Quelle que soit la livrée que la fortune ou notre volonté nous attache, philosophes ou religieux, aristocrates ou démocrates, nous sommes tous, plus ou moins, Girondins ou Montagnards.
Ainsi, plus tard, au xixe siècle, n’avons-nous pas vu l’étrange fortune de ce petit roman d’Adolphe, si horriblement sec de fond et de forme, et dont personne n’eût parlé peut-être si l’auteur, plus roué qu’on ne croit, n’eût intéressé la fatuité humaine à la réussite de son ouvrage ; car tout homme, en disant que ce livre est vrai, ne semble-t-il pas révéler qu’il a connu le friand tourment d’une Ellénore ?
Rabelais, Regnard, Voltaire, Beaumarchais, ce n’est pas de cette lignée d’esprits que descend l’auteur des Français de la décadence ; mais s’il n’est pas leur descendant, s’il est apparenté à d’autres, il est cependant trop du même pays pour ne pas savoir quelle force la plaisanterie donne à la pensée et quelle fortune c’est pour un homme que de la manier avec supériorité.
Tel fut le commencement, du reste, de la fortune littéraire de Dumas fils, maintenant parachevée.
Sur une trentaine de princes qui régnèrent de Septime Sévère à Constantin, près de vingt-cinq périrent de mort violente ; et ceux qui montaient sur le trône étaient pour la plupart des soldats de fortune, plus féroces qu’instruits, et qui connaissaient moins la tribune que les champs de bataille ; d’ailleurs, on ne loue pas ordinairement ceux qu’on assassine, et souvent c’étaient les meurtriers même qui étaient les successeurs de ceux qu’ils faisaient périr ; ils conspiraient, frappaient, régnaient et mouraient pour faire place à d’autres meurtriers.
Un de ses derniers mots fut : « Je suis fou. » Son testament ouvert, on trouva qu’il léguait toute sa fortune pour bâtir un hôpital de fous. […] Je prie donc humblement le public de considérer que des cent vingt mille enfants on en pourrait réserver vingt mille pour la reproduction de l’espèce, desquels un quart serait des mâles, et que les cent mille autres pourraient, à l’âge d’un an, être offerts en vente aux personnes de qualité et de fortune dans tout le royaume, la mère étant toujours avertie de les faire téter abondamment le dernier mois, de façon à les rendre charnus et gras pour les bonnes tables. […] Je pense que les avantages de ce projet sont nombreux et visibles aussi bien que de la plus haute importance. — Premièrement, cela diminuera beaucoup le nombre de papistes, dont nous sommes tous les ans surchargés, puisqu’ils sont les principaux producteurs de la nation. — Secondement, comme l’entretien de cent mille enfants de deux ans et au-dessus ne peut être évalué à moins de 10 shillings par tête chaque année, la richesse de la nation s’accroîtrait par là de 50,000 guinées par an, outre le profit d’un nouveau plat introduit sur les tables de tous les gentlemen de fortune qui ont quelque délicatesse dans le goût. […] I do therefore humbly offer it to public consideration that of the hundred and twenty thousand children already computed, twenty thousand may be reserved for breed, whereof one-fourth part to be males… that the remaining hundred thousand may, at a year old, be offered in sale to the persons of quality and fortune through the kingdom ; always advising the mother to let them suck plentifully in the last month, so as to render them plump and fat for good tables. […] For first, as I have already observed, it would greatly lessen the number of papists, with whom we are yearly overrun, being the principal breeders of the nation, as well as our most dangerous enemies… Thirdly, whereas the maintenance of a hundred thousand children, from two years old and upwards, cannot be computed at less than ten shillings a piece per annum, the nation’s stock will be thereby increased fifty thousand pounds per annum, beside the profit of a new dish introduced to the tables of all gentlemen of fortune in the kingdom, who have any refinement in taste.
Ainsi donc, le mariage avec la disproportion des fortunes est parfaitement admis dans nos mœurs ; il ne choque personne, il ne fait pas question ; enfin il n’est immoral qu’au théâtre, où il reste à l’état d’instrument scénique. […] » Je ne parle pas des pères qui ont des démêlés avec la justice, mais de cette masse considérable de chefs de famille dont la fortune garde une étrange odeur de trafics inavouables-. […] Toi, tu aimes cette jeune fille, qui est riche ; épouse-la si elle t’aime, et tire quelque grande chose de cette fortune. […] Puis, il entre dans le théâtre, et il écoute pendant trois heures avec attendrissement le duo désolé de deux amants que la fortune sépare, ou il partage l’indignation et le désespoir d’un fils forcé d’hériter à la mort d’un père trop millionnaire. […] Depuis cette époque, le père, qui a hérité d’une fortune colossale, vit dans les regrets et parcourt l’Europe en cherchant son fils.
Après cela, Louise Labé exhorte Mlle de Bourges à suivre la gloire sans épargner sa jeunesse et son esprit accompagnés déjà de plusieurs et diverses grâces et faveurs de la fortune. […] où est maintenant ce mépris de fortune ? […] Maintenant la Fortune est maîtresse de moy, Et mon cœur, qui souloit être maistre de soy, Est serf de mille maux et regrets qui m’ennuyent. […] Il a vécu un peu en philosophe ou en nonchalant, sans souci des grandeurs du monde et des avantages de la fortune. […] Par la faveur du duc de Joyeuse qui avait épousé la propre sœur de la reine, Desportes atteignit le plus haut point de sa fortune.
Il est devenu « de race » et sa fortune est bientôt faite. […] Comme il était jeune et sans fortune, Frémiet dut accepter les besognes qui s’offrirent d’abord à lui. […] C’était la paix d’une âme supérieure à la fortune, c’était surtout la légèreté d’un esprit prompt à renaître. […] Il s’est bâti là-dessus des fortunes insolentes, et ceux qui les ont faites ont eu la témérité plus insolente encore d’enseigner aux déshérités que la vraie fin de l’homme était de jouir et de s’amuser comme eux ! […] Il est des femmes d’élite qui, nées dans la richesse, ont compris que leur rôle sur la terre était de faire profiter les pauvres d’une part des biens que la fortune leur a prodigués.
Dans une société d’égaux il n’y a plus d’ancêtres ni de fortunes : tous ceux qui ont un nom ou de l’argent l’ont gagné ; et on ne gagne rien qu’après un combat obstiné, par la contention d’esprit, par le travail incessant, par le calcul morose. […] Ils étaient venus par esprit d’aventure, attirés par le grand renom de Cyrus ; plusieurs avaient quitté leurs enfants, d’autres avaient fui de chez leurs parents ; ils allaient en Asie, comme les premiers navigateurs dans le nouveau monde, espérant gagner gloire et fortune. […] Il l’était autant par nature que par fortune ; son tour d’esprit, comme sa position le fit écrivain. […] Je me baignais dans sa rage, et je me délectais à le lui faire sentir. » — Un pareil homme ne devait pas faire fortune : pouvait-il être toujours maître de lui sous Louis XIV ? […] Ne vous souvient-il pas que Balzac avait inventé des théories chimiques, une réforme de l’administration, une doctrine philosophique, une explication de l’autre monde, trois cents manières défaire fortune, les ananas à quinze sous pièce, et la manière de gouverner l’État ?
Je lis ou j’écris jour et nuit ; l’un me délasse de l’autre… Mes yeux sont affaiblis par les veilles, ma main est lasse de tenir la plume, mon cœur est rongé par les soucis… J’ai à combattre mes passions ; pour tout ce qui tient à la fortune, je suis dans un juste milieu, également éloigné des deux extrêmes. […] Mais les livres ont leur destinée et leurs retours de fortune comme les hommes ; la postérité a ses engouements comme le temps : elle fait mourir et revivre pour un moment les philosophes, les historiens, les poètes ; elle ensevelit les uns dans ses dédains, elle exhume les autres par ses engouements. […] sa fortune à François de Brossano, son gendre chéri, et sa maisonnette de Vaucluse à un vieux domestique qui en était en son absence le gardien.
Pour moi je pense continuellement à toi, et, pour y penser avec plus de plaisir, j’ai fabriqué dans ma tête une petite figure espiègle, qui me semble être ma Constance… » Et à son fils, qu’il se disposait à appeler en Russie pour y commencer sa fortune : « Il faut que tu me remplaces auprès de ta mère quand je n’y suis pas, et que tu sois son premier ministre de l’intérieur. […] Je puis attacher ta fortune à la mienne si tu aimes le travail, autrement tout est perdu. […] Ce Napoléon, qui avait fait fléchir un jour votre foi dans la légitimité devant sa fortune, est mort à Sainte-Hélène peu de temps après vous.
Leurs salons se tiennent dans les hôtelleries ; leurs cercles d’hommes, qui ne sont tempérés par aucune bienveillance et par aucune politesse féminine, ne sont que des clubs de trafiquants acharnés utilisant leur repos même pour leur fortune à la fin du jour, fiers de ne connaître que ce qui rapporte, et ne s’entretenant que des entreprises réelles ou illusoires où l’on peut centupler son capital. […] Un écrivain d’une grande érudition littéraire, méconnu, un de ces hommes presque universels, qui sont poursuivis pendant toute leur vie par je ne sais quelle malignité de la fortune et de la renommée, M. […] Des revers de fortune survinrent.
Il est tout occupé à demander pardon de sa haute fortune. […] Tant d’existences bouleversées ; tant de vieilles institutions jetées à bas ; tant d’exemples éclatants des vicissitudes de la fortune ; un lieutenant d’artillerie devenu empereur, presque maître du monde, et, après cette prestigieuse épopée, allant s’éteindre misérablement dans une île perdue de l’Océan ; des rois décapités, détrônés, chassés, remplacés par des fils d’aubergistes et des officiers d’aventure ; l’Europe entière partagée, remaniée, des populations entières passant d’un maître à l’autre comme un bétail ; voilà certes un amas de choses tragiques qui trouble, étonne, force à réfléchir, à s’interroger, à scruter les mystérieux replis de l’âme et de la société humaines, à chercher les ressorts secrets, les causes obscures des événements. […] Parmi ceux qui périssaient sous les balles ou les boulets, par les coups de sabre ou les fatigues, il en était certes plus d’un qui dans une période pacifique aurait vécu et apporté son contingent d’efforts aux œuvres de la paix ; et parmi ceux mêmes qui faisaient sous les armes leur réputation et leur fortune, il en était plus d’un qui en d’autres temps aurait gagné une gloire moins trempée de larmes et de sang.
Faute d’une connaissance assez étendue, mais faute surtout d’une connaissance assez expérimentale de la nature, les définitions de la scolastique n’ont rien de « scientifique », au sens véritable du mot ; mais elles n’en ont pas moins discipliné l’esprit français en lui imposant ce besoin de clarté, de précision et de justesse qui ne laissera pas de contribuer pour sa part à la fortune de notre prose. […] B. — Caractère artificiel de la poésie provençale ; — et qu’elle n’est qu’un jeu d’esprit ; — dont le thème invariable est l’amour « courtois » ; — mais dont la valeur d’art n’est pas moins grande pour cela : Materiam superavit opus [Cf. dans la littérature grecque les poètes de l’époque alexandrine] ; — et dont les défauts autant que les qualités expliquent la fortune aristocratique. […] Bédier pour la négative]. — Qu’il se peut qu’en effet quelques fabliaux nous soient venus de l’Inde ; — mais qu’en général on a de notre temps beaucoup abusé des « origines orientales » ; — et que la plupart de nos fabliaux, comme Brunain, La Vache au Prêtre, ou Le Vilain Mire, ou La Bourgeoise d’Orléans, ne supposent pas un effort d’invention qui passe la capacité de l’expérience la plus vulgaire. — Grossièreté des fabliaux ; — et difficulté d’en transcrire seulement les titres ; — pour cause d’obscénité. — De la portée satirique des fabliaux ; — et, à ce propos, qu’ils semblent avoir évité d’attaquer les puissants du monde. — Comment, en revanche, ils traitent le prêtre, le « curé de village », non le moine, ni l’évêque ; — et comment ils traitent la femme. — De la valeur « documentaire » des fabliaux ; — et s’ils nous apprennent quelque chose de plus que les Dits, par exemple ; — ou tant d’autres « documents » de tout ordre. — Fortune européenne des fabliaux ; — et, au cas que l’origine n’en soit pas française, — du peu de gré qu’il faut savoir à nos trouvères de la forme d’esprit que les fabliaux ont propagée dans le monde.
L’auteur raconte qu’à une certaine époque de sa vie, il avait pour ami un homme qui vivait, dans un coin solitaire de l’Amérique, des débris sauvés d’une fortune qui avait été splendide autrefois. […] Infortuné dès le berceau, il avait deux ans quand son père et sa mère moururent, et il allait mourir comme eux, quand un monsieur Allan, homme très riche, à l’instigation charitable de sa femme, prit l’orphelin pour se faire un enfant qui lui manquait, et il l’éleva dans un luxe et dans l’espérance d’une fortune qui devait rendre plus tard la pauvreté de Poe plus cruelle. […] Le talent, en effet, si singulier et si nouveau de ses premiers Contes, publiés dans les Revues et les Journaux du temps, éleva leurs chiffres d’abonnements dans la proportion de cinq mille à cinquante mille, et lui aurait assuré une renommée solide, sur laquelle il eût établi sa fortune, dans un autre pays qu’un pays sans unité, sous les plis de ce drapeau menteur qui s’appelle le drapeau des États-Unis !
. — D’autres, plus heureux par des succès qu’ils doivent uniquement à la valeur des troupes, aux fautes de leurs ennemis, enfin à leur seule fortune, ne veulent plus la commettre, quelque avantage qu’on leur fasse voir dans des mouvements qui pourraient détruire un ennemi déjà en désordre, sans les trop engager. — Mais une troisième espèce d’hommes, assez rare à la vérité, compte de n’avoir rien fait tant qu’il reste quelque chose à faire, profitant de la terreur qui aveugle presque toujours le vaincu, à tel point que les plus grosses rivières, les meilleurs bastions ne lui paraissent plus un rempart. […] » Voilà, Monsieur, des paroles nécessaires, non pour augmenter le zèle, il est toujours égal, mais pour que votre général ait l’esprit plus libre, le cœur satisfait, et que, jugeant de sa fortune dans la guerre par celle qu’il trouve dans son élévation, il ne croie rien d’impossible.
La seconde partie du Voyage, toute moderne, est d’un homme qui a administré avec zèle et qui se préoccupe de toutes les branches de la fortune publique, principalement de l’agriculture : ici, sous le plus beau climat, avec un sol admirable et les souvenirs d’une antique prospérité, il ne voit que misère, dépopulation, fièvre et famine, et il se demande pourquoi ; il se le demande en observateur éclairé, humain et sans colère91. […] Les noms, les titres, les vieilles fortunes et les vieilles réputations, autrefois objets de tant de jalousies, demeurèrent ensevelis, et les grandeurs nouvelles que l’on vit s’élever, loin d’être des objets d’envie, ne furent plus que des objets d’espérance pour des hommes nouveaux.
Laissons-les donc dans leur calme heureux, ils n’ont pas besoin de nous, leur bonheur est aussi varié en apparence que les différents lots qu’ils ont reçu de la destinée ; mais la base de ce bonheur est toujours la même, c’est la certitude de n’être jamais ni agité ni dominé par aucun mouvement plus fort que soi ; l’existence de ces êtres impassibles est soumise sans doute comme celle de tous les hommes aux accidents matériels qui renversent la fortune, détruisent la santé, etc. […] Supposez d’abord un très petit nombre d’hommes extraits d’une nation immense, une élection combinée, et par deux degrés, et par l’obligation d’avoir passé successivement dans les places qui font connaître les hommes et exigent, et de l’indépendance de fortune, et des droits à l’estime publique pour s’y maintenir.
Parfois on oublie de nous marquer son rang, sa condition, sa fortune, s’il est gentilhomme ou bourgeois, provincial ou parisien373. […] Quand j’ai lu la série des romanciers anglais, Defoe, Richardson, Fielding, Smollett, Sterne et Goldsmith, jusqu’à Miss Burney et Miss Austen, je connais l’Angleterre du dix-huitième siècle ; j’ai vu des clergymen, des gentilshommes de campagne, des fermiers, des aubergistes, des marins, des gens de toute condition, haute et basse ; je sais le détail des fortunes et des carrières, ce qu’on gagne, ce qu’on dépense, comment l’on voyage, ce qu’on mange et ce qu’on boit ; j’ai en mains une file de biographies circonstanciées et précises, un tableau complet, à mille scènes, de la société tout entière, le plus ample amas de renseignements pour me guider quand je voudrai faire l’histoire de ce monde évanoui.
Il a eu soin au collège de faire d’utiles amitiés ; il s’est lié avec des camarades de condition supérieure à la sienne, fils de magistrats, de courtisans, La Marche, Maisons, d’Argental et son frère, les deux d’Argenson, Richelieu ; si quelques-uns, comme d’Argental, deviennent absolument dévoués à sa fortune, il retiendra les autres comme protecteurs à force de souplesse et de flatterie ; aucun dégoût, aucune trahison de cet ignoble duc de Richelieu ne le rebutera. […] Utilisant ses relations avec les frères Paris, qui l’intéressèrent dans certaines entreprises, appliqué et entendu aux affaires d’argent, guettant les bons placements, il commença dès ce temps à se faire la plus grosse fortune qu’on eût encore vue aux mains d’un homme de lettres.
Il était bien digne de retrouver la langue de ce siècle, alors qu’il gardait encore de ses mœurs littéraires la docilité aux conseils du « censeur solide et salutaire », et qu’il aimait la gloire à la façon des grands écrivains d’alors, non comme une affaire à laquelle on travaille de sa personne, mais comme une fortune qu’on laisse faire à ses œuvres. […] L’ouvrage auquel appartient cette page, les Mémoires d’outre-tombe, écrits à différâtes époques de sa vie, mais repris, et, si j’ose dire, surchargés dans une dernière rédaction, ont eu la triste fortune de faire trouver l’orgueil de J.
C’est qu’il a assisté au bouleversement des fortunes par l’aventure de Law ; il a passé par la rue Quincampoix ; il a vu des camarades monter dans les carrosses au lieu de monter derrière ; il se sent assez alerte d’esprit et assez léger de scrupules pour devenir, lui aussi, financier. Il pourrait avoir entendu dire que le corps des laquais est « le séminaire de la noblesse98 » ; et, en attendant que la fortune le traite selon son mérite, il est plein d’égards pour sa grandeur future ; il ôterait volontiers son chapeau pour se parler.
» Il dit à l’homme : « Tu es une âme chétive portant un cadavre. » Il rit amèrement de ceux qui poursuivent la gloire, la volupté, la fortune : — « C’est comme si on se prenait d’amour pour les oiseaux qui passent en volant. » — Comme Macbeth, il compare l’existence à une farce tragi-comique : — « Ce que nous estimons tant, dans la vie, n’est que vide et petitesse. […] En revanche, — et les exemples sont bien plus nombreux, — que de femmes bien nées, entourées de toutes les protections de la famille et de la fortune, n’aspirent qu’à descendre pour se mêler aux saturnales du monde inférieur !
L’homme politique, l’homme d’État supérieur est patient : il ne met pas du premier jour le marché à la main à la fortune : il attend, il se plie, il sait être le second et même le troisième avant d’arriver à être le premier. […] M. de Chateaubriand, en 1814, était moins désabusé en effet qu’il ne voudrait le paraître, il espérait encore beaucoup, il espérait tout, et parlait de Louis XVIII en conséquence : « Il marche difficilement, disait-il de lui avec toutes les ressources et les complaisances du langage, mais d’une manière noble et touchante ; sa taille n’a rien d’extraordinaire ; sa tête est superbe ; son regard est à la fois celui d’un roi et d’un homme de génie. » Plus tard il empruntera, pour peindre Louis XVIII, quelques-unes des couleurs de Béranger ; mais alors, quand il attendait encore de ce roi impotent sa fortune politique, il le voyait ainsi dans sa majesté.
Quoi qu’il en soit, avec tous ses défauts, son inclination aux plaisirs, son goût connu et son talent irrésistible pour les épigrammes et les chansons, avec ses désordres de conduite, son grain de libertinage et d’esprit fort, sa fureur du jeu, où il avait un bonheur insolent, Bussy, vers 1659, était en passe d’arriver à la plus haute fortune militaire, lorsque la paix vint le livrer sans distraction à ses périlleux penchants. […] Voyant Bussy essayer ainsi de reparaître à la Cour, vieilli, usé, hors de mode, et venir remettre en question, devant une génération nouvelle de courtisans, jusqu’à sa réputation d’homme d’esprit : Quand on a, disait-il, renoncé à sa fortune par sa faute, et quand on a bien voulu faire tout ce que M. de Bussy a fait de propos délibéré, on doit passer le reste de ses jours dans la retraite, et soutenir avec quelque sorte de dignité un rôle fâcheux dont on s’est chargé mal à propos.
Leur conduite est constamment conforme aux lois de la probité, à la conception que l’idéal de l’époque a formée de l’honnête homme, et à vivre de la sorte, ils rencontrent à la fois la fortune et l’estime publique. […] Il est aisé de vérifier cette loi en en considérant les effets dans la sensibilité d’un même individu : il suffit de le choisir tel que durant la brève période de sa vie, la fortune l’ait soumis à des conditions diverses et contraires.
* * * — Une erreur de 3 centimes, dans le compte d’une année, il y a cinq ou six ans, a fait passer, m’a-t-on assuré, cinq jours et cinq nuits, aux sept employés de la fortune privée de Rothschild. […] Les examens coûtent cher, très cher, et quelquefois l’aspirant n’a pas de fortune.
Ce n’est plus d’un grand seigneur, d’un monarque, qu’il attend sa considération et sa fortune, c’est du public, c’est de la foule. […] De tout temps les gens de lettres ont pu tirer de leurs travaux un légitime bénéfice : aujourd’hui ils y cherchent un revenu régulier, une fortune.
Depuis que Fabius Maximus eut distribué les citoyens selon leurs biens, en trois classes, sénateurs, chevaliers, et plébéiens, les nobles ne formèrent plus un ordre dans la cité, et se partagèrent, selon leur fortune, entre les trois classes. […] Dans les siècles les plus barbares du moyen âge, on ne trouve rien de plus inconstant, de plus variable, que la fortune des maisons royales.
« Puisse, dit-il126, la fortune m’assister dans mon soin de garder toujours la pureté des paroles et des actions, les soumettant aux lois suprêmes, filles célestes, dont l’Olympe seul est le père, que nulle origine mortelle n’a enfantées, et que l’oubli n’endormira jamais ! […] Si quelqu’un chemine avec insolence en actes ou en discours, sans crainte de la justice, sans respect pour les autels des Dieux, que la mauvaise fortune le saisisse, pour prix de ses misérables joies !
[NdA] On lit dans une lettre de M. de La Rivière à l’abbé Papillon, du 5 avril 1736 : « Feu M. le maréchal de Villars, que j’avais fort connu avant sa grande fortune, qui m’avait conservé de l’amitié, et qui me faisait l’honneur de venir quelquefois me voir, avait toujours Horace dans sa poche et s’en servait agréablement : il avait beaucoup de goût et autant d’esprit que de valeur. » (Lettres choisies de M. de La Rivière, gendre du comte de Bussi-Rabutin, 1751 ; tome ii.) — Cet Horace dans la poche de Villars est une particularité curieuse ; mais n’était-il pas homme à le prendre tout exprès et à le laisser voir à propos, quand il allait rendre visite à M. de La Rivière ?
Quand il l’a perdue et qu’on lui impute les torts des autres, et ceux mêmes de la fortune, il n’a plus la faculté de gouverner, et cette impuissance doit le condamner à se retirer : que de gouvernements ne s’étaient pas usés depuis le commencement de la Révolution !
Ce projet presque chevaleresque, joint aux difficultés politiques qu’opposa Moreau, explique le long retard par où périt cette conjuration, la plus forte assurément qu’ait essuyée la fortune de Bonaparte.
Il y avait sans doute une autre manière plus rigoureuse, plus analytique et scientifique de traiter ce sujet de l’influence de la philosophie sur la législation ; c’eût été, dans une sorte de dépouillement des écrits des philosophes, de dénombrer les propositions essentielles le plus applicables à la société selon l’ordre religieux, civil ou politique ; de suivre la fortune positive de ces propositions diverses depuis leur mise en circulation jusqu’à leur avènement régulier, depuis leur naissance à l’état d’idées jusqu’à leur terminaison en lois ; d’épier leur entrée plus ou moins incomplète dans les codes, et d’apprécier ceux-ci dans leur raison et leur mesure.
Ce ne sont point des pièces d’un métal précieux, qui circulent de main en main sans se déprécier ni acquérir de plus-value : ce sont des papiers qui sont aujourd’hui en baisse, demain en hausse, chiffons aux mains du malhabile, qui valent une fortune aux mains de l’homme avisé.
Deux surtout : la fièvre des spéculations, la poursuite enragée de la fortune par le mélange de l’adresse et de l’effronterie, par l’alliance de la Bourse et du journal (les Effrontés, 1861) : puis la « blague », l’ironie dissolvante qui tourne les scrupules de conscience en ridicules gothiques, et nettoie le terrain pour l’âpre et sec matérialisme (la Contagion, 1866 ; Jean de Thommeray, 1873).
Ce grand homme est mort en 1684, dénué de fortune & même dans la misère, si le trait suivant est vrai.
L’indigne prussienne prétend à présent que j’ai renversé sa fortune en la chassant de Paris au moment où elle touchait à la plus haute considération.
C’était un homme probe et cultivé, de naissance médiocre, mais de mœurs élevées, placé par la fortune de son génie en dehors de toutes les prétentions et de toutes les passions de son temps, ayant le pied, — un pied digne du talon rouge, — et l’œil, — un œil capable de tout embrasser, — dans les deux sociétés qu’on nommait alors la cour et la ville, et que sa vocation était d’observer et de reproduire.