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1349. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 248-249

Faut-il que l'art de penser, le plus beau partage des Hommes, devienne une source de ridicule, & que les Gens d'esprit, rendus souvent, par leurs querelles, le jouet des sots, soient les bouffons du Public, dont ils devroient être les Maîtres » ?

1350. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Le grand public, grâce à des auditions répétées de la Symphonie en la et de la Pastorale (où il y a un si bel orage !) […] Cette année, au concours public du Conservatoire, le final de sa sonate op. 27 fut joué dix-neuf fois de suite, par dix-neuf jeunes gens très distingués. […] Il s’exalta sur les rêves de son âme, au lieu, comme les autres écrivains, d’astreindre son âme à rêver pour le public. […] On me dit que le public a cessé de le lire : mais est-ce que ceux-là même qui ne le lisent plus ne sentent pas tous les jours son nom leur devenir plus cher ? […] Le public, de son côté, a perdu non seulement le goût de la beauté et du style, mais jusqu’à la faculté d’aimer les œuvres d’art.

1351. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Pour le roi, pour la cour et les fêtes de commande, pour le plaisir du gros public et les intérêts de sa troupe, pour sa propre gloire et la sérieuse postérité, Molière se multiplie et suffit à tout. […] qu’eussiez-vous dit si un tiers eût ainsi manié devant le public vos prudentes œuvres où chaque mot a son prix ? […] Les comédies à ballets dont nous parlons n’étaient pas du tout (qu’on se garde de le croire) des concessions au gros public, des provocations directes au rire du bourgeois, bien que ce rire y trouvât son compte ; elles furent imaginées plutôt à l’occasion des fêtes de la cour. […] Contentez-vous de composer, et laissez l’action théâtrale à quelqu’un de vos camarades : cela vous fera plus d’honneur dans le public qui regardera vos acteurs comme vos gagistes ; vos acteurs d’ailleurs, qui ne sont pas des plus souples avec vous, sentiront mieux votre supériorité […] Il aimait, avons-nous dit, le théâtre, les planches, le public ; il tenait à ses prérogatives de directeur, à haranguer en certains cas solennels, à intervenir devant le parterre parfois orageux.

1352. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLIII » pp. 173-174

Le numéro de la Réforme qui contient l’article de Félix Pyat sur le prince des critiques a été si vite épuisé qu’on vient de réimprimer l’article en brochure au prix de quinze centimes (trois sous), et il est à tous les étalages : c’est une exposition au pilori, c’est une exécution publique à laquelle chacun assiste en se disant : c’est bien fait, c’est bien vrai !

1353. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXX » pp. 279-280

Quel que soit l’optimisme dont se piquent quelques gens d’esprit, ce qui nous semble à nous une vraie calamité publique de ce temps-ci, c’est la facilité avec laquelle les talents supérieurs eux-mêmes tournent au sophisme.

1354. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Le Barillier, Berthe-Corinne (1868-1927) »

Il y est allé au théâtre, au cirque, sur la place publique, dans les tavernes et les bains, et s’est mêlé à l’existence familière des patriciens, des poètes, des comédiens, des esclaves, des rhéteurs et des courtisanes.

1355. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Denne-Baron, Pierre-Jacques-René (1780-1854) »

Philarète Chasles Souvent remarqué par les critiques et apprécié de la partie saine du public, ce poète, dont les premiers pas avaient été contrariés par la Révolution, eut à subir en outre les conséquences non moins fatales pour son talent d’un changement de mode littéraire.

1356. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jasmin, Jacques (1798-1864) »

C’est ainsi que ces poèmes mûrissent pendant des années avant de se produire au grand jour, selon le précepte d’Horace, que Jasmin a retrouvé à son usage, et c’est ainsi que ce poète du peuple, écrivant dans un patois populaire et pour des solennités publiques rappelant celles du moyen âge et de la Grèce, se trouve être, en définitive, plus qu’aucun de nos contemporains, de l’école d’Horace que je viens de nommer, de l’école de Théocrite, de celle de Gray et de tous ces charmants génies studieux qui visent dans chaque œuvre à la perfection.

1357. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 316-317

A la tête de ses Œuvres, qui n’ont paru qu’après sa mort, est un Mémoire sur sa vie & ses Ouvrages, composé par lui-même, où il ne s’épargne pas les louanges ; ce qui suffiroit pour dispenser le Public de lui en accorder.

1358. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 463-464

Mais ses invectives n’ont pu nuire au succès de ces Lettres, dont on vient de donner une cinquieme Edition, qui n’a pas été moins bien accueillie du Public que les précédentes.

1359. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 527-528

Si cela est, en le rendant à ses propres sentimens, elle ne fera qu’offrir au suffrage du Public un Littérateur habile, autant que noble & désintéressé, qui n’a besoin d’aucun manége, d’aucun Parti pour se faire estimer.

1360. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 487-488

Sans le respect pour la Religion, la connoissance de soi-même, l’amour de l’ordre, l’élévation des sentimens, le zele de l’utilité publique, la Philosophie n’est qu’une chimere en spéculation, ou un être malfaisant en pratique.

1361. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 357-358

Cependant le Public revoit avec plaisir celle-ci, parce que le sujet en est beau ; parce ce qu'il y a de l'action, une conduite assez réguliere ; parce que les sentimens en sont bien approfondis, & qu'il y regne en général un ton d'intérêt & de chaleur qui annonce de vrais talens La Scene d'Oreste & de Pylade est de la plus grande noblesse & du pathétique le plus attendrissant.

1362. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 384-385

C’est au travail de M. de Tresseol que le Public est redevable de l’édition complette des Œuvres de M.

1363. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XIX. Du Jardinage & de l’Agriculture. » pp. 379-380

L’ennui du public a fait disparoître toutes ces sottises économiques, comme le froid de l’hiver emporta, dit-on, les vapeurs théatrales des Abderites.

1364. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Je sens chez Malherbe, dans le choix des idées et des thèmes, un effort pour écarter le particulier, le subjectif : il choisit les sujets où son esprit communie avec l’esprit public, les sujets d’intérêt commun. […] … Belle chose vraiment, pour tant de personnes qui ne savent que les mots, s’ils savent persuader au public qu’en leur distribution gise l’essence et la qualité d’un écrivain… Eux et leurs imitateurs ressemblent le renard qui, voyant qu’on lui avait coupé la queue, conseillait à tous ses compagnons qu’ils s’en tissent faire autant pour s’embellir, disait-il, et se mettre à l’aise… Ils ont vraiment trouvé la fève au gâteau d’avoir su faire de leur faiblesse une règle et rencontrer des gens qui les en crussent. » Elle criait que cette poésie correcte et populaire était trop facile à faire, trop facile à comprendre.

1365. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Les choses allaient plus correctement aux temps où quelques milliers d’amateurs savaient lire et composaient tout le public. […] Quand j’ai lu Deux plaisanteries, l’un de ses premiers petits livres, le meilleur public n’ignorait déjà plus son nom.

1366. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Ma sœur était si modeste, elle avait tant d’aversion pour le bruit du monde, que j’aurais cru la voir, de son tombeau, m’adressant des reproches, si j’avais livré ces pages au public. […] Longtemps encore les applaudissements et la faveur du public seront pour le faux.

1367. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Si j’osais — mais votre fumier se vend et il serait indiscret de vous demander du désintéressement — je vous supplierais même, le nez bouché, de ne plus rien faire en public. […] Mais la couleur, c’est de bien mauvais goût ; et les livres vivants, vous savez, le grand public n’en veut pas : il trouve que ça fait peur.

1368. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Pour leur donner vis-à-vis du public plus de solidité et de consistance et piper le bruit, on a écrit au frontispice de ces Mémoires cette ligne majestueuse : « Publiés sous le patronage (on a oublié le mot haut) de M. le duc de Luynes (ce qui fait deux ducs), par MM.  […] Didot, le dernier conspirateur de cette conspiration à quatre contre le public à qui on tend, sous prétexte historique, cet affreux piège à ennui, dans lequel la Critique ne doit pas souffrir que ceux qui lisent encore se prennent.

1369. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Triste gloire, du reste, que de pocher une biographie avec la vie la plus digne, la plus fière et la plus translucide de pureté, pour la servir à un public républicain et libre-penseur ! Et pour se montrer plus journaliste encore, car si l’amusant est la visée du journaliste, l’idée commune est son véhicule et son moyen de succès, Pelletan s’est bien garde, sur Joseph de Maistre, d’un aperçu nouveau qui aurait déconcerté le public, cet ombrageux de médiocrité, et il a répétaillé encore une fois — une fois de plus — les idées sur le bourreau et sur l’Inquisition dont on fait une arme contre Joseph de Maistre, et qui traînent, comme pantoufles, à tout pied de grue qui veut les chausser !

1370. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Mais, s’il avait plus songé à l’éducation à faire de l’intelligence du public, qu’il doit, avec ses convictions, vouloir rendre hégélien, qu’à l’éducation toute faite des philosophes comme lui, il eût commencé par les autres œuvres d’Hegel, moins cruellement abstraites (par exemple, les idées sur la Religion, sur l’État, sur l’Art, etc.), et il serait remonté de là vers les principes philosophiques d’où dépend toute la philosophie de son maître, et il eût placé ainsi le lecteur, familiarisé avec les idées et le langage hégélien, à la source même du système. […] Vera, moins habile qu’il n’est philosophe, et qui, en l’ennuyant par trop, doit rater son public.

1371. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Tout grand orateur ou plutôt tout orateur quelconque verrait s’interrompre tout à coup, et s’abolir le rapport qu’il y a entre lui et son public, s’il n’était pas un peu vulgaire comme ces foules auxquelles il a affaire, et avec lesquelles il doit s’entendre pour les entraîner. […] Les plus grands, je le sais, commencent par Démosthène (mais Démosthène, quoi de plus que le bon sens d’une place publique ?)

1372. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Dans un temps où l’inétanchable besoin de merveilleux fait accepter à la pauvre imagination publique, qui semble tombée en enfance, les abjectes et les bêtes inventions des Esprits frappeurs et des tables tournantes, Swedenborg, l’illuminé Swedenborg est-il donc un sujet trop élevé pour elle ? […] Est-ce qu’il n’aurait pas lu Balzac, par hasard, M. l’inspecteur des bibliothèques publiques ?

1373. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Par là, il s’est donné vis-à-vis du public, auquel il veut avoir affaire, ce qui constitue aux yeux de ce public la suprême autorité.

1374. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

L’énorme mémoire que nous indiquons à la curiosité publique sera suivi d’un second non moins considérable, — car l’auteur est un de ces esprits vigoureux et persistants, un de ces mordeurs d’idées qui n’abandonnent pas le sujet dans lequel ils ont mis la dent. […] Et cependant il était temps, il était temps pour tout le monde, et pour les hommes religieux, et pour les philosophes, et pour le public, que les questions fussent nettement et carrément posées.

1375. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

C’est le timide discernement de cette petite faculté sobre qu’on appelle le Goût avec tant de bonheur, qui a choisi ces fragments, et qui les a choisis pour que le public à qui on les offrait pût les prendre. […] III Mais, quoiqu’ils soient moins originaux, moins grandiosement profonds et moins étonnants que ce Centaure, qui n’est ni antique ni moderne, mais quelque chose de tout à fait à part de toutes les productions littéraires connues, et même pour cette raison-là, les autres fragments, et dans ces fragments, par exemple, les paysages, seront-ils plus goûtés du public des livres que Le Centaure, et sera-ce par eux que Guérin fera sa gloire, qui, d’ailleurs, ne sera jamais populaire ?

1376. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Jules de Gères »

Je ne la portai point au lapidaire, mais au public, qui n’est pas toujours un lapidaire. J’ignore et je veux ignorer ce que le public a pensé de cette perle, mais je sais bien que les connaisseurs l’ont enchâssée dans leur souvenir et qu’il n’est pas de poète, et, ce qui est aussi rare que les poètes, d’esprits sensibles à la poésie, qui ne connaissent maintenant Jules de Gères, quoiqu’il n’habite point Paris, ce Paris où l’on travaille en renommée, et qu’il ait dédaigné de frapper sur ce timbre de la publicité qui fait retentir tant de sottises et tant de sots, avec l’impudent éclat de son cuivre menteur.

1377. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

… Paul de Musset, qui n’a pas trois têtes dans son bonnet, n’aurait pas été plus frère dans trois vies que dans une, et c’est seulement son titre de frère que voulaient, pour la satisfaction de leur curiosité et leur boutique, le public et les éditeurs. […] Mirabeau disait : « Tout homme de courage est homme public le jour des fléaux. » Franchement, je ne me crois pas tant de courage que ça… Mais l’éditeur est le fléau, toujours subsistant… 50.

1378. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Sous un règne où tout avait une certaine pompe, où le souverain en imposait par la dignité, où l’admiration publique, sentiment presque habituel, devait élever les expressions comme les idées, il semble que la manière oratoire devait être plus à la mode qu’un style moins soutenu, et par conséquent moins rapproché de la dignité du maître. […] À la fin de chaque campagne, ou du moins de chaque guerre, on instituerait une fête publique pour célébrer la mémoire de ces braves citoyens.

1379. (1893) Alfred de Musset

Il avait entremêlé dans son existence la guerre, la littérature et les fonctions publiques. […] Non pas que le gros public eût été pour lui. […] Leur attitude maussade ne se démentit point dans les années suivantes, et elle répondait à celle du gros public. […] Cependant, quelques personnes étaient scandalisées de l’engouement subit du public. […] Musset n’attendait du public aucune indulgence.

1380. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Théologie, droit public, sciences, philosophie et philologie, morale, toutes ces branches sont admirablement représentées et portent des fruits comme disproportionnés à l’œil avec le peu d’apparence du tronc ; c’est un poirier nain qui est, à lui seul, tout un verger. […] Ce séjour à Paris date de 1819 à 1820 ; de jour, il suivait les cours publics ; il allait écouter Talma le le soir. […] Cette arme véritable prend une physionomie, un caractère ; elle devient un personnage qui a sa bonne part dans l’intérêt que nous portons au vieux chasseur des prairies… » Puis revenant à son bâton d’encre de Chine : « Ceci, dit-il, tient à notre vie privée ; aussi éprouvé-je quelque répugnance à en entretenir le public. […] le public d’élite et le cercle, où sont-ils ? […] Topffer qu’ayant une fois atteint à l’art, il lui faut tâcher désormais de s’y tenir ; que l’inconvénient et la pente pour tout artiste, en avançant, est de se lâcher, surtout quand on manque d’une scène, d’un public sans cesse éveillé et jaloux ; qu’il n’est déjà plus dans ce cas lui-même, et que, sans trop retrancher à ses plaisirs, il doit songer pourtant qu’il a contribué aux nôtres, et que l’œil est sur lui ?

1381. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Horace, avec le cœur d’un ami et avec le bon goût d’un homme de cour, rappelle ainsi à Mécène un honneur public dans une familiarité privée. […] « Heureux celui qui, loin des affaires publiques et libre de toute cupidité de l’or, laboure les champs de ses pères avec ses bœufs qu’il a élevés ! […] Quand on ne peut plus mettre le nom du vicieux sur le vice, la malignité publique éteinte enlève les trois quarts de l’intérêt à la satire ; il n’en reste que quelques traits généraux, quelques imprécations éloquentes comme dans Juvénal à Rome et dans Gilbert à Paris. […] Laisse-t-on des immondices sur la voie publique ? […] Mais si vous êtes seulement un homme de bon sens et de goût exquis, un amateur des délicatesses de l’esprit et des grâces de la poésie ; si vous ne sentez plus dans votre cœur ou si votre nature tempérée n’a jamais senti les brûlures sacrées ni les stigmates toujours saignants des fortes passions : amour, dévouement, religion, soif de l’infini ; si une félicité facile et constante vous a servi à souhait dans les différents âges de votre vie ; si vous avez passé l’âge des tempêtes, l’équinoxe de cette vie ; si vous êtes détrompé des hommes et de leurs vains efforts pour se retourner sur leur lit de chimères ; si vous avez vu dix révolutions et cent batailles soulever pendant soixante ans la poussière des places publiques et des champs de mort sans rien changer dans le sort des peuples que le nom de leur servitude et de leurs déceptions ; si vous avez vu les prétendus sages de la veille déclarés fous le lendemain, et les philosophies et les systèmes qui avaient fanatisé les pères devenir la dérision de leurs fils ; si la pensée humaine, toujours active et toujours trompée, vous a attristé d’abord par ce perpétuel enfantement du néant ; si, après avoir pleuré sur ce tonneau retentissant des Danaïdes qu’on appelle Vérité, vous avez fini par en rire ; si, sans chercher plus longtemps cette impénétrable moquerie du destin qui pousse le genre humain à tâtons de la vie à la mort, vous avez pris le parti de douter de tout, de laisser son secret à la Providence, qui, décidément, ne veut le dire à aucun mortel, à aucun peuple et à aucun siècle ; si vous vous laissez glisser ainsi sur la pente, comme l’eau de l’Anio qui glisse en gazouillant sous le verger d’Horace ; si vous n’avez ni femme ni enfant qui doublent et qui perpétuent pour vous les soucis de la vie ; si votre cœur, un peu rétréci par cet égoïsme qui se replie uniquement sur lui-même, a besoin d’amusement plus que de sentiment ; si vous possédez cet Hoc erat in votis , ce vœu d’Horace, un joli domaine aux champs pour l’été, une maison chaude l’hiver, tapissée de bons vieux livres ( nunc veterum libri ) ; si votre fortune est suffisante pour votre bien-être borné ; si vous avez pour amis quelques amis puissants, amis eux-mêmes des maîtres du monde, avec lesquels vous soupez gaiement en regardant combattre Pompée et mourir Cicéron pour cette vertu que Brutus appelle un vain nom en mourant lui-même ; enfin, si vous n’avez pas grand souci des dieux, et si les étoiles vous semblent trop haut pour élever vos courtes mains vers les choses célestes ; oh !

1382. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Je lus et relus vingt fois ma première composition ; je l’envoyai à ma mère par l’ordre de mes maîtres ; on la lut à la fin de l’année, à la cérémonie publique de la distribution des prix, au collège des Jésuites, devant les mères et devant les enfants qui l’applaudirent. […] J’aurais voulu que la vie publique mêlât le talent littéraire à tout ; rien ne me paraissait réellement beau, dans les champs de bataille, dans les vicissitudes des empires, dans les congrès des cours, dans les discussions des tribunes, que ce qui méritait d’être ou magnifiquement dit, ou magnifiquement raconté par le génie des littérateurs. […] Il y a des choses qu’on ne dit qu’une fois dans la vie, mais il faut qu’elles aient été dites ; sans cela vous ne comprendriez pas suffisamment vous-mêmes la toute-puissance du sentiment littéraire sur la vie de l’homme public et sur le cœur de l’homme privé. […] La bienséance des écrivains pusillanimes ne découvre jamais ces nudités de l’âme en public, mais le cœur gonflé d’amertume soulève sur les plus mâles poitrines ces vaines bandelettes par une impudeur de sincérité plus chaste au fond que les fausses pudeurs de convention. […] Hommes inconséquents dans vos reproches, que ne reprochez-vous aussi au casseur de pierres sur la route d’obséder la voie publique de sa présence pour rapporter le soir à la maison le salaire qui nourrit la femme, le vieillard, l’enfant ?

1383. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Le public les dédaigne, il les feuillette d’un doigt distrait, et passe outre pour aller à ses affaires !  […] Nous ne suivrons pas cette coutume ; nous n’accuserons pas le public, car nous le trouvons souvent débonnaire jusqu’à l’excès, et, si notre temps nous repousse, nous ne nous en prendrons qu’à notre insuffisance. Je comparerais volontiers le public à ces voyageurs qui descendent de diligence pour dîner dans une auberge de petite ville. […] Le public n’est ni ingrat ni indifférent ; il veut qu’on l’amuse ou qu’on l’intéresse, il a raison ! […] M. de Vigny est toujours aussi haut dans l’estime publique ; ses livres sont restés, restent et resteront ; son nom nous semble destiné à ne point périr.

1384. (1897) Aspects pp. -215

« Mais, lui dis-je, ce Grand Public dont vous me parlez goûte-t-il les articles de X et de Z ?  […] Cela était bien, cela était juste ; la morale publique se manifestait solennelle. […] Je lui ferai aussi remarquer que beaucoup de livres ne peuvent plaire qu’à un public plus restreint que celui qui lit de préférence des romans. […] Son œuvre, d’ailleurs fort louangée des feuilles publiques et, par conséquent, moins que médiocre, mérite, tout juste, la vente au poids du papier. […] Nous punissons les anarchistes en détail, individuellement, relâchant ceux qui tout en adhérant à la secte n’ont encore commis ni attentat ni apologie publique des attentats.

1385. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVII » pp. 186-187

Pas de réflexion, sinon celle-ci si vous voulez : à voir les choses de loin et au point de vue du public littéraire, une hésitation si prolongée peut paraître au moins singulière.

1386. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Foulon de Vaulx, André (1873-1951) »

Antony Valabrègue Ce volume d’un débutant, Les Jeunes Tendresses, qui mérite d’exciter l’intérêt, est présenté au public par M. 

1387. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 80-81

Le Public eût joui alors sans danger du fruit de ses talens, & ses tableaux ne ressembleroient pas à ceux des Peintres de nudité, qu’il faut dérober à tous les yeux.

1388. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 120-121

C'est ainsi qu'il est permis aux Modernes de s'enrichir des dépouilles des Anciens ; ce sont des richesses étrangeres qu'ils transplantent pour l'utilité publique ; & l'on a droit de devenir Législateur, quand on a pour garans les Oracles du vrai goût & de la saine raison.

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