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1360. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Il aurait pu s’appeler, de son vrai nom, Noli tangere ; Gare à qui me touche ! […] Dans cette épigramme, il y a deux choses : Piron, homme du métier, sentait bien l’incomplet de Voltaire, l’inachevé de ses œuvres d’art et ses à peu près dans l’exécution ; il touchait juste là-dessus. […] On en meurt plus content. » On touche du doigt maintenant comment et pourquoi Voltaire et Piron ne purent jamais s’entendre, et comment ce dernier, qui avait commencé avec son cadet par quelques avances et par lui adresser même un compliment en vers qui s’est retrouvé, avait fini par le prendre en grippe d’une façon obstinée et très-peu digne. […] Il touchait juste en appelant Marmontel vieil apprenti, et en voyant une Poétique de sa façon, il disait : Hé !

1361. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Nous étonnerons-nous maintenant qu’on ait pu dire d’un air de plaisanterie, mais avec sens : « La poésie française était comme une demoiselle de vingt-huit à trente ans, sans fortune ou ruinée par les événements, laquelle avait déjà manqué trois ou quatre mariages, lorsque, pour ne pas rester fille, elle se décida à faire un mariage de raison avec M. de Malherbe, un veuf qui avait déjà la cinquantaine121. » Nous venons de toucher légèrement l’histoire de ces trois mariages manqués. […] Pour nous, au contraire, quelle belle Ode, toute sincère et pleine de sens, de patriotisme, d’à-propos, — d’un à-propos qui se fait sentir encore aujourd’hui à ceux qui ont traversé des temps plus ou moins semblables, et qui comprennent qu’il est des moments où le salut de tous dépend d’un seul bras, d’une seule tête, — que cette Ode, Stances ou Prière pour le roi allant en Limousin (1605)127 : Ô Dieu, dont les bontés de nos larmes touchées Ont aux vaines fureurs les armes arrachées, Et rangé l’insolence aux pieds de la raison, Puisque à rien d’imparfait ta louange n’aspire, Achève ton ouvrage au bien de cet Empire, Et nous rends l’embonpoint comme la guérison. […] On ne saurait trop toucher et embrassez-le tronc de l’arbre dont la littérature générale représente de si beaux et si fructueux rameaux. […] Ce mépris qu’il fait de soi et de tout ce qui le touche, comme s’il ne connaissait point d’autre santé ni d’autre maladie que la santé ou la maladie de l’État, fait craindre à tous les gens de bien que sa vie ne soit pas assez longue pourvoir le fruit de ce qu’il plante.

1362. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Crésus, malgré l’excès de ses malheurs domestiques, touché des cris d’Adraste, en prit pitié, et lui dit : « Ô malheureux hôte, tu satisfais à toute la vengeance que je pouvais tirer de toi, en te condamnant toi-même : va, tu n’es pas la cause de mon malheur, ton action fut involontaire. […] Les bois montueux où se trouvent les pâturages qui nourrissaient les nombreux troupeaux de bœufs du pâtre sont situés au nord d’Ecbatane, en allant vers le Pont-Euxin ; et cette contrée de la Médie qui touche aux Saspires, très-élevée, abonde en épaisses forêts ; tout le reste est un pays de plaine. […] La femme, considérant sa taille, touchée des grâces de sa figure, se prit à pleurer et, embrassant les genoux de son mari, le conjura, par tout ce qu’elle put imaginer propre à l’émouvoir, de ne point obéir. […] Nous devons donc considérer, avant tout, ce qui touche à la stabilité de votre empire ou à la durée de votre existence, et, si nous apercevons quelque danger, ne pas perdre un moment pour vous l’indiquer.

1363. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Et toutefois il est une scène où la grâce de Paris, tout simplement incarnée dans une fille galante qui n’est pas bête, touche décidément le Yankee positif et péremptoire ; où il balbutie des paroles de désir qui jamais auparavant n’étaient montées à ses lèvres rases ; et où il abdique et se fait humble, ou presque, devant la volupté du vieux monde. […] On est intéressé, mais peu touché, par le développement d’une hypothèse contre laquelle on était en garde d’avance. […] Le philosophe Dursay, qui a été le confident de Lia tout le long de la pièce, est vivement touché de cette modeste beauté d’âme. […] Je veux simplement dire qu’il y a des peintures qui ne me touchent plus à l’âge que j’ai, qui me paraissent inutiles ou qui même me dégoûtent… On emporte de ces cinq actes une impression de basse humanité vraiment accablante.

1364. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

On veut toucher la cime de la main. […] Et les pieds d’Agamemnon ne toucheront point le seuil. […] Car nous touchions pour ainsi dire aux Châtiments. Nous les touchions de la main. […] Mais toute la vie nous continuerons de croire que nous touchons aux Châtiments et de savoir que les Châtiments ne touchaient pas à Waterloo.

1365. (1894) Critique de combat

Un conseiller fédéral touche en Suisse douze mille francs par an. […] Nous touchons là au vif de la question sociale. […] Il se fait gloire de rendre ce qu’il voit avec « une sainte brutalité de touche ». […] Je n’ai point la prétention d’avoir tranché celles que j’ai touchées. […] Coppée. — Attaquons le mal, mais n’y touchons pas !

1366. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Nous touchons ici à ce qui, dans le cas de M.  […] Jamais brutal, il aura dans ses violences des airs de n’y pas toucher. […] Ceux-là de préférence ont été touchés qu’on s’attendait le moins à voir rentrer dans le giron de l’Église. […] Il est touché par la générosité de son aveu comme par la sincérité de son repentir. […] Et, du doigt, il se touchait le front, comme pour indiquer que tant de belles choses avaient été conçues là !

1367. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Appendice » pp. 511-516

À cela il a été répondu, moins comme contradiction directe à ce que ces éloges avaient, liitérairement, de mérité, que comme correctif et au point de vue où la commission avait à juger l’ouvrage, qu’il ne paraissait point du tout certain que la peinture fidèle de ce vilain monde fût d’un effet moral aussi assuré ; que le personnage même le plus odieux de la pièce avait encore bien du charme ; que le personnage même le plus honnête, et qui fait le rôle de réparateur, était bien mêlé aux autres et en tenait encore pour la conduite et pour le ton ; que le goût du spectateur n’est pas toujours sain, que la curiosité est parfois singulière dans ses caprices, qu’on aime quelquefois à vérifier le mal qu’on vient de voir si spirituellement retracé et si vivant ; que, dans les ouvrages déjà anciens, ces sortes de peintures refroidies n’ont sans doute aucun inconvénient, et que ce n’est plus qu’un tableau de mœurs, mais que l’image très vive et très à nu, et en même temps si amusante, des vices contemporains, court risque de toucher autrement qu’il ne faudrait, et qu’il en peut sortir une contagion subtile, si un large courant de verve purifiante et saine ne circule à côté.

1368. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Molière touche au drame, et produit un effet immense qui traverse les siècles sans s’amoindrir.

1369. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Toutes les sciences se touchent et se prêtent un mutuel appui ; aucune ne peut avancer sans que les autres profitent de ce progrès.

1370. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

M. de Souvray lui dit qu’on lui avait laissé une bouteille à laquelle on n’avait point touché.

1371. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Malgré la variété de ses tableaux, sa touche est toujours égale.

1372. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Sa touche n’est pas communément aussi mâle, aussi énergique, aussi hardie que celle de Corneille ; mais elle est continuement plus élégante, plus naturelle, plus correcte.

1373. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Séduire, toucher, ravir, être exquis, gais, splendides, inventer Lélia et Mimi, mettre au monde Manon et Charlotte, ajouter Rodolphe à la terre et Elvire au ciel étonné, cela ne leur a point suffi.

1374. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

En général donc l’harmonie d’une composition sera d’autant plus durable que le peintre aura été plus sûr de l’effet de son pinceau, aura touché plus fièrement, plus librement, aura moins remanié et tourmenté sa couleur, l’aura employée plus simple et plus franche.

1375. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Les peuples polis ne s’étoient pas encore avisez qu’un combat singulier, dont le hazard, ou tout au plus l’escrime qu’ils regardoient comme l’art de leurs esclaves, doit décider, fut un bon moïen de se justifier sur un reproche, qui souvent ne touche pas à la bravoure.

1376. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

L’expérience les avoit convaincus de ce qu’elle seule peut persuader, c’est qu’une mere qui pleure en musique la perte de ses enfans, ne laisse point d’être un personnage capable d’attendrir et de toucher sérieusement.

1377. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Le fédéralisme girondin n’a pas même touché au manche du couteau de Charlotte Corday, à moins que l’héroïque jeune fille ne l’ait saisi d’indignation en voyant la lâcheté de ses compatriotes, quand avortait chez eux ce qu’ils osèrent appeler une insurrection !

1378. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Le vers : Et vous n’y touchez pas, tant vous semblez doucette !

1379. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Ce genre de raillerie qui touche au froid par son énormité même, ces hoax à la Swift, débités avec l’impassibilité et le sérieux d’un Anglais convaincu, et qu’écrit Rochefort dans une phrase qui ressemble à un visage où pas un muscle ne bouge, donnent toute la manière habituelle au spirituel écrivain ; mais, anglaise.

1380. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Je n’ai pas vu de pommes d’or dans le livre de Taine, mais j’ai vu le dragon qui les garde, s’il y en a, et qui empêchera d’y toucher.

1381. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

On étonnerait beaucoup un homme étranger aux spéculations philosophiques en lui disant que l’objet qu’il a devant lui, qu’il voit et qu’il touche, n’existe que dans son esprit et pour son esprit, ou même, plus généralement, n’existe que pour un esprit, comme le voulait Berkeley.

1382. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Nos comiques du jour veulent toucher le cœur.

1383. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Touche-t-elle en rien à la moralité du caractère ? […] Nous irons ensuite ensemble voir la pièce qui me touche le plus, le Philosophe sans le savoir, où j’ai une loge où je vous mène — loge grillée ; monsieur Camille, votre incognito sera respecté. — Dites à Gérando que je me plains de lui. […] Il nous en donnerait en route des nouvelles. — Si vous ne saisissez pas ce projet qui me touche, n’en parlez pas absolument, car il ne faut pas refroidir les autres amis par cette idée. — Oublier tout ce qui m’oppresse pendant six mois, l’oublier avec vous, que j’aime profondément, sous ce beau ciel d’Italie, — admirer ensemble les vestiges d’un grand peuple, verser des larmes sur celui qui succombe avant d’avoir été vraiment grand, ce serait du bonheur pour moi ; je mènerais avec moi mon fils aîné, qui est très-bon, et je suspendrais la douleur pendant six mois […] « J’ai été bien touchée, mon cher Camille, du billet que j’ai reçu de vous. […] défendant ses fils et son talent au péril de son bonheur, de sa sécurité, de sa vie, est un moment touchée de ce qu’un jeune homme d’une nature chevaleresque sacrifie tout au plaisir de la voir140. — J’estime avant tout sur cette terre le dévouement, l’élévation et la générosité. — Je voudrais qu’on pût y joindre l’absence totale de faiblesses d’imagination ; mais de toutes les faiblesses, celles qui souillent la plus à mes yeux, ce sont celles du calcul ou de la pusillanimité !

1384. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Nous touchons là du doigt la grande erreur et l’illusion philosophique de la fin du xviiie  siècle. […] Il me semble au moins que le scepticisme que certaines discussions historiques provoquent ou entretiennent n’est ni la moins douce ni la moins saine habitude que l’esprit humain puisse contracter. » Bien des nobles cœurs qui veulent de la foi à tout prix se pourront scandaliser de cette conclusion à la Montaigne, qui met la santé de l’esprit là où d’autres voient son plus grand mal ; elle me plaît et me touche chez Daunou, elle est conforme à la nature de cet esprit judicieux et craintif, au moment où, battu des orages, il se retrouve dans la sphère paisible de l’étude et où il respire. […] Si c’est trop souvent une erreur, c’est toujours un vœu honorable, et l’on touche en effet de bien près à ce terme, quand une loi fondamentale a déclaré, promis, déterminé toutes les garanties individuelles ; car il suffirait que cette loi fût fidèlement établie, littéralement observée par ceux qui l’ont faite, pour que le renouvellement des troubles devînt tout à fait impossible. » — Santa Rosa, dans une lettre à M. […] Daunou tenait, pour sa part, la pierre de touche de la diction et ]e creuset de l’analyse moderne : ajoutez-y la grammaire générale toujours présente au fond, ce qui ne nuit pas. […] On sait, chez Rotrou, les beaux vers du vieux Venceslas qui, lorsqu’on lui demande pourquoi il devance l’aurore, répond dans un tout autre sentiment : oui ; mais j’ai mes raisons qui bornent mon sommeil : Je me vois, Ladislas, au déclin de ma vie, Et, sachant que la mort l’aura bientôt ravie, Je dérobe au sommeil, image de la mort, Ce que je puis du temps qu’elle laisse à mon sort ; Près du terme fatal prescrit par la nature, Et qui me fait du pied toucher ma sépulture, De ces derniers instants dont il presse le cours, Ce que j’ôte à mes nuits, je l’ajoute à mes jours.

1385. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Hébert, assis derrière la princesse, sans toucher un crayon, préside au travail, et c’est à tout moment : « Faites donc cela avec la main morte… Indiquez ceci comme cela… Mettez de la sauce là… je sais bien, vous ne voulez pas vous salir les doigts ?  […] Nous sommes vraiment fort touchés, et véritablement reconnaissants à la princesse de cette pensée de cœur, que nous n’aurions pas connue sans l’indiscrétion de ses amis. […] Puis essayant comme de se railler : « Je lui avais bien dit : On ne tue pas seulement un homme avec un coup de pistolet… chaque fois que ça me revient, depuis deux mois… c’est comme une aiguille à tricoter qui me passe là — et il se touche la poitrine à l’endroit du cœur. — Je viens de voir le docteur… Je lui ai tout dit… dans ces choses-là, vous comprenez, il faut tout dire… Ah ! […] Elle vient de recevoir de Girardin la dépêche annonçant la mort de sa fille, très touchée de la tournure : « L’angélique enfant ne dira plus : « Comme j’aime la « princesse !  […] C’est l’embaumeur de la vie morte, et rien n’a un peu d’immortalité que ce qu’il a touché, décrit, peint ou sculpté.

1386. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Les hommes célèbres et les ambitieux de célébrité ont naturellement un souverain mépris pour ceux que la noble ardeur de survivre, c’est-à-dire de vivre vraiment, ne touche point. […] Quand plusieurs cibles sont placées côte à côte, le tireur le plus maladroit a beaucoup de chance d’en toucher une : l’écrivain le mieux garanti contre la critique est celui qui offre le moins de surface. […] Il ne faut donc pas qu’une critique rationaliste vienne toucher à nos idoles d’une main lourde pour nous montrer qu’elles ne sont pas en or pur. […] il est bien à croire que, si nous les touchions, nous trouverions aussi à leurs pieds quelque peu de limon terrestre70. […] Le talent, c’est le tireur qui atteint un but que les autres ne peuvent toucher ; le génie, c’est celui qui atteint un but que les autres ne peuvent même pas voir100.

1387. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Quand cela serait vrai, ce ne sont pas toujours les choses naturelles qui touchent. […] Ô harpe, le vent t’a-t-il touchée, ou bien est-ce un léger fantôme ? […] Est-il un cœur que la musique ne peut toucher ? […] Continuant de toucher à l’occident, nous trouvons enfin le détroit de Behring. […] C’est toucher, comme on le voit, à ce qui fit dans tous les temps l’objet des recherches des plus grands génies.

1388. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Ceux qui l’ont connu rapportent de lui, pour ce qui touche à ce dernier point, des anecdotes extraordinaires. […] Sitôt touché, il lui faut mourir. […] C’est ainsi qu’à l’occasion de La Fontaine, et pour faire toucher au doigt l’attache qui unit la poésie du fabuliste au caractère de l’horizon natal, M.  […] Toucher à un point quelconque de ce vaste organisme qui est une nation lui semble un acte d’une délicatesse infinie. […] Taine a touché à la Révolution, et il s’en est occupé comme d’un fait à étudier et à connaître.

1389. (1923) Paul Valéry

Ensuite l’habitude de ne la toucher qu’à de rares intervalles, un jansénisme poétique qui repousse comme un sacrilège la fréquente communion. […] Elle dérangera d’autant plus nos idées toutes faites, devant la poésie de Mallarmé et de Valéry, que, si leur vers se défend de comporter une liaison logique, il comporte, autant et plus que tout autre, une chair verbale, qui se touche voluptueusement de la voix ; il existe, et même avec un raffinement paradoxal, comme matière rythmique, comme texture incomparable d’assonances, d’allitérations, de rimes, et de toutes les rigueurs, et de toutes les disciplines. […] Mais touché par le Crépuscule, Ce grand corps qui fit tant de choses, Qui dansait, qui rompit Hercule, N’est plus qu’une masse de roses ! […] Le Satyre ne touche à la métaphysique que parce qu’il est poésie sans matière. […] Pas plus que Mallarmé il n’a été touché par le vers libre ni il n’a touché au vers libre.

1390. (1881) Le naturalisme au théatre

Pourtant, cette belle franchise me touche toujours beaucoup, parce que je sais combien il est courageux de dire ce qu’on pense. […] Je touche ici un point délicat. […] Est-ce que ces gens-là nous touchent ? […] Et nous touchons ici du doigt le défaut capital de Camille Desmoulins. […] Ils ne peuvent y toucher sans ennuyer profondément ou sans faire rire aux éclats les spectateurs.

1391. (1900) Molière pp. -283

L’idée de la mort n’envahit pas les hommes de très bonne heure ; il y a des caractères d’hommes auxquels elle ne touche jamais, et c’est le plus grand nombre. […] Qui en choque un se les attire tous sur le bras ; et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres ; ils donnent hautement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. […] C’est une épopée mise en dialogue, où tous les caractères, même les plus épisodiques, sont accusés à grands traits, d’une manière qui rappelle la largeur et la simplicité de la touche homérique. […] Je veux vous faire toucher la chose du doigt par un exemple précis, tiré de l’histoire même de notre société et de notre comédie ; l’exemple est non seulement précis, mais il a cet avantage de pouvoir être proposé à certaines portions de cet auditoire d’une manière plus explicite que lorsqu’il s’agit des rapports entre la femme et le mari : c’est l’amour fraternel. […] Les derniers échelons trempaient dans l’eau fangeuse, tandis que les premiers, fièrement appuyés au tronc d’un magnifique palmier, étaient caressés de ses fruits et défendus par son ombrage contre les ardeurs du soleil : « Vil peuple », disaient les échelons d’en haut à ceux d’en bas, « rampe dans la poussière tandis que nous touchons au ciel ».

1392. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

On dit bien qu’un vrai dessinateur doit être capable de croquer au vol, avant qu’il ait touché terre, le couvreur qui tombe du toit. […] Géricault s’imposait la tâche, qu’il avouait pénible, d’apprendre son modèle par cœur avant de toucher un crayon. […] Son dessin est donc commencé, et même très avancé, avant qu’il ait seulement touché le crayon. […] Sa touche n’est asservie à aucune loi déterminée. […] Gardez-vous, nous dit-on, de toucher à la nature, vous la gâteriez !

1393. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

À ces causes, la justice fut touchée de ses plaintes. […] À force de voir que tout lui était permis, il osa toucher au maître, à Molière, et pour son bénéfice (il appelait cela son bénéfice, le malheureux !) […] — Elle est au ciel, elle touche aux enfers ; elle pleure, elle prie, elle maudit ; elle implore, elle blasphème, elle crie, elle s’apaise ; elle est vivante outre mesure… elle est morte ! […] En même temps, pour ce qui touche aux mœurs, à l’observation qui pénètre dans les recoins les plus cachés, comme fait un rayon du soleil, il n’y a aucune comparaison à faire entre M.  […] un pied qui brûlait le pavé sans le toucher !

1394. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Il n’a pu en quinze ans ni réaliser tout ce qu’il voulut ni toucher à tous les points qu’il visait ni décrire toute sa courbe. […] Mallarmé me mit au courant ; le vers, on n’y touchait point, sauf Verlaine en quelques fantaisies qui allaient paraître dans Jadis et Naguère, au contraire, on raffinait. […] Lui aussi cherchait à s’évader, il n’osa toucher au vers et choisit le poème en prose ; s’il eût vécu, peut-être eût-il élargi ses tendances de liberté. […] Bien des poètes, à cette heure-là, soit pris par la beauté de Paris, ses transformations, son sous-sol, usine dissimulée de constructions propres, soit touchés par le contact babylonien de Londres, ont rêvé des villes énormes, esthétiques, pratiques aussi. […] « Je serais bien l’enfant abandonné sur la jetée portée à la haute mer, le petit valet suivant l’allée dont le front touche le ciel.

1395. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

On a récemment cherché, en réhabilitant l’hôtel de Rambouillet, à en montrer l’héritière accomplie et triomphante dans la personne de Mme de Maintenon ; un mot de Segrais trancherait plutôt en faveur de Mme de La Fayette pour cette filiation directe où tout le précieux avait disparu ; après un portrait assez étendu de Mme de Rambouillet, il ajoute incontinent : « Mme de La Fayette avoit beaucoup appris d’elle, mais Mme de La Fayette avoit l’esprit plus solide, etc. » Cette héritière perfectionnée de Mme de Rambouillet, cette amie de Mme de Sévigné toujours, de Mme de Maintenon longtemps, a son rang et sa date assurée en notre littérature, en ce qu’elle a réformé le roman, et qu’une part de cette divine raison qui était en elle, elle l’appliqua à ménager et à fixer un genre tendre où les excès avaient été grands, et auquel elle n’eu qu’à toucher pour lui faire trouver grâce auprès du goût sérieux qui semblait disposé à l’abolir. […] Monsieur, vous ne m’aimez plus, il y a longtemps : mais cela est injuste ; je ne vous ai jamais manqué. — Monsieur parut fort touché, et tout ce qui étoit dans la chambre l’étoit tellement, qu’on n’entendoit plus que le bruit que font des personnes qui pleurent… Lorsque le roi fut sorti de la chambre, j’étois auprès de son lit ; elle me dit : Mme de La Fayette, mon nez s’est déjà retiré. […] Pour nous, que ces invraisemblances choquent peu, et qui aimons de la Princesse de Clèves jusqu’à sa couleur un peu passée, ce qui nous charme encore, c’est la modération des peintures qui touchent si à point, c’est cette manière partout si discrète et qui donne à rêver : quelques saules le long d’un ruisseau quand l’amant s’y promène ; pour toute description de la beauté de l’amante, ses cheveux confusément rattachés ; plus loin, des yeux UN PEU grossis par des larmes, et pour dernier trait, cette vie qui fut assez courte, impression finale elle même ménagée.

1396. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

ce savant que nous avons vu chargé de pensées et de rides, et qui semblait n’avoir dû vivre que dans le monde des nombres, il a été un énergique adolescent : la jeunesse aussi l’a touché, en passant, de son auréole ; il a aimé, il a pu plaire ; et tout cela, avec les ans, s’était recouvert, s’était oublié ; il se serait peut-être étonné comme nous, s’il avait retrouvé, en cherchant quelque mémoire de géométrie, ce journal de son cœur, ce cahier d’Amorum enseveli. […] Ses plus grandes joies, c’est de s’asseoir près de Julie sous prétexte d’une partie de domino ou de solitaire, c’est de manger une cerise qu’elle a laissée tomber, de baiser une rose qu’elle a touchée, de lui donner la main à la promenade pour franchir un hausse-pied, de la voir au jardin composer un bouquet de jasmin, de troëne, d’aurone et de campanule double dont elle lui accorde une fleur qu’il place dans un petit tableau : ce que plus tard, pendant les ennuis de l’absence, il appellera le talisman. […] Les voilà ces jasmins dont je t’avais parée ; Ce bouquet de troëne a touché les cheveux… Ainsi, celui que nous avons vu distrait bien souvent comme La Fontaine s’essayait alors, jeune et non sans poésie, à des rimes galantes et tendres : mistis carminibus non sine fistula. — Mais le plus beau jour de ces saisons amoureuses nous est assez désigné par une inscription plus grosse sur le cahier : LUNDI, 3 juillet (1797).

1397. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Parmi ces événements, des classes s’établissent ; ils se groupent spontanément selon leurs ressemblances et leurs différences ; les plus usités, marcher, saisir avec la main, soulever un poids, sentir, toucher, flairer, goûter, voir, entendre, se souvenir, prévoir, vouloir, s’assemblent chacun sous un nom ; nous les concevons comme possibles pour nous, et ces possibilités, incessamment vérifiées et limitées par l’expérience, constituent nos pouvoirs ou facultés. […] VIII Lorsque, par les expériences du toucher, de la vue instruite et des autres sens, nous avons acquis une idée assez précise et assez complète de notre corps, et qu’à cette idée s’est associée celle d’un dedans ou sujet, capable de sensations, souvenirs, perceptions, volitions et le reste, nous faisons un pas de plus.  […] Il se produit en nous une certaine sensation brute de la rétine et des muscles de l’œil, laquelle évoque l’image des sensations musculaires de locomotion qui conduiraient notre main à deux pieds de là, selon tel contour ; le composé est une tache de couleur figurée et située en apparence à deux pieds de nous. — Nous avançons la main, et nous palpons la bille ; il se produit en nous une certaine sensation brute de froid, de contact uni, de résistance, laquelle évoque l’image des sensations tactiles et visuelles que nous aurions, si nous regardions ou nous touchions notre main droite ; le composé est une sensation de contact uni, de résistance et de froid en apparence située dans notre main droite. — Or, toutes les fois que nous avons répété l’expérience, chacun de ces deux composés a toujours accompagné l’autre.

1398. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Au fond la plainte de Rabelais est exagérée et touche au ridicule. […] Car ce sont des faits qu’ils allèguent, des faits dont ils sont témoins, qu’ils ont soufferts, dont leur corps porte les preuves, que tout le monde sait, que l’homme ne peut nier, qu’ils souffrent maintenant encore, qu’en ce moment même on touche de la main et des yeux. […] Les « parleurs » ont dû être stupéfaits de se sentir touchés ; cet homme a manqué à toutes les règles.

1399. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

La Néva coule à pleins bords au sein d’une cité magnifique ; ses eaux limpides touchent le gazon des îles qu’elle embrasse, et dans toute l’étendue de la ville elle est contenue par deux quais de granit alignés à perte de vue, espèce de magnificence répétée dans les trois grands canaux qui parcourent la capitale, et dont il n’est pas possible de trouver ailleurs le modèle ni l’imitation. […] Cette époque touche celle des Étrusques, dont les arts et la puissance vont se perdre dans l’antiquité, qu’Hésiode appelait grands et illustres, neuf siècles avant Jésus-Christ, qui envoyèrent des colonies en Grèce et dans nombre d’îles, plusieurs siècles avant la guerre de Troie. […] Le philosophe avait toujours touché dans M. de Maistre au théologien.

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