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626. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

La pureté de son intention, certes, personne n’en est plus sûr que moi ; mais quand il s’agit d’une de ces audaces d’observation qui ressemble presque à de l’irrévérence, la pureté d’intention sauve-t-elle tout, et suffit-elle pour entrer dans ce secret, gardé par l’Évangile, de l’espèce d’amitié qu’avait le Sauveur pour la Madeleine ? […] « Voyageur aux souvenirs de Bethanie (voyageur aux souvenirs est aussi une nouvelle espèce de voyageur !)

627. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Humboldt, dans sa correspondance, a ce quelque chose de grand et de nain, de mesquin et d’imposant, qui faisait de lui également l’interprète majestueux de la nature et un cancanier de société, une espèce de portier sublime, — le portier des Cordillères, par exemple, mais un portier, hélas ! […] Seulement, j’insiste sur ce point : le mordant survenu à Humboldt, qui se contentait d’appeler, comme un vieux libéral qu’il était, les ministres berlinois des momies en service extraordinaire, et de se moquer des sottises, adhérentes ou inadhérentes à toutes les espèces de gouvernements, ce mordant ne fut point celui qu’on a dit, c’est-à-dire la férocité tardive d’un vieux Cléon, d’un vieux Méchant, cynique et comique.

628. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Les Romantiques de 1830, qui ont tant tourné et retourné le xvie  siècle, avaient trouvé, au milieu des os et des armures de cet ancien champ de batailles et de poésie, cette espèce de torse à la Michel-Ange, en corselet, qu’on appelle Agrippa d’Aubigné, — le poète-capitaine, — et ils avaient jeté un cri d’admiration devant la grande tournure de ses vers… Ce fut une surprise ; il était à peu près tombé dans l’oubli. […] Il était, par le caractère, une espèce de Balfour de Burleigh, — mais qui n’aurait jamais assassiné d’archevêque de Saint-André, — un Balfour de Burleigh d’une bonté inconnue au farouche Balfour, chevaleresque plutôt, au lieu d’être farouche !

629. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Il était peu connu, ce poète qui avait passé trente ans dans la volupté de sa rêverie et de ses vers, et qui a eu le temps de ramasser cet éclatant boisseau de poésies de toute espèce qu’il versait en une seule fois si luxueusement à nos pieds. […] Ce n’est plus seulement une description, mais une espèce d’ascension lyrique, qui, de strophe en strophe, vous porte plus haut, et, dans son rythme et son sentiment, vous enlève : Pour atteindre au plateau de la montagne, il faut Suivre un sentier pierreux, capitonné sur tranches De buis mystérieux et d’aubépines blanches.

630. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

L’individualité de l’auteur s’y révélant bien moins que dans la publication d’un ouvrage, jusque-là inédit, les réimpressions sont des espèces de renseignements sur l’esprit public que le libraire suit toujours plus qu’il ne le précède… Mais quand, de plus, elles sont une rénovation de l’œuvre déjà publiée, quand l’auteur y apparaît derrière le libraire, quand, riche du bénéfice des années, l’écrivain change le caractère d’un livre qu’il juge et condamne, du haut des acquisitions de sa pensée, les réimpressions prennent alors une importance que la Critique est obligée de signaler. […] Illuminés d’enthousiasme ; hommes de parti enlevants d’éloquence dans des camps opposés ; natures bouillonnantes qui dégorgent incessamment comme la bouche d’un fleuve, soit des pensées, soit des images ; espèces de Pythonisses de leur propre esprit ; passionnés dans leur âme et passionnés dans leur sang que l’Imagination fouette incessamment de ses mille dards enflammés, ils ont les mêmes audaces d’expression et ils se ressemblent jusque dans leur originalité… La seule différence qu’il y ait entre eux, c’est que Diderot l’athée ne fut jamais qu’un athée.

631. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

grâce à la misère du duc de La Tour-d’Embleuse et à la piété filiale de sa fille Germaine, Antigone sans fierté ; grâce surtout aux plaidoiries d’un médecin, espèce de Figaro soi-disant honnête dans toute cette intrigue, l’immonde mariage s’accomplit. […] Maître Pierre, un Landais, une espèce de Robinson Crusoé de la Lande, est un paysan conçu à l’envers des paysans de Walter Scott, qui sont les fils respectueux du passé, qui aiment leurs coutumes et meurent pour elles.

632. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Mérimée est une espèce de Stendhal-Boissec ! […] — ne serait plus, à son tour, qu’une petite mécanique plus ou moins ingénieusement construite, une espèce de tourniquet à émotions, qu’on serrerait d’autant plus fort qu’on voudrait en finir plus vite… Seulement, disons-le, si l’art n’est conçu que comme une opération chirurgicale, — non nécessaire, — et que plus tôt c’est terminé, mieux ça vaut, pourquoi commencer ?

633. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Tout dépend de sa complexion intellectuelle, de la trempe de son esprit et de l’espèce de sa sensibilité. […] C’est la Beauté, piège tendu par la nature à l’individu en vue de la reproduction de l’espèce. […] Il se connaît très bien lui-même ; il analyse et définit avec une rare précision l’espèce de son talent. […] Son langage est simple, dépouillé de toute espèce d’ornements et d’artifices. […] Ils ont renoncé, pour accomplir leur œuvre, à toute espèce de fonctions rétribuées.

634. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Buloz et le Messager de Paris. »

Mais l’espèce de dédain affiché pour la capacité personnelle et la compétence de jugement de M. le commissaire royal est vraiment plaisante : faut-il donc avoir écrit de médiocres feuilletons ou de fades comédies, pour obtenir de les juger ?

635. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre premier. Le problème des antinomies » pp. 1-3

Le fondement de l’individualisme étant la reconnaissance d’une antinomie essentielle entre l’individu et la société, nous serons amenés, après avoir étudié les diverses antinomies, à nous demander quelle espèce d’individualisme elles autorisent.

636. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 198-200

Ce défaut de goût l’a fait tomber dans une espece de mépris, qu’on a poussé toutefois un peu trop loin.

637. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 227-229

La pratique des grands Maîtres concourt à la conviction de la bonté du précepte qu’il donne ; &, soit dans l’universalité des Beaux-Arts, soit dans chaque espece particuliere, la justesse de la théorie est toujours démontrée par l’expérience.

638. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 397-399

Il est vrai qu’il y regne beaucoup de méthode, beaucoup d’érudition, beaucoup de citations, beaucoup d’observations ; mais les Ouvrages didactiques, surtout de cette espece, exigent encore du goût, de la critique, des vûes bien présentées, & principalement une élocution soignée, propre à animer les préceptes que l’Auteur veut faire goûter.

639. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 180-182

La nouveauté a donné souvent de la vogue à des Productions de cette espece.

640. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 346-348

C'est pourquoi il a fallu joindre à cette Histoire une espece de Vocabulaire, pour éclaircir l'obscurité de ces noms, qui eussent été méconnoissables sans ce secours.

641. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface de janvier 1823 »

Il se résout donc sagement, après avoir fait amende honorable, à ne rien dire dans cette espèce de préface, que monsieur l’éditeur aura soin en conséquence d’imprimer en gros caractères.

642. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de février 1829 »

ont fait de lui une espèce de jeune Louis XIV entrant dans les plus graves questions, botté, éperonné et une cravache à la main.

643. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Mystères. » pp. 35-37

Ces pèlerins, allant par troupes et s’arrêtant dans les places publiques, où ils chantaient, le bourdon à la main, le chapeau et le mantelet chargés de coquilles et d’images peintes de différentes couleurs, faisaient une espèce de spectacle qui plut, et qui excita quelques bourgeois de Paris à former des fonds pour élever un théâtre où l’on représenterait ces moralités les jours de fêtes, autant pour l’instruction du peuple que pour son divertissement.

644. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

La plupart des esprits ajoutent foi à la doctrine de l’évolution, de la sélection divine des espèces, du transformisme auguste et merveilleux des races. […] C’eût été une sorte d’illustration romanesque de l’Origine des Espèces, une œuvre impossible et de titan. […] Toujours séduit par les problèmes de la sélection et de l’hérédité des espèces, il se tourna vers la vie moderne. […] Il savait que les caractères essentiels de l’espèce se trouvent reproduits chez l’individu, comme le grain contient virtuellement, sous ses fragiles parois, le total édifice de la plante. […] N’oubliez pas sa préface des Rougon-Macquart et que ce qu’il a voulu écrire, c’est le roman de l’espèce et de la société, considérés dans leur unité la plus simple, qui est une famille.

645. (1823) Racine et Shakspeare « Préface » pp. 5-7

Occupé toute sa vie d’autres travaux, et sans titres d’aucune espèce pour parler de littérature, si malgré lui ses idées se revêtent quelquefois d’apparences tranchantes, c’est que, par respect pour le public, il a voulu les énoncer clairement et en peu de mots.

646. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VI. La littérature et le milieu social. Décomposition de ce milieu » p. 155

Tantôt on reconnaîtra une action exercée sur la nation qu’on étudie par quelqu’une des époques de sa propre histoire ou bien par les sociétés se trouvant en contact avec elle ; ainsi en France, par une espèce d’atavisme, le moyen âge, le seizième siècle, le commencement du dix-septième ont obtenu, sous le premier Empire et lors de la Restauration, un regain de popularité qui est sensible dans le développement de notre école romantique ; ainsi encore on sait quelle déviation la résurrection de l’antiquité grecque et latine fit subir au génie français, lors de la Renaissance, ou à quel point nos écrivains du siècle dernier furent les disciples de l’Angleterre.

647. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 544-546

C’est ainsi qu’on parvient à cette prétendue élévation d’ame, ou plutôt à cette insouciance destructive de tout sentiment noble, & dans laquelle on ne s’endort avec complaisance, que parce que, n’écoutant que soi-même, on ne trouve pas de Contradicteurs : espece de mort morale, dont on ose faire une vertu sublime, tandis qu’elle anéantit toutes les vertus.

648. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 115-117

La principale raison de ce désordre, qui augmente chaque jour, est qu'il sera toujours plus facile de composer cinq ou six Comédies dans le genre de la Matinée à la mode, que d'en faire une dans celui du Joueur ou du Glorieux, ou de la Métromanie, qui exigeroit plus de temps elle seule, qu'il n'en faut pour en composer douze de l'autre espece.

649. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 441-443

Les relations qu’il a eues avec feu M. de Voltaire, lui ont donné une espece de célébrité dans la République des Lettres, qu’il n’a point acquise par ses Ecrits.

650. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre premier. Que la poétique du Christianisme se divise en trois branches : Poésie, Beaux-arts, Littérature ; que les six livres de cette seconde partie traitent spécialement de la Poésie. »

Toute espèce de ton, même le ton comique, toute harmonie poétique, depuis la lyre jusqu’à la trompette ; peuvent se faire entendre dans l’Épopée.

651. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VI. Des Esprits de ténèbres. »

Ce merveilleux d’un fort grand caractère en fournit ensuite un second d’une moindre espèce, à savoir : la magie.

652. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Bachelier  » pp. 147-148

Il y a des enfants qui grimpent à des arbres ; il y en a qui sont montés sur des boucs, sur des béliers ; il y en a de toutes sortes d’espèces et de couleur ; mais point de vérité.

653. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ballanche aurait infusé tous les passages des Écritures qui se trouvaient traduits par Bossuet et autres grands écrivains sacrés : « Car, ainsi qu’il l’a remarqué depuis dans les Institutions sociales, Bossuet, ce dernier Père de l’Église, a une merveilleuse facilité à s’approprier les textes sacrés et à les fondre tout à fait dans son discours qui n’en éprouve aucune espèce de trouble, tant il paraît dominé par la même inspiration. » Ce projet n’eut pas de suite, quoique M. de Chateaubriand ait commencé quelque chose des discours ; mais il se forma du moins à ce sujet, entre le grand poëte et M. […] Ballanche y revient souvent dans son écrit ; il le conclut en ces termes mémorables : « Ce qui a toujours troublé la raison des fabricateurs de systèmes, c’est qu’ils ont toujours voulu faire tendre l’espèce humaine au bonheur, comme si l’homme était sans avenir, comme si tout finissait avec la vie, comme si, enfin, on pouvait être d’accord sur les appréciations du bonheur. » M. […] Il voit presque en eux, dans le dernier du moins, des Œdipes coupables sans avoir failli librement, coupables par solidarité, par surcroît d’épreuve, des espèces de victimes eux-mêmes. […] Son Orphée dut résumer les quinze siècles de l’humanité, qui, en dehors du cercle de nos traditions religieuses, sont placés en avant des temps historiques : Orphée dut être une espèce de Genèse du haut paganisme. 2° Si M. […] L’influence, du reste, n’alla pas au delà de cette espèce d’insufflation religieuse.

654. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Il était tombé dans une espèce d’idiotisme, et passait sa journée à faire de petits tas de sable, sans que plus rien de savant s’y traçât. […] Vers ce temps, il construisait aussi une espèce de langue philosophique dans laquelle il fit des vers ; mais on a là-dessus trop peu de données pour en parler. […] Il s’en exprime avec charme : « Ma chimie, écrit-il, a commencé aujourd’hui : de superbes expériences ont inspiré une espèce d’enthousiasme. […] Je lui ai parlé de vous, je lui ai dit que vous aviez le plan d’une espèce de cours qui serait bien fait pour réussir : ce serait d’embrasser toutes les sciences et d’en enseigner ce qui serait suffisant pour ne pas y être étranger, d’en saisir les faits généraux, d’en faire apercevoir les points de contact, et de donner ce qu’on pourrait appeler la philosophie ou la génération de toutes les connaissances humaines (toujours l’universalité, on le voit). […] S’ils se sentent pénétrés et jugés par l’esprit supérieur auquel ils ne peuvent refuser une espèce de génie, les voilà maintenus, et volontiers ils lui accordent tout, même ce qu’il n’a pas.

655. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

J’ai la capacité ou faculté de sentir ; cela signifie que je puis avoir des sensations, des sensations de diverses espèces, d’odeur, de saveur, de froid, de chaud, et par exemple de son. […] Il faut en outre que nous acquérions l’idée des pouvoirs, capacités ou facultés de cette substance ; partant, que nous classions nos événements selon leurs diverses espèces ; que, par l’expérience plus ou moins prolongée, nous démêlions leurs conditions externes et internes ; que, constatant ou présumant la présence des conditions, nous concevions ces événements comme possibles, et enfin que, isolant cette possibilité, nous nous l’attribuions sous le nom de pouvoir, capacité ou faculté. — L’idée du moi est donc un produit ; à sa formation concourent beaucoup de matériaux diversement élaborés. […] L’esprit ressemble à un métier ; chaque événement est une secousse qui le met en branle, et l’étoffe qui finit par en sortir transcrit, par sa structure, l’ordre et l’espèce des chocs que la machine a reçus. […] Telle est la suggestion ou induction spontanée ; elle se confirme et se précise peu à peu par des vérifications nombreuses. — En premier lieu, nous remarquons que ce corps se meut, non pas toujours de la même façon, par le contrecoup d’un choc mécanique, mais diversement, sans impulsion extérieure, vers un terme qui semble un but, comme se meut et se dirige le nôtre, ce qui nous porte à conjecturer en lui des intentions, des préférences, des idées motrices, une volonté comme en nous78. — En second lieu, surtout si c’est un animal d’espèce supérieure, nous lui voyons faire quantité d’actions dont nous trouvons en nous les analogues, crier, marcher, courir, se coucher, boire, manger, ce qui nous conduit à lui imputer des perceptions, idées, souvenirs, émotions, désirs semblables à ceux dont ces actions sont les effets chez nous. — En dernier lieu, nous soumettons notre conjecture à des épreuves. […] Par cet accolement d’une sensation contradictoire, la représentation de la bille paraît chose interne, événement passé ; et, à ce titre, elle éveille d’autres représentations analogues, parmi lesquelles elle s’emboîte pour constituer avec elles une file d’événements internes ; cette file s’oppose aux autres groupes, parce que tous ses éléments présentent un caractère constant qui, étant toujours répété, semble persistant, à savoir la particularité d’être un dedans par opposition au dehors : ce qui fournira plus tard à la réflexion et au langage la tentation de l’isoler sous le nom de sujet et de moi. — Dans cette chaîne immense, chaque classe d’événements internes, sensations, perceptions, émotions, chaque espèce de perceptions, de sensations et d’émotions a son image associée avec celle de ses conditions et de ses effets internes et externes ; et cela forme une infinité de couples nouveaux, dont les deux anneaux se tirent l’un l’autre à la lumière ; en sorte que nous ne pouvons pas imaginer telle douleur, sans en imaginer la condition qui est telle lésion nerveuse, et sans en imaginer l’effet qui est telle contraction ou telle plainte. — Maintenant, par une suggestion forcée, lorsqu’un corps extérieur nous présente les conditions et les effets du nôtre, le groupe de sensations qui le représente évoque en nous un groupe d’images analogues à celles par lesquelles nous nous représentons nos propres événements ; ce qui fait un dernier composé, le plus vaste de tous, puisqu’il comprend un corps et une âme, avec toutes leurs attaches mutuelles et toutes les attaches qui soudent leurs événements aux événements d’autrui. — Ainsi, dans notre esprit, tout composé est couple : couple d’une sensation et d’une image ; couple d’une sensation et d’un groupe ou de plusieurs groupes d’images ; couples plus compliqués dans lesquels une sensation, jointe à son cortège d’images, contredit une représentation ou groupe d’images ; couples encore plus vastes dans lesquels une sensation, présente, avec son cortège d’images, refoule dans le passé les images abréviatives d’un grand fragment de notre vie ; couples les plus compréhensifs de tous, où, par des abréviations encore plus sommaires, la sensation et les images qui nous représentent toutes les propriétés d’un corps évoquent le groupe d’images qui nous représentent toutes les propriétés d’une âme.

656. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Me parlant de l’espèce d’induration, amenée, dans les sens par la vieillesse, il me dit : « Moi, qui étais si sensible à l’odeur des fleurs des champs… maintenant il faut que je la cherche… elle ne vient plus à moi, toute seule !  […] — On ne sait pas, pour un passionné de mobilier, le bonheur qu’il y a à composer des panneaux d’appartements, sur lesquels les matières et les couleurs s’harmonisent ou contrastent, à créer des espèces de grands tableaux d’art, où l’on associe le bronze, la porcelaine, le laque, le jade, la broderie. […] Et je vais m’asseoir dans un coin, que le mort aimait, là où il y a une guérite en toile, une chaise longue en sparterie, un hamac : dans ce coin, dont il avait fait une espèce d’atelier, en plein air. […] Mardi 18 novembre Le haut de ma maison, je le bouscule, et jette à bas les cloisons, et cherche à faire des trois petites pièces du second sur le jardin, une espèce d’atelier sans baie, pour y installer, à la sollicitation de mes amis de la littérature, une parlote littéraire, le dimanche. […] — Dans la vie moderne actuelle, avec l’exiguïté des demeures, c’est bien difficile, de faire durer éternellement les chapelles des morts, les chambres d’agonie, qu’on veut toujours conserver, telles qu’elles étaient, lorsque a sonné la dernière heure d’une personne aimée ; — et ces jours-ci, ç’a été pour moi une véritable tristesse, quand j’ai entendu les coups de pioche, jetant à bas les cloisons de la chambre de mon frère, et détruisant cette espèce de survie d’un être cher, parmi les objets et les choses de son entour, brutalement démolis.

657. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Ceux qui le composent prennent la place des grands malheureux, et quand ils ne peuvent suppléer par eux-mêmes, ils relèvent toutes les grandes maisons par le moyen de leurs filles, qui sont comme une espèce de fumier qui engraisse les terres montagneuses et arides » [Cf.  […] Né pour être vous-même, unique peut-être en votre espèce, vous avez accepté la tyrannie de la mode, et vous avez mis votre gloire à ressembler à d’autres, aux autres, à tous les autres. […] Rien d’humain n’est éternel, et quelque effort qu’il fasse pour fixer son objet sous l’aspect de l’éternité, tout idéal d’art participe de la caducité de l’espèce. […] Correspondance, 24 décembre 1758] ; — les relations que Voltaire a su s’assurer tant avec le roi de Prusse qu’avec l’impératrice de Russie ; — sa réputation croissante ; — et l’espèce de consécration que lui donnent son intervention dans l’affaire des Calas [Cf.  […] 2º La Concurrence des Espèces. — Influence dominante et souveraine de Voltaire sur le théâtre tragique de son temps ; — raisons de cette influence ; — et ses suites [Cf. le Discours de réception de Ducis].

658. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Il semblait se regarder comme un être d’espèce supérieure, dispensé des égards, ayant droit aux hommages, ne tenant compte ni du sexe, ni du rang, ni de la gloire, occupé à protéger et à détruire, distribuant les faveurs, les blessures et les pardons. […] Quand un homme, dans l’intérêt du public, se met à décrire le naturel d’un serpent, d’un loup, d’un crocodile ou d’un renard, on doit entendre qu’il le fait sans aucune espèce d’amour ou de haine personnelle envers ces animaux eux-mêmes. […] Quand je réfléchis à cela, je ne puis concevoir que vous soyez des créatures humaines : vous êtes une sorte d’espèce à peine : au-dessus du singe. […] Or ce vent ne devait point être gardé sous le boisseau, mais librement communiqué à l’espèce humaine. […] Je vis plusieurs animaux dans un champ, et un ou deux de la même espèce perchés sur des arbres.

659. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Il cause, et c’est, de temps en temps, une espèce de rictus ironique qui tombe et s’élève et retombe dans sa gorge. […] Elle veut en faire un bijou, une espèce d’ordre et à la fois un bouquet de côté, pour porter dans ses soirées. […] Il s’y trouve une espèce de fou, un phtisique qui tousse toute la nuit, un malade de la moelle qui fauche d’une jambe. […] Il est tout en rouge, et botté d’espèces de grands mocassins brodés : l’air moitié bourreau, moitié Ojibewas. […] À celle-ci, ainsi qu’aux deux précédentes, les acteurs ont l’air de se demander ce que signifie cette espèce de tolérance de la police.

660. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Stendhal ne croit à rien, et si l’admiration est une espèce de foi, et si donc il faut chercher ce qu’admirait Stendhal, il n’admirait que la force. […] Cela encore est de la liberté d’une certaine espèce. […] Il y a dans le livre de La Justice dans la Révolution et dans l’Eglise une espèce d’Essai sur les Mœurs qui est très étrange, et où l’imagination a plus de part que le savoir. […] On voit bien qu’il est désagréable pour un homme de sentir au-dessus de soi un être qui lui ressemble fort et qui appartient évidemment à la même espèce. […] Je me hâte de définir cette espèce d’indifférence, qui n’exclut pas du tout la curiosité et la conscience, ces deux vertus du critique, et qui même leur laisse un plus libre jeu… M. 

661. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Jules Lemaître, on doit l’attribuer à cette espèce de dilettantisme qui aux choses simples, justes et solides, préfère l’absurde… quia absurdum. […] C’est encore une espèce de charité. […] Cette espèce existe pourtant. […] Une espèce d’industriel qui, par le débit de sa marchandise, veut gagner ou de l’argent, ou de la réputation, ou l’un et l’autre. […] d’espèce singulière et rare, votre ironie sereine, et, en exerçant un grand charme, elle pourra causer quelques impatiences.

662. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

L’autre espece de public, qui par son petit nombre à peine en mérite le nom, ne cherche dans les contestations littéraires que l’éclaircissement de la vérité. […] de l’estime des anciens. ces sortes de sçavans reprochent à cinq ou six ignorans de nôtre siécle d’avoir méprisé les anciens ; mais ces cinq ou six ignorans n’ont point méprisé les anciens ; ils ont seulement condamné l’estime outrée et l’espece d’idolatrie, où l’on tombe à leur égard : ils ont voulu qu’on rendît justice à tous les temps, que l’on sentît le beau par tout où il est, sans acception de siécles, et qu’on ne fist pas les modernes d’une autre espece que les anciens. […] Car on travailleroit en vain pour désabuser de vieux sçavans de l’espece de culte où ils sont accoûtumez pour Homere ; tout nôtre espoir est dans une génération nouvelle, dans une génération qui n’ait point encore fléchi sous les autoritez, qui n’ait pas crié pendant trente ou quarante ans au miracle ; et qui par la longue habitude de se passionner ainsi, n’ait pas pris une espece d’engagement contre la raison. […] La seconde, qu’on respectoit ses poëmes par d’autres endroits ; qu’on rendoit même une espece de culte religieux à leur auteur ; et qu’ainsi c’est la superstition et non le plaisir qui a conservé le tout. […] Cette diversité de desseins met déja dans l’ouvrage une espece de difformité, et d’autant plus nuisible au succès, qu’il commence par des choses que j’ai censurées moi-même, et ausquelles, pour ainsi dire, j’ai averti de s’ennuyer.

663. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IX. Du rapport des mots et des choses. — Ses conséquences pour l’invention »

Taine, exprime la qualité commune à toutes les espèces d’arbres, peupliers, chênes, cyprès, bouleaux, etc. » Nulle image n’y correspond : comment dessiner l’arbre, qui ne soit qu’arbre, c’est-à-dire quelque chose qui soit à la fois peuplier et chêne, sans être ni un peuplier ni un chêne ?

664. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 421-423

Il a publié depuis une espece de Poétique de la Comédie, dont les principes sont justes, les observations fines ; mais où les citations sont trop multipliées, trop abondantes, & le style trop négligé.

665. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Le Moine » p. 321

Il y avait à côté du Trudaine une autre espèce de magot, et, qui pis est, de magot sans verve.

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