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1324. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Les créations infinies et de dates immémoriales de Dieu dans les profondeurs sans mesure de ces espaces qu’il remplit de lui seul par ses œuvres ; les firmaments déroulés sous les firmaments ; les étoiles, soleils avancés d’autres cieux, dont on n’aperçoit que les bords, ces caps d’autres continents célestes, éclairés par des phares entrevus à des distances énormes ; cette poussière de globes lumineux ou crépusculaires où se reflétaient de l’un à l’autre les splendeurs empruntées à des soleils ; leurs évolutions dans des orbites tracées par le doigt divin ; leur apparition à l’œil de l’astronomie, comme si le ciel les avait enfantés pendant la nuit et comme s’il y avait aussi là-haut des fécondités de sexes entre les astres et des enfantements de mondes ; leur disparition après des siècles, comme si la mort atteignait également là-haut ; le vide que ces globes disparus comme une lettre de l’alphabet laissent dans la page des cieux ; la vie sous d’autres formes que celles qui nous sont connues, et avec d’autres organes que les nôtres, animant vraisemblablement ces géants de flamme ; l’intelligence et l’amour, apparemment proportionnés à leur masse et à leur importance dans l’espace, leur imprimant sans doute une destination morale en harmonie avec leur nature ; le monde intellectuel aussi intelligible à l’esprit que le monde de la matière est visible aux yeux ; la sainteté de cette âme, parcelle détachée de l’essence divine pour lui renvoyer l’admiration et l’amour de chaque atome créé ; la hiérarchie de ces âmes traversant des régions ténébreuses d’abord, puis les demi-jours, puis les splendeurs, puis les éblouissements des vérités, ces soleils de l’esprit ; ces âmes montant et descendant d’échelons en échelons sans base et sans fin, subissant avec mérite ou avec déchéance des milliers d’épreuves morales dans des pérégrinations de siècles et dans des transformations d’existences sans nombre, enfers, purgatoires, paradis symbolique de la Divine Comédie des terres et des cieux ; Tout cela, dis-je, m’apparut, en une ou deux heures d’hallucination contemplative, avec autant de clarté et de palpabilité qu’il y en avait sur les échelons flamboyants de l’échelle de Jacob dans son rêve, ou qu’il y en eut pour le Dante au jour et à l’heure où, sur un sommet de l’Apennin, il écrivit le premier vers fameux de son œuvre : Nel mezzo del cammin di nostra vita , et où son esprit entra dans la forêt obscure pour en ressortir par la porte lumineuse. […] « Quant à nous, comme Voltaire, nous n’avons trouvé, dans le Dante, qu’un grand inventeur de style, un grand créateur de langue égaré dans une conception ténébreuse, un immense fragment de poète dans un petit nombre de morceaux gravés plutôt qu’écrits avec le ciseau de ce Michel-Ange de la poésie, quelquefois une grossière trivialité qui se dégrade jusqu’au cynisme du mot (le papier français n’en souffrirait pas ici la reproduction et la preuve), une quintessence de théologie scolastique qui s’élève jusqu’à la vaporisation de l’idée ; enfin, pour dire notre sentiment d’un seul mot, un grand homme et un mauvais poème !  […] Or deux langues différentes n’expriment pas le même sens dans les mêmes mots, ni même dans le même nombre de mots. […] Dieu s’est réservé le pouvoir de créer ; mais il a communiqué aux grands hommes ce second trait de sa toute-puissance, de mettre l’unité dans le nombre et l’harmonie dans la confusion. » XXIX Je ne peux quitter ce beau travail d’un esprit aussi philosophique que tolérant sans déplorer la mort précoce qui brisa la plume dans la main de ce jeune disciple du Dante.

1325. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Les maîtres me reçurent des mains de ma mère avec une bonté indulgente qui me prédisposa moi-même au respect ; les écoliers, au lieu d’abuser de leur nombre et de leur supériorité contre les nouveaux venus, m’accueillirent avec toute la prévenance et toute la délicatesse qu’on doit à un hôte étranger et triste de son isolement parmi eux ; ils m’abordèrent timidement et cordialement ; ils m’initièrent doucement aux règles, aux habitudes, aux plaisirs de la maison ; ils semblèrent partager, pour les adoucir, les regrets et les larmes que me coûtait la séparation d’avec ma mère. […] Souvent lorsque des nuits l’ombre, que l’on voit croître, De piliers en piliers s’étend le long du cloître ; Quand, après l’Angélus et le repas du soir, Les lévites épars sur les bancs vont s’asseoir, Et que, chacun cherchant son ami dans le nombre, On épanche son cœur à voix basse et dans l’ombre, Moi, qui n’ai pas encore entre eux trouvé d’ami, Parce qu’un cœur trop plein n’aime rien à demi, Je m’échappe ; et, cherchant ce confident suprême Dont l’amour est toujours égal à ce qu’il aime, Par la porte secrète en son temple introduit, Je répands à ses pieds mon âme dans la nuit. […] Cette belle et pittoresque nature était comme un livre qu’on m’aurait contraint à lire pendant un certain nombre d’heures par jour, en déchiffrant tout seul le sens. […] J’étais du nombre ; mes deux rivaux et mes deux amis, Louis de V. et Aymon de V., se groupèrent avec moi au pied de la chaire.

1326. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Ou si vous l’aimez mieux, imaginez, dans un pais où il y auroit une loi absurde qui défendroit d’écrire sur la finance, au bout d’un pont, un charlatan ayant derrière lui, au bout d’une perche, une pancarte où on liroit, de par le roi et Mr le controlleur général et devant lui une petite table avec des gobelets entre deux flambeaux tandis qu’un grand nombre de spectateurs s’amusent à lui voir faire ses tours, il soufle les bougies, et au même instant tous les spectateurs mettent leurs mains sur leurs poches. […] Si vous pouvez pardonner à cet ouvrage ce petit nombre de défauts, couvrez-le d’or sur la parole de Le Moyne. […] Le meilleur emploi que cet homme pourroit faire de son talent, ce seroit de peindre des têtes en petit nombre, beaucoup de bras, de piés et de mains, pour servir d’études aux élèves. […] Mais quoi, me direz-vous, dans ce grand nombre de tableaux peints par La Grenée, il n’y en a pas un beau.

1327. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Si on nous avait demandé quand on nous a vus monter sur nos grands ou petits vaisseaux, au nombre de quatre-vingts voiles, avec trois mille hommes d’équipage : Que diable allaient-ils faire dans ces galères ? […] Il était d’avis que. dans tous les grands moments de l’histoire qui se prolongent et qui se fixent, « tout tient à un seul homme », ou à un très petit nombre ; les règnes, même les plus durs, lui semblaient offrir plus de chances aux talents et aux grands hommes que l’anarchie : Les Scipions, dit-il, étaient de grands aristocrates ; Périclès était une espèce de roi.

1328. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Je ne sais rien de plus beau ni de plus vrai que le sermon pour le troisième dimanche de carême, qui traite des passions et de leurs suites, de la satiété incurable, de ce vide immense et précoce qui était alors le malheur de quelques-uns, et qu’on a vu depuis la maladie d’un grand nombre. […] Les plus raisonnables, qui ne laissèrent pas de se trouver en nombre, se contentèrent de le plaindre, et on convint enfin assez généralement d’une sorte d’impossibilité de s’en dispenser et de refuser.

1329. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Ce recueil en quatre volumes qui, même depuis sa réimpression, est resté rare, n’était destiné en premier lieu qu’à un petit nombre de lecteurs, et ce fut dans son château, pour plus de sûreté, que M. de Lassay le fit d’abord imprimer. […] Au moment de la première charge, voyant qu’on ne s’ébranlait pas, ils s’arrêtèrent à vingt ou trente pas des escadrons et bataillons allemands, sauf un petit nombre qui poussèrent à fond : Dans ce moment, dit Lassay, nos petites pièces de canon ayant commencé à tirer, et les bataillons à faire un feu prodigieux, on leur vit faire un mouvement quasi pareil à celui que fait le blé qui est agité par le vent ; et ensuite ils tournèrent, mais assez lentement ; toute notre ligne s’ébranla pour les suivre, mais fort lentement aussi, craignant de se rompre… En un mot, toutes les particularités et les circonstances de cette victoire de Gran se comprennent à merveille par le récit de Lassay.

1330. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

La Motte est sceptique ; c’est un esprit froid, fin, sagace, qui pratique la maxime de Fontenelle et se défendrait de l’enthousiasme s’il pouvait en être susceptible ; il n’a rien à faire de son loisir et de son esprit qu’à l’appliquer indifféremment à toutes sortes de sujets auxquels il s’amuse : « Hors quelques vérités, pense-t-il, dont l’évidence frappe également tous les hommes, tout le reste a diverses faces qu’un homme d’esprit sait exposer comme il lui plaît ; et il peut toujours montrer les choses d’un côté favorable au jugement qu’il veut qu’on en porte. » Il se flatte que la dispute présente est du nombre de celles qui se prêtent à plus d’une solution ; il affecte de la considérer comme plus frivole qu’elle n’est, qu’elle ne peut le paraître à ceux en qui la raison se rejoint au sentiment et qui mettent de leur âme dans ces choses de goût. […] Mme Dacier s’est soulagé le cœur par le grand nombre d’injures qu’elle a dites.

1331. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

À la honte du temps, le nombre des admirateurs de Bourdaloue dépassa en peu de temps celui des enthousiastes de Bossuet. […] De ce nombre, je citerai tout un développement moral sur l’inconstance des choses humaines et la bizarrerie de la fortune, qui déjoue à chaque fois toutes les précautions des plus prudents et des plus sages : Si loin que vous puissiez étendre votre prévoyance, jamais vous n’égalerez ses bizarreries : vous penserez vous être muni d’un côté, la disgrâce viendra de l’autre ; vous aurez tout assuré aux environs, l’édifice manquera par le fondement, si le fondement est solide, un coup de foudre viendra d’en haut, qui renversera tout de fond en comble.

1332. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

L’assemblée fut convoquée un matin dans une grande salle du prieuré, au nombre de soixante personnes dont étaient quelques mestres de camp et, parmi eux, d’Aubigné. […] Pour nous, lecteurs d’aujourd’hui, à qui échappent un bon nombre des termes, des qualifications en usage et des métaphores courantes qu’il emploie, autant vaudrait donner dans une forêt de piques que de nous jeter dans ses récits d’Arques ou de Coutras, si on n’avait pas d’autre narration plus distincte pour en prendre idée.

1333. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

J’apprenais la nouvelle de la réunion à tous ceux à qui je pouvais parler, et je me rappelle qu’ayant arrêté à Sèvres, où je vis quelques-uns des soldats qui y étaient de poste et au nombre de ces troupes que l’Assemblée voulait repousser au loin, je leur criai la nouvelle de ma voiture : ces soldats étaient des Suisses, et j’aperçus qu’ils ne comprenaient rien à ce que je leur disais. […] Après le 14 Juillet, il fut au nombre des députés qui se rendirent de Versailles à Paris.

1334. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

C’est un reste d’école chez lui : il ne devine pas assez qu’un moment approche où il y aura accession ouverte et libre de tous les esprits sur quantité de questions, et que le philosophe et le vrai sage sera tenu, dans ses solutions, de compter de plus en plus avec le sentiment de ce grand nombre dont on fait partie soi-même, et avec cette philosophie irréfléchie, mais nécessaire, qui résulte de l’humaine et commune nature. […] Mais cela est bien plus aisé à pratiquer lorsqu’on n’a qu’une élite et un choix d’élèves, comme c’était le cas pour les écoles de Port-Royal, que lorsqu’on en a toute une armée comme dans les collèges ; le très grand nombre permet peu cette coopération de vive voix de tous à leur propre enseignement.

1335. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Dès ce moment, monsieur, je vous mis au nombre de trois ou quatre personnes que j’aime et que j’honore sur tout le reste du monde… De telles paroles s’ajoutent bien au peu que nous en apprend l’histoire, pour laisser en nous l’idée de M. de Puylaurens comme n’étant ni un factieux ni un favori vulgaire. […] Après cela il faut dire de Voiture ce qu’a dit Voltaire : « On a de lui de très jolis vers, mais en petit nombre. » Ces jolis vers, c’est d’abord son fameux sonnet : « Il faut finir mes jours en l’amour d’Uranie… » On y sent une certaine tendresse volupteuse et passagère.

1336. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

  Le xvie  siècle, qui a produit un si grand nombre de bons capitaines et d’écrivains d’épée, a eu comme un dernier rejeton dans le duc de Rohan, qui s’illustra sous ce double aspect durant le premier tiers du siècle suivant. […] Quant à la noblesse et aristocratie de France, il l’estime, et sans assez de raison peut-être, beaucoup plus heureuse que celle d’outre-mer, « tant parce que celle-ci, dit-il, paie taille comme le peuple, qu’aussi pour la rigueur de justice qui est si ordinairement exercée contre eux, qu’il y en a qui tiennent à beaucoup d’honneur, et prennent la grandeur de leurs maisons par le nombre de leurs prédécesseurs qui ont eu la tête tranchée, au lieu que cela est fort rare parmi nous. » Il parle ici en jeune homme et avant Richelieu.

1337. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Si vous me mettez de ce nombre, je puis vous assurer que je vis dans une ignorance profonde des sentiments que vous avez pour moi. […] Nombre de lettres de Frédéric adressées à son frère, à la veille ou au lendemain des batailles acharnées où il risque tout et où, tantôt battu, tantôt battant, sa personne est continuellement enjeu, lettres toutes remplies de recommandations nettes et précises, attestent sa simplicité, sa force d’âme et son souci patriotique de l’État, il met certainement le plus haut prix aux services que le prince Henri ne cesse de rendre, en ces cruelles années, par ses soins et ses bonnes dispositions autant que par sa valeur : « L’Europe, lui dit-il (mai 1759), apprendra à vous connaître non seulement comme un prince aimable, mais encore comme un homme qui sait conduire la guerre et qui doit se faire respecter.

1338. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Son panégyriste Le Beau a raconté comme une gentillesse qu’à une ou deux années de là, lorsqu’il fut nommé à un emploi d’inspecteur des fermes en Provence, il y eut à Marseille une grande attente à la nouvelle que le fils de Racine arrivait ; les dames surtout en espéraient beaucoup : dans leur curiosité, elles se rendirent en nombre dans une maison où il devait passer la soirée ; mais le désappointement fut extrême. […] On a sur ses rayons un petit nombre d’auteurs choisis ; on n’en sort pas, et quand on a fini de l’un, on recommence de l’autre.

1339. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Un bien-être de plus, un mieux-être que la science, la civilisation, une bonne police, un gouvernement attentif et philanthropique, procurent au grand nombre des gens de travail et aux particuliers, est une liberté de plus, et qui, pour ne pas être écrite sur une Charte ou sur un papier, n’en est pas moins pratique, positive et de réelle jouissance. […] A côté de la dignité, n’oublions jamais cet autre sentiment inspirateur, au moins égal en prix, l’humanité, c’est-à-dire le souci de la misère, de la souffrance, de la vie insuffisante et chétive du grand nombre ; revenons en idée au point de départ et aux mille entraves qui arrêtent si souvent à l’entrée du chemin, pour en affranchir peu à peu les autres ; inquiétons-nous de tout ce qu’il y a de précaire dans toutes ces existences qui ne se doutent pas qu’elles s’appellent des destinées.

1340. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Quelquefois, souvent même, des faits inopinés se produisent avec un grand éclat, rapides conquêtes, institutions neuves, États qui s’improvisent ; parmi les spectateurs, le petit nombre s’étonne et s’inquiète : la foule admire, applaudit et s’exclame. […] Le grief trouvé, l’heure était venue, Louvois fit distribuer dans des lieux circonvoisins, et assez peu éloignés les uns des autres, des troupes en nombre considérable qui paraissaient disséminées, mais qui pouvaient se réunir et se concentrer au premier signal.

1341. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

L’auteur eût diminué peut-être le nombre des contradicteurs s’il avait donné au livre son vrai titre : Histoire de la race et de la civilisation anglaises par la littérature. […] Taine, pour toute faveur et après des interventions sans nombre, obtint d’être envoyé à Nevers d’abord, comme suppléant de philosophie, — il y resta quatre mois, — et ensuite à Poitiers, comme suppléant de rhétorique ; il y resta quatre autres mois.

1342. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Auguste Brochet, qui n’est nullement favorable aux néologismes du xvie  siècle, déclare en même temps absurde la tentative qui consisterait aujourd’hui à réduire et à simplifier, en les écrivant, bon nombre des doctes mots introduits alors. […] dans un débat de cet ordre, je suppose qu’un des orateurs contendants, qu’un interlocuteur, apostrophant le rapporteur du budget, lui demande sur quoi il se fonde dans telle ou telle supputation qui aboutit à un nombre de millions ou de milliards : est-ce que le rapporteur parlant du haut de la tribune ne sera pas en droit de dire dans une langue parfaitement congrue et correcte : « Mon argumentation, messieurs, vous me demandez sur quoi elle repose : je la base sur une triple colonne de chiffres, tous exacts et vérifies… etc. » Est-ce que ce mot baser, avec son emphase, sa sonorité même qui remplit la bouche et qui porte jusque sur les derniers bancs de la Chambre, ne sera pas ici le mot oratoire plutôt que le mot plus sourd ou plus faible : je la fonde ou je l’établis ? 

1343. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

. — Puis les Montagnards : ceux-ci violents, exaspérés, partant d’un principe extrême, s’inspirant d’une passion outrée, mais bon nombre également sincères, patriotes, d’une intégrité exemplaire, ne songeant dans l’établissement de leur terrible dictature temporaire qu’à la défense du territoire et au salut de la Révolution : Carnot, Cambon, Robert Lindet, Jean-Bon Saint-André, d’autres moins en vue comme Levasseur, Baudot… Pour les juger avec équité, il faut faire la part du feu, la part de la fièvre, et sacrifier sans doute beaucoup des idées applicables aux temps ordinaires ; mais, historiquement, à leur égard, ce n’est que justice. — Puis, la Terreur passée, il y a eu les hommes fermes, modérés, honorables, qui ont essayé de fonder l’ordre et le régime républicain en dépit des réactions, les hommes de l’an iii, Thibaudeau, Daunou, La Revellière-Lépeaux… — Je compterai ensuite une autre génération d’hommes politiques, ceux de 1797, de la veille de Fructidor, très honnêtes gens d’intention, un peu prématurés d’action et d’initiative, qui voulaient bien peut-être du régime légalement institué, mais qui le voulaient avec une justice de plus en plus étendue et sans les lois d’exception : les Barbé-Marbois, les Portalis, les Camille Jordan. — Enfin il y eut, à la dernière heure du Directoire, les hommes qui en étaient las avec toute la France, qui avaient soif d’en sortir et qui entrèrent avec patriotisme dans la pensée et l’accomplissement du 18 brumaire : Rœderer, Volney, Cabanis… Je crois que je n’ai rien omis, que tous les moments essentiels de la Révolution sont représentés, et que chacun de ces principaux courants d’opinion vient, en effet, livrer à son tour au jugement de l’histoire des chefs de file en renom, des hommes sui generis qui ont le droit d’être jugés selon leurs convictions, selon leur formule, et eu égard aux graves et périlleuses circonstances où ils intervinrent. […] Comme un bon nombre de ses collègues, il arrivait à cette assemblée déjà mûr et tout formé par l’ancien régime pour le nouveau.

1344. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Seulement l’auteur de l’Avenir répudiait dès l’abord un certain nombre d’erreurs violentes contre le régime de liberté, et, en tenant toujours au Clergé un langage d’exhortation, en le provoquant encore à une sainte ligue, il abjurait net toute espérance d’ordre temporel théocratique, dont cette soudaine révolution l’avait désabusé. […] De là nombre de mécomptes et beaucoup de rendez-vous solennels assignés en vain à la société et au genre humain dans chaque conclusion : la société, qui n’avait pas la même heure à son cadran, a fait défaut et n’est pas venue.

1345. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

L’histoire de M. de La Mennais est plus ou moins celle de chacun, de nos jours : ce qu’il résume avec fracas, et non sans grandeur, dans ses vicissitudes étonnantes, est assez bien le type auquel se rapportent nombre de destinées. […] Au nombre des mots que j’appelle discordants, on peut noter cette comparaison avec la poule qui gratte… ceci tient à toute une innovation des plus contestables dans le talent de M. de Lamartine. 

1346. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Attaché de bonne heure à Maret, duc de Bassano, il prêtait sa plume à ce premier commis de l’Empereur, en même temps qu’il amusait le public par ses jolies pièces ; de ce nombre, le petit acte de Brueys et Palaprat, en vers, dénota une intention littéraire assez distinguée (1807). […] On en a retenu et l’on en cite encore quelques-uns dans les Deux Gendres : Ceux qui dînent chez moi ne sont pas mes amis… ; et à propos d’un écrit du gendre philanthrope : Vous y plaignez le sort des nègres de l’Afrique, Et vous ne pouvez pas garder un domestique… On pourrait ainsi en glaner un certain nombre encore dans les Deux Gendres, presque pas un dans l’Intrigante.

1347. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Il y a de ces lois pour les nombres, les figures et les mouvements, pour la révolution des planètes et la chute des corps, pour la propagation de la lumière et le rayonnement de la chaleur, pour les attractions et les répulsions de l’électricité, pour les combinaisons chimiques, pour la naissance, l’équilibre et la dissolution du corps organisé. […] Telle est la fécondité de la race, par suite la multiplication lente ou rapide de la population, et aussi le nombre excessif tantôt des mâles, tantôt des femelles.

1348. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Pour parler, si je puis, avec plus de précision, ces deux mille pages m’ont, suggéré, m’ont fait imaginer un trop grand nombre de perceptions inattendues ; et ces perceptions étaient accompagnées de trop de plaisir et en même temps de trop de peine, de trop de pitié, de trop de désirs indéfinis et irréalisables… Mon âme est comme un instrument qui aurait trop vibré et à qui le prolongement muet des vibrations passées serait douloureux. […] Parce que les intervalles musicaux dont la suite la compose, autrement dit les rapports des nombres de vibrations des corps sonores, sont exprimés par certains chiffres plutôt que par d’autres.

1349. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Durant ce voyage, il écrit à sa belle-sœur Mme de Chaulieu, et lui rend compte des réceptions, des régals, rasades et bombances sans nombre. […] Le nombre des acteurs se montait à dix-sept ou dix-huit, entre lesquels brillaient M. et Mme de Bouillon, et M. de Vendôme, lequel, suivant son train ordinaire, perdit au moins la moitié de l’hôtel de Vendôme.

1350. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Le seul inconvénient de ces premiers volumes de Mélanges, c’est d’être à peu près introuvables pour le vulgaire des lecteurs ; car ils n’ont été tirés qu’à un très petit nombre d’exemplaires, et pour autant de têtes seulement qu’il y avait de membres. […] Il faut en ce siècle faire la part à l’utile, même dans le rare et dans le choisi ; il faut se faire pardonner chaque distinction par quelque titre auprès du grand nombre.

1351. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Comme le petit nombre de médecins consciencieux et sévères, Mallet du Pan est plus hardi à sonder et à décrire le mal qu’à proposer le remède. […] Ceux qui liront ces Mémoires de Mallet du Pan y trouveront nombre de lettres intéressantes qui montrent dans l’intimité, et avec le ton qui est propre à chacun, l’abbé de Pradt, Montlosier, Mounier, Lally, Portalis.

1352. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Cet Éloge, bien étudié et conçu dans un esprit excellent, m’a rendu un bon nombre des particularités que de mon côté j’avais essayé de réunir, et m’en a appris quelques autres que j’ignorais. […] Il ne venait guère au Palais pour y plaider, ni pour y être consulté, sinon sur les difficultés du langage, par un certain nombre d’admirateurs qui se rangeaient à son pilier.

1353. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

que Carrel n’a-t-il fait un plus grand nombre de ces articles comme celui qui lui échappa un jour à propos d’un Album de Charlet (5 février 1831), une jolie, piquante et savante analyse, résumée en quelques lignes ! […] Vous avez fait de moi une espèce de partisan politique et littéraire, faisant la guerre en conscience pour le compte de ses opinions qui se trouvent celles du grand nombre, sans prendre ni recevoir de mot d’ordre d’aucune autorité organisée ; ennemi du pouvoir, sans engagement avec l’opposition légale, ni même avec les affiliations populaires.

1354. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Il suffît que l’ensemble et nombre de parties restent agréables, riantes et vives. […] Cet Être souverain daigne s’abaisser un jour jusqu’à lui et lui dit : Je suis Celui par qui tout est ; sans moi, tu n’existerais point ; je te douai d’un corps sain et robuste, j’y plaçai l’âme la plus active : tu sais avec quelle profusion je versai la sensibilité dans ton cœur, et la gaieté sur ton caractère ; mais, pénétré que je te vois du bonheur de penser, de sentir, tu serais aussi trop heureux si quelques chagrins ne balançaient pas cet état fortuné : ainsi tu vas être accablé sous des calamités sans nombre ; déchiré par mille ennemis, privé de ta liberté, de tes biens ; accusé de rapines, de faux… Et lui, se prosternant devant l’Être des êtres, répond en acceptant toute sa destinée : Être des êtres, je te dois tout, le bonheur d’exister, de penser et de sentir.

1355. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

On ne pouvait supposer que Franklin ne venait pas, avant tout, pour solliciter de tels secours militaires et pour engager des officiers : Ces demandes, écrivait-il, sont mon perpétuel tourment… Pas un jour ne se passe sans que j’aie bon nombre de ces visites de sollicitation, indépendamment des lettres… Vous ne pouvez vous faire idée à quel point je suis harassé. […] Ici seulement on a droit de remarquer que les commissaires américains, au nombre de quatre ou cinq, parmi lesquels était Franklin, brusquèrent leur traité dans les dernières conférences et n’en communiquèrent au ministre français, M. de Vergennes, les articles préliminaires que déjà arrêtés, bien que non ratifiés encore.

1356. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Le projet, pris en main par les Jésuites, groupa de suite un certain nombre d’adhérents. […] Ceux qui, en petit nombre, prirent la parole en ce sens manquaient de perspicacité, et pas un n’attaqua la question de fond, clairement et vigoureusement.

1357. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Serait-ce assez, pour former une armée, de changer en soldats des cadres vides, et d’augmenter à l’infini le nombre de ces soldats ? […] Il y a mille faits semblables, ou plutôt, comme tous les animaux subissent des métamorphoses, il y a un nombre infini de faits semblables.

1358. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Des mouettes en grand nombre nous suivent ; elles rament de leurs longues ailes et poussent leur cri singulier. […] Il y a d’autres tombeaux plus jeunes et en nombre suffisant, certes. […] Nous n’avons point fini : un troisième messager fait monter le nombre des feux aperçus sur la mer de Phalère à vingt-cinq. […] Ils cèdent au nombre. […] Palamas a donné un grand nombre d’ouvrages.

1359. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Philippe Depret avec Mlle Bixio, édition imprimée par Chamerot à petit nombre et non mise en vente. […] Or ils ne se gênaient pas — surtout quand l’assonance ou la rime les y invitait — pour transplanter des arbres d’un pays dans l’autre : c’est ainsi que dans nombre de nos chansons de geste nous voyons des oliviers s’élever en plein nord de la France. […] De ce nombre est aussi l’historiette qui a fourni son thème au poème français qu’on lira plus loin. […] De ce nombre est celui qui nous occupe, qu’il met dans la bouche de Barlaam inculquant au jeune Joasaph la doctrine chrétienne. […] On sait la haine féroce que ce poète bizarre, contemporain et ennemi de Dante, nourrissait contre son père, et qu’il a exprimée dans de nombreux sonnets, qui sont assurément au nombre des productions les plus extraordinaires de la poésie.

1360. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Toute la théorie de l’Art se trouvait ainsi réduite à un certain nombre de règles et de lois, précises comme les articles d’un code, mais insuffisantes pour embrasser la série illimitée des manifestations nécessairement variables de l’émotion créatrice. […] Donc une œuvre d’art, mais d’une humanité si profonde, d’une vérité si parfaite, que des siècles ont pu se nourrir de sa substance et qu’un nombre infini de confessions religieuses ont pu s’échafauder sur les sentiments qu’elle exprimait. […] Consultez n’importe quelle collection de chants populaires, vous verrez comment la Musique jette autour d’elle un nombre infini d’étincelles d’images et d’idées. […] C’est ce qui amena, d’autre part, les poètes à échafauder leur livret de telle sorte qu’un certain nombre de situations y fussent réunies pour permettre au musicien de distribuer dans la pièce un certain nombre de morceaux. […] Ils font place insensiblement à une échelle unique de demi-tons, au nombre de douze dans l’octave, l’échelle chromatique, sans caractère déterminé, mais assurant à celui qui sait s’en servir un nombre infini de nuances insoupçonnées auparavant.

1361. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Il reconnut que l’âme est inséparable d’un certain nombre de lois qui existent en elle, de vérités qui lui sont données par sa propre nature. […] On pourrait soutenir avec une grande probabilité que l’éducation publique est essentiellement la meilleure, mais il est clair du moins qu’elle est nécessaire pour le plus grand nombre. […] La volonté du plus grand nombre souvent ne suffit pas pour le rompre ; le souverain, armé des forces qu’on lui a confiées, la peut tenir longtemps oisive et presque muette. […] Cette époque voit naître des systèmes sans nombre, des hypothèses ingénieuses ; les sciences se construisent d’après un petit nombre de faits ; chacun les soumet à ses propres idées ; chaque jour les voit se détruire et renaître sous une autre forme. […] Pour hâter le moment où l’on pourrait s’occuper de cette création, il fallait réduire le plus possible le nombre des premières notions, et surtout les dégager de toute espèce de couleur particulière.

1362. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

L’amour pose des problèmes sans nombre et que le Moraliste ne saurait, lui, le discuteur de tous les problèmes humains, négliger ou résoudre légèrement. […] Il n’y a qu’un petit nombre de solutions, qu’il est également impossible d’établir et de réfuter, au problème du monde L’hypothèse dualiste est une de ces solutions. […] Ces derniers en arrivent alors à écrire, non plus dans le but de communiquer leurs pensées, mais à la seule fin d’exciter et d’aviver en eux des sensations qu’ils savent inaccessibles au plus grand nombre. […] Mais, pour obéir à un tel programme, il faut que l’écrivain se considère seulement comme un miroir chargé de nous montrer le plus grand nombre d’objets possible, et cela sans les déformer. […] Il évitera la multiplicité des types, parce que la forte vie inférieure suppose que notre sensibilité se concentre sur un très petit nombre d’êtres.

1363. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Je remarque avec plaisir dans celui que je parcours bon nombre de ces petits avis à l’usage des demi-habiles ; je leur en souhaiterais un peu plus encore.

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