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456. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Je sais bien que cet Apollon est sans verve, sans enthousiasme ; qu’il ne dispute pas ; qu’il touche de sa lyre comme par manière d’acquit, et qu’il est plus tranquille encore que l’ Antinoüs dont il est imité. […] Celui-ci a je ne sais quoi qui vous rappelle la manière simple, non recherchée, isolée et tranquille de composer des anciens, manière où les figures restent comme le moment les a placées, et ne sont vraiment liées que par la circonstance, le fait et la sensation commune. […] Autour du piédestal, on en voit d’autres en bas-relief, tournés, contournés, de la manière la plus déplaisante ; ce sont des morceaux de pâte molle pétris entre les doigts, de la sculpture comme Carle Van Loo disait qu’il en savait faire.

457. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale Parmi les phénomènes que présente l’état actuel des choses, il en est qui frappent plus que d’autres, selon la disposition différente des esprits différents, Celui sur lequel je désire arrêter en ce moment l’attention, parce que je le crois de la plus grande importance, c’est le discrédit de la parole et la confusion du langage. […] Je me bornerai donc à établir quelques faits, encore sera-ce d’une manière affirmative, puisque je ne puis ni les développer, ni les justifier par des exemples. […] Il faudrait également que je caractérisasse à la fois et Delille que nous venons de perdre, et M. de Chateaubriand qui est encore dans la force du talent, doués, l’un d’une immense richesse de détails poétiques, l’autre d’une imagination vaste et féconde, placés tous les deux sur les derniers confins de notre ancien empire littéraire, et venant terminer d’une manière admirable toutes les traditions de notre double langue classique dont le règne va finir : ce qu’il y a de plus remarquable dans l’association que je fais ici de ces deux noms, c’est que leurs ouvrages, honneur éternel de cette époque, sont à la fois des monuments littéraires et des monuments de nos anciennes affections sociales. […] Il est devenu comme le contemporain de ces textes sacrés qui se mêlent à ses paroles d’une manière à la fois si audacieuse et si naturelle.

458. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

En France, où ils se sont multipliés d’une manière si prodigieuse, qu’on peut croire que leur nombre l’emporte sur celui de tous les autres pays de l’Europe, en France, pays salique, encore plus de mœurs que de monarchie, et où le mot de littératrice n’était pas français, les Bas-bleus, avant ces derniers temps, n’existaient presque pas. […] C’étaient des Précieuses d’une insupportable manière d’être, que le bon sens de Molière traita, dans la pièce de leur nom, comme les porteurs de Mascarille le traitent, avec les bâtons de leur chaise. […] Mais en la décorant comme un homme, c’était une manière d’accepter l’idée qui court dans tous les esprits, cette rue ! […] Il ne s’agit nullement de faire aux femmes, qui aiment tant à être victimes, parce qu’elles savent que c’est la meilleure manière d’être bourreau, le plaisir de leur refuser tout ; mais simplement de reconnaître exactement, — en le déterminant, — ce qu’elles ont, et ce qu’on ne veut pas, certes !

459. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Il y a le mystère de sa grandeur, expliqué d’une manière insupportable à la philosophie, c’est-à-dire, par l’intervention directe et personnelle de la Providence. […] Les trois sommets de l’île de la Trinité, aperçus par lui et répétant à leur manière le nom projeté de cette île, qu’il devait appeler la Trinidad avant de l’avoir découverte, l’histoire de la croix plantée de sa main à la Vera-Cruz et dont le bois produisit pendant tant d’années des guérisons si extraordinaires et si désespérées, le compte inouï de tous les grands événements de la première expédition de Colomb, lesquels, tous heureux, tombèrent à point nommé le vendredi, depuis le vendredi du départ jusqu’au vendredi du retour, tous ces faits que le très commode hasard, inventé pour faire substitution et pièce « à la Providence », n’explique et n’éclaire plus, parce que le hasard est essentiellement solitaire et que des faits nombreux et continus lui ôtent son caractère de hasard, M.  […] Comme catholique, il était dans son droit, et tout catholique doit applaudir à cette manière d’écrire l’histoire ; mais, nous ne serions pas catholique de cœur et de tête, de réflexion et de foi, que nous applaudirions encore à l’inspiration résolue d’un esprit et d’un livre qui du moins sait prendre le taureau par les cornes, ne dût-il pas le renverser ! […] Il nous peint admirablement ce petit homme, grandi par le reflet de sa femme, ce conquérant ménager qui, du génie magnifique et généreux de la Féodalité, n’a gardé que la manière de lacer son casque et de se tenir sur la selle.

460. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Monselet, qui a étudié le xviiie  siècle sans précaution, et qui était, il y a quelques jours encore, visage contre visage avec la face de satyre du chèvre-pieds littéraire Rétif de la Bretonne, l’auteur du Paysan perverti, a échappé si peu à l’influence du xviiie  siècle pour le déshabillé du détail et la crudité de l’expression, qu’il se donne, sans aucun embarras, dans la préface même de son livre, pour une espèce de continuateur de Louvet de Couvray, quoiqu’il vaille infiniment mieux de toutes manières que ce misérable écrivain, de fausse élégance et de faux monde, ce Girondin du vice, « tout laitage aigri et cantharides noyées  », comme disait Byron de Lewis. Louvet n’a jamais rien observé que ce qui fait baisser les yeux à un honnête homme, et le nom qu’il mérite ne peut s’écrire en littérature, tandis que Monselet, qui a sans doute pour Louvet l’indulgence d’un biographe de Rétif de la Bretonne, ne manque point d’observation réfléchie, et « la bonne humeur » dont il nous parle aussi dans sa préface et dont nous aurions souhaité qu’il eût voilé quelques éclats, est de cette bonne humeur à la façon des satiriques, qui ont une manière de rire à eux, comme rirent, de leur temps, Johnstone et Le Sage… Monselet s’est calomnié gratuitement en se comparant au plat et indécent auteur de Faublas. […] Comme Le Sage, comme Johnstone, ses devanciers et ses maîtres, il a toujours un de ses yeux embusqué sur les vices et les ridicules de son temps, et voilà surtout ce qui nous intéresse en lui ; car nous ne tenons pas infiniment à cette manière de battre et de couper le jeu de cartes du roman que le xviiie  siècle croyait ingénieuse et que ses plus grands esprits — comme Swift, par exemple, — ne dédaignèrent pas. […] Mais, tel que nous l’avons, avec ses défauts, sa manière, sa préciosité (Monselet s’est aussi comparé à Voiture), avec la fausseté de beaucoup de rapprochements qui ont trompé un œil qu’on ne trompera plus quand il sera attentif, et enfin les souvenirs d’études, les grandes herbes qu’a poussées le xviiie  siècle au milieu de tout cela, Monsieur de Cupidon, ce livre dont on peut trop dire encore ce qu’un critique exquis (Joubert) disait de Gil Blas : « On sent qu’il a été écrit au café, entre deux parties de dominos », Monsieur de Cupidon nous fait croire à un autre livre de Monselet qui établirait et fixerait sa renommée.

461. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Ses Odelettes 15, le dernier de ses ouvrages, doivent être considérées comme l’expression définitive et sans progrès ultérieurement possible de sa manière. […] D’ordinaire, les poètes jeunes encore, les poètes aux pensées infinies, pour parler comme eux, ne s’enterrent pas de leurs propres mains dans ce titre solennel et un peu funéraire de Poésies complètes, qui implique la fin de leurs travaux et le dernier mot de leur manière ; mais un détail touchant de cette publication, c’est que Banville, quand il en eut l’idée, croyait mourir. […] Et quand nous disons qu’on ne les lit plus, nous ne parlons pas des curieux qui lisent tout ou des poètes qui cherchent des manières à renouveler parce qu’ils n’ont pas d’inspiration personnelle, nous parlons de cette masse lisante qui dispense la gloire et qui la fait. […] Il est vrai que de tels vers commencent le recueil ; et, nous l’avons dit, ceux qui le terminent indiquent un affermissement dans la manière de l’auteur.

462. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

À la manière dont Saint-Simon nous parle de son père, et même si l’on en rabat un peu, on voit en celui-ci un homme de qualité, fidèle, assez désintéressé, reconnaissant et, en tout, d’une étoffe morale peu commune à la Cour. […] Il les reconnaît, il les devine à distance, il les dénonce et les démasque ; il semble, à la manière dont il les tire au jour et les dévisage, y prendre un plaisir amer et s’y acharner. […] Qu’on veuille bien se rendre compte de la manière dont les mémoires, tels que les siens, ont été et sont nécessairement composés. […] Et enfin cela était-il d’accord avec le génie de la nation, avec le génie de cette noblesse même qui aimait à sa manière à être un peuple, un peuple de gentilshommes ? […] Une des mesures qu’il proposait avec le plus de confiance, eût été de convoquer les états généraux au début de la Régence ; il y voyait un instrument commode duquel on pouvait se servir pour obtenir bien des réformes, et sur qui on en rejetterait la responsabilité par manière d’excuse.

463. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

La permanence de certains types, en dépit des influences les plus contraires des causes extérieures, surtout du climat, semblait favoriser cette manière de voir, quelque courtes que soient les périodes de temps dont la connaissance historique nous est parvenue. […] Ce qui montre encore dans la tradition dont il s’agit le caractère manifeste de la fiction, c’est qu’elle prétend expliquer un phénomène en dehors de toute expérience, celui de la première origine de l’espèce humaine, d’une manière conforme à l’expérience de nos jours ; la manière, par exemple, dont, à une époque où le genre humain tout entier comptait déjà des milliers d’années d’existence, une île déserte ou un vallon isolé dans les montagnes peut avoir été peuplé. […] C’est là, en effet, ce qu’il y a dans l’homme de touchant et de beau, cette double aspiration vers ce qu’il désire et vers ce qu’il a perdu ; c’est elle qui le préserve du danger de s’attacher d’une manière exclusive au moment présent. […] « De semblables aperçus sur le monde sont souvent exposés dans les psaumes, mais nulle part d’une manière plus complète que dans le trente-septième chapitre du livre de Job, assurément fort ancien, bien qu’il ne remonte pas au-delà de Moïse. […] Asmai fait voyager le fils du désert à Constantinople ; c’est pour lui une occasion d’opposer d’une manière pittoresque la civilisation grecque et la rudesse de la vie nomade.

464. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Strauss d’une manière qui laisse peu à désirer. […] Sous ce second rapport, la différence est telle qu’il faut faire son choix d’une manière tranchée. […] Ce ne sont ni des biographies à la façon de Suétone, ni des légendes fictives a la manière de Philostrate ; ce sont des biographies légendaires. […] Qu’on essaye d’arriver au vrai sur la manière dont s’est passé tel ou tel fait contemporain ; on n’y réussira pas. […] La manière dont Aristion ou Presbyteros Joannes s’exprimait sur l’évangile de Marc devant Papias (Eusèbe, H. 

465. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

On aurait beau combiner de mille manières des atomes psychiques, on n’en ferait pas sortir un plaisir ou une douleur, une pensée, une volition. […] Dans le chronomètre, tous les mouvements se déroulent et s’expliquent d’une manière adéquate, sans aucune considération de l’heure, tant du moins qu’on ne sort pas du chronomètre pour remonter à l’horloger. […] Qu’est-ce qu’un sujet pur qui ne se manifeste d’aucune manière, qui n’a ni qualité propre, ni intensité propre, ni durée propre ? […] En imaginant, nous créons l’objet même à étudier et nous le varions de mille manières. […] On a dit avec raison que la psychologie est la seule science qui, en accomplissant sa tache, finisse par s’occuper (à sa manière propre) de la matière même de toutes les autres sciences.

466. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 2-5

Le sujet du Poëme n’est autre chose que la Description du Château de Richelieu ; mais dans cette Description, l’Auteur a l’art de déployer, d’une maniere aussi féconde que naturelle, toutes les richesses de la poésie. […] Après avoir fait voir les deux armées aux prises, & avoir peint d’une maniere énergique la défaite du Duc, il lui adresse ainsi la parole : Grand Héros, qu’un excès d’amour & de valeur Engage aveuglément dans le dernier malheur, Tous tes autres exploits ont mérité de vivre ; Ils vivront à jamais sur le marbre & le cuivre : Tes sublimes vertus, dignes d’un meilleur sort, Effacent, à nos yeux, la honte de ta mort ; Et les siecles futurs, francs de haine & d’envie, Ne doivent pas juger de l’état de ta vie, Par l’instant malheureux qui surprit tes beaux jours D’une éclipse fatale au milieu de leur cours.

467. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 507-511

Les Ecrivains qui ont attaqué la Religion, se sont attachés à des faits particuliers qu’ils ont ajustés à leur maniere, pour en tirer parti en faveur de l’incrédulité. […] Son Histoire du Commerce & de la Navigation des Anciens, est dans la maniere de l’Auteur, c’est-à-dire qu’on y trouve une érudition sage & éclairée par un jugement exquis.

468. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 540-543

Le Lecteur même un peu éclairé n’y peut méconnoître, en plusieurs endroits, la touche & les idées de l’Historien du Siecle de Louis XIV : c’est sa maniere d’écrire, sa tournure d’esprit, sa façon de penser ; ce qui a fait dire à quelques personnes, qu’il avoit eu grande part à cet Ouvrage. […] Rousseau, l’Abbé Desfontaines, M. de Maupertuis, &c. que nous avons traités d’une maniere plus conforme à la vérité, dans le Tableau philosophique de l’Esprit de M. de Voltaire.

469. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Cochin » p. 332

Il faudrait un génie rare, un talent extraordinaire, une force d’expression peu commune, une grande manière de traiter de plats vêtemens, pour conserver aux actions de la dignité. […] Et, enragées bêtes que vous êtes, je ne l’exige pas de vous pour faire un nez, une bouche, un œil, mais bien pour saisir dans l’action d’une figure cette loi de sympathie qui dispose de toutes ses parties, et qui en dispose d’une manière qui sera toujours nouvelle pour l’artiste, eût-il été doué de la plus incroyable imagination, et eût-il par devers lui mille ans d’étude.

470. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Il signifierait : Toutes les manières de déraisonner sont bonnes en journalisme, il n’y a que la manière des gens raisonnables qui ne vaut rien. […] Le goût, disons-nous, étant une manière de jouir de l’œuvre d’art et non de la créer, ne comporte pas de précision. […] Même une société, qui est une réalité spirituelle, comporte une manière de corps. […] Disons seulement qu’il y a deux manières de grouper des idées, d’en faire un organisme cohérent, vivant, agissant : une manière logique et une manière chronologique. […] Taine se plaisait à y voir une manière d’appliquer à la critique la méthode des naturalistes.

471. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

« Une manière d’être que nous cherchons à produire dans la conscience et à y retenir », répond Spencer. […] Essayons d’abord d’éclaircir la question d’une manière indirecte, en nous reportant aux nécessités de la vie même. […] Comme certaines sensations, par exemple celle de la chaleur, peuvent passer d’une manière continue de la forme agréable à la forme pénible, on suppose théoriquement un état intermédiaire d’indifférence. […] En même temps, un mécanisme fonctionnant d’une manière automatique tendait à s’établir. […] Cette théorie fantastique imagine arbitrairement des plaisirs sentis d’une manière inconsciente, comme si on pouvait jouir sans avoir au moins la conscience spontanée de jouir.

472. (1891) Esquisses contemporaines

— Des manières de vous, vous dites ! […] D’ailleurs cette manière d’écrire offre plus d’un danger. […] Il y a une manière de la voir et une autre manière de la sentir ; la première est la bonne, mais la seconde est exquise ; la première est l’ordinaire, la seconde est plus rare et ne va point sans une certaine mélancolie qui est la rançon des sentiments trop intenses. […] Elle nous paraît caractériser assez bien le genre d’inspiration de notre auteur et donner une juste idée de sa manière habituelle. […] Or comprendre le péché de cette manière, c’est lui conférer un droit à l’existence qui l’anéantit comme péché.

473. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Ce qui m’y avait poussé était principalement le fait de Blois (l’assassinat du duc et du cardinal de Guise) qui m’a fort affligé, non pour autre raison que pour le défaut que je trouvais en la manière et procédure de l’exécution. […] Charron à sa manière, et sous sa forme grave, servait la même cause, celle de la restauration royale et de l’autorité rétablie. […] Les trois livres dont se compose l’ouvrage roulent : 1° sur l’homme, sa misère, ses faiblesses, ses passions ; sur la vie humaine, ses fluctuations et sa brièveté ; sur les différents états, conditions et genres de vie qui distinguent les hommes ; 2° sur la manière de s’affranchir des erreurs, de l’opinion ou des passions ; 3° enfin, sur les quatre vertus de prudence, justice, force et tempérance. […] L’auteur a possédé sa matière et l’a tirée de son propre fonds (c’est le contraire), y mettant beaucoup de réflexions particulières ; donnant un tour singulier à celles qui sont communes, s’énonçant d’une manière propre à faire penser plus qu’il ne dit, et réveillant l’attention par la vivacité de ses expressions, quelque usées qu’elles commencent d’être… » Mais ce ne sont pas seulement les pensées, ce sont le plus souvent les expressions mêmes de Charron qui sont prises de Montaigne. […] [NdA] Le point faible, c’est qu’avec cette manière de raisonner, le monde serait resté éternellement païen.

474. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

On conjecture que, né dans un village près de Dourdan, il fut élevé à la campagne ; car il garda toujours de la nature une impression vive qu’il a exprimée avec bonheur, et il porte à l’homme des champs, pour l’avoir vu de près à la peine, un sentiment de compassion et d’humanité qu’il a rendu d’une manière poignante. […] Il faut le voir dans cette petite édition première : il ne se glisse qu’à la suite, par manière d’essai et sans qu’on ait l’air d’y tenir. […] Lorsqu’on s’est une fois familiarisé avec lui et avec sa manière, on l’aime bien mieux, ce me semble, hors de ces morceaux de montre et d’apprêt, dans les esquisses plus particulières d’originaux, surtout dans les remarques soudaines, dans les traits vifs et courts, dans les observations pénétrantes qu’il a logées partout et qui sortent de tous les coins de son œuvre. […] Depuis que Fléchier avait inauguré ce genre de compliment et de remerciement public en 1673, vingt ans s’étaient écoulés ; le genre avait eu le temps de s’user déjà : La Bruyère se proposa pour difficulté de le renouveler, et il y réussit à tel point, il fit tant de bruit et d’éclat par la nouveauté de sa manière, qu’on a prétendu que c’est de ce jour et à cause de lui que l’Académie, toujours prudente et en garde contre l’extraordinaire, jugea à propos de soumettre préalablement le discours du récipiendaire à une commission. […] On a une indication précieuse sur la manière indépendante, toute littéraire, et par cela même originale, dont La Bruyère se conduisit à l’Académie durant le temps trop court qu’il lui fut donné d’y siéger.

475. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Ce ne sont pas des ennemis d’un jour qu’on se fait en s’affichant de cette manière ; ils sont acharnés et pour toute la vie. […] Cette masse flottante d’esprits, qui est trop imbue des résultats généraux ou des notions vaguement répandues de la science et qui a respiré trop librement l’esprit moderne pour retourner jamais à l’antique foi, a besoin pourtant d’être édifiée à sa manière et éclairée. […] Renan ne présente-t-il son récit que comme probable et plausible, comme une façon satisfaisante de concevoir et de s’imaginer ce qui a dû se passer, ou de cette manière, ou d’une manière plus ou moins approchante. […] Or, la manière de M. 

476. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Il y a dans sa conduite d’alors et dans sa tendance d’aujourd’hui cette véritable, cette seule ressemblance, à savoir qu’il ne s’est jamais borné et même qu’il n’a guère jamais aimé à envisager le christianisme, comme tant de grands saints l’ont fait, par le côté purement intérieur et individuel, par le point de vue du salut de l’âme et des âmes prises une à une, mais qui l’a embrassé toujours de préférence (et en exceptant, si l’on veut, son Commentaire sur l’Imitation et sa traduction de Louis de Blois) par le côté social, par son influence sur la masse et sur l’organisation de la société ; et c’est ainsi qu’il se portait avant tout pour la défense des grands papes et des institutions catholiques. « Jésus-Christ, disait-il en 1826, ne changea ni la religion, ni les droits, ni les devoirs ; mais, en développant la loi primitive, en l’accomplissant, il éleva la société religieuse à l’état public, il la constitua extérieurement par l’institution d’une merveilleuse police, etc. » Toutefois les moyens que M. de La Mennais proposait et exaltait jusqu’à la veille de juillet 1830 étaient, il faut le dire, séparés du temps actuel et de sa manière de penser présente par un abîme. […] Du Fossé, voulant peindre dans le grand Arnauld cette colère de lion pour la vérité qui s’unissait en son cœur avec la douceur de l’agneau, nous dit naïvement : « L’exemple seul de Moïse, que Dieu appelle le plus doux de tous les hommes, quoiqu’il eût tué un Égyptien pour défendre un de ses frères, brisé par une juste colère les Tables de la Loi, et fait passer au fil de l’épée vingt-trois mille hommes pour punir l’idolâtrie de son peuple, fait bien voir qu’on peut allier ensemble la douceur d’une charité sincère envers le prochain avec un zèle plein d’ardeur pour les intérêts de Dieu. » En ne prenant les vingt-trois mille hommes et l’Égyptien tués qu’en manière de figure, comme il convient dans ce qui est de l’ancienne Loi, et en rapportant à l’abbé de La Mennais cette phrase de Du Fossé sur le grand Arnauld, je me rappelais bien que lui-même avait condamné ce dernier, et qu’il avait écrit de lui en le comparant à Tertullien : « Et Tertullien aussi avait des vertus ; il se perdit néanmoins parce qu’il manqua de la plus nécessaire de toutes, d’humilité. […] Car, que le Pape lui témoignât plus ou moins de bon vouloir, plus ou moins de gratitude pour ses services passés ou bien seulement sévérité silencieuse et sèche indifférence, c’était affaire de politesse et de manières, ce n’est pas de cela qu’il s’agissait avec lui fidèle et croyant. « Il n’existe, dit M. de La Mennais, pour chaque chose qu’un moment dans les affaires humaines, » et, selon lui, 1831 était ce moment. […] Sa manière de philosophiser le christianisme est-elle tout simplement, avec plus de ferveur et d’impulsion, un pur déisme avec morale évangélique, comme par exemple la religion de MM. […] Les voyageurs, las d’attendre l’Encyclique qui ne devait les joindre qu’en route, quittèrent Rome en frétant un voiturin : « Cette manière de voyager, lorsque rien ne vous presse, dit l’auteur, est la plus agréable que puissent choisir ceux qui doivent rechercher une stricte économie.

477. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

L’on pourrait dire avec justesse, qu’il n’existe que deux manières d’appuyer ses raisonnements sur les objets au dehors de nous, la philosophie ou les miracles. […] Descartes a trouvé une manière de faire servir l’algèbre à la solution des problèmes de la géométrie. […] La table des morts et des naissances présente des résultats certains et invariables, aussi longtemps que subsiste l’ordre régulier des circonstances habituelles ; le nombre des divorces qui auront lieu chaque année, le nombre des vols et des meurtres qui se commettront dans un pays de telle population, et de telle situation religieuse et politique, ce nombre peut se calculer d’une manière précise ; et ces événements qui dépendent cependant du concours journalier de toutes les passions humaines, ces événements arrivent aussi exactement que ceux qui sont uniquement soumis aux lois physiques de la nature. […] L’esclavage, la féodalité, les querelles religieuses elles-mêmes n’exciteront plus aucune guerre ; la lumière est assez généralement répandue sur ces objets, pour qu’il ne reste plus aux hommes véhéments l’espoir de les présenter sous des aspects différents, de former deux partis fondés sur deux manières diverses de juger et de faire voir les mêmes idées. […] Il n’existe aucune manière de prouver qu’elle est toujours d’accord avec cet intérêt, à moins d’en revenir à placer le bonheur de l’homme dans le repos de sa conscience ; ce qui signifie simplement que les jouissances intérieures de la vertu sont préférables à tous les avantages de l’égoïsme.

478. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Cela serait si l’humanité marchait avec un complet ensemble et d’une manière parfaitement rigoureuse. […] Le grand résultat de la critique historique du XIXe siècle, appliquée à l’histoire de l’esprit humain, est d’avoir reconnu le flux nécessaire des systèmes, d’avoir entrevu quelques-unes des lois d’après lesquelles ils se superposent, et la manière dont ils oscillent sans cesse vers la vérité, lorsqu’ils suivent leur cours naturel. […] Et pourtant l’analyse est, à sa manière, un progrès. […] Dans une hypothèse que je suis loin de prendre d’une manière dogmatique, mais seulement comme une belle épopée sur le système des choses, la loi de Dieu ne serait pas autre. […] Une conséquence de cette manière simple de prendre la vie, c’est d’apercevoir la physionomie des choses, ce que ne font jamais les savants analystes, qui ne voient que l’élément inanimé.

479. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Sans prétendre empiéter sur ce qui sera dit ailleurs par des organes plus autorisés et avec plus de développement, je ne voudrais qu’acquitter ici, à ma manière, mon tribut d’estime envers un homme que j’ai connu et que j’ai particulièrement respecté ; je voudrais rendre plus nette et plus familière à tous l’idée qu’il faut rattacher à son nom. […] Mais les hommes, sur ce fait qui les touche de si près, sont plus rebelles qu’on ne pense : être heureux ou malheureux, chacun veut l’être à sa manière. […] Droz, je l’ai indiqué déjà, répugnait à ces manières de voir absolues et qui tranchent ; même lorsqu’il se fut soumis et rangé à une religion toute pratique et précise, il aimait encore à n’en pas définir trop strictement l’esprit. […] La manière de M.  […] Ce qu’il y a d’un peu idéal et de conjectural dans cette manière d’étudier l’histoire, n’empêche pas M. 

480. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Cette manière de concevoir ce qui nous environne et qui nous touche n’est peut-être pas la plus philosophique ni la plus profonde, mais c’est la plus raisonnable, celle qui est la plus conforme au milieu humain. […] La portion supérieure de son ouvrage est celle où il montre la décomposition de la société par les sophistes, espèce destructive si éloignée en tout de ces hommes à grand caractère et à grandes vues positives, qui ont fondé les sociétés et institué les peuples : « Le faux esprit philosophique est une lime sourde qui use tout. » Il distingue entre les diverses sortes de corruption publique : malgré sa bonté morale personnelle, il sait à quoi s’en tenir sur le fond de l’homme ; les passions étant les mêmes en tout temps, les mœurs aussi sont toujours à peu près les mêmes, ce ne sont que les manières qui diffèrent : mais la différence est grande, d’une corruption qui n’est que dans les mœurs, et à laquelle de sages lois peuvent remédier, d’avec cette corruption subtile qu’un faux esprit philosophique a naturalisée dans la morale publique et dans la législation. […] Dans l’état de décomposition extrême et d’épuisement où était la France avant le retour d’Égypte et le débarquement de Bonaparte, les partis royalistes s’étaient remis à espérer plus que jamais, et il leur semblait qu’il n’y eût plus à décider pour eux que la manière dont le roi rentrerait dans son héritage. […] Mais, en lisant ces paroles si ménagées, ne sentons-nous pas l’esprit de Portalis lui-même qui se traduit jusque dans sa langue et dans sa manière de dire ? […] Ce dernier était assurément un des hommes dont la forme d’esprit contrastait le plus avec la manière d’être de Portalis.

481. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Boris poursuivait, à sa manière, cette œuvre civilisatrice précoce commencée déjà par Ivan le Terrible : il se plaisait à attirer les. […] La manière dont M.  […] Cicéron, en un endroit de son traité De l’orateur, a parlé de la manière d’étudier et d’écrire l’histoire. […] Tite-Live, dans sa belle et large manière qui est la vraie voie romaine en histoire, commence volontiers par invoquer les dieux et les déesses, sentant qu’il y a une sorte de religion dans ce qu’il entreprend. […] Mérimée, qui a beaucoup étudié et médité les anciens, et qui met dans ses récits historiques plus d’art qu’il n’en montre, semble s’être particulièrement préoccupé de la manière de Xénophon et de César, et, bien qu’il varie sa narration, il la tient toujours la plus voisine qu’il peut de la sobriété et de la simplicité.

482. (1864) Le roman contemporain

Cela augmentait d’une manière tout à fait imprévue l’importance du roman. […] Voilà une des deux manières de M.  […] J’essayerai seulement de caractériser ses procédés et sa manière. […] L’originalité manque à ce roman d’une manière absolue. […] Le terre-neuve est un chevalier à sa manière.

483. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Alamanni me dit alors, en riant, des choses gracieuses qui furent embellies par son éloquence et ses belles manières ; et M.  […] Je voulais leur donner du zèle, pour être bien servi de toutes les manières. […] Sachez, ajouta-t-il, que cette tête est faite selon la manière antique, qui est la bonne, et que, si elle était mieux placée, elle ferait un plus bel effet. […] Je ne pus comprendre ce que voulait dire ce sot homme, avec de telles manières ; mais je le laissai, et j’allai chez le duc, qui était dans son jardin. […] De manière que de peur je le suivis au palais ; car nous nous trouvions alors près de Sainte-Félicité.

484. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 234-238

Quant à la partie du style, on peut s’en rapporter à M. de Voltaire, qui dit, dans son Siecle de Louis XIV : « Que la maniere d’écrire de Bayle est trop souvent diffuse, lâche, incorrecte, & d’une familiarité qui tombe quelquefois dans la bassesse ». […] Les Chrysostôme, les Augustin, les Cyrille, les Athanase, les Huet, les Abadie, les Bossuet, les Fénélon, les Bourdaloue, les Massillon, un millier d’autres s’en tenoient à quelque chose de fixe, & leur maniere de raisonner supposoit la vérité dans leur esprit, comme elle en communique la conviction à leur Lecteur.

485. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 121-125

Telle est pourtant la maniere dont le nouveau Traducteur veut qu’on rende les Auteurs, & celle à laquelle il s’est attaché dans la Version des Satyres de Perse. […] Peu de nos Fabulistes ont montré plus de talens pour faire ressortir une morale saine, instructive & touchante, des sujets qui paroîtroient d’abord le moins s’y prêter ; plus d’aisance & de vivacité dans la versification ; plus de naturel & d’aménité dans la maniere d’exprimer leurs pensées.

486. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

— Afin de faire comprendre plus clairement de quelle manière, selon moi, agit la loi de sélection naturelle, je demande à mes lecteurs la permission de leur donner un ou deux exemples. […] On voit ainsi comment une fleur et un insecte peuvent simultanément ou l’un après l’autre se modifier et s’adapter mutuellement de la manière la plus parfaite, au moyen de la conservation continue d’individus présentant des déviations de structures particulières et réciproquement avantageuses. […] Si cette région était vaste, ses différents districts présenteraient certainement diverses conditions de vie ; et la sélection naturelle modifierait et améliorerait les espèces d’une manière différente dans chacun d’eux. […] Ainsi, dans une région fermée ou peu étendue, les conditions de vie organiques ou inorganiques ont généralement une très grande uniformité, de sorte que la sélection naturelle tend à y modifier tous les individus d’une espèce variable de la même manière. […] De plus, ces nouvelles espèces seraient alliées les unes aux autres d’une manière toute différente.

487. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Il a consulté tous les voyageurs et jusqu’aux poêles qui ont parlé des lieux dont il avait à parler lui-même : non pas qu’un étalage pédantesque d’érudition atteste l’étendue de ses recherches ; rien n’est plus modeste que sa manière ; ses citations sont presque toujours des hommages, et ce n’est qu’avec l’accent de la reconnaissance qu’il salue les noms des voyageurs qui l’ont précédé. […] Denis ne s’aperçoit pas que c’est lui qui parle bien souvent par leur bouche, que leurs idées si malheureusement ingénieuses, leurs phrases à contre-temps élégantes, sont les siennes, et qu’il leur suppose trop aisément sa manière délicate d’observer et de sentir. […] Je crois peut-être expliqué de quelle manière ce morceau se rattache au but général de l’auteur.

488. (1890) L’avenir de la science « XI »

Welcker, en essayant de définir l’acception de la philologie (Ueber die Bedeutung der Philologie), l’envisagea presque exclusivement de cette manière 108. […] Dans la région de l’Inde au Caucase, le zend, avec ses mots longs et compliqués, son manque de prépositions et sa manière d’y suppléer au moyen de cas formés par flexion, le perse des inscriptions cunéiformes, si parfait de structure, sont remplacés par le persan moderne, presque aussi décrépit que l’anglais, arrivé au dernier terme de l’érosion. […] La langue moderne, en effet, étant toute composée de débris de l’ancienne, il est impossible de la posséder d’une manière scientifique, à moins de rapporter ces fragments à l’édifice primitif, où chacun d’eux avait sa valeur véritable.

489. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

En convenant que plusieurs sujets de ses Fables ont été tirés d’Esope, de Phédre, de Locman, on sera certainement autorisé à dire que la maniere neuve, originale, naïve, pleine de grace & de fécondité, dont il les a présentés, l’en rend le créateur. […] Il en est un très-grand nombre qu’il ne doit qu’à lui-même ; & la maniere dont il traite ses sujets, le met bien au dessus des Auteurs qui lui ont quelquefois fourni des matériaux. […] Prétend-on dire par-là que ses Fables sont toutes écrites de la même maniere, du même ton ?

490. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Très-beau morceau, tout à fait dans la manière de Vandick. […] Pourquoi le récit de ces actions nous saisissent-elles l’âme subitement, de la manière la plus forte et la moins réfléchie, et pourquoi laissons-nous apercevoir aux autres toute l’impression que nous en recevons ? […] Au reste, le philosophe a raison de se moquer du sens moral des métaphysiciens anglais ; mais il n’explique pas pour cela la manière dont se fait sur nos organes l’impression d’une belle action.

491. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Voilà pourquoi ils s’entr’accusent si souvent les uns les autres de reciter sur des tons vitieux, et principalement de finir mal leur couplet, de maniere qu’ils mettent à la gêne, disent-ils, celui qui doit prendre la parole immediatement après eux. […] Enfin dès qu’on voudra bien tomber d’accord qu’il y aura toujours sur tous les théatres un plus grand nombre d’acteurs mediocres que d’excellents acteurs, on ne pourra plus disconvenir que la perte dont l’objection parle ne fut compensée de maniere qu’il y auroit dix à gagner pour un que l’on perdroit. […] Je répondrai en premier lieu, que plusieurs personnes dignes de foi m’ont assuré que Moliere guidé par la force de son génie et sans avoir jamais sçu apparemment tout ce qui vient d’être exposé concernant la musique des anciens, faisoit quelque chose d’approchant de ce que faisoient les anciens, et qu’il avoit imaginé des notes pour marquer les tons qu’il devoit prendre en déclamant les rolles qu’il recitoit toujours de la même maniere.

492. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Mancel, le biographe de Vaultier, avec une expression peut-être un peu sonore en parlant d’une chose qui rata d’une manière si honteuse pour ceux qui croyaient la faire éclater, — Frédéric Vaultier avait vingt-deux ans. […] Il ne nous raconte pas ses impressions et sa vie, et ses manières, longuement déduites, de penser, et ses excuses pour avoir agi. […] Pendant tout le temps que dura la Révolution, toutes les villes, Lyon excepté, qui eut du moins le mérite de l’horreur (et nous ne parlons pas de la Vendée, cette guerre de géants, comme disait l’Empereur), toutes les villes se conduisirent à peu près de la même manière.

493. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

C’est un bohème coiffé, et même de toutes manières ; car il a toujours été fastueusement heureux. […] Et que sont aussi tous ceux-là qui, en toutes choses, n’épousent ni les manières de dire, ni les manières de penser du Journal des Débats ?

494. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Mais, d’autre part, il envisage corps et esprit de telle manière qu’il espère atténuer beaucoup, sinon supprimer, les difficultés théoriques que le dualisme a toujours soulevées et qui font que, suggéré par la conscience immédiate, adopté par le sens commun, il est fort peu en honneur parmi les philosophes. […] Notre premier chapitre définit cette manière de regarder la matière ; notre quatrième chapitre en tire les conséquences. […] D’une manière générale, l’état psychologique nous paraît, dans la plupart des cas, déborder énormément l’état cérébral.

495. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Ceux qui ont reçu de la nature une âme forte, ceux qui ont le bonheur ou le malheur de sentir tout avec énergie, ceux qui admirent avec transport et qui s’indignent de même, ceux qui voient tous les objets de très haut, qui les mesurent avec rapidité et s’élancent ensuite ailleurs, qui s’occupent beaucoup plus de l’ensemble des choses que de leurs détails, ceux dont les idées naissent en foule, tombent et se précipitent les unes sur les autres, et qui veulent un genre d’éloquence fait pour leur manière de sentir et de voir, ceux-là sans doute ne seront pas contents de l’ouvrage de Pline ; ils y trouveront peut-être peu d’élévation, peu de chaleur, peu de rapidité, presqu’aucun de ces traits qui vont chercher l’âme et y laissent une impression forte et profonde ; mais aussi il y a des hommes dont l’imagination est douce et l’âme tranquille, qui sont plus sensibles à la grâce qu’à la force, qui veulent des mouvements légers et point de secousses, que l’esprit amuse, et qu’un sentiment trop vif fatigue ; ceux-là ne manqueront pas de porter un jugement différent. […] Si chaque idée n’est pas nouvelle, ils la trouveront chaque fois présentée d’une manière piquante. […] Ajoutez la monotonie même que produit l’effort continuel de plaire, et le contraste marqué entre une petite manière et de grands objets.

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