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1077. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Laborieusement, au prix des plus louches manœuvres, s’épouvantant tout le premier des spectres qu’enfante son souterrain travail, il crée à ses amis des sujets de colère et d’indignation contre lui, à lui-même des sujets de soupçons contre ses amis. […] L’époque aimait ces francs larcins, ces « heureux moments », sujet favori de ses gravures. […] C’est ce que je me contenterai présentement de démontrer à leur sujet. […] Ce fait se superpose étroitement au précédent et il est inévitable que les deux sujets débordent l’un sur l’autre en quelque mesure. […] Ce sujet fut l’unique sujet de ses poèmes, de ses drames et de ses romans.

1078. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

On a quelque peine à se faire au style de Bernis dans cette correspondance toute politique ; plus tard, en écrivant de Rome, il aura bien des familiarités encore ; mais la politesse du langage sera continuelle chez lui, et la décence de la pourpre romaine s’étendra graduellement sur les sujets qu’il aura à traiter. […] Ici Bernis va se montrer de nouveau sujet à quelque illusion. […] Voilà mon sentiment : si ce n’est pas celui du roi, il faut chercher promptement un autre sujet avec qui je puisse me concerter. […] L’ensemble de cette correspondance, dont je n’ai pu offrir qu’une idée rapide, ne grandit point certainement Bernis ; elle donne et fixe sa mesure comme principal ministre, et répond à une question que je m’étais adressée précédemment, à son sujet : il n’avait pas la trempe de l’homme d’État, et, après l’entrain des premiers succès, son organisation, mise à une trop forte épreuve, a manifestement fléchi.

1079. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Mme de Lambert, qui n’était pas du même parti qu’elle en littérature et qui penchait décidément pour les modernes, mais qui avait de l’élévation et de l’équité, a dit à son sujet dans une lettre adressée à ce même père Buffier sous la Régence : J’aime M. de La Motte, et j’estime infiniment Mme Dacier. […] J’entre à ce sujet dans quelques explications qui me paraissent bien vraies et trop peu appréciées encore aujourd’hui, mais qui n’ont peut-être toute leur valeur que pour l’éducation de quelques élèves particuliers. […] Cette conversion fut accompagnée de certaines circonstances que les uns ont célébrées, et dont les autres ont fait aux deux époux un sujet de reproche. […] Le style de Mme Dacier, quoique pur, exact et facile, ne me paraît pas toujours noble, élevé, poétique, tel enfin que le demandait son sujet.

1080. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Les doublons d’Espagne, et ce Catholicon qui avait fait le sujet de tant de sarcasmes contre la Ligue, lui eussent paru très purifiés en passant par ses mains. […] En conseillant au roi de faire impérieusement, et même avec menaces (s’il en était besoin), ces demandes assez singulières à ses alliés protestants pour battre ses sujets protestants, le cardinal, à qui son tact présageait qu’on obtiendrait tout, savait bien pourtant qu’il se mettait en grand hasard auprès du maître si l’on essuyait un refus : Qui se fût considéré lui-même, dit-il dans un sentiment de généreux orgueil, n’eût peut-être pas pris ce chemin qui, étant le meilleur pour les affaires, n’était pas le plus sûr pour ceux qui les traitaient ; mais sachant que la première condition de celui qui a part au gouvernement des États est de se donner du tout au public et ne penser pas à soi-même, on passa par-dessus toutes considérations qui pouvaient arrêter, aimant mieux se perdre que manquer à aucune chose nécessaire pour sauver l’État, duquel on peut dire que les procédures basses et lâches des ministres passés avaient changé et terni toute la face. […] Bref, et comme on l’a vu par le récit deRohan, après la défaite de Soubise en l’île de Ré, la paix se fit, mais non pas telle tout à fait que Rohan se plaît à le dire : le cardinal sans doute, sachant bien « que toute la prudence politique ne consiste qu’à prendre l’occasion la plus avantageuse qu’il se peut de faire ce qu’on veut », et sentant que les grandes et diverses affaires que le roi avait pour lors sur les bras ajournaient plus ou moins cette occasion, dissimula et laissa croire aux réformés qu’il ne leur était pas un irréconciliable adversaire : « Car ce faisant, dit-il, il avait moyen d’attendre plus commodément le temps de les réduire aux termes où tous sujets doivent être en un État, c’est-à-dire de ne pouvoir faire aucun corps séparé et indépendant des volontés de leur souverain. » Toutefois, par ce traité du 5 février 1626, le roi, déjà plus roi qu’auparavant, donnait la paix à ses sujets et ne la recevait pas ; et, du côté de La Rochelle expressément, il se réservait le fort Louis comme une citadelle ayant prise sur la ville, et les îles de Ré et d’Oléron comme deux autres places « qui n’en formaient pas une mauvaise circonvallation ».

1081. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Après cela les réflexions de Fénelon à son sujet sont antérieures à Denain et aux victoires ; elles se ressentent trop des mauvais discours des officiers généraux qui servaient sous Villars, et qui, dans leurs allées et venues, fréquentaient les salons de l’archevêché. […] Louis XIV écrivit à Villars (20 septembre) une lettre d’une entière et magnanime satisfaction : Mon cousin, vous m’avez rendu de si grands et de si importants services depuis plusieurs années, et j’ai de si grands sujets d’être content de tout ce que vous avez fait dans le cours de la présente campagne, en arrêtant par vos sages dispositions les vastes projets que les ennemis avaient formés, et vous m’avez donné des marques si essentielles de votre zèle et particulièrement dans la bataille du 11 de ce mois, dans laquelle mes troupes, encouragées par votre bon exemple, ont remporté le principal avantage (Louis XIV, on le voit, accepte la version de Villars) sur nos ennemis, que j’ai cru devoir vous témoigner la satisfaction que j’en ai en vous accordant la dignité de pair de France ; vous avez bien mérité cet honneur, et je suis bien aise de vous donner cette distinction comme une marque particulière de l’estime particulière que je fais de vous. […] Si le sourire était permis en un tel sujet, on sourirait à voir la manière dont il présenta constamment, et de plus en plus, cette affaire, après tout sinistre, de Malplaquet. […] Guizot a même fait un mot à ce sujet : « Non, Villars ne sauva point la France à Denain, il sauva seulement l’honneur militaire de la France. » Et l’on sait combien M. 

1082. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

La Beaumelle a reproché quelque part à Voltaire une réponse que celui-ci aurait faite au père de lord Bolingbrocke : Lorsque le lord Saint-Jean, père du vicomte de Bolingbrocke, vous dit au sujet d’un fait tronqué et embelli de l’Histoire de Charles XII : « Convenez que les choses ne se passèrent pas ainsi » ; vous lui répondîtes : « Et vous, milord20, convenez que cela est bien mieux comme je le rapporte. […] N’oubliez point, si vous le pouvez, d’amener quelqu’un d’aimable avec vous ; si vous pouviez trouver quatre bons acteurs, deux hommes et deux femmes, ce serait une acquisition fort utile pour notre théâtre, qui est, en vérité, dans la misère de bons sujets. […] Si vous pouviez trouver quatre bons acteurs, deux hommes et deux femmes, ce serait une acquisition fort utile pour notre théâtre, qui est, en vérité, dans une grande indigence de bons sujets. […] [NdA] Voisenon, bien qu’assez peu qualifié pour juger des autres, n’a pas mal vu en disant de La Beaumelle : « C’est un homme d’esprit sans aucun goût, qui a le maintien du sage et la conduite d’un fou… Il a composé un ouvrage divisé en chapitres sur différents sujets (Mes pensées ou [le] qu’en dira-t-on ?) 

1083. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Livet prend le soin de faire la remarque suivante : « La connaissance imparfaite de notre ancienne littérature a égaré Despréaux dans son Art poétique ; nous invoquons la même excuse en faveur de l’abbé d’Olivet, qui traite le même sujet d’une manière aussi peu conforme aux idées modernes. » Je crois qu’on pouvait se dispenser de cette note. […] Et puisque j’en suis sur ce sujet de l’Académie, un des sujets les plus nationaux en France, dont tout le monde parle, qu’il est, ce semble, si aisé de connaître, et dont pourtant on raisonne si souvent à faux, je demande à rappeler quelques faits et à présenter quelques observations sans beaucoup de suite et dans le pêle-mêle où elles me viendront. […] Dans la seconde moitié du xviiie  siècle, la grande innovation consista à substituer à ces sujets somnolents l’éloge d’un grand homme, Sully, Duguay-Trouin, Descartes : ce fut le triomphe de Thomas.

1084. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Lundi 3 février 1862 Délassons-nous un peu à parler de M. de Pontmartin ; ce n’est pas un sujet difficile. […] Sur la plupart des sujets qui s’éloignent de ce temps-ci, il n’a pas d’études antérieures, originales, personnelles, et il part des données que lui fournit le livre même qu’il a à juger : il ne les contrôle pas. […] Sur maint sujet moderne, il reste dans une moyenne de jugement très-bonne, très-suffisante. […] Elle aime le frère de son intime amie Laurence, Jules Daruel, un gentil sujet, qui vient d’autant plus régulièrement visiter sa sœur qu’il ne la trouve jamais sans Aurélie.

1085. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Aimez donc votre sujet, épousez-le, embrassez-le, biographe ou peintre ; et, s’il y a doute et conflit, prenez parti pour, plaidez pour : ne rendez pas les armes dès le premier moment. […] Les lettres écrites à ce sujet par la comtesse sont des monuments de tendresse et de désolation. […] Le raisonnement que Simond nous rapporte de lui au sujet des tableaux attribués à Raphaël, dont les onze douzièmes sont nécessairement peu authentiques, est tout à fait dans le goût et le tour des raisonnements que Courier s’est plu à développer sous son nom dans la Conversation de Naples98. […] On ne savait si elle descendait au vôtre ou si elle vous élevait au sien, tant il y avait de naturel dans sa personne. » Vous avez lu Chateaubriand, vous venez de lire Lamartine sur le même sujet, en face du même modèle : vous voyez maintenant ce qu’une bienveillance sympathique peut ajouter de perspicacité de coup d’œil et de vérité de couleur, même au génie.

1086. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Excellent sujet, doué de docilité et d’application, il réussit dans les diverses facultés de l’enseignement ; mais on a remarqué que, bien que d’abord assez fort en grec, il négligea ensuite presque entièrement cette langue. […] La lettre de réponse de Sismondi, à ce sujet, contient une page de critique excellente, et d’où il résulte qu’il ne faut pas juger le théâtre d’une nation avec la poétique d’une autre. […] Mme d’Albany goûta peu Werner ; elle le vit le moins possible, et Sismondi remarque très-justement à ce sujet que « l’extravagance des gens d’esprit n’est pas, à la longue, moins fatigante, que celle des sots ; il n’y a rien de durable pour la curiosité, pour la conversation, pour le sentiment, sans un mélange de raison. » Benjamin Constant aussi est très-bien montré, toutes les fois qu’il paraît dans ces lettres. […] Lorsque Constant s’avise un matin de se marier pour faire pièce à son orageuse amie, et en se flattant lui-même de trouver le repos dans le contraste, Sismondi en tire sujet à cette réflexion fort sage et digne d’un parfait moraliste (22 janvier 1810) : « Il est vrai que M. 

1087. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

En 1686, sous la pression et sur l’instance comminatoire de Louis XIV, Victor-Amédée se vit forcé, cependant, de faire à son tour sa révocation de l’Édit de Nantes, et le 31 janvier 1686 il déclara révoqués et abolis, à Fégard de ses sujets des vallées, tous les anciens privilèges qu’il avait ratifiés lui-même à son avènement. […] Ils allaient avoir contre eux Catinat encore, général en chef alors de l’armée d’Italie, mais Catinat seul : le vent avait tourné, la politique de Victor Amédée avait changé sur ces entrefaites ; ce prince avait besoin désormais de ces mêmes sujets qu’il avait exterminés et qui venaient de se rapatrier malgré lui. […] Catinat écrivait au roi au mois d’octobre 1694, en insistant sur la nécessité d’assurer ses communications : « Il ne faut plus regarder les Barbets comme les simples Vaudois retirés dans les montagnes : c’est un grand nombre de sujets de Sa Majesté, des vagabonds de toute nation, des déserteurs de ses troupes, qui n’ont ni feu ni lieu, ni établissement, bien armés, bien vêtus, qui pendant douze lieues peuvent entreprendre sur vos convois, sur vos entrepôts. » Il écrivait encore au roi le 25 mars 1695 : « On peut détruire les habitations des Barbets, on ne réduira jamais les Barbets ». […] Un professeur d’art militaire, tel par exemple que M. de La Barre Duparcq qui a tracé un si juste portrait de Catinat, pourrait faire, j’imagine, du thème de ces deux batailles un sujet d’exercice pour les jeunes théoriciens.

1088. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Et lui-même il proposait à l’avance au ministre ces cahiers tels qu’il les entendait et tels qu’il était à peu près sûr de les obtenir, en faisant aux communes la plus large part possible, mais en limitant, en taillant, pour ainsi dire, à l’avance les sujets futurs proposés à la discussion. […] Il s’était fait d’abord connaître dans le monde littéraire par des écrits d’une compilation utile et agréable ; mais ce ne fut que lorsqu’il eut choisi le vaste sujet de l’Histoire du commerce qu’il crut véritablement avoir rencontré sa veine et embrassé sa vocation. […] C’était l’hôte le plus commode, le moins exigeant que j’aie connu… » Ces trois ans de séjour étaient devenus un sujet de plaisanterie pour les amis, et il ne s’en fâchait pas. […] J’étais en ce temps-là rempli d’horreur pour l’esclavage dans les Indes occidentales et pour le commerce des esclaves, et l’Histoire de Haynal n’avait pas peu aidé à fortifier en moi ces sentiments ; mais, quand je vins à l’aborder sur ces sujets, il me parut si froid et si indifférent, que je conçus de lui une opinion tout à fait défavorable.

1089. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Il s’ensevelit sous la religion du silence, à l’exemple des gymnosophistes et de Pythagore ; il médita dans le mystère, et s’attacha par principes à demeurer inconnu, comme avait fait l’excellent Saint-Martin. « Les prétentions des moralistes, comme celles des théosophes, dit-il en tête des Libres Méditations, ont quelque chose de silencieux ; c’est une réserve conforme peut-être à la dignité du sujet. » Désabusé des succès bruyants, réfugié en une région inaltérable dont l’atmosphère tranquillise, il s’est convaincu que cette gloire qu’il n’avait pas eue ne le satisferait pas s’il la possédait, et s’il n’avait travaillé qu’en vue de l’obtenir : « Car, remarque-t-il, la gloire obtenue passe en quelque sorte derrière nous, et n’a plus d’éclat ; nous en aimions surtout ce qu’elle offrait dans l’avenir, ce que nous ne pouvions connaître que sous un point de vue favorable aux illusions. » Il n’est pas étonnant qu’avec cette manière de penser, le nom de M. de Sénancour soit resté à l’écart dans cette cohue journalière de candidatures à la gloire, et que, n’ayant pas revendiqué son indemnité d’écrivain, personne n’ait songé à la lui faire compter. […] Stapfer, Franck Carré, Sautelet, Bastide, faisaient partie, et qui, durant le silence public de l’éloquent professeur, se nourrissait de sérieuses discussions familières, en vit naître de très-passionnées au sujet d’Oberman, qui était tombé entre les mains de l’un des jeunes métaphysiciens : M. […] Un mariage qu’on avait arrangé pour cette personne et qu’elle refusa donna matière aux conjectures de la famille, qui pria son hôte de s’expliquer à ce sujet. […] Au moment où se publiaient obscurément les Rêveries, paraissaient aussi les premiers essais d’un talent plus jeune de dix ans que M. de Sénancour, d’un talent analogue au sien en inspirations, sujet à des vicissitudes non moindres, méconnu, oublié par le même public, et qui a finalement tourné, pour le succès comme pour la direction, d’une manière bien diverse.

1090. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Depuis ce temps, il n’est pas de soins ni de mouvements qu’il ne se soit donnés pour retrouver les moindres débris du portefeuille de Gresset, pour en déchiffrer les plus informes brouillons, pour en restituer les plus exigus fragments, pour conférer les diverses éditions et présenter les variantes comme on fait pour les grands classiques ; les académies du lieu, les sociétés littéraires des cantons circonvoisins, ont retenti maintes fois du prélude de ces estimables travaux, poursuivis avec un zèle pour ainsi dire acharné ; et aujourd’hui, maître de son sujet, en ayant épuisé toutes les veines, le laborieux biographe ramasse ses résultats en deux volumes, qui contiennent tout sur Gresset, et même un peu plus que tout, puisqu’on y rencontre certaines petites injures contre les ex-romantiques, contre cette abominable postérité de Jodelle et de Du Bartas, et aussi contre le virus des âmes gangrenées de George Sand et consorts. […] On sent courir à tout moment la vague pensée, on effleure le sujet interdit, mais au même moment on l’esquive : on est chatouillé et rassuré à la fois ; on se donne une entière licence avec une sorte de sécurité ; car, notons-le bien, c’est encore un novice qui badine, et non un page : le Chérubin dont l’enjouement a dicté ces gaietés d’un jour ne sera jamais l’amant de sa marraine ; que dis-je ? […] Comme s’il avait pris à la lettre et tout à fait au sérieux son sujet du Méchant, et comme s’il s’était dit qu’il n’y avait pas à demeurer dans un pareil monde, il ne tourna plus désormais de regard qu’en arrière, vers la retraite et vers la vie de province. […] Malgré tout, on revient toujours à se poser à son sujet cette question délicate, embarrassante : Comment se fait-il que, lorsqu’on a eu du goût, on cesse tout d’un coup d’en avoir ?

1091. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Nous n’en avons pas seulement pour garant Mlle de Lespinasse, mais les moins sujets à s’engouer parmi les contemporains ; l’abbé Galiani, par exemple, qui, apprenant à Naples la mort de M. de Mora, écrivait à Mme d’Épinay (18 juin 1774) : « Je n’ose parler de Mora. […] Il allait concourir à l’Académie sur des sujets d’éloges patriotiques ; il avait en portefeuille des tragédies sur des sujets nationaux. […] Héros avorté de cette époque de Louis XVI qui n’a eu que des promesses, M. de Guibert entra dans le monde la tête haute et sur le pied d’un génie ; ce fut sa spécialité pour ainsi dire que d’avoir du génie, et vous ne trouvez pas une personne du temps qui ne prononce ce mot à son sujet.

1092. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Quant à sa carrière, on ne lui laissa pas le temps d’y songer : « On me fit entrer à douze ans, dit-il, dans le régiment des Gardes (françaises), dont le roi me promit la survivance, et je sus, à cet âge, que j’étais destiné à une fortune immense et à la plus belle place du royaume, sans être obligé de me donner la peine d’être un bon sujet. » A quatorze ans, il commença sa carrière de Richelieu et de don Juan. […] L’ambition commençait à lui venir : tout récemment, avant et pendant son voyage de Varsovie, il avait adressé des mémoires à la cour de Russie, à celle de France, relativement aux affaires de la Pologne ; il avait des plans grandioses sur ce sujet de circonstance. […] Il faut écouter à ce sujet Lauzun lui-même nous disant avec une splendide insolence : « J’avais alors des dettes considérables, et, quoi que l’on en ait dit, cela n’était pas fort extraordinaire. […] La Fayette, qui l’avait vu de près et qui le juge sans rancune, dit, à propos d’un premier échec que Biron essuya près de Valenciennes, qu’avec toutes ses qualités brillantes il était « dépourvu du tact militaire si indispensable à la guerre », et que son esprit lui en faisant plus vivement sentir le défaut, il était sujet à tomber dans l’irrésolution38.

1093. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard admire les Pensées autant que qui que ce soit, et ce grand sujet, qui a inspiré les écrivains les plus illustres de notre siècle, Chateaubriand, M.  […] Nisard quelques-unes des pages les plus heureuses et les plus fortes que l’on ait écrites sur ce grand sujet. […] La même cause explique le choix des personnages et des sujets. Pourquoi des sujets si éloignés dans le lieu et dans le temps, pourquoi des personnages si haut placés dans la hiérarchie sociale, des rois, des princes ?

1094. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Comme un aigle qui se serait pris dans un rayon de miel, et qui se dégage de toute cette glu d’or, d’un coup d’aile, il s’est séparé de toutes les influences de la terre et il est monté d’une aile essuyée jusqu’au niveau de son sujet. Et ce sujet-là est très haut. […] car ce sujet n’est rien moins que la vie future et le secret de notre destinée éternelle. […] Vous n’y trouverez que ce sujet où il s’en va du tout, disait cet imbécile de Pascal, et qui n’est pour les nombreux hommes de génie de ce temps-ci qu’une assez piètre rêverie.

1095. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Diderot, comme Gœthe, a touché à beaucoup de sujets, mais avec un dilettantisme moins flâneur et moins badaud que Gœthe, avec une curiosité plus animée et plus profonde. […] De tous les sujets qu’il a touchés, le théâtre est celui sur lequel il a appuyé davantage. […] Pour lui, l’important, c’est de trouver un grand sujet et une grande idée, et toujours, dans tous ses Salons, c’est au point de vue de l’idée qu’il discute le tableau qu’il a sous les yeux, ou qu’il l’invente quand le sujet abordé par le peintre lui semble manquer d’idéalité ou de grandeur. […] C’est un épouseur de sujets. […] Dans un sujet aussi déclamatoire, Diderot se donna, dos et ventre, de cette déclamation qui était son vice, et ici, comme cela devait être, le bourgeois fut primé par le déclamateur.

1096. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Ils ne sont guère bons ; de tels sujets sont difficiles. […] Il y aurait de belles et profondes considérations à faire sur ce sujet : En quoi la philanthropie née de la corruption diffère de la charité.

1097. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Thiers autre chose qu’obéir à cette nécessité et user de ce bénéfice de son sujet ? […] Thiers d’avoir présenté les choses dans une liaison si parfaite, dans un ordre de génération en apparence si fatal et inévitable, c’est lui reprocher d’avoir éclairci ce qui était obscur, démêlé ce qui était confus, d’avoir en un mot dissipé l’anarchie prétendue de son sujet, qui n’était que celle de nos souvenirs.

1098. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Lerminier recueille en ce moment n’ont rien à faire avec l’orateur ; ce n’est pas un livre qui succède à des improvisations sur le même sujet, et l’on y rencontre tout directement l’écrivain. « Voici, dit l’auteur, quelques Lettres familières sur des sujets importants.

1099. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Du fond de sa grotte de Bethléem, il voyait la chute de l’Empire romain : vaste sujet de réflexions pour un saint anachorète ! […] Il y fait l’histoire de sa vie et de ses souffrances… Il prie, il enseigne, il explique les mystères, et donne des règles pour les mœurs… Il voulait donner à ceux qui aiment la poésie et la musique des sujets utiles pour se divertir, et ne pas laisser aux païens l’avantage de croire qu’ils fussent les seuls qui pussent réussir dans les belles-lettres191. » Enfin, celui qu’on appelait le dernier des Pères, avant que Bossuet eût paru, saint Bernard, joint à beaucoup d’esprit une grande doctrine.

1100. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Le sujet est pathétique, et l’on se sent gagner d’une émotion douce en le regardant. […] Le choix de ses sujets marque de la sensibilité et de bonnes mœurs.

1101. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Quel sujet cependant pour un grand maître par le charme et la variété des natures ! […] Monsieur Lépicié, laissez là ces sujets, ils exigent un tout autre goût de vérité que le vôtre, faites plutôt… rien.

1102. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Pour nous, à qui une rencontre inévitable l’a offerte, pour ainsi dire, au milieu et au cœur d’un sujet que nous traitions, il nous a été donné de la suivre, et nous avons eu comme l’honneur de la fréquenter en des heures de retraite et à travers ses dispositions les plus cachées. […] Elles sont souvent des caractères qu’y grave la divine Miséricorde, pour faire lire aux personnes qui ont trop aimé leur teint que c’est une fleur sujette à se flétrir devant que d’être épanouie, et qui, par conséquent, ne mérite pas qu’on la mette au rang des choses que l’on peut aimer. » Le courtois évêque ne s’étend si complaisamment sur ces traces miséricordieuses au visage, que parce qu’il est sûr par Mlle Paulet qu’il n’y en a point. […] Retz, moins engagé à ce sujet que La Rochefoucauld, et qui aurait bien voulu l’être autant, a merveilleusement parlé de Mme de Longueville. […] Un éloquent détail à ce sujet nous revient par les Mémoires de M. de Chateaubriand, en ce passage dont sa bienveillance nous a permis de nous décorer : « La princesse de Condé, près d’expirer, dit à Mme de Brienne : « Ma chère amie, mandez à cette pauvre misérable qui est à Stenay l’état où vous me voyez, et qu’elle apprenne à mourir. » Belles paroles ! […] De ce qu’on cite Mme de Longueville dans des moments de pénitence, et de ce que l’on ne possède guère Mme de La Fayette que dans des écrits littéraires et romanesques, a-t-on le droit de juger de la qualité de leurs esprits par la différence des sujets ?

1103. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) I Pour bien élucider mon sujet, et pour faire constater le livre par ses pairs, comme on dit quelquefois, je résolus d’opposer forçat à forçat ; je prêtai mon exemplaire à un forçat condamné à mort, et, quand il l’eut bien lu, bien ruminé, bien absorbé dans le solitaire confinement où il est encore, j’allai le trouver un jour de loisir, et je lui demandai de m’analyser en liberté ce qu’il avait éprouvé en lisant les Misérables. […] C’est un cadre dans lequel l’écrivain, tour à tour philosophe, penseur, sophiste, poète, prend, comme l’aigle, son lecteur à terre, l’emporte avec lui çà et là dans l’irrésistible élan de son style, lui fait parcourir un pan de l’espace, lui donne le vertige, l’enthousiasme, le délire de son talent, puis ne se souvient plus ni de lui, ni de sa composition, ni de son sujet parcouru à grand vol, le dépose à terre sûr de le reprendre à son gré et lui dit de nouveau : « Allons !  […] Qui n’a pas senti que le plus inépuisable et le plus lamentable des sujets est une de ces misères ? […] Je comprends très bien que Victor Hugo, plus libre, plus plein de loisirs que moi, ait été tenté par ce seul sujet, véritablement digne de l’homme, par ce poème, terrible et touchant à l’invraisemblable, de la misère des êtres humains : seulement je ne comprends pas autant pourquoi il fait de cette souffrance universelle des êtres un sujet d’amertume, de critique acerbe, d’accusation contre la société. […] XV Quoi qu’il en soit, les Misérables de Victor Hugo sont sortis, comme un coup de foudre contre la société mal faite, de cette préméditation de vingt ans, faisant maudire et haïr, au lieu d’en sortir comme une commisération secourable, faisant pleurer, plaindre et bénir, ainsi que j’avais de mon côté conçu mon triste sujet.

1104. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Avec de pareils sujets, on peut s’en passer, et le plus souvent, on s’en passe. […] Guizot n’aurait pas choisi les Guise pour sujet exclusif d’histoire ; il eût mieux aimé Coligny. […] lui à qui j’ai reproché d’avoir été, dans ses Guise, plus politique que religieux, il a préféré pour nouveau sujet d’histoire le roi religieux au roi politique. […] C’était de rigueur, dans un pareil sujet, du reste. […] Taine a concentré tout son effort sur les sottises, les crimes et les abominables barbaries de la Révolution en France, et Forneron, par le fait de son sujet, l’histoire de l’Émigration, — a étendu le sien sur l’Europe.

1105. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

… Si MM. de Goncourt ne l’avaient pas commise, nous aurions certainement un livre plus profond, et plus cruel peut-être, mais, en déraillant, il est vrai, de notre sujet, nous avons eu un livre attendrissant et délicieux. […] Mais depuis longtemps, ankylosé de réalisme, l’auteur des Zemganno s’y est probablement pris trop tard pour être poétique ; et son livre, dont le sujet était de la sentimentalité la plus pure et la plus noble, puisqu’il devait être la glorification attendrie de l’amour fraternel, n’est partout que de la plus épaisse, de la plus grossière matérialité. […] Je ne reprocherai donc pas à l’auteur des Frères Zemganno d’avoir abaissé son sujet en choisissant deux clowns pour incarner dans ces deux hommes, qui semblent n’avoir qu’un corps et qui passent leur vie à le retourner comme une paire de gants, un superbe sentiment, un de ces sentiments qui impliquent une âme élevée et charmante. […] Cela semble misérable, cette donnée, mais pour une tête féconde, quel sujet ! […] Quel sujet de roman qu’une telle créature, pour un romancier fort en nature humaine, et qui sait la brasser.

1106. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Elle dispense, avec cela, d’étudier les livres dont on parle et les sujets dont ils traitent, ce qui est parfois un grand point de gagné. […] Et, sans doute, il n’importe guère à la valeur d’une tragédie que le sujet en soit authentique en son fond. […] Sujet bizarre ; vaudeville pessimiste, que quelques traits d’observation juste et quelques qualités de dialogue n’ont pu préserver de tomber ; sujet insignifiant, dont l’auteur du Roman chez la portière eût bien tiré trois ou quatre scènes ; et sujet cependant dont M.  […] On en voit, je crois, la raison : c’est que leurs sujets n’en sont point. Déjà dans le roman, mais surtout au théâtre, il faut que les sujets enveloppent quelque intérêt plus général qu’eux-mêmes.

1107. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Vous connaissez, à cinquante ans de distance, le mot de La Bruyère : « L’une des meilleures critiques que l’on ait faites sur aucun sujet est celle du Cid ». […] Je ne dis rien de son troisième et dernier volume : il est uniquement rempli d’une Dissertation sur les représentations théâtrales des anciens, sujet curieux, sujet savant, mais dont je n’ai pas à m’occuper, et aussi bien dont je ne suis pas juge. […] Quant aux autres défauts qu’on peut également reprocher à Villemain, je me borne à les indiquer d’un mot, comme n’intéressant pas le fond même du sujet. […] Vous n’aurez d’ailleurs, pour combler cette lacune, qu’à joindre au livre de Villemain celui d’Hermann Hettner sur le même sujet. […] Une grande partie de ses jugements est donc ainsi sujette à caution et à révision.

1108. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Comme les odelettes de l’illustre Vendômois, ces petites pièces roulent sur des sujets amoureux, galants, ou de philosophie anacréontique. […] Quoique Sully-Prudhomme restreigne habituellement ses sujets en des cadres assez étroits, son pinceau est assez large pour entreprendre de grandes fresques. […] Même lorsqu’il traite des sujets tels que Danaé et Léda, le poëte, allant au-delà du fait mythologique, découvre dans la fable des sens cosmogoniques. […] On reproche toujours aux artistes de ne pas s’inspirer de leur temps et d’aller chercher dans le passé des sujets qu’ils trouveraient autour d’eux s’ils voulaient regarder. […] Légende historique mise en action, Charlotte Corday (je n’examine pas le choix du sujet et de l’époque), est de la famille des chefs-d’œuvre.

1109. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Ce sont presque uniquement sujets de tendresse et de tristesse. […] Brunetière traite tout sujet. […] Faguet s’est expliqué maintes fois sur ce sujet. […] Il cause volontiers de ces sujets avec tous hommes éclairés. […] Le prédicateur, dans la chaire, traite le sujet qu’il a choisi.

1110. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Tout ce que celle-ci a dans le cœur et veut exhaler, l’autre l’exprime ; mais quand elle n’a plus rien à lui inspirer, quand elle sommeille, l’autre veut exprimer quelque chose encore ; il se propose, il provoque autour de lui des sujets de sentiment, il grossit à son gré ses émotions légères ; c’est un organe à part qui réclame son exercice et sa pâture. […] Il a été fait à cette préface craintive une réponse en vers que nous donnons ici, malgré tout ce qu’il y a de périlleux à rien produire sur un sujet touché par M. de Lamartine ; mais il sera le premier à nous pardonner en faveur du sentiment commun qui nous attire vers la même noble douleur. […] L’application sérieuse qui s’y découvre sied bien à la dignité du sujet.

1111. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

On a beau faire et se dire de prendre garde, le ton de chacun grossit un peu et se monte toujours plus ou moins sur celui des interlocuteurs ; les voix les plus pures sont vite sujettes à s’enrouer si elles essayent de parler dans le vacarme. […] J’en avais pris sujet d’un article intitulé les Gladiateurs en littérature, que le peu d’importance des attaquants et l’inconvénient de paraître les accoster m’engagèrent ensuite à garder dans le tiroir : « Il est désastreux, leur disais-je, de débuter ainsi en littérature. […] Hâtons-nous de sortir de ces débats, d’en détourner les yeux et de nous préparer, en cette année comme nçante, à des sujets capables de la remplir.

1112. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

J’ai eu chez vous de justes sujets de chagrin ; la démarche que je vais faire vous chagrinera peut-être aussi : voyons de quel côté est l’injustice. […] La correspondance de Voltaire nous montre en effet que Prevost, dans un de ces moments de gêne auxquels il était si sujet (juin 1740), prit sur lui de recourir à l’opulent poète, non sans lui faire, comme critique, des offres de service en retour. […] Les contemporains, surtout les plus gens de poids et les plus appliqués, ne laissent pas d’être sujets à ces petites bévues-là.

1113. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

D’un côté : « … Ces maladies, dit Xavier Aubryet, qui, malheureusement peut-être pour leurs victimes, avivent plutôt qu’elles n’éteignent le foyer de la pensée, comme si le corps en se consumant fournissait plus d’aliments à la flamme intellectuelle. »45 Cette lucidité volontiers s’extériorise, devenant pour le patient sujet délicat et favori de conversation. […] « Je sais, disait-il, à ce sujet au Dr Cabanès, je sais qu’on me reproche de mettre trop de complaisance à m’étudier, et ce reproche, nos voisins les Anglais, qui sont si bien renseignés sur notre littérature, me l’ont signifié sous une forme bien inattendue : un caricaturiste de là-bas a imaginé de me représenter faisant des grimaces, des contorsions devant une glace et les notant sur le papier. […] Comme Daudet empruntant à ses « sosies » les documents complémentaires de son propre sujet, les frères de Goncourt, pour parfaire ce type de « fou lettré qui lutte contre la folie envahissante » s’étaient adressés aux recueils spéciaux.

1114. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Mais une réflexion que je ferai cependant sur ce sujet ; parce qu’elle est nécessaire à celui que je traite, c’est que la nature morale acquiert promptement ce qu’il faut à son développement, comme la nature physique découvre d’abord ce qui est nécessaire à sa conservation. […] Par exemple, la théorie d’une langue, celle du grec, suppose une foule de combinaisons abstraites fort au-dessus des connaissances métaphysiques que possédaient les écrivains, qui parlaient cependant cette langue avec tant de charme et de pureté ; mais le langage est l’instrument nécessaire pour acquérir tous les autres développements ; et, par une sorte de prodige, cet instrument existe, sans qu’à la même époque, aucun homme puisse atteindre, dans quelque autre sujet que ce soit, à la puissance d’abstraction qu’exige la composition d’une grammaire ; les auteurs grecs ne doivent point être considérés comme des penseurs aussi profonds que le ferait supposer la métaphysique de leur langue. […] Anacréon, dans sa poésie voluptueuse, est fort inférieur au talent et à la philosophie qu’Horace a montrés en traitant des sujets à peu près semblables.

1115. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Gaston Deschamps Un mauvais sujet qui fut un brave homme ; — un pauvre diable qui faisait des vers comme un ange ; — un bohème qui donne l’idée d’un vrai poète ; — un Villon buveur d’absinthe ; — un Hégésippe Moreau moins geignard ; — un La Fontaine dénué de sérénité ; — un Henri Heine moins cosmopolite… tout cela avec un curieux mélange de Parny, de Dorat, de Pigault-Lebrun. […] Il ne choisissait pas les sujets de ses poèmes ; il était inapte à disposer froidement les parties d’une œuvre en vue d’un idéal préconçu ; l’objectif l’émouvait peu. […] Ces œuvres ne sont pas sujettes : elles sont reines.

1116. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Ils l’accusent de jetter du ridicule sur la vertu, de mettre en maximes les réflexions les plus détestables, de traiter le plus souvent des sujets licencieux, d’attaquer les réputations les mieux établies, d’être un cloaque dont l’infection se répand partout. […] Rien, ajoutoit-on, de ce qui est du ressort de l’imagination ne devra être souffert dans un état, parce qu’elle est sujette à des écarts ; qu’elle se frappe de l’agréable, encore plus que de l’utile ; & que l’amour du plaisir & de la frivolité ne gagne que trop tous les esprits. […] Enfin (& cette raison étoit décisive) si la poësie, disoit-on, s’est exercée sur des sujets de frivolité & de galanterie, elle a traité aussi tous les autres & les plus sérieux.

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