Nature nerveuse et contemplative, si nerveuse, sous les placidités extérieures de la force, qu’il ne pouvait rester dans les ténèbres, et si contemplative, que jusqu’à plus de moitié de sa vie il porta à son insu la puissance de l’action dans le fond mystérieux de son être, comme il y portait aussi la puissance des passions charnelles qui éclatèrent si tard en lui et qui finirent par dégrader sa calme et grande physionomie.
M. de Vigny, non plus, ne portera jamais sur le front de son génie cette couronne de rides qui, plus tard, ira si bien, par exemple, au front chenu et grandiose de M. […] Il était classé ; mais ne croyez pas que l’inspiration de son génie l’ait abandonné, parce qu’elle ne pouvait pas le porter plus haut.
Un pâtre, endormi sur sa tombe, s’était mis à chanter dans le sommeil ; et les bergers accourus pour l’entendre, ayant, de leur foule tumultueuse, renversé la colonne qui portait l’urne funèbre, le soleil avait vu les restes d’Orphée. […] C’est vous qui m’avez conduit vers la terre de Pélops, au rivage de Ténare, perdu que j’étais sur la mer de Sicile, et qui m’avez porté sur vos dos inclinés, fendant sur votre passage la plaine de Nérée, par un chemin que nulle trace ne sillonne !
Néanmoins je souscris et, pour s’émouvoir de cette vie, il n’est pas besoin de porter soi-même une couronne. […] Léon Bérard de porter le « fer rouge ». […] Son choix se porta sur Télémaque. […] Il a porté le sens de la contemporanéité au même degré que Baudelaire et les Goncourt celui de la modernité. […] Nos thomistes portent la marque éléate.
C’est le respect de soi-même et de la beauté de sa vie porté jusqu’à la plus pure élévation et jusqu’à la passion la plus ardente. […] Tous les instincts littéraires de M. de Vigny le portent à l’analyse. […] Il n’aura de mémoire Que du jour seulement où mon front l’a porté. […] Les esprits conducteurs des êtres Portent un signe sombre et doux. […] Quelques-uns d’entre eux portent l’épée, d’autres voudraient la porter, on le sait ; mais il faut bien s’entendre, c’est l’épée d’académicien, ce n’est pas le glaive d’Achille.
On dit qu’il étoit porté à la plaisanterie, & que ce goût l’accompagna jusqu’au tombeau.
L’âge déjà avancé de cet Auteur ne paroît pas ralentir son travail, & le mérite de ce travail doit porter à désirer qu’il puisse le continuer long-temps.
Il a fait une Histoire critique de la République des Lettres, qui comprend l’espace de cinq années, où il est aisé devoir que les citations étoient ses armes favorites, sans qu’il s’inquiétât beaucoup où elles pouvoient porter.
Il est mort récemment, pauvre et oublié, à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans, aux États-Unis, où le flot de ses aventures et de ses malheurs l’avait porté ; il a écrit, dans ses dernières années, des Mémoires dignes de ceux du comte de Grammont. […] Mais lorsque la virtuose coquette et adulée par les grands seigneurs vit arriver chez elle, après un an d’intervalle, un jeune homme maigre, au long nez, aux gros yeux, à la tête exiguë, revêtu d’un habit rouge à boutons noirs qu’il portait en deuil de sa mère, elle le toisa d’une manière si froide et si cruelle que Mozart ne se le fit pas dire deux fois. […] Nous montâmes les degrés, ma jeune femme et moi ; comme elle portait un voile qui lui couvrait entièrement la figure, mon frère, qui se souvenait du voile noir de Trieste que j’avais soulevé par badinage la première fois que je la vis, fit le même geste que moi ; il avait aimé tout enfant, à Trieste, celle qui était devenue ma femme, d’une tendresse passionnée. […] Ils sont différents mais égaux ; Mozart est la mélodie pensive du Tyrol et de l’Allemagne, Rossini c’est la gaieté et l’ivresse de Naples ; nous portons nos climats en nous. […] Il m’est facile d’y porter cette petite table, deux bougies, ce pupitre.
Quoique très belliqueuse de courage, elle est, de toutes les races, la plus ouverte aux invasions ; on la frappe à tous les membres sans que la tête le sente ; avant qu’elle ait porté la main à la blessure elle est conquise ; mais aussi elle ne meurt d’aucune de ces blessures, parce que sa vie nationale est partout et que son patriotisme, qui enfante des armées sur des champs de défaites, est immortel. […] Le siècle était malade ; il sentait qu’il portait en lui sa propre mort prochaine par la foi mourante dans son âme et par les révolutions couvées sous ses institutions ; il tendait à devancer par des morts volontaires l’effet de ces germes morbifiques qu’il portait dans ses veines. […] Du fond de la sombre maison de son père, à Francfort, le nom de Goethe, porté à la foule par Werther, porté à l’élite et aux universités par Goetz de Berlichingen, grandit, comme l’aloès, en un soleil. […] — « Ne va pas le dire cette fois à ta mère », lui recommande la voisine ; « elle la porterait encore en présent à l’église. » La voisine ajuste la parure au front, au cou, aux doigts de Marguerite.
Il portait gravement, mais légèrement, son âge de soixante à soixante-dix ans. Sa stature, sans être élevée, paraissait grandiose par la dignité un peu exagérée avec laquelle il portait la tête en arrière. […] Trois enfants qui vivent encore, portés tous les trois à de hautes fortunes en France par la renommée paternelle dans l’aristocratie européenne, furent le fruit de ce mariage. […] Ses biens paternels, très modiques, furent séquestrés, mais il portait avec lui une meilleure fortune ; ce fut à Lausanne qu’il écrivit, comme un pamphlet de guerre contre la Révolution française, l’ouvrage qui commença sa réputation parmi les émigrés de toute date dont la Suisse, l’Allemagne et l’Angleterre se remplissaient alors. […] On ne croirait pas, avant d’avoir lu, que la confiance dans la toute-puissance de son propre génie eût porté si loin un homme de tant de sens.
La Providence ménage à ces hommes rares de pareils confidents : les uns pour porter leur voix lointaine à leurs partisans, comme Las-Cases ; les autres, comme Medwin, pour donner au monde des notions familières et vraies sur une des grandes natures de leur époque. […] Il est sans doute à quelque degré de la famille des Brossette et des Boswell, de ceux qui se font volontiers les greffiers et les rapporteurs des hommes célèbres ; mais il choisit bien son objet, il l’a adopté par choix et par goût, non par banalité ni par badauderie aucune ; il n’a rien du gobe-mouche, et ses procès-verbaux portent en général sur les matières les plus élevées et les plus intéressantes dont il se pénètre tout le premier et qu’il nous transmet en auditeur intelligent. […] Dans quelques semaines, écrivez-moi à Marienbad, pour me faire savoir comment vous vous portez et comment vous vous plaisez à Iéna. […] Il portait le costume qui lui va si bien, l’habit noir avec l’étoile d’argent. […] Je le priai de me parler de la jeunesse de Goethe, ce qu’il fit volontiers : « Il pouvait avoir vingt-sept ans, me dit-il, quand j’étais chez lui ; il était très maigre, agile et délicat, je l’aurais facilement porté. » Je lui demandai si Goethe, dans les premiers temps de son séjour, avait été très gai.
Il se mêle à tous ses récits : le narré simple et objectif du fait lui est impossible ; il ne sait point l’isoler du jugement qu’il en a porté et de l’impression personnelle qui lui en est restée. […] C’est que la narration de Tacite est objective ; il raconte ou cherche à raconter les choses et leurs causes telles qu’elles furent en effet ; la narration des évangélistes, au contraire, est subjective : ils ne racontent pas les choses, mais le jugement qu’ils ont porté des choses, la façon dont ils les ont appréciées. […] Lui-même se prête complaisamment ou même donne occasion à ces croyances : il reconnaît dans un temple de la Grèce les armes qu’il a portées au siège de Troie. […] Décidés à fermer les yeux aux considérations délicates, à ne tenir compte d’aucune nuance, ils vous portent à la figure leur mot éternel : prouvez que c’est impossible. […] Cette impossibilité d’imposer ses résultats et de réduire au silence ses adversaires, satisfaits de leurs lourds arguments, peut d’abord impatienter le critique et le porter à descendre dans cette grossière arène.
Ces êtres ainsi désignés aux sympathies par le puissant motif de la communauté charnelle, sont affectueux et bons, se tiennent encore par la bienveillance, le cordial attachement qu’ils témoignent, l’amour profond et tenace qu’ils portent au sol où ils sont nés. […] Par une vertu particulière de la race slave, ou par un penchant de l’écrivain, les hommes de Tolstoï sont naturellement bons, portés d’un premier mouvement affectueux vers leurs semblables, disposés d’instinct à la confiance, à la compassion, aptes à sentir, en dépit des hiérarchies et des préjugés sociaux, les penchants secrets de fraternité qui forcent finalement les hommes à agir humainement l’un à l’égard de l’autre. […] Et en effet, le penchant à ne représenter de l’homme que ses tendances morales, le désir de ne susciter l’approbation que pour ces inclinaisons presque futures et d’ériger en héros des personnages qui trouvent aux problèmes de la destinée ces pauvres solutions, portent le romancier russe, en dépit de son réalisme et de l’étendue de son observation, à laisser de singulières lacunes dans sa description de l’humanité. […] Au cours de sa carrière de grand observateur, cet écrivain eut l’infortune de porter un jugement définitif entre les phénomènes et les actes que lui montrait le cours de la vie. […] C’est sans joie, sans le cri de l’enfantement que jaillit son livre, mais lentement et lourdement produit avec la tristesse déçue d’un homme qui aperçoit l’inanité de tout ce que ses fibres le portent à aimer.
Le procès de ces deux hommes, si différens pour le goût, pour le génie & le caractère, fut porté au tribunal du public. […] L’amour propre eut dû le porter à faire mieux encore que son prédécesseur, & à s’épargner une comparaison humiliante. […] L’illustre auteur du Traité de l’amitié porta d’Homère un jugement tel qu’on avoit lieu de l’attendre d’une dame de beaucoup de mérite, & dont les écrits respirent la justesse, la morale & l’agrément. […] L’académie de la Crusca a porté le même jugement dans son Apologie du Rolland furieux de l’Arioste. […] Mais le roman informe alors, a été porté depuis à la plus haute perfection dont il étoit susceptible.
Chacun de ces chars portait la famille d’un des laboureurs des vastes domaines du prince Corsini. […] Une autre circonstance me fit, pour ainsi dire, violence, et triompha de ma répugnance à porter ces lettres et à décliner mon nom au seuil d’un palais. […] Tout à coup le nom d’Aloysia de Stolberg, comtesse d’Albany, me rappela que j’avais dans ma malle une lettre de recommandation pour une dame de ce nom à Florence, lettre que j’avais jusque-là négligé de porter à son adresse. […] Mon costume était aussi restreint que ma finance : je n’avais, en outre de l’habit et du manteau que je portais sur moi, qu’un petit habit neuf précieusement enveloppé d’un linge et réservé pour les grandes occasions. C’était un habit d’été gris bleu, comme on les portait alors, et dont la forme et la couleur me sont restés dans la mémoire, depuis que j’en ai usé tant d’autres, comme un monument de toilette et d’élégance qu’aucun autre n’a jamais égalé à mes yeux.
Ces hommes d’exclusion ressemblent à ces Arabes des frontières de Perse qui étendent des toiles autour des palmiers mâles de leurs tribus, dans le temps de la floraison, pour empêcher le vent du désert d’aller porter les semences de leurs palmiers aux palmiers femelles des tribus voisines. […] Mais le vent finit par passer, malgré les hommes, et par porter la fécondité dans les deux partis. […] voyez même son Machiavel, qui a porté le sentiment du beau jusque dans les crimes de son style ! […] ou porter dans ses mains des urnes pleines des cendres de nos sœurs ? […] Ce crime contre l’amour porta malheur aux autres satires de Boileau.
Dans les jugements assez sévères et dédaigneux que nos historiens du dix-neuvième siècle ont aimé à porter de leurs devanciers, Mézeray a toujours obtenu une exception ; son talent, sa franchise, une certaine naïveté véridique l’ont préservé. […] L’ouvrage, qui portait gravé au frontispice le portrait équestre de Louis XIII avec une inscription des plus magnifiques en l’honneur de ce roi, était dédié à la reine régente. […] Dans le voyage qu’il fit contre les Albigeois, elle l’accompagna jusqu’en Languedoc, et faisait porter sa tente pour camper avec lui, tant elle avait peur de s’en éloigner d’autant de chemin qu’il y avait à la prochaine ville, et que cependant quelque autre ne s’emparât de son esprit, qu’elle voulait posséder et gouverner toute seule : ce qu’elle faisait encore par zèle contre les hérétiques… Le reste du portrait se soutient, et l’auteur achève d’y expliquer l’influence à la fois vertueuse et politique de Blanche, son ascendant dès qu’elle fut entrée dans le Conseil de France.
Cet homme de haute taille, d’une belle et noble physionomie, à l’air martial et intelligent, portait boucles d’oreilles. […] Il dira encore, en faisant la critique de notre manière de traduire les anciens et des jugements qu’on en a portés à l’aveugle : C’est à la source qu’il faut aller. […] elle revenait quelquefois au duc de Marlborough tombé en enfance et jouant avec ses pages ; et un jour qu’un de ses portraits, devant lequel il passa, la lui rendit, il arrosa de pleurs ses mains qu’il porta sur son visage.
Et pour le définir lui-même dès à présent au moyen de La Fontaine et par l’idée qu’il nous en donne, citons ce qu’on lit à la dernière page de l’espèce de registre, assez peu intéressant d’ailleurs, qu’on appelle les Mémoires de Maucroix ; mais ce témoignage si simple et si naturellement rendu a bien du prix : Le 13 avril 1695, mourut à Paris mon très cher et très fidèle ami M. de La Fontaine ; nous avons été amis plus de cinquante ans, et je remercie Dieu d’avoir conduit l’amitié extrême que je lui portais jusques à une si grande vieillesse, sans aucune interruption ni aucun refroidissement, pouvant dire que je l’ai toujours tendrement aimé, et autant le dernier jour que le premier. […] Ses vers portent le cachet de la date à laquelle il quitta Paris. […] Des intérêts sérieux et respectables y étaient pourtant mêlés, et Maucroix, pendant les deux ans qu’il fut en charge (1667-1669), répondit à la confiance de ceux qui l’y avaient porté.
Il est de grandes âmes en naissant, qui, sorties de belles et bonnes races longuement formées à la vertu, et qui, puisant dans cet héritage de famille une ingénuité généreuse, se portent tout d’abord vers le bien de leurs semblables avec tendresse, avec effusion et sacrifice. […] Indépendamment de ses Maximes, on a de lui des Réflexions diverses, qui y tiennent de près, mais qui portent moins sur le fond des sentiments que sur la manière d’être en société. […] Les grands orateurs ont un torrent qu’ils portent aisément dans la conversation ; il est bien d’y faire par instants sentir l’éloquence, mais elle ne doit pas trop dominer.
Il le stimule et cherche à le porter aux études sérieuses, à l’application si nécessaire chez un prince qui peut être appelé à régner. […] Vous et vos enfants en porterez la peine plus que moi. […] Par ceci, vous aurez seul la gloire d’avoir porté le dernier coup à l’obstination autrichienne, et d’avoir jeté les premiers fondements de la félicité publique qui sera une suite de la paix.
quand on vit beaucoup aux champs, qu’on sent si bien cette nature et qu’on la sait si bien peindre, c’est pour l’aimer en général, c’est du moins pour la présenter en beau après surtout qu’on l’a quittée ; on est porté à en faire un cadre de bonheur, de félicité plus ou moins regrettée, parfois idyllique et tout idéale. […] La vertu qui lui manque, c’est de n’avoir pas appris que la première condition pour bien vivre est de savoir porter l’ennui, cette privation confuse, l’absence d’une vie plus agréable et plus conforme à nos goûts ; c’est de ne pas savoir se résigner tout bas sans rien faire paraître, de ne pas se créer à elle-même, soit dans l’amour de son enfant, soit dans une action utile sur ceux qui l’entourent, un emploi de son activité, une attache, un préservatif, un but. […] Les choses ne se passeront pas comme vous êtes portés à l’imaginer : ce petit M.
La nécessité dans laquelle on se trouve chaque jour de porter un jugement sur ce qui a paru de nouveau dans les arts, oblige chaque maison d’avoir un bel esprit, c’est-à-dire un homme qui la fournisse de décisions sur tout ce qui se présentera. […] Portez-vous de l’or chez vous ? […] On croit entendre milord Édouard morigénant un peu fastueusement Saint-Preux ; Il ne laisse pas d’être singulier de voir un historien, et l’historien d’un pays libre, faire fi à ce point de la pratique politique, comme si les anciens qu’il invoque n’avaient pas dû à l’exercice des charges publiques et au maniement des affaires le sens et l’intelligence supérieure qu’ils portaient ensuite dans leurs livres ; comme si Thucydide, Salluste et Cicéron n’avaient fait dans toute leur vie qu’une seule chose, — écrire.
Les autres académiciens, après cette première information, restent bien libres d’intervertir les rangs et de voter à leur gré ; mais, en général, il faut être porté sur la liste pour obtenir les suffrages de la Compagnie. […] C’est ainsi que je m’explique l’espèce d’antipathie qu’avait pour l’Académie française un homme qui eût été bien digne d’en être, celui qui avait présidé à la première organisation de l’Institut en l’an IV, et qui en possédait l’esprit, celui qui le premier porta publiquement la parole en son nom, M. […] Il a pourlui trois générations qui le portent.
Même après tout ce qui a été fait pour porter plus de précision dans cette partie, il reste à faire encore. […] Par exemple, en terminant une Histoire de Port-Royal où le grand Racine aurait rempli toute la place qu’il doit tenir, et où l’on aurait montré l’esprit religieux de cette sainte maison s’exprimant par sa bouche avec un caractère unique de tendresse, de mélodie et de grandeur, dans l’œuvre d’Athalie et surtout dans celle d’Esther on ajouterait quelque chose comme ceci : « Il est un autre Racine que l’on aurait aimé à y joindre, ce Racine fils qui n’a pas été tout à fait sans doute le poète tendre, plaintif, l’élégiaque chrétien, le Cowper janséniste qu’on aurait souhaité à Port-Royal expiré, mais qui en a eu quelques accents ; ce Racine fils qui offre le modèle de la manière la plus honorable de porter un nom illustre quand on est engagé dans la même carrière ; car si le crime d’une mère est un pesant fardeau, la gloire d’un père n’en est pas un moins grand, et Racine fils n’a cessé de le sentir en même temps qu’il a suffi dignement encore à ce rôle difficile. […] Un souverain qui monte sur le trône n’est pas plus jaloux de refondre toute la monnaie de ses prédécesseurs et de la marquer à son effigie, que les critiques nouveaux venus, pour peu qu’ils se sentent de la valeur, ne sont portés en général à casser et à frapper à neuf les jugements littéraires émis par leurs devanciers.
Je me souviens d’avoir lu un discours prononcé ex cathedra à Cambridge (1844), dans lequel l’orateur, s’emparant contre lui de son étendue et de son impartialité même, l’appelait égoïste, faux, méchant, traître, un homme « qui se jouait avec sang-froid de la paix et de la vertu d’autrui, et qui jouissait du haut de sa sérénité de voir les ruines qu’il avait portées dans les cœurs assez simples pour se confier au sien. » Les Pharisiens de tout temps, les hommes de secte et de parti sont bien les mêmes, qu’ils soient de Cambridge, ou de l’ancienne Sorbonne, ou d’un salon à la mode voisin de la sacristie. […] Il le supposait né dans une condition pareille, de parents tailleurs, à Weimar ou à Iéna, soumis à des traverses plus ou moins analogues, et il se demandait « quels fruits aurait portés ce même arbre, croissant dans un tel terrain, dans une autre atmosphère. » Gœthe rendait donc toute justice à l’air vif de Paris. […] « Je cueillis naguère un bouquet dans la prairie, et je le portais en rêvant à la maison, mais la chaleur de ma main avait fait pencher vers la terre toutes les corolles.
Deleyre, dans le feu de la jeunesse, émancipé et venu à Paris, s’était concilié aussitôt des protecteurs et des amis par ses qualités aimables ; Montesquieu, Duclos, Diderot, le duc de Nivernais, lui portèrent intérêt, lui firent ou lui voulurent du bien. […] Nous portons, nous autres, des volcans dans notre âme ; nous sommes lions ou colombes. […] Elle perdra la cruelle habitude de la terreur ; ses enfants, à votre vue, ne courront, plus vers elle comme des colombes effrayées, et vos larmes ne couleront plus en silence pour expier les torts de votre complexion. » L’ayant, un jour, emmené chez lui à Marly, il l’observe et l’étudie sans en avoir l’air et sans lui porter ombrage ; il essaye de lui insinuer sous toutes les formes l’apaisement et la douceur, et plus content il fait part à Mme Deleyre du résultat obtenu : « Si j’en juge bien par les apparences, il me semble que son âme est plus tranquille.
Corneille a été, dans ces dernières années, et il est plus que jamais, en ce moment, l’objet d’une quantité de travaux qui convergent et qui fixeront définitivement la critique et les jugements qu’elle doit porter sur ce père de notre théâtre. […] Il est bon que de tels travaux complets soient faits, une fois pour toutes, par un éditeur qui connaît tous ses devoirs et qui est de force à les porter. […] » aurait demandé malignement la marquise dans le jeu qui se jouait, et chacun de répondre : « Le lierre. » Tous les regards se seraient portés alors sur Mme de Motteville qui avait du lierre dans ses cheveux.
Insuffisants et impuissants aux premiers rôles où le hasard des événements les avait portés, on les retrouve, à peu d’années d’intervalle, aux seconds rangs, devenus de bons, de fermes, d’intègres et infatigables serviteurs du pays. […] La prudence est encore plus nécessaire aux princes qu’aux simples particuliers… » Et il parlait avec sensibilité de la prochaine réunion des États Généraux, exhortant chacun de ceux qui y étalent appelés à faire effort pour le bien dans sa ligne et dans sa mesure, à concourir au règlement de la chose publique, au rétablissement de l’ordre dans les diverses parties de l’administration, « afin de redonner à notre bon roi, disait-il, la tranquillité et le bonheur qu’il a perdus et dont il est si digne. » Celui qui lui aurait prédit alors, et ce jour-là, que trois ans et demi après, nommé membre d’une Convention avec mandat de juger ce même roi, il aurait hâte d’en finir au plus tôt avec lui et de faire le plus sommairement tomber sa tête, — celui qui lui aurait prédit que son premier discours à cette Convention nationale serait non plus pour louer ce bon roi, mais pour célébrer « le bon peuple » qui l’y avait porté et qui venait de lui conférer à ses collègues et à lui une mission terrible, souveraine, une mission de nivellement estimée par lui légitime, irrésistible et régénératrice, l’aurait certainement bien étonné. […] Jean-Bon Saint-André, porté et véritablement bombardé à la Convention par un parti longtemps combattu et qui avait comme enlevé sa nomination de vive force en demandant et en obligeant de faire l’élection à haute voix, y arrivait plein d’idées absolues, de rêves de progrès et d’amélioration immédiate.
Il restait à déterminer vers laquelle des deux puissances devaient se porter nos préférences. » Pour peu que l’on examine et que l’on compare, on verra qu’il n’y avait point à hésiter dans la réponse. […] Le traité de Lunéville ne tarda pas à porter ses fruits. […] La nature du génie de Napoléon qui, essentiellement organisateur et unitaire, représentait la Révolution dans son principe d’égalité et de réformes civiles, mais nullement dans son essor de liberté, le porta à se dessaisir d’une arme terrible, celle de la propagande libérale et républicaine ; et dès lors, les peuples, non appelés par lui à secouer le joug, ne sentirent plus que la honte de la défaite et l’aiguillon de la vengeance.
À la mort du grand ministre et du roi, il y eut un moment bien critique pour Mazarin : désigné au premier rang par eux pour le Conseil, il put se croire plutôt à la veille d’une disgrâce, et il faisait déjà, disait-on, ses préparatifs pour retourner en Italie, lorsque son adresse et son étoile le portèrent tout d’un coup au faîte. […] Quant à l’intérieur de la France, à l’administration et aux finances, il ne paraît y avoir porté aucune vue d’amélioration générale, aucune pensée de bien public ; loin de là, il ne cessa vilainement d’y poursuivre son propre gain et son profit. […] Il était nu dans sa robe de chambre de camelot fourrée de petit-gris, et avait son bonnet de nuit sur la tête ; il me dit : « Donnez-moi la main : je suis bien faible ; je n’en puis plus. — Votre Éminence ferait bien de s’asseoir. » Et je voulus lui porter une chaise. « Non, dit-il, non ; je suis bien aise de me promener, et j’ai affaire dans ma bibliothèque. » Je lui présentai le bras, et il s’appuya dessus.
Son esprit comme son cœur porta toujours l’empreinte de ces deux moments. […] Ces traits sont essentiels pour indiquer les premiers caractères d’un talent qui, dans ses écrits les plus divers, portera l’inspiration de la piété et de la félicité domestique. […] L’auteur reconnaît très bien qu’on ne saurait réduire en art les moyens de former les grands hommes ; mais il croit qu’on pourrait porter très loin l’art de rendre les hommes bons.
Patru, moins véhément que son ami Le Maistre, et dont la voix, le geste et toute l’action portaient moins, se faisait remarquer par une élégance et une correction inaccoutumées alors au barreau47. […] Ce mot, qui portait moins encore sur ces dames que sur M. de Rohan qui les accompagnait, était, de près, beaucoup plus malin d’allusion qu’il ne nous semble. […] Les dernières années de Patru furent marquées par une notoire indigence et par la façon honorable dont il la porta, et elles achèvent l’idée de son caractère mieux que n’aurait fait une fin plus adoucie.
Deux navires danois, c’est-à-dire neutres, qui transportaient des troupes à la solde de l’Angleterre, échouent sur les côtes de Calais ; sur neuf cents hommes d’équipage, les deux tiers périssent à la vue de la population accourue et sans qu’on puisse leur porter secours ; parmi ceux qui se sauvent à la nage et qu’on recueille, on reconnaît des Français émigrés, le duc de Choiseul était du nombre : on les traduit devant une commission militaire ; les naufragés deviennent à l’instant des ennemis. […] Je suis un de ceux de la flotte grecque, je le sais, et je conviens que j’ai porté les armes contre Troie ; pour ma peine, si ce crime à vos yeux est indigne de pardon, jetez-moi dans la mer et replongez-moi dans l’immensité des flots. […] Il n’était pas de ceux qui affectent une parole brève, sentencieuse et courte, et il accusait précisément de cet abus la langue de la fin du xviiie siècle : « Sous, prétexte de dire beaucoup de choses en peu de mots, écrit-il, on a multiplié les verbes, on a diminué les expressions moelleuses et mesurées qui marquaient les nuances. » Me pardonnera-t-on d’entremêler ainsi des remarques de langage à celles qui portent sur les plus grands objets de l’intérêt social ?
De toutes les mouches du xviiie siècle qu’il avait portées, car Μ. […] En d’autres termes, l’auteur des Grandes Dames ne fait pas une fois, dans les livres qui portent ce nom, ce qu’a su faire Stendhal, ce bourgeois enragé de l’être, qui ne connaissait pas le faubourg Saint-Germain et qui a planté si bien une Mathilde de La Môle sur sa base, comme s’il était des salons du faubourg Saint-Germain, et avec le génie qu’on n’a pas au faubourg Saint-Germain. […] Déjà, en 1832, un romancier, oublié maintenant et qui valait mieux que beaucoup de ceux dont on parle, Horace de Vielcastel, impatienté de voir le faubourg Saint-Germain, dont il était, donner sa démission de l’action politique et se refuser à devenir le parti tory de la France, après en avoir été le parti jacobite, voulut nous en faire une forte peinture dans des romans qui portèrent hardiment ce nom.
Ils portent un crêpe à leur chapeau. […] Reconnu presque comme un artiste de génie, dans un pays où le talent, à tort ou à raison, rend imposants ceux qui prêtent le plus au sourire, Michelet a, surtout en ces derniers temps, fidèlement porté à sa boutonnière une fleur de gaieté qu’y plaçaient les autres et qui fleurissait d’un peu de ridicule son talent. Eh bien, cette rose-là, il la portera encore après la publication de son livre !
Pour qu’aucune voix n’ait osé porter ce fait à la connaissance de tous, il a fallu une ignorance et un manque de jugement extraordinaires, dont profita le parti catholique. […] Planant sur la cité, la dominant, et cependant comme porté par elle, le sanctuaire des héros brillerait comme un phare pour soutenir aux heures troubles et grises les volontés faiblissantes. […] En face de cette clarté et de cet horizon, dominant Paris prodigieux et comme porté sur ses vagues, au lieu de ce bloc de pierre, symbole d’ignorance et de servitude, je demande quelque chose de semblable à ce que je viens de dire, quelque majestueux temple laïque où puisse s’étayer notre destin qui chancelle et que nous puissions contempler d’un cœur libre et d’un regard joyeux.
Le cavalier n’a qu’à se laisser porter ; encore a-t-il dû se mettre en selle. […] Elle décroît peu à peu, et finit par se perdre dans la conscience que nous avons de nos mouvements quand nous nous portons bien. […] Notre intelligence et notre langage portent en effet sur des choses ; ils sont moins à leur aise pour représenter des transitions ou des progrès. […] Il n’écrira rien, pour que sa pensée se communique, vivante, à des esprits qui la porteront à d’autres esprits. […] Bref, l’égalité peut porter sur un rapport et devenir une proportion.
Félix Pyat s’est porté pour le vengeur de Chénier : a-t-il lui-même, pour son compte, quelque dent particulière contre Janin qui l’aurait maltraité comme auteur dramatique ?