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584. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

Mais, à s’en rapporter à l’original, le peintre réaliste a mis beaucoup d’imagination dans ce récit, qui affiche des prétentions biographiques. […] Cette accusation de meurtre a beau être accolée à un nom de fantaisie (Chien-Caillou), elle met Rodolphe hors de lui toutes les fois qu’il y songe. […] C’est vous dire qu’il ne pensa pas une seule minute à se mettre en quête des maisons à vendre, ni même des maisons à louer. […] Comme pour entrer en possession, le lapin se mit immédiatement à dîner d’un chou colossal épanoui devant la cahute, pendant que Rodolphe mordait dans un magnifique bouquet de salade. […] comme elle se joue à travers cette multitude de branches défeuillées par l’automne, et comme elle met en valeur les moindres ramilles !

585. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Malheureusement beaucoup de ces lettres sont adressées à la duchesse de Saxe-Weymar, et comme toutes les lettres qu’on écrit à des princesses ou à des princes et qu’il faut colleter d’étiquettes ou embarrasser de révérences, elles ont perdu du naturel et de la profondeur que leur auteur pouvait y mettre. […] Comme l’univers a besoin de la chiquenaude de Dieu pour se mettre en branle, Mme de Staël a aussi besoin de la chiquenaude de quelqu’un. […] Quelle femme, en effet, dans la littérature française, pourrait être mise impunément à côté de Mme de Staël ? […] Seulement essayez de l’y mettre, et vous allez voir ce qu’elle va devenir ! […] Et quel meilleur exemple à donner, du reste, aux insolences des femmes de ce temps, qui se croient des forces et qui, mettant des talons à leurs amours-propres comme elles en mettent à leurs bottines, veulent se jucher jusqu’au front des hommes, et les égaler en hauteur !

586. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Franz, avec sa préface admirative, mise à la tête du livre, pour nous apprendre que la dame Chez Lacroix, cosaque, auteur ou muse de ce livre, au luxe et aux passions cosaques, est, après tous ses tapages de faste et de passion, réduite maintenant à la pauvre mansarde) où elle vit modestement, entre son piano et son lit de fer (je le crois de fer, effectivement), ce qui, par parenthèse, est très peu cosaque ; si cet honnête et fort inconnu M.  […] C’est qu’après l’avoir lue, cette femme indisciplinée qui ne relève que d’elle-même, — qui a l’ivresse et la folie du plus satané orgueil que le diable, auquel elle ne croit pas, mais à qui elle fait croire, ait jamais départi à une aimable femme, on n’a plus sous les yeux qu’une personne ou assez modeste, ou assez prudente, ou assez sournoise pour se mettre derrière le nom de M.  […] Excepté une chasse aux loups, racontée presque avec la rapidité du traîneau sur lequel la dame est montée et avec des nerfs auxquels je reconnais la vraie femme, je n’aurais pas, littérairement, le moindre détail cosaque à me mettre sous la dent ; et encore le petit cochon de lait que je n’y mets pas, et qu’en cette chasse où les chasseurs sont chassés, on traîne au bout d’un cordon, derrière le traîneau, pour exciter les loups, qui finissent par le dévorer, ce petit cochon me gâte cette scène cosaque, avec son petit air français. […] Vous rappelez-vous Elle et Lui, un livre de Souvenirs aussi, et auquel le frère d’Alfred de Musset répondit par un autre livre… de Souvenirs encore, qui coupa le sifflet à la couleuvre qui s’était mise à siffler sur le tombeau du poëte et avait cru, de son venin, y laisser une tache immortelle ? […] Elle se l’est mis à la ceinture.

587. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

C’est la vierge sage de l’Évangile, travaillant à la lueur d’une lampe qui ne s’éteindra pas et qui ne mettra le feu à rien. […] Elle sait si bien qu’elle n’en a pas, elle tremble tant, elle est si peu carrée, cette femme en bonnet carré qui professe la femme comme on professe l’astronomie, qu’elle se met toujours derrière quelqu’un lorsqu’elle s’avance. Se mettre derrière quelqu’un, c’est sa manière de s’avancer. […] Elle se met derrière Aristote, — non pas comme Sganarelle dans son chapitre des Chapeaux, mais dans sa Politique, quand elle dit que c’est chez les peuples guerriers que la femme a le plus d’influence, parce que plus on est fort, moins on est jaloux de son autorité. […] Le Prince de Ligne a touché à l’histoire, et il lui a mis sa livrée, qui était rose !

588. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Mais qu’en se détournant des événements, qui se sont produits dans leur ordre de temps et d’espace, on se mette résolument à nous donner les propres considérations de son esprit sur des époques aussi complexes et aussi discutées encore que l’ancien Régime et la Révolution française, il faut se croire, pour le moins, de la race intellectuelle de Machiavel ou de Montesquieu. […] Cela conduisit, affirme-t-il, aux conséquences les plus singulières, et il en cite quelques-unes, qui sont fort simples, et qui peuvent se ramener à ceci : qu’on ne s’entendit pas. « La nation — dit-il alors avec une superficialité inouïe — ne tenant plus debout dans aucune de ses parties, un dernier coup put la mettre en branle… et produire le plus vaste bouleversement et la plus grande confusion qui ait jamais existé. » Telle est la thèse de Tocqueville, et, comme on le voit, elle est assez mince. […] Cet exemple, qu’on peut multiplier, en prenant toutes ses assertions les unes après les autres, donnera une idée de l’assiette de ce ferme esprit, de la force d’Œdipe de cet investigateur de l’histoire, qui trouve que le Sphinx a trop peu d’une tête et qui lui en met deux ! […] Il s’est mis à ramper dans de tortueuses circonlocutions de prudence et à se retirer dans des livres sur des sujets indifférents, à ce qu’il semble, et protégé par la cuirasse transparente et sûre des allusions. […] Quoique Tocqueville ne soit pas trempé pour le pamphlet, quoiqu’il soit parfaitement incapable de mettre en grisaille les Lettres persanes, s’il a pu y mettre l’Esprit des lois, on n’en sent pas moins dans son ouvrage la bonne volonté des attaques réfléchies et couvertes contre un gouvernement fort qui a su résoudre le problème, qu’on croyait insoluble depuis quarante ans, d’une grande autorité populaire.

589. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Le public et la critique les y mettent également ; mais c’est la critique qui crée dans le public enivré cette prodigieuse idolâtrie. […] Et comme tout se tient dans les sociétés, dans les idées et dans le langage, et que le désordre introduit quelque part amène le désordre partout, si les comédiens des sociétés modernes et chrétiennes sont mis là où la bassesse romaine et païenne mettait avant leur mort les empereurs, sous qui elle tremblait, où ces sociétés mettront-elles leurs vrais grands hommes, — ceux qui honorent, éclairent et servent la patrie, et, quand il le faut, meurent pour elle ?… Où mettront-elles, par exemple, leurs grands généraux, leurs prêtres saints, leurs juges intègres, tous ceux enfin qui sont bien plus qu’un grand génie, parce qu’ils pratiquent de grandes vertus ?… Elles ne les mettront plus nulle part.

590. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Et encore, pour cette audace, on se mit à deux. […] Il en a fait un de ces simplificateurs qui croient qu’on peut mettre le globe de Charlemagne dans sa poche et l’emporter comme une tabatière. […] Quand Taine découpa son Histoire de la littérature anglaise dans l’immense étoffe que Barot emploie toute, il lui fallut plusieurs gros volumes pour y mettre cette histoire, circonscrite pourtant aux grandes figures, aux hommes de génie ou de talent supérieur ; et Odysse Barot, qui ne choisit pas, qui prend tout, qui ne pense pas comme le duc d’Albe et pêche aussi bien aux grenouilles qu’aux hures de saumon, empile toute cette multitude dans un volume in-18 de la collection Charpentier ! […] est une éclosion démocratique, à l’état d’enveloppement d’abord, à l’état de développement ensuite, et qui tout à l’heure éclate de partout, comme la fleur du cactus après son incubation mystérieuse et centenaire, Odysse Barot proclame., avec la tuméfaction à la tête de l’orgueil, — car l’orgueil est hydrocéphale, — que l’esprit humain va de ce côté ; que l’avenir, ô bonheur du ciel mis sur la terre ! […] Le moindre poète, le moindre philosophe, le moindre romancier qui se met, dans un coin de livre, en révolte contre la majestueuse société séculaire du passé que, dans les idées de Barot, le progrès est de détruire, prennent pour lui des proportions qu’en réalité ils n’ont pas.

591. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

On savait que de forts cerveaux se mettaient à deux ou à trois, selon le tirage, pour la confection en commun d’un livre, soit roman, soit drame, — mais vingt-deux personnes à la file, toute une multitude, toute une tribu, cela ne s’était pas encore vu dans ce temps d’association facile, et on ignorait cette littérature à l’Adam Smith, où chacun faisait son vingt-deuxième de traduction. […] Et pour mieux lancer celle traduction multiple et parcellaire, on avait mis à la tête une étude sur Horace par Rigault. […] il lui mettait un œil de poudre d’or, comme ils faisaient, au xviiie  siècle, lorsque les flatteurs voulaient imiter la couleur des cheveux de la Reine. […] Il mettait dans son vin de l’eau de sa petite source. […] Écoutez Godeau, l’évêque de Vence, qui l’aimait et le mettait au-dessus de Sapho, d’Anacréon et de Simonides.

592. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Il a cru que cet avocat allait bien à ce président et ce président à cet avocat, et voilà qu’il s’est mis à plaider sa biographie ! […] Ses traits — c’était un sagittaire — portaient, sans dévier, où il les ajustait ; mais il ne mettait pas toujours son nom sur sa flèche. […] La sécheresse, d’ailleurs, qui s’accuse dans la médaille gravée et mise à la tête du livre de Vian, n’est pas un dessèchement produit par la vieillesse. […] Il est mort en chrétien, c’est la vérité, affirmant, devant l’hostie que le prêtre allait lui mettre dans la bouche, que Dieu était réellement, virtuellement et substantiellement là pour lui. […] L’homme, mis si haut, avait dans l’esprit et dans le caractère des indigences qu’il fallait la courageuse biographie de Louis Vian pour retrouver.

593. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Ernest Hello, il faut avouer cependant que ce n’est pas celui des titres… Déjà, dans ses Contes, qui certainement méritaient mieux, il avait mis à leur tête, pour les caractériser, l’épithète triviale et insuffisante d’extraordinaires. […] Indépendamment de sa Physionomie de saints, des Paroles de Dieu et des Contes extraordinaires que je viens de rappeler, il a publié les deux traités : L’Homme et le Style, Le Jour du Seigneur ; Renan, l’Allemagne et l’athéisme au xixe  siècle ; les Œuvres choisies, mises en ordre et précédées d’une Introduction, de Jeanne Chezard de Martel ; La bienheureuse Angèle de Foligno et Rusbrock l’admirable, et tout cela, qui mériterait pourtant de retentir, n’a pas rompu le silence étendu autour de cet harmonieux nom d’Hello, si bien fait, à ce qu’il semble, pour résonner comme un clairon d’or sur les lèvres de la gloire ; tout cela n’a pas mordu sur l’esprit d’un temps éperdument sorti des voies où la pensée et la piété de M.  […] s’il n’avait pas mis le catholicisme de sa pensée sous le couvert de ses romans, ou s’il y en avait mis davantage. […] J’ai voulu la faire ; j’ai voulu la penser ; j’ai voulu la parler ; j’ai voulu mettre à leur place les hommes et les choses ; j’ai voulu prendre leur mesure et la donner… J’ai promené la balance à travers le monde intellectuel, n’ayant qu’un poids et qu’une mesure, et j’ai laissé les plateaux monter et descendre comme ils voulaient, abandonnés aux lois de l’équilibré… Les chapitres de ce livre ne sont pas juxtaposés par une unité mécanique, mais ils sont liés, si je ne me trompe, par une unité organique, et cette unité, c’est la faim et la soif de la « Justice. » Et comme le mystique ne s’éteint jamais, ainsi que je Fai dit, dans M.  […] Il restera méconnu, inconnu ; connu ; et de ce que la gloire, qu’il a attendue si longtemps, ne lui vient pas, il se mettra à genoux une fois de plus, et ce sera tout !

594. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Donc, Emmanuel Rhoïdis, — s’il existe, s’il n’est pas quelque pseudonyme doublé d’un traducteur anonyme, ce qui ferait masque sur masque et rendrait la mystification plus sûre, — Emmanuel Rhoïdis, l’auteur de cette Papesse Jeanne 30 qui paraît si tard, serait coupable, dans ce cas, d’avoir mis un bien joli nom au bas d’une bien vilaine chose. […] Rien de plus usé, d’ailleurs, que cette goguenardise impie et libertine du xviiie  siècle, qu’un esprit vaillant mettrait son honneur intellectuel à ne jamais rappeler. […] Excusé, sinon absous, comme tant d’autres talents qui ont touché à des sujets scabreux, par le charme magique qu’ils ont su y répandre, et quoique ici le sujet pût brûler les doigts les plus purs, le romancier n’était pas tenu d’y mettre forcément des turpitudes ; mais l’historien, sous aucun prétexte, ne devait refaire, en la faussant, l’Histoire, pour justifier son roman et donner des racines à son conte dans ce qu’il cherche à établir comme la vérité. […] Malgré cette discussion terrassante, trop vaste pour qu’on puisse rapporter ici les opinions qu’elle fît valoir et triompher, le xviiie  siècle, qui se souciait bien d’être faux et même imbécile quand il s’agissait de jeter le sophisme le plus abject ou l’opinion la plus bête à la figure du catholicisme, pour peu qu’il y jetât quelque chose, allait reprendre l’immonde légende de la Papesse Jeanne quand la Révolution éclatant mit son bruit par-dessus le petit sifflement du reptile, et, de sa main d’Hercule, étouffa la légende rampante qui voulait encore resiffler… Mais vous voyez ce qui arrive ! […] Il n’y a là partout que la légende seule, la légende, absurde et abjecte, mise à confire, pour la servir aux friands, dans d’exquises malpropretés de détails, par ce pudibond et roséabond Rhoïdis, dont la vertu fait des gorges si chaudes des vices de l’Église romaine et nous en fait aussi de telles peintures… par pudeur !

595. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

L’auteur de Saint Louis et son temps ne comprend son sujet qu’avec son esprit, et il ne le fait point sentir avec son cœur… Je sais bien qu’il est rare qu’on ait à mettre son cœur dans une histoire politique, où le jugement est bien assez pour la besogne qu’ordinairement on a à y faire ; mais la politique de Saint Louis n’est pas une politique d’homme d’État « qui a son cœur dans sa tête », comme le voulait Napoléon. Sa politique, à lui, son action sur les hommes, c’était l’exercice des plus belles et en même temps des plus charmantes vertus ; car, j’en demande bien pardon à Messieurs les pécheurs, les vertus peuvent être charmantes… Fra Angelico, pour les peindre, se mettait à genoux. […] Comme la Croix avait attiré le monde à elle, il l’attira à lui par le prestige de cette Croix qu’il portait en son cœur, dans son action et sur ses lèvres, bien avant qu’il la mît sur son épaule et sur son manteau de croisé. […] Il n’essaie pas, lui, de mettre Saint Louis en contradiction avec lui-même. […] Wallon a mis à la masse des livres sur Saint Louis, mais dans son stock il n’y a rien de plus que ce que nous savions, et sa manière de pénétrer et de juger l’homme dans Saint Louis, qui pouvait être toute la nouveauté de son livre, n’a pas été cette nouveauté.

596. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

Ils savent que Dieu, pour traverser les cœurs, met dans nos carquois toutes sortes de flèches, et que la flèche du Talent pénètre encore, après les plus perçantes, — celles de la Prière et de la Charité ! […] Il n’y a qu’un rhéteur, en effet, et un rhéteur de la pire espèce, qui puisse comparer Napoléon et Talleyrand et mettre Talleyrand au-dessus de Napoléon ! […] Il a la foi de ce qu’il dit et il ne se baisserait pas d’une ligne pour ramasser tout un monde de popularité, si Dieu le mettait à ses pieds. […] On s’en souvient : ils avaient, au dix-huitième siècle, mis partout leurs trois dieux, Voltaire, Rousseau et Franklin, qu’ils appelaient le Flambeau de l’humanité dans le style du temps, sérieux et comique, déclamatoire et plat. […] Donoso Cortès, du pays du Cid et de sainte Thérèse, Donoso Cortès qui a mis toutes les sciences de la terre aux pieds de la théologie, y fait vis-à-vis et contraste au naturaliste Franklin !

597. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Buffon, moins spirituel que Voltaire, dont l’esprit me fait, d’ailleurs, toujours l’effet d’un bruit de grelots, mis en vibration par les mouvements pétulants d’un singe, moins même que Montesquieu, qui a le sien finissant en pointe, sans être pour cela un obélisque (car un obélisque, c’est un colosse !) […] … Buffon, l’homme aux manchettes, qu’il mettait pour lui seul, est presque un solitaire dans son siècle. […] Il avait mis tant d’ordre dans sa vie, qu’il put, sans inconvénient, la partager ! […] Il s’occupait de mathématiques, traduisait les Fluxions de Newton, mais déjà il se mettait en mesure avec l’avenir par des mémoires sur les végétaux qui le firent passer, à l’Académie, de la classe de mécanique dans celle de botanique, et décidèrent plus tard de sa nomination à l’intendance du Jardin du Roi, qu’il visait depuis longtemps avec la tranquillité de regard de la prévoyance. […] « Quand il met sa grande robe sur les petits objets, elle fait mille plis », disait gracieusement pour la première fois de sa vie, en parlant de lui, ce goitre de Suisse, Mme Necker.

598. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Et ce n’est pas non plus toute la différence à mettre entre Sainte Térèse et Pascal. […] La sainteté ne se met à part de rien dans les créatures. […] Elle devint, cette fille coquette, innocemment coquette, qui aimait le monde et les propos du monde, elle devint une épouse ardemment chaste et tendrement austère de Notre-Seigneur Jésus-Christ, une carmélite incomparable, qui, ne trouvant pas son ordre assez sévère, le réforma et le mit pieds nus. […] À certaines places de ce récit merveilleux où le surnaturel a complètement remplacé la nature, on voit surgir du fond de cette Contemplative, éperdue et perdue dans son Dieu, une raison plus forte que toutes ces flammes, qui met la main sur le cœur qui palpite et dit à ce cœur : « N’es-tu pas ta proie à toi-même ? […] Non, elle était encore, la femme puissamment rassise dans la raison, telle que les hommes conçoivent la raison, quand l’Extase, qui enlève l’esprit au ciel et ce corps de boue volatilisé, dans les airs, la lâchait et la mettait par terre.

599. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Quand on ne sait plus agir, on se met à parler et on adore la parole. […] L’illusion des heures ou des années, la palpitation d’une âme passionnée qui s’est inventé un langage, tout cela meurt, et même ne met pas longtemps à mourir. […] J’oserai le dire : Mirabeau sera, un jour, réduit à peu de chose, quand on se mettra résolument en face de ses œuvres oratoires et qu’on n’aura plus la vue offusquée et la tête courbée par les événements de son siècle. […] C’est l’homme qui a mis la main sur les artères de l’humanité, et qui a compté goutte par goutte ce qu’il y passe de sang orageux ou de sang corrompu. […] Quand ce moine blanc à la face exsangue, aux lèvres pâles, mettait, en nous parlant des passions, sa main sous le froc qui couvrait sa poitrine domptée et calme et qu’il l’en retirait tout à coup, on croyait voir le sang de sa jeunesse découler de cette main appuyée un instant sur son cœur, et il semblait nous dire : « Je vous connais, mes frères !

600. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

On n’a oublié ni une rature, ni une surcharge, ni une virgule mise là plutôt qu’ici… On s’est livré au travail le plus minutieux, le plus microscopique, le plus patient, et à force de patience, le plus impatientant ! On aurait pu écrire : « Collationné par le bonhomme Job », et on l’aurait cru… Jamais l’admiration au regard enflammé et à l’enthousiasme aux grandes ailes, n’a mis plus de lunettes et n’est devenue plus cul-de-plomb pour chercher et voir de près les infiniment petits d’un ensemble assez beau pour les faire oublier. […] Auguste Barbier, qui éclata après Juillet 1830, et qui, malgré tout ce qu’il a fait depuis, a gardé la couronne d’étoiles que ses Iambes ont mises sur son front ; Auguste Barbier n’est qu’un imitateur d’André Chénier, un homme né de son génie. […] Ce n’était pas tout à fait le mot de Shakespeare, mais cela le rappelait : « César et le danger sont deux lions mis bas le même jour, mais César est l’aîné et César sortira. » Des deux lions qui avaient rugi la même poésie, André Chénier était l’aîné, et c’était Barbier qui était sorti ! […] La notice a descendu l’idéale figure d’André du piédestal qu’il avait dans nos têtes et l’a mis de niveau égal avec tous ceux qui font péniblement de la littérature, et les notules, qui bourrent et surchargent ce livre ailé et envolé depuis longtemps dans sa gloire, nous montrent trop le poète rongé par le versificateur et par l’érudit.

601. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

en osant plaisanter l’Académie sur la mauvaise foi du discours qu’elle a mis dans la bouche de son directeur, j’ai craint d’être pris pour un effronté. […] Ces jeunes gens mettraient leur vanité à réciter, en perroquets, d’autres phrases que celles de La Harpe ; mais M.  […] Le premier acte de la tragédie, qui mettra sous les yeux des Français l’action la plus étonnante de l’histoire, doit être évidemment à l’île d’Elbe, le jour de l’embarquement. […] Encore sous une forme classique et copiée d’Homère, à chaque instant le Tasse met-il les sentiments tendres et chevaleresques de son siècle. […] Il sait encore mieux (car dans une monarchie on met à cela toute sa vanité) quel mot est du langage noble, et quel n’en est pas.

602. (1927) Des romantiques à nous

Reynaud met d’ailleurs à part. […] La sentence de Moréas n’y a pas davantage mis fin. […] Il y mettait des ménagements. […] C’est le temps où Gounod, Bizet, Lalo se mettent à l’œuvre. […] Je parle du temps qu’on met à exécuter l’œuvre.

603. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Comme en deus pars se peut-il mettre en gage ? […] Je mis le livre dans ma poche et je me précipitai dans le wagon. […] C’est Desportes qui mettait ses imaginations sur le papier. […] Par quelque bout il faut que je m’y mette. […] Son Phébus est brillanté ; il met sa verve à l’alambic.

604. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 414-416

L’Auteur fut mis à la Bastille. […] L’Histoire amoureuse des Gaules, & cette Légende scandaleuse dont Boileau parle* dans sa huitieme satire, exciterent en lui des regrets, qui le mettent au dessus des Auteurs coupables qui ont suivi la même carriere, sans s’être repentis comme lui. […] J’irai, par ma constance, aux affronts endurci, Me mettre au rang des Saints qu’a célébrés Bussy.

605. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 353-355

Titon auroit dû mettre plus de discernement dans le choix de ceux qu'il a gratifiés de l'apothéose ; Abeille, Baïf, Colletet, Dalibrai, l'Etoile, &c. ne devoient jamais s'attendre à figurer parmi ses Héros ; & la distinction cesse d'être flatteuse, quand elle est trop prodiguée. […] Tant de titres étoient plus que suffisans pour le mettre à l'abri des insultes de M. […] Il suffit de rapporter un Distique Latin & un Quatrain, destinés à être mis au bas de son portrait.

606. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

L’auteur mit à entretenir son succès le même talent qu’à le préparer. […] Jules Lacroix l’a mise en sonnets, dont quelques-uns sont très beaux ; M.  […] Pour penser, il faut et il suffit qu’on se mette sous son rayon. […] On a mis La Rochefoucauld en contradiction avec lui-même. […] Pourquoi mettre cette chance-là contre soi ?

607. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Mes amis les plus intimes se sont un peu irrités des deux autres ; mais, moi, à qui vous avez dit franchement ce que vous pensez de mon gros livre, je vous sais gré d’avoir mis tant de clémence dans votre critique. […] Si la scène eût été placée dans les Gaules, j’aurais mis un hibou, un loup ou un renard. […] J’ai mis les pieds dans le plat lourdement en rappelant que c’était une invention romaine, alors nouvelle, et que l’aqueduc d’à présenta été refait sur l’ancien. […] Je compte faire ceci : mes articles restant ce qu’ils sont, en les réimprimant je mettrai, à la fin du volume, ce que vous appelez votre Apologie, et sans plus de réplique de ma part. […] Entre ceux dont j’ai gardé un souvenir reconnaissant, je dois mettre au premier rang M. 

608. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

En 1718, après un lit de justice, les avocats de Paris s’étant mis en grève, le régent s’écriait avec colère et surprise : « Quoi ! […] monsieur, disait Lacroix encore tout chaud de sa mésaventure, l’affreuse distance que l’orgueil et les préjugés mettent entre les hommes !  […] Il est si doux, si enivrant, pour l’homme qui, de toute antiquité, a subi des maîtres, de se mettre à leur place, de les mettre à sa place, de se dire qu’ils sont ses mandataires, de se croire membre du souverain, roi de France pour sa quote-part, seul auteur légitime de tout droit et de tout pouvoir   Conformément aux doctrines de Rousseau, les cahiers du Tiers déclarent à l’unanimité qu’il faut donner une constitution à la France ; elle n’en a pas, ou, du moins, celle qu’elle a n’est pas valable. […] Il semble même qu’il y ait un commencement d’incendie ; car les cheminées ronflent rudement, et une clarté rouge jaillit à travers les vitres. — « Non, disent les gens d’en haut, ils n’auraient garde de mettre le feu à la maison, ils y habitent comme nous. […] Il s’est trouvé moins d’opulence qu’autrefois chez les grands et plus dans le moyen ordre, et cela a mis moins de distance entre les hommes.

609. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

… C’est une magie de cet ordre qui met hors de pair le nouveau livre de M.  […] Et merci, puisque tu m’as mis Parmi ceux, qui, de tes amis, N’auront pas reçu d’un commis Aux noires manches de lustrine Le volume à couleur citrine Qui fut l’honneur de sa vitrine. […] pour que vos rires soient tels, Il faut qu’aux pampres immortels Votre bec ait mis ses coutels ! […] Dans les premières œuvres, mettons hors de pair Pierre le Véridique ; avec sa langue contournée, précieuse, sa surcharge presque d’expressions d’atmosphère et de mots chronologiques, il reste la meilleure évocation que nous ayons de l’ancienne civilisation de langue d’oc, avant l’invasion du Nord. […] C’est pourquoi, si simplement, sans nul artifice de mise en scène, sans qu’ils offrissent le moindre spectacle, nos samedis populaires de poésie ont si bien réussi.

610. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Le beau remède, en effet, aux fêtes de l’amour et aux charmantes folies de la jeunesse, que de se mettre à se moquer et à rire. […] Ces dangers même et ces excommunications fréquentes se tournent en louange pour ceux qui mettent la poésie avant toutes choses, et qui placent l’art suprême, au suprême honneur ! […] À l’instant même je me mis à l’œuvre, et sur la page blanche j’écrivis le titre de mon nouveau chapitre. […] La voilà qui a mis du fard à sa joue ! […] S’il donne quelque tour à ses pensées, c’est moins par une vanité d’auteur que pour mettre une vérité qu’il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l’impression qui doit servir à son dessein.

611. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Il suffirait d’être intelligent ; mettons : très intelligent. […] Parce qu’ils mettent le symbole en avant ? […] Il suffit de les mettre à leur place. […] — Vous croyez donc que c’est malin un bonhomme qui met « coulomb » pour ne pas mettre « pigeon » ! […] Un écrivain qui met un chapeau de soie sur la tête d’un bourgeois du Sentier, au lieu de lui mettre un fez, fait du naturalisme.

612. (1899) Arabesques pp. 1-223

Désireux de me reconquérir, de me créer une volonté, je me mis au travail. […] Quand un Chrétien est outragé par un Juif où met-il son humilité ? […] C’est qu’aussi le temps vient de se mettre à l’orage. […] Lorsque vous m’êtes devenus inutiles, je vous ai mis de côté. […] Elles grincent des dents ; elles veulent te mettre en pièces !

613. (1888) Études sur le XIXe siècle

C’est une commune admiration pour Keats qui met pour la première fois en rapport Hunt et Rossetti. […] À chaque instant, de la meilleure foi du monde, il se met en contradiction avec celles qu’il professe. […] Au risque de se mettre en contradiction flagrante avec l’esthétique réaliste, il se hasarde rarement à des descriptions un peu longues. […] Dossi s’est résigné à mettre ses livres en circulation. […] M. de Amicis se met en route avec une joie communicative.

614. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Il a mis au bas de cette pièce de la Dryade ces mots : « écrit en 1815. » Il a mis au bas de Symètha la même remarque. […] Elle lui laissa, somme toute, moins de regrets que de réflexions de toute sorte qu’il se mit à agiter en tout sens. […] Et combien d’autres que je pourrais nommer, esprits délicats, esprits légers, mis au régime de la corvée, en ont souffert comme moi et en souffrent encore ! […] Mérimée et moi, nous étions sur les rangs ; M. de Vigny s’y mettait aussi. […] Victor Hugo pourtant croyait devoir à une ancienne amitié et à l’ordre des mérites de le porter, de le mettre en avant.

615. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Il se met à copier de la musique pour vivre. […] Rousseau alla demander asile au roi de Prusse, souverain de Neuchâtel, et s’installa à Motiers-Travers dans une maison que Mme Boy de La Tour mit à sa disposition. […] Ils mettent entre les deux portions de l’humanité une telle différence de culture, que les uns et les autres ne se sentent plus de la même nature. […] Il a mis le bonheur dans la vie de famille, sérieuse et tendre. […] Aussi l’a-t-il mise dans son œuvre à la place d’honneur ; et, dans le sens particulier où nous prenons ici le mot, on peut dire qu’il a ramené son siècle à la nature.

616. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Mettez la civilisation en moins sur ce sol. […] N’est-il pas étrange de les voir mettre le bonheur dans les batailles et la beauté dans la mort ? […] — la terre et le firmament. —  Il mit en haut le firmament,  — et cette vaste étendue de la terre, il l’établit — par sa force redoutable,  — le tout-puissant Roi ! […] Au dixième siècle, on voit le roi Edgard donner un manoir à un évêque à condition qu’il mettra en saxon la règle monastique écrite en latin par saint Benoît. […] Ils se mettaient des fers aux pieds, et prouvaient leur force en courant avec leurs entraves.

617. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

La mise en scène était de l’habile prince Potemkine, mais les feuilletons sont du prince de Ligne ; j’y renvoie les curieux. […] Mais à la fin de cette année 1787, le prince de Ligne redevient tant qu’il peut un personnage d’histoire ; il a désiré la guerre, et il s’y met au premier rang. […] La farouche république a mis à la place l’esprit de discussion et la fausse éloquence. […] Il est vrai qu’en sortant de ses mains, elle mettait les siennes dans ses cheveux pour s’arranger à l’air de son visage. […] Heureux celui qui, par le prix qu’il met et le goût qu’il prend aux plus petites choses, prolonge son enfance !

618. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Dangeau lit si bien que Corneille se mit à cette pièce de Bérénice, sans soupçonner la concurrence de Racine, et qu’il tomba dans le piège : aussi était-ce bien le bonhomme Corneille. […] Folleville, qui est en ce pays-là avec son régiment, a marché à eux et avait mis des milices derrière les endroits où ils se retiraient d’ordinaire. […] Loin de là, il semble qu’on n’ait conquis des places à la précédente campagne que pour se mettre en état de les rendre de sang-froid à la campagne suivante (1689). […] C’est lui alors qui, pour mettre entre l’ennemi et nous plus d’espace, a l’idée sauvage d’incendier le Palatinat. […] On en a fait avertir les habitants quelques jours auparavant, afin qu’ils aient le loisir de transporter leurs effets et leurs meubles les plus considérables… » En lisant Dangeau jour par jour, on éprouve de l’impatience de cette lenteur à se mettre en campagne dans l’année 1689.

619. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Je sais qu’il a soin de définir le peuple ou vulgaire comme étant formé, à ses yeux, d’esprits de toutes classes, de même qu’il appelle du nom de pédants beaucoup de ceux qui ont des robes et beaucoup aussi qui n’en ont pas ; malgré ces distinctions judicieuses, on peut dire toutefois qu’il est contre le vulgaire avec excès42, et qu’il se met par là en contradiction avec son propre but, qui est avant tout de vulgariser la sagesse. […] Le jour où Charron a ainsi emprunté à Montaigne, et en propres termes, cette délicieuse et inoubliable image pour la mettre couramment au beau milieu de son texte, il a été bien modeste, et il a donné pour jamais, devant le monde et devant la postérité, sa mesure comme écrivain, sa démission comme auteur original. […] Chanet se met donc à réfuter Charron et Montaigne (sans nommer ce dernier) sur les principes de leur scepticisme ; il se sert de ses connaissances en médecine et en histoire naturelle pour rabattre de ce qu’ils ont dit des animaux et pour maintenir l’homme à son rang légitime45. […] Pourtant, par son jugement plein et sa ferme démarche d’esprit, par son style sain, grave et scrupuleux, et qui eut même son éclat d’emprunt, il mérite estime et souvenir comme tout ancien précepteur qui a été utile en son temps ; l’histoire littéraire lui doit de le placer toujours à la suite de Montaigne, comme à la suite de Pascal on met Nicole, — comme autrefois on mettait à côté de La Rochefoucauld M.  […] [NdA] N’est-ce pas ici, au sérieux, la leçon pratique que Molière a mise partout en action dans ses comédies ?

620. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

En ce temps-là, on était apprenti aux divisions ; en celui-ci, tout le monde y est maître. » Et ce n’est point par intérêt personnel qu’il parle, dit-il, car « j’avais assez et trop de connaissance de la jalousie qu’il (Henri IV) portait à ceux de ma condition et religion, et connais bien que nous ne fûmes jamais plus considérables qu’à présent. » Mais cet intérêt qu’il a comme religionnaire et comme l’un des grands du royaume, il le met sous ses pieds un moment et le subordonne (ce qu’il ne fera pas toujours) à sa qualité de Français : Je regrette, s’écrie-t-il, en la perte de notre invincible roi, celle de la France. […] Son dessein eût été d’agir militairement, de démanteler les petites places qui ne pouvaient tenir, et de fortifier les principales, Nîmes, Montpellier, Uzès ; « Nous avions, dit-il, des hommes assez suffisamment pour faire une gaillarde résistance ; mais l’imprévoyance des peuples et l’intérêt particulier des gouverneurs des places firent rejeter mon avis, dont depuis ils se sont bien repentis. » Dans ses remarques sur les Commentaires de César, admirant l’influence qu’eut Vercingétorix sur les peuples de la Gaule pour leur faire accueillir les meilleurs moyens de défense : Il a eu, dit-il, le pouvoir de faire mettre le feu à plus de vingt villes pour incommoder leurs ennemis, ce qui témoigne son bon sens… Son grand crédit est remarquable ; car, à des peuples libres, au commencement d’une guerre, avant que d’en avoir éprouvé les mauvais succès et dans l’espérance de pouvoir vaincre sans venir à des remèdes si cuisants, il leur persuade de mettre le feu à leurs maisons et à leurs biens, pour la conservation desquels se fait le plus souvent la guerre. […] En face du profil de ce politique pénible et de ce guerrier contentieux, dont le chant de triomphe habituel était forcément une apologie, ne craignons pas de mettre le lumineux contraste pour nous consoler un peu le regard, d’autant que lui-même il a pu s’y arrêter et s’en faire l’application, en se disant : « Ce n’est pas comme moi ! […] Timoléon, pour toutes les cités de l’île, c’était le sauveur, le réparateur par excellence ; aucune n’aurait cru sa réforme intérieure et ses institutions agréées et bénies des dieux, si Timoléon n’y avait mis la main. […] Au lieu de l’éclair à la française, la Réforme a mis sur son front son cachet pensif et son froncement de sourcil qui annonce moins le guerrier inspiré que le guerrier raisonneur 41.

621. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

En relisant bien des choses que j’ai écrites, je ris de moi-même de bon cœur ; cela me met dans une grande défiance de mes propres idées d’abord, et puis de celles des autres. […] Je n’y veux pas mettre mon nom. » Je lui répondis que j’allais à l’instant m’occuper de chercher ce libraire, chose bien aisée avec son nom, un peu plus difficile peut-être avec la condition de l’anonyme. […] Mais quand je retournai le lendemain trouver M. de Lamennais, sa pensée avait fait du chemin ; il consentait à mettre son nom au livre. […] Je suis ami du gouvernement, je ne puis mettre mon nom à cette publication ; mais, comme l’affaire est commencée, je ne refuse pas mes presses. […] J’usai de la faculté qui m’avait été laissée ; je pris sur moi de rayer deux lignes et de mettre des points.

622. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Édouard Fournier ; il a mis au bas des pages quelques notes biographiques utiles sur les originaux qu’on reconnaît au passage, et quelques pensées des moralistes célèbres qu’on aime à rapprocher de leur grand émule. […] Il se mettait parfois à danser subitement et à chanter, bien qu’il n’eût pas une belle voix. […] L’audace lui est venue avec le succès ; il mettra double et triple charge ; il chargera à balle forcée la carabine. […] Des sublimités de Louis le Grand à l’homme vu au naturel, le saut est brusque : La Bruyère est bien capable de l’avoir fait exprès, et, pour mon compte, je ne doute pas de l’intention philosophique qu’il y a mise. […] La Bruyère, ainsi mis au défi, se piqua d’honneur, et voulut que son discours comptât et fît époque dans les fastes académiques.

623. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Survient la grande maladie de Calais (juin-juillet 1658) qui mit les jours du roi en si granddanger. […] Plus de quarante ans après (1705), s’étant mis un jour à remuer et à feuilleter un grand nombre d’anciennes lettres d’amour et d’anciens papiers très-parfumés, il sentit redoubler ses vapeurs ; mais ce sont là des incidents et non des causes : elles nous échappent. […] Une rougeole de la plus mauvaise nature, que le roi âgé de vint cinq ans contracta en soignant la reine (1663), mit encore une fois ses jours en danger, et même, en se guérissant heureusement, n’emporta point ces tournoiements de tête et ces mouvements vertigineux qui avaient précédé et qui se renouvelèrent bientôt. […] D’Aquin était premier médecin encore ; il différa avec Fagon sur la nécessité d’opérer, et son peu de sincérité dans l’exposé des faits est mis à nu par celui-ci, lorsque, lui succédant dans sa charge, il prend en main la rédaction du Journal. […] On l’avait mis au vin de Champagne ; ce n’était pas le vin qui lui convenait.

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