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1270. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Celui qui a le droit de toucher la laine brossera votre vêtement de drap ; celui qui ne saurait toucher que les produits végétaux brossera votre vêtement de toile, et il en faut encore un autre pour les chaussures de cuir. […] Or, si le robinet a été touché par une main souillée, l’eau sera-t-elle encore pure ? […] Elle le touche un instant de son coude et prie M. d’Arsonval de le soulever à nouveau. […] Mais voici qu’elle touche M.  […] Il a des manières d’être vu, d’être touché, d’être senti.

1271. (1887) George Sand

La volupté et l’ambition l’ont touché, elles le posséderont à jamais. […] La poésie est le talisman de Mme Sand ; dès qu’elle y touche, la sympathie renaît et les mauvais rêves avec l’ennui s’enfuient. […] Mais plus je suis touché de votre suffrage, plus il m’est impossible d’accepter votre blâme à certains égards… Vous dites, monsieur, que la haine du mariage est le but de tous mes livres. […] Il a touché la corde magique, l’inconnu ; la fantaisie enlève les dernières résistances ; Léonce va devenir l’arbitre de cette journée. […] Mais ici quel désastre c’eût été que la perte de tant d’œuvres en partie supérieures et de récits que le rayon de l’art a touchés !

1272. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Nous touchons ici le fond de cette poésie, le secret de sa nouveauté créatrice, qu’on peut injurier en toute honnêteté de cœur, mais qu’on ne peut pas nier en vraie honnêteté d’intelligence. […] Et l’amour ne prend dans les vers de Baudelaire une résonance si profonde que parce qu’il touche, malgré tout, dans le cœur, une corde éternelle. […] Toucher, en une femme aussi naturelle et d’esprit aussi sain qu’Apollonie, la fibre maternelle, la toucher avec cette ferveur, cette délicatesse, et cette musique, n’est-ce point même — et surtout — pour un déshérité comme Charles Baudelaire, le moyen le meilleur d’atteindre son cœur et d’obtenir de son amour tout ce qui dépend de sa volonté, de son intelligence, de sa pitié ? […] Nous touchons par là, d’une façon générale, à une des antinomies de la critique littéraire ou artistique. […] Il nous semble, en lisant Amiel, que nous sommes tout près de la pièce d’or, que nous la voyons, mais qu’une impossibilité magique, comme celle des rêves, nous empêche de la toucher.

1273. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Avec les besoins actuels, tout le monde veut des fonctions… Et à peine un sénateur, un député est-il nommé, que chaque électeur, apporte sa facture à toucher… Quand un pays en est là, il est tout près de tomber dans la pourriture. » Dimanche 8 février Cet estropié de Desprez, l’auteur du livre : Autour d’un clocher, qui demain va faire un mois de prison, avec sa pauvre figure anémiée, son toupet en escalade, ses béquilles, me semble en chair et en os, le bois de Tony Johannot, détaché de la couverture de son Diable boiteux. […] ma pièce de L’Œillet blanc, fait-il à un moment… J’avais touché dans ce temps, où je ne savais pas ce que c’était que l’argent… j’avais touché 1 500 francs chez Peragallo… 1 500 francs que j’avais demandé qu’on me payât en or — et qui faisaient là, dit-il, en tapant sur la poche de son pantalon — une grosse bosse. […] On attaque une barricade, sur laquelle une cantinière de la Commune fait le coup de fusil, sans qu’on puisse la toucher. […] Vendredi 31 juillet Nous allons chercher Koning et Belot, qui viennent s’entretenir avec Daudet, de la pièce que Belot tire de son roman de Sapho, pour le théâtre du Gymnase… Ici une parenthèse, Daudet ayant fait le roman, ayant fait le scénario, et comprenant qu’il devait à peu près faire la pièce, lui avait écrit que dans ces conditions, et maintenant qu’il avait une notoriété qui lui permettait de se passer de lui, il trouvait exagéré qu’il touchât la moitié des droits, et qu’il devrait se contenter d’un tiers.

1274. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Pendant deux heures qu’il reste au Grenier, il touche à un tas de questions anciennes et modernes, et parle spirituellement de la rapidité, à l’heure présente, avec laquelle les produits matériels passent d’un pays dans l’autre, et de la lenteur avec laquelle se transmettent les produits intellectuels, ce qu’il explique un peu par l’abandon de la langue latine, de cette langue universelle, qui était le volapuck d’autrefois entre les savants et les littérateurs de tous les pays. […] — Et quand vous causiez vous étiez en chemise… dans ce cas, pour une femme qui a un fonds de catholicité comme vous, madame, c’est grave, ça touche un peu au péché. […] Hier, à six heures, le fils de Popelin m’avait dit : « Il y a un petit mieux… ses crachats sanguinolents sont d’une meilleure nature… mais il n’y a pas à se le dissimuler, c’est un homme touché, bien gravement touché… et dont l’existence demandera à être entourée de grandes précautions. » Vendredi 20 mai Il n’y a plus qu’une chose qui m’amuse, m’intéresse, m’empoigne : c’est une conversation entre lettrés sympathiques, dans l’excitation d’un peu de vin, bu à dîner. […] Je me souviens qu’elle disait un jour, à propos de je ne sais quel livre : L’auteur a touché le tuf, et cette phrase demeura longtemps dans ma jeune cervelle, l’occupant, la faisant travailler.

1275. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Il croit les voir, les toucher. […] La forme même de la strophe exprime les deux choses : quand un premier vers vous a soulevé comme dans un enlèvement aérien, le second, plus court, vous donne le sentiment d’un but touché. […] Il étend la main en frémissant vers toutes ces réalités resplendissantes qui ne seraient plus que des ombres s’il y touchait. […] Tout avoir d’elle, depuis son culte jusqu’à sa pitié, n’être jamais quitté, avoir cette douce faiblesse qui vous secourt, s’appuyer sur ce roseau inébranlable, toucher de ses mains la Providence et pouvoir la prendre dans ses bras Dieu palpable, quel ravissement ! […] S’il a fait abus du « démesuré », il a connu aussi la délicatesse des pensées : « La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste. » (Les Travailleurs de la mer.) « La joie que nous inspirons a cela de charmant que, loin de s’affaiblir comme tout elle nous revient reflet, plus rayonnante. » (Les Misérables.) « Un piètre opulent est un contresens… Peut-on toucher nuit et jour à toutes les détresses, à toutes les indigences sans avoir soi-même sur soi un peu de cette sainte misère, comme la poussière du travail ? 

1276. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

54 » On le voit, Bonald touche de bien près à l’idéalisme platonicien55; ouvertement intellectualiste, naïvement synchrétiste, il est, de plus, secrètement fataliste56 et prédestinatien : presque partout, il nie implicitement la spontanéité individuelle de la pensée, et, quand il la reconnaît, il se met en désaccord avec l’esprit de toute sa doctrine. […] En somme, il n’a pas compris Bonald, et Bonald en retour, n’a pas compris que Damiron, en lui signalant les petites perceptions, avait touché le point faible de son système. […] Cette dernière idée, malheureusement, a fait fortune ; car il y a aujourd’hui, parmi les psychologues, une école du toucher ou, pour mieux dire, une école du muscle, qui ramène de gré ou de force toutes les opérations de l’âme au toucher actif et au sens musculaire. […] VIII, p. 182), Bonald méconnaît absolument le rôle du toucher, dont, en revanche, Maine de Biran et Bain ont abusé.

1277. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Il dut même, lui si besogneux, renoncer à toucher le prix convenu pour une nouvelle édition qui allait paraître en Hollande. […] Je ne puis être touché jusqu’à l’attendrissement qu’après un passage comique. […] Caressez-moi du râteau, bon jardinier, sans me toucher. […] Narcisse, se mirant dans l’eau courante, ne saurait toucher son image sans en brouiller les contours et ne peut que la contempler à distance. […] Jean-Paul est touché par la grâce, une

1278. (1864) Le roman contemporain

Nous touchons ici à la révélation de cette autobiographie qui jette le plus de jour sur l’intelligence et le talent de madame Sand. […] La rêverie chez elle était involontaire, presque morbide, elle touchait à l’hallucination. […] C’est naturellement au milieu des péripéties de ces épreuves que les deux destinées qui se sont un moment touchées au début du récit se rencontrent de nouveau. […] Gustave Flaubert, qui porte un nom médical et qui dissèque tout ce qu’il touche, me permette de disséquer son talent ; il a un scalpel dans la tête et une cornue dans le cœur. […] Il touche toujours à la déclamation, et souvent il y tombe ; il aspire à l’énergie et à la force, et souvent il n’évite pas le forcé, le prétentieux et la manière.

1279. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Philippe IIl est mort d’un érysipèle parce qu’un brasero trop chaud lui enflammait le visage, et que le seigneur chargé par l’étiquette de toucher au brasero n’était pas là. […] Nous arrivons aux cours qui touchent de plus près la vie morale. […] Je m’approchai, et l’oiseau ne s’envola que lorsque j’étais assez près de lui pour le toucher. […] J’avais apporté du pain que je lui jetai, mais il n’y toucha pas. […] Mais, s’ils ont approché du but, ils ne l’ont pas touché.

1280. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

La comédie, telle que Ménandre paraît l’avoir conçue, touche de trop près au roman moral, pour ne pas croire qu’une société qui a pu inspirer l’une, pouvait aussi servir de texte à l’autre. […] C’est un genre faux, agréablement touché par un homme de génie. […] La musique était une de ses distractions ; il touchait de l’orgue, et chantait avec goût. […] Sa muse savante et mystique toucherait plutôt à l’autre extrémité du mauvais goût. […] Malgré cette caustique amertume dont il donna tant d’autres marques, Pope était singulièrement touché du plaisir de la vie champêtre.

1281. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Elle le fit avec plaisir, et quelquefois non sans peine : lorsque par exemple il lui fallut toucher à ce jeune comte de Guiche, beau et bien fait, qui paya de l’exil son amour insensé. […] Tant de misère angoisseuse toucha saint Paul et saint Michel, et ils s’agenouillèrent en priant Dieu. […] La mer bouillonne sous le choc, et, battu par le reflux, le vaisseau retourne toucher terre. […] Le temps a touché à peine la ville de Saint-Antonin. […] Je soutiendrai néanmoins qu’à valeur égale un récit doit toucher plus profondément qu’un spectacle.

1282. (1925) Dissociations

Regardez-vous, mais ne vous touchez pas, surtout avec les lèvres. […] Quant aux autres plaisirs, ses principes lui avaient défendu d’y toucher. […] Restent les philosophes et les féministes qui, pour des motifs qui ne diffèrent pas essentiellement, voudraient qu’on respectât la liberté des femmes comme on respecte la liberté des hommes en ce qui touche les rapports des deux sexes. […] Le sentiment qui fait agir le Touring-Club est donc des plus louables et l’opinion publique lui en sera reconnaissante, même s’il n’arrive pas à toucher l’âme ligneuse des marchands de bois. […] Il circule à ce sujet une pétition qui parle de son charme, de son parfum d’histoire française : est-ce un argument qui puisse toucher les ravageurs du calme et antique quartier Saint-Séverin ?

1283. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Tout cela nous importe peu aujourd’hui ; le seul point qui nous touche historiquement, c’est cette demi-réforme tentée par les meilleures têtes de la Faculté d’alors, dont était Gui Patin, contre la tradition et la routine des remèdes mystérieux, merveilleux, irrationnels ; elle répondait assez bien aux autres demi-réformes analogues qu’avaient proposées, vers le commencement du siècle. […] Maintenant on trouverait bien des grossièretés ou des inconséquences dans ces factums contradictoires ; je laisse les grossièretés et ne touche qu’aux inconséquences.

1284. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Le monumental le touche peu ; la célébration des fêtes religieuses et autres, les solennités en tout genre, lui paraissent volontiers une superfluité. […] Pour moi, ce qui me frappe et me touche le plus dans ce paradoxe d’érudition française, c’est de voir l’homme qui se trouvait assister avec l’écharpe tricolore à la chute de l’ancienne monarchie, celui qui, le 19 Brumaire, suivait comme un volontaire des plus ardents le général Bonaparte à Saint-Cloud, se faire en vieillissant, par choix et par courtoisie, le chevalier d’honneur de Mme de Maintenon, et n’avoir de cesse qu’il ne l’ait reconduite, déjà plus qu’à demi vengée, entre les mains d’un Noailles.

1285. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Vous ne le croiriez pas, les Anglais, ces grands approfondisseurs, manquent totalement de jugement… Ici il est près de passer d’un extrême à l’autre dans l’expression, comme il arrive lorsqu’on écrit tout entier sous l’impression du moment ; mais, en continuant, il va toucher de main de maître un défaut que nous savons très bien combiner avec l’inconstance, celui d’être routiniers et dociles à l’excès pour les autorités que nous avons adoptées une fois et les admirations que nous nous sommes imposées : Pour nous frivoles, jolis, légers, nous avons tout, mais nous nous tenons à trop peu de chose ; notre inconstance est notre seul tort, elle nous emporte si bien qu’elle nous dégoûte de nous-mêmes plus que de personne, et nous lasse de nos propres idées au lieu de nous plonger dans l’admiration de nous-mêmes comme ces vaniteux Espagnols et Portugais ; nous avons une docilité d’enfants qui nous rend disciples et admirateurs des autres nations du monde. […] Pour le passé il place son âge d’or dans les dernières années du règne de Henri IV, de qui il fait « un brave militaire et un bonhomme de roi, qui gâtait un peu ce à quoi il touchait, mais qui avait bon cœur et qui heureusement revenait toujours à son Sully ».

1286. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Ceci touche à des questions délicates et actuellement encore brûlantes. […] Lisez bien ce portrait : sous sa touche flatteuse, il ne dément pas absolument le mot célèbre de Napoléon qu’on ne saurait oublier : C’est un Grec du Bas-Empire.

1287. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Sur ce point comme sur presque tous les autres qui touchent à la littérature, il ne s’élève pourtant aucun blâme, aucun rire haut et franc : la police extérieure ne se fait plus. […] Voilà donc une Société qui recevra tous ceux qui s’offriront pour gens de lettres, et qui les aidera, et qui les organisera en force compacte ; et dans toutes les questions, les moindres, les moins éclairés, les moins intéressés à ce qui touche vraiment les lettres, crieront le plus haut, soyez-en sûr.

1288. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Dans les proportions où son paradoxe s’est produit sur ces sujets plus graves, il a touché mainte fois à l’odieux, et, à force d’art, il a su l’esquiver. […] Il faut louer aussi, comme d’un comique très-savant et pourtant naturel, cette complication de trois femmes, toutes les trois férues au cœur pour un seul, tellement que, dès qu’on les touche où l’amour les pique, l’une faiblit et les deux autres regimbent.

1289. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Magnin dégage chez Courier, au travers de l’homme de parti et du champion libéral, l’homme véritable, naturel, l’indépendant épicurien et moqueur, l’artiste amoureux du beau, l’humoriste vraiment attique, au rictus de satyre : « On n’a point la bouche fendue comme il l’avait, d’une oreille à l’autre, sans être prédestiné à être rieur, et rieur du rire inextinguible d’Homère ou de Rabelais. » Ces pages si légères et si bien touchées, à propos du plus docte et du plus lettré de nos pamphlétaires politiques, nous ont rappelé involontairement la différence des temps et le contraste de deux périodes pourtant si rapprochées. […] Et si le style s’en mêle, si l’agrément a touché ces humbles pages d’autrefois, elles ont aussi pour qui les rouvre après des années, un certain parfum.

1290. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Jusqu’à quel point, dans cette longue étude du passé monarchique, a-t-il été préoccupé du présent, de ce qui nous touche, et jusqu’à quel point a-t-il pu l’être légitimement ? […] sLa tradition populaire tend à imprimer un certain caractère de débonnaireté et de bonhomie à ce qu’elle touche de longue main familièrement, même quand ce quelque chose a été d’abord héroïque et redoutable.

1291. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

En nous tenant surtout ici au critique et à l’historien, nous avons à toucher plus d’un point délicat et compliqué, assez lointain déjà pour qu’il y ait plaisir et profit à y revenir. […] Il touchait à sa vingtième année ; un voyage qu’il fit à cette époque en Auvergne, et durant lequel il perdit sa mère, apporta une impression décisive dans sa vie morale, et détermina l’homme en lui.

1292. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Lorsqu’il vit chez Mme de Noyon cette jeune nièce, belle et naïve, redevenue ou restée un peu sauvage malgré l’éducation de Saint-Cyr, si entièrement occupée d’un mari qui l’avait mise en de cruels embarras, et apportant un dévouement vrai parmi tant d’agitations factices, il en fut touché d’abord, et demanda à la tante la permission d’offrir à Mme de Pontivy, avec ses hommages, le peu de services dont il serait capable. […] On se retrouve à de certaines ouvertures du feuillage ; on se regarde un moment, on se touche la main ; et l’on continue derrière le riant rideau. » Il lui parlait souvent ainsi, essayant d’orner et d’introduire une part de raison durable dans la passion toujours vive, et rien alors ne semblait plus manquer à leur vie embellie.

1293. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Ce fut pourtant peu après ces triomphes, qu’en 1653, affligé du mauvais succès de Pertharite, et touché peut-être de sentiments et de remords chrétiens, Corneille résolut de renoncer au théâtre. […] La touche du poëte est rude, sévère et vigoureuse.

1294. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Vraie pensée de Socrate touchée à la Rembrandt ! […] Voici qui nous touche de plus près : « Avant d’employer un beau mot, faites-lui une place. » Avec la quantité de beaux mots qu’on empile, sait-on encore le prix de ces places-là ?

1295. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Au lieu de tout jeter à bas pour tout réédifier, il ne touche qu’à certaines parties de l’édifice, aux unes d’abord, puis aux autres ; et c’est en ramassant chaque fois toute sa verve, toute sa popularité sur un détail de l’organisation sociale, sur un cas particulier d’injustice ou d’oppression, qu’il rend son action efficace. […] Une autre fois553, le pauvre chevalier de Chastellux se voyait élevé au-dessus de Montesquieu ; il fallait que Condorcet agacé avertit charitablement Voltaire du ridicule de cette comparaison, et qu’il y avait des réputations auxquelles on ne pouvait toucher.

1296. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Tous deux font, à travers la lande, par le brouillard, une promenade sentimentale d’où elle rapporte une pleurésie, et Raoul, subitement touché de la grâce, met sur le front de la mourante le baiser des fiançailles. […] On est touché, quoi qu’on fasse, de la mort d’Aliette, qui sait que Sabine lui verse du poison et qui se laisse mourir (un peu trop docilement), croyant son mari complice de l’empoisonneuse, et du désespoir de Vaudricourt quand il sait que sa femme l’a cru capable d’un crime et qu’il se dit qu’elle ne sera jamais désabusée, puisqu’il ne croit pas à une autre vie.

1297. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Nous sommes touchés de ce qu’une personne nous plaît plus qu’elle ne nous a paru d’abord devoir nous plaire ; & nous sommes agréablement surpris de ce qu’elle a sû vaincre des défauts que nos yeux nous montrent, & que le coeur ne croit plus : voilà pourquoi les femmes laides ont très souvent des graces, & qu’il est rare que les belles en ayent ; car une belle personne fait ordinairement le contraire de ce que nous avions attendu ; elle parvient à nous paroître moins aimable ; après nous avoir surpris en bien, elle nous surprend en mal : mais l’impression du bien est ancienne, celle du mal nouvelle ; aussi les belles personnes font elles rarement les grandes passions, presque toûjours reservées à celles qui ont des graces, c’est-à-dire des agrémens que nous n’attendions point, & que nous n’avions pas sujet d’attendre. […] Nous admirons la majesté des draperies de Paul Veronese ; mais nous sommes touchés de la simplicité de Raphael, & de la pureté du Correge.

1298. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Au contraire, une innovation qui touche au domaine des idées, des croyances, des sentiments, suscite de la part du milieu une opposition aussi durable que furieuse (Galilée et l’inquisition ; en général toute innovation tendant à détruire la conception philosophique et morale régnante). […] Certains individus recevant chacun une part minime de l’augmentation de la richesse peuvent préférer ne pas la recevoir pourvu que d’autres soient privés de la part considérable qu’ils auraient à toucher. » Vilfredo Pareto, L’Individuel et le social, Genève, 1904, p. 127.

1299. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Le Roy, l’intelligence déforme tout ce qu’elle touche, et cela est plus vrai encore de son instrument nécessaire « le discours ». Il n’y a de réalité que dans nos impressions fugitives et changeantes, et cette réalité même, dès qu’on la touche, s’évanouit.

1300. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Sa force est dans les histoires qu’elle raconte avec une connaissance achevée des moyens de toucher la fibre populaire. […] « Quant à faire intervenir le sous-préfet ou le préfet en cette affaire, ajoute Mistral, c’est complètement inutile, attendu que ces messieurs sont trop souvent renouvelés et trop étrangers à notre vie pour qu’ils puissent se douter de ce qui se passe d’intime parmi nous. » Ce jour discret jeté sur ce qui se passe d’intime à Maillane vous a vivement touchés.

1301. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Défense était faite aux écrivains, par un édit de Louis XV, de médire de la religion, du roi, des ministres, des traitants, de tous ceux qui, de près ou de loin, touchaient à la chose publique. […] Comme en pareil cas, les sujets politiques et religieux sont d’ordinaire ceux qu’on lui interdit (on l’a vu sous le premier Empire et sous le second), le livre reprend faveur, parce qu’il est seul admis à traiter certaines questions graves, et le journal pour remplir ses colonnes recourt à cette causerie sur les faits du jour qu’on nomme la chronique, au récit des crimes et des accidents, aux commérages de salon ou de coulisses, aux descriptions de cérémonies, aux feuilletons ; il se fait de la sorte plus littéraire, à condition de se maintenir dans ce que des mécontents ont baptisé dédaigneusement « la littérature facile » ; ou encore il invente, pour toucher aux matières brûlantes, une série d’allusions, de périphrases, de réticences, de malices sournoises qui passent, comme des pointes d’aiguille, à travers les mailles du réseau où la loi s’efforce de l’emprisonner.

1302. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Il fut alors chose d’Église et chose d’État, une matière réservée presque exclusivement aux prêtres et aux théologiens de profession, permise à peine aux laïques ; les écrivains ne pouvaient y toucher qu’avec une prudence extrême et les poètes, en particulier, eurent les ailes liées par la nécessité de ne rien dire qui ne fût parfaitement orthodoxe. […] L’opposition acharnée qu’elle a faite au développement de l’instruction populaire prouverait, à elle seule, la défiance et peut être la rancune qu’elle nourrit contre la vertu émancipatrice contenue dans les œuvres littéraires, du moment qu’elles se dérobent à sa tutelle et se proclament libres de toucher à ces grands sujets qui étaient jadis, au dire de La Bruyère, interdits à un homme né chrétien et français.

1303. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Descartes n’est, pas sûr que la nature existe ; il se défie là-dessus du témoignage de ses sens ; il a besoin de se prouver à lui-même que le monde — tel qu’il le voit, tel qu’il le touche — n’est pas une illusion, et c’est par un long raisonnement qu’il arrive à établir que la terre, les arbres, les autres hommes sont bien des êtres réels. […] La touche large, le style métaphorique, l’allure franche de Molière lui valent le dédain des raffinés.

1304. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Je ne toucherai que deux mots sur ce sujet délicat. […] Le côté par lequel cette petite cour me frappe le plus et me paraît le seul mémorable, est encore le côté moral, celui qui touche à l’observation humaine des préjugés, des travers et des ridicules.

1305. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

 » Et il déclare ne pas avoir trop bonne idée « de ces gens qui font de grandes choses aux dépens de la justice. » Le point en quoi Condorcet se sépare de Turgot est ici très net et très sensible : nous touchons à l’anneau par lequel devra se briser entre eux la ressemblance et la similitude des âmes. […] J’ai déjà touché quelque chose de ce qu’il dit sur la procession insurrectionnelle du 20 juin, sur ce bonnet rouge qu’on mit sur la tête de Louis XVI, et dans lequel il ose voir une couronne à la Marc Aurèle.

1306. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Sa conclusion, qu’elle ne donne encore qu’avec réserve (car en telle matière qui touche la diversité des esprits, il ne saurait y avoir de loi universelle), sa conclusion, dis-je, est qu’en demandant plus de savoir aux femmes qu’elles n’en ont, elle ne veut pourtant jamais qu’elles agissent ni qu’elles parlent en savantes : Je veux donc bien qu’on puisse dire d’une personne de mon sexe qu’elle sait cent choses dont elle ne se vante pas, qu’elle a l’esprit fort éclairé, qu’elle connaît finement les beaux ouvrages, qu’elle parle bien, qu’elle écrit juste et qu’elle sait le monde ; mais je ne veux pas qu’on puisse dire d’elle : C’est une femme savante ; car ces deux caractères sont si différents, qu’ils ne se ressemblent même point. […] L’admiration pour Mlle de Scudéry est une pierre de touche qui les éprouve eux-mêmes et qui les juge.

1307. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Prenons-le par les seuls côtés qui nous touchent. […] Cet esprit puissant, si élevé de pensée et, par moments, si altier de doctrine, ce patricien entier et opiniâtre, pauvre alors et réduit en secret aux gênes les plus dures, bien qu’ambassadeur et dans une sorte de pompe officielle, me touche doublement avec son sentiment profond de famille et ses vertus patriarcales.

1308. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Je passai là quelques jours heureux dans les montagnes de Franche-Comté ; et ses parents encourageaient honorablement la liaison… Gibbon, qui n’avait point encore acquis cette laideur grotesque qui s’est développée depuis, et qui joignait déjà « l’esprit le plus brillant et le plus varié au plus doux et au plus égal de tous les caractères », prétend que Mlle Curchod se laissa sincèrement toucher ; il s’avança lui-même jusqu’à parler de mariage, et ce ne fut qu’après son retour en Angleterre qu’ayant vu un obstacle à cette union dans la volonté de son père, il y renonça. […] Suard lui fait sa cour, etc., etc. » C’était cette foule de beaux esprits plus ou moins galants et mécréants ; c’était l’abbé Arnaud, l’abbé Raynal, c’était l’abbé Morellet à qui elle s’adressait, l’un des premiers, pour fonder son salon : La conversation y était bonne, nous dit Morellet, quoiqu’un peu contrainte par la sévérité de Mme Necker, auprès de laquelle beaucoup de sujets ne pouvaient être touchés, et qui souffrait surtout de la liberté des opinions religieuses.

1309. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Je ferai une seule remarque qui touche au caractère général de l’homme. […] Et puisque j’ai touché cette corde délicate, mais inévitable, je veux y insister encore.

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