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1123. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Il n’y a donc pas de panacée dans le livre du docteur Feuchtersleben ; il n’y a qu’une vieille thèse prise et reprise, l’action bienfaisante de la pensée sur la santé, — à laquelle on en peut opposer une autre, tout aussi vieille et tout aussi soutenue : l’action malfaisante de la pensée.

1124. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Mais quelle que soit la foi du grand Hugo à cette extravagance, le jeune homme du Poème humain est d’une absurdité bien autrement ardente et soutenue que la sienne.

1125. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

On dirait, à les voir l’un et l’autre, le lion lampassé et onglé de gueules et la licorne du blason qu’ils soutiennent.

1126. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

honorez sa misère Et soutenez-la du cœur et de la main !

1127. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

J’ai l’âme si pesante, Que mon corps gigantesque et ma tête puissante Qui soutiennent le poids des colonnes d’airain Ne la peuvent porter avec tout son chagrin !

1128. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

En un mot, indépendamment de leur matière, il y a lieu de classer les formes des sociétés, de déterminer les relations qu’elles peuvent soutenir avec les différents ordres de phénomènes historiques, de fixer ainsi les faits qui les précèdent ou ceux qui les suivent régulièrement : c’est-à-dire qu’il, y a place, à côté des différentes sciences sociales, pour une science de ce qui est spécialement social, la sociologie proprement dite.

1129. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

L’homme, dans cet état, ressemble à un enfant timide, qui n’ose faire un pas sans les lisières qui le soutiennent.

1130. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Elle eut la fermeté d’un moment, qui conçoit et fait de grands sacrifices, et n’eut pas cette fermeté plus rare qui soutient l’âme par sa propre force, quand elle n’est plus animée par les regards et par l’effort même que demande tout ce qui est difficile.

1131. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Sous un règne où tout avait une certaine pompe, où le souverain en imposait par la dignité, où l’admiration publique, sentiment presque habituel, devait élever les expressions comme les idées, il semble que la manière oratoire devait être plus à la mode qu’un style moins soutenu, et par conséquent moins rapproché de la dignité du maître.

1132. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Mais, dans le génie comme dans la foi, il y a toujours des élus de Dieu : et tant que l’enthousiasme du beau moral ne sera pas banni de tous les cœurs, tant qu’il aura pour soutiens toutes les passions honnêtes de l’âme, il suscitera par moments l’éclair de la pensée poétique ; il éveillera ce qu’avaient senti les prophètes hébreux aux jours de l’oppression ou de la délivrance, ce que sentait ce roi de Sparte, lorsqu’à la veille d’une mort cherchée pour la patrie, il offrait, la tête couronnée de fleurs, un sacrifice aux Muses.

1133. (1894) Critique de combat

Il s’écrie, par exemple : « Je ne soutiens pas une thèse, je démontre des vérités. » Comme si tout homme qui soutient sérieusement une thèse n’avait pas la prétention de démontrer aussi des vérités ! […] Il n’est pas sérieux évidemment, quand il soutient que la suppression de la misère, le libre accès de tous les enfants aux divers degrés du savoir, le travail devenu obligatoire et par suite le loisir devenu possible pour tous les hommes, ne seraient qu’un retour en arrière. […] Il n’y a plus pour soutenir l’attention que l’attrait d’une devinette. […] Il faudrait nous démontrer que la conception du monde, telle que l’ont eue vos docteurs angéliques ou séraphiques, peut encore se soutenir. […]   L’autre critique que je lui adresserai porte sur la thèse même qu’il soutient.

1134. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Schmidt, l’un de nos meilleurs professeurs de langue allemande, a récemment soutenue devant la Faculté des lettres de Strasbourg-. […] Si cependant quelque idée de devoir ne la pénètre et ne la soutient, comment survivra-t-elle aux agréments qui l’ont fait naître ? […] L’intolérance, l’esprit persécuteur, conséquence naturelle de l’esprit d’exclusion, les paroles hypocrites, la sainteté fausse, l’abus sacrilège des promesses de la grâce, ne sont-ce point là des choses par elles-mêmes assez odieuses pour soutenir l’indignation du lecteur et assez fécondes en événements tragiques pour soutenir la verve du romancier ? […] S’il m’est donné de recouvrer la santé, je me soutiendrai par mon propre travail, je veux apprendre à compter sur moi-même ; hors ton amour et ta bénédiction, je ne désire rien de toi. […] Il me faut apprendre maintenant à marcher dans le monde, privée de l’appui qui me soutenait.

1135. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Ce n’est pas seulement leur langue qu’il entend, c’est leur pensée ; il ne répète plus une leçon d’après eux, il soutient une conversation avec eux ; il est leur égal, et ne trouve qu’en eux des esprits aussi virils que le sien. […] Il y a de l’éloquence dans le développement régulier de sa pensée ; il y a de la musique dans l’accent soutenu de ses vers. […] C’est lui qui, apaisant la discorde primitive, a formé l’harmonie des sphères et soutient ce glorieux univers. […] Le bizarre et terrible cortége défile, conduit par l’harmonie solennelle des stances, et la musique grandiose des rimes redoublées soutient l’imagination dans le monde fantastique, mêlé d’horreurs et de magnificences, qui vient d’être ouvert à son vol. […] … Ils entrèrent dans une chambre grande et large,  — comme quelque grande salle d’assemblée, ou comme un temple solennel. —  Maints grands piliers d’or supportaient — le toit massif et soutenaient de prodigieuses richesses,  — et chaque pilier était richement décoré — de couronnes, de diadèmes et de vains titres,  — que portaient les princes mortels pendant qu’ils régnaient sur la terre.

1136. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

et qui soutiendra que son « devoir » fût d’abandonner Pauline, contre la foi jurée, contre le commandement de l’Église, pour s’offrir à un martyre qu’au contraire son vrai « devoir », à tous égards, était précisément d’éviter ? […] Ce qu’elle a surtout pour elle, c’est la manière dont l’intérêt y est soutenu, suspendu, renouvelé d’acte en acte. […] L’action s’engage alors entre lui, d’une part, toujours soutenu d’Orgon, et la maisonnée tout entière, d’autre part ; — et, moi, je pourrais arrêter ici l’analyse de la pièce, si je ne voulais attirer votre attention sur deux points. […] Je ne me soutiens plus, ma force m’abandonne ; (Elle se laisse aller entre les bras d’Œnone.) […] Pour que la comédie soutînt la concurrence, il lui eût fallu d’autres défenseurs que Le Sage ; il eût fallu surtout que l’auteur de Turcaret ne fût pas en même temps celui de Gil Blas !

1137. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

La lecture forme nos facultés, nous les fait découvrir, éveille les idées, crée et soutient l’inspiration. […] Et les sœurs et les belles-sœurs de Hektôr l’entouraient et la soutenaient dans leurs bras, tandis qu’elle respirait à peine. […] Il faut, au contraire, mêler ses descriptions au récit ; elles doivent l’accompagner, le pénétrer, le soutenir, de façon qu’on ne puisse en omettre une ligne. […] On dit bien qu’à certains jours on est en verve : on se lance avec plus de hardiesse, on se soutient avec plus d’aplomb, on réussit avec plus de chance. […] Mais aussi, puisque nous sommes menacez de tant de façons de mort, n’y a-t-il pas plus de mal à les craindre toutes qu’à en soutenir une ?

1138. (1887) Essais sur l’école romantique

Dans la belle et glorieuse école poétique du xviie  siècle, le bon est grand, majestueux, égal ; il dure, il se soutient, il élève des monuments. […] » De là cette noblesse soutenue jusque dans les moindres choses. […] poète si fier de son art, qu’il soutient contre toute une époque que cet art n’est point mort, et qu’une page de mélancolie profonde et vraie peut être assez forte encore pour se faire entendre par-dessus les mille bruits confus qu’on appelle le siècle ! […] Il n’y a pas un seul journal sérieux et lu qui soutienne la littérature facile, si ce n’est peut-être par des réclames, amorce à laquelle ne se prend plus le public. […] Ils se demandent s’il est prudent de le suivre jusqu’au bout, et si, après l’avoir soutenu dans toutes ses entreprises contre le génie et le langage français, ils doivent se partager la triste et dernière gloire de son naufrage.

1139. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Il apprit sommairement à M. de Seilern l’aventure du Leichtenholtz, comment il avait soutenu seul l’effort de deux assassins, et comment le coup de couteau qui devait infailliblement le tuer avait frappé par miracle un médaillon d’or suspendu sur sa poitrine. […] Ariane abandonnée par Thésée, dans Catulle, ne peut pas soutenir un instant le parallèle avec Didon abandonnée par Énée, dans Virgile. […] Maurice Bouchor se raidit ; il a pris une grande résolution, qu’il soutient de toute sa force et avec une application extrême : celle d’être en vers une franche canaille. […] « Je soutiens, a dit Sterne dans un fort bon sermon, que rien n’a fait plus de mal aux vertus sociales que ces hideuses peintures de la société où tant de philosophes se sont complu ; omettant tout ce qu’il y a de généreux dans le cœur de l’homme, elles l’abaissent au-dessous de la brute, comme un composé de tout ce qui est égoïste et bas. […] Je soutins qu’elle avait une imagination aussi riche que Chateaubriand, moins de style à la vérité, moins de raison, moins de force, moins de charme ; que je trouvais plus de belles idées dans une de ses pages que dans un volume entier de Mme de Genlis, etc.

1140. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Cet homme est Molière et il faut proclamer à la louange de son siècle que, goûté par la foule, il fut soutenu par le roi. […] La tourmente passée, rien ne saurait la soutenir. […] De là devait sortir ce monstre qui se prétend shakespearien : une tragédie sans étoffe, assez bien agencée extérieurement, mais privée d’armature et vide d’âme, uniquement soutenue par le don des mots. […] Cent autres comédies entourent, soutiennent et expliquent la comédie de Molière. […] Aussi bien j’ai montré jadis, dans un chapitre de Nos Directions, comment le drame symboliste selon la formule de Maeterlinck, insuffisamment soutenu par des artifices tout littéraires, répétition de mots, balbutiements, ne se réalise complètement que dans sa forme musicale, lorsque Pelléas se confie au génie de Claude Debussy.

1141. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Ce rôle est d’ailleurs complexe ; il varie selon les temps et selon les lieux ; mais, dans des sociétés telles que les nôtres, la religion a pour premier effet de soutenir et de renforcer les exigences de la société. […] Mais plus stables encore sont les racines, solidement plantées dans la terre, qui les soutiennent du bas. […] Il est sans doute recouvert d’une autre morale que par là même il soutient et à laquelle il prête quelque chose de sa force, je veux dire de son caractère impérieux. […] Si pourtant la morale utilitaire s’obstine à reparaître sous une forme ou sous une autre, c’est qu’elle n’est pas insoutenable ; et si elle peut se soutenir, c’est justement parce qu’au-dessous de l’activité intelligente, qui aurait en effet à opter entre l’intérêt personnel et l’intérêt d’autrui, il y a un substratum d’activité instinctive primitivement établi par la nature, où l’individuel et le social sont tout près de se confondre. […] Que si l’on distingue cette métaphysique de toutes les autres en disant que précisément elle s’impose à notre adhésion, on a peut-être encore raison, mais alors ce n’est plus à son seul contenu, à la pure représentation intellectuelle que l’on pense ; on introduit quelque chose de différent, qui soutient la représentation, qui lui communique je ne sais quelle efficace, et qui est l’élément spécifiquement religieux : mais c’est maintenant cet élément, et non pas la métaphysique à laquelle il est joint, qui devient le fondement religieux de la morale.

1142. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

D’où je conclus triomphalement que l’idée de fabrication se trouvant nécessairement liée à l’idée de « poésie faite », on ne peut soutenir, sans une malice criminelle, que l’idée de fabrication s’oppose « violemment » à l’idée d’inspiration. […] Goethe, pourtant, a soutenu expressément le contraire, Henri Poincaré de même. […] L’élaboration de l’art musical a consisté à établir des abcisses et des ordonnées permettant de « standardiser » (si j’ose dire) les productions (le terme dernier est la gamme tempérée) dans l’ordre numérique (du temps et du nombre de vibrations)… etc : on voit comment après avoir réagi contre certaines de mes propositions, surtout certains de mes exemples (l’équation personnelle peut en effet facilement empêcher que des exemples aient une valeur aussi générale que la thèse qu’ils soutiennent), M.  […] dans une histoire curieuse et rare du " paysage en France " par Georges Lanoe et Tristram Brice, se trouve soutenue la thèse que voici : le grand mouvement religieux du XIXe  siècle avorta, et c’est chez les paysagistes de 1830 que fleurit, et là seulement (?) […] Nos deux déesses se soutiennent par leur lutte même ; elles n’arrivent pas à se tomber, elles ne le cherchent pas d’ailleurs, elles en ont assez, elles se cramponnent, et l’on ne sait plus si elles combattent encore ou s’embrassent.

1143. (1923) Paul Valéry

La mer paraît devoir engloutir le tronc d’arbre qu’elle reçoit, mais ce tronc d’arbre est creux, et les lois de la pesanteur, au lieu de le couler, le soutiennent. […] Je soutenais l’éclat de la mort toute pure, Telle j’avais jadis le soleil soutenu. […] L’ancienne Parque n’avait pas d’yeux pour le soleil et ne le « soutenait » que de son être entier. […] Mais la vue soutient difficilement cette lumière de poésie pure, cette lumière intense qui mérite si peu le nom de clarté diffuse.

1144. (1813) Réflexions sur le suicide

Les personnes qui d’ordinaire condamnent le Suicide, se sentant sur le terrain du Devoir et de la Raison, se servent souvent, pour soutenir leur opinion, de certaines formes méprisantes, qui peuvent blesser leurs adversaires ; elles mêlent aussi quelquefois d’injustes attaques contre l’enthousiasme en général à la censure méritée d’un acte coupable. […] La mort naturelle est adoucie presque toujours par l’affaiblissement des forces, et l’exaltation de la vertu nous soutient dans le sacrifice de la vie à ses devoirs. […] Mais en supportant ce terrible sort par la fermeté que la religion me prête, j’inspire aux vaisseaux battus comme moi par l’orage plus de confiance dans l’ancre de la foi qui m’a soutenue

1145. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Apollon soutient en même temps le droit sacré du prince, qui est l’auguste tête de la société politique. […] Il est impitoyable pour les sophistes, qui, en enseignant que tout est probable, c’est-à-dire que rien n’est vrai, qu’en chaque question le pour et le contre peuvent également se soutenir, sapaient les anciennes mœurs avec les anciennes convictions. […] De même, des caractères parfaitement soutenus, comme L’Avare de Molière, par exemple, mais dont la naïveté absolument sérieuse, dans sa passion bornée, ne permet pas à l’âme de s’affranchir de ces limites, n’ont rien, à proprement parler, de comique.

1146. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Il marque tout dans le vol du faisan, le frou-frou de son essor, « ses teintes lustrées, changeantes, —  sa crête de pourpre, ses yeux cerclés d’écarlate, —  le vert si vif que déploie son plumage luisant, —  ses ailes peintes, sa poitrine où l’or flamboie1121. » Il a la plus riche provision de mots brillants pour peindre les sylphes qui voltigent autour de son héroïne, « lumineux escadrons dont les chuchotements aériens semblent le bruissement des zéphyrs, —  et qui, ouvrant au soleil leurs ailes d’insectes, —  voguent sur la brise ou s’enfoncent dans des nuages d’or ; —  formes transparentes dont la finesse échappe à la vue des mortels, —  corps fluides à demi dissous dans la lumière, —  vêtements éthérés qui flottent abandonnés au vent, —  légers tissus, voiles étincelants, formés des fils de la rosée, —  trempés dans les plus riches teintes du ciel, —  où la lumière se joue en nuances qui se mêlent, —  où chaque rayon jette des couleurs passagères, —  couleurs nouvelles qui changent à chaque mouvement de leurs ailes1122. » Sans doute ce ne sont point là les sylphes de Shakspeare ; mais à côté d’une rose naturelle et vivante, on peut encore voir avec plaisir une fleur en diamants, comme il en sort des mains d’un joaillier, chef-d’œuvre d’art et de patience, dont les facettes font chatoyer la lumière et jettent une pluie d’étincelles sur le feuillage de filigrane qui les soutient. […] J’ajouterais bien, en manière d’excuse, qu’il y a un genre où il réussit, que son talent descriptif et son talent oratoire rencontrent dans les portraits la matière qui leur convient, qu’en cela il approche souvent de La Bruyère ; que plusieurs de ses portraits, ceux d’Addison, de Sporus, de lord Wharton, de la duchesse de Marlborough, sont des médailles dignes d’entrer dans le cabinet de tous les curieux et de rester dans les archives du genre humain ; que, lorsqu’il sculpte une de ces figures, les images abréviatives, les alliances de mots inattendues, les contrastes soutenus, multipliés, la concision perpétuelle et extraordinaire, le choc incessant et croissant de tous les coups d’éloquence assénés au même endroit, enfoncent dans la mémoire une empreinte qu’on n’oublie plus. […] Ils content en gens du monde, cultivés et instruits, avec agrément et clarté, d’un style poli, nombreux, soutenu.

1147. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Fox aurait renouvelé très facilement alors la paix d’Amiens entre l’Angleterre et la France ; mais, obstacle à la guerre pendant que son pays devait la soutenir, et impuissant pour la paix au moment où la paix était possible et honorable, M.  […] En arrière, deux colonnes serrées, appuyant comme deux arcs-boutants cette double ligne de bataille, semblaient destinées à la soutenir et à l’empêcher de plier sous le choc des Français. […] “La journée avait été rude, disait-il, mais elle ne pouvait pas être considérée comme une défaite, puisqu’on avait conservé le champ de bataille, et c’était une merveille de se retirer sains et saufs après une pareille lutte, soutenue avec un immense fleuve à dos, et avec ses ponts détruits.

1148. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Cette théorie l’a soutenu cinquante ans à la surface des choses humaines, précurseur de tous les succès, surnageant après tous les naufrages, survivant à toutes les ruines. […] Cette apparente dérision des événements doit commencer par l’abdication de soi-même ; car, pour affecter et pour soutenir ce rôle d’impartialité avec toutes les fortunes, il faut que l’homme écarte les deux choses qui font la dignité du caractère et la sainteté de l’intelligence : la fidélité à ses attachements et la sincérité de ses convictions, c’est-à-dire la meilleure part de son cœur et la meilleure part de son esprit. […] Pour la reconstruire, il faudrait anéantir les trois plus grandes puissances de l’Europe, et, quand vous l’auriez reconstruite, il faudrait la soutenir tous les jours.

1149. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

« Je soutiens, disait E. Poe, qu’il n’existe pas de long poème, que ces mots “un long poème” sont tout simplement contradictoires dans les termes. » Revenant sur cette pensée, il la précise : « La dose d’émotion nécessaire à un poème pour justifier ce titre ne saurait se soutenir dans une composition de longue haleine : au bout d’une demi-heure au plus, elle baisse, tombe, une révulsion s’opère et dès lors le poème, de fait, cesse d’être un poème. » Nous pouvons nous souvenir, pour corroborer l’opinion de Poe par l’histoire, que l’Iliade et l’Odyssée datent d’une époque postérieure à celle de leur composition, quant à la forme arbitraire selon laquelle ces deux œuvres nous sont présentées : forme arbitraire, étrangère, ou peu s’en faut, à la pensée du ou des poètes primitifs. […] Il y a quelques quinze ans Banville l’observait déjà : « Ce n’est plus un duel courtois, c’est un combat sérieux que le poète doit soutenir contre l’Isis éternelle ; il ne veut plus seulement soulever ses voiles, il veut les déchirer, les anéantir à jamais, et, privé de ses dieux évanouis, posséder du moins l’immuable nature : car il sent que les dieux renaîtront d’elle et de nouveau peupleront les solitudes du vaste azur et les jardins mystérieux où fleurissent les étoiles. » Ainsi l’art et la science restent en présence et à eux deux se proposent de rendre à l’humanité tous les biens dont les religions mortes l’ont déshéritée.

1150. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Dans ce sens donc qu’il existe dans le système nerveux certains rapports préétablis correspondant à des rapports dans le milieu environnant, « il y a du vrai dans la doctrine des formes de la pensée, non le vrai que soutiennent ses défenseurs, mais une vérité d’un ordre parallèle. » Ces rapports internes préétablis, quoique indépendants de l’expérience de l’individu, ne sont pas indépendants de l’expérience en général ; ils ont été établis par les expériences accumulées des organismes précédents. […] C’est au raisonnement qualificatif qu’il faut rapporter l’induction, l’analogie et le syllogisme, au sujet duquel « on ne saurait s’expliquer comment tant de logiciens ont soutenu qu’il représente le procédé de l’esprit par lequel nous raisonnons habituellement, n’était l’immense influence de l’autorité sur les opinions humaines. » L’auteur montre très bien qu’il n’est qu’un procédé de vérification. […] Herbert Spencer soutient de nouveau et en combattant les unes après les autres toutes les objections de Stuart Mill, que nous n’avons aucune raison de douter de la validité de ce critérium.

1151. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Ils ont dépensé leurs plus belles années, leur plus beau style et leur meilleur esprit, à soutenir, à parer, à décorer, à fortifier la chose de ce monsieur ; ils ont fécondé sa terre, ils ont taillé sa vigne, ils ont mené paître ses troupeaux, ils ont supporté, pendant que le maître dormait, ou batifolait avec ses esclaves, la chaleur de la journée et la fraîcheur du matin ; ils n’ont pas osé être malades sans la permission de ce monsieur ; ils ont regardé dans les yeux de Trajan, pour savoir si Trajan était content ; ils ont été attentifs à sa moindre parole, ils ont interrogé son sourcil de Jupiter Olympien, ils ont flatté même sa cuisinière, la complice de sa toute-puissance ; ils ont ri de son rire, et pleuré de son chagrin ; ils ont sué, ils ont halé, ils ont râlé… et les voilà à la porte de cette maison qu’ils ont bâtie, à la porte de ces jardins qu’ils ont plantés ; et du jour au lendemain, pendant que ce sol qu’ils ont fécondé de leur esprit, de leur talent, de leur labeur, rapporte au maître un intérêt qui serait un capital pour les ouvriers de la vigne, nul ne s’informe du destin de ces ouvriers habiles, actifs, intelligents, dévoués, braves jusqu’à l’audace, hardis jusqu’à l’abnégation ! […] — L’un qui soutenait mademoiselle Mars d’une main si ferme, l’autre qu’elle-même elle soutenait, en lui prêtant sa blanche épaule ; celui-ci qui survivra à toutes choses, même à une perte irréparable ; celui-là qui se sentait mourir, le soir même où il perdait sa comédienne bien-aimée et qui, à cette heure, est mort sans retour !

1152. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Je vous démontre qu’elle est le but de ses efforts les plus violents et les plus soutenus, qu’il l’a, pour ainsi dire, dictée, et qu’il en porte la responsabilité devant l’histoire. […] …‌ « … Les plus sages catholiques et les mieux informés, les gouverneurs, les intendants… témoignent que, ni pour les mœurs, ni pour l’instruction, les catholiques ne soutenaient la comparaison avec les protestants, ni les prêtres avec les ministres… En ce sens, les protestants persécutaient, humiliaient le clergé. […] Aucun péril ne les rebuta, et ce qui les soutint dans la pire détresse, ce fut la volonté invincible d’échapper aux bourreaux de Louis XIV, et de vivre librement leur vie sur une terre de liberté.

1153. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

N’est-il pas permis de soutenir que, sans connaître ces théories, nous en avons un vague pressentiment, que sous le son plus intense nous devinons une vibration plus ample se propageant au sein du milieu ébranlé, et que nous faisons allusion à ce rapport mathématique très précis, quoique confusément aperçu, quand nous affirmons d’un son qu’il présente une intensité supérieure ? […] Nous n’irons point jusqu’à soutenir, avec M.  […] « Une frayeur intense, dit Herbert Spencer 9, s’exprime par des cris, des efforts pour se cacher ou s’échapper, des palpitations et du tremblement. » Nous allons plus loin, et nous soutenons que ces mouvements font partie de la frayeur même : par eux la frayeur devient une émotion, susceptible de passer par des degrés différents d’intensité.

1154. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin, son domaine fort honnête à ce moment, était le latin qu’il tenait bien, le portugais aussi et le castillan qu’il avait fort méritoirement conquis par son application soutenue ; du grec, il en savait assez pour entendre des passages, vérifier des citations et s’y comporter pertinemment, avec prudence. […] S’il n’avait pas eu ce goût d’instinct pour le théâtre et ses jeux les plus divers, depuis la comédie anecdotique d’Andrieux jusqu’aux Burgraves, depuis les drames chrétiens de Hrotsvitha jusqu’aux marionnettes, on aurait droit d’être sévère sur sa qualité d’érudit ; on pourrait le définir le contraire d’un Letronne ou d’un Fauriel, et soutenir sans trop d’injustice qu’il n’y apportait aucune initiative personnelle.

1155. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Villemain construisait à chaque moment, soutenait et rendait vivante cette composition d’enseignement toujours libre et renouvelée ? […] Villemain, semblent briller d’une nuance radoucie de son talent, je ne veux pourtant pas oublier ici un maître bien goûté de ceux qui l’approchent, et qui soutient une partie du difficile héritage.

1156. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Nous publions les vers de Farcy, et pourtant, nous le croyons, sa vocation était ailleurs : son goût, ses études, son talent original, les conseils de ses amis les plus influents, le portaient vers la philosophie ; il semblait né pour soutenir et continuer avec indépendance le mouvement spiritualiste émané de l’École normale. […] La pensée de l’art noblement conçu le soutient et donne à ses travaux une dignité que n’avaient pas ses premiers essais, simples épanchements de son âme et de sa vie habituelle. — Il comprend tout, aspire à tout, et n’est maître de rien ni de lui-même.

1157. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Ses doigts, ouverts comme par une main de force, se détachèrent des deux touffes de bruyère qui le soutenaient sur l’abîme ; son orteil détendu glissa sur l’étroite corniche qu’il avait saisie comme point d’appui pour enjamber le sommet du précipice ; il glissa le long du rocher et roula évanoui et sanglant le front sur les pierres, sans pousser un cri. […] Étendu ventre à terre sur le carreau, je soutenais ma tête sur mes deux mains accoudées du côté de la fenêtre.

1158. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

… Dieu a fait de l’espérance un des aliments de l’esprit humain ; ne le nions pas, soyons-en soutenus sur notre route afin de marcher, mais n’en soyons pas ivres de peur de tomber comme des fous dans le délire du mieux. […] Son génie survécut à toutes ces douleurs et la soutint jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans.

1159. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

« Les convulsions de l’agonie ne durèrent que quelques minutes… Nous la soutenions dans nos bras, moi, le médecin et la garde. […] LXII Je ne prétends pas soutenir, au reste, qu’à partir de cette époque de la publication du Génie du Christianisme, M. de Chateaubriand n’ait pas été un chrétien sincère dans la foi qu’il avait adoptée par cette magnifique et éclatante conversion littéraire.

1160. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Remercions Les Marges d’attirer l’attention sur une situation plus tragique qu’aux yeux de certains elle n’en a l’air, sur cette lutte soutenue ici pour nos autels et nos foyers linguistiques par une poignée de patriotes et de poètes, parmi lesquels j’ai l’honneur d’être, Monsieur le Directeur, etc. […] Jacques Chaumié me paraît soutenir un ingénieux paradoxe.

1161. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Celle-ci même n’essaya pas de le soutenir, et elle fut amenée par le génie et l’exemple de Calvin à prendre les formes sévères, nobles et soutenues des écrivains de Rome, plus goûtés par Calvin, comme on sait, que les écrivains grecs.

1162. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

Il n’est pas vrai, comme le soutiennent certains fatalistes, que le motif qui l’emporte à la fin ait été, dès le commencement de la délibération, le plus fort, d’une force encore cachée ; qu’il ait gouverné la délibération et l’action finale comme le ressort invisible d’une montre gouverne le mouvement visible de l’aiguille. […] Ribot a raison de soutenir que ce jugement, comme tel, n’a pas d’efficacité sur la volition même, qu’il « constate la direction prise par la volonté et ne la détermine pas. » Mais, d’abord, il n’en résulte point que ce jugement demeure inutile.

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