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1193. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Et quant à Mme de La Fayette, il la tenait pour la femme de France qui avait le plus d’esprit, et il admirait sa façon d’écrire. […] Il tenait des propos couverts. […] Clotaire se tenait en face, sur l’autre rive. […] — Tiens ! […] Un autre, qui tenait le rôle de Cassio, exagère un mal de gorge, afin de se faire remplacer par un camarade.

1194. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Il a une souplesse et une facilité qui tiennent du prodige. […] Il est maître de lui et de beaucoup d’âmes qu’il entraîne du nord au sud, selon son bon vouloir ; il tient un peuple dans sa main, et l’opinion qu’on a de lui le tient dans le respect de lui-même, et l’oblige à surveiller sa vie. — C’est le véritable, LE GRAND ECRIVAIN. […] je ne tiens aucune place dans aucun rang. […] Tenez, tenez, voilà de l’opium ! […] — Tenez, madame, il ne faut pas que les femmes soient dupes de nous plus longtemps.

1195. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

A notre époque, la science tient le haut du pavé et c’est justice. […] Si les vrais savants se tiennent dans une certaine réserve, il n’en est pas de même d’un grand nombre d’écrivains. […] Zola, mais ce raisonnement ne tient pas debout. […] Et ils ne s’en tiennent pas là. […] La buée tient aussi une grande place buée de la blanchisseuse, buée du teinturier, buée du boulanger.

1196. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Lors de la révocation de l’Édit de Nantes, une partie de la famille Desbordes, qui tenait à la religion réformée, avait quitté la France pour la Hollande. […] …………… …………… Je ne m’éloigne pas ; je me tiens à distance, Épiant, ô ma sœur, tes pieds blancs et mortels : Quand tu m’appelleras de ta plus vive instance, Je t’aiderai, Marie, au retour des autels !  […] Il m’est bien clair, quand je tiens ce volume-là, de cette date, qu’elle n’avait pu lire encore Lamartine, dont les Méditations ne paraissaient qu’au moment même. […] Je rappellerai seulement, en l’altérant un peu, la jolie épigramme antique : « La vierge Érinne était assise, et, tout en remuant le fil de soie et la broderie légère, elle distillait avec murmure quelques gouttes du miel de l’abeille d’Hybla. » Puisse l’avenir tenir du moins les récentes promesses envers celle qui les a payées assez chèrement ! […] Tu sais quel bonheur je trouve à remplir ma mission, et je te remercie d’avoir également rempli la tienne.

1197. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Tombées à genoux aux pieds de l’homme noir, elles levaient leurs mains vers ses mains, le conjurant de nous laisser vivre, et lui expliquant, ainsi qu’aux bûcherons, que nos quatre vies tenaient aux racines et aux branches de ce toit nourricier de leurs pères. […] — Tenez, monsieur, on voit, à ce qu’on dit, encore la marque, ajouta l’aveugle en promenant le doigt sur la joue de la jeune sposa. […] En parlant ainsi je tenais le loquet de la porte de la cabane pour le pousser dehors, tout en pleurant comme lui ; sa mère et sa cousine, réveillées par le bruit de mes sanglots et des siens, sanglotaient de leur côté dans l’ombre. […] La jeune fille fut longtemps sans répondre ni à moi ni à sa tante ; elle tenait sa tête entre ses mains et se cachait les yeux avec les belles tresses coupées de ses cheveux d’or, qui dégouttaient de ses larmes. […] disaient-ils, ça donne envie de pleurer au commencement, et ça fait presque rire à la fin ; c’est un air d’enfants qui ne peuvent pas tenir leur sérieux jusqu’au bout, mais dont le sourire se mêle aux larmes comme le rayon de soleil à la pluie du matin.

1198. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

La beauté des marbres de Michel-Ange et de son école tient plus de la Fable que de l’histoire et de la Divinité que de la nature. […] Il est assis comme l’éternité : d’une main, il tient les lois, symbole de la société ; de l’autre il tient sa barbe touffue, symbole de la force ; cette barbe descend en ondes si épaisses, si prodigues et si harmonieusement tressées sur sa poitrine, qu’on croit voir découler dans la multitude des tresses, des ondes, des poils qui les composent, la multitude innombrable des générations du peuple de Dieu. […] L’amour qu’il ne veut pas avouer ni aux autres, ni à lui-même, ni à celle même qui l’inspire, se transforme en un sentiment exalté et mystique qui tient plus de la piété que de l’amour, piété humaine dont une femme adorée est l’idole, et qui se fond en une sorte de piété divine pour avoir le droit d’être éternelle ; sentiment très-commun à cette époque et encore aujourd’hui, en Italie, où l’amour est saint ; il a été donné à l’homme de sensibilité ou de génie, avancé en âge, pour le consoler de la jeunesse perdue et pour joindre la vie actuelle à la vie future dans un amour terrestre et dans un amour céleste devenus pour lui un seul amour. […] Elle tient trop de place dans sa vie, dans ses œuvres, dans sa foi, dans son éternité même pour séparer deux noms qui ne furent si longtemps qu’une âme. […] La douleur la tint muette pendant sept ans, n’exhalant ses gémissements que devant Dieu et devant l’image de son époux dans des poésies comparables aux Tristes d’Ovide, mais où le sentiment a l’amertume des larmes et l’onction de la prière.

1199. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Ainsi amendée par Voltaire, la poétique de la tragédie du dix-septième siècle est celle que nous tenons pour la seule vraie, après tous les exemples des Grecs, après ceux du dix-septième siècle, après les beautés supérieures d’un théâtre plus libre, celui de Shakspeare. […] Zaïre a juré à Lusignan qu’Orosmane ne saurait pas le secret de ses parents retrouvés et de son baptême clandestin ; elle tiendra son serment. […] Ce que l’esprit humain tient pour vraisemblable, ce que le cœur humain tient pour vrai, voilà l’histoire. […] La tendresse de l’auteur pour les vers qui viennent d’éclore, cette candeur du premier travail qui lui fait tenir pour bon tout ce qu’il vient d’écrire sincèrement, la contradiction, l’injustice des critiques et l’excès des louanges, tout cela pouvait tromper un moment Voltaire sur la valeur de son œuvre. […] C’est ce qui prouve que beaucoup de talent ne suffit pas pour la tragédie, et qu’il fallait du génie, même pour n’y tenir, comme Voltaire, que le second rang.

1200. (1772) Éloge de Racine pp. -

C’est lui qui sut marquer par des nuances sensibles cette différence de langage qui tient à la différence des sexes : il n’ôte jamais aux femmes cette décence, cette modestie, cette délicatesse, cette douceur touchante, qui distinguent et embellissent l’expression de tous leurs sentimens, qui donnent tant d’intérêt à leurs plaintes, tant de grace à leurs douleurs, tant de pouvoir à leurs reproches, et qui ne doivent jamais les abandonner, même dans les momens où elles semblent le plus s’oublier. […] Confondue dans une foule tumultueuse, elle est dispensée de rougir : elle a d’ailleurs si peu de chose à faire ; l’illusion théâtrale est si frêle et si facile à troubler ; les jugemens des hommes rassemblés sont dépendans de tant de circonstances, et tiennent quelquefois à des ressorts si faibles ; l’impression exagérée d’un défaut se répand si aisément sur les beautés qui le suivent, que toutes les fois qu’il y a eu un parti contre un ouvrage de théâtre, le succès en a été troublé ou retardé. […] Racine avait lutté dans Bérénice contre un sujet qu’il n’avait pas choisi, et il était sorti triomphant de cette épreuve si dangereuse pour le talent qui veut toujours être libre dans sa marche, et se tracer à lui-même la route qu’il doit tenir. […] Osons cependant l’avouer (car la vérité, qui est toujours sacrée, doit l’être surtout dans l’éloge d’un grand homme ; elle tient de si près à sa gloire, qu’on ne peut altérer l’une sans blesser l’autre), avouons-le ; soit que le succès des ouvrages de théâtre dépende essentiellement du choix des sujets ; soit que le premier élan du génie soit quelquefois si rapide et si élevé, que lui-même ait ensuite beaucoup de peine, de la hauteur où il est parvenu d’abord, à prendre encore un vol plus haut et plus hardi ; quoi qu’il en soit, depuis Andromaque , Racine, offrant dans chacun de ses drames une création nouvelle et de nouvelles beautés, n’avait encore rien produit qui fût dans son ensemble supérieur à cet heureux coup d’essai. […] On lui a reproché cette vivacité dans la dispute qui tient à une humeur franche et à une conception prompte, et cette sévérité de jugement qui est la suite d’un goût exquis.

1201. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Nous pouvons bien le dire maintenant : Flaubert n’est ni un inventeur, ni un observateur, comme tout romancier est tenu de l’être. […] II Le caractère principal du roman si malheureusement nommé de ce titre abstrait, pédagogique et pédant : L’Éducation sentimentale, est avant tout la vulgarité, la vulgarité prise dans le ruisseau, où elle se tient, et sous les pieds de tout le monde. […] Or, ce style, c’est la description, une description infinie, éternelle, atomistique, aveuglante, qui tient toute la place dans son livre et remplace toutes les facultés dans sa tête. […] On comprend parfaitement tout cela, mais ce qu’on ne comprend qu’à la condition de mettre Flaubert au-dessous de lui-même, ce sont les gamineries accumulées de ce singe, qui tient la queue de la longue robe de la reine et « qui la soulève de temps en temps » (je demande pourquoi ?) […] Et quand je dis nous, c’est quelques-uns qu’il faut entendre, quelques-uns qui tiennent encore pour la faculté innée du talent !

1202. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

II C’est un livre de contes, — mais de contes rapides, dits brièvement en quelques mots, de ces contes qui tiendraient « sur une carte de visite », disait Jean-Paul, qui les aimait comme cela. […] Elle y tient toute, en ces parcelles ! […] Je voudrais que le moi de Daudet, son moi sensible et réfléchi, tînt plus de place dans son œuvre actuelle. […] Faisant un roman dont le sujet était les mœurs de l’Empire, dans lequel cette personne tenait tant de place, le romancier ne pouvait pas l’oublier. […] Il y a bien là une femme, — une femme héroïque, — la femme de Christian II, qui veut souffler dans le cœur de son mari le feu qui lui manque, qui ramasse comme elle peut, à chaque instant du roman, les morceaux de cette marionnette des vices de Paris pour les faire tenir debout et en reconstituer un homme, mais sans y réussir jamais… Elle est la seule qui ne soit pas ridicule dans le roman.

1203. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Si un historien de nos jours, me racontant ces scènes du xvie  siècle, me le dit, je ne le crois qu’avec une certaine méfiance ; mais la date de Mézeray le laisse à cent lieues de nos réminiscences et de nos allusions ; et c’est pour cela qu’il y a une partie de l’histoire qu’il faut continuer de lire dans les originaux ou chez les rédacteurs et compilateurs naïfs qui en tiennent lieu. Dès l’arrivée du duc de Guise à Paris, la physionomie de la capitale a changé : Tout Paris était plein de gens nouveaux et de visages qui semblaient ne respirer que la proie et la vengeance ; il se tenait jour et nuit des conférences au Louvre et chez les partisans du duc ; on n’entendait plus autre chose dans la ville et à la Cour que des bruits confus de diverses résolutions qui se prenaient, et peut-être qu’à l’heure il ne s’en était encore pris aucune. […] Mais il avait promis plus qu’il n’était capable de tenir : il ne fit qu’adoucir et affaiblir ces passages, et il subit pour sa peine une diminution de pension, qui le porta à écrire d’autres lettres suppliantes. […] Duclos, qui plus tard tint de lui en quelque chose pour le mordant, n’eut jamais cette ampleur de veine et cette largeur de récit.

1204. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Bourdaloue, qui songe sans doute, en décrivant cette forme subtile d’une dévotion orgueilleuse, à diminuer une des victoires et des conquêtes du parti contraire, se tient pourtant selon le point de vue convenable dans une peinture plus large, tout à fait permise et non moins ressemblante. […] Et parce que l’humilité même se trouve exposée en certains genres de vie dont toute la perfection, quoique sainte d’ailleurs, a un air de distinction et de singularité, la vraie austérité du christianisme, surtout pour les âmes vaines, est souvent de se tenir dans la voie commune, et d’y faire, sans être remarqué, tout le bien qu’on ferait dans une autre route avec plus d’éclat. […] Dans le sermon Sur la prière, c’est le mysticisme de Fénelon qui est signalé avec ses périls, et il ne tient qu’à nous de reconnaître l’auteur des Maximes des saints confondu avec ceux qui, sous prétexte d’être des âmes angéliques et choisies, s’estiment assez habiles pour réduire en art et en méthode ces mystères d’oraison, pour en donner des préceptes, pour en composer des traités, pour en discourir éternellement avec les âmes. […] Parmi les adversaires qu’il combat, il en est toutefois contre lesquels Bourdaloue a trop manifestement raison, et d’une manière qui paraît encore tout à fait piquante : ce sont ces jansénistes de mode et de langage, non de conviction, ces incrédules et libertins du monde (comme il y en avait déjà bon nombre alors) qui faisaient les rigoristes en parole, prenaient parti en matière de dogme, et ne plaçaient si haut la perfection du christianisme et la rigidité de la pénitence que pour mieux s’en passer : « Ou tout ou rien, dit-on ; mais bien entendu qu’on s’en tiendra toujours au rien, et qu’on n’aura garde de se charger jamais du tout. » Le travers, l’inconséquence de ces épicuriens mondains, jansénistes par raffinement et en théorie, a trouvé dans Bourdaloue un railleur sévère.

1205. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Mérimée, dont il a profité cette fois et de qui, sur ce point, il tient sa leçon. […] Beyle tient fort à ce dernier trait qui est, à lui, sa prétention : Lesdiguières, ce fin renard, dit-il, comme l’appelait le duc de Savoie, habitait ordinairement Vizille, et y bâtit un château… Au-dessus de la porte principale, on voit sa statue équestre en bronze ; c’est un bas-relief. […] Il avait pour ce commencement de roman un exemple précis, m’assure-t-on, dans quelqu’un de sa connaissance, et, tant qu’il s’y est tenu d’assez près, il a pu paraître vrai. […] [NdA] L’anecdote qu’on va lire est authentique, et je la tiens d’original : On sait que Balzac admirait Beyle à la folie pour sa Chartreuse de Parme et qu’il l’a loué à mort dans sa Revue parisienne.

1206. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Le récit de ces dernières et de ces plus belles campagnes de Turenne tient la meilleure place dans les Mémoires de La Fare, et y est traité avec plus de détail que le reste. […] Il promit beaucoup et ne tint guère, gouverna le monde plus par l’espérance que par la crainte : on lui fit faire à lui-même beaucoup de choses en le menaçant. […] Pour moi, je l’avoue, ces beaux raisonnements et pronostics de décadence, même en partie justifiés depuis, me touchent peu ; il me semble qu’il y avait quelque chose qui eût mieux valu : supporter quelques refus de plus de la part de Louvois, tenir bon sous les armes et sous le drapeau, et rester en mesure pour être de ceux qui honoreront la France dans ses mauvais jours avec Boufflers, ou qui la sauveront avec Villars. […] On a là ce que peut devenir, dans l’homme de l’esprit le plus fin, la paresse, ce péché capital le plus insensible d’abord et le plus paisible, mais qui en couve sous soi plusieurs autres : paresse dormeuse, paresse joueuse, et bientôt paresse gloutonne, tout cela se tient.

1207. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Le public, ou du moins cette élite du monde qui tenait lieu alors de public, était décidée à être des trois quarts dans l’ironie pour peu qu’il s’y prêtât ; et il s’y prêta plus même qu’il n’était nécessaire : Monsieur, dit-il, si les places de l’Académie française n’étaient considérées que par les dignités de ceux qui les ont remplies, nous n’aurions osé vous offrir celle dont vous venez de prendre possession, et peut-être n’auriez-vous pas eu vous-même tout l’empressement que vous avez témoigné pour l’avoir. […] — Pressé d’arriver à l’éloge direct de son nouveau confrère, l’abbé de Caumartin, ne craignit pas de toucher le point délicat, la solidité des titres académiques, et tout en caressant le glorieux personnage sur ses autres qualités et prétentions extérieures de manière à le gonfler devant tous, il se piqua de lui faire accroire qu’il ne tenait qu’à lui de pouvoir s’en passer : C’est ce qui nous le fait regretter avec justice, disait-il en parlant des mérites modestes de Barbier d’Aucour, et notre consolation serait faible, si elle n’élait fondée que sur la différence de vos conditions. Nous connaissons ce sang illustre en qui toutes les grandeurs de la terre se trouvent assemblées, et qui tient par tant d’endroits à tant de maisons souveraines ; nous vous voyons revêtu du titre auguste qu’un de nos rois a dit être le plus glorieux qu’on pût donner à un fils de France (le titre de pair) ; nous respectons en vous le sacré caractère que le fils de Dieu a laissé dans son Église comme le plus grand de ses bienfaits ; et cependant, monsieur, ce n’est pas à toutes ces qualités éclatantes que vous devez les suffrages de notre compagnie ; c’est à un esprit plus noble encore que votre sang, plus élevé que votre rang. […] Il dut attendre que l’archevêque de Paris, M. de Harlay, qui tenait à lui être désagréable, l’éclairât là-dessus, et lui fit tomber les écailles des yeux.

1208. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Par un décret du Sénat de juillet 1778, il fut arrêté « que toute la procédure qu’on avait faite contre lui serait biffée des registres, qu’on lui rendrait son amende » ; et on lui décerna de plus une médaille d’or au nom de la ville, représentant une Justice qui tient une couronne, avec cette légende : De Republica bene merito. — C’est par cette petite historiette républicaine que s’ouvrent les mémoires de cour du baron de Besenval. […] » Mais les événements et les embarras de la fin du siècle tenaient plus qu’il ne croyait à ces jolis passe-temps de son milieu. […] Un sang-froid goguenard que m’a donné le ciel et que je n’ai pas mal employé dans l’occasion, déjoua la burlesque importance du procureur, et je le civilisai très passablement. » Ainsi il a trouvé moyen de persifler même Bourdon (de l’Oise) ; il joua du fleuret, même avec ceux qui allaient tenir la hache. […] Besenval avait pour le comte d’Artois un faible qui se déclare en toute occasion, et qui tenait plus peut-être aux gracieux défauts qu’aux qualités du jeune prince.

1209. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Combien de fois, eux qui ont accès aux sources antiques, qui ont présents et familiers les différents termes de comparaison, et qui tiennent en main les mesures, doivent-ils se dire devant ces chefs-d’œuvre d’un jour : J’en ferais bien autant ! […] On serait animé par une idée bien flatteuse et par un puissant mobile, par la pensée qu’on l’instruit, lui aussi, qu’on lui fait faire un pas de plus dans la connaissance de lui-même et de la place qu’il tient dans la renommée ; on jouirait de sentir qu’on lui développe un côté de sa gloire, qu’on lui lève un voile qui lui en cachait quelque portion, qu’on lui explique mieux qu’il ne le savait son action sur les hommes, en quoi elle a été utile et salutaire, et croissante ; on oserait ajouter en quoi aussi elle a été moins heureuse et parfois funeste. […] Il avait dit ailleurs, en parlant de l’action dans les fables du poète, de cette action qui semble si éparse et qui se rattache toute à une idée, à un but : « Poésie et système sont des mots qui semblent s’exclure, et qui ont le même sens. » — Oui assurément, si l’on entend par système un tout vivant, animé, coloré ; oui, si ce mot de système a le même sens que cosmos et que monde ; mais chez nous (et cela tient peut-être à notre peu de goût pour la chose), le mot de système se prend dans une acception moins entière et moins belle ; il implique la dissection, l’abstraction. […] Taine a le bonheur d’être savant, et ce qui est mieux, d’avoir l’instrument, l’esprit scientifique joint au talent littéraire ; tout s’enchaîne dans son esprit, dans ses idées ; ses opinions se tiennent étroitement et se lient : on ne lui demande pas de supprimer la chaîne, mais de l’accuser moins, de n’en pas montrer trop à nu les anneaux, de ne pas trop les rapprocher, et, là où dans l’état actuel de l’étude il y a lacune, de ne pas les forger prématurément.

1210. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Rousset a, dès l’origine, une théorie du caractère et de la fonction de Louis XIV, qui est celle des opposant et des mécontents, et que je ne crois pas très justifiée, si on y regarde de près : « Louis XIV, nous dit-il, avait, comme Philippe II, le goût des détails ; ses ministres encouragèrent ce goût et le poussèrent même à l’excès ; en trompant par la multiplicité des affaires un appétit de travail qui était réel et sérieux, ils l’assouvissaient d’abord par les petites et tenaient les grandes en réserve ; mais toutes lui étaient présentées. […] On a recherché quel pouvait être près de lui, aux différents moments, celui qui tenait la plume et qui avait l’honneur d’être le secrétaire. […] Aussitôt après le passage du Rhin, le prince d’Orange se retire et n’estime pas de la prudence d’attendre dans ses retranchements de l’Yssel Louis XIV qui comptait se porter à sa rencontre : « Cette nouvelle de la retraite prompte du prince d’Orange, quoique avantageuse pour le bien de mon service, me donna d’abord quelque mortification pour ce qui regardait ma propre gloire, parce que, s’il fût resté sur l’Yssel, j’espérais le combattre et peut-être défaire entièrement son armée ; mais, ayant toujours préféré l’intérêt de l’État à celui de ma réputation, je ne songeai qu’à profiter des avantages que la retraite des ennemis me fournissait. » Ce ne fut pas la seule fois que Louis XIV regretta d’avoir manqué l’occasion de se mesurer avec le prince d’Orange : une autre fois, dans la suite de cette guerre (1676), il la manqua encore, proche de Valenciennes, mais par sa faute ce jour-là et par trop de prudence : il ne tenait qu’à lui d’attaquer. […] De tout cela je prétends conclure seulement une chose aujourd’hui, c’est que, dans une Histoire où Louvois tient le premier rang, où il est à bon droit loué, apprécié, défendu et justifié partout où il peut l’être, il ne convient pas que Louis XIV paye les frais de cette justice.

1211. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Lui il tint à marcher en plaine à l’ennemi par manière de défi et pour rendre le cœur aux troupes ; mais, cette démonstration faite, il n’eut garde de se risquer à attaquer. […] Forçé de se tenir sur la défensive, il la rendit aussi active et aussi nuisible à l’ennemi que possible, soit qu’il attaquât des camps isolés, des partis de fourrageurs, soit qu’il comblât des cours d’eau et coupât la navigation des rivières. […] Montesquiou revint à la charge auprès de son collègue sur cette idée, à laquelle il tenait, d’une attaque sur Denain, et tout se fit de concert avec lui. […] Il ne tient pas à lui que nous ne croyions, en vérité, qu’il a fallu mener Villars à Denain comme un chien qu’on fouette.

1212. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Ce n’est pas de ce côté que me paraît être le plus grand danger pour le roué et le libertin marié, pour peu qu’il soit sincèrement marié et qu’il tienne à bien vivre ; le pire danger est en lui-même ; son plus grand ennemi est dans son vice ; car comment ne pas rester ou redevenir libertin quand on l’a été ? […] La nuit est venue ; le comte Herman est dans son appartement ; il paraît calme, content de lui ; il a assez bien mené sa triple intrigue : il se flatte d’avoir louvoyé assez habilement tout le soir entre Emma et Pompéa, sans trop se trahir ; la Lisette, au moyen d’un signe convenu, vient de lui faire tenir une réponse favorable pour le rendez-vous de minuit ; enfin il a donné un rendez-vous à Pompéa pour ce soir même, tout à l’heure, dans son appartement, et il l’attend de pied ferme. […] On saurait à quoi s’en tenir sans écouter les calomnies et les noirceurs délatrices qui de tout temps se sont attachées aux agapes secrètes, mais qui alors appelaient à leur aide le geôlier et le bourreau. Puis, arrivant à une autre régence, au début d’un autre règne, on saurait à quoi s’en tenir également sur ces festins mystérieux des Bussy et de ses libres compagnons : ici la satire politique et personnelle, l’épigramme frondeuse se mêlaient très-probablement à des gaîtés plus fines qu’innocentes.

1213. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

L’Histoire de la Littérature anglaise est un livre qui se tient d’un bout à l’autre : il a été conçu, construit, exécuté d’ensemble ; les premiers et les derniers chapitres se répondent. […] Ce qui est à remarquer de bonne heure dans les plus anciennes productions de nos voisins, c’est comme le caractère saxon tient ferme et résiste en matière de langue et de littérature, de même que pour la Constitution politique ; il conserve ses goûts, ses traditions, son accent et son vocabulaire sous les couches brillantes superficielles. […] » Convient-il d’abuser tout aussitôt contre son esprit charmant de ses infirmités corporelles et de dire : « Il ne peut se lever ; c’est une femme qui l’habille ; on lui enfile trois paires de bas les unes par-dessus les autres, tant ses jambes sont grêles ; puis on lui lace la taille dans un corset de toile roide, afin qu’il puisse se tenir droit, et par-dessus on lui fait endosser un gilet de flanelle… » Ce n’est pas moi qui blâmerai un critique de nous indiquer, même avec détail, la physiologie de son auteur et son degré de bonne ou mauvaise santé, influant certainement sur son moral et sur son talent ; le fait est que Pope n’écrivait point avec ses muscles et ne se servait que de son pur esprit. […] Laissons cette manière à ceux qui ne tiennent qu’à amuser en écrivant ou qui se livrent à leurs antipathies sans y prendre garde.

1214. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Une femme paraissait là un peu déplacée ; mais elle ne se mêlait point des discussions ; elle se tenait le plus souvent à son bureau, écrivait des lettres, et semblait ordinairement occupée d’autre chose, quoiqu’elle, ne perdît pas un mot. […] Je me reproche de n’avoir pas connu toute l’étendue de ses qualités ; j’avais un peu de prévention contre les femmes politiques, et je lui trouvais trop de cette disposition défiante qui tient à l’ignorance du monde. » Cette ignorance du monde, — une ignorance relative, — a été l’un des malheurs de Mme Roland au moment de son entrée dans la politique. […] Louis Blanc, ce qu’on ne trouve pas chez elle ; le sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ne paraît pas occuper beaucoup déplacé dans ses préoccupations ; du moins, il n’en tient guère dans son livre. » La remarque est fine ; je la crois juste, bien que trop généralisée. […] Il fallut près de soixante ans encore pour que Ponsard, dans sa Charlotte Corday, produisant ces hommes sur la scène, leur fit tenir un mâle langage et revînt par la tradition cornélienne à une sorte de vérité révolutionnaire.

1215. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Lorsqu’on eut pris Saint-Ghislain en décembre, il lui en confia le gouvernement, comme, à la fin de l’année précédente, il lui avait donné le commandement des troupes de Cateau-Cambrésis, pour tenir Cambrai bloqué pendant l’hiver. Ce gouvernement de Saint-Ghislain était un poste de grande confiance, une guérite de sentinelle avancée : il ne s’agissait pas d’être un simple commandant de place ; il fallait avoir l’œil au vis-à-vis et s’opposer aux courses de la garnison de Mons qui était considérable, la tenir constamment en respect et en échec. […] On voulait s’assurer du Piémont et, à cet effet, le brider et le tenir entre deux places fortes, d’un côté Pignerol, et Casal à l’autre bout, dans le Montferrat ; cette dernière place appartenait au duc de Mantoue, prince dépensier, endetté, homme de plaisir, et l’on crut en avoir bon marché moyennant finance. […] M. de Saint-Mars me tient ici prisonnier dans toutes les formes, néanmoins avec une profusion de figues d’une grosseur et d’une bonté admirables.

1216. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Ces résultats dorénavant sont admis de ceux même qui ne s’en rendent pas bien compte : l’homme du peuple qui regarde une éclipse admet volontiers l’explication que lui donne le demi-savant qui la regarde en même temps que lui, et qui lui-même tient pour démontrée la conclusion du profond et vrai savant. […] Il a cru devoir aussi s’élever contre le ton de légèreté de Fontenelle qui, craignant de se faire des affaires, était homme, on le sait, à n’avoir pas l’air de tenir beaucoup à son opinion, si on le pressait trop, et à en plaisanter même à la rencontre. — « Trahir la vérité ! […] Je crois en effet que Fontenelle aurait pu tenir un peu plus à ses pensées ; mais ne le prenons pas trop au pied de la lettre, le sage et prudent philosophe. […] Remarquez qu’en telle matière où l’on n’aura sans doute jamais de résultats précis, ce qui importe le plus, c’est d’élever sa pensée et de la tenir ouverte, d’atteindre des aperçus, d’entrevoir les vraisemblances, sans aller retomber et verser dans des crédulités d’un autre genre.

1217. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Fournier y tient et qu’un très-spirituel critique (M.  […] Il tient dans son livre les propos dont on s’exaltait dans la Cité, quand son bisaïeul et son aïeul, l’apothicaire et le lieutenant particulier, faisaient rage d’éloquence populaire autour de Saint-Barthélemy et de Saint-Christophe. […] Dans ce déchiffrement des masques, il tient constamment la curiosité en éveil, s’il ne la satisfait pas toujours. […] Tout ce qu’il y a d’esprits piquants dans le xviiie  siècle semble tenir et relever de lui ; tous ces hommes de lettres et à la fois gens du monde, qui régissent la société, qui dans le tous-les-jours ont le mot vif, mordant, ironique, le propos plaisant et amer, les Duclos, les Chamfort, les Rulhière, les Meilhan, les Rivarol, semblent avoir trempé la pointe de leurs traits dans l’écritoire de La Bruyère.

1218. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Si on recherche avec curiosité les traditions locales, les vieux noëls en patois, les vestiges d’une culture ou d’une inspiration ancienne, il faut noter aussi ce qui est vivant, le poëte plein de vigueur qui, dans le moindre rang social où il se tient, enrichit tout d’un coup de compositions franches, originales, suivies, son patois harmonieux encore, débris d’une langue illustre, mais enfin un patois qu’on croyait déshérité désormais de toute littérature. […] T’en souviens-tu, ma sœur, quand notre pauvre père, la nuit que nous étions à le veiller, disait : « Tiens, petite, je suis plus malade ; garde bien Paul au moins, car je sens que je m’en « vais ?  […] sur le toit alors l’orfraie chanta, et, notre père mort, ici même, tiens ! […] La cérémonie commence, l’anneau est béni, et Baptiste le tient ; mais, avant de le mettre au doigt qui l’attend, il faut qu’il prononce une parole… Elle est dite ; aussitôt, du côté du garçon d’honneur, une voix s’élève ; Marguerite, qui peut-être au fond de son cœur doutait encore, a crié : « C’est lui ! 

1219. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Il serait peu généreux en toute autre circonstance de s’en souvenir et de venir rappeler des ouvrages de lui appartenant par leur nuance à la littérature la plus moderne, et qu’il semble avoir si parfaitement oubliés ; mais tout se tient, et il est des contre-coups bizarres à de longues distances. […] Qu’il sache de plus que même dans leur nouveauté elles ont été impuissantes, et que les points essentiels, les seuls auxquels on tenait, demeurent désormais gagnés. […] remy paraît ne tenir aucun compte chez les Anciens de la grâce, de la légèreté et de la finesse. […] Cet art libre, ce procédé vivant, André Chénier l’a lui-même trop poétiquement exprimé en sa seconde Épître pour que nous ne posions pas ici cette réponse directe et triomphante à l’attaque qui n’en tient nul compte.

1220. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Un sire de Montlhéry a tenu en échec le roi Philippe Ier 21. […] Bien mieux, il suffit qu’il exploite lui-même ou par un régisseur, pour que son indépendance originelle se communique à sa terre ; dès qu’il touche le sol, par lui-même ou par son commis, il en abrite quatre charrues, trois cents arpents, qui, dans les mains d’un autre, payeraient deux mille francs d’impôt, et en outre « les bois, les prairies, les vignes, les étangs, les terres encloses qui tiennent au château, de quelque étendue qu’elles soient ». […] Dans la baronnie de Choiseul, près de Chaumont en Champagne, « les habitants sont tenus de labourer ses terres, de les semer, de les moissonner pour son compte, d’en amener le produit dans ses granges ; chaque pièce de terre, chaque maison, chaque tête de bétail lui paye une redevance ; les enfants ne succèdent aux parents qu’à condition de demeurer avec eux ; s’ils sont absents à l’époque du décès, c’est lui qui hérite ». […] Arthur Young, visitant un château de Seine-et-Marne, écrit : « J’ai interrogé Mme de Guerchy ; il résulte de cette conversation que pour habiter un château comme celui-ci, avec six domestiques mâles, cinq servantes, huit chevaux, entretenir un jardin, etc., tenir table ouverte, recevoir quelque société, sans jamais aller à Paris, il faut environ 1 000 louis de revenu ; il en faudrait 2 000 en Angleterre ».

1221. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

si je ne fiche pas un chef-d’œuvre avec toi, il faut que je sois un cochon. » — « Tiens ! […] D’abord, par un scrupule admirable, l’auteur a tenu à bien marquer que ce conte bleu est un épisode de l’histoire des Rougon-Macquart. […] Je sais que ce n’est rien, que cela ne tient que trois pages, et qu’on peut les retrancher du livre sans qu’il y paraisse ; mais, enfin, évoquer cette Macette dans un conte bleu et qu’on déclare avoir voulu faire tout bleu, n’est-ce pas une singulière aberration d’esprit ? […] Zola) par la lenteur puissante, par l’énormité et la simplicité de la plupart des personnages  enfin par le retour régulier de sortes de refrains, de leitmotiv : descriptions de la cathédrale et du Clos-Marie à toutes les heures du jour et dans les principales circonstances de la vie d’Angélique ; énumérations des vierges du portail de Sainte-Agnès, et discours qu’elles tiennent à la jeune fille, selon les cas ; énumérations des ancêtres de Félicien de Hautecœur et de ses aïeules, les mortes heureuses ; énumérations d’outils de chasublier ; douleur secrète d’Hubert et d’Hubertine ; longueur du cou d’Angélique ; nez de monseigneur, etc.

1222. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Je voulais depuis longtemps savoir à quoi m’en tenir sur les quatre critiques célèbres du Journal de l’Empire, desquels je ne connaissais qu’un seul : je m’adressai à celui-ci, à M. de Féletz lui-même ; je lui demandai, un jour, son propre jugement sur ses anciens collaborateurs, et il me l’exposa en termes pleins de justesse et avec le sentiment des nuances. […] À part ce dernier mot, c’est à peu près là l’exact jugement que portait M. de Féletz sur des critiques qu’il avait si bien connus, et parmi lesquels lui-même il ne tenait pas la place la moins distinguée. […] Au théâtre, il considérait Voltaire comme un usurpateur, comme une sorte de maire du palais qui avait fait violence aux souverains légitimes de la scène, Corneille et Racine, qui les avait tenus tant qu’il avait pu ensevelis au fond de leur palais. […] On verra assez les défauts de Geoffroy, et j’ai surtout tenu ici à indiquer quelques-unes de ses qualités sans dissimuler le mélange.

1223. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

C’est là aussi un côté bien essentiel de Chateaubriand, la veine qui tient au plus profond de sa nature et de son talent. […] Or, comme tous ceux qui ont connu M. de Chateaubriand savent que ces choses ont tenu une très grande place dans sa vie, il s’ensuit que ces Mémoires, où il dit tant de vérités à tout le monde et sur lui-même, ne contiennent pourtant pas tout sur lui, si l’on n’y ajoute quelque commentaire ou supplément. […] Ainsi, sans prétendre éclaircir quelques obscurités d’allusion, nous tenons l’aveu essentiel : quand M. de Chateaubriand s’en allait au tombeau de Jésus-Christ pour y honorer le berceau de sa foi, pour y puiser de l’eau du Jourdain, et, en réalité, pour y chercher des couleurs nécessaires à son poème des Martyrs, le voilà qui confesse ici qu’il allait dans un autre but encore. […] Il tenait à troubler et à consumer bien plus qu’à aimer.

1224. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

On voit combien elle tient à la vie et au bonheur avec lui, à un bonheur pour toujours. […] Je ne sais quelle ambition diplomatique, la tentation d’une autre carrière, peut-être le simple attrait de la nouveauté, le tiennent à ce moment ; il part, il court les petites principautés ; il va de Berlin à Brunswick, à Bayreuth (octobre 1743) : « Il est ivre absolument, il est fou des cours et d’Allemagne. » Le roi de Prusse est évidemment le grand rival de Mme du Châtelet à cette heure ; singulier rival, ajoute-t-elle amèrement. […] En écrivant ces pages, elle se flattait encore qu’elle tiendrait bon dans ce qu’elle appelait l’immutabilité de son cœur, et que le sentiment paisible de l’amitié, joint à la passion de l’étude, suffirait à la rendre heureuse. […] Privé de l’amie qui le fixait et qui tenait pour lui le gouvernail, il ne savait plus que devenir ni à quoi se rattacher.

1225. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Il joue à l’Iliade, il la traduit en fleurs de pavots, et la fait tenir dans un carré de parterre : cela promet Numa Pompilius. […] On sourit de penser que cet Arlequin, ainsi transformé par Florian, tenait en quelque chose du duc de Penthièvre lui-même. […] Il la lui lisait aussi en manuscrit, et il ne tenait qu’à elle de croire qu’elle était, à peu de chose près, l’original de l’innocente bergère. […] Il avait de cette malice en causant ; il excellait à railler et à contrefaire : ces deux facultés se tiennent, a remarqué M. 

1226. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Il y a un an qu’à pareil jour, en prenant congé de Florian, j’ai donné rendez-vous à Perrault pour les futures étrennes : c’est une promesse que j’aime à tenir aujourd’hui. […] Versailles est son temple ; toutes les merveilles du monde y sont pour lui rassemblées ; il remarque seulement que ce qu’il appelle les Muses y tient moins de place que le reste, et il croit y suppléer avec des descriptions à la Scudéry et des madrigaux à la Benserade. […] Perrault leur fait tenir cinq dialogues sur les arts, les sciences, l’éloquence, la poésie. […] Les petites moralités finales en vers sentent bien un peu l’ami de Quinault et le contemporain gaulois de La Fontaine, mais elles ne tiennent que si l’on veut au récit ; elles en sont la date.

1227. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Si vous ne tenez aucun compte de mon avertissement, nous vous renverrons à Rouen pour auner de la toile dans la boutique de monsieur votre père. […] C’est ainsi que partout il prend et garde sa place : au bivouac, en Espagne, il s’isole et ne permet point la familiarité, sauf à offrir d’échanger un coup de sabre avec l’indiscret qui le dérangera ; et là où il n’a plus de sabre, dans les prisons de Toulouse ou de Perpignan, il tient également à distance et en respect la compagnie assez mêlée qui s’y rencontre. […] Je veux m’expliquer plus clairement : si un véritable homme de lettres, bien simple, bien modeste, bien consciencieux, mais étranger à l’action, mais ne sachant ni payer de sa personne, ni représenter en Cour des pairs ou en cour d’assises, ni tenir tête aux assaillants de tout genre et de tout bord, ni dessiner sa poitrine avec cette noblesse dans le danger, avait écrit du fond de son cabinet la plupart des choses excellentes que Carrel a écrites (j’entends excellentes, littérairement parlant), il ne passerait, selon moi, que pour un bon, un estimable, un ferme, un habile et véhément écrivain ; mais il n’eût jamais excité les transports et les ardeurs qui accueillirent les articles de Carrel : c’est qu’avec lui, en lisant et en jugeant l’écrivain, on songeait toujours à l’homme qu’on avait là en présence ou en espérance, à cette individualité forte, tenace, concentrée, courageuse, de laquelle on attendait beaucoup. Écrire, pour Carrel, n’était évidemment que son second rôle (le premier lui manquant) ; tenir la plume pour lui n’était que sa seconde préférence.

1228. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Cela est surtout vrai lorsqu’on tient à associer le lecteur à ses jugements, et à faire que, par le seul exposé des faits, il en vienne à prononcer comme nous-même. […] J’ai évité jusqu’ici de traiter la question de moralité positive en Beaumarchais, et je dirai simplement pourquoi : il appartient à cette famille d’esprits que nous connaissons très bien pour l’avoir déjà étudiée chez Gourville et chez d’autres encore, famille en qui la morale rigide tient peu de place, et qui, dans l’âge de l’activité et des affaires, se sert du oui ou du non, selon l’occasion, et sans trop de difficulté. […] Pour m’en tenir au point de vue littéraire et à celui du goût, je ne puis m’empêcher de remarquer à quel point l’argent prend d’importance dans sa manière de prouver et de raisonner. […] Soyons sages ; surtout tenons-nous gais, car ils ne veulent que nous fâcher ; ne leur donnons pas cette joie.

1229. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Ils tiennent à la nature humaine par toutes ses douloureuses faiblesses et par toutes ses passions élevées. […] Vous vous étonnez bien haut qu’ils n’épousent pas comme vous, qu’ils n’aient pas un pot au feu comme vous, qu’ils ne se tiennent pas dans les exigences sociales comme vous ! […] Tout se tient nécessairement dans l’Art. […] Son style est lâche et peu précis ; sa phrase ne se tient pas toujours bien ; — elle vacille, elle trébuche plus d’une fois avant d’être rendue au point final.

1230. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

En général, ces dieux sont des souverains débonnaires et qui tiennent à l’homme de très près : Outênou pardonne aux méfaits de ce sacripant de Fountinndouha et s’en fait même le complice puisqu’il se laisse corrompre par la promesse d’un bounia67. […] Cela tient sans doute à ce que les accidents de terrain sont rares en Afrique et que les quelques races qui habitent les régions accidentées sont peu communicatives et de tempérament défiant. […] Les enfants nés de ces unions tiennent en général du guinné plus que de la race humaine. […] Chez les musulmans, ce rôle est tenu le plus souvent par les marabouts, chez les fétichistes bambara par les nama, chez les gourmantié, par les niogoudâno.

1231. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

C’est le dernier reflet d’une chevalerie qui n’est plus… Même en cette année de grâce ou de disgrâce, il y a un certain langage qu’on est convenu de tenir aux femmes, alors qu’elles ne méritent plus qu’on l’emploie, et l’homme qui renoncerait à s’en servir pour des raisons, fussent-elles excellentes, non seulement manquerait de savoir-vivre, mais aussi de générosité. […] La pauvre curieuse étouffe dans son masque, de pudeur outragée, et rentre chez elle, humiliée des langages qu’on a osé lui tenir. […] Cela demandait une étude trop continue et trop à fond pour un simple bas-bleu, qui tient à passer pour savante, mais qui a, dans sa robe, tout autre chose qu’un Bénédictin. […] On reconnaîtrait le bas-bleu, — le bas-bleu savant, — qui ne tient pas à être artiste ; qui trouve qu’il y a mieux que l’art, c’est la pensée philosophique, et qui croit l’avoir au fond de son creux, comme on a une perle au fond d’une cruche.

1232. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

J’ai souvent pensé que la critique devait ressembler à une maîtresse de maison qui a du tact et qui sait placer ses convives, disant à ceux-là qui se pressent un peu trop autour d’elle et qui croient y rester : « Descendez plus bas… » vers la porte ; et à ceux qui, plus modestes, se tiennent dans les coins de la salle : « Montez plus haut… » à la place d’honneur et dans la lumière. […] — qui tenons que tout un siècle d’érudition ne vaut pas une bonne heure de littérature. […] ils en ont dit ce qu’ils ont pu… Mais du Méril, qui est un saint Siméon stylite de la science, sur sa colonne depuis trente ans, et qui n’en descend pas pour aller quémander des articles à ceux qui tiennent de cette denrée, du Méril, l’auteur de la Philosophie du budget, de l’Histoire de la Poésie scandinave, de l’Essai philosophique sur les principes et les formes de la Versification, etc., etc., et qui s’est dévoué, pour couronner tous ses travaux, à nous écrire une Histoire de la Comédie, a-t-il rencontré un seul homme, d’autorité incontestable, qui lui ait fait faire place dans la grande publicité de ce temps ? […] Voilà le défaut, qui tient à une qualité de force de tête et d’embrassement que nous n’avons pas comme l’auteur.

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