C’est donc seulement à orner cet autre monde, — à peu près comme Bossuet prétend que Dieu n’a fait le soleil et tous les astres que pour être l’ornement et la décoration de ce monde-ci, de la Terre et tout bonnement pour récréer les yeux de l’homme ? […] Ce laquais, enfin, gouverne le monde. […] quels pressentiments d’un monde nouveau ! […] Quel monde nouveau pour elle ! […] La musique de Beethoven est tout un monde.
Assise sur un des premiers trônes du monde, que ferait-elle des louanges d’une troupe d’esclaves ? […] Mais quelle était donc cette entreprise qui le faisait courir aux extrémités du monde ? […] Ils croyaient que le monde finissait où finissait leur île, et ils n’imaginaient rien d’aimable où ils n’étaient pas. […] Lorsque Marguerite eut mis Paul au monde, je lui fis présent, dit le vieux colon, leur voisin, d’un coco. […] Cette larme du monde, toujours tiède, ne tarit pas et ne tarira jamais.
MAÎTRE PHANTASM Donc, à ton sens, quoique en disent les théologiens, le monde n’appartient pas au diable ; le monde est à l’homme ? […] Peut-être, en effet, la fin des temps est-elle proche, et allons-nous assister à cet écroulement du vieux monde dont on nous menace. […] Ô Dieu puisant, souverain Maître, disposez de moi, faites de moi, si cela est dans vos desseins, le pontife de la destruction et de la mort du monde ! […] Liberté pour tout le monde ! […] Mais pour les idées — aigles envolés de tous les horizons, — je suis citoyen du monde.
Vous avez aimé les Bourbons quand ils rentraient, très innocents de la campagne d’Espagne, de la déroute de Russie, de l’invasion du monde coalisé en 1814, pour disputer la France au partage de la Pologne ; n’en rougissez pas plus que moi ! […] Laissez cela à notre ancien ami Eugène Sue, qui a étudié les trivialités de la populace toute sa vie pendant que vous étudiiez les mondes dans les étoiles ! […] C’est l’agonie du désespoir sur qui pèse un monde, et à qui un poète sublime a donné une langue semblable à celle de Job lui-même : la langue du grain de sable pensant perdu dans le monceau des hommes, des déserts et des eaux. […] S’il s’agit de Valjean le riche, saint industriel, le monde n’est pas fait ainsi. […] Qu’est-ce que ce forçat et cette grisette à côté de ce pan du monde qui s’écroule ?
On leur présente ainsi comme réel un monde idéal, souvent assez puéril, et passablement contradictoire. Des livres ont été écrits, des traités composés pour célébrer les merveilleuses harmonies de ce monde. […] En présence des contradictions du monde, il réagit différemment avec deux parties distinctes de sa personnalité. […] Ceux-là seront de mon monde, et je les traiterai en conséquence. […] L’acte le plus infime accompli conformément au devoir élevait l’homme au-dessus du monde infini.
Que l’on examine la nature des détails propres à convaincre une personne du monde de la vérité d’un type de gentilhomme, et ceux qu’il faut pour persuader de même dans un feuilleton destiné à des ouvriers. […] Ce milieu restreint touchait à un milieu plus vaste et plus vague au peuple romain ; celui-ci à un autre plus vaste et plus vague encore, le monde romain. […] Le monde romain était sans influence bien marquée jusque-là sur le peuple encore bien latin de la capitale ; ce peuple ne pouvait empêcher l’élite de favoriser les lettres grecques : cette élite devenue ainsi indépendante, exerça une influence marquée, dit-on sur les artistes dépendant de son suffrage. […] Pour un aperçu du jugement porté sur son œuvre par ses contemporains, on peut se reporter notamment à Ferdinand Brunetière (« Octave Feuillet », Revue des Deux Mondes, février 1891), comme à Jules Lemaître (« Octave Feuillet », Les Contemporains, 3e série, 1887). […] Brunetière, dans son compte rendu de La Critique scientifique (Revue des Deux Mondes, juillet-août 1888) ne manquera pas de contester un tel point de vue.
» Donc, un jeune débutant qui, amené par quelque parrain du monde des lettres, arrivait sur le boulevard vers cette année-là, se sentait soudain pris d’une profonde timidité devant tant de sagesse et de hauteur d’esprit ! […] Il n’y avait pas de meilleur garçon au monde ; il avait débuté comme reporter pendant la guerre, et il a fini, je crois, directeur de théâtre. […] Malgré tout, les Grimaces furent un journal gai, et, en parcourant la collection, j’ai été surtout surpris de la prodigieuse irrévérence dont nous faisions preuve vis-à-vis des puissants de ce monde. […] Quelques mois avant ce krack, on spéculait dans tous les mondes parisiens avec une fièvre que je n’ai jamais vue, pas même au temps des mines d’or. […] Je sais bien que c’est une des tendances d’à présent d’envisager sous les plus noires couleurs les vingt-cinq dernières années de notre histoire, et le monde est plein de gens qui ne se consolent pas d’y être nés.
Du reste, cette action lente et intermittente s’accorde parfaitement avec ce que nous apprend la géologie sur le mouvement progressif de transformation des habitants du monde. […] En fin de compte, il y a plusieurs causes très diverses pour que des organismes d’ordres inférieurs existent actuellement en grand nombre dans le monde entier. […] De ce qu’aucun des animaux ou des plantes de l’Égypte dont nous savons quelque chose n’a changé pendant ces derniers trois mille ans, on a voulu inférer qu’aucune autre espèce ne s’était modifiée en d’autres parties du monde. […] Le docteur Hooker a récemment démontré que dans le coin Sud-Est de l’Australie, où récemment de nombreux envahisseurs venus de différents points du monde se sont successivement établis, les espèces indigènes ont été de beaucoup réduites en nombre. […] Mais nous voyons déjà comment elle implique l’extinction successive des espèces, et la géologie nous apprend quel rôle important l’extinction a joué dans l’histoire du monde.
Je vis beaucoup de monde au fond du fossé, huit ou dix personnes et des personnes qui, certes, n’étaient pas de Montrouge. […] Sans doute, il s’aperçut, alors, qu’il y avait du monde en bas, car il n’insista plus. […] que le monde entier acclamait. […] On est là au milieu d’une forteresse élevée contre les embûches du monde. […] Paul et Virginie lui paraissait être le livre le plus dangereux qui fût au monde, pour de jeunes imaginations.
. — Il est moins question dans les toutes dernières lettres que nous avons de lui des deux prédicateurs émules ; la Cour les enlève à la ville ; Versailles et le monde, ce sera peu à peu l’écueil de l’illustre Massillon : « (23 mars 1700). […] Il connaissait trop bien le monde, il y avait trempé malgré lui ; les dames s’en étaient mêlées.
Pitt a compris du premier coup d’œil que Bonarparte avait du gigantesque dans l’ambition, et qu’on ne pouvait s’en remettre à sa modération pour pacifier le monde. […] L'épigramme s’y glisse à côté de l’éloge ; l’éloge y est pour beaucoup de monde, pour M.
Quand naît la littérature française, la société déjà n’est plus homogène : une première séparation y a créé deux mondes distincts, celui des clercs et celui des laïcs. […] La décadence des principes qui avaient fait la force et la grandeur de l’âme féodale, les victoires de l’intérêt sur l’honneur, de la ruse sur la force, de la sagesse pratique sur la folie idéaliste, l’infiltration de la science cléricale dans le monde laïque, moins sévèrement enfermé dans l’abstraction, moins étroitement contenu par l’orthodoxie théologique, l’essor du bon sens bourgeois et de la logique disputeuse, l’éveil de la curiosité, de la critique, du doute, et la diffusion d’un esprit grossièrement négatif et matérialiste, tout cela, dans ce xive et ce XVc siècle qui sont moins le moyen âge que la décomposition du moyen âge, fait naître et fleurir toute sorte de genres, narratifs, didactiques, satiriques, prose ou vers, contes, farces, allégories.
. — Comme les héros des chansons de gestes voyaient le monde divisé en deux camps : les chrétiens, qui sont les bons, et les païens, qui sont les méchants ; ou comme saint Ignace, dans un de ses « exercices », partage l’humanité en deux armées : celle du bien et celle du mal, ou celle des amis des Jésuites et celle de leurs ennemis, ainsi pour l’esprit révolutionnaire la nation se divise exactement en prolétaires et en bourgeois. […] Non, il n’y a aucune raison, en bonne logique, pour que l’État socialiste ou collectiviste sorte de la conception matérialiste du monde : il n’en peut être déduit que par l’optimisme le plus naïf — ou le plus avisé.
Delavigne n’a pas l’audace qu’il faut pour enfourcher l’indocile Hippogriffe ; mais, s’il court moins de risques, il ne voit pas non plus se déployer sous lui, comme une carte immense, la figure du monde et l’infini des horizons ; il ne peut pas, au détour d’un nuage, entrer en conversation avec un ange qui monte, ni passer sa main dans les cheveux d’or des étoiles ; le moindre mur, la plus petite colline bleue suffisent à masquer sa perspective… M. […] Delavigne… Dans le monde des arts, il y a toujours au-dessous de chaque génie un homme de talent qu’on lui préfère ; le génie est inculte, violent, orageux ; il ne cherche qu’à se contenter lui-même et se soucie plus de l’avenir que du présent.
L’ouvrage amusa bien du monde dans le temps par la singularité du sujet, & par celle du génie de l’auteur, l’abbé Boileau. […] Il falloit que l’usage du monde lui fut bien étranger.
qu’il était étonnant d’oser trouver des conformités entre nos jours mortels et l’éternelle existence du Maître du monde ! […] Ceux qui nient les pressentiments, ne connaîtront jamais les routes secrètes par où deux cœurs qui s’aiment communiquent d’un bout du monde à l’autre.
J’aurais bientôt fait la liste des hommes de génie dans les lettres depuis la création du monde, et je n’aurais pas si tôt fait celle, je ne dis pas des actions héroïques, mais des héros dans tous les genres ; cependant quelle multitude d’actions étonnantes que l’histoire n’a point célébrées ! […] Au moment où j’écris, je ne doute point qu’il ne se fasse cent actions fortes sur la surface de la terre ; il s’en fait même dans le fond des forêts habitées par l’homme sauvage ; en aucun lieu du monde, il ne s’écrit peut-être pas une page sublime, sans en excepter nos capitales, le centre des beaux-arts.
Et les catholiques français peuvent justement dire qu’ils se battent pour se soustraire et soustraire le monde au Dieu des Allemands, Dieu tout mêlé d’éléments grossiers et locaux. […] L’idée d’une organisation du travail dans le monde, qui favoriserait les ouvriers français, qui donnerait aux ouvriers des autres nations des contremaîtres et des ingénieurs français, est aussi contraire à la pensée de nos socialistes que le régime capitaliste.
Pas le moins du monde. […] C’est le sujet le plus sérieux du monde. […] Hamlet est surchargé, oui ; il n’est pas incohérent le moins du monde. […] Il avait le plus grand air du monde. […] La beauté régénère et rachète le monde.
— Et quand le monde finira, madame, que deviendrez-vous ? […] Ils échouent l’un et l’autre, et, le dernier jour de l’année, Guerino prend congé, reçoit les vêtements qu’il avait dépouillés à l’arrivée, et rentre dans le monde des humains. […] On y a reconnu l’emblème de l’humanité, marchant toujours jusqu’à la fin du monde ; on s’est surtout cru fondé à y voir l’image du peuple juif, chassé de ses foyers pour avoir méconnu le Christ, errant depuis lors par le monde, et conservant toujours, malgré toutes les persécutions, sa bourse suffisamment garnie. […] On voit qu’en passant de bouche en bouche, ou de livre en livre, dans le monde arabe, le conte indien s’était sensiblement altéré. […] Quant li païsans l’oï, si débat ses poins, et destire ses cheveus et demeine le plus grant duel dou monde.
Puis, tandis que l’on coupait ses cheveux, il éleva les yeux au ciel et dit en soupirant : — Mon Dieu, qu’est-ce que ce monde ? […] Celui qui vient d’elle est inhabile à tout ce qui n’est pas l’œuvre divine, et vient au monde à de rares intervalles, heureusement pour lui, malheureusement pour l’espèce humaine. […] Fuite sublime vers des mondes inconnus, vous devenez l’habitude invincible de son âme ! […] Ce coup de pistolet retentit comme une accusation contre le monde. […] quoi de plus beau dans le monde, ô Kitty Bell !
Les Persans disent, pour exalter sa grandeur: Sefahon nispe gehon 11, c’est-à-dire, Ispahan est la moitié du monde: mot qui fait bien voir qu’ils ne connaissent guère le reste du monde, où il se trouve plus d’une ville de qui cela se pourrait dire avec encore plus de fondement. […] Ce ne sont que jardins embellis de ruisseaux, de bassins d’eau et de volières, avec des pavillons çà et là, ornés et meublés le plus somptueusement du monde. […] L’envie que j’avais d’étudier la langue et les sciences m’avait toujours porté à demeurer à la ville, parmi le monde persan. J’avais logé deux fois chez les Capucins, et deux fois chez les Carmes ; mais, comme j’avais peur de les incommoder, à cause que je voyais trop de monde, je fus contraint de prendre une maison. […] On y voit aussi alors, sur des échafaudages bas et tapissés, au devant de l’entrée des jardins, beaucoup de gens qui prennent du tabac, et beaucoup de beau monde qui va et qui vient à cheval.
J’y allai bien après l’ouverture, c’est-à-dire quand le monde des arts et des lettres était absent, saut exception. […] Notre monde inorganique a toujours son même ciel, son même soleil. […] D’autre part, le monde organique, l’humanité en tête, persiste à fournir les mêmes tempéraments, les mêmes phénomènes de passions et d’intérêts, de vertus et de crimes. […] Il y a eu et il y a de par le monde des centaines de Mme Saccards qui ne deviennent pas nécessairement folles et des Nanas qui terminent très bien leur vie. […] Il y a beaucoup plus de bien en ce monde qu’on ne le pense.
Presque évanouis tous les trois de douleur et de la secousse qui nous avait précipités à terre, nous entendîmes les coups redoublés comme d’un autre monde, et le petit chien Zampogna, qui avait cessé d’aboyer, léchait, tout haletant, le sang rose sur la tempe de sa jeune maîtresse, Fior d’Aliza. […] Le frère Hilario, qui connaissait la malice du monde de la ville, nous a raconté ensuite toute la chose ; mais encore, de quoi pouvions-nous douter ? […] Quant à l’enfant, il continuait à dormir sur le blanc oreiller, pendant que la jeune femme allait raconter comment il était venu au monde, entre deux rosées de sang et de larmes. […] CXXVI Ce fut ainsi jusqu’à l’approche de mes quatorze ans ; jusque-là, ni moi ni lui nous n’avions senti le moindre ombrage l’un de l’autre ; nous nous regardions tant qu’il nous plaisait dans le fond des yeux, sans que le regard de l’un troublât le moins du monde l’œil de l’autre, pas plus que le rayon de midi ne trouble l’eau de la grotte quand il la regarde à travers les feuilles du frêne, et qu’il la transperce jusqu’au fond, sans y voir seulement sombrir autre chose que son image. […] Je me sentis inspirée de tomber à genoux devant elle et de lui jouer un air de montagne, afin de l’attendrir sur mon sort, mais surtout sur celui d’Hyeronimo ; je me dis : Personne ne me voit ni ne m’entend qu’elle, personne ne me donnera un pauvre baïoque ou un pauvre carlin (autre pièce de monnaie populaire dans cette partie de l’Italie) ; ce n’est donc pas pour le monde, c’est bien pour elle toute seule que je vais jouer, elle m’en saura plus gré que si c’était par vanité ou par intérêt ; elle ne pourra pas dire que c’est pour le monde.
Il n’était pas théologien ; ce n’était nullement un esprit supérieur ; on pouvait d’abord le trouver simple, presque commun ; puis on s’étonnait de découvrir sous cette humble apparence la chose du monde la moins commune, l’absolue cordialité, une maternelle condescendance, une charmante bonhomie. […] Ce qu’on aurait pu mettre dans l’autre plateau eût paru léger ; toutes les objections du monde ne l’eussent point fait vaciller. […] Deux mondes inconnus étaient devant moi, la théologie, l’exposé raisonné du dogme chrétien, et la Bible, censée le dépôt et la source de ce dogme. […] Le monde scientifique s’ouvrait devant moi ; je voyais que ce qui en apparence ne devait intéresser que les prêtres pouvait aussi intéresser les laïques. […] Mon directeur, qui, avec les meilleures intentions du monde, me conseillait mal, n’était plus auprès de moi.
Toutes les fables éparses du monde hellénique viennent, d’Argos ou de Thèbes, de Delphes ou de Corinthe, se transfigurer sous le ciel d’Athènes, et s’élever à la vie de l’art. […] Le monde finit à ses hautes murailles où les archers veillent sur les plates-formes. […] » — « Si vous ne portez jamais les armes dans le pays des Hellènes, car la terre même combat pour eux. » — C’est le vaincu de Marathon qui parle, et c’est aussi le monde infernal dont il rapporte l’oracle. […] Même dans ce temps de calamité, donnez chaque jour votre âme à la joie, car les richesses sont inutiles aux morts. » Le monde poétique n’a pas de plus grande apparition que celle du Darius d’Eschyle. […] On le voyait, alors, parmi les rayons et les foudres, sur le point culminant du monde : le voici qui remonte meurtri, d’un abîme d’où sortent les râles d’une armée broyée.
Vous croiriez que j’en ai beaucoup, car je suis sans cesse dans les plus aimables et les plus brillantes sociétés du monde ; eh bien ! […] Voyez donc comme les choses de ce monde ne sont terribles ou séduisantes que de loin. […] Je serai plus heureux dans ce nouveau monde. […] Enfin, mon cher ami, me voilà dans l’autre monde. […] La frégate du Roi, La Boudeuse, commandée par M. de Bougainville, en faisant le tour du monde, vient de passer à l’île de France, d’où elle part incessamment pour la France où elle sera rendue dans trois mois et demi d’ici.
C’est en France surtout, chez ce peuple le plus spirituel et le plus intelligent de l’Europe, que la haute poésie est peut-être le moins goûtée par ce qu’on appelle le monde. […] Mais, ainsi que nous l’avons déjà montré, la France n’a plus besoin d’aller chercher des exemples hors de chez elle ; ses jeunes poètes, nourris des souvenirs de son passé, enrichis des trésors littéraires de ses voisins, et tout palpitants encore des événements extraordinaires qui ont remué le monde autour d’eux, ne se laisseront point intimider par tant d’obstacles, et la monarchie constitutionnelle aura son beau siècle comme la monarchie absolue. […] Songez que vous parlez à ce peuple français, le premier peuple du monde, parce qu’il est le plus chevaleresque et en même temps le plus philosophique ; à ce peuple changeant il est vrai, parce qu’il est étonnamment impressible, mais qui sait souffrir et mourir pour une doctrine, qui fait la guerre pour le triomphe d’une idée, et dont les fureurs même ont été commises au nom d’un principe. […] C’est faire injure à Molière que de le nommer le premier poète comique du monde ; on doit dire : le seul, tant il est au-dessus de tous. […] Lemercier est un poème non-seulement très intéressant et très philosophique, mais encore plein de beautés de style ; nous dirons avec beaucoup plus de monde, que l’Académie française a oublié M.
Mais tel qu’il est, du reste, ce petit livre inachevé de Balzac est une véritable fortune pour tous les esprits — littéraires ou du monde — qui recherchent cette espèce de littérature dans laquelle on retrouve, sous des formes piquantes, les raffinements des excessives civilisations. […] Gargantua, Pantagruel, Jehan des Entommeures, Bridoie, Panurge, ressemblent aux créations d’un monde antédiluvien, mais vivant d’une vie immortelle, ce qui les rend supérieurs aux fossiles rongés de Cuvier. […] Nous savons que tous ces capuchons étaient le génie, la vertu et la civilisation du monde ! […] Cependant Homère est un grand, c’est-à-dire un poète qui n’appartenait pas à cette ère du monde où la bonhomie pût être développée dans l’esprit ou dans l’âme humaine, car elle correspond à la vieillesse de l’humanité. […] Je le souhaite vivement pour eux, pour nous, pour le monde entier, parce que le monde entier doit bénéficier de tout Balzac.
Hors de là, dans le monde, quand il y allait par rencontre ; à Bâville, quand il y passait quelques jours ; à la maison professe des Jésuites rue Saint-Antoine où il vivait, c’était un homme « d’un esprit charmant et d’une facilité fort aimable », d’une rare bonté et d’un parfait agrément dans le commerce ; très gai, et se plaisant avant tout à une amitié sans contrainte. […] Dix-huit années d’études, d’exercice continuel, de préparation laborieuse, voilà ce qu’il y a au fond de cette éloquence si forte et si pleine, et ce qui plus tard, l’expérience du monde s’y joignant, l’a composée et nourrie. […] La foi avec tous ses motifs n’y ferait plus rien : dégagés que nous serions de ce souvenir de la mort, qui, comme un maître sévère, nous retient dans l’ordre, nous nous ferions un point de sagesse de vivre au gré de nos désirs, nous compterions pour réel et pour vrai tout ce que le monde a de faux et de brillant ; et notre raison, prenant parti contre nous-même, commencerait à s’accorder et à être d’intelligence avec la passion. […] Soit inspiration ou transport de zèle, élevé au-dessus de moi, je m’étais promis, Seigneur, ou plutôt je m’étais assuré de vous, que vous ne laisseriez pas ce grand homme, avec un cœur aussi droit que celui que je lui connaissais, dans la voie de la perdition et de la corruption du monde.
Il y mêla et y fit entrer avec adresse quelques parties plus gaies et d’une satire assez amusante, qu’il tâcha d’accommoder au goût du monde. […] Il avait voulu être utile et plaire en même temps pour mieux insinuer au monde sa morale et ses conseils : il n’avait réussi qu’à demi ; il se dit qu’une autre fois il réussirait mieux peut-être. […] Mais voilà qu’un acteur célèbre, Henderson, l’héritier de Garrick, qui faisait des lectures publiques pour le grand monde, ayant eu un numéro du journal où était John Gilpin, s’avisa d’en faire une récitation comique dans une de ses séances. […] Cowper, ce poète moraliste et austère qui avait visé à réformer le monde, se trouva subitement à la mode et dans la faveur des salons pour une boutade qui, sauf plus d’innocence et une chasteté parfaite, aurait pu être aussi bien une des drôleries plaisantes et comme qui dirait un Cadet Buteux ou Monsieur et Madame Denis de Désaugiers.
Il faut se donner le plus d’occupation que l’on peut pour se rendre la vie supportable dans ce monde. […] Jeunes, les gens de lettres sont éloignés du monde, dont le commerce modéré, recherché sans avilissement d’un côté, accordé sans orgueil de l’autre, servirait infiniment à les former : dans un âge plus avancé ils y sont portés, fêtés, absorbés, de manière qu’il ne leur reste plus de temps pour l’étude ou le travail. […] Les hommes de lettres doivent veiller à leurs propos, à leurs pensées publiques, car ils ne peuvent donner au monde que cela. […] Ce que je dois à ma religion, à ma patrie, à l’Académie française, à l’honneur que j’ai d’être un ancien officier de la Maison du roi, et surtout à la vérité, me force de vous écrire ainsi… Voltaire, absent de Paris depuis des années, et qui depuis sa première jeunesse n’y avait jamais, à l’en croire, demeuré deux ans de suite, avait contre ce monde parisien dont il était l’idole une prévention invétérée : « L’Europe me suffit, disait-il un peu impertinemment ; je ne me soucie guère du tripot de Paris, attendu que ce tripot est souvent conduit par l’envie, par la cabale, par le mauvais goût et par mille petits intérêts qui s’opposent toujours à l’intérêt commun. » Il croyait sincèrement à la décadence des lettres, et il le dit en vingt endroits avec une amère énergie : « La littérature n’est à présent (mars 1760) qu’une espèce de brigandage.
Montaigne fait causer son monde, et il tire de chacun les particularités les plus marquées : ainsi cet homme qui le sert, cette espèce de sommelier, et qui est, sous son air de domestique, une manière de seigneur, lui dit entre autres choses qu’ils ne se font nulle difficulté ni scrupule de religion de servir le roi contre les huguenots mêmes, tout huguenots qu’ils sont. […] Il commence par comparer Rome, la neuve, celle du beau monde, avec Paris qu’il aimait beaucoup ; mais il n’insiste pas sur cette comparaison, et il remet et laisse bientôt Rome à son rang unique. […] Le monde, ennemi de sa longue domination, avait premièrement brisé et fracassé toutes les pièces de ce corps admirable, et parce qu’encore tout mort, renversé et défiguré, il lui faisait horreur, il en avait enseveli la ruine même. Que ces petites montres de sa ruine qui paraissent encore au-dessus de la bière, c’était la Fortune qui les avait conservées pour le témoignage de cette grandeur infinie que tant de siècles, tant de feux, la conjuration du monde réitérée à tant de fois à sa ruine, n’avaient pu universellement éteindre.
A défaut de l’élégance et de la distinction de la forme, il a le fond, la connaissance et l’amour de son sujet, de son monde, le sentiment des parties touchantes que ce petit monde populaire ou bourgeois peut receler sous son enveloppe vulgaire ; suivez-le, ayez patience, et vous serez souvent étonné de vous sentir ému là où vous aviez commencé par être un peu heurté ou rebuté. […] Je sais bien que l’emphase espagnole régnait au théâtre et parmi tout un monde de beaux esprits ; mais la veine française directe se maintenait distincte. […] Tout ce monde honnête, à physionomies expressives et naïves, n’a qu’un défaut, qu’on lui pardonne aisément ; c’est d’être tourné vers le spectateur.
Vous voulez dire que M. de La Rochefoucauld était gêné, incommodé dans ses affaires, et vous dites : « La question financière gênait cependant toujours le duc de La Rochefoucauld. » Mais c’est ainsi qu’on qualifie, en effet, la question d’argent entre camarades, dans un monde à la Murger. […] Tout ce monde-là parlait d’origine la même langue, et la parlait comme sienne, chacun avec sa légère différence d’accent, et sans en demander la permission au voisin. […] L’auteur s’amusait à faire dire à tout ce beau monde élégant : « Se peut-il qu’on croie le cœur humain si corrompu ? […] Cousin, Livet, Amédée Roux, etc., etc., faire à son tour une histoire du monde poli d’alors.
Il ne ferait pas de cas d’un peintre qui se contenterait de prendre, fût-ce le plus dextrement du monde, la ressemblance exacte des choses, et de la jeter sur la toile, telle quelle, avec une couleur congrue et suffisante : il veut que l’artiste ait en lui un monde en petit ou en grand, une sorte de glace magique où tout se réfléchisse, se transforme et ressorte ensuite, quand on l’y considère, avec une harmonie nouvelle qui constitue proprement la création et l’originalité. […] Diaz, dit-il, vit dans un petit monde enchanté où les couleurs s’irisent, où les rayons lumineux traversent des feuillages de soie, où les objets sont baignés d’une atmosphère d’or ; le ciel ressemble à l’or bleu du col des paons, les gazons se mordorent, la terre scintille comme un écrin, les étoffes miroitent ou s’effrangent en fanfreluches étincelantes, etc., etc. » Il vous montre, en un mot, Diaz tel qu’il était en cette première manière ; à force d’être exact, il le contrefait et le grime : voyez, jugez ensuite ! […] Cet air de parfaite insensibilité (vous le savez mieux que moi) ne provient souvent que d’une pudeur extrême de la sensibilité la plus tendre, qui rougirait de se laisser soupçonner aux yeux du monde et des indifférents.
Dans la préface de ses Nouvelles, supposant qu’un de ses amis aurait bien pu faire graver son portrait pour le placer en tête du livre, il donne de lui-même, et de ce portrait absent, la description suivante, quand il avait soixante-six ans (1613) : « Celui que vous voyez ici à la mine d’aigle, les cheveux châtains, le front uni et ouvert, les yeux gais, le nez courbé, quoique bien proportionné, la barbe d’argent (il n’y a pas vingt ans qu’elle était d’or), la moustache grande, la bouche petite, les dents pas plus qu’il n’en faut, puisqu’il n’en a que six, et celles-ci en mauvais état et encore plus mal placées, puisqu’elles ne correspondent pas les unes aux autres ; la taille entre les deux, ni grande ni petite, le teint vif, plutôt blanc que brun ; un peu haut des épaules sans en être plus léger des pieds ; celui-là, je dis que c’est l’auteur de la Galatée, de Don Quichotte de la Manche, le même qui a fait le Voyage du Parnasse et d’autres ouvrages qui courent le monde de çà de là, peut-être sans le nom de leur maître. […] Je m’en vais tout doucement, mon pouls me le dit : s’il faut l’en croire, c’est dimanche que je quitterai ce monde. […] » Sur quoi un autre de ces gentilshommes répliqua : « Si c’est la nécessité qui l’oblige à écrire, Dieu veuille qu’il n’ait jamais l’abondance, afin que par ses œuvres, tout en restant pauvre, il enrichisse le monde entier ! » Ce gentilhomme si bel esprit, et qui en parlait si à son aise, raisonnait en cela comme Cervantes lui-même, lequel fait dire à l’un de ses personnages au moment où l’on apprend que Don Quichotte est sur la voie de la guérison : « Ô seigneur, Dieu vous pardonne le tort que vous avez fait au monde entier, en voulant rendre à la raison le fou le plus divertissant qui existe !
C’est le joyeux forestier en révolte et le roi des braconniers Robin Hood, le vaillant compère, qui n’est jamais plus en gaieté, ni plus d’humeur à jouer de l’épée ou du bâton que quand le taillis est brillant et que l’herbe est haute : « Robin Hood, c’est le héros national ; saxon d’abord et armé en guerre contre les gens de loi, « contre les évêques et archevêques » ;… généreux de plus, et donnant à un pauvre chevalier ruiné des habits, un cheval et de l’argent pour racheter sa terre engagée à un abbé rapace ; compatissant d’ailleurs et bon envers le pauvre monde, recommandant à ses gens de ne pas faire de mal aux yeomen ni aux laboureurs ; mais par-dessus tout hasardeux, hardi, fier, allant tirer de l’arc sous les yeux du shérif et à sa barbe, et prompt, aux coups, soit pour les embourser, soit pour les rendre. » Partout, d’un bout à l’autre, dans tout ce livre de M. […] Il a porté le défi au monde, non seulement comme régicide, mais comme Anglais. […] Oui, il était attentif à tout, même dans la conversation ; oui, quand une pensée, une expression heureuse, délicate ou vive, passait devant lui ou lui venait à l’esprit, il était empressé à la recueillir : toujours inquiet du mieux et de l’excellent, il l’amassait goutte à goutte et n’en laissait volontairement distraire aucune parcelle ; il s’y consumait, il se relevait la nuit quand il le fallait, et, comme il ne pouvait se servir seul, il faisait relever son monde, même en hiver, pour écrire une pensée qu’il craignait de perdre, et qui lui aurait échappé au réveil ; car plus d’une de nos pensées, et des meilleures, sont souvent noyées et englouties à jamais entre deux sommeils, comme les Égyptiens dans la mer Rouge. […] Car il habitait dans son œuvre comme dans un antre de Vulcain, où il forgeait et frappait à coups redoublés sur l’enclume ; et, durant tout ce temps-là, le monde extérieur n’existait pas pour lui.
Ce sont ces caractères qui donnent une si haute valeur aux jours les plus abominables de l’histoire du monde. » Gœthe (Annales, 1820). […] franchement, si ami que je sois de la réalité, je regrette que Mme Roland n’ait pas obéi jusqu’à la fin au sentiment de répulsion instinctive qui lui avait fait ensevelir en elle ce triste détail, et qu’elle ait cru devoir consigner si au long un incident plus que désagréable ; pour l’excuser, pour m’expliquer cette franchise que personne au monde ne lui demandait à ce degré, j’ai besoin de me représenter l’autorité suprême et l’ascendant prestigieux que l’exemple de Rousseau avait pris sur elle et sur les personnes de sa génération. […] Et puis Mme de Staël savait la vie, le grand monde, les vraies fautes, et par cela même était plus contenue et plus chaste en paroles. […] En sortant de mon lit, je m’occupe de mon enfant et de mon mari ; je fais lire l’un, je donne à déjeuner à tous deux, puis je les laisse ensemble au Cabinet, ou seulement la petite avec la bonne quand le papa est absent, et je vais examiner les affaires de ménage, de la cave au grenier ; les fruits, le vin, le linge et autres détails fournissent chaque jour à quelque sollicitude ; s’il me reste du temps avant le dîner (et notez qu’on dîne à midi, et qu’il faut être alors un peu débarbouillée, parce qu’on est exposé à avoir du monde que la maman aime à inviter), je le passe au cabinet, aux travaux que j’ai toujours partagés avec mon bon ami.
La Bruyère, dans le monde et à la Cour des Condés, n’était point sans avoir, avec tout son esprit, des défauts qui sautaient aux yeux. […] Valincour, homme du monde, écrivain amateur, esprit délicat, ne mérite en rien ces sévérités de M. […] « Quant à l’affaire de l’Académie française, je ne saurais le moins du monde admettre avec vous que La Bruyère, dans sa lettre à Bussy, ait manqué de tact : il a été modeste, trois fois modeste comme tous les candidats. […] Voici le portrait que trace de M. de Valincour Saint-Simon qui, d’ordinaire, ne flatte guère son monde : « C’était un homme d’infiniment d’esprit, et qui savait extraordinairement ; d’ailleurs, un répertoire d’anecdotes de Cour où il avait passé sa vie dans l’intrinsèque, et parmi la compagnie la plus illustre et la plus choisie ; solidement vertueux et modeste, toujours dans sa place, et jamais gâté par les confiances les plus importantes et les plus flatteuses : d’ailleurs très-difficile à se montrer, hors avec ses amis particuliers, et peu à peu, très-longtemps, devenu grand homme de bien.