Ces mots favoris, très indiscrets, décèlent chez celui qui les répète à chaque instant une qualité ou une préoccupation dominante.
Sans nommer le briquet & la pierre à fusil, l’Auteur du Lutrin les a très-justement exprimés : Et du sein d’un caillou, qu’il frappe au même instant, Il fait jaillir un feu qui pétille en sortant.
L’impatience naturelle à cet âge, fait qu’on voudroit moissonner un instant après avoir semé.
Seulement, étiolés par cette diplomatie dans laquelle on avait déporté leur énergie, ils assistent, l’âme assombrie et l’esprit désarmé, aux événements qui passent devant eux et dont ils mesurent la portée avec la tristesse de l’impuissance ; et comme si ce n’était pas assez de les voir diminués par la diplomatie, cette rogneuse d’hommes, il faut qu’un autre diplomate comme eux, — et s’il ne l’est pas, il est digne de l’être, — le comte Adhémar d’Antioche, intervienne à chaque instant dans leur Correspondance et la coupe où bon lui semble, pour obéir, affaiblissement sur affaiblissement !
Au regard de ceux qui vont au fond de cette femme, peut-être plus profonde qu’on ne croit, Marie-Antoinette, cette reine de Trianon avant d’être la reine de France et la reine du Temple, Marie-Antoinette, qui fut un instant si frivole d’apparence avant d’être si sublime de réalité, ne semblait-elle pas avoir un côté historique bien tentant pour les statuaires en pâte tendre ?
L’esprit oriental n’est pas très compliqué… Mais faire l’Anglais, c’est-à-dire entrer, tout botté, dans l’originalité du peuple le plus original, le plus profond, le plus insulaire d’esprit, d’impression, de jugement, qui ait jamais existé ; pénétrer, pour se les assimiler un instant, dans les manières de sentir et d’exprimer d’une nation qui a jusqu’à une gaîté à elle, — laquelle ne ressemble à la gaîté de personne et dont le nom même est intraduisible, et reste, dans toutes les langues, de l’humour, — c’est là une chose qui demandait plus qu’une prodigieuse souplesse de talent.
Au regard de ceux qui vont au fond de cette femme, peut-être plus profonde qu’on ne croit, Marie-Antoinette, cette reine de Trianon, avant d’être la reine de France et la reine du Temple, Marie-Antoinette, qui fut un instant si frivole d’apparence, avant d’être si sublime de réalité, ne semblait-elle pas avoir un côté historique bien tentant pour les statuaires en pâte tendre ?
Eh bien, ce qui nous a frappé tout d’abord en lisant cette histoire, ce n’est pas d’y trouver Ranke tel qu’il fut toujours dans ses écrits et n’a jamais cessé d’être (nous ne sommes pas si inconséquent aux idées que nous exprimions, il n’y a qu’un instant, sur la personnalité forcée et nécessaire de l’Histoire), mais c’est, au contraire, de ne pas assez l’y retrouver.
Sa manière détachée d’y parler des hommes va bien à cet Américain, dont, à chaque instant, on reconnaît et on salue la race, dans cette Histoire de Philippe II.
Nul, dans l’histoire de la pensée de ces cent cinquante dernières années, ne saurait être comparé à ces deux hommes, de Maistre et Bonald, pas même Burke, le bouillonnant et vaste Burke, qui eut un jour quelque chose de leur esprit prophétique quand il jugea, seul de toute l’Angleterre, un instant affolée de la Révolution française, les délirants débuts de cette Révolution… Philosophes chez qui, heureusement pour elle, l’Histoire dominait la Philosophie, le comte de Maistre et le vicomte de Bonald, ces observateurs qui avaient des griffes dans le regard et appréhendaient le fond des choses, quand ils en regardaient seulement la surface, de Maistre et Bonald, ces Dioscures du même ciel et du même religieux génie, sont d’une supériorité si haute et si éclatante qu’aucun esprit ne peut être placé à leur niveau, ni pour l’élévation, ni pour la lumière !
En 1849, quand la Révolution, pour un instant souveraine, tenait presque dans les idées une aussi grande place que dans le gouvernement, l’Académie française mit au concours la question de l’influence de la charité chrétienne sur le monde romain.
Il n’y a que des rêves, qu’on a trop faits déjà dans d’autres livres pour être intéressants, sous une plume par instants brillante.
La coupe de porcelaine fine et transparente se fêle sous l’action des substances empoisonnées qu’on y verse… Gérard, fou un instant, et qui nous a donné, dans Le Rêve et la Vie, une photographie de son état de fou, enlevée par un procédé de mémoire rétrospective sur lequel on peut juger de ce qu’était en lui la faculté de la mémoire, retomba fou, après avoir guéri une première fois.
Eh bien, c’est cette même voix qui circule et qu’on entend dans les poésies de Bouchor, de ce poète athée qui pleure son dieu, comme Hécube pleurait ses enfants perdus, et que son athéisme rend tour à tour morne ou effaré… Seulement, le tableau effrayant de Jean-Paul ne dure que l’instant d’une page, zigzag de feu terrible qui tombe dans le gouffre sans fond du néant et nous éclaire ce trou vide !
Feuillet de Conches, le chef du protocole au ministère des affaires étrangères, un homme très grave et très officiel, donne cette petite leçon aux puritains de la gravité et de l’étiquette de se permettre un livre émerveillant de merveilleux, comme dirait Rabelais, pour l’instant aussi son père et son compère, un livre vermillonné et émerillonné comme pas un des livres les plus colorés de ce temps.
Mais elle manque l’instant propice ; le démon redevient plus démon que jamais, et c’est elle-même qui tombe, qui est entraînée par le ravisseur au fond de l’abîme, non repentante malgré tout, je le crains, et heureuse jusque dans sa faute de se perdre à jamais avec lui. […] pourquoi, dès qu’on en sort un instant, ne saurait-on rentrer dans le fleuve au même endroit du rivage et dans les mêmes flots ? […] Je me rappelle que, quelques instants avant la séance, M. de Vigny en costume, mais ayant gardé la cravate noire, « par un reste d’habitude militaire », disait-il, rencontra dans la galerie de la Bibliothèque de l’Institut, et au milieu de la foule des académiciens, Spontini, également en grand costume et affublé de tous ses ordres et cordons74 ; il alla à lui les bras ouverts et lui dit d’un air rayonnant : « Spontini, caro amico, décidément l’uniforme est dans la nature. » Ce mot, qui de la part d’un autre eût été une plaisanterie, n’en était pas une pour lui et eût pu s’appliquer à lui-même.
« Depuis cet instant l’image de Gretchen me poursuivit partout ; n’osant aller chez elle, je me rendis à l’église de sa paroisse ; j’eus le bonheur de la voir. […] J’appuyai mon front un instant sur ses mains et je m’enfuis précipitamment. […] Faust et Méphistophélès se rencontrent au même instant dans la rue, rapportant un écrin plein de bijoux des montagnes à Marguerite.
« Nous retournâmes quelques instants à l’hôtel ; nous fîmes à la hâte ce qui était nécessaire pour nous présenter convenablement, et nous allâmes, mes deux compagnons et moi, aux Tuileries. […] « Je ne balançai point un instant quand le cardinal Fesch me fit lire cette dépêche, et je lui permis de répondre de ma part “que je ne ferais jamais la première des deux choses, et que j’étais tout prêt à exécuter la seconde dès que le Pape m’y autoriserait, afin de ne pas servir de prétexte ou de motif aux malheurs de mon pays”. […] Alors on vit là ce qu’on voit d’ordinaire lorsqu’on se réunit en certain nombre, car il est impossible que plusieurs hommes aient tous les mêmes idées et envisagent au même instant une chose sous le même aspect.
Au plus bas degré apparaîtrait le fétichisme, c’est-à-dire les mythologies individuelles ou de familles, les fables rêvées et affirmées avec l’arbitraire le plus complet, sans aucun antécédent traditionnel, sans que l’idée de leur vérité se présente un instant à l’esprit, pas plus que dans le rêve, la fable pour la fable. […] Comment saisir la physionomie et l’originalité des littératures primitives, si on ne pénètre la vie morale et intime de la nation, si on ne se place au point même de l’humanité qu’elle occupa, afin de voir et de sentir comme elle, si on ne la regarde vivre, ou plutôt si on ne vit un instant avec elle ? […] Enfin Lowth, plus insipide que tous les autres, nous fait un traité de rhétorique aristotélicienne sur la Poésie des Hébreux, où l’on trouve un chapitre sur les métaphores de la Bible, un autre sur les comparaisons, un autre sur les prosopopées, un autre sur le sublime de diction, etc., sans soupçonner un instant ce qui fait la beauté de ces antiques poèmes, savoir l’inspiration spontanée, indépendante des formes artificielles et réfléchies de l’esprit humain jeune et neuf dans le monde, portant partout le Dieu dont il conserve encore la récente impression.
La parfaite indifférence n’est qu’un instant de transition plus idéal que réel ; là où elle existe, elle révèle l’habitude prise et transmise héréditairement, l’organisation devenue automatique, comme pour les battements du cœur. […] Bien plus, la théorie kantienne aboutit à une autre impossibilité : le plaisir ne pourrait se prolonger pendant deux instants sans intercaler une douleur entre le premier instant et le second.
Ce soir, au bord de l’eau, la crécelle lointaine des rainettes ; par instants, le cri guttural du tire-arache dans les roseaux ; un poisson qui saute ; des arbres qui font dans le ciel une ombre mouillée comme dans l’eau, et dans toute cette nature, la paix de la nuit, de la mort. […] Nous contemplons ce visage fouetté aux pommettes, la lumière fiévreuse du gris de son œil, rayé de filets de sang, cette tête forte, fruste, puissante, pour ainsi dire taillée dans la chair à grands coups d’ébauchoir, s’éclairant, par instants, d’un sourire resté jeune, — d’un sourire qui a, à la fois, de la bonhomie du paysan et de la câlinerie d’une femme. […] Une allée de haute futaie paraissant emplie d’une lumière électrique, vue à travers un globe dépoli, une lumière vaporeuse et diffuse, effaçant le vert des feuilles, et les baignant dans un fluide pâle et miroitant, semblable à l’eau d’un fleuve qui roule du gaz noyé. — Sur les grands arbres obscurs, çà et là, des bouquets de feuilles ayant, comme les frottis de rousse verdure, faits par le pinceau de Watteau, et dans les petits taillis, tout noirs, un rayon sautillant en maigres zigzagures, coulant sur le revers d’un fossé, s’enfouissant comme une luciole dans une touffe d’herbe. — Près de l’étang, des silhouettes d’arbres, qu’on semble entrevoir à travers la buée d’un carreau. — Comme bruit, rien que la course trotte-menue d’un lapin attardé dans la broussaille, et à toute minute, le bruit de la chute d’une feuille, détachée par l’automne, et qui touche la terre, avec quelque chose du frôlement du pas d’une ombre Un silence, mais un silence pourtant vivant par l’insensible friselis des feuilles au haut des arbres, par la sorte de respiration à l’haleine humide, des fourrés endormis. — Des allées sous bois, aux grands espaliers ténébreux, avec d’étroites zébrures de jour sur le chemin, et fermées par une arcade d’ombre, ayant tout au fond, une petite porte de lumière. — Au loin les prairies apparaissant avec le vert incolore, qu’y met la nuit, et tachées des grandes ombres couchées et sommeillantes des chênes de la lisière du bois. — La lune dans le ciel : un diamant dans un lait d’opale. — Une nature couleur de rêve… Le paysage élyséen d’un promenoir d’âmes… Puis, par instants, le ciel se voilant, et le bois devenant d’ébène sous un ciel d’étain… Assis sur un banc, nous avons passé une heure de pénétrante volupté, à jouir de cette nuitée du bois.
« Je me jetai à ses genoux… et vous savez, il n’y a pas un instant dans ma vie qui vaille celui-là. » Jeudi 14 mars Théophile Gautier n’est pas venu hier dîner chez la princesse. […] » — des vers qu’il s’était fait, quelques instants avant, une fête de lire. […] Lundi 10 juin Je suis, ce soir, au chemin de fer, à côté d’un ouvrier complètement saoul, qui répète à tout instant : « Non, je ne la foutrais pas, quand on me donnerait tout Paris… oui tout Paris, non je ne la foutrais pas !
Comme Jean, mi-parti de vie et d’éternité, il semble qu’il a une moitié de sa pensée sur la terre et une moitié dans l’Ignoré, et l’on dirait, par instants, qu’un de ses versets répond à l’autre par-dessus la muraille obscure du tombeau. […] Le ventre est pour l’humanité un poids redoutable ; il rompt à chaque instant l’équilibre entre l’âme et le corps. […] De là le soudain, faisant irruption à chaque instant dans ses personnages, dans son action, dans son style ; l’imprévu, magnifique aventure.
Paris, un instant ému, par la promenade du drapeau rouge et les charges policières du Père-Lachaise, qui revivifiaient les souvenirs de la Semaine sanglante, se remit à ne s’occuper que de celui qui fut « le plus illustre représentant de la conscience humaine ». […] En 1796, la brigande épousa civilement le soldat républicain, qui, plus Brutus que jamais, était pour l’instant et le resta jusqu’en 1797, rapporteur d’un conseil de guerre, qui jugeait expéditivement les royalistes : sans autre forme de procès, il les condamnait à mort, leur identité et inscription sur la liste des suspects, constatées. […] Un instant on croit la régence possible, Victor Hugo s’empresse de la demander, place des Vosges ; on proclame la république, Victor Hugo, sans perdre une minute, se métamorphose en républicain.
VIIe entretien I Interrompons-nous un instant pour répondre à ce sourd dénigrement du siècle, qui s’élève dans tous les siècles, du sein des médiocrités, pour accuser le temps et la nation de stérilité ou de décadence. […] — Elle était double dans mon esprit : premièrement, être prête à descendre en Piémont, au premier signal de péril de cette puissance ; secondement, être prête à réprimer les agitations religieuses, civiles, socialistes et démagogiques qui pouvaient éclater à chaque instant dans le midi de la France, plus passionné que le nord, à Lyon, à Avignon, à Marseille, à Toulon, dans tout le bassin de la Saône et du Rhône. […] XXVI Un monument plus élevé et plus vaste que les autres attirait depuis quelques instants mes regards à droite vers le centre de l’église.
comme à cet instant bondit un cœur de femme ! […] si tu dois mourir, bel astre, et si ta tête Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux, Avant de nous quitter, un seul instant arrête ; Étoile de l’amour, ne descends pas des cieux ! […] C’est un enfant qui dort. — Sur ses lèvres ouvertes Voltige par instants un faible et doux soupir ; Un soupir plus léger que ceux des algues vertes Quand le soir sur les mers voltige le Zéphyr, Et que, sentant fléchir ses ailes embaumées, Sous les baisers ardents de ses fleurs bien-aimées, Il boit sur ses bras nus les perles des roseaux.
Il anime des fantoches de telle sorte que nous les voyons évoluer et qu’il semble que chacun d’eux ait été par instants notre compagnon de route. […] Aussi le titre de son nouveau volume : la Possession, ne doit-il un instant tromper le lecteur. […] Autour de lui, l’existence provinciale va son cours monotone ; des physionomies fixent le regard ; des types, un instant, nous arrêtent, observés et décrits avec justesse.
Rentré, un instant, à Auteuil, la furie de la canonnade qui continue, me jette, à la sortie du spectacle d’horreur de la journée, dans une profonde tristesse, sur le sort de ces brutes. […] On marche sur de la poussière de vitre, et je vois une marchande de verre cassé, remplir, en un instant, sa voiture, du verre qu’elle ramasse à pleine main de fer. […] À cet instant, nous sommes chassés de notre observatoire de verre, par le sifflement des balles qui passent à côté de nous, faisant, dans l’air, comme des miaulements de petit chat. […] Un instant, nous nous étions retirés dans les pièces du fond. […] Presque au même instant, fait explosion, comme un bruit violent enfermé dans des murs, une fusillade ayant quelque chose de la mécanique réglée d’une mitrailleuse.
Loi des dieux, qui s’impose au mortel le plus fier, Car ce n’est pas la loi d’aujourd’hui ni d’hier, Qu’un instant abolit comme un instant la fonde, Mais l’éternelle loi plus vieille que le monde ! […] La pièce, telle qu’elle est, n’est pas ennuyeuse un seul instant. […] Mais Judas n’ose plus, il est converti, comme l’a été tout à l’heure Salomé, comme Barabbas le sera dans un instant. […] On ne jouit jamais que d’une seconde à la fois ; et plus cet instant est menacé, et plus la joie qu’il donne peut être intense. […] A cet instant passe sur le palier, regagnant son domicile, le vieux monsieur du premier acte.
Marcel Schwob et le dessinateur Cazals, qui assistaient à cet entretien, n’ont pas dû s’ennuyer un seul instant. […] Sigebert, attentif à se bien parer, avait différé l’instant de descendre de chez lui, juste assez pour ne se faire attendre que très peu. […] C’est seulement en ces circonstances-là, et pour quelques instants, que l’on peut parfois apercevoir dans le cœur de la société, au centre des familles ou entre les deux parties d’un ménage, leur armature à nu, le lien d’argent. […] Frédéric-Thomas Graindorge, docteur en philosophie de l’université d’Iéna, marchand d’huiles et de porc salé à Cincinnati, ne l’a pas quitté un seul instant. […] Un Anglo-Saxon, lorsqu’il ouvre une boîte de corned beef, ne doute pas un seul instant que ce corned beef n’ait été destiné, de toute éternité, à sa propre subsistance.
Sans me servir pour rien même de mon corps, et plus oisif que le crapaud, j’ai vécu partout. » Trop misérable tout de même, un jour il s’engage dans l’armée carliste, touche sa prime, et, sans plus s’embarrasser de scrupules, se sauve, et, riche pour l’instant, file à Paris. […] Le rêve du passant, influencé par de multiples événements, jouet des perceptions nouvelles qui, à chaque instant, surgissent, est éternellement mobile. […] Il y a, dans sa contemplation passionnée, un instant final où ils s’assemblent comme sous une définitive clarté qui les évoque, apparus avec brusquerie. Cet instant est celui qu’il faut noter, qu’il faut « clicher », parce qu’il synthétise une multitude variée d’états de conscience et c’est à synthétiser que consiste le travail effectif du poète. […] fatigué de chair et de pupilles fléchissante achante que le dôme est pesant qu’exigèrent ses arts sur la mémoire esclave du parallèle hasard qui vous fit, un seul, un instant.
Il y a dans le cours des choses humaines, et des choses littéraires en particulier, de véritables instants décisifs, des crises : un bon conseil bien donné, bien frappé à ce moment, un coup de main de l’esprit fait merveille et peut faire événement. […] En adoptant des noms nouveaux, en multipliant des synonymes nombreux, voyants, saillants, excessifs, et en renchérissant à tout instant sur les anciens, l’usage ne fait, en somme, que répondre à des besoins ou à des caprices, ce qu’il importe de distinguer à temps, « et il se soustraira de plus en plus au Dictionnaire de l’Académie, si celle-ci, à l’exemple des grands politiques, ne se jette dans le mouvement pour le régulariser à son bénéfice64 » et au profit de tous.
Pour nous, qui adoptons ces résultats et qui les goûtons, tout en sentant leur misère au prix de ce que nous avions rêvé, qui croyons à un perfectionnement social, bien lent toutefois et de plus en plus difficile grâce aux fautes de tous, nous continuons de nous tourner par instants vers ces horizons dont le vaste éclat enflammait notre aurore, vers ces noms que nous avons si souvent invoqués, espérant avoir à en reproduire les exemples et les vertus. […] Ces détails si vrais, si faciles, si heureux de présence d’esprit et de liberté d’expression, ces innocents et profonds souvenirs se jouant d’eux-mêmes dans le cadre sanglant, funèbre, qui les entoure, qui les resserre à chaque instant et qui bientôt va les supprimer avant la fin et les écraser, forment une des lectures éternellement charmantes et salutaires, les plus propres à tremper l’âme, à l’exhorter et à l’affermir en l’émouvant.
S’il n’y a pas une seule ligne de son livre unique qui, depuis le premier instant de la publication, ne soit venue et restée en lumière, il n’y a pas, en revanche, un détail particulier de l’auteur qui soit bien connu. […] La Bruyère, né pour la perfection dans un siècle qui la favorisait, n’a pas été obligé de semer ainsi ses pensées dans des ouvrages de toutes les sortes et de tous les instants ; mais plutôt il les a mises chacune à part, en saillie, sous la face apparente, et comme on piquerait sur une belle feuille blanche de riches papillons étendus. « L’homme du meilleur esprit, dit-il, est inégal… ; il entre en verve, mais il en sort : alors, s’il est sage, il parle peu, il n’écrit point… Chante-t-on avec un rhume ?
Il y a eu dans les années précédentes, aux époques antérieures de l’Empire, des instants où le changement de système semblait désiré, attendu, espéré de la France presque entière avec une vivacité qu’il est à regretter peut-être qu’on n’ait point satisfaite à temps, du moment que cette satisfaction plus ou moins complète devait venir. […] Il a manqué un je ne sais quoi à la défense ; on n’y a point senti cette inquiétude, cette vigilance de tous les instants, cet ardent amour qui décèle les vrais pères.
Tels sont les sentiments avec lesquels je vais poursuivre l’exécution de mon dessein, suppliant le ciel de m’accorder dans cette occasion la grâce de faire tout ce que chaque citoyen doit être prêt à entreprendre dans tous les instants pour le bonheur de sa patrie. » De San-Miniato, le 7 décembre 1479. […] Je réponds à cela que sans doute je serais très-condamnable, si la nature avait accordé aux hommes la faculté de pouvoir s’occuper dans tous les instants des choses qui sont le plus véritablement dignes d’estime ; mais comme cette faculté n’a été donnée qu’à un petit nombre d’individus, et que ceux-là mêmes ne trouvent pas souvent dans le cours de leur vie l’occasion d’en faire usage, il me semble, en considérant l’imperfection de notre nature, que l’on doit accorder le plus d’estime aux occupations dans lesquelles il y a le moins à reprendre. — Si les raisons que j’ai apportées déjà ne paraissaient pas suffire à ma justification, ajoute-t-il ensuite, je n’ai plus qu’à me recommander à l’indulgence de mes lecteurs.
Un poison inconnu se mêlait à tous mes sentiments… Je suis un pénible songe… Je m’ennuie de la vie ; l’ennui m’a toujours dévoré ; ce qui intéresse les autres hommes ne me touche point… En Europe, en Amérique, la société et la nature m’ont lassé. » Eudore nous révèle encore et toujours la même personnalité, assez délicatement localisée à l’aide des Confessions de saint Augustin, où Chateaubriand trouvait une forme historique appropriée à son âme inquiète : mais à chaque instant la fiction se déchire, et Eudore découvre l’auteur. […] L’ennui, la mélancolie, tout le vague de l’âme de Chateaubriand, séparé de sa puissance pittoresque, formera le courant lamartinien665.À chaque instant, dans une lecture rapide, se notent les thèmes auxquels il ne manque que le vers de Lamartine.
Le premier acte, c’est l’instant décisif où, après de longues luttes, de longs mensonges, apparaît enfin la passion victorieuse ; puis c’est comme l’épanouissement du nouvel amour, la scène où Isolde frémissante attend Tristan, la scène où Tristan et Isolde, unis, cherchent vainement l’apaisement de leur insatiable désir, et la scène où, en présence de Marke et de ses gens, les deux amants, oublieux de Marke et des hommes et du monde, se donnent enfin, au dernier instant, le baiser par lequel ils entrevoient la suprême délice de leur libération ; enfin, le troisième acte, dans ce paysage de mer et de plage dont les bruissements s’enroulent autour de leurs âmes, la mort au monde et la transfiguration des amants ; la mort au monde, le déchirement de l’heure dernière, la torture des dernières humaines souffrances, et l’entrée à l’apaisement infini, — à la consolation de ceux qui ont gémi.
Quoi qu’il en soit, de tout temps, et même quand il n’en eut plus besoin pour le nécessaire, M. de Latouche continua trop de vivre dans l’instant présent, de guetter l’occasion qui passe, de la poursuivre, de la harceler sans cosse et de s’aigrir en la manquant. […] Je n’imaginais point que tant de respect pût laisser place à tant d’affection ; qu’on pût aimer le même homme et l’adorer. » Et, rappelant l’instant de cette bénédiction solennelle il s’écrie dans sa pieuse extase : Étais-je encore sur cette terre quand vos regards ont rencontré les miens, quand vos mains se sont étendues vers moi ?
Il se promenait, quelques instants, devant les murs de bois, au travers desquels passaient des bruits de paroles qu’il n’entendait pas, mais qui mordaient sa curiosité. […] Le vieux, le procréateur du jeune, la figure turgide, boursoufflée, un œil clos, laisse par instants entrevoir, dans un demi-éveil clignotant, la prunelle perfide de son bon œil.