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919. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

. —  Sa vie. —  Son énergie, son dévouement, son rôle politique. —  Son esprit. —  Différence des réalistes anciens et des réalistes modernes. —  Ses œuvres […] Fielding. —  Son tempérament, son caractère et sa vie. —  Joseph Andrews. […] De quelque côté qu’on regarde sa vie, on n’y voit qu’efforts prolongés et persécutions subies. […] » Désormais pour lui la vie spirituelle s’ouvre. […] Décidément la vie est bonne, et avec Fielding nous ferons en riant le voyage, la tête cassée et le ventre plein.

920. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Je ne veux décrire aujourd’hui que ce penseur et cet écrivain ; je laisse la vie, je prends ses livres et d’abord ses Essais. […] Ils ne descendent pas jusqu’aux petits faits, jusqu’aux détails probants, jusqu’aux exemples circonstanciés de la vie vulgaire. […] L’humour emploie contre les gens des faits positifs, des arguments de commerçant, des contrastes bizarres tirés de la vie vulgaire. […] Mille après mille, le seul son qui indique la vie est le cri indistinct d’un oiseau de proie, perché sur quelque créneau de roche battu par la tempête. […] Elle a la vie, la clarté, l’unité, qualités qui semblaient toutes françaises.

921. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Sa vie et son œuvre ne sont qu’une continuation, un agrandissement de la vie et de l’œuvre de Jean Lebel, chanoine de Liège, chroniqueur curieux et divertissant au service de son seigneur Jean de Hainaut101 : jamais Froissart n’ajouta rien à l’idée que son compatriote et maître lui donna de la manière de composer sa vie et son histoire. […] Tout ce qui est vie physique et sensation, apparences et mouvement des choses et des hommes, joie des yeux, caresse des sens, trouve en lui un peintre sans rival. […] Sa poésie est toute réelle et personnelle, toute de circonstance ; il rime au jour le jour tous les événements de sa vie, et tous ceux de son temps. […] Paris, Nouvelles Recherches sur la vie de Froissart . […] Sarradin, Eustache Deschamps, sa vie et ses œuvres, Paris, 1879, in-8 ; Picot, dans les Mélanges J.

922. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Villon ; sa vie : sa poésie. […] Commynes : sa vie : son caractère, son intelligence ; les idées directrices de Commynes ; sa philosophie. […] Voilà un commencement de sage et bonne vie : mais l’instinct déjà poussait notre Villon dans une autre voie. […] On sait les strophes pénétrantes où, sortant des prisons de Meung, il confesse sa vie folle et dit son repentir. […] Beaufils, Étude sur la vie et les poésies de Charles d’Orléans, in-8, Paris, 1861.

923. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

C’est une abondance d’idées, une richesse d’images, de l’horreur, de l’horreur… mais de l’horreur amusante, et un style brisé, plein de vie, au milieu d’une ironie féroce, d’une ironie à la Swift. […] Il parle de sa vie de travail, cet hiver, entre le piano de sa femme et les devoirs de ses petites filles. […] par exemple Leconte de Lisle, reprend Régamey, lui, fichtre, il ne trouve pas belle… la vie ! […] Il me parle de la fièvre jaune dans ces villes, vous faisant repasser, sous les yeux, toute l’horreur épouvantable de la peste de Marseille, et amenant, chez les survivants, un curieux dédain de la vie. […] À Daudet qui lui soutenait, un jour, qu’il y avait de bonnes choses dans la vie, il lui jetait avec un sourire méphistophélique : « Oui, l’amitié… Goncourt n’est-ce pas ? 

924. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

On n’essayait pas de voir, par l’histoire, la vie de ces grands peuples ; on oubliait totalement quelle place l’art avait tenue dans leur civilisation. […] Il étudiait infatigablement les débris de l’art antique, les procédés, les matériaux, la signification, l’usage, etc. : toutes ces études partielles tendaient à restaurer dans les esprits une représentation plus fidèle de la vie antique. […] Un savant617 peut alors concevoir le projet de ramasser dans un ouvrage de vulgarisation toute la civilisation grecque, telle que la science du temps l’a restituée, vie publique et vie privée, religion et philosophie, poésie et art, monuments et paysages. […] L’homme, en effet, ne change pas quand on passe des Elégies aux Églogues : mais ici l’épicurien mondain du xviiie  siècle enveloppe sa conception matérialiste de la vie des sensations fines d’un artiste grec : il traduit en païen son amour de la nature, de la jeunesse, de la vie riante et facile, des beaux corps gracieux et fermes. […] Il a été mieux inspiré quand il a importé l’ïambe : à vrai dire, ce n’était pas une forme tout à fait nouvelle ; à ne compter que le nombre des syllabes, les Adieux de Gilbert à la vie offrent précisément le même mètre.

925. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Non plus que s’il s’agissait d’un être de chair, on ne saura d’où vient à cet être de mots la vie. […] Mais non plus seulement une œuvre : dans cette œuvre des hommes ; — et non plus selon l’art alors, selon la vie. Dès l’origine, entre le poète et ceux-ci, la vie se dresse ainsi qu’une formidable barrière. […] Aussi bien leur faiblesse en face de la vie, fera leur force en face du public. […] L’Art ouvre ses bras tout grands à la vie, mais pour l’étreindre, la faire sienne, pour la réduire à l’Art.

926. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

À une époque où la vie privée tend à devenir monstrueusement une vie publique et où la vanité de chacun fait crier le plus fort qu’il peut sa crécelle, Léon Gozlan, un des esprits les plus brillants du siècle, de la race en ligne droite et courte des Chamfort et des Rivarol, ne faisait nul tapage de ses facultés. […] C’est, pendant toute leur vie, des écrins d’émeraudes ; mais nul poisson ne les rapporte, même le jour de leur mort, pour le besoin des chroniqueurs. […] Il a cela qu’il est passionné, qu’il est éloquent, qu’il connaît la vie, qu’il l’a pénétrée et qu’il sait la faire jouer dans la moindre des facettes de ses œuvres les plus courtes ; de ces œuvres qui ressemblent souvent à des bagues et à des bijoux de femme, pour le travail dans l’exiguïté. […] Il est évident que ce genre d’esprits, qui entendent, d’ailleurs, presque toujours les choses sociales : la notion qu’on se fait de Dieu impliquant tout le reste, l’emportent, et de beaucoup, sur les esprits qui ne se préoccupent que des problèmes terrestres de la vie, et ne songent qu’à tirer — extraction sublime, néanmoins !  […] Il n’avait, il est vrai, aucune des énormités de Balzac, ce Pantagruel littéraire, savant comme Rabelais, érudit comme tout un couvent de Bénédictins… Gozlan, qui a toujours caché sa vie avec une coquetterie profonde, devait avoir de son vaisseau négrier dans l’éducation.

927. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

De même qu’à un sens nouveau de la vie correspondent des œuvres nouvelles, aux œuvres nouvelles doit correspondre un sentiment nouveau de la beauté. L’absolue mesquinerie de notre esthétique provient de cette étrange opinion que l’art est une chose de luxe, alors que l’art est essentiellement vital, nécessaire à la vie, inséparable a elle. […] Notre sens esthétique en demeure faussé, à tel point qu’il nous paraît admis que la vie moderne ne peut engendrer que laideurs et banalités. […] Sa face ridée réapparaîtra brillante de jeunesse et de vie, et de sa bouche ne sortiront ni malédictions ni cris de douleur, mais des hymnes et des cris de joie. […] L’architecture moderne, en un mot, nous est apparue jusqu’à présent comme un art sans vie et sans beauté, en complète infériorité vis à vis des autres arts, qu’un sentiment nouveau a déjà orientés dans une voie nouvelle.

928. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Vie et aventures d’un positiviste […] Voyez donc la vie qu’ils mènent. […] Tu es un fainéant qui voudrait gagner sa vie sans rien faire. […] Veux-tu savoir la maxime qui m’a servi de règle dans toute ma vie ? […] dit-il, voilà un jeune sauvage qui a la vie dure.

929. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Même élan de foi, d’espérance et d’enthousiasme, même esprit de propagande et de domination, même raideur et même intolérance, même ambition de refondre l’homme et de modeler toute la vie humaine d’après un type préconçu. […] Au lieu de s’incliner, on vérifie, et la religion, l’État, la loi, la coutume, bref, tous les organes de la vie morale et de la vie pratique, vont être soumis à l’analyse pour être conservés, redressés ou remplacés, selon ce que la nouvelle doctrine aura prescrit. […] Il lui faut un culte, une légende, des cérémonies, afin de parler au peuple, aux femmes, aux enfants, aux simples, à tout homme engagé dans la vie pratique, à l’esprit humain lui-même dont les idées, involontairement, se traduisent en images. […] Un critique, un psychologue ne verrait là qu’un cas singulier, l’effet d’une structure mentale extraordinaire et discordante, analogue à celle d’Hamlet, de Chatterton, de René, de Werther, propre à la poésie, impropre à la vie. […] Avec tout cela, je mourrai persuadé que, de tous les hommes que j’ai connus en ma vie, nul ne fut meilleur que moi. » — À Mme B. 16 mars 1770. « Vous m’avez accordé de l’estime sur mes écrits ; vous m’en accorderiez plus encore sur ma vie si elle vous était connue, et davantage encore sur mon cœur s’il était ouvert à vos yeux.

930. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Cette liaison d’étude, autant que de sentiment, faisait l’orgueil et le charme de sa vie. […] Cette gloire même ressembla au sacrilége ; elle laissa une tache indélébile sur sa vie littéraire. […] Sa vie véritablement philosophique commença entre soixante et soixante-dix ans. […] Ce jour fut le triomphe et la fin de sa vie. […] Voltaire ne voulait pas plus de la voirie après sa mort que de l’échafaud pendant sa vie.

931. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Olier conçoit comme l’idéal de la vie du chrétien ce qu’il appelle « l’état de mort ». […] Les directeurs mènent exactement la vie des élèves et s’occupent d’eux aussi peu que possible. […] J’ai toujours pensé qu’il y eut en la vie de M.  […] Les Vies de saints écrites d’une façon trop exaltée lui déplaisaient également. […] Pinault m’apprit d’histoire naturelle générale et de physiologie m’initia aux lois de la vie.

932. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

. —  Rochester, sa vie, ses poëmes, son style, sa morale. […] Sir William Temple. —  Sa vie, son caractère, son esprit, son style. […] L’odieux et l’ignoble disparaissent de la vie ainsi entendue. […] La vie se passe en visites, en entretiens. […] Vous reconnaissez les amusements littéraires de la vie mondaine.

933. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

La vie va et vient dans la mort. […] Régner ou mourir ; mourir, non-seulement pour cette vie, mais même pour l’autre ; mourir éternellement ! […] Le meurtre le plus sacrilége a ouvert par force le temple sacré du Seigneur, et a dérobé la vie qui en animait la structure. […] la vie ? […] Oui, quand notre vie… MACBETH.

934. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Nous prions l’auteur de la Vie de Jésus de faire un peu grâce au roman. « La vie est courte, dit-il, et l’histoire, la science, les études sociales ont tant d’intérêt !  […] Et ils aiment et comprennent d’autant mieux la vie moderne qu’ils n’en sont pas distraits par d’autres prédilections plus solennelles. […] Les lettres étaient sa vie ; elles étaient son cœur8. […] Encore une fois, ce qu’il y a d’éminent en eux, c’est la nervosité — et le sentiment de la vie moderne. […] Un tel livre a la vie et la variété d’un album d’études.

935. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

C’est ainsi que ces études, dites positives, changent la face de la vie humaine, et font disparaître avec le libre arbitre la moralité qui la constitue. […] Les Vies des hommes illustres sont un véritable livre de psychologie historique. […] Chacun de nos développements est ce que l’ont fait être le temps, le lieu, l’occasion, toutes les circonstances de la vie. […] Non, il n’est pas vrai que l’homme ne reste point libre dans toutes les vicissitudes, dans toutes les crises de la vie publique. […] Dans ces nouvelles conditions de la vie nationale, chaque individu trouve sa place et son rôle.

936. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Deux états sociaux ruinent l’idée ou plutôt le sentiment de la patrie : la vie politique trop violente, et la vie politique nulle. […] La réalité ne se déforme point en passant à travers sa conception générale de la vie ; parce que de conception générale de la vie, je crois fort qu’il n’en a cure. […] Il semble leur dire : « Je vous connais très bien ; car je sais la vie. […] Ce n’est point un ambitieux ou batailleur dans le combat de la vie. […] Ce qu’il dit, il le croit toujours, et ce menteur effronté dans la vie sociale est un sincère dans la vie intellectuelle.

937. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

L’amertume que cet état de l’âme répand sur la vie est incroyable ; le cœur se retourne et se replie en cent manières, pour employer des forces qu’il sent lui être inutiles. […] Enfin, les Grecs et les Romains, n’étendant guère leurs regards au-delà de la vie, et ne soupçonnant point des plaisirs plus parfaits que ceux de ce monde, n’étaient point portés, comme nous, aux méditations et aux désirs par le caractère de leur culte. […] Les persécutions qu’éprouvèrent les premiers fidèles augmentèrent en eux ce dégoût des choses de la vie. […] De toutes parts s’élevèrent des couvents, où se retirèrent des malheureux trompés par le monde, et des âmes qui aimaient mieux ignorer certains sentiments de la vie, que de s’exposer à les voir cruellement trahis.

938. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Mme de Maintenon, qui a passé par toutes les conditions et par toutes les épreuves, qui a vu se former et s’évanouir autour d’elle tant d’égarements et de chimères, s’est confirmée de plus en plus dans l’idée qu’il n’y a encore rien de tel que le bon sens dans la vie, mais un bon sens qui ne s’enivre point de lui-même, qui obéit aux lois tracées, et qui connaît ses propres limites. […] Cependant une grande révolution allait s’opérer dans sa vie ; on en saisit une trace et un indice dans une de ses lettres de 1685 à Mme de Brinon : « Saint-Cyr et Noisy m’occupent fort ; mais, grâce à Dieu, je me porte fort bien, quoique j’aie de grandes agitations depuis quelque temps. » Ces agitations se rapportaient sans doute à la résolution du roi de l’épouser et au mariage secret qui se fit vers cette époque. En suivant de près la vie journalière de Louis XIV en ces années (comme cela est maintenant facile avec Dangeau), il résulte clairement que la fondation de Saint-Cyr fut un acte royal lié aux autres circonstances importantes de cette même date. […] N’avons-nous pas ici conversé de la vie et de la mort ? […] de cette musique enfuie renvoie-moi un seul son, si la vie du cœur est inextinguible !

939. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Toute sa vie, on peut dire qu’il le suivit de près et le côtoya : également attaché à l’éducation de jeunes princes, plus tard reçu sous ses auspices à l’Académie française, il le retrouvait à Versailles, il le visitait fréquemment à Meaux et à Germigny. […] En un mot, jeunes et en entrant dans la vie, on prend surtout les grands écrivains, orateurs ou poètes régnants, avec enthousiasme, par leurs qualités : vieux, on prend surtout les survenants et successeurs par leurs défauts. […] Le journal de Le Dieu nous montre Bossuet à Meaux, dans le tous-les-jours de sa vie pastorale, et le plus paternel des évêques. […] Bossuet, durant toute sa vie, avait lu et aimé les psaumes ; mais ce premier temps où, chanoine, âgé de treize ans à peine, il les chantait de sa voix pure et peut-être avec larmes aux offices du chœur à Metz, lui revenait plus tendrement dans ses derniers jours. […] Bossuet croit à la religion de toute son intelligence et de tout son cœur, et dans le cours de cette vie si pleine on ne voit pas d’interstice par où le doute se soit jamais introduit.

940. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Seulement reconnaissons les différences du procédé et des habitudes de vie. […] Serait-ce que la vie semble d’autant plus réelle que toutes les illusions disparaissent, comme la cime des rochers se dessine mieux dans l’horizon lorsque les nuages se dissipent ? […] Il m’est impossible de bien saisir la différence qu’il semble mettre dans cette alternative : Serait-ce parce qu’il y a dans l’espérance… Serait-ce Que la vie…, et d’y voir une explication. […] Dans Fanny, Roger s’est avisé un matin de s’apercevoir que celle dont il a traversé la vie est mariée, et de désirer rencontrer ce rival qu’il ne connaissait pas ; car il n’était pas présenté chez elle. […] Aujourd’hui la vie qu’on mène, la vie positive actuelle s’accuse en plein dans l’expression, et même au-delà.

941. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Nicolas-Germain Léonard, né à la Guadeloupe en 1744, vint très-jeune en France, y passa la plus grande partie des années de sa vie, mais il retourna plusieurs fois dans sa patrie première. […] Le genre idyllique, en effet, peut se concevoir d’une manière plus étendue, plus conforme, même dans son idéal, à la réalité de la vie et de la nature. […] Si idéal, si divin que soit le tableau, il garde encore du réel de la vie. […] Mignet, des renseignements plus précis sur cette époque un peu disparate de la vie de Léonard. […] Que je puisse cacher ma vie Sous les feuilles d’un arbrisseau, Comme le frêle vermisseau Qu’enferme une lige fleurie !

942. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il est vrai que ce demi-volume, contenant la Vie d’Abélard, est un chef-d’œuvre. […] L’auteur a eu affaire ici à une vie très belle, très pure et très uniment développée, même à travers les orages ; il s’est plu à l’exposer avec charme, avec étendue et lumière, et à composer une grande biographie de Moyen Âge, qui, cette fois, est faite pour plaire à bien des esprits, pour désarmer (tant M. de Rémusat y a mis d’impartialité et de réserve !) […] Au sortir de cette enfance mystique, vers l’âge de quinze ans, le jeune Anselme, qui avait fort profité aux études et aux lettres, ne concevait rien de préférable à la vie monastique, qu’il se représentait comme une vie toute de paix, d’étude, de prière et de bonnes mœurs, de conversations spirituelles et de méditations solitaires : il saura bientôt en réaliser le modèle en lui. […] En ce temps-là le merveilleux semblait toujours tout près des moindres événements de la vie. […] Il demeura au Bec trente-trois ans, y étant devenu prieur trois ans après son entrée, puis abbé durant quinze années encore (1078-1093) ; ce fut le temps le plus heureux, le plus égal et le plus regretté de sa vie, d’ailleurs si remplie.

943. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Avec la vie nationale enfin constituée, ce caractère va certainement se modifier et, si j’en crois certains symptômes, il étonnera le monde. […] Sa découverte de l’antiquité semble miraculeuse et ne s’explique que par le génie italien, par les malheurs mêmes de ce génie qui, dépouillé de toute vie nationale, se replie sur lui-même et se crée un monde nouveau dans le domaine de l’esprit. […] Privée de vie nationale, elle n’a pas vécu toutes les étapes de l’évolution normale ; elle a connu les brutalités des conquérants, mais non point les relativités nécessaires de sa propre réalité, puisque pendant des siècles elle n’a pas eu de réalité à elle. […] La nouvelle, je l’ai déjà dit, est une vision toute particulière, qui tient du drame autant que de l’épopée ; elle n’est pas un court roman, mais un drame en germe, tout en ayant d’ailleurs, comme forme d’art, sa vie à elle. […] Au théâtre nous avons les « formes » régulières de la tragédie et de la comédie, mais pas de vie dramatique, sauf quelques exceptions dans la comédie.

944. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Entre vingt et vingt-cinq ans il est surtout occupé de vie mondaine et d’analyse. […] Qu’on plonge dans le bain musical, pour la faire passer à la vérité et à la vie, cette notation juste de M.  […] C’est l’idée désespérément chimérique que cette seconde puisse constituer, de par la volonté qui la répétera, un état permanent de la vie. […] Mais depuis des milliers d’années, il est incorporé à notre civilisation : notre société, notre vie et même en partie notre bonheur ont cristallisé sur lui. […] L’interférence de ces cristallisations donne à la vie son illogisme, son tragique, son nerf.

945. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Il voyagea et se remit à sa vie de hasard et d’aventures. […] Notre capitaine de voltigeurs fait des expéditions, des reconnaissances, se familiarise avec la vie arabe. […] Le feu avait pris par la maladresse d’un débitant d’eau de vie qui a laissé s’enflammer de l’esprit. […] Voilà la vie qui m’est faite, et le rôle qui m’est imposé. […] J’ai éprouvé cela bien des fois dans ma vie.

946. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

Rôle de l’idée du moi dans la vie mentale. — Sa présence presque incessante. — Le moi comparé à ses événements. […] Non seulement nous allons par ce moyen d’un de nos moments au moment adjacent ; mais, par des abréviations qui rassemblent en une image une longue série de moments, nous allons d’une période de notre vie à une autre période de notre vie. […] Encore, presque toujours, dans la vie ordinaire, je ne lui en laisse pas le temps ; il me faudrait insister, chercher dans ma mémoire. […] Ils durent intacts pendant de longues années, quelques-uns pendant toute notre vie. […] L’interlocuteur de Blake le pria de demander à Richard III s’il prétendait justifier les meurtres qu’il avait commis pendant sa vie.

947. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Sentiment primordial de la vie incorporée et étendue. — II. […] Pour remonter jusqu’au principe, la vie est à la fois intensive, extensive et protensive dans la durée. Il en est de même de l’appétit, fond de la vie. […] Comme l’intensité, la durée est psychologiquement inhérente à la vie même, ou plutôt au vouloir-vivre, à l’appétit. Enfin l’extensivité est inhérente au sentiment de la vie corporelle.

948. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

L’usage journalier de la vie les a tous disposés, depuis le premier instant de leur naissance jusqu’au moment de leur entrée dans l’école, à l’arithmétique et à la géométrie. […] Toute notre vie n’est qu’un jeu de hasard ; tâchons d’avoir la chance pour nous. […] — Je crois, et je parie qu’en moins de trois ans je possède mieux le grec que Le Beau qui l’a étudié toute sa vie. […] Le chevalier Folard a passé sa vie à le commenter, et c’est fort bien fait au chevalier Folard72. […] Il y a de Diogène de Laërce, les Vies des Philosophes  ; de Polyen, les Stratagèmes de guerre ; de Pausanias, les Antiquités des villes de la Grèce ; des deux Philostrate, la Vie d’Apollonius et les Vies des Sophistes ; de Dion Cassius, l’Histoire romaine jusqu’il Alexandre, fils de Mammée ; d’Hérodien, la même Histoire depuis la mort d’Antonius jusqu’à celle de Balbin et de Maximin ; de Zozime, la même Histoire depuis Auguste jusqu’au second siège de Rome par Alaric ; de Procope, les Guerres contre les Goths, les Alains et les Vandales  ; les Faits et Gestes de Justinien, par Agathias ; d’Elien, de Jules Capitolin et de Vopiscus73, les vies de quelques-uns des Césars.

949. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Les circonstances de sa vie vont lui ouvrir d’autres horizons. […] « De sa vie, Julien n’avait eu autant de peur. […] La vie sociale a créé toute sorte de besoins factices. […] Elle sucerait l’or, le sang, la vie ! […] Il se composait un idéal de vie à l’instar de la leur.

950. (1909) De la poésie scientifique

De sa Vie unanime, poème harmoniquement composé, la pensée générale et la technique, le classent, en effet, parmi les « scientifiques ». […] Jouve : luxuriances de vie universellement perçue, sens orgiaque et sacré de la vie, plénitude de sensation rendue en musicalité et spontanéité de Rythme, Tendance philosophique. […] La Vie que ma volonté voulait exalter, elle devait être complexe, de sens universel. […] La théorie « évolutionniste » a émis en loi la « lutte pour la vie ». […] En sont possédées les vies des peuples et des empires  et nos propres vies, naturelles et intellectuelles, et nos énergies quotidiennes elles-mêmes.

951. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

L’horrible vie que cette vie des lettres, où après avoir souffert du doute de l’œuvre, on a encore à souffrir du doute de son succès. […] Des malaises qui ne compromettent pas encore la vie ! […] Il avait du reste passé sa vie à citer des vers de La Pucelle… toujours faux. […] Cela juge la vie. […] Le casino leur permet la vie de café, les cartes, le petit verre.

952. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

C’est jusqu’à présent l’homme que j’ai vu le mieux attraper, dans la copie de la vie moderne, l’âme de cette vie. […] Et, en effet, il est d’une myopie qui touche à l’infirmité, et semble lui faire traverser les milieux de la vie, ainsi qu’un aveugle — pas mal clairvoyant tout de même. […] J’en suis arrivé à ce détachement de la vie militante, où dans le dernier siècle, un homme, comme moi, s’enterrait dans un couvent : un couvent de Bénédictins. Mais le régime de la liberté a tué ces retraites pour les blessés de la vie. […] C’est le seul milieu, où un semblant de fantastique se mêle à la vie réelle.

953. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Ma conscience d’homme timoré devant Dieu répugnait à ce jeu de sang humain dont l’enjeu est la vie de ses créatures. […] C’est à l’intensité des sensations que la vie de l’âme se mesure, ce n’est pas à la longueur des années. […] Si j’en ai eu quelquefois, comme tout le monde, à la fleur de ma vie, l’âge, les événements, les réflexions, les humiliations de cœur et d’esprit dont ma vie est pleine, ont assez pris le soin de l’abattre. […] Pour la première fois de ma vie, j’eus le sentiment de la gloire, et je crus que la vie entière était assez bien employée à mériter un tel tombeau. […] C’est là que le poète avait achevé ses œuvres et caché sa vie.

954. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Et notez bien que ce ne sont pas là deux périodes successives et distinctes dans la vie du grand artiste ; il ne doit pas passer dix ou quinze ans de sa vie à s’en semencer et quinze ou vingt ans de sa vie, ensuite, à produire. […] C’est donc une vie en partie double et plutôt en partie multiple que celle du grand artiste destiné à devenir classique, une vie où l’intelligence qui comprend est sans cesse enjeu en même temps que l’imagination qui crée, et pour tout dire, une vie de grand critique unie à une vie de grand créateur. […] Telle fut la vie de Sarcey. […] Il devient propriétaire de sa vie. […] Plus de réalité là-dedans et plus de vie, ou une vie factice.

955. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

On a là toute sa vie morale et intérieure développée jour par jour dans un tableau sincère et involontaire. […] Ce scrupule sur un point fait juger de toute l’économie de la vie et des mœurs. […] Un ciel pur et un soleil méridional leur donnent une gaieté et un attrait pour la vie, qui est peu concevable pour nous qui apportons toujours dans les plus beaux lieux un principe de mort. […] Il y avait d’un côté les tableaux des anciens, les maîtres, comme on disait ; de l’autre, la nature romaine et la vie elle-même dans son caractère grandiose et sa simplicité. […] Il croit que la morale dans la vie est bonne pour l’artiste.

956. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

On entrevoit des parties montées, improvisées, de vraies petites scènes, qui variaient à l’infini cette vie de loisir, ces journées de promenades et d’entretiens. […] Cette vie oisive eût paru trop longue et trop monotone si le travestissement ne l’avait sans cesse renouvelée. […] Il eut aussi, au milieu de sa vie délicieuse, ses difficultés et ses traverses. […] Il écrit à M. de Puylaurens, le favori de Gaston, et qui plus tard paiera de sa liberté et de sa vie le malheur ou le tort de n’avoir point répondu aux intentions de Richelieu. […] Je fus étonné qu’un homme nourri toute sa vie entre les bras de la Fortune sût tous les secrets de la philosophie, et que vous eussiez acquis de la sagesse en un lieu où tous les hommes la perdent.

957. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

De retour à Berne, et en attendant son entrée dans la vie publique, Bonstetten passa quelques années de fin de jeunesse, très animées encore et très variées, qu’on suit à la trace dans ses correspondances. […] Il y avait donc à dire pour et contre ; c’est au fond l’éternelle opposition de la théorie et de la pratique, de la spéculation et des affaires, de l’art et de la vie. […] Seulement il ne la suivit, cette carrière, qu’en homme à demi convaincu ; il avait des regrets, de fréquents soupirs vers une vie plus agréable, plus conforme à la délicatesse de ses goûts. […] Cela lui fournissait matière, sur la fin de sa vie, à quelques-unes de ces anecdotes qu’il contait si bien et que sans doute il arrangeait tant soit peu. […] Il n’avait pour perspective que de voir sa vie s’éteindre tristement « dans Berne révolutionnée et pleine de haine et de ténèbres ».

958. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

Il passa le reste de sa vie fort doucement ; on s’amusait fort chez lui, et l’on y dansait. […] André d’Ormesson, qui écrit la vie de son père d’un style si sain et dans cet esprit de bon sens, dans un sentiment si vrai d’onction domestique, était assez lettré ; il avait étudié au collège du Cardinal-Lemoine et au collège de Navarre ; il a pris soin de donner la liste des auteurs classiques qu’il avait expliqués dans sa jeunesse ; il les revoyait de temps en temps pour s’en rafraîchir la mémoire, et aimait à en citer des passages jusqu’à la fin de sa vie. […] À défaut d’une grande étendue et élévation d’esprit, on doit le vénérer pour l’intégrité et sainteté de sa vie ; un sentiment moral, profond, respire dans ses mémoires inédits, trop prolixes et trop informes pour être publiés en entier ; M.  […] Le raccourci de la fin de la vie est trompeur ; on se fait des mirages dans le passé. […] C’est ce qui est arrivé au cardinal de Retz, le prince de ces narrateurs brillants qui mettent partout la vie et chez qui, à tout coup, l’imagination fait tableau.

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