On ne saurait la chercher dans une forme de poésie qui lui aurait été propre : il n’a rien inventé en ce genre, et la ballade, dont il use si bien, florissait avant lui depuis plus d’un siècle. […] Si le poète, en outre, a eu particulièrement à souffrir de la vie et des hommes, que ce soit sa faute ou celle de son étoile, si plus qu’un autre il a été humilié par la destinée, je n’imagine rien de plus propre que ces novissima verba, que ces paroles suprêmes, à attirer enfin l’intérêt sur sa personne, et à touchez en sa faveur les plus distraits et les plus froids. […] Tant qu’on ne produira pas un exemple ancien de cette façon de réplique qui donne ici tout l’agrément, et qui a surtout son à-propos quand il s’agit de femmes et de beautés célèbres, Villon reste en possession de son titre ; il garde en propre son plus beau fleuron.
J’y distingue une nouvelle de fantaisie, Madame A cher, l’histoire d’une jolie fille languedocienne, qui sacrifie tout, sa liberté, son amoureux, son propre bonheur, à l’envie d’avoir le pied mignon et de chausser de petits souliers. […] Les éditeurs le poussaient vers le commun, il s’en tirait par le comique : il se voyait obligé ainsi de combiner les diverses exigences, celles du dehors et celles du dedans, les siennes propres, et d’être à la fois comique, pittoresque et profond, mais en attrapant toujours un côté vulgaire : ce dernier côté, il ne faisait que l’atteindre et l’effleurer. […] Corneille, le grand Corneille, dans un petit portrait de lui, en vers, qu’il adressait à Pellisson pour le donner au Surintendant Fouquet, et qui est fort spirituel, n’a pas dit autre chose sur son propre compte : Et l’on peut rarement m’écouter sans ennui Que quand je me produis par la bouche d’autrui.
L’époque, en tant que nouvelle et que moderne, n’avait rien produit encore de grand et de vraiment beau ; je parle de ce beau et de ce nouveau qui est propre à chaque époque et qui la marque d’un cachet à elle. […] Elle va donner de sa main Rodrigue à Chimène, et cependant elle aime Rodrigue, toute fille de roi et tout amie de Chimène qu’elle est ; mais elle est décidée, dût-elle en mourir, à immoler sa flamme au devoir, à l’honneur, au sentiment de sa propre gloire. […] Rodrigue vient de faire la veille des armes, et le roi, voulant honorer et récompenser en lui son père, va le faire chevalier en lui donnant sa propre armure.
Catinat, se jugeant lui-même, appréciant sa propre conduite durant cette année 1691, mérite bien pourtant d’être entendu, et ce qu’il dit là-dessus à son avantage est peut-être la meilleure définition de sa méthode de guerre et de son moral de général d’armée. […] On avait donné à Catinat pour servir sous lui depuis 1691 M. de Tessé, homme d’infiniment d’esprit et plus propre certainement à être habile négociateur que grand général. […] Valeur et bon ordre jusqu’en pleine action, c’est le trait qui distingue cette journée : Catinat avait obtenu ce résultat et imprimé son caractère et ses propres qualités à sa victoire.
On avait leurs entretiens, on avait ses propres souvenirs ; on avait ce je ne sais quoi que rien ne supplée et ne remplace : la tradition toute vive. […] Jomini, dans cet ouvrage, s’est donné le plaisir de faire parler sur son propre compte Napoléon et de lui prêter à son sujet les expressions indulgentes qu’il aurait lui-même désirées. […] Ce que je puis dire, c’est que Jomini paraissait tenir beaucoup à ce Précis inédit, qui devait présenter la relation complète et dernière de ses propres années les plus critiques et les plus combattues.
Victor Hugo s’était rattaché de bonne heure, a croulé par son propre penchant, et le poëte, en respectant la ruine, n’a pas dû s’y ensevelir. […] L’un et l’autre jeunes, à peu près obscurs, livrés à des convictions ardentes, exagérées, plus hautes et plus en arrière que le présent ; avec un fonds d’ironie sérieuse et d’austère amertume, unique en de si fraîches âmes ; tous deux roidis contre le flot vulgaire, en révolte contre le torrent, le pied sur la médiocrité et la cohue ; examinant, épiant avec anxiété, mais sans envie, les œuvres de leurs rivaux plus hâtés, et sans relâche méditant leur propre gloire à eux-mêmes, ils vécurent ainsi d’une vie condensée, rapide, haletante pour ainsi dire. […] Aussi les marques qu’il en contracta sont légères et se discernent à peine : ses premières ballades se ressentent un peu de l’atmosphère où elles naquirent ; il y a trop sacrifié au joli : il s’y est trop détourné à la périphrase : plus tard, en dépouillant brusquement cette manière, il lui est arrivé, par une contradiction bien concevable, d’attacher une vertu excessive au mot propre, et de pousser quelquefois les représailles jusqu’à prodiguer le mot cru.
M. de Barante, une fois entré dans le cercle, dut y recevoir beaucoup ; mais il y porta, il y garda à coup sûr un caractère propre. […] Les grands désastres de Charles appartiennent en propre à l’histoire de la Suisse, dont ils sont comme le plus glorieux butin, et, par cet aspect, ils ont rencontré naturellement pour narrateur et pour peintre l’admirable Jean de Muller, le plus antique des historiens modernes. […] La seconde phase de cette guerre, la mémorable campagne de 1476, à jamais illustrée par les noms de Granson et de Morat, cette lutte corps à corps dans laquelle il semblerait que les Suisses traqués ne faisaient que se défendre, est plus propre sans doute à donner de l’illusion ; mais même dans ce second temps, si on veut bien le démêler avec M. de Gingins, on est fort tenté de reconnaître que le duc Charles (Charles le Hardi, comme il l’appelle toujours, et non le Téméraire) ne franchissait point le Jura en conquérant ; il venait rétablir le comte de Romont et les autres seigneurs vandois dans la possession de leur patrimoine, dont les Suisses les avaient iniquement dépouillés pour leur attachement à sa personne ; il venait délivrer le comté de Neufchâtel de l’occupation oppressive des Bernois.
Fénelon analysait pour Bossuet ces livres français, espagnols ou italiens, où madame Guyon avait puisé ses propres enthousiasmes. […] XXIV Fénelon, placé par la rigidité de ses adversaires entre le crime de condamner ce qu’il croyait innocent et le danger de susciter sur sa propre tête les foudres de Bossuet, et pour enlever à celui-ci tout prétexte aux incriminations, écrivit son livre des Maximes des Saints. […] Pendant que cette objurgation au pape partait, Louis XIV, devançant la condamnation, se faisait apporter solennellement le tableau des officiers de la maison du duc de Bourgogne, effaçait, de sa propre main, le nom de Fénelon du rang de précepteur, supprimait ses appointements et faisait fermer sa chambre à Versailles.
L’homme simple, abandonné à sa propre pensée, se fait souvent un système des choses bien plus complet et plus étendu que l’homme qui n’a reçu qu’une instruction factice et conventionnelle. […] La Révolution française est le premier essai de l’humanité pour prendre ses propres rênes et se diriger elle-même. […] Sans doute l’homme produit en un sens tout ce qui sort de sa nature ; il y dépense de son activité, il fournit la force brute qui amène le résultat ; mais la direction ne lui appartient pas ; il fournit la matière ; mais la forme vient d’en haut ; le véritable auteur est cette force vive et vraiment divine que recèlent les facultés humaines, qui n’est ni la convention, ni le calcul, qui produit son effet d’elle-même et par sa propre tension.
Ce serait là une lourde accusation, que j’ignorerais cependant, si y répondre n’était, du même coup, éclairer bien des choses. « Question wagnérienne et question personnelle », ai-je mis en tête de cet article ; et mes lecteurs comprendront que ma propre sécurité doit être la garantie, pour eux, de ma franchise et de mon exactitude absolue. […] Ils le firent au-delà de toute prévision, car j’y trouvais l’image de mes propres idées, de mes propres désirs.
Ce livre, traduit en français par une femme de mérite qui s’est dérobée sous le pseudonyme de Sébastien Albin, est un des plus curieux et des plus propres à nous faire pénétrer dans les différences qui séparent le génie allemand du nôtre. […] Le propre de Goethe était l’étendue, l’universalité même. […] Il lui renvoie souvent ses propres pensées à elle, revêtues du rythme ; il les fixe en sonnet : « Adieu, ma charmante enfant, lui dit-il ; écris-moi bientôt, afin que j’aie bientôt quelque chose à traduire. » Elle lui fournit des thèmes de poésie : il les brode, il les exécute.
Peut-on avoir le courage, à travers un tel pamphlet, de remarquer un certain mouvement de talent, quelque chose de vif, de rapide, de cursif, et de propre à enlever alors ceux qui ne réfléchissaient pas ? […] que l’homme est ignorant de sa propre destinée et du sort qui l’attend demain ! […] Mais il n’a pas d’effort à faire pour s’y conformer ; sauf l’élévation qui, à un ou deux endroits, lui sort du cœur, et la verve qui, en trois ou quatre passages, est excellente, il est dans Le Vieux Cordelier ce qu’il était dans ses précédents écrits, incohérent, indécent, accouplant à satiété les images et les noms les plus disparates, accolant Moïse à Ronsin, profanant à plaisir des noms révérés, disant le sans-culotte Jésus en même temps qu’il a l’air de s’élever contre l’indigne mascarade de l’évêque apostat Gobel ; en un mot, il parle dans Le Vieux Cordelier l’argot du temps ; il a le style débraillé, sans dignité, sans ce respect de soi-même et des autres qui est le propre des époques régulières et la loi des âmes saines, même dans les extrémités morales où elles peuvent être jetées.
On ne veut point qu’elles soient coquettes ni galantes, et on leur permet pourtant d’apprendre soigneusement tout ce qui est propre à la galanterie, sans leur permettre de savoir rien qui puisse fortifier leur vertu ni occuper leur esprit. En effet, toutes ces grandes réprimandes qu’on leur fait dans leur première jeunesse, de n’être pas assez propres, de ne s’habiller point d’assez bon air et de n’étudier pas assez les leçons que leurs maîtres à danser et à chanter leur donnent, ne prouvent-elles pas ce que je dis ? […] Ce costume de mascarade était d’emprunt : ce qui lui était essentiel et propre, c’était la façon d’observer et de peindre le monde d’alentour, de saisir au passage les gens de sa connaissance, et de les introduire tout vifs dans ses romans, en les faisant converser avec esprit et finesse.
Fontenelle nous dit que, dès ce temps-là, elle se dérobait souvent aux plaisirs de son âge, pour aller lire en son particulier, et qu’elle s’accoutuma de son propre mouvement à faire de petits extraits de ce qui la frappait le plus. […] Lui mort, elle s’occupa avec suite des intérêts de ses enfants, très compromis dans des procès longs et cruels, qu’elle eut à soutenir contre sa propre famille : « Il y a si peu de grandes fortunes innocentes, que je pardonne à vos pères, écrit-elle à son fils, de ne vous en avoir point laissé. […] Il est certain qu’elle a bien fait la moitié de nos académiciens actuels. » Cette influence des salons sur l’Académie française, et l’importance que reprend cette compagnie, sont un des caractères propres qui signalent l’avènement du xviiie siècle.
Payé à vingt-quatre ans de ce service par un bon évêché, de la familiarité du cardinal et du jeu de la reine, Cosnac, par tempérament, par goût et par esprit d’intrigue (je mets toujours le mot comme lui-même, indifféremment), se mêlait alors de beaucoup de choses, et on l’y jugeait propre. […] Ce signalement que nous donne Choisy de l’abbé de Cosnac au physique, répond bien à ce qu’il se montre dans le courant de ses Mémoires : n’y cherchez pas d’élévation, aucune idée morale, distincte de l’intérêt et du désir d’arriver ; entré domestique, comme on disait alors (et sans idée de défaveur), auprès du prince de Conti, il ne songe qu’à plaire à son maître, à lui devenir agréable, utile, puis nécessaire, et à s’y procurer ses propres avantages. […] « Il n’avait alors dans la tête que de faire faire des tentes propres et galantes, ayant grand soin qu’elles fussent remplies de miroirs et de chandeliers de cristal. » Cette âme d’une futilité désespérante, ce cœur qui n’a rien de tendre ni de grand, a quelques velléités d’honneur dans la campagne de 1667.
De votre côté, vous êtes incapable d’user de ceci autrement qu’en galant homme, comme vous feriez de votre propre bien patrimonial, en bon propriétaire et bon père de famille. […] Je lui ai d’ailleurs envoyé une consultation de neuf avocats, qui tous concluaient que je pouvais l’arguer de dol à son propre parlement (faux). […] Mais celui-ci, s’empresse-t-il d’ajouter de Voltaire, le plus grand coloriste qui fut jamais, le plus agréable et le plus séduisant, a sa manière propre qui n’appartient qu’à lui, qu’il a seul la magie de faire passer, quoiqu’il emploie toujours la même à tant de sujets divers lorsqu’ils en demanderaient une autre.
Il y a, de jadis, un opuscule grotesque, maintes fois réimprimé et encore colporté ; c’est un Sermon en proverbes ordonné pour satiriser soit les gens qui évoquent trop, par la sagesse des nations, leur propre niaiserie, soit les prédicateurs qui répétaient toujours les mêmes exhortations vaines comme le vent qui égrène l’herbe des cimetières ; le pauvre auteur enfile donc avec un certain soin les proverbes les plus connus, jusqu’à faire quatre pages dont le sens est fort bien suivi et que l’on comprend, pourvu qu’on ne soit pas devenu hébété dès la première : « Prenez garde, n’éveillez pas le chat qui dort ; l’occasion fait le larron, mais les battus paieront l’amende ; fin contre fin ne vaut rien pour doublure ; ce qui est doux à la bouche est amer au cœur, et à la chandeleur sont les grandes douleurs. […] Les amnésiques du verbe oublient d’abord ce qu’il y a de plus particulier dans le langage, les noms propres, les substantifs, les adjectifs ; les parties du langage qui ont la vie la plus dure sont les phrases toutes faites, les locutions usuelles. […] Aucun mot ne possède un sens unique ni ne correspond exactement à un objet déterminé, exception faite pour les noms propres.
Mais des lois propres à la généralité des esprits ne peuvent être des lois particulières ; utiles au grand nombre, il faut nécessairement que quelques individus en soient lésés. […] Les secondaires ne sont propres qu’à l’état qu’on a choisi. […] Impériale a une école de cadets où je présume que la jeunesse destinée aux armes reçoit les instructions et pratique les exercices propres à cet état en attendant qu’elle aille se perfectionner dans les camps.
Amédée Thierry ne manque pas à l’histoire de l’Église universelle, et l’historien aurait pu la trouver là, s’il ne la trouvait pas dans sa propre pensée. […] Ils ont été foudroyés, à ce qu’il semble, par leur propre corruption. […] Amédée Thierry n’a pas le sens artiste dans une histoire où il ne s’agit pas uniquement d’être un correct et un assez propre écrivain.
Ni leurs contemporains ne sauraient leur en demander davantage, ni eux-mêmes ne pourraient nous le donner, sans manquer au respect dont ils sont comme tenus envers leur propre originalité. […] Ou plutôt encore, ce qui les a eux-mêmes émus dans l’histoire ou dans la vie, telle est l’origine et le sujet de leurs chants, qui ne nous intéressent point quand ils n’y ont mis d’eux que ce qu’il y avait en eux de plus singulier, mais à l’unisson desquels nous vibrons tout entiers quand nous y retrouvons nos propres émotions répercutées, amplifiées, et multipliées par l’écho de leur voix. […] Mais l’art a perdu cette spontanéité primitive ; c’est à la science de lui rappeler ses traditions oubliées qu’il fera revivre dans les formes qui lui sont propres » [Cf. […] Et enfin, si le propre d’une littérature « sociale » est de tendre, comme on l’a dit, au « perfectionnement de la vie civile » ou, comme nous dirions de nos jours, au progrès de la civilisation, que pourrions-nous ajouter de plus ? […] , 7e Entretien] ; — de l’Inquisition [Lettres à un gentilhomme russe]. — S’il n’eût pas rendu plus de services à sa propre cause en y mettant plus de modération ?
Maintenant, dans la ferveur de sa propre fidélité à l’empereur, M. […] Si l’antiquité classique est propre à former des esprits clairs, vigoureux, alertes, elle prépare à la vie pratique. […] Pour satisfaire une coûteuse fantaisie, il s’adresse naturellement à sa mère, qui possède une grosse fortune en propre. […] La manière propre de M. […] Elle se sert, ainsi que Jeanne elle-même et qu’Hauviette, du style propre à M.
Peut-être doit-il à ce goût des vers quelques-unes de ses magnifiques qualités, le rythme, la mélodie des phrases ; mais il lui doit peut-être aussi maint défaut dont il trouvait l’exemple chez les versificateurs de son temps : le culte de la périphrase, l’abus des comparaisons, une certaine aversion pour le mot propre, très souvent remplacé par le terme réputé noble.
Ses lettres confidentielles, intimes et sublimes révélations à son ami le plus cher, montrent une résignation portée jusqu’à l’indifférence, en tout ce qui touche à la gloire éphémère des lettres… C’était une de ces âmes froissées par la réalité commune, tendrement éprises du beau et du vrai, douloureusement indignées contre leur propre insuffisance à le découvrir, vouées, en un mot, à ces mystérieuses souffrances dont René, Oberman et Werther offrent, sous des faces différentes, le résumé poétique.
d’Arnaud, sont autant de Cours de Morale mise en action de la maniere la plus propre à faire impression, & qui peuvent être utiles à toutes les Nations policées.
Corneille n’ignoroit pas combien les discussions analytiques sont propres à faire évanouir les plus grandes beautés : on peut les comparer à des sucs corrosifs qui détruisent les substances, sous prétexte de les épurer : c’est pourquoi il prit le parti de se taire, & de se venger en faisant mieux.
Pour avoir un succès durable, il eût fallu que Gueret eût su mieux modérer ses saillies, & qu’il eût attaqué ce travers de son Siecle avec des armes plus propres à en faire sentir le ridicule & les dangereux effets.
La philosophie elle-même est d’autant plus intéressée à l’observation de cette loi, que les délires de nos Philosophes actuels sont plus propres à tourner à la honte de l’ancienne Philosophie, comme les égaremens des Philosophes anciens peuvent contribuer à faire sentir les abus de la Philosophie dans tous les temps.
C’est aujourd’hui un des articles de foi du catéchisme-Balzac, que le grand homme n’a été, dans Eugénie Grandet, que son propre précurseur, son propre Pérugin, qu’il n’était pas encore en pleine possession de sa manière, et que trop louer ce roman, c’est faire injure à l’auteur, ou plutôt se faire injure à soi-même en prouvant qu’on ne le comprend pas. […] Puis est survenue l’imagination du célèbre écrivain, brodant sur ce premier thème, y mettant du sien avec excès, le refaisant à son image, et arrivant à un ensemble où ce prétendu génie d’observation, déjà mis hors du vrai par un sujet exceptionnel, achevait de s’égarer dans ses propres complications et ses propres surcharges. […] Puis nous cueillerons, çà et là, dans quelques autres de ses ouvrages, quelques détails propres à compléter notre Étude, et nous tâcherons de conclure. […] Parle : es-tu ton propre géant ? […] Rien, en apparence, de moins propre à se constituer et à durer.
Arrivée avant lui, par ses propres réflexions et ses propres études, aux mêmes convictions négatives, elle avait évité de jamais troubler de ses doutes l’esprit de son jeune frère. […] Elle a ceci de propre qu’elle est à l’abri même de la tentation. […] L’Académie, oublieuse de ses propres scrupules d’antan, trouvait piquant de protester discrètement contre les rigueurs de M. […] Il plane au-dessus de son temps et de sa propre œuvre par son ironie comme par les envolées de ses espérances et de ses rêves. […] Si j’avais à définir quel est le caractère propre de Michelet comme écrivain, je dirais qu’il est un grand musicien.
Je les ai lues, je les ai pensées, je les ai répétées dans mes propres livres. […] Renan, et les idées qu’il tirait de son propre fonds. […] Volontiers, il décrit de jeunes hommes chez lesquels l’abus de l’analyse a ruiné la vigueur morale (de Quernes, Larcher, Greslou, etc.) ; c’est donc, de son propre aveu, que l’analyse est un vice, ou pour le moins une faiblesse, qui diminue l’homme dont elle s’est emparé. […] Je suis quelqu’un qui passe, qui regarde, qui voit, qui sent, qui réfléchit, qui espère et qui dit ou écrit ce qui le frappe dans la forme la plus claire, la plus rapide, la plus propre à ce qu’il veut dire. […] L’histoire alors lui est apparue : non pas l’histoire morte, telle qu’on la trouve dans les archives du passé, mais l’histoire présente, vivante, dont on peut suivre de ses yeux les spectacles, dont on sent le mouvement dans ses propres veines.
. — Et là-dessus on s’est mis à désirer de réentendre ces pièces immortelles, éclipsées un long moment, et dans lesquelles tant de personnes de la société recommençaient aussi à aimer les souvenirs de leur propre jeunesse. […] On a récemment blâmé la périphrase ; on n’oublie qu’une chose : en 1820, à la scène, dans une tragédie, le mot propre pour les objets familiers était tout simplement une impossibilité ; il ne devint une difficulté que quelques années plus tard. […] M. de Chauvelin nommé, ou un mot propre à travers toute une scène, c’étaient d’insignes triomphes. […] On lit dans la préface que l’auteur, au début, soumit le manuscrit de sa pièce à La Harpe, qu’on regardait alors comme l’oracle en telle matière ; et La Harpe, après avoir examiné, répondit : « Votre pièce est assez bien écrite, mais le sujet n’est nullement propre au théâtre ; s’il l’était, Voltaire ou moi nous nous en serions emparés. » Voilà bien de nos Aristarques.
Diverses raisons et circonstances arrêtèrent assez tôt ces débuts communicatifs, et mirent comme le signet aux conversations du héros avec la femme spirituelle : d’abord sa propre prudence à elle-même, une fois éclairée sur le peu de sûreté du lieu ; puis l’étiquette souveraine de l’Empire qui étendit son niveau. […] On peut y ressaisir sous d’autres noms le calque ou le reflet de ses propres impressions successives dans sa vie de palais. […] Une légère marque de bonté, une preuve de leur souvenir décide souvent de notre destinée ; le dévouement de notre vie entière est presque toujours la réponse que nous croyons devoir à la plus simple apparence de leur intérêt. » Je m’étonnerais bien s’il n’entrait pas quelque souvenir assez présent, et même d’en deçà des Pyrénées, dans le récit de cette course de campagne qu’imagine la reine, pour reposer le roi malade et le distraire des affaires et de l’étiquette : « En effet, dès notre arrivée à Aranjuez, le roi nous annonça que, se fiant à notre respect, le cérémonial serait suspendu, et que chacun aurait la liberté d’agir à peu près à sa propre fantaisie. […] Mme de Rémusat, un peu distraite par les grands événements qu’elle avait considérés de si près, se trouva tout d’un coup, avec son genre d’esprit méditatif, en présence de ces questions survenantes et dans la position la plus propre à en être bien informée, autant que vivement excitée.
Le génie romain en particulier, grave et sobre, était bien propre, par son commerce, à perfectionner cette heureuse nature, à l’affermir et à la contenir, à lui communiquer quelque chose de sa trempe, et à lui imprimer de sa discipline. […] Patin ; puis, bientôt, par des articles approfondis sur des auteurs de son choix, il dégagea sa propre originalité, il la porta dans ces sujets anciens, en combinant, autant qu’il était possible à cette distance, la biographie et la critique, en poussant l’une en mille sens à travers l’autre. […] — Ajax en révolte s’écriait : Je me sauverai malgré les Dieux ; et Lucrèce : Je m’abîmerai à l’insu des Dieux. » Il s’attachait, dans la lecture du livre, à dessiner l’âme du poète, à ressaisir les plaintes émues que le philosophe mettait dans la bouche des adversaires, et qui trahissaient peut-être ses sentiments propres ; il relevait avec soin les affections et les expressions modernes, cet ennui qui revient souvent, ce veternus, qui sera plus tard l’acedia des solitaires chrétiens, le même qui engendrera, à certain jour, l’être invisible après lequel courra Hamlet, et qui deviendra enfin la mélancolie de René. […] Ceux-ci savent tout du premier jour, ils ne reconnaissent personne, ils sont à eux-mêmes leur propre autorité : statim sapiunt, statim sciunt omnia, … ipsi sibi exempla sunt ; tel n’était point Avitus… » Nous pourrions continuer ainsi avec les paroles du plus ingénieux des anciens bien mieux qu’avec les nôtres, montrer cette ambition honorable que poursuivait notre ami, non point l’édilit comme Julius Avitus, mais la pure gloire littéraire qu’il avait tout fait pour mériter, et dont il était sur le point d’être investi… et honor quem meruit tantum.
Chez Diderot, ce fil est coupé ; il ne parle point par la bouche de ses personnages, ils ne sont pas pour lui des porte-voix ou des pantins comiques, mais des êtres indépendants et détachés, à qui leur action appartient, dont l’accent est personnel, ayant en propre leur tempérament, leurs passions, leurs idées, leur philosophie, leur style et leur âme parfois, comme le Neveu de Rameau, une âme si originale, si complexe, si complète, si vivante et si difforme, qu’elle devient dans l’histoire naturelle de l’homme un monstre incomparable et un document immortel. […] Voilà l’avantage de ces génies qui n’ont pas l’empire d’eux-mêmes : le discernement leur manque, mais ils ont l’inspiration ; parmi vingt œuvres fangeuses, informes ou malsaines, ils en font une qui est une création, bien mieux une créature, un être animé, viable par lui-même, auprès duquel les autres, fabriqués par les simples gens d’esprit, ne sont que des mannequins bien habillés C’est pour cela que Diderot est un si grand conteur, un maître du dialogue, en ceci l’égal de Voltaire, et, par un talent tout opposé, croyant tout ce qu’il dit au moment où il le dit, s’oubliant lui-même, emporté par son propre récit, écoutant des voix intérieures, surpris par des répliques qui lui viennent à l’improviste, conduit comme sur un fleuve inconnu par le cours de l’action, par les sinuosités de l’entretien qui se développe en lui à son insu, soulevé par l’afflux des idées et par le sursaut du moment jusqu’aux images les plus inattendues, les plus burlesques ou les plus magnifiques, tantôt lyrique jusqu’à fournir une strophe presque entière à Musset480, tantôt bouffon et saugrenu avec des éclats qu’on n’avait point vus depuis Rabelais, toujours de bonne foi, toujours à la merci de son sujet, de son invention et de son émotion, le plus naturel des écrivains dans cet âge de littérature artificielle, pareil à un arbre étranger qui, transplanté dans un parterre de l’époque, se boursoufle et pourrit par une moitié de sa tige, mais dont cinq ou six branches, élancées en pleine lumière, surpassent tous les taillis du voisinage par la fraîcheur de leur sève et par la vigueur de leur jet. […] Comme une araignée effarouchée et solitaire, il a tout ourdi de sa propre substance, avec les plus chères convictions de son esprit, avec les plus intimes émotions de son cœur. Au moindre choc, il frémit, et, dans la défense, il est terrible483, hors de lui484, venimeux même, par exaspération contenue, par sensibilité blessée, acharné sur l’adversaire qu’il étouffe dans les fils tenaces et multipliés de sa toile, mais plus redoutable encore à lui-même qu’à ses ennemis, bientôt enlacé dans son propre rets485, persuadé que la France et l’univers sont conjurés contre lui, déduisant avec une subtilité prodigieuse toutes les preuves de cette conspiration chimérique, à la fin désespéré par son roman trop plausible, et s’étranglant dans le lacs admirable qu’à force de logique et d’imagination il s’est construit.
Le propre des êtres sans forme est d’atteindre leur développement par les états contraires, d’être indifférents à l’issue de leur effort, de se continuer dans leurs voisins, et, par le manque de but et de limites, d’atteindre la perfection du calme et l’apparence de l’infinité. […] Le misérable ne s’en sert Qu’à dépouiller sa bienfaitrice De ses principaux ornements, Elle gémit à tous moments : Son propre don fait son supplice. […] Nul animal n’est plus propre que le renard au rôle de courtisan. […] Est-ce un mets propre pour les milans ?
Le musicien, qui choisit ce thème pour introduction à son drame d’amour, ne pouvait, puisqu’ici il se sentait entièrement en le propre illimité élément de la musique, se soucier que de ceci : comment il se limiterait, puisqu’un épuisement du thème est impossible. […] — voici le corps de nourriture, voici le sang de breuvage ; le mystique vase brillera, voici l’aliment ; sang de Dieu, voici le vin ; prenez, prenez, prenez ; pécheurs, voici le vin et le pain ; approchez, très mélancoliquement ; car le vin coulera en vos sangs, le pain se fera vos chairs, et le sacré sang coulera par votre cœur… Le sang sacré coule, ô Malade, par son cœur ; le sang du Souffrant en ses veines coule ; et c’est son propre sang, qui s’embouillonne, et qui coule, effroyablement ! […] Dans les seuls Maîtres Chanteurs, en éliminant les passages où la situation même exige le chant proprement dit, sur 4162 mesures pendant lesquelles on doit parler, la proportion des mesures où le langage est simplement noté selon la musique propre à la langue allemande n’est pas moindre de 96 %. […] Motif 78 (p. 5, 9, 31, 45, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 59, 60, 61, 62, 65, 66, 67, 68, 69, 72, 73, 78, 132, 137, 143, 169, 170, 192, 234, 235, 258, 264, 269, 276, 300, 301, 302, 348, 352, 375, 382, 395). — Ce motif appartient à l’idée de concours. — Je saurai trouver ce ton propre pour mes vers, dit Walther, et en effet partout où Walther paraît devoir réussir, ce motif est perceptible.
D’autres en ont de riches qui ne leur coûtent rien ; et d’autres en ont de propres et galants, qui sont à deux mains, font des vers, des chansons, quelquefois des cadeaux, donnent la comédie, l’assemblée et les marionnettes. […] C’est de leur propre autorité que nos biographes appliquent à madame de Rambouillet une précaution qui regardait des précieuses d’une autre classe. […] C’est certainement bien elle qu’il a voulu désigner par le nom propre de Madelon, et par le nom usurpé de Polixène ; mademoiselle de Scudéry se nommait Madeleine, et son nom du Parnasse était Sapho. […] En un mot, y aurait-il eu du bon sens à prendre deux pécores, bourgeoises, provinciales, presque canailles, qui ont si peu d’usage du monde qu’elles traitent, en hommes de distinction, des laquais travestis, mais affublés de manières propres à leur condition, pour donner une leçon de discernement à les femmes contre lesquelles le grief de Molière aurait été d’avoir un esprit trop raffiné et une délicatesse trop pointilleuse ?
Pour les figurer, celui-ci ne dut consulter que les besoins de son récit, et puiser dans l’intuition de sa propre âme, bouleversée, déchirée, affolée et déchue, dont son intelligence lucidement froide constatait les convulsions. […] Il sent maintenant sa propre vie par une infinité de plaisirs imparfaits, — les plaisirs partiels et entremêlés de peine de ces êtres prodigieusement nombreux que tu nommes ses créatures, mais qui ne sont réellement que d’innombrables individualisations de lui-même… La somme générale de leurs sensations est juste le total du bonheur qui appartient de droit à l’Être divin quand il est concentré en lui-même. […] Les œuvres de Poe, par contre, ont une étendue propre à leur assurer sur la sensibilité une action complète sans excès ni défaut. […] Poe perçoit le rapport défini9 de cause à effet entre les moyens littéraires à employer et l’effet émotionnel fictif à produire, entre la constitution interne des personnages et leurs actes, entre un fait et ses conséquences possibles, entre toutes les parties de l’œuvre, entre ses propres facultés et leur emploi loisible, enfin, dans l’Eurêka, entre certaines hypothèses et certaines lois actuelles.
Tous les dévouements sont dus à son égoïsme, il fournit les éléments de son propre panégyrique. […] On dirait qu’il fait faction la plus généreuse du monde en faisant son propre bonheur. […] Au fond, ces trois caractères sont trois égoïsmes profonds, implacables, qui cherchent leur propre satisfaction. […] — Sans doute, si j’étais riche », réplique Maxime en répondant à sa propre pensée. […] Le propre de ces grands montagnards, que M.
D’autres fouillaient les antiques souvenirs, les ruines, les arceaux et les créneaux, et du haut de la colline, assis sur les débris du château gothique, ils voyaient la ville moderne s’étendre à leurs pieds comme une image encore propre à ces vieux temps, Comme le fer d’un preux dans la plaine oublié ! […] Mais, d’un peu loin, je vois en tous ces poètes bien moins des adversaires que des rivaux et des émules, que des frères qui croient se combattre et qui seraient plus propres à se compléter.