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1380. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Bastian, que la nature vraiment manque d’imagination. […] L’homme eut toujours de l’imagination et il a construit ses religions comme ses contes de revenants. […] Il n’est pas sûr de ses yeux : c’est que ses yeux et sa mémoire sont en lutte avec son imagination. […] Au bout de quelques jours, l’imagination est rentrée en jeu et elle achève de cristalliser la conviction. […] Je ne crois pas qu’il soit partout, je crois qu’il n’est nulle part que dans nos imaginations enfantines.

1381. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Enfin cette même imagination et cette même nature monacales se sont installées dans son sentiment terriblement égoïste de l’amour. […] Nul n’y pouvait comprendre un enfant alors tout en imagination et en grâce. […] L’évasion la plus naturelle — celle où s’essayait à ce moment le jeune Flaubert — est celle de la solitude et de l’imagination. […] Les éléments dont se composent, tant dans l’imagination que dans la réalité, son pittoresque et sa séduction, sont complexes. […] Cette imagination surchauffée a rencontré, sans le savoir, l’amour.

1382. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires sur Voltaire. et sur ses ouvrages, par Longchamp et Wagnière, ses secrétaires. »

Il aime bien mieux, dans sa naïve jactance pour la gloire de son maître, ne nous faire grâce en rien de ces confessions et communions dérisoires, dont le seigneur de Ferney donnait le spectacle aux grands jours dans son église paroissiale, et de celles, plus dérisoires encore, pendant lesquelles, couché sur un lit de mort supposé, il jouait la solennité de l’agonie tête à tête avec un capucin effrayé, et, par une inexplicable débauche d’imagination, se plaisait à célébrer le scandale avec mystère.

1383. (1874) Premiers lundis. Tome II « Li Romans de Berte aus Grans piés »

La pensée de notre jeune et savant collaborateur consistait à rechercher dans les anciennes épopées françaises, non pas seulement les imaginations plus ou moins gracieuses des conteurs et des poètes, non pas le mérite et l’agrément littéraire de leurs romans, mais les croyances diverses des populations, les récits historiques altérés, les invasions mythologiques qui avaient laissé des traces.

1384. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Gilbert Augustin-Thierry »

C’est donc bien une imagination d’aujourd’hui.

1385. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Aujourd’hui un tout autre sentiment dirige les recherches dans le même sens, c’est l’intérêt de plus en plus vif qui s’attache à tout ce qui a pu servir son génie, c’est le désir de montrer comment l’imagination ne crée point de rien, comme quelques-uns se le figurent, mais transforme et vivifie ce qu’elle touche, et d’une chose morte fait une chose impérissable.

1386. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

Jamais personne n’a porté plus loin que Corneille les ressources de l’imagination & l’énergie du sentiment.

1387. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

Ses expressions sont vives, justes, pittoresques, pleines d’imagination, de délicatesse ; ses pensées, fines, ingénieuses, profondes ; ses réflexions, lumineuses, & le plus souvent vraies.

1388. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Panurge » pp. 222-228

» Cette question qu’il propose à Pantagruel près de l’île Caneph, est bien celle qui l’intrigue, et qu’il résout sans cesse, par son insouciance, un grand manque de scrupules, cette parfaite légèreté et indolence d’âme, qu’on appelle « avoir de la philosophie » ; certaine gayeté d’esprit, dit Rabelais, conficte en mespris des choses fortuites, pantagruélisme sain et dégourt, et prêt à boire si voulez. » *** Derrière ce personnage, grossi en caricature et décrit de verve, il y a plus qu’une imagination de Rabelais.

1389. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Ils ont un goût plus sûr, une imagination plus noble : ils ne savent travailler que l’ensemble, et négligent les ornements ; un berger qui se plaint, un vieillard qui raconte, un héros qui combat, voilà pour eux tout un poème ; et l’on ne sait comment il arrive que ce poème, où il n’y a rien, est cependant mieux rempli que nos romans chargés d’incidents et de personnages.

1390. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire » pp. 43-50

Il craint que les peintures et les imitations qui sont l’essence de la poësie, ne fassent trop d’effet sur l’imagination de son peuple favori, qu’il se répresentoit avec la conception aussi vive et d’un naturel aussi sensible que les grecs ses compatriotes.

1391. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler » pp. 103-111

Il seroit même temeraire d’en croire si facilement notre imagination sur les possibilitez, parce qu’on presume volontiers que les choses sont impossibles lorsqu’on ne trouve pas le moïen de les executer, et la plûpart des personnes se contentent même de donner à la recherche de ce moïen un demi quart d’heure d’attention.

1392. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « X »

Albalat, du premier choc de l’idée, du premier mouvement de l’imagination. » J’en demeure d’accord, et je l’ai dit.

1393. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

L’image, qui presque partout (et même en philosophie) a culbuté l’idée, l’image, dans ce poète dépaysé, n’a ni la puissance ni l’imprévu qui nous enlèvent ; on la connaît, on l’a déjà vue… Enfin, ce rhythme dont nous parlions tout à l’heure, et qui est d’un travail si agencé et si merveilleux sous la plume de Gramont, cette guirlande flexible et forte que tout poète moderne semble tenu d’enlacer et de sertir autour de sa pensée, tant les travaux sur le rhythme et la langue du mètre ont été multipliés en ces derniers temps, Bouniol, s’il ne le dédaigne, semble l’oublier ; et c’est ainsi qu’il se présente tout d’abord, modeste et hardi, dans son livre, dénué des trois forces de la poésie telle que l’Imagination l’aime et la veut au xixe  siècle.

1394. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

S’il fait cette comparaison, il ne verra certainement dans ce qu’on a écrit sur ces matières que des souvenirs confus, que les rêves d’une imagination déréglée ; la réflexion y est restée étrangère, par l’effet des deux vanités dont nous avons parlé (axiome 3).

1395. (1888) Impressions de théâtre. Première série

et, s’il a donné ensuite dans de tout autres imaginations, est-ce, comme on l’a dit, sous l’influence des critiques que son poème d’amour avait soulevées ? […] Je veux qu’ils aient l’air de jouir de leur vie si belle, de leur cœur si jeune, de leur imagination si fleurie. […] L’observation rapide s’y relève d’un aimable caprice d’imagination. […] Et cela explique que la pensée de ce péché suprême exerce sur eux une sorte de fascination, et qu’ils en parlent tant, et que leur imagination s’y enfonce et ne s’en puisse dépêtrer. […] C’est une religion charmante pour l’imagination.

1396. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Ce que je sais bien, c’est que l’homme d’esprit qui promène ainsi son imagination dans le ruisseau ne sera jamais un auteur tragique digne de ce nom, c’est-à-dire capable de concevoir en soi et de ressusciter le génie des temps, la flamme des passions et l’âme des grands hommes. […] Sans cela, Virgile et Chapelain, Racine et Campistron, Milton et Ogilby, Le Tasse et Rolli, seraient égaux. » Ce fut pourtant un succès pour Piron, et des juges même assez sévères, comme le fut l’abbé Prévost dans son Pour et Contre, rendaient justice chez lui à une certaine force d’imagination : « Il peint vivement, il a de grands traits. » C’était l’éloge qu’on lui accordait généralement. […] Il me suffit de vous dire, en général, que je trouve dans le cours de cette comédie, qui est d’un goût tout nouveau, autant de génie que d’esprit, et, si je l’ose dire, autant de jugement que d’imagination ; c’est ce que bien des gens sont incapables d’apercevoir ; car enfin tout y est préparé, amené, combiné, filé, contrasté, raisonné, conduit, comme dans les ouvrages des plus grands maîtres. Si l’on n’v trouve pas un certain intérêt de cœur, il y a un intérêt d’esprit qui le remplace  La pure imagination ne fut jamais si heureuse. » Ce jour-là, jour bien inspiré, Piron se montra en vers de l’école de Régnier, de Molière, de Regnard. […] Il a jugé à propos, avec une charité peu chrétienne, de me plaindre d’avoir perdu le plus beau de mon imagination à l’Opéra-Comique.

1397. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Mademoiselle Aïssé60 L’imagination humaine a sa part de romanesque ; elle a besoin dans le passé de se prendre au souvenir de quelque passion célèbre ; de tout temps elle s’est complu à l’histoire, cent fois redite, d’un couple chéri, et aux destinées attendrissantes des amants. […] Ce dut être en 1721 ou 1720 au plus tôt, que les relations de Mlle Aïssé et du chevalier d’Aydie commencèrent : elle le vit pour la première fois chez Mme du Deffand, jeune alors, mariée depuis 1718, et qui était citée pour ses beaux yeux et sa conduite légère, non moins que pour son imagination vive et féconde, comme elle le fut plus tard pour sa cécité patiente, sa fidélité en amitié et son inexorable justesse de raison. […] Je sais quelqu’un qui a écrit : « Ce qu’était l’abîme qu’on disait que Pascal voyait toujours près de lui, l’ennui l’était à Mme du Deffand ; la crainte de l’ennui était son abîme à elle, que son imagination voyait constamment et contre lequel elle cherchait des préservatifs et, comme elle disait, des parapets dans la présence des personnes qui la pouvaient désennuyer. » Jamais on n’a mieux compris cet effrayant empire de l’ennui sur un esprit bien fait, que le jour où, malgré les plus belles résolutions du monde, l’ennui que lui cause son mari se peint si en plein sur sa figure, — où, sans le brusquer, sans lui faire querelle, elle a un air si naturellement triste et désespéré, que l’ennuyeux lui-même n’y tient pas et prend le parti de déguerpir. […] Toute cette justesse, cet à-propos de raison, cette netteté d’imagination qu’elle n’avait pas su garder dans sa conduite, elle l’eut dans sa parole ; et du moment qu’elle ne quitta guère son fauteuil, tout fut bien87. […] Mme du Deffand portait plus de feu, plus d’imagination dans le propos ; pourtant chez elle, comme chez Mlle De Launay, comme chez d’autres encore, ce qui frappe avant tout, c’est le tour précis, l’observation rigoureuse, la perfection juste, ni plus ni moins.

1398. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Pour peindre cet objet de regret, son imagination retrouve toute la fraîcheur de l’espérance.

1399. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

Rollinat, c’est de ne laisser personne tranquille, c’est de tourmenter violemment les imaginations.

1400. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Le merveilleux y produit sur-tout un effet qui étonne & flatte l’imagination, sans la contraindre & la fatiguer, parce que le Poëte a su le tirer du fond du sujet, & en faire usage avec discernement & sobriété.

1401. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

Renan, que vous vouliez me faire passer auprès du public, il me restait, en 1870, encore assez de mémoire pour ne pas confondre l’Allemagne de Goethe et de Schiller avec l’Allemagne de Bismarck et de Moltke, et je n’ai jamais eu assez d’imagination, pour inventer, dans mes conversations, des interruptions comme celle de Saint-Victor.

1402. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Ces défauts de la scène étoient inséparables de l’imagination étonnante du poëte, de l’élévation & de la fierté de son ame, de sa manière de concevoir & de rendre fortement & vivement les choses.

1403. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

L’envie de s’acquérir à son tour de la célébrité, de mettre dans ses intérêts les femmes & ce qu’on appelle la bonne compagnie, alluma son imagination.

1404. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Des sylvains et des naïades peuvent frapper agréablement l’imagination, pourvu qu’ils ne soient pas sans cesse reproduits ; nous ne voulons point …… Chasser les Tritons de l’empire des eaux, Ôter à Pan sa flûte, aux Parques leurs ciseaux… Mais, enfin, qu’est-ce que tout cela laisse au fond de l’âme ?

1405. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIV. Parallèle de l’Enfer et du Tartare. — Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables. »

Mais voulez-vous être remué ; voulez-vous savoir jusqu’où l’imagination de la douleur peut s’étendre ; voulez-vous connaître la poésie des tortures et les hymnes de la chair et du sang, descendez dans l’Enfer du Dante.

1406. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Son imagination est pleine de grands caractères.

1407. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Toutes ces figures vaporeuses, vagues, souflées, ressemblent à celles que le hazard ou notre imagination ébauche dans les nuées.

1408. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

Ne se promet-on point de se taire, du moins dans toutes les occasions où notre imagination trop émuë peut nous faire dire quatre mots, que nous voudrions racheter par un silence de six mois.

1409. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Je suis né pour classer et analyser, et je fabrique de l’imagination à cent francs le mètre carré !

1410. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

On était dans ces premiers jours du consulat qui frappèrent si vivement les imaginations, par l’impulsion puissante et salutaire que le premier consul imprima à tous les ressorts du gouvernement. […] Je puis t’assurer que l’idée de partir de ce monde sans te connaître est une des plus épouvantables qui puisse se présenter à mon imagination. […] Par un singulier privilége, l’empereur Napoléon, après avoir exercé pendant quinze ans un ascendant souverain sur les faits de son temps, allait exercer sur les imaginations une fascination étrange du sein de son exil. […] Byron, à son retour, emporta le roman de sa vie dans son imagination, et le reflet de ses études classiques dans son style. […] Cuvier, ce savant illustre, trouvera pour louer le poëte, à son entrée à l’Académie, une âme et une imagination de jeune homme ; M. de Lamartine à son tour s’inspire des leçons de M. 

1411. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Ce qui n’était qu’un plaisir des yeux ou de l’oreille en devient un de l’imagination, ou déjà de l’esprit. […] Je ne parle pas davantage ici de ce prestige que l’histoire exerce de tout temps, — par cela seul qu’elle est l’histoire, et que l’histoire c’est le passé, — sur l’imagination des hommes en général et des poètes en particulier. […] … Mais maintenant, c’est ma Cléopâtre, meurtrière tour à tour d’un mari, d’un premier fils, et d’un second, qui vous paraît sortir de la nature et de l’humanité dont même vous vous demandez si vous n’imputerez pas les crimes à la noirceur de mon imagination ? […] Ce sont des portraits à plaisir, où vous ne cherchez point de ressemblance, et vous n’avez qu’à suivre les traits d’une imagination qui se donne l’essor. […] … Et ainsi, pour avoir imprudemment satisfait quelques-unes des exigences de notre imagination, c’est comme si nous disions que déjà le poète les a éveillées ou déchaînées toutes.

1412. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Là même où les situations deviendront extraordinaires, elles seront de celles que l’imagination accepte aisément, parce qu’elle est disposée, depuis d’Urfé, depuis Théocrite et bien avant, à les inventer ainsi dans ses rêves. […] Jocelyn n’est bien souvent que Lamartine à peine dépaysé, ayant légèrement romancé et poétisé ses souvenirs, ayant reporté de quelques années en arrière son berceau, comme cela plaît tant à l’imagination et au cœur ; car l’enfance d’ordinaire est si belle, si fraîche en nous de souvenirs, qu’on s’arrangerait volontiers pour avoir vécu homme durant ce temps. […] Avec le poëte, pourtant, cela tire moins à conséquence : l’imagination aisément répare, surtout quand elle est plus riche que jamais.

1413. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Ce qui nuit le plus à la gaieté dans notre genre de vie actuel, c’est la complication en toute chose, c’est le harcèlement et l’aiguillon, l’inquiétude dans la vie matérielle comme dans celle de l’imagination et de l’intelligence. […] L’ami de Chateaubriand et de Lamennais a su rendre la chanson digne de la familiarité et du tous-les-jours de ces hautes imaginations, de ces nobles intelligences. […] On a là tout ce que j’ai pu recueillir de plus intéressant et d’un peu littéraire sur cette imagination riante et cette âme sans replis, sur ce dernier représentant de la gaieté française, et qui en a fait éclater le bouquet final éblouissant.

1414. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Il a le cœur, l’imagination et la main capables d’une telle œuvre ; je n’en voudrais pour preuve qu’une promenade d’automne écrite, ou plutôt causée en vers, en montant, il y a quelques années, à Saint-Point, masure pittoresque que j’habite dans un pli de haute montagne boisée, à quelques lieues de la plaine habitée par le jeune poète breton. […] Il était Homère, et c’est assez ; le cœur et l’imagination, voilà tout ce qu’il faut aux poètes ! […] J’appris, dans une longue conversation, que cette jeune fille était une Irlandaise, d’une famille aristocratique et opulente dans l’île d’Émeraude ; qu’elle était fille unique d’une mère veuve qui la faisait voyager pour que l’univers fût son livre d’éducation, et qu’elle épelât le monde vivant et en relief sous ses yeux, au lieu d’épeler les alphabets morts des bibliothèques ; qu’elle cherchait à connaître dans toutes les nations les hommes dont le nom, prononcé par hasard à ses oreilles, avait retenti un peu plus profond que les autres noms dans son âme d’enfant ; que le mien, à tort ou à raison, était du nombre ; que j’avais parlé, à mon insu, à son imagination naissante ; qu’enfant, elle avait balbutié mes poèmes ; que, plus tard, elle avait confondu mon nom avec les belles causes perdues des nations ; que, debout sur les brèches de la société, elle avait adressé à Dieu des prières inconnues et inexaucées pour moi ; que, renversé et foulé aux pieds, elle m’avait voué des larmes.… les larmes, seule justice du cœur qu’il soit donné à une femme de rendre à ce qu’elle ne peut venger ; qu’elle était poète malgré elle ; que ses émotions coulaient de ses lèvres en rythmes mélodieux et en images colorées.

1415. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Peut-être ce goût pour les portraits tient-il en moi à mon imagination plastique et pittoresque, qui a besoin de se représenter fortement la physionomie des choses et des hommes pendant qu’elle lit le récit des événements où ces hommes sont en scène dans le livre. […] On suit le personnage, on le pressent, on le devine, on se passionne pour ou contre lui, selon qu’on participe soi-même par l’admiration ou par l’horreur à l’héroïsme, au fanatisme, au crime ou à la vertu de l’homme historique ; on vit de sa vie ou l’on meurt de sa mort par l’imagination émue pour ou contre lui ; il disparaît, et l’historien alors reparaît lui ; et, semblable au chœur antique, cet historien prend la parole, prononce un jugement moral, court, nerveux, impartial, favorable ou implacable sur le personnage qu’il vient de représenter à vos yeux. […] Le récit vivifié par l’imagination, réfléchi et jugé par la sagesse, voilà l’histoire telle que les anciens l’entendaient, et telle que je voudrais moi-même, si Dieu daignait guider ma plume, en laisser un fragment à mon pays. » VII « Mirabeau venait de mourir.

1416. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Il y a quelques traits de vérité ; mais l’ensemble du tableau est faux, outré, comme tout tableau qui n’est vu que sous un seul jour, comme toute peinture où l’imagination n’emploie que les couleurs de la prévention et de la haine. […] Une révélation de son génie inné lui avait fait imiter sans efforts l’expression des fortes sensations : effroi, amour, contemplation, tristesse, deuil, désespoir, sur le visage et dans la pose du corps, pour produire sur l’œil ce que la poésie dramatique ou épique la plus éloquente produit sur l’imagination la plus sensible. Pour rendre cet effet aussi agréable qu’il était puissant, il fallait que l’artiste ajoutât à l’intelligence la suprême beauté, afin que l’imagination ravie ne pût pas rêver plus beau que l’image reproduite à ses yeux.

1417. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Et puis nous avons depuis Rousseau et Chateaubriand des besoins d’imagination et de sensibilité que nos pères ignoraient : moins suspendus que nous aux formes fugitives de l’être, moins frémissants de sympathie avec la vie universelle, méprisant dans la nature la matière, et ne faisant des sens que les instruments de l’utilité pratique et des plaisirs inférieurs, ils ne sentaient pas comme nous la sécheresse des pures conceptions intellectuelles : ils se satisfaisaient de posséder la vérité abstraite sans aspirer à toucher la réalité concrète. […] Mme de Montespan, avec sa vie scandaleuse, est une « intellectuelle », et c’est chez la prude que couvent tous les feux de l’imagination et de la sensibilité. […] Cela ne ressemble pas aux fusées d’imagination qui partent au hasard dans nos conversations.

1418. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Son imagination néglige le plus souvent de puiser immédiatement aux sources vives de l’invention poétique et verse dans le faux et le banal. […] Ici son imagination, laissée libre par la réalité, profitant des interstices que la science et l’expérience laissent dans le réseau de leurs notions, usant des terreurs héréditaires que les grands spectacles nuisibles ont déposées dans les âmes, pousse ses plus étranges et ses plus luxuriantes végétations. […] S’il est par excellence celui qui ne sait point voir les choses réelles, il est le familier de leur envers, des terreurs, des appréhensions et du trouble, des fantasmagories et des imaginations, dont les hommes peuplent peureusement l’absence de clarté.

1419. (1925) Portraits et souvenirs

  Gérard de Nerval, en effet, fut surtout poète par sa qualité d’imagination et de sensibilité. […] Il l’était, je le répète, par la qualité de la sensibilité et de l’imagination, par les idées et par les images — par sa vie même. […] Elle est peut-être un miroir, mais un de ces miroirs magiques où celui qui s’y mire y voit reflétés avec lui les fantômes de son imagination. […] Les jeunes imaginations, libérées depuis deux mois de toute contrainte et livrées à leurs fantaisies, ont à faire effort pour se plier à ce que l’on va exiger d’elles. […] Très adroit, très avisé, d’imagination brillante mais peu inventive, Moréas eut toujours le souci de chercher des points d’appui à son inspiration.

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