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1248. (1910) Rousseau contre Molière

Il paraît assez raisonnable de vivre : 1° de telle sorte qu’on ne soit pas ridicule ; 2° de telle sorte qu’on ne soit pas insupportable aux autres. […] Le pauvre, en effet, dit à Don Juan : « Je ne manquerai pas de prier le ciel qu’il vous donne toutes sortes de biens. » — « Eh ! […] Aucune sorte d’idéal ni de demi-idéal ne circule, même par moment, dans le théâtre de Molière. […] Une sorte de coquetterie est permise aux filles à marier ; s’amuser est leur grande affaire. […] Point du tout ; car il conclut de cette sorte : « Plus une femme a de réserve, plus elle doit avoir d’art, même avec son mari.

1249. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Ses défauts mêmes ont souvent une sorte de naïve gentillesse. […] Notre « culture » est d’une autre sorte, plus modeste, nuancée, tempérée de scrupules, ornée de sagesse. […] Sur bien des points, il a deviné juste, avec une sorte de patient génie. […] Une sorte d’instinct secret la guide : le meilleur instinct, la volonté d’obéir à sa destinée. […] Les ordres de Gramont ne l’autorisaient point à continuer de même sorte.

1250. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

Un sentiment d’honneur, et même une sorte de tendresse d’âme, sont compatibles, il faut le dire, avec cette facilité bizarre, comme cela se voit chez l’abbé Prévost dans sa jeunesse, chez l’abbé de Choisy, chez Gil Blas.

1251. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

M. du Clésieux, nous dit-on, après de bonnes études, et quelques années passées à Paris dans sa première jeunesse, s’est bientôt retiré, et comme enfui dans sa Bretagne ; les plaisirs l’avaient effleuré un moment, et il s’y dérobait avec une sorte d’effroi.

1252. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 264-267

A ce premier mérite, elle a joint celui d’un style naturel, élégant, correct, tel qu’il convient à ces sortes d’Ouvrages.

1253. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 451-455

L’heureux naturel y embellit tout, & sans ce naturel on doit renoncer à ces sortes de Productions.

1254. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre IV. Effet pittoresque des ruines. — Ruines de Palmyre, d’Égypte, etc. »

Les ruines changent de caractère en Égypte : souvent elles offrent dans un petit espace diverses sortes d’architecture et de souvenirs.

1255. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

Cet effacement est plus ou moins grand pour un même esprit, selon les diverses sortes de sensations, et c’est ce que l’on exprime en disant que tel homme a surtout la mémoire des formes, tel autre celle des couleurs, tel autre celle des sons. — Pour mon compte, par exemple, je n’ai qu’à un degré ordinaire celle des formes, à un degré un peu plus élevé celle des couleurs. […] Par degrés, toutes les sensations extérieures s’effacent, ou du moins cessent d’être remarquées ; au contraire, les images intérieures, faibles et rapides pendant la veille complète, deviennent intenses, distinctes, colorées, paisibles et durables ; c’est une sorte d’extase accompagnée de détente générale et de bien-être. […] Au même instant, je vis (je ne puis me rappeler si c’est avec les yeux ouverts ou fermés) un de mes amis absents, comme un cadavre, devant moi. — Je dois remarquer ici que, depuis beaucoup d’années, j’avais l’habitude de noter par écrit tout groupe de représentations qui, en songe ou pendant la veille, surgissait avec une force, une précision, une netteté particulières et s’imposait à moi avec cette sorte de vivacité qui fait considérer une telle représentation comme un pressentiment. […] Ce que l’observation démêle au fond de l’être vivant en physiologie, ce sont des cellules de diverses sortes, capables de développement spontané, et modifiées dans la direction de leur développement par le concours ou l’antagonisme de leurs voisines. Ce que l’observation démêle au fond de l’être pensant en psychologie, ce sont, outre les sensations, des images de diverses sortes, primitives ou consécutives, douées de certaines tendances, et modifiées dans leur développement par le concours ou l’antagonisme d’autres images simultanées ou contiguës.

1256. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

. — Nous n’entendons par ces propriétés que le pouvoir d’exciter en nous telle ou telle sorte de sensation. — Corps solides ou résistants. — Analyse de Stuart Mill. — Primitivement, la résistance n’est pour nous que le pouvoir d’arrêter une série commencée de sensations musculaires. — Corps lisses, rudes, piquants, unis, durs, mous, collants, humides. — Nous n’entendons par ces propriétés que le pouvoir de provoquer tel mode ou modification d’une sensation ou d’une série de sensations musculaires et tactiles. […] « Quand nous contractons les muscles de notre bras24 soit par un exercice de notre volonté, soit par une décharge involontaire de notre activité nerveuse spontanée, la contraction est accompagnée par une sorte de sensation qui est différente, selon que la, locomotion qui suit la contraction musculaire continue librement ou rencontre un empêchement. — Dans le premier cas, la sensation est celle de mouvement à travers l’espace vide. […] Et comme ceci arrive tour à tour pour chacune d’elles, le groupe dans son ensemble se présente à l’esprit comme permanent et fait contraste non seulement avec le caractère temporaire de ma présence corporelle en cet endroit, mais encore avec le caractère temporaire de chacune des sensations qui composent le groupe ; en d’autres termes, il se présente à l’esprit comme une sorte de substratum permanent sous une série d’expériences ou manifestations temporaires, ce qui est un autre caractère essentiel par lequel notre idée de la substance ou matière se distingue de notre idée de la sensation. […] Il y a très peu de cas où l’expérience nous montre ces sortes de couples. […] Ainsi les sensations, qui pourtant sont le fondement originel du tout, finissent par être considérées comme une sorte d’accident dépendant de nous, et les possibilités sont regardées comme beaucoup plus réelles que les sensations actuelles, bien plus, comme les réalités mêmes dont celles-ci ne sont que les représentations, les apparences ou effets. — Une fois arrivés à cet état d’esprit, et à partir de ce moment pour tout le reste de notre vie, nous n’avons jamais conscience d’une sensation présente sans la rapporter instantanément à quelqu’un des groupes de possibilités dans lesquels est enregistrée une sensation de la même espèce, et, si nous ne savons pas encore à quel groupe la rapporter, nous sentons au moins la conviction irrésistible qu’elle doit appartenir à un groupe ou à un autre, en d’autres termes, que sa présence prouve l’existence, ici et actuellement, d’un grand nombre et d’une grande variété de possibilités de sensation sans lesquelles elle ne se serait pas produite.

1257. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Ce n’est aucune peine ni chagrin qui me fait penser de la sorte, ne le crois pas, je te le dirais ; c’est le mal du pays qui prend toute âme qui se met à penser au ciel. […] « Que d’heures sont sorties de cette vieille pendule, ce cher meuble qui a vu passer tant de nous sans s’en aller jamais, comme une sorte d’éternité ! […] Je viens d’y poser les pieds, et je marque ici cette sorte de consécration du foyer dont la pierre ne gardera point de trace. […] Les bergers les vénèrent comme une sorte de génie et se gardent d’en tuer aucune. […] J’y mets aussi ce qui se passe dans l’âme et dans la maison, et de la sorte nous retrouverons jour par jour tout le passé.

1258. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Aux deux phases de la pensée humaine correspondent, en effet, deux sortes de littératures : — littératures primitives, jets naïfs de la spontanéité des peuples, fleurs rustiques mais naturelles, expressions immédiates du génie et des traditions nationales   littératures réfléchies, bien plus individuelles, et pour lesquelles les questions d’authenticité et d’intégrité, impertinentes quand il s’agit des littératures primitives, ont leur pleine signification. […] Qu’on me permette un exemple : en passant le soir auprès d’un cimetière, j’ai été poursuivi par un feu follet ; en racontant mon aventure, je m’exprimerai de la sorte : « Le soir, en passant auprès du cimetière, j’ai été poursuivi par un feu follet. » Une paysanne, au contraire, qui a perdu son frère quelques jours auparavant, et à laquelle sera arrivée la même aventure, s’exprimera ainsi : « Le soir, en passant auprès du cimetière, j’ai été poursuivie par l’âme de mon frère. » Voilà deux narrations du même fait, parfaitement véraces. […] Tout se resserre et se rapetisse ; les pratiques perdent leur sens et se matérialisent ; la prière devient un mécanisme, le culte une cérémonie, les formules une sorte de cabalisme, où les mots opèrent, non plus comme autrefois par leur sens moral, mais par leur son et leur articulation ; les prescriptions légales, à l’origine empreintes d’une si profonde moralité, deviennent de pures prohibitions incommodes que l’on cherche à éluder, jusqu’au jour où l’on trouvera une subtilité pour s’en débarrasser 145. […] C’est exactement comme si l’on classifiait ainsi le règne animal : il y a trois sortes d’animaux : les hommes, les chevaux et les plantes. […] Ce n’est qu’au VIe siècle environ avant l’ère chrétienne que ces sortes d’idées s’introduisirent chez les Sémites.

1259. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

S’il était vrai que l’humanité fût constituée de telle sorte qu’il n’y eût rien à faire pour le bien général, s’il était vrai que la politique consistât à étouffer les cris des malheureux et à se croiser les bras sur des maux irrémédiables, rien ne pourrait décider les belles âmes à supporter la vie. […] Je conçois idéalement un révolutionnaire vertueux, qui agirait révolutionnairement par le sentiment du devoir et en vue du bien calculé de l’humanité, de telle sorte que les circonstances seules seraient coupables de ses violences. Mais je mets en fait qu’il n’y en a pas encore eu un seul de la sorte, et peut-être même ce caractère est-il en dehors des conditions de l’humanité. […] Il détruira lui-même l’instrument qui aurait pu servir à l’élever ; il faudra attendre que la civilisation sorte de nouveau spontanément du fond de sa nature. […] Je ne sais si un jour, sous une forme ou sous une autre, il ne se produira pas quelque chose d’analogue à l’institution des lettrés chinois et si le gouvernement ne deviendra pas le partage naturel des hommes compétents, d’une sorte d’académie des sciences morales et politiques.

1260. (1909) De la poésie scientifique

Nous nommerons son superbe Drame en vers (premier d’une Trilogie), Titane, d’intensité psychique et verbale, créateur d’une sorte d’ambiance de mystère où resurgit modernement le thème de la Fatalité antique  C.M. […] Cette essentielle émotion créera plus tard, en toute son œuvre, cette sorte d’atmosphère hallucinée, hallucinante, dont s’imprègnent ses évocations les plus modernes et les plus actives. […] De l’intuition et de la science en poésie Si nous nous en tenons à l’acception vulgaire et d’ailleurs originelle du mot : «  inspiration », pour caractériser le suprême, le plein et comme impersonnel instant du chaleureux travail poétique, nous le trouvons l’expression d’une sorte de désordre vaticinateur que l’on entend encore du génie, d’un enthousiasme surnaturel, et comme d’une horreur sacrée de Visitation divine. […] A l’origine, elle s’exprima à rompre le silence, en le son guttural ainsi qu’une sorte de geste sonore : l’expression phonétique est donc un phénomène du mouvement et de la durée, qui se mesure de vibrations. […] D’aucuns aussi, suivant la sorte de spiritualisme vague du Symbolisme, ramèneraient à un sentimentalisme chrétien, et — toute incohérence se présente— on en a vu, de ceux-ci, mais désireux cependant de penser, vouloir arranger à leurs thèmes mon concept évolutionniste du poète-philosophe !

1261. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

À ses côtés, le coude sur la table, se tient une femme d’un certain âge, aux beaux traits un peu sauvages, une sorte de médaille de gitana. […] Quelque chose de particulier se passe en vous : on se sent de la gêne comme devant l’inconnu dans lequel on va entrer, et si peu que l’on croie à la bonne aventure, il y a une sorte d’appréhension de se trouver sur la sellette de son avenir. […] Une allée de haute futaie paraissant emplie d’une lumière électrique, vue à travers un globe dépoli, une lumière vaporeuse et diffuse, effaçant le vert des feuilles, et les baignant dans un fluide pâle et miroitant, semblable à l’eau d’un fleuve qui roule du gaz noyé. — Sur les grands arbres obscurs, çà et là, des bouquets de feuilles ayant, comme les frottis de rousse verdure, faits par le pinceau de Watteau, et dans les petits taillis, tout noirs, un rayon sautillant en maigres zigzagures, coulant sur le revers d’un fossé, s’enfouissant comme une luciole dans une touffe d’herbe. — Près de l’étang, des silhouettes d’arbres, qu’on semble entrevoir à travers la buée d’un carreau. — Comme bruit, rien que la course trotte-menue d’un lapin attardé dans la broussaille, et à toute minute, le bruit de la chute d’une feuille, détachée par l’automne, et qui touche la terre, avec quelque chose du frôlement du pas d’une ombre Un silence, mais un silence pourtant vivant par l’insensible friselis des feuilles au haut des arbres, par la sorte de respiration à l’haleine humide, des fourrés endormis. — Des allées sous bois, aux grands espaliers ténébreux, avec d’étroites zébrures de jour sur le chemin, et fermées par une arcade d’ombre, ayant tout au fond, une petite porte de lumière. — Au loin les prairies apparaissant avec le vert incolore, qu’y met la nuit, et tachées des grandes ombres couchées et sommeillantes des chênes de la lisière du bois. — La lune dans le ciel : un diamant dans un lait d’opale. — Une nature couleur de rêve… Le paysage élyséen d’un promenoir d’âmes… Puis, par instants, le ciel se voilant, et le bois devenant d’ébène sous un ciel d’étain… Assis sur un banc, nous avons passé une heure de pénétrante volupté, à jouir de cette nuitée du bois. […] C’est du peuple qui semble avoir appris, tout à l’heure, la victoire d’Austerlitz… Il y a là, le dernier sauvage, sous son diadème de plume, un tapeur de grosse caisse nostalgique, aux paupières lourdes et lassées, exécutant sa musique avec une sorte de suprême indifférence mélancolique. […] 8 décembre Deux sœurs, deux créoles, me racontaient qu’en mer, aux oiseaux lassés se reposant un moment sur le navire, elles s’amusaient à attacher des lettres, une sorte de journal intime, adressé aux amis inconnus, et qu’elles écrivaient sur la toile cirée de leurs broderies.

1262. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Curieux invalide, que ce bohème, cet ancien graveur sur bois, goutteux et presque aveugle, espèce de philosophe agreste et crapuleux, sorte de Thomas Vireloque, laissé en sentinelle là, par l’œuvre de Gavarni, faisant sa compagnie de deux terriers féroces dont il appelle l’un : le Comique, et encore d’un duc remisant, le jour, dans le trou noir de la Glacière, où frissonne, sous le plâtre tout écaillé, la Frileuse de Houdon. […] Au-dessous du Christ, là-bas au fond, le président, à la voix d’un vieux père noble édenté, dans le silence d’émotion de la salle, ânonne une lettre d’amour, dont il souligne chaque mot pour les jurés, avec une malignité de vieux juge, une sorte de bégayement sinistre, particulier aux gens de justice. […] Il y a là du bric-à-brac de toutes sortes, des saxes, tous les saxes possibles, les joujoux de Frédéric et de tous les princes, le Monument de la reine, des masques et des figures de cire de tous les Borussiens, des cercueils, des petits modèles de navire, des objets et des instruments inconnus de l’Orient, un immense et abracadabrant méli-mélo de choses, la resserre de bibelots d’une monarchie baroque, un musée de Curtius mélangé d’une musée Tussaud. — Et ce Mon bijou est gardé par un custode maniaque, d’un bavardage intarissable sur chaque objet ; et là, passe sa vie, en robe de fantôme, une vieille princesse allemande, qui est folle. […] Pas d’émotion, une fois l’action engagée, mais avant, par exemple, aux premiers coups de fusil qui se tirent sur les lignes d’un camp, quand on est couché encore, alors un sentiment de compression de la poitrine, avec, au fond de soi, une sorte de tristesse. […] * * * — Les militaires, tout charmants qu’ils peuvent être, sont à la longue un peu insupportables, par une tyrannie des idées et des pensées, une sorte d’habitude du commandement dans la causerie.

1263. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Dimanche 9 janvier Il n’y a plus qu’une chose qui me sorte de mon écœurement de la vie, et qui m’y fait reprendre un peu d’intérêt : c’est la première épreuve d’un livre nouveau. […] Mercredi 6 avril Ce soir, en prenant un coupé à Passy, pour aller dîner chez la princesse, je rencontre le jeune Montesquiou Fezensac, dans la correction d’une de ses toilettes suprêmement chic, et tenant à la main une sorte de paroissien. […] Dimanche 17 avril Aujourd’hui je ne sais pourquoi, je suis hanté par le souvenir de ma nourrice, cette Lorraine aux cheveux et aux sourcils noirs, chez laquelle il y avait bien certainement du sang espagnol, et qui m’adorait avec une sorte de frénésie. […] On va ce soir, en troupe, visiter le cottage que Drumont vient de louer à Soisy, au milieu du jardin ruineux, créé par Hardy, l’ancien jardinier de Versailles, un potager aux allées mangées par les mauvaises herbes, aux arceaux croulants, aux vieilles quenouilles lépreuses, et comme tordues fantastiquement par la paralysie : une sorte de Chartreuse, faite pour la description d’un Edgar Poë. […] Et cela, toujours dit avec d’énormes difficultés, et des mots estropiés, comme Vichy, qui devient Vichin, et la physionomie d’un homme qui a l’air de trouver cela farce, s’entretenant avec une sorte de complaisance, de l’heureuse somnolence sans irritation, qu’il éprouvait dans cet état, et qui lui donnait, c’est son expression, comme des hallucinations de blanc, — l’entourant pour ainsi dire complètement de blancheur.

1264. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Le ciel, la mer, les montagnes, les fleuves, la race, la langue, les religions, les grandeurs et les revers de la destinée, le passé presque fabuleux, le présent triste, l’avenir toujours prêt à renaître, et toujours trompeur, la jeunesse éternelle de ce sang italien qui roule toutes sortes de royautés déchues dans ses veines, une noblesse de peuple-roi dans le dernier laboureur de ses plaines ou dans le dernier pasteur de ses montagnes, une rivalité de villes capitales, telles que Naples, Rome, Florence, Sienne, Pise, Bologne, Ferrare, Ravenne, Vérone, Gênes, Venise, Milan, Turin, ayant toutes et tour à tour concentré en elles l’activité, le génie, la poésie, les arts de la patrie commune, et pouvant toutes aspirer à la royauté intellectuelle d’une troisième Italie, voilà les explications de cette aristocratie indélébile de l’esprit humain au-delà des Alpes. […] Livré de bonne heure aux leçons de Brunetto Latini, sorte de Quintilien toscan qui professait la grammaire et la rhétorique à Florence et à Bologne, l’enfant fut nourri du lait âpre de la théologie scolastique. […] Élevé dans la familiarité de la noble famille des Portinari, amie de la sienne, il couva, dès l’âge de onze ans, une sorte de pressentiment amoureux pour une jeune fille de cette maison, nommée Béatrice. […] C’est ce qu’il avoue sans cesse lui-même dans ses sonnets et dans sa Vita nuova (vie nouvelle), sorte de commentaire mystique écrit par lui-même de ses œuvres et de sa pensée. […] Il me sembla que le rideau du monde matériel et du monde moral venait de se déchirer tout à coup devant les yeux de mon intelligence ; je sentis mon esprit faire une sorte d’explosion soudaine en moi et s’élever très haut dans un firmament moral, comme la vapeur d’un gaz plus léger que l’atmosphère, dont on vient de déboucher le vase de cristal, et qui s’élance avec une légère fumée dans l’éther.

1265. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Tous ses ouvrages étaient déjà des sortes de confessions. […] Peut-être fût-il devenu une sorte de Grétry ou de Gossec. […] — N’ayant d’ailleurs entre eux aucune sorte de relations morales ni de devoirs communs, ils ne pouvaient être ni bons ni méchants et n’avaient ni vices ni vertus. […] Il faut le considérer comme une sorte de poème, comme une vision de nabi, de prophète en chambre, bien ordonnée et écrite en style didactique et tendu. […] De telles conditions y sont requises qu’il n’y aurait, dans tout le royaume de France, que quelques centaines d’enfants qui pussent recevoir une éducation de cette sorte.

1266. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

De cet ensemble résultait une sorte de galbe africain qui avait valu à Philothée le sobriquet d’Othello. […] et l’on se permit, à l’endroit de Melpomène, toutes sortes de libertés juvéniles qui durent fort étonner la bonne vieille déesse, peu habituée à sentir chiffonner de la sorte son péplum de marbre. […] Les louis lui causaient une sorte de malaise et semblaient lui brûler les mains ; il ne redevenait tranquille qu’à la dernière pièce de cinq francs. […] En somme, la poésie est un don fatal, une sorte de malédiction pour celui qui le reçoit en naissant, — une grande fortune même n’empêche pas toujours le poète d’être malheureux ; l’exemple de Byron le prouve assez. […] et celui qui, par don fatal, ne peut vieillir, est regardé avec une sorte d’étonnement par les générations nouvelles.

1267. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Il parle d’Eudore et de Cymodocée comme Fénelon de Télémaque et de Calypso, avec une sorte d’indifférente admiration qui n’est point d’un croyant. […] Et puis il n’y a rien de si faux et de si fou que cette sorte d’engoûment littéraire et lui-même historique pour ce mythe d’une littérature patriotique. […] La même vision se peint d’autre sorte en La Fontaine. […] — Je veux que dans cette sorte de sauve-qui-peut il y ait une part de ce noble et naturel sentiment du génie évitant le contact des hommes inférieurs. […] Une sorte de piété sacrilège.

1268. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Et il les appelle contre « les messieurs », comme autrefois l’Église, « effrayée des crimes de la civilisation, se tournait avec une sorte d’espérance vers les barbares. » Or, parmi toutes ces imprécations, le petit journaliste n’était pas content de lui. […] Et ne croyez pas qu’il outre à plaisir, et par une sorte de défi aux esprits superbes, l’humilité et la simplicité du cœur : on reconnaît, lorsqu’on l’a pratiqué un peu, qu’il est naturellement ainsi. […] La théorie des Indulgences, mystère qui implique tous les autres mystères chrétiens, serait  sans l’éternel enfer  celle d’une sorte d’universel socialisme moral. […] Et, en effet, si je consulte là-dessus ma propre expérience, je sens très bien que ce que les classiques de l’antiquité ont insinué et laissé en moi, c’est, en somme, le goût d’une sorte de naturalisme voluptueux, les principes d’un épicurisme ou d’un stoïcisme également pleins de superbe, et des germes de vertus peut-être, mais de vertus où manque entièrement l’humilité. […] Sa prose est impeccablement musicale ; et, quand il sortait de la polémique et écrivait pour son plaisir, il aimait à cadencer sa pensée en des sortes de strophes attentivement rythmées (Çà et là, deuxième volume ; le Parfum de Rome).

1269. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Racine nous inspire une autre sorte d’admiration que Corneille. […] Est-ce parce que rien n’est plus difficile que d’exprimer ce qu’il y a d’ardeur et de délicatesse dans l’âme d’une femme, de finesse et de lumière sur son visage, de suavité dans ses formes, et qu’il faut, pour y réussir, joindre à la raison et à l’imagination la plus rare sorte d’intelligence, celle du cœur ? […] Deux autres sortes d’amour qui touchent à l’amour maternel par le dévouement, l’amour de la mère adoptive, dans le rôle de Josabeth, l’amour pour la patrie, dans le rôle d’Esther, sont peints avec la même vérité et personnifiés dans des types non moins vivants. […] Il y en avait de deux sortes : les anciens, dont on imitait les plans ; le théâtre espagnol, plus présent, rendu populaire par la connaissance et l’usage presque général de la langue espagnole, et par la mode, qui donnait crédit à tout ce qui venait d’Espagne. […] Il n’est plus permis de dire qu’elles sont une gêne pour l’homme de génie, puisque voilà les deux plus beaux ouvrages de notre théâtre tragique où l’effort qu’elles ont coûté est si peu sensible, que les auteurs semblent les avoir rencontrées, sans les chercher, parmi les autres sortes de vérités qui rendent ces pièces immortelles.

1270. (1881) Le roman expérimental

Je le répète, ce n’est ici qu’un terrain sur lequel je m’appuie, et le terrain le plus riche en arguments et en preuves de toutes sortes. […] Que de romanciers croient voir la nature et ne l’aperçoivent qu’à travers toutes sortes de déformations. […] Cela est bien loin de notre façon romantique d’entendre une œuvre, où nous nous épuisons en toute sorte d’efforts artistiques. […] D’ailleurs, ces sortes de changements doivent se produire et s’imposer d’eux-mêmes. […] Il y a de la sorte des admirations toutes faites qu’une génération transmet à la génération suivante, ainsi que des articles de foi.

1271. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gourmont, Remy de (1858-1915) »

Yvanhoé Rambosson Remy de Gourmont vient de publier à petit nombre et avec un rare souci de bibliophile quelques strophes amères, tourmentées et d’une sorte de perversité sacrilège, intitulées : Oraisons mauvaises.

1272. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 230-234

En voyant cet Auteur remonter à la source de tous les systêmes, développer la progression des idées humaines, produire, si l’on peut s’exprimer de la sorte, la généalogie des vérités & des erreurs, on ne peut s’empêcher de convenir que la Philosophie moderne n’a fait que répéter ce qui avoit été dit & redit dans tous les siecles & presque chez tous les peuples.

1273. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 285-289

Par son secours, il se trouvoit en état de citer à tout propos & sur toutes sortes de sujets, des morceaux Grecs, Latins, Italiens, François, quantité d’Historiettes & de Bons Mots qu’il avoit appris, soit dans les livres, soit dans les sociétés.

1274. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Il y a deux sortes de ruines : l’une, ouvrage du temps ; l’autre, ouvrage des hommes.

1275. (1763) Salon de 1763 « Sculptures et gravures — Falconet » pp. 250-251

C’est une matière une, dont le statuaire a tiré trois sortes de chairs différentes.

1276. (1912) L’art de lire « Avant-propos »

Son article est une sorte d’introduction à l’auteur dont il s’agit, introduction, qui, du reste, peut être fort utile.

1277. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVIII »

Ces sortes d’exercice ne choquent point quand ils s’appliquent à de la prose anonyme ; ils sont peut-être messéants quand il s’agit des grands écrivains.

1278. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Elle est plus difficile à constater, mais non moins certaine, non moins constante, et plus digne encore de l’attention du philosophe, quand nous sommes seuls avec nos souvenirs et nos pensées, sans compagnon d’aucune sorte ; l’homme qui lit ou écrit dans la solitude n’est pas seul, à vrai dire ; un livre est un ami qui nous parle et que nous écoutons avec attention ; le papier auquel nous confions notre pensée est un ami aussi, un ami discret et modeste, un confident patient qui nous écoute ; quand donc nous sommes vraiment seuls, bien souvent nous nous taisons, soit par prudence, soit par fatigue, soit tout simplement parce que parler nous semble inutile ; parler est inutile en effet, car la parole, ce précieux auxiliaire de la pensée, ne nous abandonne pas, si nous croyons renoncer à elle ; mais alors elle reste en nous, et nul autre que nous-même ne peut l’entendre. […] Platon ne s’élève guère au-dessus du sens commun, quand, dans le Sophiste et le Théétète, il appelle la pensée « un dialogue extérieur et silencieux de l’âme avec elle-même4 » ; il n’a pas dégagé, observé et décrit la parole intérieure ; il a eu seulement, une intuition synthétique des différentes sortes de rapports qui unissent la parole et la pensée, rapports dont la parole intérieure constitue elle-même un des principaux, tandis que les autres servent à expliquer et l’invention de la parole et le développement si remarquable de la parole intérieure dans la vie psychique [ch. […] Mal préparé, par son caractère et ses études, aux recherches psychologiques, de Bonald a pourtant observé sur lui-même l’existence de la parole intérieure, et il l’a décrite avec des détails nouveaux, mais en des termes dont l’excessive précision nuit parfois à la parfaite exactitude ; puis, après cette description sommaire, il s’est hâté d’employer sa découverte, d’une part à une sorte de restauration de la maïeutique de Socrate et de la réminiscence de Platon, d’autre part à la déduction du célèbre paradoxe de l’institution divine de la parole. […] Cette faute de la logique, Bonald, bien qu’il ait restreint la constance à la durée de l’idéation, la commet avec une sorte de candeur. […] Les idées générales et fondamentales étant en nous latentes, stagnantes, inaperçues, hors du temps, les mots ont, par une sorte d’association préétablie47, la vertu de porter à l’acte et à la conscience tel ou tel fragment plus ou moins considérable de la pensée que tout homme porte en lui dès sa naissance ; l’esprit est comme une table obscure sur laquelle la parole promène un étroit sillon de lumière48 ; par la parole, la pensée entre dans la durée, devient discursive et consciente.

1279. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Très souvent, il n’invoque aucun document d’aucune sorte : c’est ainsi, parce qu’il en a ainsi décidé. […] En gros, les suppressions faites par Striyenski m’ont paru être de trois sortes. […] C’est une sorte de panthéisme optimiste qui n’a rien d’absurde en soi ni de foncièrement déplaisant. […] Maurice Barrès, on éprouve une sorte de joie délicate, dépouillée, choisie. […] Plus loin encore, dans une sorte de confession générale, il s’accuse d’être « intelligent ».

1280. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Et ces petits vers, qui ne lui coûtaient rien, eussent fait de lui, s’il eût voulu exploiter cette veine et banvilliser, une sorte de Ponchon de l’azur. […] De la sorte, on pourrait, avec un demi-paradoxe et un demi-sourire seulement, voir dans l’obscurité de Mallarmé l’ombre, courtoise aussi, de son avisée et stricte politesse. […] A Madame de Staël lui demandant quelle sorte de femme il préférait, Napoléon répondit : Celle qui fait le plus d’enfants. […] « Je ne comprends pas la philosophie de l’absolu, et je suis de la sorte trop mal fait pour expliquer M.  […] Comme point d’intersection de ces deux sortes de figures, qui nous rend très sensible leur rapport, voyez le sonnet Le Vierge, le Vivace ; — le Cygne.

1281. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Son grand-oncle, sorte de maniaque emporté et misanthrope, avait tué dans un duel de taverne, à la clarté d’une chandelle, M.  […] Il se trouva que sa femme était une vertu, « sorte de modèle » cité pour tel, « créature de la règle », correcte et sèche, incapable de faillir et de pardonner. « Cela est bien drôle, disait son domestique Fletcher, je n’ai jamais connu de dame qui ne sût mener mylord, excepté mylady. » Elle le crut fou et le fit examiner par les médecins. […] La preuve en est qu’à cet âge-là j’étais obligé de jouer ou de boire, ou d’avoir une excitation quelconque, sans quoi j’étais misérable… À présent, ce qui m’envahit le plus, c’est l’inertie, et une sorte d’écœurement plus fort que l’indifférence. […] Wordsworth, Walter Scott, à côté de cette prodigalité de splendeurs accumulées, semblaient pauvres et ternes ; on n’avait point vu depuis Eschyle une pompe aussi tragique, et on suivait avec une sorte de saisissement le cortége des figures gigantesques qu’il amenait en files lugubres du fond du passé jusque sous nos yeux. […] Cette sorte de rire est un spasme, et vous voyez venir chez l’un l’endurcissement ou la folie, chez l’autre l’excitation ou le dégoût.

1282. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Je pars demain, et je couche à Keswick, à vingt-quatre milles d’ici, où je verrai une sorte de peintre, de guide, d’auteur, de poëte, d’enthousiaste, de je ne sais quoi, qui me mettra au fait de ce que je n’ai pas vu, pour que, de retour, je puisse mentir comme un autre et donner à mes mensonges un air de famille. […] Cette idée, toute cruelle qu’elle est, donne du prix à tous les instants ; chacun de ceux dont nous jouissons est autant d’arraché au sort, et on éprouve une sorte de frémissement et d’agitation physique et morale qu’il serait également faux d’appeler un plaisir sans peine ou une peine sans plaisir. […] J’aime mieux y noter une sorte de sincérité relative, un accord incontestable entre les opinions qu’il y professe et celles qu’il nourrissait depuis quelques années. […] Châtelain, de Rolle, habile en son temps à ces sortes de supercheries et d’espiégleries.) […] Gibbon, qui vivait à Lausanne, avait fort encouragé Benjamin Constant à traduire son livre, et il regretta beaucoup ce peu de fixité, qui fit manquer le jeune auteur à une sorte d’engagement envers le public.

1283. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Une sorte d’habitude ancestrale, remontant aux époques les plus reculées, nous fait voir dans l’élément viril le traditionnel symbole de toute vigueur, physique et intellectuelle, si bien que notre sentiment de l’ordre se trouve froissé par la moindre indication opposée. […] — Faisons la part du trait qui exagère presque nécessairement ces sortes d’aventures : celle-là n’en demeure pas moins expressive, et tous les maris de femmes-auteurs y pourront méditer. […] Désir d’étonner, où il trouvait une sorte de rajeunissement de la forme littéraire épuisée par l’âge, une ligne de démarcation entre les Anciens et les Modernes… nous l’avons vu chez lui proche de la mystification, et trop souvent ses ennemis le confondirent avec elle. […] Jadis il avait aimé mordre ce cou frémissant, par une sorte de férocité amoureuse. […] Un tel ouvrage m’apparut d’abord une sorte de démenti apporté à l’habituelle psychologie de la femme.

1284. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Allez, allez toujours dans cette voie, écrivains mes frères, qui êtes l’exemple et l’honneur du journal français, une des gloires de l’Europe moderne ; allez dans cette voie ; on y rencontre, il est vrai, toutes sortes d’intelligences médiocres, toutes sortes de lecteurs imbéciles, et des ignorants, et des niais, et des frivoles, et des beaux esprits de café, et des idiots qui courent après l’aventure, après le hasard, empêtrés dans les fêtes sanglantes de la cour d’assises, dans les événements de la rue, ou dans les émotions du carrefour. […] Car pendant que nous apprenions notre humble métier, à l’ombre féconde et libre de ces dix-huit ans de prospérité, sous le règne bienveillant du meilleur de tous les rois, la révolution de 1848, qui faisait sourdement son chemin, éclatait pareille à l’artifice auquel on a mis le feu, la veille, et qui couve au fond de la mine, emportant, avec toutes sortes de malheureux, le rocher qui la recouvre. — Eh bien ! […] Il a brisé, sans que son esprit en fût troublé le moins du monde, cette grande prose du Don Juan, et de ces nobles parcelles il a fabriqué toutes sortes de rimes et d’hémistiches. […] Don Juan, c’est le monde tel qu’il était ; c’est le grand seigneur au-dessus des lois humaines et divines, qui se dit à lui-même : Dieu y regardera à deux fois avant de damner un homme de ma sorte ! […] Cet Amour médecin tient donc peu de place dans la gloire et la popularité de Molière ; écoutez le poète, il vous dira lui-même « que ces sortes d’ouvrages se devraient montrer toujours avec les ornements qui les accompagnent chez le roi » !

1285. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

1286. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

Familière dès longtemps avec ces types qu’elle perfectionne en secret et qu’elle aime, la femme distinguée qui a écrit ce livre n’a pas songé qu’il y avait lieu à une composition, et, dans un grand nombre de cas, elle a raconté ce qui les touche de plus important et de plus intime, en peu de mots, avec une sorte de brève négligence, comme on fait à la fin d’une lettre, lorsque le jour baisse ou que le papier manque.

1287. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soulary, Joséphin (1815-1891) »

Lamartine ni Hugo n’en ont fait d’aucune sorte, Vigny non plus.

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