à ce qu’il croira, plus poétiques : c’est alors qu’il écrira Salammbô. […] Ce serait l’occasion d’insister, et de montrer maintenant ce que nous pourrions appeler la valeur poétique aussi de ce temps, — qui n’est plus le présent et qui n’est pas encore le passé. « Elle avait une façon gentille… les messieurs se penchaient… la cour était pleine de calèches… on lui disait adieu par les portières… le maître de musique passait… » Et elle a raison de dire : « Comme c’était loin, tout cela !
Chaque fait, à chaque heure, a son côté poétique et superbe. […] Pendant les dernières années de l’Empire, il a été le centre du seul groupe poétique qui ait poussé après la grande floraison de 1830. […] On s’entendait sur la supériorité de la forme poétique, on en arrivait à préférer M. […] Je n’ai d’ailleurs pas à raconter ce mouvement poétique, qui a copié en petit et dans l’obscurité le large mouvement de 1830. […] Il est certain que l’honneur, la patrie, le dévouement et Dieu sont des preuves écrasantes du génie poétique de M.
Mockel, écrit son distingué commentateur88, par sa thèse de l’aspiration poursuivie à travers les transformations d’une âme en perpétuel devenir, nous aura permis de noter un des plus curieux états d’esprit poétique manifesté à la fin du xixe siècle et qui pourrait se formuler ainsi : le lyrisme symboliste est un lyrisme d’intuition ou d’immanence qui, au moyen de rythmes associés, s’efforce de mouler aussi étroitement que possible l’inspiration subjective du poète sur les manifestations extérieures de la réalité mouvante ; autrement dit : de conjuguer dans le même transport la vie, qui est mobilité, continu, etc., avec l’expression de cette vie dans une conscience individuelle. […] Ils ne se comptent pas en moins grand nombre dans Joyzelle 149, allégorie très poétique, où réapparaissent certaines inquiétudes relatives aux forces inconnues qui pèsent sur notre vie. […] Hélène de Sparte, pièce beaucoup plus équilibrée, écrite en alexandrins, d’une langue riche et soignée, d’une excellente facture latine, est à l’œuvre dramatique de Verhaeren ce que sont les Rythmes souverains à l’œuvre poétique. […] Épuisé. — Zigzags poétiques.
Il y résiste, et c’est en s’acheminant vers ce dénouement que l’on ressent le charme de ce livre écrit simplement dans une bonne langue, poétique souvent, et vigoureuse quand il le faut. […] Régnier, que j’ai sous les yeux, j’ai trouvé de véritables richesses poétiques qu’il renie sans doute aujourd’hui, mais qui feront peut-être partie du meilleur de son bagage de demain. […] Je n’aime pas beaucoup « imbrifère », mais je reconnais que voilà de l’esprit léger et un sentiment poétique très profond, deux, qualités bien rares à voir marcher de front. […] L’Enchantement de Siva, n’est point un livre ; c’est une simple brochure, mais que je signalerai comme contenant un morceau poétique d’une rare puissance. […] Catulle Mendès vient de nous raconter la poétique légende.
C’est un livre de lecture très douce où, sous une forme poétique recouvrant une âme ardente, sont traitées les plus grandes questions de l’humanité. […] Auguste Vacquerie a fait paraître un recueil de pièces de vers qui est, en même temps qu’une œuvre poétique considérable, une sorte d’autobiographie, comme il le dit dans une courte préface. […] Nul mieux que lui ne sait rendre le charme silencieux de ces poétiques retraites, et chacune des nouvelles qui composent son livre est, à ce point de vue, un chef-d’œuvre de fidélité ; impressionné par les milieux saints dans lesquels il nous conduit et nous initie discrètement, l’auteur semble baisser le ton pour ne pas rompre d’un éclat de voix ce calme tout spécial dont on n’est nulle part envahi comme dans les béguinages belges. […] Charles Fuster qui est poète, a cherché et trouvé prétexte à des élans poétiques, conduisant son roman un peu à la façon des livrets d’opéras où l’auteur a pour principal souci de créer ce qu’on appelle des situations musicales à son collaborateur. Or, tout est situation musicale, comme tout est situation poétique dès l’instant qu’il y a ce que nous appelons situation.
Combien immense ce champ qui s’ouvre alors devant notre énergie poétique et combien pauvre la figure que fait notre misérable Moi devant les symboles grandioses, que nous apporte l’immense empire de l’art, ininterrompu depuis les premiers siècles jusqu’à nous ! […] Ce chef-d’œuvre-là ne peut être qu’unique et suffira seul aux communiants, car il résumera toutes les créations poétiques existantes et leur donnera l’achèvement final et suprême. […] On me pardonne un roman comme Miarka, parce que le récit est poétique, comme ils disent, et qu’il faut bien passer quelque chose à la fantaisie d’un poète. […] Tout homme doué d’un esprit poétique doit avoir ressenti l’attrait des choses basses. […] Mais cette conception poétique devient bien autrement importante quand elle acquiert, comme chez Marcel Schwob, l’autorité d’un principe scientifique, qui contient en germe un système vrai de la société humaine.
Jouffroy (et nous savons qu’il en a déjà projeté), ce serait un lieu sûr pour toute sa psychologie réelle, qui consiste, selon nous, en observations détachées plutôt qu’en système ; ce serait un refuge brillant pour toutes les facultés poétiques de sa nature qui n’ont pas donné.
Sa beauté et ses talents poétiques y brillèrent du plus doux éclat.
À part la note poétique, Chateaubriand tenait plus de ce maître du style ; mais, quand la pompe des paroles est éloignée, la justesse de l’esprit éclate toujours dans Chateaubriand.
« Fantaisie funèbre, dira-t-on, et même assez froide ; car le vrai seul est aimable, disait Boileau, qui n’a point prévu cette poésie. » Mais est-on bien sûr que ce ne soit là qu’un amusement poétique ?
Son œuvre, principalement poétique et théâtrale, scandalisa en cette période victorienne avec ses références au sadomasochisme, à la flagellation, aux sentiments antireligieux et républicains.
Il ne cherche pas à retrouver la puissance wagnérienne dans ses textes mais plutôt une musicalité dont il fixe lui-même les formes dans L’art poétique en 1874.
Car ces êtres touchants, presque aériens, délicats, frêles comme des ombres, marchent pourtant devant nous en une grâce onduleuse et, par un don singulier, ce sont uniquement les natures poétiques que l’auteur réussit à créer vivantes.
Son imagination néglige le plus souvent de puiser immédiatement aux sources vives de l’invention poétique et verse dans le faux et le banal.
Il était sorti seulement de temps en temps des prisons quelques chants du cygne, quelques plaintes mélodieuses ; ces poésies avaient l’accent des brises de nuit qui traversent les ifs ou les cyprès des cimetières, elles donnèrent à la langue poétique, et même à la prose française d’après la révolution, les premières notes de cette mélancolie tragique, inconnues jusque-là à la langue.
Il appliquera le compas de Boileau à des édifices d’une richesse et d’une énormité que l’auteur de l’Art poétique n’avait point prévues : mais ce sera toujours le compas de Boileau. […] (Il faut dire que Borkman a eu le tort, auparavant, de traiter de « poétiques sornettes » les élucubrations de Foldal.) — « Si tu doutes de mon génie, dit Borkman, il vaut mieux que tu ne reviennes plus ici. — Aussi longtemps que tu as eu foi en moi, répond Foldal, j’ai eu foi en toi. » Mais c’est fini maintenant. […] Alors, c’est bien simple : puisqu’elle passe pour morte, elle en profitera : elle s’en ira avec son Michaël, là-bas, dans sa poétique Valachie, où ils seront heureux. […] Un individu aussi « poétique » que ce chemineau peut faire ce qu’il lui plaît. […] si « poétiques !
Mounet-Sully porte avec une grâce si virile et tant de poétiques attitudes. […] Leconte de Lisle est un prêtre de l’art, l’abbé crossé et mitré des monastères poétiques. […] Parce que sans doute ces couleurs et ces formes étaient les vêtements nécessaires de sa pensée et le vrai corps de son âme poétique. […] Ils proscrivent toutes les histoires générales, hors celles de Michelet, qui leur apparaît comme une sorte d’épopée dans laquelle toute licence est licence poétique. […] Toute la littérature anglaise, si poétique et si profonde, offre de semblables complexités et une telle confusion.