/ 1738
449. (1922) Gustave Flaubert

Mais c’est par un tel sacrifice qu’on arrive à posséder Dieu. […] L’homme ne peut imaginer ce qu’il possède, tandis que l’artiste possède ce qu’il imagine, et, en même temps, lui garde sa fleur d’imagination. […] On ne saurait nier qu’il possède un style parlé et un style écrit. […] Flaubert possède et exprime son Afrique avec science et solidité. […] Il le possédait, ce bonheur-là, et il n’en était pas plus joyeux ».

450. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Il savait dès lors (sans parler des deux langues anciennes) l’allemand qu’il possédait à fond, plus l’anglais et l’italien ; et ces diverses langues, il les savait assez, remarquez-le, pour écrire dans chacune et pour y composer même des vers. […] J’aurais aimé à trouver dans son Introduction d’Hippocrate quelque page vivante, animée, se détachant aisément, flottante et immortelle, une page décidément de grand écrivain et à la Buffon, comme il était certes capable de l’écrire, où fut restauré, sans un trait faux, mais éclairé de toutes les lumières probables, ce personnage d’Hippocrate, du vieillard divin, dans sa ligne idéale, tenant en main le sceptre de son art, ce sceptre enroulé du mystérieux serpent d’Épidaure ; un Hippocrate environné de disciples, au lit du malade, le front grave, au tact divinateur, au pronostic sûr et presque infaillible ; juge unique de l’ensemble des phénomènes, en saisissant le lien, embrassant d’un coup d’œil la marche du mal, l’équilibre instable de la vie, prédisant les crises ; maître dans tous les dehors de l’observation médicale, qu’il possédait comme pas un ne l’a fait depuis. […] Dans quatre ou cinq ans au plus, le public possédera l’ouvrage tout entier. […] Ce que j’ai reçu de témoignages en sa faveur depuis huit jours, de la part de médecins distingués et d’hommes de science que j’avais à peine l’honneur de connaître, me prouve combien ses confrères de l’Académie de médecine sont heureux et fiers de le posséder.

451. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

— Il nous manque, pour savoir en quoi consistaient précisément les altérations que le peuple romain lui-même faisait subir à la langue de Cicéron, et pour nous faire une juste idée du latin vernaculaire, de posséder quelques-unes de ces petites comédies populaires que l’on désignait sous le nom d’Atellanes ; mais ce qu’on peut affirmer, c’est que, là comme partout, la multitude tronquait, altérait les formes des mots, les désinences caractéristiques destinées à en nuancer la valeur grammaticale17 ; ou plutôt elle continuait de faire comme avaient fait ses pères, elle suivait les habitudes commodes et la voie large de l’idiome vulgaire, lequel était probablement antérieur à la création du latin savant, qui s’était plus ou moins modelé sur le grec. […] Fauriel, qui aurait pu le devenir, s’il n’avait été de ceux qui ajournent trop l’exécution de ce qu’ils projettent et de ce qu’ils savent à fond depuis longtemps, de ceux que possède le démon de la procrastination, comme disait Benjamin Constant. — M.  […] Il n’eut pas le temps de le cacher, et Ménage, le classique érudit, et qui s’occupait pourtant des Origines de la langue, lui en fit une belle querelle21. — Au XVIIIe siècle, Galland, Caylus, l’abbé Le Beuf, l’abbé Sallier, un peu Duclos, Lèvesque de La Ravallière, des membres de l’Académie des Inscriptions, commencèrent à entrer petit à petit, par un point ou par un autre, dans étude de notre passé ; mais Sainte-Palaye surtout, Sainte-Palaye, initié par la lecture de Froissart à l’amour de notre vieille poésie fut possédé d’une véritable passion du moyen âge français ; il en eut l’enthousiasme, il eut comme une vision anticipée de tout ce qu’il renfermait de riche et de renouvelant. […] Et pour tout dire, quand même l’Empire, au lieu de succomber sous l’effort de ses ennemis et d’être en proie à une longue invasion, eût continué à exister ou se fût dissous par la seule réaction des éléments contenus en son propre sein, le latin ne s’en serait pas moins transformé en langues romanes avec tous les caractères qu’elles possèdent.

452. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Je ne savais pas, j’étais inexpérimenté ; l’illusion, ce mirage des belles âmes, me possédait ; maintenant le temps a fait son œuvre, et il ne me reste de ces saintes erreurs que celle qu’il faut nourrir toujours, bien qu’elle m’ait souvent trompé : l’amour du mieux pour l’humanité. » III M. de Las-Cases à Sainte-Hélène, auprès de Napoléon, le capitaine Medwin, auprès de lord Byron en Italie et en Angleterre, furent chacun un de ces échos providentiels que le hasard ou la volonté place à côté de ces grands hommes pour répercuter à l’avenir leurs confidences fausses ou vraies, intéressées ou désintéressées, selon qu’ils voulaient parler à leur chevet ou parler, comme on dit, par la fenêtre. […] Dans ces moments, je le retrouvais dans toute sa vie, et ses paroles résonnaient de nouveau comme autrefois. — Mais on le sait, quel que soit le bonheur que nous ayons à penser à un mort bien-aimé, le fracas confus du jour qui s’écoule fait que souvent pendant des semaines et des mois notre pensée ne se tourne vers lui que passagèrement ; et les moments de calme et de profond recueillement où nous croyons posséder de nouveau, dans toute la vivacité de la vie, cet ami parti avant nous, ces moments se mettent au nombre des rares et belles heures d’existence. — Il en était ainsi de moi avec Goethe. — Souvent des mois se passaient où mon âme, absorbée par les relations de la vie journalière, était morte pour lui, et il n’adressait pas un seul mot à mon esprit. […] « Si je te possède, si je peux, toi seul, te posséder, pensais-je, tout le reste me conviendra. » Je lui répétai que j’étais prêt à faire tout ce qu’il jugerait le meilleur dans ma situation.

453. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Wagner ne possédait pas seulement la science de la langue, grâce aux études philologiques qui durant toute sa vie furent sa joie ; il avait l’instinct sûr d’un vrai poète, et chaque mot est choisi avec un art presque infaillible41. […] Nous n’ignorons pas que l’on a parfois expliqué ce prélude en donnant aux motifs qui le composent la signification dramatique révélée pendant le cours de l’action, mais nous n’admettons pas le secours de ce contexte tout artificiel et nous ne croyons pas devoir accorder à la musique du prélude, que Wagner a naturellement placée avant toute manifestation définie de sa pensée, avant le drame, le sens si clair qu’elle prendrait si l’on possédait déjà l’œuvre entière qui nous est encore absolument étrangère. […] Nous possédons simplement la grammaire d’une langue où les mots n’ont pas encore de sens pour nous. […] Il manifeste l’activité effroyable que la possédée met à accomplir la volonté qui lui est imposée.

454. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

. — Voilà pour l’œuvre telle que nous la possédons aujourd’hui. […] On voit quelle importance capitale ce trait possède par le fond même de la fable. — Parmi les simples détails je signalerais, pour exemple, ce beau passage du premier acte, lorsque Tristan tend son épée à Isolde pour qu’elle le frappe, qui rappelle singulièrement l’incident semblable entre Tristan et Bélinde dans la première partie du roman français. — Pour le connaisseur de la littérature de Tristan et Isolde, c’est un vrai délice de voir comment dans cette masse informe et embrouillée que nous a léguée le Moyen Age, Wagner a su choisir tout ce qui était beau, sans jamais s’enchevêtrer lui-même. […] Et puis, n’oublions pas de noter une unité bien précieuse que cette œuvre est seule à posséder parmi les crames ce Wagner : c’est qu’elle est exclusivement poétique. […] Or, en ce temps, l’Allemagne, après tant d’années d’ignorance, apprenait qu’elle possédait un grand philosophe de plus.

455. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Dimanche 6 mars Rosny parle du curieux pesage qui se fait du calorique, produit dans une cervelle, par l’effort d’un travail, et cite ce fait curieux d’un savant italien, qui se croyait aussi fort en grec qu’en latin, et auquel on a appris, qu’il possédait beaucoup mieux la langue latine, en opposant le poids du calorique qu’avait développé chez lui une traduction grecque, au poids du calorique développé chez le même par une traduction latine. […] Ce sont des ecclésiastiques qui l’ont déterminé à parler en public, en lui disant que le don de la langue lui viendrait avec le Saint-Esprit, et il constate que ce don qu’il croyait ne pas avoir, il le possède, et qu’il harangue avec une facilité qui l’étonne. […] Et je vous garantis une vente de quarante exemplaires3. » Dimanche 3 avril Pour les objets que j’ai possédés, je ne veux pas, après moi, de l’enterrement dans un musée, dans cet endroit où passent des gens ennuyés de regarder ce qu’ils ont sous les yeux, je veux que chacun de mes objets, apporte à un acquéreur, à un être bien personnel, la petite joie que j’ai eue, en l’achetant. […] Et ce qu’il dit n’être pas vrai, c’est rédigé d’après des observations, en partie fournies par les sœurs de Rachel, en partie par une confession dramatique de Fargueil, dans une grande lettre que je possède.

456. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Si nous possédions toutes les variétés intermédiaires qui ont existé, nous aurions deux séries insensiblement graduées entre chacun de ces types et celui du Pigeon Biset ; mais nous n’aurions aucune variété intermédiaire entre le Pigeon-Paon et le Pigeon grosse-gorge, c’est-à-dire qui présentât à la fois une queue plus ou moins étalée avec un jabot plus ou moins gonflé, traits caractéristiques des deux races. […] Sans les traces de pieds d’oiseaux qui se sont conservées par un heureux hasard sur les strates du Nouveau Grès Rouge des États-Unis, qui se serait aventuré à supposer que, outre des reptiles, cette époque reculée eût possédé au moins une trentaine d’espèces d’oiseaux dont quelques-uns d’une taille gigantesque ? […] Mais les descriptions que nous possédons actuellement des dépôts Siluriens, qui couvrent d’immenses contrées dans la Russie et dans l’Amérique du Nord, n’appuient aucunement cette supposition que plus une formation serait ancienne, plus aussi elle aurait nécessairement souffert de la dénudation et du métamorphisme139. […] De cette histoire nous ne possédons que le dernier volume, qui contient le récit des événements passés dans deux ou trois contrées.

457. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Ce qui était le plus important à l’âge et à l’époque de Froissart, c’était précisément d’amasser ces matériaux, de les posséder et de les disposer dans toute leur étendue et dans leur richesse ; et c’est ce qu’il a fait avec un zèle, une ardeur infatigables, et avec un sentiment élevé du service qu’il rendait à ses contemporains et à la postérité en conservant ainsi la mémoire des grands événements et des nobles prouesses. […] Combien cela semble plus vrai encore lorsque l’on parcourt un de ces beaux Froissart manuscrits comme en possède notre grande Bibliothèque et comme l’Angleterre en a sans doute aussi, tout ornés de vignettes du temps, admirablement coloriées, d’une vivacité et d’une minutie naïve qui commente à chaque page le texte et le fait parler aux yeux, avec une entière et fidèle représentation des villes et châteaux, des cérémonies, des sièges, des combats sur terre et sur mer, des costumes, vêtements et armures !

458. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Elle est comme un lion, et d’autant plus que, remplie du sentiment vrai qui la possède, elle ne peut le démontrer aux autres autant qu’elle le voudrait. […] Rousseau (avril 1715), me mande que toute la jeunesse est déclarée contre le divin poète, et que si l’Académie française prenait quelque parti, la pluralité serait certainement pour M. de La Motte contre Mme Dacier. » Le xviiie  siècle fut puni de cette partialité ; en perdant tout sentiment homérique, il perdit aussi celui de la grande et généreuse poésie ; il crut, en fait de vers, posséder deux chefs-d’œuvre, La Henriade et La Pucelle ; il faudra désormais attendre jusqu’à Bernardin de Saint-Pierre, André Chénier et Chateaubriand pour retrouver quelque chose de cette religion antique que Mme Dacier avait défendue jusqu’à l’extrémité, et la dernière du siècle de Racine, de Bossuet et de Fénelon.

459. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Telle est la vie secrète d’un esprit curieux, tourné au raisonnement, qui se possède par méthode philosophique, et qui veut posséder de même tout ce qui l’environne… Qui voudrait à tout moment s’assurer qu’il agit par raison, et non par passion et par humeur, perdrait le temps d’agir, passerait sa vie à anatomiser son cœur, et ne viendrait jamais à bout de ce qu’il chercherait.

460. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

On apprécie surtout mieux ce constant et noble effort qui porte un si vigoureux talent à se fortifier, à s’étendre, à se perfectionner sans cesse, à posséder de plus en plus toute cette matière immense qu’il dispose avec ordre, développement et grandeur, et qui lui sert à bâtir un monument le plus digne du modèle pour la majesté. […] Foisset, le savant historien de De Brosses, et qui possède si bien toute l’histoire politique et littéraire de sa Bourgogne.

461. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Quoi qu’il en soit, la sincérité de l’émotion dans laquelle Chateaubriand conçut la première idée du Génie du christianisme est démontrée par la lettre suivante écrite à Fontanes, lettre que j’ai trouvée autrefois dans les papiers de celui-ci ; dont Mme la comtesse Christine de Fontanes, fille du poète, possède l’original ; et qui, n’étant destinée qu’à la seule amitié, en dit plus que toutes les phrases écrites ensuite en présence et en vue du public. […] Vous parlez de talents ; que sont les nôtres auprès de ceux que vous possédez ?

462. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Ce livre de controverse par un catholique royaliste eut du succès : l’évêque de Cahors, entre autres, messire Antoine Hébrard de Saint-Sulpicel, sur la seule lecture de la première édition, voulut en rapprocher de lui et en posséder l’auteur ; il n’eut point de cesse qu’il n’eût établi Charron dans sa maison épiscopale avec charge et fonction de prêcher en son église les dimanches et fêtes. […] L’auteur a possédé sa matière et l’a tirée de son propre fonds (c’est le contraire), y mettant beaucoup de réflexions particulières ; donnant un tour singulier à celles qui sont communes, s’énonçant d’une manière propre à faire penser plus qu’il ne dit, et réveillant l’attention par la vivacité de ses expressions, quelque usées qu’elles commencent d’être… » Mais ce ne sont pas seulement les pensées, ce sont le plus souvent les expressions mêmes de Charron qui sont prises de Montaigne.

463. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Ici une nouvelle carrière commence pour Rohan : le roi, sur le conseil du cardinal de Richelieu, le croit très propre à ses affaires en ces contrées, à cause des qualités mixtes et variées qu’il possède, négociateur, capitaine, très en renom à l’étranger, pouvant agir comme de lui-même et n’être avoué que lorsqu’il en serait temps. Les Grisons, alliés des cantons suisses, possédaient en Italie la Valteline, pays d’importance au point de vue militaire, puisqu’il donne le passage entre l’Allemagne et le Milanais, et qu’il pouvait servir à la jonction des deux bras de la maison d’Autriche.

464. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Il l’avait logé chez lui, au bout d’une longue galerie, dans le plus beau coin du château, d’où l’œil embrassait toutes les beautés du lac, le mouvement du port et de la ville, et un horizon immense terminé par la vaste étendue des Alpes : « Tout cela était au service de sa poésie. » Il l’y posséda durant deux années, et il ne parlait jamais de ce temps de réunion qu’avec fraîcheur et ravissement : — Quel bonheur, écrivait-il, de sentir à ses côtés un ami, et un ami tel que Matthisson, avec lequel je pouvais sortir de la prose de la vie pour entrer quelquefois dans la poésie de l’enfance qu’il avait si bien su chanter ! […] [NdA] Bonstetten resta en correspondance avec la comtesse d’Albany, et la Bibliothèque de Montpellier, où sont déposés les papiers de la princesse légués par le peintre Fabre, son troisième mari (mari ou peu s’en faut, le mot d’ailleurs est de Bonstetten), possède plusieurs lettres de Bonstetten à elle adressées, sans compter des lettres de Sismondi à la même, dans lesquelles il est souvent question de lui.

465. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

il possède la tradition ; il sait à fond ce dont il parle, et, s’il reproduit les jugements consacrés, il sait les renouveler par maint rapprochement et par l’esprit de détail ; il est aussi utile qu’agréable à entendre. […] Je m’explique : il possédait les traditions d’école dans leur étendue et dans leur exacte mesure, et, en même temps, il était plein de zèle pour les défendre envers et contre tous, et pour les propager au dehors.

466. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

C’est ainsi que je m’explique l’espèce d’antipathie qu’avait pour l’Académie française un homme qui eût été bien digne d’en être, celui qui avait présidé à la première organisation de l’Institut en l’an IV, et qui en possédait l’esprit, celui qui le premier porta publiquement la parole en son nom, M.  […] Chaix-d’Est-Ange n’y est plus, puisque nous avons et possédons au sein de l’Académie ces deux puissances et ces deux gloires de l’Ordre, M. 

467. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Mais la première condition de l’esprit critique bien entendu est (sans cependant tout niveler dans son estime) de reprendre, chaque grand fleuve à sa source, chaque grande production et végétation humaine à sa racine, et de la suivre dans son vrai sens et comme de droit fil pour la bien posséder tout entière et être ensuite à même d’en juger tout à fait pertinemment, par comparaison avec d’autres, et en pleine connaissance de cause. […] Ce drame, dont la composition remonte au xiie  siècle, est au premier rang parmi les très-rares échantillons que l’on possède du drame purement religieux, — ou hiératique comme disent les savants, — en vieille langue française.

468. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Tout nous échappe, et la possession de ce qu’on souhaite, et le goût de ce qu’on possède. […] Il a beau se contenter des dons du sort et de la médiocrité du sage, il y a des moments où il sent le besoin pourtant d’un peu plus de fortune pour la variété et pour le renouvellement de la vie ; il a conscience de ce qui lui manque, tant pour l’entière satisfaction du cœur et de l’esprit que pour les excitations légitimes du talent : « Il nous faudrait à tous deux (à Thomas et à lui), mais surtout à moi, dit-il, un peu plus de fortune : cela me mettrait à même de couper, par quelques parties agréables, la monotonie d’une existence qui n’a point assez de mouvement pour un homme né penseur, que la vue des mêmes visages et du même horizon ramène trop facilement sur son état et sur la misère des choses humaines. » Puis il se repent presque aussitôt d’avoir trop demandé, et faisant allusion à quelque image mélancolique que lui suggérait une lettre de Deleyre (malheureusement nous ne possédons aucune de celles qui sont adressées à Ducis) : « Hélas !

469. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Se sentant près de mourir, elle m’appelle ; je m’approche : on vous avait éloignées ; nous étions seuls (tous trois) ; elle commence : « Mon cher Pamphile, tu vois sa beauté et son âge, et il ne saurait t’échapper que ce sont là de pauvres secours pour garantir sa vertu et tout ce qu’elle possède. […] quand il s’est introduit près d’elle sous un déguisement et l’a possédée d’emblée, quelle explosion d’allégresse, quel besoin d’expansion et de confidence à tout prix !

470. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Le sacrifice à faire à Lunéville était indiqué par la nature des choses ; c’était celui de nos conquêtes italiennes : mieux valait pour nous posséder Anvers que Milan. » Mais, comme M.  […] Il intriguait à sa manière comme les antiques Décius, comme Palafox à Saragosse, comme Rostop-chine à Moscou, comme tous ceux qui, pleins de foi, se jettent à une heure de crise, eux et tout ce qu’ils possèdent, dans le gouffre béant de la patrie.

471. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Nous possédons dans les sciences, et particulièrement dans les mathématiques, les plus grands hommes de l’Europe. […] Le despotisme ne peut donc être l’objet des calculs de l’entendement, l’examine ici les ressources naturelles que l’esprit humain possède pour éviter de s’égarer, tout en avançant dans sa marche ; et non les moyens d’abrutissement et de violence qui ne le préservent des erreurs qu’en arrêtant tous ses progrès.

472. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

. — Sans doute l’opération n’est fructueuse que si la gangue est abondante et si l’on possède les procédés d’extraction ; pour avoir une notion juste de l’État, de la religion, du droit, de la richesse, il faut être au préalable historien, jurisconsulte, économiste, avoir recueilli des myriades de faits et posséder, outre une vaste érudition, une finesse très exercée et toute spéciale.

473. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Les savants n’ont jamais méconnu cette vérité ; seulement ils croient, à tort ou à raison, que toute loi pourra être remplacée par une autre plus approchée et plus probable, que cette loi nouvelle ne sera elle-même que provisoire, mais que le même mouvement pourra continuer indéfiniment, de sorte que la science en progressant possédera des lois de plus en plus probables, que l’approximation finira par différer aussi peu que l’on veut de l’exactitude et la probabilité de la certitude. […] Telle sensation est belle, non parce qu’elle possède telle qualité, mais parce qu’elle occupe telle place dans la trame de nos associations d’idées, de sorte qu’on ne peut l’exciter sans mettre en mouvement le « récepteur » qui est à l’autre bout du fil et qui correspond à l’émotion artistique.

474. (1890) L’avenir de la science « V »

Nous en avons tant vu que nous ne pouvons nous résigner à croire que l’une possède plus que l’autre la vérité absolue. […] » Au nom du ciel, si vous possédez le vrai, adressez-vous donc à l’humanité tout entière.

475. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

L’idée positive et la conclusion pratique de M. de Laborde est celle-ci : Que le palais Mazarin est en lui-même un monument historique très digne d’être conservé, que la Bibliothèque y est bien placée, mieux qu’elle ne le serait ailleurs, et qu’il faut l’y laisser, sauf à réparer, à améliorer l’édifice au-dedans, et à le restaurer, à l’orner au-dehors, pour qu’il n’attriste pas le brillant quartier qui le possède. […] Une vie complète et anecdotique de Mazarin serait très curieuse à faire : on en possède à peu près tous les éléments.

476. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Agréable et brillante dans sa jeunesse, elle ne se bornait pas à un seul goût, à un seul talent ; elle les briguait tous et en possédait réellement quelques-uns. […] À propos de cette manie encyclopédique qui la posséda de tout temps et qui ne fit que s’accroître avec les années, un de ses spirituels amis disait : « Elle se réserve de refaire l’Encyclopédie dans sa vieillesse. » En attendant, jeune mariée et à peine enceinte, vite elle écrivait un livre intitulé Réflexions d’une mère de vingt ans, quoiqu’elle n’en eut que dix-neuf.

477. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

« Beati mites… Heureux ceux qui sont doux, parce qu’ils posséderont la terre !  […] Droz, et qu’il désigne volontiers comme ayant entrevu d’avance le but le plus raisonnable de la Révolution française, est celui de Mounier, Malouet, Lally-Tollendal, Clermont-Tonnerre, le groupe des impartiaux qui voulaient alors deux Chambres et une monarchie constitutionnelle, cette fameuse monarchie tant de fois définie, toujours désirée et insaisissable, qu’on crut posséder un moment sous la Restauration, qu’on se flatta d’avoir retrouvée et reconstruite sous main pendant les dix-huit années de Louis-Philippe, et que des spéculatifs peut-être caressent en idée et rêvent encore.

478. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Cousin, et le maître lui-même semble l’avoir compris en se réfugiant dans la littérature proprement dite, qui le distrait et le possède de plus en plus. […] Quoi qu’en aient dit des gens mal informés, qui la peignent telle qu’elle a pu être aux Carmélites et à Port-Royal, elle possédait, je ne puis en douter en regardant les portraits authentiques qui sont sous mes yeux, ce genre d’attraits qu’on prisait si fort au xviie  siècle, et qui, avec de belles mains, avait fait la réputation un peu usurpée d’Anne d’Autriche.

479. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Au retour de la victoire de Moncontour, elle le trouva tout changé, méfiant, dominé par un favori, Du Gua, qui le possédait, comme depuis le possédèrent tant d’autres. […] possédez la chose aimée. » C’était pour échapper au moins en idée à ce prompt désenchantement, à ce triste et rapide réveil, qu’elle prodiguait ainsi les expressions figurées, mythologiques, impossibles : elle cherchait à se faire un voile ; le cœur n’y était pour rien.

480. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Une fièvre généreuse possédait alors notre nation chevaleresque ; on se battait en Amérique, chaque militaire y voulait courir. […] Vous pouvez, pour votre compte, trouver aisé de vivre une vertueuse vie sans l’assistance donnée par la religion, vous qui avez une claire perception des avantages de la vertu et des désavantages du vice, et qui possédez une force de résolution suffisante pour vous rendre capable de résister aux tentations communes.

481. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Jetez les yeux sur telle œuvre de Burne-Jones ou de Watts32 et voyez si l’un ou l’autre de ces artistes semble avoir, un seul instant, possédé la notion de ce que peut valoir l’atmosphère dans une œuvre d’art, de ce que signifient la lumière et la couleur, un être vivant au plein air, un visage humain, de ce qu’est en un mot la vie dans son essence et sa réalité, dans sa multiple et permanente expression. […] Il rompt d’une manière décisive avec l’idéalisme, c’est-à-dire que, respectueux de ce qu’il voit et de ce qu’il sent, il ne se reconnaît pas le droit de trahir les formes dans le but de leur faire exprimer un autre sens que celui qu’elles possèdent réellement.

482. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Cousin est légion ; ainsi possédé, l’on comprend qu’il ait possédé le public.

483. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Cette préhistoire est presque de l’histoire, puisque nous en possédons des témoignages figurés. […] Tout être vivant possède un langage et on ne peut concevoir sans langage fixe la moindre colonie de madrépores ou de bryozoaires. […] La langue des Indiens Cherokee, qui possède trente verbes exprimant toutes les façons de « lave » relatives à la personne, au lieu, à la circonstance, ne possède pas l’idée générale de « laver ». […] L’homme, comme tous les êtres vivants, possède des instincts primordiaux. […] Tout ce qui agrée possède sensiblement la même valeur nutritive.

484. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Les problèmes de cet ordre, pour qui en posséderait les données, comporteraient une solution au même titre que les autres. […] Il possède pour les avoir étudiés, fouillés dans tous leurs recoins, nos trois siècles de littérature classique. […] Il possède avec presque autant de sûreté les grandes littératures étrangères. […] Ollivier possède à un rare degré ce qu’on est convenu d’appeler les dons de l’orateur. […] Mais ceux-là surtout ne doivent pas en avoir peur, qui sont assurés de posséder la vérité.

485. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Accordons-le, il y a aussi des animaliers qui ne possèdent pas cette philosophie ; certains n’en possèdent aucune. […] Dès lors, il possédait l’âme du livre, non les détails. […] On en possède plusieurs textes, bien différents les uns des autres. […] Tant il possède également les souveraines qualités de la puissance et de la grâce ! […] Il recherche et il collectionne tous les renseignements que chaque spécialiste voudra posséder.

486. (1929) La société des grands esprits

Cela veut dire que ce qui possède une qualité ne possède pas la qualité contraire, ou qu’un individu, un objet, étant lui-même, n’est donc pas un autre. […] Les hommes d’État les plus utiles à leur pays ne sont pas toujours les plus éloquents, ni ceux qui possèdent les plus hautes qualités intellectuelles. […] En effet, si nous possédons d’ores et déjà la vérité, à quoi bon la chercher ? […] Les mérites architecturaux sont en effet ce qui distingue les Pensées, telles que nous les possédons, à l’état de fragments épars ! […] On spécule sur l’ignorance des nouvelles générations, sur la pauvreté des bibliothèques privées qui ne peuvent toutes posséder les œuvres complètes, sur la docilité instinctive de ceux mêmes qui les possèdent et qu’on espère bien détourner ainsi de cette lecture, en leur insinuant par omission qu’elle est inutile.

487. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Mais que cette parfaite orthographe, si on ne la possède par usage et d’enfance, est donc rare !

488. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Lutèce » pp. 28-35

Il se désolait de ne posséder qu’une très médiocre fortune, ce qui lui rendait impossible l’exécution de la partie orgiaque du livre.

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