On n’ignore pas que ces petits objets-là, exécutés avec une adresse de tourneur, ravissent, en France, nos imaginations de poupée. […] Le meilleur de ces drames est Chatterton, tiré tout entier de Stello ; mais il est dans Stello beaucoup plus beau et plus complet, puisque l’analyse, et l’imagination qui décrit, y ajoutent leur profondeur et leur éclat de la passion et des caractères.
Il répudiait, comme une tare, toute la ferblanterie héroïque où s’enferme encore l’imagination pauvre de tant de pauvres faiseurs de vers. […] Travail est un livre admirable, un des mieux faits, des plus profonds… des plus vivants… un des plus émouvants aussi qui soient sortis de son imagination généreuse, de son fécond et puissant génie. […] … Voilà, avouons-le, une chose qui n’est pas banale et qui ouvre à l’imagination compliquée et inquiète des traducteurs de nouveaux horizons, des horizons illimités, si j’ose dire. […] Elle est douée d’imagination, mais entendons-nous, d’une imagination noble, ardente et magnifique, qui n’est pas celle des jeunes femmes qui rêvent et des romanciers qui combinent. […] Si j’étais critique, ou, à Dieu ne plaise, psychologue, j’appellerais cette imagination une imagination déductive.
Sans l’imagination, il peut y avoir d’utiles érudits, il n’y a pas de grand historien. […] Point : c’est tout simplement l’ancien clerc de Saint-Sulpice qui a conservé l’imagination catholique. […] C’est ainsi qu’il loue chez Augier « une imagination tournée vers la poésie, vers le pathétique ». […] Léon Gandillot s’est simplement abandonné à son imagination joyeuse. […] Il est l’œuvre d’une intelligence pénétrante et d’une imagination tournée au grand, et même au très grand.
se plaît-il à dire ; de bons Flamands, des Hollandais renforcés, gens de peu d’esprit, de nulle imagination, mais à idées saines et correctes, ne s’en départant jamais. » Lui-même, pour le distinguer des autres ministres, les habitués de Versailles lui donnaient le surnom de d’Argenson la bête, et il dut s’en faire gloire.
Une direction à suivre, des limites où se contenir sont fixées à l’imagination.
Le but que l’Auteur s’y propose, est de développer les erreurs dans lesquelles nous entraînent les sens, l’imagination, les préjugés, l’esprit, quand il est abandonné à lui seul, & principalement les passions, principe général de toutes nos méprises.
Un tel commentaire demandoit de vastes compilations, une lecture universelle, une mémoire heureuse, la connoissance des hommes & des livres, un bon goût d’érudition, un esprit philosophique, une imagination vive & brillante.
Ce Parocel que j’ai tant maltraité, ce Brenet sur lequel j’ai un peu exercé ma gaieté, obtiendraient peut-être de vous et de moi quelque éloge, si l’un né chaud, bouillant, se chargeait d’une décoration ou de quelques-uns de ces ouvrages éphémères qui demandent beaucoup d’imagination et de faire ; et l’autre, d’un sujet historique, si les besoins domestiques ne le pressaient point, et s’il n’entendait pas sans cesse à ses oreilles le cri de la misère, qui lui demande du pain, des jupons, des souliers, un bonnet.
C’étoit un moïen d’y réussir que de répresenter les rois et les princes avec un caractere vicieux, dans des spectacles qui devoient avoir encore plus de pouvoir sur l’imagination des grecs, que sur celle des peuples septentrionaux.
Je veux dire qu’elles surprennent et qu’elles ébloüissent l’imagination, mais qu’elles n’y peignent pas distinctement des images propres à nous interesser.
Nous voyions de nos fenêtres ces deux jeunes filles, et quelquefois nous leur parlions par signes… Leurs douloureuses destinées — elles moururent dans la fleur de l’âge — contribuèrent à enflammer l’imagination de Giacomo et à créer deux des plus belles figures de ses poésies. […] Une seule fois, il paraît avoir éprouvé une vraie passion, une passion des sens ; Ranieri, qui reçut toutes ses confidences, affirma qu’il mourut vierge à trente-neuf ans ; c’est l’imagination qui a fait tous les frais de ses amours pour Silvia, pour Nérine et pour les autres. […] Cet effet tient-il à la puissance de l’artiste, à la robustesse de sa foi où à la bonne volonté de l’imagination qui ne demande qu’à se laisser séduire ? […] Si, dans ses récits de voyage, M. de Amicis met quelquefois sa sensibilité au service de son imagination, il procède inversement dans ses nouvelles, qui n’ont pas, à beaucoup près, le même intérêt. […] Ses idées de jeunesse n’ont rien d’excessif : il manquait d’imagination, comme il se plaît à le reconnaître : « Chez moi, la folle du logis est une vieille paresseuse que j’ai beau exciter, elle ne se met jamais en mouvement. » Cette qualité négative le poussait aux sciences d’application et aux questions pratiques.
Mais le seul abord de toute personne absolument dépourvue de toute imagination me glace jusqu’aux moelles. […] L’érudition de Shakespeare est dans Plutarque et dans les conteurs italiens, son imagination est en lui-même ; mais la sagesse de Shakespeare, c’est Montaigne. […] Vous vous figurez qu’il n’existe que dans ma folle imagination, et, à la vérité, vous feriez dix fois le tour de cette pelouse sans en trouver. […] L’ancien christianisme lui a toujours paru peu prouvé, et son christianisme à lui n’a été que l’exaltation passagère de sa charité toute humaine et de son imagination. […] Ça, c’est de la métaphysique physiologique, et de la pire métaphysique, de celle qui est tout entière d’imagination.
Et de la vie avec l’abbé Dumont, je pense bien qu’il est venu à Lamartine quelque chose du tour romanesque qu’on trouvera dans son imagination. […] D’abord parce qu’elle est une jeune fille, ensuite parce que sa gouvernante lui a farci l’imagination de toutes sortes de lectures absurdes. […] Victor Hugo a vécu là dans le voisinage de l’Océan, et l’Océan a exercé certainement sur son imagination une influence très grande et très féconde. […] Victor Hugo est un homme d’imagination plutôt que ce n’est un érudit scrupuleux. Heredia a l’imagination, mais il a l’érudition scrupuleuse.
La réalité historique est bien assez poignante pour que son imagination de poète ne soit nullement embarrassée de l’y découvrir. […] Poubelle ont épuisé l’imagination et rassasié pour quelque temps toutes les faims de l’esprit. […] L’épiscopat et le bas clergé des cinq parties du monde ne suffisent plus pour défrayer de prêtres infâmes l’imagination fertile de nos romanciers dans les langes. […] Les vieilles flèches d’or du classique soleil des académies se confondent dans l’imagination populaire avec le ruissellement divin de son chant. […] Ce monde immatériel est d’une grandeur à faire mourir l’imagination et à étonner même l’extravagance !
Ce que Molière conçut dans sa vie de province de charmantes et de fécondes idées, a fructifié dans son cerveau, et plus tard son imagination se charge de les colorer. […] Quand son imagination a été une fois frappée, qu’elle a médité, elle conçoit et jette dans le moule le caractère d’un seul coup, elle l’y jette complet avec tous les travers qu’il doit avoir. […] La comédie seule, dans ce dépérissement de l’imagination et dans cette décadence de la poésie, nous donne encore, çà et là, des ouvrages d’où le grand style et l’invention forte n’ont point tout à fait disparu. […] Ces deux dialogues témoignent d’une vive imagination portée sur une solide observation. […] Il est utile pour le bonheur même des peuples qu’ils nous placent aussi loin et aussi haut que leur imagination peut porter.
Par ces traits tout spirituels, elle n’est pas moins une petite Palestine pour nous et une figure du ciel que par ses figues, ses muscats, ses olives, ses oranges, etc. » — On voit que cet ami de Racine n’était pas sans avoir l’imagination quelque peu riante. — Il est moins question dans les toutes dernières lettres que nous avons de lui des deux prédicateurs émules ; la Cour les enlève à la ville ; Versailles et le monde, ce sera peu à peu l’écueil de l’illustre Massillon : « (23 mars 1700).
Le long de ces provinces s’échelonnent, apportant une note plus originale, à mesure qu’elles sont plus excentriques, la Picardie ardente et subtile, l’ambitieuse et positive Normandie, hardie du bras et de la langue, le Poitou tenace, précis et délié, pays de gens qui voient et qui veulent, la molle et rieuse Touraine, enfin la terre des orateurs et des poètes des imaginations fortes ou séductrices, l’« aimable et vineuse Bourgogne », d’où sont parties, à diverses époques, « les voix les plus retentissantes » de la France.
Si l’imagination poétique consiste essentiellement à découvrir et à exprimer les rapports et les correspondances secrètes entre les choses, on peut dire que le panthéisme est la poésie même, puisqu’il établit l’universelle parenté des êtres.
Goût de l’amour dès l’enfance, avant même de se douter de ce qu’est l’amour ; sentiment un peu sanglotant de la nature ; aspiration à se dévouer sans relâche, avec un secret contentement de souffrir pour son dévouement ; félicité de la meurtrissure sentimentale, optimisme extraordinairement vivace, abrité du scepticisme comme par une ouate de mélancolie douce… Ajoutez à ces dons naturels la vie la plus romanesque, romanesque jusqu’à l’invraisemblable, une gageure du destin tenue et gagnée contre les caprices de l’imagination : l’héritage sacrifié à la foi religieuse, les voyages tragiques, la guerre, la tempête, la séduction, l’abandon, le théâtre avec le succès d’abord, et bientôt la perte de la voix, la misère, la mort de l’enfant adoré, de quoi défrayer vingt romans conçus avec quelque économie.
L’imagination de M.
L’autre était déjà sujet aux redites et montrait les recherches et les efforts des imaginations qui s’épuisent.
Disons cependant que la forte imagination de Marie de Magdala 1216 joua dans cette circonstance un rôle capital 1217.
A l’aide de ces principes, Hartley explique les sensations, les sentiments, la mémoire, l’imagination, le langage, le jugement et la liberté.
Quand l’esprit dominant est de rejeter sans examen et sans discernement tout ce qui appartenait au parti vaincu dans les sciences, dans les lettres, dans les arts même, l’ignorance présomptueuse, les doctrines surannées et réduites à l’absurde, les témérités mille fois réprimées des imaginations sans frein et sans guide, les extravagances les plus révoltantes, ont le champ libre, peuvent se donner carrière, faire ligue, se produire mutuellement, et se soutenir par leurs efforts combinés.
Effets d’imagination : le poète et l’historien. […] Bourget moraliste : il est un des premiers qui aient ramena les questions de morale dans la littérature d’imagination. […] Bourget, il faut se rappeler qu’il est arrivé à un moment où ces questions et ces problèmes tendaient à disparaître de la littérature d’imagination, du roman surtout. […] Or, dans l’imagination de M. […] Qu’ils regardent le réel : ses surprises défient l’imagination la plus fantasque.
Quant à son imagination et à son âme, elles ne distillaient que charme et intégrité. […] Là, il vécut avec les fantômes de son imagination, et il mourut dans le cauchemar. […] Or, Shakespeare s’adresse toujours à notre sens intime, mais de telle sorte que le monde de l’imagination s’anime et s’éveille aussitôt en nous. […] Ce que Shakespeare présente aux yeux peut s’imaginer sans peine, et même il doit être mieux saisi par l’imagination seule. […] Toutes les courtes scènes intermédiaires que le poète nous déroule sans cesse, sont là pour aider l’imagination.
C’est le style d’un vrai poète, qui, ayant pris dans l’étude des poètes anglais le goût du rêve et de la nuance, trouve notre vers trop rigide pour écrire en vers et qui, écrivant en prose, donne libre cours à son imagination très riche et à sa fantaisie très harmonieuse. […] Seulement, pour les lui découvrir et pour les exalter, il faudra plus de prestige et plus d’autorité que nous n’en avons, Car la production poétique de nos jours est tout au plus bonne à faciliter les rapports matrimoniaux, à faire tourner la tête aux vieilles filles ou à chauffer l’imagination des collégiens sentimentaux et pubescents. […] Plus il comprendra profondément le travail de la conscience et de l’imagination créatrice, plus il verra augmenter ses moyens de prise sur la Nature. […] Ce sont si peu là des imaginations en l’air, et cette hypothèse semble si bien être la plus admissible de toutes, que nous lui trouvons partout d’étonnantes justifications. […] La pensée et l’imagination comprimées demandaient à briser les entraves qu’on leur opposait.
Voyons Fléchier tel qu’il était, apprenons à le goûter dans les qualités qui lui sont propres et qui lui assurent un rang durable comme écrivain et comme narrateur ; ne craignons pas de nous le représenter dans sa première fleur d’imagination et d’âme, dans sa première forme de jeune homme, d’abbé honnête homme et encore mondain ; et bientôt sans trop de complaisance, sans presque avoir à retrancher, nous arriverons insensiblement à celui qui n’avait eu en effet qu’à se continuer lui-même, et à se laisser mûrir pour devenir l’orateur accompli si digne de célébrer Montausier et Turenne, et l’évêque régulier, pacifique, exemplaire, édifiant. […] Il reçut en naissant « un esprit juste, une imagination belle, mais réglée, un bon cœur, des inclinations droites » ; et comme l’a dit un autre de ses biographes, il reçut du ciel « ce naturel heureux que le sage met au rang des plus grands biens, et qui tient peu du funeste héritage de notre premier père. […] L’abbé Ducreux, éditeur des Œuvres complètes de Fléchier (1682), l’a publié en entier pour la première fois : seulement il avoue qu’il a cru devoir en quelques endroits substituer quelques termes à ceux de l’original : « non qu’ils aient rien de messéant, dit-il, mais nous avons pensé que cette attention était due aux personnes d’une imagination qui se blesse aisément, et qui découvre, sous les expressions les plus innocentes, des sens détournés et peu modestes dont ne se doutaient pas ceux qui les ont employés ».
Passé ces glorieuses époques qu’enfante un concours de circonstances, ménagées souvent durant des siècles, l’intérêt général et social se dissémine, se retire de plus en plus des œuvres distinguées de poésie, que multiplient pourtant l’éducation, l’exemple, le caprice des imaginations précoces et surexcitées. […] Il en était venu aussi à croire médiocrement à tant de grands hommes, qui sont l’idole de la foule moutonnière et la pâture des imaginations inassouvies ; l’injustice l’avait de bonne heure aguerri sur la gloire. […] Cette assertion serait inexplicable, si je ne me rappelais que De Vigny était l’homme qui avait le moins conscience de la réalité et des choses existantes ; dès qu’il avait le moins du monde intérêt, — un intérêt d’amour-propre ou d’imagination, — à ne pas voir un fait, il ne le voyait pas.
La reprise de Marie Stuart n’était pas seulement pour la Comédie-Française une démarche naturelle tout à fait indiquée ; elle était pour Mlle Rachel un rêve d’imagination ; disons mieux, une délicatesse de reconnaissance et comme un vœu. […] Tous ceux qui ont vu l’Empire en ont été fortement marqués dans leur imagination ; et j’appelle avoir vu l’Empire, non pas être né à telle date qui permît de le voir, mais, même très-jeune, avoir été placé dans une position et comme à une fenêtre d’où on le vît réellement se déployer. […] La Marie Stuart de Brantôme, celle qui mourut sur l’échafaud et qui fit ses adieux à la France, était restée dans toutes les imaginations, victime intéressante, victime embellie : Coupable seulement des erreurs d’une femme, Vos fautes dans le ciel ne suivront pas votre âme !
De la subtilité, de la manière sophistique, du mauvais goût, il en a certes beaucoup trop, et nous le dirons tout à l’heure ; mais tâchons auparavant de bien pénétrer son genre de passion, de tendresse même (car il en a aussi), et de saisir son tour d’imagination hardie et vive. […] Ainsi le printemps de Méléagre n’était pas un idéal dans lequel, comme dans presque tous nos Avril et nos Mai, l’imagination, éveillée par le renouveau, assemble divers traits épars, les arrange plus ou moins, et les achève. […] Il y aurait eu moyen sans doute de tirer des cent vingt-neuf épigrammes ou petites pièces restantes de Méléagre d’autres gracieux détails et des considérations littéraires plus approfondies, plus sûres ; j’en ai dit assez du moins pour faire entrevoir l’espèce d’imagination et de sensibilité, de subtilité passionnée et de vif agrément encore, d’un poëte qui en représente pour nous beaucoup d’autres.
Chacun, en s’approchant de madame Necker, disait un mot à sa fille, lui faisait un compliment ou une plaisanterie… Elle répondait à tout avec aisance et avec grâce ; on se plaisait à l’attaquer, à l’embarrasser, à exciter cette petite imagination qui se montrait déjà si brillante. […] XIV Elle essaya ses forces dans la langue qui tente et qui trompe le plus les jeunes imaginations, celle des vers. […] De toute la création, la femme est cependant l’être le plus essentiellement poétique, puisqu’elle est certainement l’être le plus richement doué des quatre facultés qui font le poëte suprême, l’imagination, la sensibilité, l’amour, l’enthousiasme.
Pour moi, je préfère infiniment lire une belle partition de musique dramatique plutôt que d’assister à sa réalisation théâtrale, réalisation toujours inférieure, à mes yeux, à ce que mon imagination peut se représenter. […] Supérieur à tous deux serait celui qui aurait l’amour de la vie réelle, l’observateur ou le producteur ; mais à défaut de ceci il est aussi légitime de voir la réalité à travers l’imagination du faiseur de livres qu’à travers l’imagination du faiseur de pièces.
Cette assonance de l’âme du lecteur, obtenue dès le début de chaque œuvre et maintenue jusqu’à la phrase finale, Poe investit son imagination. […] À cette imagination minutieuse, qui conçoit avec le même détail des états d’âme directement perçus, et des scènes, des lieux, des suites de pensées imaginaires, — qui est constituée par conséquent plutôt par la vue nette de rapports vraisemblables et logiques, que par une acuité spéciale d’observations, — Poe associe la déduction des incidents, la notion des conséquences probables ou nécessaires que peut ou doit avoir toute donnée. […] L’originalité et l’horreur dans l’imagination de Poe, son amour de l’artifice dans le style, les plans, la brièveté, l’analyse, sont irréductibles.
Succès certain de profonds salamalecs et de haute estime, mais peu retentissant, parce que l’imagination ne se passionne que pour les livres passionnés, et que le livre de M. […] Il a même coupé dans ses facultés, courageusement, comme Origène… Et, en effet, il a de l’imagination, M. […] « Là-bas, — au camp, — devant l’ennemi, les nobles idées générales, qui, entre les mains des démagogues parisiens, sont devenues les prostituées sanguinaires, restent des vierges pures dans l’imagination de l’officier et du soldat.
Ribot a montré qu’il fallait distinguer deux formes de l’imagination créatrice, l’une intuitive, l’autre réfléchie. « La première va de l’unité aux détails… la seconde marche des détails à l’unité vaguement entrevue. […] Il consiste en une attente d’images, en une attitude intellectuelle destinée tantôt à préparer l’arrivée d’une certaine image précise, comme dans le cas de la mémoire, tantôt à organiser un jeu plus ou moins prolongé entre les images capables de venir s’y insérer, comme dans le cas de l’imagination créatrice. […] RIBOT, L’imagination créatrice, Paris, 1900, p. 130.
Si je parle quelque jour de Villehardouin, qui l’a précédé, il sera sensible, en passant de l’un à l’autre, que Joinville n’a pas la gravité simple ni le ton uni de ce premier en date de nos historiens : mais il a plus de bonhomie jointe à un sens subtil, il a de la gentillesse, de la grâce enfantine si l’on peut dire, une imagination tendre et riante. […] Villemain a très bien défini cette imagination de Joinville crédule, ignorante et fertile : Tout est nouveau, tout est extraordinaire pour lui, dit-il ; Le Caire, c’est Babylone92, le Nil, c’est un fleuve qui prend sa source dans le paradis.
Bossuet avait prêché la plus grande partie des siens ; mais en laissant même de côté Bossuet, qui fait exception en tout, il y avait eu une excellente école de sermonnaires qui avaient déjà en partie réformé la chaire et en avaient banni le mauvais goût, les excès d’érudition ou d’imagination surannés et déplacés : M. […] Ce dernier, dans sa conclusion, a dit avec un bon sens élevé qui l’honore : Enfin je ne puis lire les ouvrages de ce grand homme sans me dire à moi-même (en y désirant quelquefois, j’oserai l’avouer avec respect, plus d’élan à sa sensibilité, plus d’ardeur à son génie, plus de ce feu sacré qui embrasait l’âme de Bossuet, surtout plus d’éclat et de souplesse à son imagination) : Voilà donc, si l’on ajoute ce beau idéal, jusqu’où le génie de la chaire peut s’élever quand il est fécondé et soutenu par un travail immense !
Daru alors en Allemagne, en Westphalie (août 1808), et lui apprenant que « les bons Parisiens sont menacés de quatre grandes, comédies en vers », d’Andrieux (Les Deux Vieillards), de Picard (Les Capitulations), de Lemercier (Le Faux Bonhomme), et de lui-même Duval qui se met à lui citer des vers de son Aventurière, et qui regrette de ne le pouvoir consulter plus en détail : « Je me rappelle vos observations sur Le Tyran domestique, ajoute-t-il ; elles m’ont contrarié sans doute, mais j’en ai profité. » D’un caractère à part dans ce groupe des amis d’alors ; ombrageux, jaloux, très sensible à la critique, mais doué d’une certaine force de conception dramatique et de la faculté d’intéresser, Alexandre Duval, Breton de naissance, se pliait malaisément au ton de la petite société des dimanches ; il dépassait un peu par sa chaleur et sa poussée d’imagination l’ordre de critiques de style et d’observations de détail si goûtées d’Andrieux et de ses dociles émules. […] Daru pour qui il avait la plus grande estime, différait de lui par plus d’un point essentiel : il était plus réellement poète, et il se montrait tel dans ses vers trop rares, surtout dans sa conversation pleine de feu et dans toute sa personne : il avait de l’imagination en causant, et de la paresse dans le cabinet.
Malheureusement je ne ressemble en rien à Mme de Sévigné, je ne suis point affectée des choses qui ne me font rien ; tout l’intéressait, tout réchauffait son imagination : la mienne est à la glace. […] Ce n’est pas nous qui prendrons plaisir à ajouter notre commentaire au sien et à l’écraser du voisinage de Mme de Sévigné : oui, Mme de Sévigné avait proprement reçu d’une fée en naissant l’imagination, ce don magique, cette corne d’or et d’abondance ; mais, de plus, elle avait su ménager sa vie et sa sensibilité.