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1076. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Nous examinerons le style descriptif dans sa source et son origine ; puis dans ses diverses manifestations : pittoresque, images, réalité, vie intense. […] Serait-il vrai, monsieur, qu’en dirigeant votre conscience et votre conduite sur cette grande idée, vous ayez méconnu les principes tout ensemble et les réalités ? […] Les Mémoires donnent la sensation de la réalité transfigurée par une imagination sublime. […] Fénelon dissimule dans du bon français la réalité terrible qu’Homère donne à ses scènes de carnage. […] La tempête, l’ouragan, le lever du soleil, la nuit, l’aurore n’ont pas de réalité en soi.

1077. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Émile Zola nous eussent fait voir la réalité même, s’il eût été possible de nous la faire voir en effet ! […] Sans être bien vieux encore, nous n’étions plus les enfants de tout à l’heure et en conservant l’enthousiasme pour l’idéal nous étions bien forcés d’admettre les réalités de la vie. […] Quelle place pourront-ils occuper dans une société qui n’aura plus souci que de la réalité ? […] Vraiment ce qu’il y avait de réalité dans la légende gênait beaucoup les poètes, et il leur déplaisait que leur hippogriphe se crût obligé de ressembler à un cheval. […] À leur point de vue, une idée est une réalité, à un autre titre, mais tout autant que la table où je parle, que la lampe qui m’éclaire.

1078. (1899) Arabesques pp. 1-223

La réalité est celle-ci : le symbolisme, gravitant autour de M Mallarmé, a longtemps bénéficié du vague où il maintenait ses doctrines. […] Le symbolisme se montra surtout spiritualiste, pessimiste, vaguement mystique, épris des sonorités verbales, préoccupé de correspondances entre les moyens des différents arts, méfiant et même hargneux à l’égard de la science, dédaigneux de la réalité. […] Et la devise républicaine deviendra une réalité au lieu d’être l’enseigne pharisaïque affichée par la société bourgeoise pour donner le change aux Simples et pour vaquer en paix à ses mangeailles et à ses filouteries. […] Les esprits sont tellement habitués à se repaître de formules creuses, de déclamations vaines et de sophismes sentimentaux, qu’il s’en trouve fort peu pour suivre, sans fatigue ou sans répugnance, un raisonnement basé sur l’observation de la réalité, jusqu’en ses conséquences logiques. […] Nous en portons, au fond de nous, le sentiment, nous les considérons comme des biens souhaitables, mais fort peu osent chercher les moyens d’en faire des réalités vivantes.

1079. (1902) Le critique mort jeune

Et justement, sans aigreur, étant désintéressé dans la question, M. de Gourmont s’est attaché à montrer qu’un Paul Bert, farouche ennemi de l’Ordre, « écho bégayant des jansénistes », est de toutes les forces de son être un théologien qui subordonne la vie et la réalité à son « idéal moral ». […] L’esprit, par eux déformé, devient ignorant des réalités, incapable de profiter de l’observation et de l’expérience, et, nourri d’illusions, se met hors d’état de diriger pratiquement les affaires publiques ou particulières. […] Joseph Monneron, qui invoque incessamment la Raison et la Nature et vit dans une illusion perpétuelle, sort avec peine de son rêve quand il est mis en face d’une terrible réalité : le double déshonneur qui marque sa famille. […] Emouvant débat que celui-ci, où « l’illusionniste, ennemi des faits », terrassé par la réalité, se révolte encore contre elle, et se réfugie dans l’utopie, au moment où il en devrait enfin comprendre le danger. […] Jules Lemaître au préambule de son livre. « J’ai vu de près des réalités que je n’avais aperçues que de loin ; j’ai touché du doigt les conséquences de certaines idées de Rousseau ».

1080. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Sur les limites du procédé et de l’art ; qu’il est bon que pour chaque homme l’art soit à recommencer ; sur la différence fondamentale de la peinture antique et moderne ; sur le clair-obscur et Rembrandt ; qu’en face de la nature les plus serviles ont été les plus grands, et que c’est bien ici que ceux qui s’abaissent seront élevés ; que la peinture pourtant est un mode, non pas d’imitation, mais d’expression ; il y a là-dessus une suite d’instructifs et délicieux chapitres, où la pensée et le technique se balancent et s’appuient heureusement, où le goût pour la réalité et pour les Flamands ne fait tort en rien au sentiment de l’idéal, où Karel Du Jardin tient tête sans crânerie à Raphaël. […] (Depuis que nous tracions ce rêve d’idylle, la réalité, comme il arrive trop souvent, a cessé d’y répondre ; toute une partie des rivages de ce beau Léman a été troublée ; notre cher canton de Vaud surtout s’est vu le théâtre d’une révolution sans but (février 1845) qui a fait prévaloir les instincts brutaux et grossiers.

1081. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

« Toutes ces choses, réalités pleines de spectres, fantasmagories pleines de réalités, avaient fini par lui créer une sorte d’état intérieur presque inexprimable.

1082. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Mais le père, les réalités, ce bouge, ces bandits, cette aventure, à quoi bon ? […] La révolution de 1848 fut en majorité la révolution des hommes d’État, et la réalité acceptée, servie et défendue par l’Assemblée constituante, la raison et le courage de la France.

1083. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Grâce à lui, Hérode, Hérodiade, Antipas, Philippe, Anne, Caïphe, Pilate sont des personnages que nous touchons du doigt et que nous voyons vivre devant nous avec une frappante réalité. […] Toute cette histoire qui, à distance, semble flotter dans les nuages d’un monde sans réalité, prit ainsi un corps, une solidité qui m’étonnèrent.

1084. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

L’art théâtral, cet art malade, cet art fini, ne peut trouver un allongement de son existence que par la transfusion, dans son vieil organisme, d’éléments neufs, et j’ai beau chercher, je ne vois ces éléments que dans une langue littéraire parlée et dans le rendu d’après nature des sentiments, — toute l’extrême réalité, selon moi, dont on peut doter le théâtre. […] Nous entrevoyions si peu le théâtre de la réalité, que dans la série des pièces que nous voulions faire, nous cherchions notre théâtre à nous, exclusivement dans des bouffonneries satiriques et dans des féeries.

1085. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Mais il reste dans l’œuvre d’art, le contenu, une suite de descriptions, de paysages, de personnages, de scènes et de péripéties, de sujets et d’images, que l’artiste s’efforce de représenter le plus exactement et le plus persuasivement qu’il peut, de façon qu’on en accepte la réalité non par choix et par goût, mais parce qu’elle paraît s’imposer. […] Le détail et le groupement des spectacles qu’on lui présente doivent être tels qu’ils provoquent des images faiblement analogues à celles que donnerait la réalité et de nature à susciter comme celle-ci des sentiments d’aversion, de sympathie, d’excitation ; si ce charme ne s’opère pas, c’est que le livre est mauvais, mal fait, gâté à quelque endroit par quelque faute de composition qui ôtera l’illusion à tout le public, sans qu’une partie s’obstine à tenir pour ressemblant ce qu’une autre aura jugé faux.

1086. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Je rame, en vérité, pour amuser Mme la duchesse de Bourgogne… Comme on sent partout dans Mme de Maintenon à Saint-Cyr une âme qui en a assez du monde, qui dit aux jeunes âmes riantes : « Si vous connaissiez le monde, vous le haïriez » ; qui a connu la pauvreté et le manquement de tout, qui a été obligée de faire bonne mine et de sourire contre son cœur, d’amuser les autres, puissants et grands, et qui, sensée, délicate, raisonnable, est à bout de toute cette longue et amère comédie, — ne désirant plus, le masque tombé, que le repos, la réalité, la vérité, et une tranquilité égale et fructueuse dans l’ordre de Dieu !

1087. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Le sujet proposé, et où l’or se présentait comme réalité ou comme emblème, a été considéré sous ses divers aspects ; la Californie et ses mines à fleur de terre n’ont été pour la plupart que le prétexte.

1088. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Il est évident qu’il arrivait là avec son cadre de questions toutes dressées, avec son moule tout prêt ; la réalité n’y répond pas, et les choses ne se prêtent pas à y entrer : mais il apprend en revanche quantité d’autres choses imprévues, il fait mainte autre observation chemin faisant.

1089. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Aux premiers coups de fusil, Saint-Cyr envoie prévenir Joubert, qui a peine à quitter son illusion et veut s’assurer de la réalité de l’attaque : « Je vais à la gauche, dit-il, je compte ici sur vous. » Il n’était pas arrivé à son extrême gauche qu’il put voir aux mouvements de l’ennemi que c’était une bataille sérieuse. « Il réalisa aussitôt ce que quelques mots qui lui étaient échappés la veille devaient faire prévoir ; il dit aux aides de camp dont il était entouré : Jetons-nous parmi les tirailleurs !

1090. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

C’est ici que ma querelle sérieuse avec lui commence, et qu’avant de louer l’écrivain, l’excellent prosateur, et d’admirer le peintre vigoureux de la réalité, j’ai besoin absolument de m’expliquer sur le fond des choses, de marquer mes réserves ; car tout ce qui n’est pas croyant et convaincu à sa manière, gallicans, protestants, à plus forte raison déistes, naturistes ou panthéistes, comme on dit, tout y passe ; il les raille, il les crible d’épigrammes flétrissantes (car il a la touche flétrissante) ; il les traite même, en ses heures d’indignation, comme des espèces de malfaiteurs publics.

1091. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Là aussi, « dans cet ordre littéraire comme dans l’ordre religieux, a dit un pieux et savant Anglais44, un peu de foi et beaucoup d’humilité au point de départ sont souvent récompensés de la grâce et du don qui fait aimer, c’est-à-dire comprendre les belles choses. » Je n’irai pourtant pas jusqu’à dire, avec un autre critique de la même nation, « qu’il faut feindre le goût que l’on n’a pas jusqu’à ce que ce goût vienne, et que la fiction prolongée finit par devenir une réalité. » Ce serait donner de gaîté de cœur dans la superstition et l’idolâtrie.

1092. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Guerre, art, poésie, philosophie, imagination ou réalité, heureux qui trouve à quoi se prendre une dernière fois dans sa vie, entre les belles causes qui demandent et appellent l’étincelle sacrée !

1093. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Quand un peu de jour arrivait à Louis XIV sur l’affreuse réalité que cachaient les beaux et spécieux rapports des intendants courtisant, comme il était loin d’être inhumain, il ordonnait de relâcher, de ralentir ou de suspendre les mesures.

1094. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

La femme mord au fruit défendu en toute franchise et toute ingénuité ; elle se monte la tête pour le docteur, si bon comédien, et qui, pris à son propre jeu, est tenté par moments, comme saint Genest, de passer de la feinte à la réalité.

1095. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Il n’est pas de pays où l’on ait plus de peine à circonscrire l’essor des esprits dans la réalité.

1096. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Dans ce laps de temps, les fortifications d’Alexandrie seraient achevées ; cette ville serait une des plus fortes places de l’Europe ; … l’arsenal de construction maritime serait terminé ; par le moyen du canal de Rahmaniéh, le Nil arriverait toute l’année dans le port vieux, et permettrait la navigation aux plus grandes djermes ; tout le commerce de Rosette et presque tout celui de Damiette y seraient concentrés, ainsi que tous les établissements civils et militaires ; Alexandrie serait déjà une ville riche ; l’eau du Nil, répandue autour d’elle, fertiliserait un grand nombre de campagnes, ce serait à la fois un séjour agréable, sain et sûr ; la communication entre les deux mers serait ouverte ; les chantiers de Suez seraient établis ; les fortifications protégeraient la ville et le port ; des irrigations du canal et de vastes citernes fourniraient des eaux pour cultiver les environs de la ville… Les denrées coloniales, le sucre, le coton, le riz, l’indigo, couvriraient toute la Haute-Égypte et remplaceraient les produits de Saint-Domingue. » Puis, de dix années de domination il passe à cinquante ; l’horizon s’est étendu ; l’imagination du guerrier civilisateur a pris son essor, et les réalités grandioses achèvent de se dessiner, de se lever à ses yeux de toutes parts : « Mais que serait ce beau pays, après cinquante ans de prospérité et de bon gouvernement ?

1097. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

On est en présence de la réalité même.

1098. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Ce cadre heureux fourni par la réalité, le poëte l’a simplement et largement rempli ; il est ici dans sa première manière et s’abandonne avec moins d’art à une sensibilité plus facile et plus courante.

1099. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Je voudrais pouvoir citer tout entière la pièce intitulée Prière, qui joint à l’essor des plus belles harmonies une réalité et une intimité de sentiments tout à fait profondes.

1100. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Le genre idyllique, en effet, peut se concevoir d’une manière plus étendue, plus conforme, même dans son idéal, à la réalité de la vie et de la nature.

1101. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Et quel livre réussit mieux que celui de Mme de Staal à rendre exactement cette parfaite et souvent cruelle justesse d’observation, ce sentiment inexorable de la réalité ?

1102. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

L’érudit, confiné dans sa tâche méticuleuse et inféconde, vit en dehors de la réalité, de la grande comédie humaine, et ne se doute pas à quel point elle est amusante et variée.

1103. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Le sentiment de la nature s’est tourné en une adoration sensuelle et mystique ; le goût du pittoresque en une poursuite inquiète d’impressions ténues et insaisissables ; le goût de la réalité en une recherche morose de ce qu’elle a de brutal et de triste ; la tendresse est devenue hystérie et la mélancolie pessimisme.

1104. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

“Voyons pourtant, ajoute-t-il, s’il y a de la réalité dans tout ceci.”

1105. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Un philosophe explicateur dirait : un fait divers est un moment d’infini et d’éternité, fonction de toute réalité dans l’infini spatial et temporel, fonction de toute pensée dans l’échelle illimitée des compréhensions ; notre conception d’un fait divers est un échelon entre une infinité d’autres conceptions, symbolisations psychologiques (dont on peut imaginer la hiérarchie) supérieure ou inférieure d’un même concret ; le rêve est l’effort vers les traductions symboliques les plus hautes.

1106. (1890) L’avenir de la science « XII »

En cherchant une chose, on en trouve une autre ; en poursuivant une chimère, on découvre une magnifique réalité.

1107. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Il faut serrer de plus près la réalité passée et apporter des faits qui ne permettent point le doute.

1108. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Ci gît qui vit le fond de la réalité.

1109. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

» Ce doute, qui est une espèce de tourment pour Fénelon, n’est jamais admis en supposition gratuite par Pascal, et dans la réalité il lui paraît la plus cruelle torture, et qui est la plus antipathique, la plus révoltante à la nature même.

1110. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Dans les développements qu’il y donne, il me permettra de regretter que là, comme il lui arrive d’ordinaire en pareille matière, il se soit trop asservi aux formes philosophiques du jour, et que lui, esprit si vif et si français quand il le veut, il ne perce pas d’outre en outre, une fois pour toutes, ces expressions vagues et vaines, ces métaphores abstraites qui donnent un air de réalité à ce qui n’est que le nuage subtilisé du raisonnement.

1111. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Des faits encore, déguisés sous une conversation, jetés en parenthèse, arrivant comme par hasard au bout d’une phrase, servent à caractériser ces personnages fugitifs qui ne traversent qu’une page, à décrire un lieu, à spécifier une sensation par une comparaison, à montrer en raccourci l’aspect et les êtres d’un salon, à noter le paroxysme d’une maladie ou l’affolement d’une passion, à marquer les réalités d’une répétition, la physionomie d’un souteneur, l’aspect particulier d’un public de cirque à Paris, le débraillé d’un cabotin, la colère d’une atrice ou d’une petite fille ; et, dans cette profusion de notes, d’anecdotes, d’incidents, de gestes et de mines, il en est que l’auteur nous donne par surcroît, sans nécessité pour le roman, comme une bonne partie des premiers chapitres de la Faustin, comme ce souriant récit où Mascaro, le fantastique et vague serviteur du maréchal Handancourt, emmène Chérie dans la forêt « voir des bêtes », et sous les grands arbres précède la petite fille émerveillée, faisant chut de la main sur la basque de son habit noir.

1112. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Nous ne savons pas à quel point l’Angleterre, dupe de Chatterton une première fois et de Macpherson une seconde, croit à la réalité de l’œuvre posthume attribuée au plus original de ses conteurs ; et que nous importe !

1113. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Combien la réalité nous laisse loin de cette connaissance idéale, ce n’est que trop évident.

1114. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Ce genre d’exposition muette dut prospérer de plus en plus ; et le peu de nouvelles œuvres tragiques citées sous Auguste, le Thyeste de Varius, la Médée d’Ovide, par les sujets mêmes, traités tant de fois à Rome, ne donnent l’idée que d’un drame d’autant plus bienséant sous l’empire qu’il était plus mythologique et plus loin de la réalité des passions humaines.

1115. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

 » L’adulateur moderne qui renouvelait ce souvenir pour l’inexorable cardinal, ajoutait : « Aux paroles de ces hommes obscurs, proférées sans contrainte et sans flatterie, César fut si touché que, par comparaison, il comptait pour peu les plus honorifiques décrets du sénat, les noms inscrits des nations subjuguées, les trophées qu’on lui élevait et ses propres triomphes. » On le croira sans peine : le pouvoir d’Octave était fondé sur la réalité de la dictature et l’apparence de la démocratie.

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