Celui qui affronte un jugement public doit se laisser connaître tout entier. […] Rien ne nous est laissé à dire après un tel éloge émané d’un poète délicat et profond, resté le maître de la critique moderne. […] Ballanche l’a laissée en germe, mais le livre qui l’achèvera devra sa pensée mère à l’illustre théosophe. […] La poésie laisse à la prose tout ce qui est utile sans être beau. […] Tous les siècles vraiment féconds et qui ont laissé des monuments durables enseignèrent et pratiquèrent le respect.
Ce goût enfantin m’a laissé la connaissance de tous les termes techniques de marine. […] Hugo m’aimait assez et me laissait asseoir comme un page familier sur les marches de son trône féodal. […] Émile Deschamps, la vestale de l’esprit français, qu’il ne laissa jamais éteindre, comptaient au nombre de ses plus assidus visiteurs. […] Mais il a laissé son empreinte, il a conquis son originalité, il est lui ; et nul n’ira plus loin dans la ligne qu’il s’était tracée. […] C’est si parfait, que le travail n’a laissé aucune trace.
Il se laissa mettre très au fait du procédé, des intentions et du faire de l’école de MM. […] Magnin, tout distingués qu’ils sont, laissent cependant quelque chose à désirer pour la netteté et le sens précis des conclusions. […] Il ressemblait à un homme qui aurait laissé de côté la lecture d’un livre à une certaine page et qui le rouvrirait assez longtemps après, juste à l’endroit où il avait mis le signet : M. […] J’y reviens avec plaisir, et j’insiste désormais sur cet ordre de services par lesquels il survivra aux souvenirs de sa génération et laissera un nom dans la science. […] On n’a qu’à le suivre et à se laisser guider ; on se donne aisément ensuite les airs de s’y connaître, en l’arrêtant sur quelque point de détail où il se montre un peu vétilleux.
Collombet, mais débarrassée d’ailleurs de toute surcharge de notes qui ne sont bonnes qu’une fois, et qu’il faut laisser en leur lieu à l’usage des érudits. […] Pour nous, cette publication nouvelle nous est une occasion heureuse, que nous ne laisserons pas échapper, de réparer envers Louise Labé un oubli, une légèreté involontaire qu’un critique ami, M. […] Il soutient plaisamment, et non sans quelque ombre de vraisemblance, que les plus folâtres sont les mieux venus auprès des dames : « Le sage sera laissé sur les livres, ou avec quelques anciennes matrones, à deviser de la dissolution des habits, des maladies qui courent, ou à démesler quelque longue généalogie. […] Il conclut d’un ton d’aisance légère en faveur de sa cliente : « Ne laissez perdre cette belle Dame, qui vous a donné tant de contentement avec Génie, Jeunesse, Bacchus, Silène, et ce gentil Gardien des jardins. […] Quoi qu’il en soit, ce silence des dernières années, qui ne laisse arriver d’elle à nous, dans toute cette existence poétique, qu’un accent de passion émue et un cri d’amante, sied bien à la muse d’une femme, et l’imagination peut rêver le reste.
Mais le régime déplorable qui asservissait l’instruction publique ne laissait aux jeunes hommes libéraux et indépendants aucun espoir prochain de trouver place, même aux rangs les plus modestes. […] voyez, voyez mon âme encore marquée des flétrissantes empreintes de l’esclavage, voyez ces blessures honteuses que le temps et mes larmes n’ont pu fermer encore… Laissez-moi, je veux être libre… Ah ! […] Il se laisse et il se sent vivre. […] et qu’on laisse là pour passer à autre chose. » Sans donc renoncer, dès le début, à cette chère et consolante poésie, il ne s’empressa aucunement de s’y livrer tout entier. […] Magnin en disant : « Pour moi, je vais reprendre mon fusil que j’ai laissé ici près, et me battre. » Il revit pourtant dans la matinée M.
Laissez-moi vous en parler à mon aise pendant cette matinée d’été, à l’ombre, où l’on n’a rien de mieux à faire qu’à causer en ouvrant nonchalamment son âme à toutes les brises qui traversent capricieusement le ciel, et qui font frissonner et miroiter les feuilles au-dessus de nos têtes. […] Quoique encore dans l’âge où rien ne décline dans l’homme, sa tête intelligente a déjà perdu quelques-uns de ces fins cheveux blonds qui, comme des feuilles inutiles, se dispersent avant l’été pour mieux laisser mûrir dans le front découvert ce fruit précoce, la pensée, dans les hommes qui le portent. […] Elle est haute, carrée, percée d’un perron sur une terrasse au premier étage, de cinq fenêtres et d’un large balcon au second ; un toit construit en pyramide aiguë la surmonte, afin de laisser glisser les neiges trop pesantes en hiver. […] Il laissait une veuve encore jeune et trois enfants, deux fils et une fille ; ils furent bientôt après orphelins ; Louis de Ronchaud, qui était l’aîné, n’usa de ses droits que pour prodiguer à son frère et à sa sœur les sacrifices que son père aurait faits à ses enfants. […] Leur nourrice, en les recevant des bras de leur mère, leur a dit : Laisse travailler les autres, toi jouis, souris et repose-toi !
Je l’ai laissée pour le retour, et j’ai passé par un autre chemin. […] Une autre fois je ne laisserai pas mes fleurs en chemin. […] « Laissé enfermé depuis quinze jours. […] que je regrette tout ce que je laisse ici, et surtout mon père, et ma sœur, et mon frère ! […] Cela devait être brûlé : un heureux oubli de la mourante a tout laissé, l’amitié édifiée a tout trahi.
La nature en cela n’avait rien laissé à désirer dans les yeux, dans la chevelure, dans les traits, dans les bras, dans tout le galbe enfin de madame de Bombelles. […] La brebis sur les collines Ne trouve plus le gazon, Son agneau laisse aux épines Les débris de sa toison. […] Laissez-moi donc l’insérer tel quel dans mes confidences de cette année. […] oui, dit la vieille mère, mais il y en a un que vous ne voyez pas et que nous voyons nous, tout comme s’il était là, et à qui nous laissons sa place vide autour de la table. […] monsieur, ajouta la vieille femme pendant que Fior d’Aliza tenait le coffre ouvert pour me laisser voir ces trois chefs-d’œuvre, quels instruments !
Rien de plus classique que ce roman à deux personnages, où les sobres indications de cadre et de milieu laissent la crise morale s’étaler largement. […] Elle laisse les personnages secondaires tels qu’elle les a observés. […] Beaucoup de lecteurs s’en plaignent : toutes ces aventures et toutes ces analyses les surprennent, les laissent incrédules et étourdis. […] La même coquetterie se fait paraître par d’autres procédés ; ainsi quand dans la Chronique de Charles IX il laisse au lecteur le soin de choisir le dénouement qui lui plaira : grossier défaut, mais défaut voulu. […] Il se plaît à déconcerter nos intelligences, à troubler nos nerfs, par des récits étranges, qui nous laissent dans le doute, si nous avons affaire à un mystificateur ou réellement à un miracle.
Jouissons-en… et laissons faire au sort pour le reste. […] Alors, laissez donc les choses comme elles sont ! […] Et peut-être vaudrait-il mieux laisser les jeunes à leur jeunesse, à l’espoir, à l’ambition, à l’orgueil et à toutes les difficultés ou se trempe le caractère, — et que l’on ne surmonte pas avec quelques pièce de cent sous hasardeuses. […] Ils se laissent poser des candidats et ils écoutent jusqu’aux femmes des candidats. […] que ne les a-t-on laissé œuvrer en silence !
Un jour il laissait échapper : « J’espérais une perforation ou une hémorragie, mais non ce sera plus long » — et il épuisait dans cette maladie les souffrances de la mort à long terme. Cela dura ainsi sept mois, pendant lesquels je le répète, il ne laissa jamais voir qu’il savait devoir mourir à tel jour. […] » laisse échapper, en entrant, Spuller, dont la grosse chair a le palissement d’un vrai chagrin. […] » De là, on passe à la question du Tonkin, et quelqu’un dit ceci : « Du moment qu’on laisse pénétrer près du Gouvernement un membre de la Société de géographie, on a la guerre. […] Puis c’est la petite actrice qui fait le roi, qui vient essayer ses perruques sous nos yeux, et se refuse avec de gentilles mignardises à se laisser couper les talons de ses escarpins, qui la font trop grande.
Laisser mourir de faim ses enfants eût été sans doute plus romain, mais eût-ce été moins barbare ? […] Une maladie de poitrine nous annonçait sa fin prochaine: il l’attendait avec cette religieuse résignation à la nature qui laissait sa bouche sourire à la mort. […] Je ne faisais point de vœux pour la chute du gouvernement de Juillet que je ne servais plus dans aucun emploi, mais dont je ne pressais pas la chute, n’aimant pas la chute qui laisse longtemps un peuple se débattre sous les ruines. […] Mais le choix du silence ne nous est pas laissé ; et lors même qu’il nous serait permis d’arracher cette page de notre livre, nous ne pourrions l’effacer de notre histoire. […] Croyez-vous donc qu’il laisse Virginie sans récompense ?
Nous l’avons perdu il y a quelques années ; il n’a rien laissé qu’une ou deux traces dans quelques cœurs. Que laisse-t-on de mieux après avoir beaucoup agi ? […] Une porte ouverte laissait voir une salle d’étude. […] Il écrit dans le National et tu sers la cause des Bourbons, mais nous ne prendrons pas une nappe pour un drapeau, et nous laisserons la politique sous la table. […] Laissez les vers, bien que j’adore les vôtres.
Et pourtant, s’il fallait voir s’abîmer l’Italie avec son passé ou l’Amérique avec son avenir, laquelle laisserait le plus grand vide au cœur de l’humanité ? […] C’est ainsi que, tout en provoquant de véritables idolâtries, ni Lamartine, ni Musset n’ont jamais laissé d’école, jamais formé d’élèves. […] Ou bien, si par hasard le fait se produit, l’œuvre ainsi engendrée garde de son origine une tare inévitable, et ne laisse jamais au lecteur qu’une impression douteuse et incomplète. […] La parole de ses ancêtres des rives du Gange avait forcé à jaillir de son esprit l’inspiration latente ; il n’avait plus qu’à la laisser librement agir pour édifier ses poèmes. […] Étrange contradiction qui n’a pas laissé que de frapper parfois ses admirateurs, et qui faisait dire à M.
Souvent je m’y laissais prendre. […] Laissez-moi vous l’indiquer une fois pour toutes. […] laissez-moi. […] C’est à prendre ou à laisser. […] Du moins, c’est ce que M. de Goncourt a laissé dire.
L’embarras est grand quand on essaie de ramener à l’unité tant de phénomènes opposés ; on risque de se laisser égarer par les détails, d’observer trop minutieusement, de se laisser séduire par trop de faits passagers et sans importance fondamentale. […] Voilà une bien grosse accusation et qui ne laisse pas que de nous causer quelque embarras. […] Telle est à peu près l’impression que laisse le tableau du monde tracé par le ministre gallois. […] Laisse ton imagination se peindre cette retraite comme un petit cottage doré du soleil, sur le flanc d’une colline romantique. — Et penses-tu que je laisserai derrière moi l’amour et l’amitié ? […] Mais je vous ai laissé jusqu’à un shilling de ma fortune.
Chez eux, il y a du bon partout ; le général s’y mêle toujours au particulier, il faut savoir l’en tirer et le laisser venir ; il y a depuis un certain temps assez d’écrivains politiques qui ne procèdent que par axiomes généraux, par considérations abstraites, pour que le défaut contraire ait son prix et constitue une espèce d’originalité. […] Le monde ne s’arrête ni pour se laisser refaire, ni pour se laisser examiner ; et lorsqu’on entend déjà les journaux ministériels d’un royaume voisin attribuer la grande semaine de juillet aux concessions que M. de Martignac a faites à la Chambre de 1828, on se rappelle, en souriant, à combien d’accidents aussi petits que M. de Martignac on a attribué la Révolution de 1789. […] Le temps des fictions est passé ; si elles doivent revenir, laissez-leur le temps de se refaire. » Nous n’en voyons pas la nécessité, ni M.
Comme ce n’est pas du tout ici une défense systématique ni patriotique que nous prétendons faire, nous laisserons dès l’abord le chapitre des drames qui, d’ailleurs, composés la plupart pour les yeux, sont plus dans le cas d’être jugés à une première vue, même par des étrangers qui ne feraient que passer. […] Sa manière de commencer le procès qu’il nous intente par l’examen sérieux et appliqué de Paul de Kock, doit faire sourire les gens de talent qu’il inculpe, et d’un sourire plus fin et plus malicieux que l’auteur ne voudrait assurément, s’il savait sa méprise : mais il faut l’y laisser. […] L’auteur anglais s’est laissé prendre à une couple de scènes où figure Louis XI. […] Si l’article était resté là où il a paru, c’est-à-dire hors de France, nous l’y aurions laissé à l’usage des préjugés tories et des vanités littéraires nationales qu’il caresse ; mais, puisqu’on a jugé à propos de nous le reproduire en France comme une pièce qui a quelque intérêt et quelque gravité, il nous a été naturel d’en dire notre avis.
On a retrouvé de prime saut l’auteur de Henri III, d’Antony, même d’Angèle : de la rapidité, du trait, du mouvement, un entrain animé, impétueux, habile, qui laisse peu de trêve aux objections, qui amuse avant tout et enlève, qui touche quelquefois. […] Il ne laisse pas d’être singulier qu’on en soit venu, sans s’en douter, à ce point que, pour juger de la vraisemblance d’une œuvre dramatique, il faille presque approfondir un cas de médecine légale : je saute dessus ; le public a fait de même. […] Dumas n’en est que plus grande d’avoir fait marcher son drame, sans coup férir, à travers ces invraisemblances, et d’avoir tenu constamment en haleine le spectateur sans lui laisser le temps de regimber. […] Le moment où, écrivant au roi pour son compte, elle laisse reconnaître au duc son écriture, et répond à ses étonnements, sans cesser d’écrire, par ce brusque : Vous ne devinez pas !
Ces deux piquantes actrices ont laissé, elles aussi, un souvenir qui n’est pas encore effacé. […] La fièvre s’y étant jointe, il ne fut pas plus de huit jours malade, et après avoir renoncé au théâtre, il mourut le lundi 2 août 1688, à six heures du soir, et fut enterré à Saint-Eustache, derrière le chœur, vis-à-vis la chapelle de la Vierge. » L’Arlequin Dominique laissait, dit-on, trois cent mille livres de biens. […] En mourant, il ne laissa pas moins de biens que son émule Dominique. « Outre un legs considérable qu’il a fait à une maison religieuse, dit son biographe, il a laissé à son fils, qui est un prêtre savant et d’un grand mérite, tout le bien qu’il avait en France et en Italie, qui se monte à la valeur de près de cent mille écus.
Mais on se garde fort aujourd’hui d’entamer de ce côté une discussion qui pourrait n’enfanter que le ridiculus mus ; on veut laisser à ce mot de romantique un certain vague fantastique et indéfinissable qui en redouble l’horreur. […] Laissons en paix la procession des rhéteurs et des pédagogues apporter gravement de l’eau claire au tonneau vide. […] En effet, si, après une révolution politique qui a frappé la société dans toutes ses sommités et dans toutes ses racines, qui a touché à toutes les gloires et à toutes les infamies, qui a tout désuni et tout mêlé, au point d’avoir dressé l’échafaud à l’abri de la tente, et mis la hache sous la garde du glaive ; après une commotion effrayante qui n’a rien laissé dans le cœur des hommes qu’elle n’ait remué, rien dans l’ordre des choses qu’elle n’ait déplacé ; si, disons-nous, après un si prodigieux événement, nul changement n’apparaissait dans l’esprit et dans le caractère d’un peuple, n’est-ce pas alors qu’il faudrait s’étonner, et d’un étonnement sans bornes ? […] Telle est la mission du génie ; ses élus sont ces sentinelles laissées par le Seigneur sur les tours de Jérusalem, et qui ne se tairont ni jour, ni nuit.
Laïs, comme toutes les courtisanes grecques qui ont laissé leur nom aux imaginations libertines de la postérité, — Phryné, Rhodope, Thaïs, Aspasie, Callixène, — Laïs n’est guère qu’un nom, une renommée, une fumée vague, qu’aucune recherche, aucune histoire, ne parviendront à condenser. […] Les Grecs — peuple tout extérieur — n’ont point laissé de mémoires, et leur individualité, qui ressemble à leurs statues, ne se voit qu’à la place publique et sous les draperies d’un art et d’un mensonge qui ne les abandonnent jamais. […] Et elle ne l’a pas dit seulement parce qu’elle n’a pas laissé de mémoires, mais pour une raison bien meilleure encore. […] Elles ne sont que la branche fleurie qui appelle l’oiseau, mais d’où il s’envole, et leur domination éphémère est beaucoup trop simple pour qu’on n’en déplace pas la cause… On la cherche vainement dans une existence qui ne pesa pas assez pour laisser des traces.
Eh bien, la première condition de tout cela, et quelle qu’eut été la solution à laquelle se fût arrêté l’historien, c’était une de ces fermetés d’esprit qui ne se laissent pas entamer, et ce bon sens, le premier degré de la force intellectuelle, comme le grand sens, en est le second ! […] Théophraste Renaudot laissa après lui une dynastie. […] … Si petite, en effet, qu’il aurait dû l’y laisser ! […] Les pamphlets, qui ne sont pas le journalisme, quoiqu’ils s’y soient souvent mêlés avec une tartufferie d’impartialité qui ne les a rendus que plus redoutables, les pamphlets, quand ils n’étincellent pas de génie ou de talent, ne sont, dans tous les temps et dans toutes les littératures, que des injustices ou des injures, et cette poussière de la poussière, laissons-la où elle est tombée ; il convient de ne plus la remuer.
Je reviens au cardinal de Bernis que je n’avais pas songé d’abord à prendre si politiquement, ni d’une manière si grave ; je reviens au caractère général qui m’avait d’abord attiré vers sa personne et dont je ne me laisserai plus détourner même par les grandes affaires et les controverses très vives où son nom se trouve mêlé. […] Voltaire, quand il vit Bernis devenu cardinal, archevêque, et engagé dans les hautes dignités de l’Église, était disposé à toutes les coquetteries et à toutes les louanges à son égard, à condition d’y mêler plus d’une malice, et, si on le laissait faire, plus d’une impertinence religieuse. […] Quand vous aurez bâti à Vic, vous trouverez que Vic laisse dans l’âme un grand vide qu’il faut remplir par quelque chose de mieux. […] Je m’attache aux côtés honorables de cette correspondance, aux endroits qui montrent dans Bernis un homme qui a de la tenue sans pédantisme, une sagesse liante et qui ne se laisse pas entamer. […] Mais on ne saurait dire aucunement, comme on l’a souvent répété par courtoisie, et comme il le laissait croire assez volontiers, qu’il ait fait cette élection.
Enflé des éloges que lui méritent ses succès précoces, obéissant à son naturel ingrat, et souffrant sans doute aussi de l’indolente incapacité de son père, qui ne sait point profiter de son aide, le Dauphin se laisse entraîner par les grands et se révolte contre le roi. […] sinon pour l’agrément (laissons ce mot qui ne s’applique ni à l’un ni à l’autre), du moins pour l’intérêt, pour cet intérêt lent et suivi qui naît du fond des choses et qui, de l’auteur consciencieux, se communique au lecteur réfléchi. […] Duclos raconte et emprunte tout ce détail ; il fait dire au prince en sanglotant : « J’étais cadet, j’avais autant de dispositions que mes aînés ; on a eu peur de moi ; on ne m’a appris qu’à chasser ; on n’a cherché qu’à m’abrutir… » Ici j’arrête Duclos : il fallait mieux copier et laisser le mot abêtir, qui n’a pas tout à fait le sens d’abrutir. […] L’adroite Chausseraye saisit le moment et répondit au roi « qu’il était bien bon de se laisser tourmenter de la sorte à faire chose contre son gré, son sens, sa volonté ; que ces bons messieurs ne se souciaient que de leur affaire et point du tout de sa santé, aux dépens de laquelle ils voulaient l’amener à tout ce qu’ils désiraient ; qu’en sa place, content de ce qu’il avait fait, elle ne songerait qu’à vivre et à vivre en repos, les laisserait battre tant que bon leur semblerait, sans s’en mêler davantage ni en prendre un moment de souci, bien loin de s’agiter comme il faisait, d’en perdre son repos et d’altérer sa santé, comme il n’y paraissait que trop à son visage ; que, pour elle, elle n’entendait rien ni ne voulait entendre à toutes ces questions d’école ; qu’elle ne se souciait pas plus d’un des deux partis que de l’autre ; qu’elle n’était touchée que de sa vie, de sa tranquillité, de sa santé… ». […] Si ce n’est que cela, vous êtes trop bon : laissez-les s’arranger comme ils voudront.
En définissant le genre de talent de La Motte, il va nous définir une partie de son talent à lui-même, ou du moins de son idéal le plus sévère, tel qu’il le conçoit : L’expression de M. de La Motte, dit-il, ne laisse pas d’être vive ; mais cette vivacité n’est pas dans elle-même, elle est toute dans l’idée qu’elle exprime ; de là vient qu’elle frappe bien plus ceux qui pensent d’après l’esprit pur, que ceux qui, pour ainsi dire, sentent d’après l’imagination. […] Il lui faut une expression qui fixe positivement ses idées ; et c’est de cette justesse si rare que naît cette façon de s’exprimer simple, mais sage et majestueuse, sensible à peu de gens autant qu’elle le doit être, et que, faute de la connaître, n’estiment point ces sortes de génies qui laissent débaucher leur imagination par celle d’un auteur dont le plus grand mérite serait de l’avoir vive. […] Ne croyez point d’ailleurs que ce soit par pur esprit de chicane que Marivaux ait ainsi maille à partir avec les hommes supérieurs ; il ne laisse pas de mêler à ce qui est une vue incomplète bien des considérations aussi neuves que justes. […] Je crois, pour moi, dit Marivaux, qu’à l’exception de quelques génies supérieurs qui n’ont pu être maîtrisés, et que leur propre force a préservés de toute mauvaise dépendance, je crois qu’en tout siècle la plupart des auteurs nous ont moins laissé leur propre façon d’imaginer que la pure imitation de certain goût d’esprit que quelques critiques de leurs amis avaient décidé le meilleur. […] » Ici, dans une petite dissertation très juste et très bien déduite, Marivaux montre que pour la nuance de pensée de La Rochefoucauld, il n’y avait pourtant pas d’autre expression possible, et que les équivalents proposés n’y répondent pas : Cet esprit, simplement trompé par le cœur, ne me dit pas qu’il est souvent trompé comme un sot, ne me dit pas même qu’il se laisse tromper.
Les cortès, dès leurs premières conférences, avaient agité la question du gouvernement que le roi laisserait en Espagne, dans la supposition du voyage à Bruxelles, et la majorité avait été d’avis que si le monarque partait, l’héritier du trône au moins demeurât. […] Je ne voudrais pas que la fantaisie vous vînt maintenant de commettre une nouvelle témérité, en suppliant mon père de me laisser en Espagne. […] Le projet de fuite clandestine qu’il machina dès qu’il vit le voyage de Bruxelles manqué, projet aussi imprudent, que coupable, dont le roi fut informé dès l’origine et à tous les moments, combla la mesure : il n’était pas possible qu’on laissât l’héritier de la monarchie s’insurger au dehors contre son père et contre l’État. […] Il avait toujours l’idée de se tuer, ou de se laisser mourir ; il essaya d’abord du jeune et s’abstint d’aliments pendant cinquante heures (fin de février) ; mais il n’eut pas la force de persévérer. […] Laissez les Philippe II et les don Carlos, prenez des don Juan, — je veux dire ceux de la fantaisie.
Il eût suffi, en cet endroit, d’un goût littéraire plus sévère et plus vrai pour empêcher Mme Roland de se laisser aller à une phrase, à une simple inadvertance déclamatoire, qui ressemble à un manque de tact moral. […] Laissons donc Roland, dirai-je à M. […] Je laisse à chacun en pareil cas ses préférences. […] Mme Roland, selon moi, si l’on veut bien laisser de côté en elle la Romaine et si on la sépare un moment des circonstances et des accidents extraordinaires qui ont compliqué sa destinée, nous a donné dans le récit de sa jeunesse, de sa propre éducation et de ce qu’elle enseignait à sa fille un tableau qui est comme l’image d’une quantité d’autres existences individuelles, et il faudrait retrancher peu de chose pour y trouver un modèle d’étude, de moralité, d’énergie bien dirigée, de santé de l’âme et de l’esprit mise à un excellent régime. […] Il convient de laisser aux organes passionnés des réactions ces représailles et ces injustices ; mais nous, dont les origines sont d’hier, dont les sentiments ont leurs racines dans un principe d’égalité, ne nous fatiguons pas de voir en elle une belle et glorieuse figure ; ne nous ennuyons pas de l’honorer.
Chatouilleux et prompt, il ne laissait rien passer, à sa connaissance, sans le réfuter. […] Mais la meilleure réponse que Jomini pût faire à toutes les récriminations exagérées et injustes, à tous les jugements prévenus dont il se sentait l’objet, c’était de continuer résolument ses grands travaux et de poursuivre, sans se laisser détourner, ses belles études militaires. […] La haute impartialité militaire et politique qu’il observe dans ses récits ne le laisse pourtant pas toujours indifférent. […] Si, par hasard, un de ces aimables ou doctes écrivains me tombe sous la patte, je feuillette et admire, mais je le referme aussitôt, pour ne pas me laisser entraîner à une déviation de mes ennuyeux travaux. […] Cette campagne, en confirmant Jomini dans son renom déjà établi d’officier d’état-major du meilleur conseil, lui laissa encore le regret de n’avoir pu une seule fois dans sa carrière se dessiner hautement comme homme d’action.
Un autre secours des plus directs, une autre source où l’on n’avait pas laissé de puiser, c’était le manuscrit de Guillaume Colletet, conservé à la Bibliothèque du Louvre et contenant les Vies des Poètes françois. […] Toutes ces études convergent à vue d’œil, se croisent et se rejoignent de manière à ne laisser rien échapper. […] Déjà un essai tout grammatical sur ce point de la syntaxe vient d’être fait par un étranger, un savant de Stockholm, M. le professeur Lidforss, sous ce titre, qui, bien que régulier à la rigueur, ne laisse pas de paraître un peu bizarre : Observations sur l’usage syntaxique de Ronsard et de ses contemporains (1865). […] Je laisse à M. […] On laissa les œuvres des poètes et des chroniqueurs du Moyen Age pourrir dans les manuscrits des bibliothèques délaissées ; mais on mit en lumière tous les philosophes, tous les poètes, tous les historiens de l’Antiquité, et on les imita avec une servilité qui n’avait rien de glorieux.
Claude refuse, voulant rester seul maître de son oeuvre, et il laisse Cantagnac discuter, en tête-à-tête avec sa femme, la vente de cette maison qui représente l’apport de sa dot. […] Raymonde n’a pas d’enfant de lui, cette adoption lui sourira comme une distraction laissée à sa femme, pendant son absence : il ne doute pas de son consentement. […] Raymonde laisse enfin la virago noyer sa fureur dans un verre de bière qu’elle a demandé. […] Le commandant a fait dresser, par un notaire, un acte de reconnaissance où le nom du père est laissé en blanc. […] Madame Guichard tente alors une épreuve à laquelle Raymonde se laisse prendre.
Bien qu’il eût grand besoin de protecteurs pour triompher de la cabale des commis offensés et des auteurs jaloux, Lesage tint ferme, et ne se laissa aller à aucune basse complaisance. […] Excellent sujet de morale pratique, on peut dire de Gil Blas qu’il se laisse faire par les choses ; il ne devance pas l’expérience, il la reçoit. […] Les scènes de comédie sont sans nombre chez Gil Blas, et elles ne laissent pas trop le temps de s’apercevoir de ce que peuvent avoir de commun ou d’ennuyeux certains épisodes, certaines nouvelles sentimentales que l’auteur a insérées çà et là pour grossir ses volumes, et qu’il a imitées on ne sait d’où. Les deux premiers volumes de l’ouvrage, après avoir fait passer sous les yeux toutes sortes de classes et de conditions, voleurs, chanoines, médecins, auteurs, comédiens, laissaient Gil Blas intendant de don Alphonse, et chargé de faire en son nom une restitution. […] D’après les deux mots qu’il laisse échapper à regret sur Gil Blas, Voltaire ne paraît pas se douter qu’il sera infiniment plus glorieux bientôt d’avoir fait ce roman-là que le poème de La Henriade.
Il ne s’agit, selon lui, pour que Paris ressemble tout à fait à Athènes et que les forts du Port-au-Blé soient aussi polis que les vendeuses d’herbes du Pirée, il ne s’agit que de supprimer toute police et de laisser les colporteurs crier les journaux en plein vent. Ce sera l’éternelle et l’unique recette de Camille pour le bonheur universel : tout permettre, tout laisser faire, ou du moins tout laisser dire. […] On y trouve moins un cœur réellement échauffé qu’une cervelle en ébullition ; on dirait que l’écrivain a dans la tête une braise allumée qui tournoie sans cesse et ne lui laisse point de repos. […] Dans une polémique avec La Harpe, il ne craindra pas de dire : Je m’efforce de réhabiliter ce mot délation… Nous avons besoin dans les circonstances que ce mot délation soit en honneur, et nous ne laisserons pas M. de La Harpe, en sa qualité d’académicien, abuser de son autorité sur le Dictionnaire, et charger d’opprobre un mot parce qu’il déplaît à M. […] Dans le 4e numéro, il va plus loin, et il articule son mot : « Je pense bien différemment de ceux qui vous disent qu’il faut laisser la terreur à l’ordre du jour.
Voltaire lui avait dit encore, en lui pronostiquant le plus bel avenir pour la philosophie : « Laissez faire, il est impossible d’empêcher de penser ; et plus on pensera, moins les hommes seront malheureux. […] Quelques patriotes pensent, il est vrai, qu’il importe de laisser l’esprit public développer toute son énergie… ; qu’il n’est pas temps encore de douter du pouvoir de la raison. » Dans ses attaques contre les ministres, il en est qu’il excepte avec un soin particulier et qu’il ménage, notamment M. de Narbonne. […] À peine se laisseraient-elles un moment charmer à la voix de cette sirène qu’on appelle le génie. […] Cette fin malheureuse et les circonstances touchantes qui l’accompagnèrent, le long deuil, le mérite et la beauté de sa noble veuve, cette pitié et cette indulgence mutuelle dont chacun avait besoin après tant d’erreurs et tant d’excès, ont pu recouvrir les torts de ses dernières années et faire remonter peu à peu son nom au rang d’où il n’aurait jamais dû le laisser déchoir. […] Laissons ces dévots et ces idolâtres avec leur dieu.
M. de La Marck, fils cadet du duc d’Arenberg, avait passé au service de France à dix-sept ans, et y était devenu, à vingt (1773), colonel propriétaire d’un régiment d’infanterie allemande que lui avait laissé son grand-père maternel. […] Le point pour Mirabeau était de convaincre La Fayette que le danger était grand, qu’il ne s’agissait pas de tenir plus longtemps la royauté en laisse, de la rabaisser continuellement et systématiquement dans l’opinion publique, de la garder à vue et de la tenir en chartre privée, avec un ministère étroit et insuffisant ; que M. […] Non, Mirabeau ne s’est pas vendu, mais il s’est laissé payer ; là est la nuance. […] Mirabeau montre que cet homme soi-disant nécessaire, en paralysant tout, perd tout, et qu’il laisse descendre petit à petit la monarchie et la société avec elle, jusqu’à une entière désorganisation. […] Sa politique est tout entière à susciter une telle fermentation chez les voisins, qu’on lui laisse la faculté d’étendre sur tout le royaume l’influence de la Courtille.
Ces gens laissent échapper les plus belles occasions de nous convaincre qu’ils ont de la capacité et des lumières, qu’ils savent juger, trouver bon ce qui est bon, et meilleur ce qui est meilleur. […] Il faut leur laisser tout à suppléer, et n’écrire que pour eux seuls. […] Il y a des endroits dans l’Opéra qui laissent en désirer d’autres ; il échappe quelquefois de souhaiter la fin de tout le spectacle : c’est faute de théâtre, d’action, et de choses qui intéressent. […] Elle est plus grande dans un ris immodéré que dans la plus amère douleur, et l’on détourne son visage pour rire comme pour pleurer en la présence des grands, et de tous ceux que l’on respecte : Est-ce une peine que l’on sent à laisser voir que l’on est tendre, et à marquer quelque faiblesse, surtout en un sujet faux, et dont il semble que l’on soit la dupe ? […] Le poème tragique vous serre le cœur dès son commencement, vous laisse à peine dans tout son progrès la liberté de respirer et le temps de vous remettre, ou s’il vous donne quelque relâche, c’est pour vous replonger dans de nouveaux abîmes et dans de nouvelles alarmes.
Il pouvait, sans en prendre le ridicule pour lui, laisser filer la vieille bourde légendaire, dont la circulation peut aller encore. […] Ce qu’on oublie, c’est que Galilée en remontrait au Pape, ce qu’on lui défendit, mais en vain ; car il y persista par cent habiletés, furieux de ce qu’on ne lui laissait pas faire de la Tradition son grand compère ! […] laissez-lui ses chers flacons (p. 255) ! […] laissez-lui ses chers flacons ! » ; eh bien, parce qu’on les lui laissa, parce qu’on lui fournit des litières qui le portèrent doucement à Rome, quand il y fut mandé, au lieu de l’y traîner à la queue d’un cheval de gendarme, écoutez bien cette conclusion !
Laissée à ses seules forces, elle n’irait pas jusqu’au bout. […] Et l’âme, regardant le corps où elle croit apercevoir le reflet d’elle-même, fascinée comme si elle fixait un miroir, se laisse attirer, s’incline et tombe. […] Des expériences nombreuses et concordantes ne laissent aucun doute à cet égard. […] Laissons de côté les théories et prenons contact avec le fait. […] Et il nous raconterait beaucoup d’autres choses si nous le laissions faire.
Laissons donc la photographie, qui ne vaudra jamais dans le domaine de l’art le coup de crayon inspiré et magistral que Michel-Ange, en visitant Raphaël absent, laissa de sa main sur le carton des noces de Psyché, contre la porte de l’atelier de la Fornarina ! […] On y entre, sans s’apercevoir qu’on y est entré, par une grande rue, (alors dépavée), bordée çà et là de pauvres maisons grises aux toits aigus, pour laisser glisser l’hiver les lourdes neiges. […] Plus pieux que Léon X, mais aussi fervent qu’un Médicis pour l’illustration de sa capitale par les arts, il laissait administrer sous lui son ministre et son ami, le cardinal Consalvi, d’aimable mémoire. […] Elle devait bientôt mourir, afin de laisser une ombre sur le cœur de son amant et un éblouissement de jeunesse dans ses yeux. […] On laisse rêver ceux qui ne connaissent encore ni la vie ni la mort, et qui se font la mort et la vie à l’image de leurs douces ignorances.
… Tenez j’aurais voulu que vous fussiez mort, l’année dernière, vous m’auriez laissé au moins la mémoire et le souvenir d’un ami ! […] Comment ne s’est-il pas formé, à aucune époque de l’histoire, à aucune place de la terre, une secte de sages pour laisser mourir la vie devant la férocité de ses maux ? […] » Pendant les dépositions, il ne laisse voir de lui, baissé derrière la barrière, que le bout de ses doigts sur son front et dans ses cheveux. […] Son voile noir relevé sous son pauvre vieux chapeau laisse voir sa face mourante, ses yeux vaguement errants sur le va-et-vient des vivants qui la croisent. […] Sainte-Beuve ne nous a pas laissé ignorer que ce serait un éreintement.” » « Un étranger qui se trouvait là, allait aussitôt rapporter notre réponse à Sainte-Beuve.