/ 2910
1681. (1927) André Gide pp. 8-126

Ses livres ne sont que des confidences, où il a exprimé par une sorte de besoin personnel un moment de sa pensée, et qui par la suite ne lui paraissent pas plus importantes que les paperasses jaunies ou les fleurs fanées. […] Et il n’y a peut-être en ces matières que des impressions personnelles, variables même selon le moment et le contexte. […] Mais voici le point qui frappe le plus et fait en ce moment l’objet de nombreuses conversations. […] Tel régime vaut mieux pour tel peuple, à tel moment ; tel autre pour tel autre peuple, ou pour le même dans une autre période de son histoire. […] Je ne saurais guère rien dire qui ne me paraisse faux un moment après. » C’est peut-être qu’il avait parlé à la légère.

1682. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Dès ce moment on a marché vers une diminution de la personnalité et du mérite. […] Il stimule un moment le talent, mais il l’épuise vite et finit par ne plus nourrir son homme. […] Le temps rétablira les titres que les préjugés du moment voudraient contester. […] Ce fut un des meilleurs moments de sa vie littéraire. […] Est-il vrai que l’on cesse d’être littéraire, du moment que l’on veut être moral ?

1683. (1921) Esquisses critiques. Première série

Dans les scènes les plus violentes, ils échangent des épigrammes, et ne peuvent se retenir, au moment qu’on voudrait les voir émus, de forger encore des néologismes. […] C’est par eux qu’il a charmé le public indocile, et s’il a déplu, dans quelques autres moments, c’est encore par des défauts de poète ou par des fautes poétiques. […] Cependant, certains de ses défauts que nous allons maintenant mettre en lumière existaient chez lui dès ce premier moment. […] Bref, à un certain moment que l’on pourrait faire coïncider avec la composition des Confessions d’un Enfant d’hier, M.  […] Comment écrivaient à ce moment les meilleurs d’entre les jeunes gens ?

1684. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Nul, plus que lui, ne semble préoccupé de l’attitude, comme hiératique, de ses personnages ; aux plus beaux moments de son œuvre, son vers a la sublimité d’un geste de héros ou de dieu. […] Mais Lord Byron, précisément parce qu’il était un moment, et non une éternité, fut reçu chez nous comme un hôte bizarre et célèbre à qui ou fait honneur. […] en aucune façon ; à n’importe quel moment d’une évolution intellectuelle commune, la suprématie, par une juste illusion, en semble devenir le commencement. […] Il parut, tout débordant d’illusions généreuses, en un morne moment. […] En un mot, il admettait le moment, ne rougissait pas d’être un homme, en attendant mieux.

1685. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

À ce moment, que la partie fût achevée ou non, il se levait et sortait sans mot dire. […] Cela est par moments plein de drôlerie, et Charlotte y paraît fort crâne. […] C’est ainsi que le dessinait Célestin Nanteuil dans ses meilleurs moments, un vrai cou romantique ! […] C’est en ce moment que la maison s’écroula sur elle. […] Et il ajoutait que la maladie grave et douloureuse, qui le retenait au lit en ce moment, lui interdisait tout travail.

1686. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVI » pp. 215-217

Cousin, dans ce dernier moment, a été éblouissant de verve et de liberté de paroles, il a captivé la Chambre, mais ne l’a pas convaincue.

1687. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IX. Du rapport des mots et des choses. — Ses conséquences pour l’invention »

Quand nous lisons, et même quand nous pensons, nous n’apercevons pas sous chaque mot l’image correspondante : le mot est seul dans notre esprit, notation sèche, algébrique, et qui nous suffit parce qu’elle est familière et connue, et que nous nous sentons le pouvoir de la remplacer à chaque moment par l’image.

1688. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XII. Dernière et nécessaire opération, qui consiste à corriger ce que l’on a écrit »

Quand la prévention qu’on ne saurait manquer d’avoir pour ce qu’on fait, au moment où on le fait, est passée, quand la joie de produire, qui aveugle si facilement l’amour-propre, est apaisée, et qu’on peut regarder son travail avec le même détachement qu’on ferait celui d’un étranger, alors on peut se faire avec fruit le critique de soi-même : le moment est venu de corriger son œuvre.

1689. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bertrand, Aloysius (1807-1841) »

Par malheur, Bertrand ne composa pas en ce moment assez de vers de la même couleur et de la même saison pour les réunir en volume ; mécontent de lui et difficile, il retouchait perpétuellement ceux de la veille ; il se créait plus d’entraves peut-être que la poésie rimée n’en peut supporter.

1690. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Valère (1867-1950) »

Marc Legrand « Lorsque nous contemplons l’antiquité avec le désir sincère de la prendre pour modèle, il nous semble que, dès ce moment seulement, nous comprenons notre dignité. » Ce mot de Goethe se vérifie à lire le recueil que M. 

1691. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Redonnel, Paul (1860-1935) »

Je salue en deux sortes de poèmes une sincérité égale : dans les uns, le poète, ému de sa merveilleuse diversité, exprime avec fougue ou en souriant chacun de ses aspects, chacun de ses moments, se réjouissant surtout à ce qu’il y a d’extrême en lui.

1692. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soumet, Alexandre (1788-1845) »

. — Les derniers moments de Bayard (1815). — Oraison funèbre de Louis XVI (1817). — Cléopâtre, tragédie (1824). — Jeanne d’Arc (1825). — Pharamond, opéra (1825)

1693. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villehervé, Robert de la = Le Minihy de La Villehervé, Robert (1849-1919) »

Par moments encore, mais moins fréquente, apparaît la manière de Baudelaire.

1694. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

Que pouvoit-il se proposer dans un pareil Libelle, d’autant plus odieux, qu’il parut au moment que la Nation étoit occupée à élever un Monument à la gloire de ce célebre Tragique ?

1695. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 472-474

« Les derniers des hommes, M. de Voltaire, sont ceux qui sont les plus dangereux, & les plus dangereux sont ces Ecrivains dont la plume s’efforce de renverser tout à la fois l’ordre de la Religion & celui de la Société ; ces Ecrivains, qui dégradent les Lettres par l’injustice de leur haine, l’amertume de leur style, la licence de leurs déclamations, l’atrocité de leurs calomnies, le renversement de toutes les bienseances ; ces Ecrivains, qui amusent, par leurs bons mots & leurs sarcasmes, la multitude ignorante & légere, & qui osent ridiculiser le mérite & l’honnêteté ; ces Ecrivains, qui veulent être plaisans aux dépens de ce qu’il y a de plus sacré & de plus respectable, qui veulent être crus en dépit du jugement & de la raison, qui veulent être estimés malgré la justice & le bon goût ; ces Ecrivains enfin, que le délire encense, & qui, noircis par la fumée de l’encens même qu’ils ont reçu, sont mis ensuite au rebut, comme ces fausses Divinités que la superstition la plus grossiere ne peut adorer qu’un moment. » GUYS, [Jean-Baptiste] de l’Académie de Caen, né à Marseille en 17..

1696. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 453-456

Du moment que la fiere Parque Nous a fait entrer dans la barque Où l’on ne reçoit point les corps, Et la Gloire & la Renommée Ne sont que songe & que fumée, Et ne vont point jusques aux Morts ; Au delà des bords du Cocyte, Il n’est plus parlé de mérite, Ni de vaillance, ni de sang ; L’ombre d’Achille ou de Thersite, La plus grande & la plus petite Vont toutes en un même rang.

1697. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Chants du crépuscule » (1835) »

De là, dans ce livre, ces cris d’espoir mêlés d’hésitation, ces chants d’amour coupés de plaintes, cette sérénité pénétrée de tristesse, ces abattements qui se réjouissent tout à coup, ces défaillances relevées soudain, cette tranquillité qui souffre, ces troubles intérieurs qui remuent à peine la surface du vers au dehors, ces tumultes politiques contemplés avec calme, ces retours religieux de la place publique à la famille, cette crainte que tout n’aille s’obscurcissant, et par moments cette foi joyeuse et bruyante à l’épanouissement possible de l’humanité.

1698. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Chardin » pp. 128-129

Chardin et Vernet voient leurs ouvrages à douze ans du moment où ils peignent, et ceux qui les jugent ont aussi peu de raison que ces jeunes artistes qui s’en vont copier servilement à Rome des tableaux faits il y a cent cinquante ans ; ne soupçonnant pas l’altération que le temps a faite à la couleur, ils ne soupçonnent pas davantage qu’ils ne verraient pas les morceaux des Carraches tels qu’ils les ont sous les yeux, s’ils avaient été sur le chevalet des Carraches tels qu’ils les voient.

1699. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Ceux qui les ont soutenues à leur moment, et qui ont dû prendre sur eux-mêmes pour cela, ont eu sans cesse à combattre au-dehors : il n’est pas étonnant que tant de colères et de passions se soient dépensées dans la lutte. […] Mais quand le roi fut mort et qu’on fut sous la bonne régente, la Faculté jugea que le moment était venu d’avoir raison du Gazetier que Richelieu n’était plus là pour protéger. […] Son humeur, ses rancunes, ses préventions, ses préjugés de corps, de classe, de pays et de quartier viennent à tout moment interrompre ses parties saines et bigarrer, en quelque sorte, ses fortes et brusques qualités.

1700. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Évidemment Mayenne manqua les moments décisifs. […] Un parti puissant dans Paris était vendu et à la solde de Philippe II, à l’aumône du vieillard de l’Escurial qui disait déjà : « J’ai commandé au duc de Parme de venir secourir ma ville de Paris. » Ce fut le moment du grand péril pour Henri IV (1591) et pour la cause française, dont il était le bras et l’âme. […] Noblesse généreuse et brave, bien française, et qui a su accepter depuis et pratiquer l’égalité sur tous les champs de bataille ; mais si quelques descendants de cet ordre, qui était le préféré du prince dans l’État, pouvaient, dans des considérations rétrospectives, regretter la forme intérieure de monarchie qui parut possible un moment sous Henri IV, ils ne feraient qu’obéir à des instincts ou à des intérêts particuliers de race : les fils du peuple, les enfants du tiers état, arrivés à la vraie égalité, et qui n’ont pas perdu pour attendre, n’ont rien à y voir ; ce sont vœux et utopies en arrière38.

1701. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Aucune faiblesse ni enfanterie n’a paru dans aucune de ses actions, mais une fermeté noble et tranquille a accompagné toutes ses actions : et certes il y a des moments où il faut toute l’assurance d’une personne formée pour soutenir avec dignité ce rôle. […] Je lui dis, en l’approchant, que le roi m’avait ordonné de m’approcher d’elle pour rassurer sa contenance et que cela ne durerait qu’un petit moment. […] C’est un moment, non seulement des plus glorieux, mais des plus honorables pour lui, par les sentiments qu’il témoigne et les vues qu’il propose.

1702. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Sauf un petit nombre d’endroits qui portent la marque du moment où l’ouvrage parut, les jugements de Jomini sur les hommes de la Révolution sont sains et droits, et je dois confesser que je m’en accommode beaucoup mieux que de bien des jugements plus récents mis en circulation et en honneur par des historiens célèbres. […] Le style de cette histoire est très-convenable ; il est généralement sain : la marque réfugiée ne s’y fait point ou presque point sentir61, et je reprocherais plutôt à l’auteur par moments quelque emphase, quelque recherche d’élégance convenue, trop conforme au goût régnant (le timon de l’État, les trophées de la victoire, les bannières de la philosophie, etc.). […] Jomini fut d’avis de profiter de ce moment d’effroi pour imposer une capitulation : il rappela l’exemple de la sommation adressée à Mack dans Ulm vingt-trois ans auparavant.

1703. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Je m’étais promis de ne laisser voir dans ce livre que la face riante de mon âme ; mais ce projet m’a échappé comme tant d’autres. » Chez M. de Maistre, en effet, la mélancolie n’est pas en dehors, elle ne fait par moments que se trahir. […] En parcourant les ouvrages à la mode, il s’est effrayé d’abord, il s’est demandé si notre langue n’avait pas changé durant ce long espace de temps qu’il avait vécu à l’étranger : « Pourtant ce qui me tranquillise un peu, ajoutait-il, c’est que, si l’on écrit tout autrement, la plupart des personnes que je rencontre parlent encore la même langue que moi. » En assistant à quelques séances de nos Chambres, il s’est trouvé bien dérouté de tant de paroles ; au sortir du silence des villas et du calme des monarchies absolues, il comprenait peu l’utilité de tout ce bruit, et l’on aurait eu peine, je l’avoue, à la lui démontrer pour le moment. […] Le plus ancien de ces pieux cadets dont nous parlons est assurément Ménélas, le bon Ménélas, duquel Agamemnon disait : « Par moments il s’arrête et ne veut pas agir, non qu’il cède à la paresse ou à l’imprudence, mais il me regarde et il attend : » ’Аλλ’ ἑρἑ τ’ ɛισορóωу xαὶ ἕμην πϲτιδέγμενος óρμýν.

1704. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

L’Église n’est pas plus ménagée, ni la religion : Bernart l’âne est archiprêtre ; Primaut le loup, ivre du vin que Renart lui a fait boire, revêt l’étole, sonne les saints, et chante l’office à tue-tête devant l’autel ; Rosnel le mâtin joue le corps saint sur lequel on doit jurer, et machine un miracle, en promet faut de ressusciter au bon moment pour happer le parjure. […] La vérité des fabliaux est une vérité surtout idéale, comme celle des chansons de geste et des romans bretons : les unes nous montrent le rêve héroïque, les antres le rêve amoureux de nos aïeux, et dans les fabliaux c’est un autre rêve encore, un rêve de vie drolatique et libre, tel que peut le faire un joyeux esprit qui, par convention, élimine pour un moment toute notion de moralité, d’autorité et d’utilité sociale. […] Il fut remplacé, après un intervalle, par les nouvelles en prose : l’inutilité des vers, du moment qu’on lisait, et l’influence des nouvellistes italiens décidèrent au xve  siècle l’emploi de la prose dans les contes de ce genre.

1705. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Et même quand l’objet observé est pour toujours arrêté dans ses formes, il suffit que l’esprit où il se reflète soit muable et divers pour qu’il nous soit impossible de répondre d’autre chose que de notre impression du moment. […] Mais dogmatique ou non, la critique, quelles que soient ses prétentions, ne va jamais qu’à définir l’impression que fait sur nous, à un moment donné, telle oeuvre d’art où l’écrivain a lui-même noté l’impression qu’il recevait du monde à une certaine heure. […] Nous l’aimons enfin, la religion de nos mères, parce qu’elle est parfaitement mystérieuse et qu’on est las, à certains moments, de la science qui est claire, mais si courte !

1706. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Un nez démesuré ; de grands yeux qui devaient être beaux, mais à fleur de tête ; pas déjoués : deux profils collés ; une bouche vilaine, soulevée par les dents obliques ; en somme, un nez et deux yeux, et presque rien avec ; une laideur puissante, fascinatrice si l’on veut, qui devait s’illuminer et devenir superbe dans les moments de passion ou dans l’ivresse des batailles. […] Il me semble qu’ils doivent frissonner par moments, être saisis d’un effroi mystique. […] L’ingénieur du roi, M. de Beaulieu, qui nous a laissé sur les batailles de cette époque une série de gravures presque toujours fort exactes, représenta le combat au moment même où Gassion exécute son mouvement tournant.

1707. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Quand je dirai : il est telle heure, cela sera une manière abrégée de dire : il y a telle relation entre l’heure que marque ma pendule, et l’heure qu’elle marquait au moment du passage de tel astre et de tel autre astre au méridien. […] Par exemple pour l’heure de l’éclipse mon horloge marquait l’heure α à l’instant de l’éclipse ; elle marquait l’heure β au moment du dernier passage au méridien d’une certaine étoile que nous prendrons pour origine des ascensions droites ; elle marquait l’heure γ au moment de l’avant-dernier passage de cette même étoile. […] J’ai jugé que les trois lectures α, β, γ faites sur mon horloge à trois moments différents étaient dépourvues d’intérêt et que la seule chose intéressante était la combinaison de ces trois lectures.

1708. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

* *  * C’est donc, dans un tel esprit, qu’il serait intéressant de considérer un moment un écrivain dont on a pu voir qu’il a eu du poids sur son époque, qui a été un homme caractéristique et de talent, que l’on a lu avec une ferveur égale à l’importance du genre qu’il s’est construit, et avec le sentiment qu’il a su élargir ce genre jusqu’aux limites extrêmes. […] L’effroi de n’être pas soi, dans ce que de soi l’on livre, a retenu un moment M.  […] France, qui nous porte à lui vouer, non pas cette admiration émue, correspondante, valide, que le ton de la sincérité éveille, mais cette estime, cette flaterie, que l’esprit obtient de l’esprit même, surtout quand l’art le seconde et la compréhension de l’art l’appuie, quand, en d’autres termes, c’est l’heure pour l’esprit de briller, parce que c’est le moment pour lui d’être à peu près sûr qu’on l’appréciera.

1709. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

A ce moment, Claude apparaît dans l’angle de la chambre, le fusil à l’épaule, couchant en joue la misérable. […] Octave a pensé à tout ; il a amené Adrienne, prête paraître au moment voulu. […] L’auréole mystique de Claude illumine, a ce moment, M. de Montaiglin d’un faux idéal.

1710. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Critique, qui avez l’honneur d’être pour la postérité du moment un nomenclateur, un secrétaire, et s’il se peut, un bibliothécaire de confiance, dites-lui bien vite le titre de ces volumes qui méritent que l’on s’en souvienne et qu’on les lise ; hâtez-vous, le convoi s’apprête, déjà la machine chauffe, la vapeur fume, notre voyageur n’a qu’un instant. […] Une autre distraction de Marmontel vers ce moment (car il en avait beaucoup) fut pour une autre jeune et jolie actrice, Mlle Verrière, qui avait été aussi au maréchal de Saxe : elle en avait eu une fille, depuis reconnue, Aurore de Saxe, qui n’est autre, je le crois bien, que la propre grand-mère de Mme Sand. […] comment un honnête homme, et de talent et de bon sens, peut-il avoir de pareilles idées et s’y arrêter un moment ?

1711. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Cela est impossible, du moment qu’on suppose que l’écrivain est sincère et qu’il est doué, comme cela fut d’abord convenu, des deux mémoires, visuelle et verbale. […] Il y a là un moment triste. […] Pour en cueillir aussitôt plusieurs paniers, il suffit d’ouvrir encore une fois Télémaque, ce témoin précieux d’un moment de la langue française : « les pavots du sommeil — une joie innocente — à la sueur de leur front — secouer le joug de la tyrannie — fouler aux pieds les idoles — l’espérance renaît dans son cœur », sont des expressions qui exigent le sourire et qui ne peuvent plus se proférer qu’avec ironie, mais elles furent jeunes, éloquentes et sérieuses.

1712. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Ici encore, ou constante et marquée pour les coadjuteurs principaux, ou momentanée, vague, imperceptible même, en dehors du moment précis de l’exécution, pour les subordonnés intimes, c’est la similitude des âmes entre le chef et la masse qui fait la possibilité et qui répartit le mérite d’une grande œuvre accomplie. […] Le principe d’individuation fait apparaître à un moment donné dans le groupe social une personnalité artistique ou agissante douée d’une constitution mentale et probablement cérébrale, particulière, manifestée par des œuvres, des actes, des paroles. […] C’est en 1884 que l’idée de suggestion apparaît dans son système, au moment même où Bernheim publie ses travaux, qu’il connaît (voir « Qu’est-ce qu’une société ?

1713. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Si vous voulez bien savoir ce que c’est que papilloter en grand, arrêtez-vous un moment encore devant le combat de mer, et vous sentirez votre œil successivement attiré par différens objets séparément très-lumineux, sans avoir le temps de s’arrêter, de se reposer sur aucun. […] S’il m’arrive d’un moment à l’autre de me contredire, c’est que d’un moment à l’autre j’ai été diversement affecté, également impartial quand je loue et que je me dédis d’un éloge, quand je blâme et que je me dépars de ma critique.

1714. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Mais passons un moment du sacré au profane, et donnons encore un exemple des avantages de la simplicité d’expression, pour rendre avec autant de vérité que d’énergie les idées nobles ou pathétiques ; rappelons-nous de quelle manière Virgile dépeint Orphée, seul avec sa douleur sur le rivage de la mer, pleurant sa chère Euridice depuis la naissance jusqu’au déclin du jour. […] C’est aussi la nécessité d’employer partout le terme propre, qui rend les bons vers si rares, par la contrainte que la poésie impose, et qui oblige à tout moment les versificateurs médiocres à ne rendre que faiblement ou imparfaitement leur pensée, quand ils ont le bonheur d’en avoir une. […] En prononçant des vers latins nous estropions à tout moment la prosodie et la mesure, nous faisons bref ce qui est long, et long ce qui est bref ; nous appuyons sur des voyelles qui devraient disparaître par l’élision, nous scandons enfin les vers à contresens ; cependant nous trouvons dans les vers latins de l’harmonie ; est-ce raison ou préjugé ?

1715. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

I S’il est une époque dont nous soyons loin à celle heure, quoique nous paraissions y toucher, c’est ce moment de notre siècle que l’Espérance appela d’un nom qui restera dans l’histoire comme une ironie. […] Telle est la question que la Critique se pose et que, blasée d’œuvres médiocres et inutiles, elle aurait peut-être oublié de se poser, si en ce moment on ne capitonnait pas avec beaucoup de soin l’oreiller commode et doux d’un succès au livre de M.  […] Voilà le programme de rigueur que tout écrivain qui se mêle d’apprécier les manifestations de l’esprit humain, dans un moment de son histoire, doit s’imposer d’abord comme une règle suprême, — oui, d’abord !

1716. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Chacun, suivant la formule de Bentham, « doit y compter pour un et n’y compter que pour un » — Ainsi la diversité des systèmes de morale modernes n’exclut pas la possibilité d’un accord, à un certain « moment », sur les prescriptions de l’égalité. […] Depuis le moment où Tocqueville la saluait en termes religieux, la procession de l’humanité vers la démocratie est un fait, semble-t-il, universellement reconnu. […] Encore une fois c’est égarer la sociologie que de la lancer dès à présent à la recherche de prétendues lois d’évolution, suivant lesquelles tous les moments de la vie des sociétés, faussement assimilées à des organismes, seraient prédéterminés dans leur germe.

1717. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

L’un se piquera de nous donner, sans plus, son impression du jour ou du moment, quitte à se contredire le lendemain, si tel est son bon plaisir. […] quand un critique vous dit : Je n’ai aucune théorie, aucune règle autre que mon impression du moment, ne le croyez qu’à demi. […] Et que de choses je dirais encore pour rehausser le métier de critique, si je ne l’exerçais moi-même en ce moment ! […] On le perd quelquefois de vue, cet ouvrage ; on l’oublie de longs moments ; mais on finit toujours par le retrouver. […] Est-ce à dire que ce soit un pur dilettante, sans doctrines et sans boussole, qui se laisse ballotter au hasard de l’impression du moment ?

1718. (1890) Dramaturges et romanciers

Si vous doutez que le théâtre traverse en ce moment un état de transition, lisez attentivement les comédies de M.  […] Elle n’avait jamais perdu la confiance, même dans ses pires moments de doute ; aussi avait-elle retrouvé la foi sans effort. […] La trame est quelquefois faible et le tissu se déchire par moments. […] À ce moment, ce serf, ce collègue des brutes, nous fait sentir qu’il a été vraiment racheté de tout le sang de Jésus-Christ. […] Déplaisante ou sympathique, l’auteur a fait son œuvre, et il n’importe pas qu’il l’ait faite à ses débuts plutôt qu’à tout autre moment de sa carrière, il peut s’en tenir là.

1719. (1895) Hommes et livres

La science trouve son compte à cet acte de patriotisme local, qui nous remet sous les yeux un coin de l’ancienne France et un moment de la civilisation universelle. […] N’y a-t-il pas eu là, à un moment, une forme d’esprit peu commune et d’autant plus intéressante à connaître ? […]  » C’est vrai ; mais ce qui est grave, c’est de le dire au moment d’entreprendre, pour s’excuser de tout risquer. […] Impossible de comprendre l’origine et la force des pensées honnêtes qui se trouvent en lui à un certain moment. […] Il n’est pas d’homme qui ne puisse être Dorante à un moment donné ; il n’est pas de femme qui n’ait, à son heure, senti comme une de ces comtesses.

1720. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

C’est le cas de presque tous les écrivains du moment. […] C’est juste, du moment que Sarcey compte, M.  […] Un moment on ne distingue plus les éclats de rire des éclats de bombes. […] Et, voyez-vous, à un moment donné, ce sont toujours celles-ci qui enfoncent celles-là. […] Pourtant, le moment serait favorable à l’éclosion d’une telle œuvre.

/ 2910