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3092. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

On sent que cette œuvre est sortie uniquement de lui, sans l’ombre d’un ressouvenir, d’un respect quelconque pour la tradition, et qu’il y a là, au sens plein et authentique du mot, une création, dont la forme et le fond prennent leurs racines dans le tempérament propre de l’artiste.

3093. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

» On sent bien qu’il devait parler des connaissances et des lettres avec dignité ; il fait voir qu’elles ont été chères à tous les princes qui ont été grands ; il cite Aristote comblé de bienfaits par Philippe, Xénocrate par Alexandre, Aréus par Auguste, Dion par Trajan, Sextus par Marc-Aurèle : « Tu imites ces grands hommes, dit-il à un empereur, la philosophie et les lettres marchent partout avec toi ; elles te suivent dans les camps ; par toi elles sont respectées, non seulement du Grec et du Romain, mais du Barbare même ; le Scythe épouvanté qui est venu implorer ta clémence, a vu la philosophie près de toi, balançant le sort des peuples, et décidant des trêves de la paix que tu accordes aux nations.

3094. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

On y sent cette haute gravité qui élève la poésie gnomique à l’enthousiasme des prophètes.

3095. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

De même, quand nous raisonnons sur nos propres actes, nous avons également un guide certain, parce que nous avons conscience de ce que nous pensons et de ce que nous sentons. […] Bacon a senti la stérilité de la scolastique ; il a bien compris et pressenti toute l’importance de l’expérience pour l’avenir des sciences. […] Si l’on place les plantes dans des serres chaudes, l’influence hibernale cesse de se faire sentir, il en est de même pour les animaux à sang froid et hibernants. Mais les animaux à sang chaud maintiennent en quelque sorte leurs éléments organiques en serre chaude ; aussi ne sentent-ils pas l’influence de l’hibernation. […] On conçoit qu’un médecin observateur ou empirique qui ne sort jamais de son hôpital, considère que la médecine s’y renferme tout entière comme une science qui est distincte de la physiologie, dont il ne sent pas le besoin.

3096. (1908) Après le naturalisme

Nous le croyons communément aujourd’hui et nul ne sent le besoin d’en réclamer de nouvelles preuves. […] Quiconque écrit pour remplir la mission dont il se sent chargé n’est pas responsable du rapport d’argent qui peut lui survenir. […] Il serait bon que quiconque se sente le feu sacré et suivant sa fonction se destine à la carrière des Lettres, il serait bon que celui-là délaissât courageusement la latinité et l’hellénisme pour se lancer à plein cœur dans l’étude des sciences exactes et de la politique des faits et des hommes. […] » tout simplement sans y répondre a priori, sans fermer toute espérance par les termes que nous retranchons de la formule primitive sophistiquée à l’avance ; si l’on sait en effet que la mort, qui est le non-vivre, n’émane point conséquemment de la vie, car la vie n’y tend point et n’en a pas les germes en soi, en raison de son essence et de son égoïsme ; si l’on se rend compte que notre fin n’est un accident que pour chacun de nous en particulier, la mort d’un, seul n’affectant point ceux qui restent dans leur intégralité et la vie s’étendant chaque jour renouvelée dans l’espace et le temps ; si l’on se tourne vers l’humanité et si l’on en aperçoit le progrès ; si l’on se sent porté à un plus grand progrès par le même amour et le même intérêt que le père porte à ses enfants ; si l’on croit enfin que le bonheur résulte plutôt du devoir accompli, quel qu’il soit, que des accidents de telle destinée ou de telle autre.

3097. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Lundi 14 janvier L’émotion de la bataille théâtrale, je la supporte très bien, excepté au théâtre ; là, mon moral n’est pas maître de mon organisme, je sentais hier à l’Odéon, mon cœur battre plus vite sous un plus gros volume. […] Dimanche 27 janvier Une veuve confessait, ce soir, le besoin que la femme a d’un mari, d’un amant, en disant qu’elle se sentait le besoin d’un appui moral. […] On sent que cette exposition va être l’exposition du rastaquouérisme. […] Et d’autres encore aussi insupportables et qui semblent se sentir déjà dans leur patrie.

3098. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Gandara tout en étant simple, naturel, est un monsieur distingué, qu’on sent en rapport avec les gens du vrai monde. […] Lundi 2 avril Exposition des pastellistes. — Helleu : des pastels où l’on sent un œil de peintre, amoureux de douces étoffes, de tendres nuances passées, de soieries harmonieusement déteintes. — Duez : des fleurs au beau et large dessin, dans leur mollesse et leur rocaille fripée. — Lhermitte : de vieilles rues normandes, au puissant écrasis de pastel, balafrées en leur ombre bleuâtre, de coups de soleil dorés. […] » Un autre jour, la mère parlant encore de son enfant, de sa manie de toucher aux allumettes, de sa crainte qu’il n’incendiât la maison, et racontant que pour lui faire peur du feu, elle lui avait tenu un moment le doigt au-dessus d’une bougie, la sœur de s’écrier : « Le pauvre petit…, oui, ça sentait la fonte de la graisse !  […] Ce sont encore, l’un à côté de l’autre, deux dessins : l’un, une Débardeuse, gravée dans La Mode, d’un précis et d’un fini d’exécution, où se sent encore le dessinateur mécanicien ; l’autre, un lavis de la dernière année de la vie de l’artiste, montrant un de ces androgynes femelles, au retrait de travers de la tête dans les épaules d’une vieille tortue, lavis barboté, poché, à la façon des plus grands maîtres.

3099. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Élisabeth commença à sentir le danger de garder dans ses châteaux une magicienne dont tous les geôliers devenaient les adorateurs et les complices. […] R. » « Marie sentit la nécessité de se reposer.

3100. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

De plus, ayant spécifié son devoir et s’obligeant à le remplir, il se sent par là même plus libre sur tout le reste. […] On y sent encore les tentatives de l’esprit social pour se constituer malgré tout.

3101. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Les sensations deviennent alors des Notions : l’âme pense, après avoir senti. […] Mais ne sent-on pas combien cette émotion est spéciale, peu ressemblante à l’émotion suggérée par une œuvre de musique ?

3102. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Il y a une sorte de grandeur triste et recueillie répandue dans ce paysage, dans l’éclairage de cette scène, autour de laquelle on sent monter la fraîcheur de l’aube, du lac et les senteurs de la forêt. […] Avec le second acte, surgit devant nous une rapide apparition de tout ce qu’il y a de noir et de mauvais dans le drame : si rapide qu’elle soit, son influence se fait sentir sur toute une partie de la mimique.

3103. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Un artiste, dans sa critique aussi bien que dans ses œuvres, est fait de deux choses : Ce qu’il sent et ce qu’il fait. […] Au lieu de « ce qu’il sent et ce qu’il sait », il imprime « ce qu’il fait ! 

3104. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Frochot, est manifeste et continuelle : son doigt se fait sentir non seulement dans l’initiative, mais même dans le cours et les détails de l’exécution.

3105. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Et il fut loin, le « beau temps de 1830 où nos poètes, taillés en hercules, se surmenaient sans en souffrir, ne causaient qu’à voix de Stentor, pouvaient se passer de sommeil, digéraient des repas de reîtres, vidaient d’un trait des flacons d’eau-de-vie et ne se sentaient jamais plus dispos au travail que quand ils étaient un peu gris » 53.

3106. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Il est des femmes qui placent leur vanité dans des avantages qui ne leur sont point personnels ; tels que la naissance, le rang et la fortune : il est difficile de moins sentir la dignité de son sexe.

3107. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

Je puis négliger toutes leurs qualités respectives, être frappé seulement de ce qu’une partie de mon impression s’est répétée, sentir que l’expérience que je viens de faire sur le jeton rouge est semblable, par un certain point, à celle que j’achève sur le jeton blanc, éprouver, après ces deux expériences successives, une tendance consécutive distincte et correspondante à leur nombre, c’est-à-dire à la propriété qu’elles ont d’être deux. — Comme toutes les tendances, celle-ci aboutit à un signe ; admettons pour ce signe le mot ordinaire, deux.

3108. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Mais on le sent artiste dans l’attention qu’il donne à la sonorité des vers, dans cette curieuse prière qu’il adresse à son lecteur de ne point lire sa poésie « à la façon d’une missive ou de quelques lettres royaux », dans des remarques telles que celle-ci sur la valeur sensible des sons : « A, O, U, et les consonnes M, B, et les SS finissant les mots, et, sur toutes, les RR qui sont les vraies lettres héroïques, sont une grande sonnerie et batterie aux vers ».

3109. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

Il a, de plus, celui de sentir, de signaler le caractère, la justesse expressive des physionomies, des gestes, des attitudes ; ses critiques et ses remarques sont d’un goût original ; on reconnaît l’homme qui voyait naturellement dans leur particularité et dans leurs rapports respectifs les formes extérieures de la vie.

3110. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Les œuvres que j’ai rappelées offraient toutes un caractère élégiaque ; chacun y sentait avec gratitude le pur écho de ses propres tristesses.

3111. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Mais ce qui était en lui d’essentiel, c’était la puissance de sentir, l’accent communicatif de ses douleurs, ses audaces très sûres à la française et ces beautés tendres et déchirantes qui n’ont d’analogue que, dans un autre art, « l’Embarquement pour Cythère ».

3112. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

On sent mieux, et, par conséquent, on dit mieux ce que l’on produit que ce que l’on emprunte des autres par le secours de la mémoire… Le geste et l’inflexion de voix se marient toujours avec le propos au théâtre, tandis que, dans la comédie apprise, le mot que répète l’acteur est rarement celui qu’il trouverait s’il était livré à lui-même. » L’effet produit par la commedia dell’arte était donc plus grand que celui produit par la comédie soutenue, et cela précisément à cause de la spontanéité de l’expression.

3113. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Dans ses miracles, on sent un effort pénible, une fatigue comme si quelque chose sortait de lui 729.

3114. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Il sentait qu’il y avait là un mur de résistance qu’il ne pénétrerait pas.

3115. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Tous sentirent qu’un grave danger menaçait le maître et qu’on touchait à une crise.

3116. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

La plupart des gens savent qu’ils pensent et sentent, sans connaître avec exactitude les lois de la pensée, les coexistences et séquences mentales, tout comme les sens leur révèlent les étoiles, rivières, montagnes, villes, etc., mais sans leur donner une connaissance précise et exacte.

3117. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Orpheline de bonne heure, elle ne sentit point la tendresse filiale ; elle ne parle jamais de sa mère ; une ou deux fois il lui arrive même de badiner du souvenir de son père ; elle ne l’avait point connu.

3118. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

Que le cerveau soit l’organe de la pensée et de l’intelligence, c’est ce qui paraît suffisamment attesté par le fait que nous sentons notre pensée dans la tête, que la contention du travail intellectuel nous y cause de la douleur, que toute affection cérébrale empêche ou altère les fonctions intellectuelles.

3119. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Toutes les religions ont cru à l’incarnation de Dieu dans l’homme40 : ce n’est pas que toutes ces incarnations soient vraies ; mais elles prouvent la tendance de l’humanité à voir et à sentir Dieu en elle.

3120. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

A quelques détails près qui sentent la légende, il y a des choses intéressantes, & qui sont rassemblées avec beaucoup d’ordre & de netteté.

3121. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

En les lisant, on est surtout frappé de la sécheresse d’expression d’une âme pourtant passionnée, et on sent presque douloureusement dans ces pages le tort immense que fait même à la sensibilité d’un homme le malheur d’avoir, sur les grands problèmes de la vie morale, pensé faux.

3122. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Vraie supériorité de femme que chacun sentit et que personne ne jugea, parce qu’elle charmait trop ceux qui se mêlèrent à sa vie, elle n’était peut-être pas plus belle qu’elle n’était spirituelle, cette femme à qui Canova n’avait qu’à poser une couronne sur les cheveux pour en faire la Béatrice du Dante, et que tous ils ont dite si belle, dans une si grande unanimité d’illusion, que cela équivaut à une réalité pour l’Histoire.

3123. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

En les lisant, on est surtout frappé de la sécheresse d’expression d’une âme pourtant passionnée, et on sent presque douloureusement dans ces pages le tort immense que fait même à la sensibilité d’un homme le malheur d’avoir, sur les grands problèmes de la vie morale, pensé faux !

3124. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

 » Sa conclusion est également typique : « Pourtant, après ces fêtes où vient de se manifester, avec tant d’éclat, la force nationale de nos voisins, je ne puis m’empêcher de songer bien tristement aux luttes stériles qui nous épuisent aux périls extérieurs qui nous menacent ; et j’ai frissonné, en me demandant avec angoisse si, dans mes veines de Latin, je ne sentais pas couler le poison de la décadence. »‌ Voici enfin mon troisième texte dû à M. 

3125. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

On sent ce qu’ont de sérieux ces communications entre les premiers peuples, qui, à peine sortis de l’état sauvage, vivaient ignorés même de leurs voisins, et n’avaient connaissance les uns des autres qu’autant que la guerre ou le commerce leur en donnait l’occasion.Ce que nous disons de l’isolement des premiers peuples s’applique particulièrement aux Hébreux. — Lactance assure que Pythagore n’a pu être disciple d’Isaïe. — Un passage de Josèphe prouve que les Hébreux, au temps d’Homère et de Pythagore, vivaient inconnus à leurs voisins de l’intérieur des terres, et à plus forte raison aux nations éloignées dont la mer les séparait. — Ptolémée Philadelphe s’étonnant qu’aucun poète, aucun historien n’eût fait mention des lois de Moïse, le juif Démétrius lui répondit que ceux qui avaient tenté de les faire connaître aux Gentils, avaient été punis miraculeusement, tels que Théopompe qui en perdit le sens, et Théodecte qui fut privé de la vue. — Aussi Josèphe ne craint point d’avouer cette longue obscurité des Juifs, et il l’explique de la manière suivante : Nous n’habitons point les rivages ; nous n’aimons point à faire le négoce et à commercer avec les étrangers.

3126. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Lorsque, séparé du corps, tu viendras dans le milieu libre de l’air, tu seras dieu impérissable, incorruptible, non plus soumis à la mort. » Quelle que soit l’élévation de cette morale, on sent cependant ce qui peut y manquer.

3127. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

En résumé, le végétal fabrique directement des substances organiques avec des substances minérales : cette aptitude le dispense en général de se mouvoir et, par là même de sentir. […] Si l’on passait en revue les facultés intellectuelles, on verrait que l’intelligence ne se sent à son aise, qu’elle n’est tout à fait chez elle, que lorsqu’elle opère sur la matière brute, en particulier sur des solides. […] Mais que chaque instant soit un apport, que du nouveau jaillisse sans cesse, qu’une forme naisse dont on dira sans doute, une fois produite, qu’elle est un effet déterminé par ses causes, mais dont il était impossible de supposer prévu ce qu’elle serait, attendu qu’ici les causes, uniques en leur genre, font partie de l’effet, ont pris corps en même temps que lui, et sont déterminées par lui autant qu’elles le déterminent ; c’est là quelque chose que nous pouvons sentir en nous et deviner par sympathie hors de nous, mais non pas exprimer en termes de pur entendement ni, au sens étroit du mot, penser. […] C’est en vain qu’on voudrait le noter en termes de représentation : ce fut sans doute, à l’origine, du senti plutôt que du pensé.

3128. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Il se sentait trop de talent pour envier personne. […] Mais il n’a que de froides velléités de ces choses, et les devine plus qu’il ne les sent ; il les respire de loin comme de vagues odeurs de fleurs inconnues. […] — C’est dans la première jeunesse qu’il sent sa force naître, qu’il pressent l’avenir de son génie, qu’il étreint d’un amour immense l’humanité et la nature, et c’est alors qu’on se défie de lui et qu’on le repousse.

3129. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Je sentis qu’une fusillade n’était pas une société, qu’une révolution n’était pas à elle-même son propre but, et qu’il fallait se hâter de lui imposer à elle-même un gouvernement pour qu’elle eût un terme et un nom. […] L’Assemblée nationale, qui sentait unanimement comme moi l’utilité et l’honneur de ce grand nom d’honnête homme populaire dans son sein, se leva tout entière de douleur et de respect à la lecture de cette démission ; elle la refusa et fit supplier le simple citoyen de ne pas faire une lacune dans la représentation de la France en remettant son mandat au peuple. […] Il sentait que l’heure naturelle des départs était arrivée pour tous les deux, et que les douleurs qui finissent la vie ne peuvent pas être déplorées comme celles qui les commencent. « Cette pauvre Judith », me disait-il en essuyant ses yeux encore humides de la matinée des funérailles, « cette pauvre Judith me précède de peu dans le voyage.

3130. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Vicq d’Azyr sentait bien, dans ces diverses démarches, qu’il pouvait quelquefois se compromettre : il tâchait de concilier le zèle et la prudence.

3131. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

En s’occupant de la science et en renonçant à la littérature proprement dite, Ramond sentait bien qu’il circonscrivait le cercle de ses lecteurs.

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