« Il n’y a que celui qui aime qui puisse comprendre les cris de l’amour, et ces paroles de feu, qu’une âme vivement touchée de Dieu lui adresse, lorsqu’elle lui dit : Vous êtes mon Dieu ; vous êtes mon amour ; vous êtes tout à moi, et je suis toute à vous. […] Si vous pouviez comprendre et le peu qu’est la vie, Et de quelles douceurs cette mort est suivie !
La maturité de ses années et l’intérêt même de sa gloire lui firent comprendre que pour élever un monument durable, il fallait en creuser les fondements dans un sol moins mouvant que la poussière de ce monde ; son génie, qui embrassait tous les temps, s’est appuyé sur la seule religion à qui tous les temps sont promis. […] Au lieu de cette tendre religion, de cet instrument harmonieux dont les auteurs du siècle de Louis XIV se servaient pour trouver le ton de leur éloquence, les écrivains modernes font usage d’une étroite philosophie qui va divisant toute chose, mesurant les sentiments au compas, soumettant l’âme au calcul et réduisant l’univers, Dieu compris, à une soustraction passagère du néant.
La multitude n’en peut comprendre d’autre, parce qu’elle considère les motifs de justice dans leurs applications directes aux causes selon l’espèce individuelle des faits. […] Faute d’avoir compris cette vérité, les jurisconsultes et les interprètes du droit sont tombés dans la même erreur que les historiens de Rome, qui nous racontent que telles lois ont été faites à telle époque, sans remarquer les rapports qu’elles devaient avoir avec les différents états par lesquels passa la république.
Rien de mieux, si la doctrine eût été complète, et si la raison, instruite par l’histoire, devenue critique, eût été en état de comprendre la rivale qu’elle remplaçait. […] Et, par une rencontre admirable, ces traits étaient justement les seuls que leur siècle, leur race, un groupe de races, un fragment de l’humanité fût en état de comprendre. […] Par malheur, au dix-huitième siècle, la raison était classique, et les aptitudes aussi bien que les documents lui manquaient pour comprendre la tradition. — D’abord on ignorait l’histoire ; l’érudition rebutait parce qu’elle est ennuyeuse et lourde ; on dédaignait les doctes compilations, les grands recueils de textes, le lent travail de la critique. […] Par suite, faute de voir les âmes, on méconnaissait les institutions ; on ne soupçonnait pas que la vérité n’avait pu s’exprimer que par la légende, que la justice n’avait pu s’établir que par la force, que la religion avait dû revêtir la forme sacerdotale, que l’État avait dû prendre la forme militaire, et que l’édifice gothique avait, aussi bien qu’un autre, son architecture, ses proportions, son équilibre, sa solidité, son utilité et même sa beauté. — Par suite encore, faute de comprendre le passé, on ne comprenait pas le présent. […] Partie II, livre IX, 368. « Je ne comprends pas comment on ose parler dans un cercle… Je me hâte de balbutier promptement des paroles sans idées, trop heureux quand elles ne signifient rien du tout… J’aimerais la société tout comme un autre, si je n’étais sûr de m’y montrer, non seulement à mon désavantage, mais tout autre que je ne suis. » — Cf.
Je veux bien la reconnaître dans la révolte de la science renaissante s’attaquant, sous l’inspiration de Descartes, à l’autorité superstitieuse d’Aristote mal traduit et mal compris. […] Il avait compris l’amour comme le comprenaient les précieuses, et la théologie telle que la figuraient les disputes. […] Perrault rend la cause meilleure en adoptant la gloire de ces modernes, y compris Boileau, auquel il fait habilement une place parmi eux. […] Avec moins d’éclat et moins de risque, il se contente de l’effleurer de quelques remarques épigrammatiques, et il le comprend dans un doute général jeté sur les écrivains illustres. […] Il leur plaisait jusqu’à leur faire lire sans défiance des explications atténuantes de toutes les incrédulités, y compris l’athéisme.
Il est de toute nécessité, pour comprendre le poème de Lohengrin, de résumer très rapidement le cycle du Saint-Gral. […] Dans ces admirables pages que Wagner a écrites sur les représentations de 1882 (tome X, 283 et sq.), et que tous ceux qui veulent comprendre Parsifal devraient lire et relire, il fait une critique très profonde des ridicules du théâtre moderne, surtout au point de vue de la mimique. […] Schuré et Ernst ont adressé à Wagner à ce sujet, il n’était pas nécessaire de plus développer ce caractère et cette attitude de magie, dont l’influence doit être vague et surtout se comprendre d’après les effets qu’elle produit sur la sainteté du Gral. […] Après être entré dans la salle du Gral, il se tient immobile, inerte en face de cette vision de douleur ; les gestes27 des chevaliers qui l’invitent à venir, il ne les comprend pas. […] On voit donc que le baiser de Kundry, lui faisant comprendre la femme et son pouvoir, ne fait que compléter l’œuvre de ces différentes influences ; et, quand il bondit en criant « Amfortas !
Au bout d’une page, vous participerez à l’ivresse nationale, et vous comprendrez la révolution, parce que vous l’aurez sentie. […] Je disais tout à l’heure qu’ils formaient une ode : une ode est-elle facile à comprendre ? […] Il est si novice dans l’art de raisonner, qu’il comprend à peine ce qu’on lui demande. […] Ils comprennent ou imaginent les transports et les tempêtes cachés sous les phrases régulières et calmes. […] Il ne faut ni dénigrer ni imiter, mais inventer et comprendre.
Il a beaucoup exercé la faculté de comprendre. […] Comme je m’imaginais comprendre la vie et l’amour ! […] Et ils se comprenaient : En ce temps-là Dieu expliquait tout. […] Le cœur le comprend en lui-même. […] Vous comprenez : il n’y avait pas la suite.
Je ne comprends pas. […] Je ne comprends pas beaucoup. […] Entre nous, c’est bien ainsi que j’avais compris tout d’abord. […] Il comprend très bien. […] Elle comprenait environ trois cents membres.
Je n’ai pas trop bien compris non plus le rôle de certain commis-voyageur, ou du moins j’ai oublié ce que j’y avais compris. […] la mère va comprendre ! […] Ou ce serait totalement différent de ce que j’aurais déjà vu, et alors je n’y comprendrais rien du tout. […] Les gens de petit logis et, encore mieux, ceux qui ont été sans gîte, connaissent bien cela, et me comprendront. […] On a compris mon âme.
Cette omission, ou ce dédain s’explique de soi, d’ailleurs, et je vous comprends. […] À franchement parler, je comprends qu’avec la meilleure volonté du monde M. […] Et cela se comprend de reste ! […] Qui de nous comprend quelque chose aux flonflons de Béranger et de Désaugiers ? […] J’en suis toujours à comprendre, en effet.
Il est curieux de savoir comment ces observateurs de la vie comprennent la province et les provinciaux. […] Mais que voulez-vous que je dise à des électeurs qu’ils comprennent ? […] Je n’ai jamais bien compris l’émotion de M. […] La critique est un art admirable, en ce qu’elle dispense de lire et de comprendre les œuvres qu’il lui faut juger. […] Je comprends qu’on ne les aime pas.
« Si je ne comprends pas les choses moi-même, disait-il, ma femme comprend tout. » Chacun était dans son rôle ; mais cela ne dura pas. […] Si j’avais compris, dès le commencement, qu’aimer un mari qui n’était pas aimable, ni ne se donnait aucune peine pour l’être, était une chose difficile, sinon impossible, au moins lui avais-je, et à ses intérêts, voué l’attachement le plus sincère qu’un ami, et même un serviteur, peut vouer à son ami et son maître ; mes conseils avaient toujours été les meilleurs dont j’avais pu m’aviser pour son bien ; s’il ne les suivait pas, ce n’était pas ma faute, mais celle de son jugement qui n’était ni sain ni juste.
Le grand artiste, le prêtre révélateur, qui a la solution sentimentale et sociale de l’époque future, celui-là fonde une religion, parce qu’il a cette solution même, et non, parce que la conception en est accompagnée de symptômes plus ou moins irréguliers ; celui-là est véritablement inspiré, parce qu’il est de son temps l’individu le plus sympathique pour aimer l’humanité, le plus intelligent pour la comprendre, le plus fort pour la transformer ; il pressent et proclame le premier la forme d’association la mieux adaptée, selon le temps, au bonheur du plus grand nombre ; il accouche le présent de l’avenir dont il est gros et si le présent, comme une mère que la douleur de l’enfantement égare, le repousse avec outrage et colère, l’avenir pieux s’incline et le bénit. […] La conception du révélateur est alors soumise par les disciples qui la recueillent, à un travail d’élaboration et de réalisation plus éclairé que dans les temps passés où l’instrument divin se sentait confirment sans se comprendre ; mais dans aucun cas une religion ne se fait toute seule ; un homme la conçoit et la produit ; la conception primitive ainsi produite se crée d’autres hommes qui la transforment encore et la réalisent ; les religions font les hommes et les hommes les font. […] Voilà le sage des psychologistes, aussi incomplet vraiment, aussi mutilé que celui des stoïciens ; et c’est par rapport à ce sage idéal pourtant que la société de l’avenir devrait achever de s’organiser ; car si l’humanité, c’est-à-dire tout ce qui a valeur en elle, est éternellement tourmenté du problème de la destinée, si la révélation n’y peut rien, et s’il n’y a que la raison individuelle de qui chacun puisse attendre un oui ou un non qui l’apaise ; il convient évidemment que la société de l’avenir soit constituée de manière que le plus grand nombre d’hommes puisse vaquer à la solution de ce problème et de toutes les questions qu’il comprend.
La première fois, l’âme est frappée du gracieux andante, ou du solennel adagio, mais elle ne comprend pas bien la transition des parties. […] Adolphe est las de lui-même et de sa puissance inoccupée ; il aspire à vouloir, à dominer, à parler pour être compris, à marcher pour être suivi, à aimer pour mettre à l’ombre de sa puissance une volonté moins forte que la sienne, et qui se confie en obéissant. […] Si Adolphe cédait naïvement au besoin d’aimer, il ne marquerait pas si haut le but de ses espérances ; il choisirait près de lui un cœur du même âge que le sien, un cœur épargné des passions, où son image pût se réfléchir à toute heure sans avoir à craindre une image rivale ; il comprendrait de lui-même, il devinerait cette vérité douloureuse, et qui n’est jamais impunément méconnue, c’est que l’avenir ne suffit pas à l’amour, et que le cœur le plus indulgent ne peut se défendre d’une jalousie acharnée contre le passé ; il ne s’exposerait pas à essuyer sur les lèvres de sa maîtresse les baisers d’une autre bouche ; il tremblerait de lire dans ses yeux une pensée qui retournerait en arrière et qui s’adresserait à un absent.
Une végétation abondante tempérait autrefois ces ardeurs excessives ; on comprendrait difficilement qu’une fournaise comme est aujourd’hui tout le bassin du lac, à partir du mois de mai, eût jamais été le théâtre d’une prodigieuse activité. […] Le monothéisme enlève toute aptitude à comprendre les religions païennes ; le musulman jeté dans les pays polythéistes semble n’avoir pas d’yeux. […] On comprend d’ailleurs que Gergesa soit devenue Gerasa, nom bien plus connu, et que les impossibilités topographiques qu’offrait cette dernière lecture aient fait adopter Gadara.
De là, on doit conclure, contrairement à l’opinion reçue, que le cerveau ne constitue pas seul le sensorium, qu’il n’est pas seul le siège de l’esprit : son siège, qui est partout où il y a des courants nerveux, comprend le cerveau, les nerfs, les muscles, les organes des sens et les viscères. […] Et maintenant si l’on remarque que les images peintes sur la rétine sont les matériaux de la vision, qu’ils servent à nous suggérer une construction mentale qui seule constitue la vision proprement dite, « qu’il se produit dans l’esprit, à la vue d’un objet extérieur, un agrégat d’impressions passées que l’impression du moment suggère et ne constitue pas » ; on comprend qu’il importe peu que ces matériaux qui servent au travail ultérieur de l’esprit soient fournis par deux images, comme dans l’homme, ou par des milliers comme dans l’insecte. […] Prenons acte toutefois de l’existence de cette spontanéité, de cette activité instinctive ; elle nous servira plus tard à mieux comprendre la nature de la volonté.
« On comprend, dit M. de Lamartine, rien qu’à voir ce portrait, toute la passion qu’une telle femme dut inspirer à mon père, et toute la piété que plus tard elle devait inspirer à ses enfants. » Oui, l’on comprend la passion, mais non la piété. […] Le poète essaie vainement de faire comprendre à ces bonnes gens, tout voisins de la nature, ce que c’est que la douleur de Jacopo Ortis, et ce que c’est que l’indignation de Tacite ; il ne réussit qu’à les ennuyer et à les étonner.
M. de Fezensac, jeune, doué de toutes les qualités qui humanisent et civilisent la guerre, comprit ce rôle dans son plus noble sens et, l’on peut dire, dans sa beauté morale ; il ne s’attacha plus qu’à le bien remplir. […] On n’y pouvait rien comprendre. […] Laissons dire le témoin narrateur : Le jour baissait ; le 3e corps marchait en silence ; aucun de nous ne pouvait comprendre ce que nous allions devenir.
De sorte que lire le critique avant l’auteur, c’est m’empêcher de comprendre l’auteur moi-même ; c’est me forcer à ne l’entendre que d’une oreille préparée et presque formée par un autre ; c’est bien travailler à me mettre dans l’impossibilité d’être touché directement, et c’est-à-dire c’est bien travailler à me rendre incapable de jouissance. […] Il a fallu insister sur ce point, parce qu’il n’y a pas si longtemps qu’on a compris la grande différence qu’il y a entre l’historien littéraire et le critique ; parce que, jusqu’aux dernières années du dernier siècle, les historiens littéraires croyaient avoir mission de critique et réciproquement ; parce que telle histoire de la littérature française, celle de Nisard, est tout entière œuvre de critique et comme histoire littéraire n’existe pas, de telle sorte que l’auteur n’a rien fait de ce qu’il devait faire et a fait tout le temps, et du reste d’une manière admirable, ce qu’il devait ne pas faire du tout ; si bien encore que son livre, absolument manqué comme histoire littéraire, reste tout entier debout comme recueil de morceaux de critique. […] S’il est historien littéraire, il vous donnera tous les renseignements qui vous sont utiles, et dont quelques-uns vous sont indispensables sur le monde où vivait l’auteur, sur les hommes pour qui il a parlé, sur tout ce qui (son génie mis à part) l’a fait ce qu’il a été ; il vous introduira ainsi chez lui ; il vous fournira toutes les informations sans lesquelles vous ne comprendriez de lui à très peu près rien.
Les dons d’esprit de l’auteur de l’Orpheline ne sont, en effet, ni de cette société ni de ce siècle, quoique madame de Molènes comprenne mieux que personne et ce siècle et cette société. Elle les comprend et elle s’en moque, — et c’est là ce qui lui donne tant de piquant et d’ironie quand elle les peint. […] Anxiétés, jalousies, fatigue, désillusion, ennui, ridicules, tout est ici, mais sous un voile de poésie jeté sur tout par une imagination ravissante, et c’est bien le mot, car elle nous ravit aux cruautés de cette comédie du mariage comme nous autres hommes la comprenons et l’écririons.
Il suffit de constater son attitude d’orgueilleuse indifférence vis-à-vis de l’étranger, pour comprendre son instinctif dédain de tout ce qui n’est pas elle. […] Il faut être en présence des faits, de la réalité elle-même, pour comprendre intégralement. […] Le « nationalisme », tel qu’il est généralement compris en France, ne peut aboutir qu’à la défaite et à la ruine, parce qu’il est basé sur une tromperie, et qu’il ne peut que propager cette inconscience formidable dont nous sommes paralysés, il faut avant tout savoir si on est fort ou faible, et dans ce dernier cas, savoir pourquoi, afin d’y remédier.
C’est celui qu’on pourrait appeler sentimental, à condition de prendre le mot « sentiment » dans l’acception que lui donnait le XVIIe siècle, et d’y comprendre toute connaissance immédiate et intuitive. […] Mais la psychologie elle-même, entendue comme une idéologie, c’est-à-dire comme une reconstruction de l’esprit avec des éléments simples, — la psychologie telle que l’a comprise l’école « associationiste » du siècle dernier, — est sortie, en partie, des travaux français du XVIIIe siècle, notamment de ceux de Condillac. […] Attaché à Pascal autant qu’à Maine de Biran, épris de l’art grec autant que de la philosophie grecque, Ravaisson nous fait admirablement comprendre comment l’originalité de chaque philosophe français ne l’empêche pas de se relier à une certaine tradition, et comment cette tradition elle-même rejoint la tradition classique.
Et peut-être est-ce une autre façon de ne pas comprendre. […] Les ayant dépassés, nous pouvons, nous, les comprendre ; et comprendre est un grand plaisir. […] Il ajoute que son abstention a été comprise et pardonnée. […] Elle a compris. […] Comprenez-vous ?
Étant donné cet élément clérical, on a peine à comprendre comment les clercs, qui nous ont conservé Saint-Alexis, ne nous auraient pas conservé au moins deux ou trois de ces anciens et nombreux poèmes admis par hypothèse, où les preux mettaient leur épée au service de l’Église et couronnaient leur vie héroïque par un édifiant moniage. […] De peur d’être mal compris, je répéterai qu’aucune époque n’a le monopole exclusif d’un genre. […] Qui l’entreprendra sans parti pris, verra crouler les jugements traditionnels, et comprendra par exemple l’importance de Mlle de Scudéry dont nous ne lisons plus que les Conversations ; on lui reproche d’avoir fait des romans pseudo-historiques, d’une longueur démesurée ; mais si pour ses lecteurs cette convention était transparente ? […] On comprendrait aisément une préférence personnelle de Mme de Sévigné pour le vieux Corneille ; on comprendrait à la rigueur un succès passager de Pradon ; mais cette opposition presque générale ? […] L’esprit français, dépourvu de lyrisme et d’imagination, réaliste dans sa logique et équilibré, doué au plus haut point de cette sociabilité que Brunetière a si bien analysée, s’adressant donc au public et voulant être compris de lui, soucieux de précision plus que de beauté, artiste intellectuel plus que sentimental pour qui un sonnet peut valoir un long poème, l’esprit français grâce à ses défauts et à ses qualités peut comprendre à la rigueur, mais ne saurait créer l’épopée de Dante, le drame de Shakespeare, le Faust de Gœthe.
Un tel poète ne pouvait prétendre pourtant à être compris de tous et à se voir populaire, même dans la sphère dite éclairée. […] Lui, il ne pouvait comprendre pourquoi on réclamait si fort et où était la différence. […] Il est bon, pour bien comprendre la situation académique de M. de Vigny, de remonter un peu plus haut. […] Il a compris quelques-uns des grands problèmes de notre âge et se les est posés dans leur étendue. […] Mais je dois à ce malentendu de la société un chagrin de tous les jours et que vous seule pouvez bien comprendre.
La fureur et le crime ne sèment pas, ils ravagent ; mais, une fois le sang-froid revenu à l’esprit révolutionnaire, il reprenait un grand sens humain que le philosophe du passé ne pouvait ni ne voulait comprendre. […] Je comprends que la sagesse pourrait éviter ce filet, mais je ne comprends guère comment elle pourrait en sortir. […] Il comprend l’existence importante, mais nécessairement secondaire, de cet État. […] Les traités de 1814, même après le reflux victorieux de l’Europe contre nous, avaient tellement compris cette nécessité, pour la France, de ne pas agrandir démesurément la maison ambitieuse de Savoie, que ces traités de 1814 nous avaient laissé en souveraineté française les trois quarts de la Savoie. […] Un Français ne comprend pas seulement cela ; l’habitant de Dunkerque est Français, celui de Paris est Français ; le roi gouverne les Français par les Français : ils n’en savent pas davantage.
Le temps ainsi compris ne serait-il pas à la multiplicité de nos états psychiques ce que l’intensité est à certains d’entre eux, un signe, un symbole, absolument distinct de la vraie durée ? […] Non, sans doute, car on ne comprendrait pas pourquoi le premier n’eût point agi de même. […] Comprendrait-on autrement l’effet d’une excitation faible et continue ? […] On conviendra alors de dire que la vitesse du mobile A au point M est comprise entre vk et vp. […] Le sentiment lui-même est un être qui vit, qui se développe, qui change par conséquent sans cesse ; sinon, on ne comprendrait pas qu’il nous acheminât peu à peu à une résolution : notre résolution serait immédiatement prise.
J’ai quelque peine à le croire ; et, pour parler franchement, je n’en ai guère moins à comprendre ces mystiques formules. […] Nous lui sommes reconnaissants d’avoir si bien compris ce qu’il y a tout au fond de nous de plus secret et de plus personnel ; et nous disons que M. […] Ce laborieux et puissant ouvrier de lettres, moins laborieux que régulier peut-être, et assurément moins puissant que commun, n’a pas compris ni ne comprendra jamais qu’en rendant le mot de naturalisme synonyme de celui de grossièreté, son œuvre manquait à toutes les promesses du nom qu’elle avait usurpé. […] Tant pis alors pour ceux qui ne le comprennent pas ! […] Comment même réussirait-on à nous le faire comprendre ?
Entrez dans l’eau, et, quand vous saurez nager, vous comprendrez que le mécanisme de la natation se rattache à celui de la marche. […] La physique comprend son rôle quand elle pousse la matière dans le sens de la spatialité ; mais la métaphysique a-t-elle compris le sien quand elle emboîtait purement et simplement le pas de la physique, avec le chimérique espoir d’aller plus loin dans la même direction ? […] Si je me donne deux côtés d’un triangle et l’angle compris, le troisième côté surgît de lui-même, le triangle se complète automatiquement. […] Et si c’est une science profonde qui est à l’œuvre, comment comprendre l’influence exercée sur la Matière sans forme par cette forme sans matière ? […] Comment faut-il comprendre cette solidarité entre l’organisme et la conscience ?
Bernis lui répond, et cette réponse, bien comprise, est d’un bout à l’autre une noble et sage leçon. […] Bernis, ayant compris dans les derniers jours du conclave que le cardinal Ganganelli avait l’appui des cardinaux espagnols, se rallia à lui et contribua dans le dernier moment à lui procurer l’unanimité. […] Aussi, quand il voit le pape retarder et opposer sans cesse des délais aux instances des puissances et à celles de l’Espagne en particulier, Bernis, qui trouve quelquefois ces délais excessifs, fait comprendre pourtant à son gouvernement qu’ils sont naturels, et, jusqu’à un certain point, nécessaires. […] Il comprit la question posée par la Constituante dans toute son étendue, et, devançant dès novembre 1790 l’heure du Concordat, il disait : Si l’on aimait le bien, la paix et l’ordre ; si l’on était de bonne foi ; si l’on était attaché à la religion qui seule est l’appui de toute autorité et de toute forme de gouvernement, jamais pape n’a été plus porté à la conciliation que celui-ci… Mais, si l’on veut tout détruire et faire une religion nouvelle, on y rencontrera des difficultés plus grandes qu’on ne croit.
Il y a ceux qui ne vivent dans la postérité et qui ne comptent que par leurs œuvres et pour ce qu’on en lit : de ceux-ci on comprend tout, tout est net et clair, on pèse, on mesure ; on en rabat souvent. Qu’ils sont rares les auteurs comme Horace et Montaigne, qui gagnent à être sans cesse relus, compris, entourés d’une pleine et pénétrante lumière, et pour qui semble fait le mot excellent de Vauvenargues : « La netteté est le vernis des maîtres ! […] La nature, sans doute, est comme on veut la prendre ; Il se peut, après tout, qu’ils sachent la comprendre ; Mais eux, certainement, je ne les comprends pas.
Il ne s’agit pas de déplacer les genres, d’échanger les procédés, de transporter un art dans un autre, ce serait aller trop loin ; mais il importait, en effet, de multiplier les points de vue, de comprendre, d’embrasser sans acception de métier, toutes les expressions de talent et de génie, toutes les originalités de nature, tous les modes de l’imagination ou de l’observation humaine. […] J’avais autrefois rencontré Gavarni, je ne l’ai connu que tard ; mais j’ai beaucoup causé avec ceux qui l’ont pratiqué de tout temps, je me suis beaucoup laissé dire à son sujet, et insensiblement l’idée m’est venue de rendre à ma manière cette physionomie d’un artiste qui en a tant exprimé dans sa vie et qui les comprend toutes ; j’ai voulu l’esquisser telle qu’à mon tour je la vois et la conçois et telle qu’on l’aime. […] Comment détacher la légende et la séparer du dessin, faire comprendre l’une sans montrer l’autre ? […] Mais je reprends notre Gavarni dessinateur ; c’est sous cette forme que tous l’acceptent et le comprennent.
Auprès d’un général plus tacticien (un Soult, un Davout) Jomini eût moins réussi ; il eût été en surcroît ; il eût trouvé la position prise et aurait eu à lutter d’idées et de vues ; d’autre part, auprès d’un guerrier moins intelligent, il aurait pu être moins compris et moins écouté : Ney, par son mélange de fougue militaire et souvent de témérité, mais de coup d’œil aussi et d’esprit, pouvait avoir plus d’une fois besoin d’un bon conseil, et il était homme à en sentir aussitôt la valeur, à en profiter. […] Pour moi en particulier, aide de camp d’un général qui ne s’était pas informé un instant si j’avais un cheval en état de supporter de pareilles fatigues, si je comprenais un service si nouveau pour moi, l’on me confiait un ordre de mouvement à porter au milieu de la nuit, dans un moment où tout avait une grande importance, et l’on ne me permettait pas même de demander où je devais aller. […] On comprend l’importance de faire arriver le maréchal Ney sur le champ de bataille. […] « À l’époque de l’amalgame d’Auxonne, il était en mission, et n’a point été compris dans le nombre des officiers réformés.
Or il n’y a rien de plus simple et de plus décisif, pour montrer avec netteté l’état des choses à la veille de la seconde moitié du siècle et pour faire comprendre l’esprit de conquête et d’innovation qui animait à cette heure les jeunes intelligences, que de dérouler de nouveau le manifeste publié par Joachim Du Bellay, ce brillant programme qu’il a daté de Paris, du 15 février 1549. […] L’on comprend d’ailleurs ce succès ; les habitudes scolastiques données aux esprits par les théologiens et par les légistes, qui étaient les deux classes de la société spécialement littéraires, rendaient facile à comprendre et intéressante à suivre une forme de pensée et de style qui nous paraît aujourd’hui pénible autant que fastidieuse et monotone, parce que nous ne sommes plus dans un milieu imprégné de ce genre d’études et de ces distinctions quintessenciées qui étaient comme dans l’air. […] Qu’on regrette qu’il y ait eu interruption depuis deux cents ans déjà avec les sources premières du moyen âge et que la déviation ait été si profonde, je le comprends ; mais qu’on en fasse un crime à de jeunes hommes qui n’ont eu encore le temps que d’embrasser et d’épouser un seul ordre d’études, le plus noble de tous, et qui, la plupart, vont s’y consumer par trop de zèle et s’y dévorer, cela est souverainement injuste, et c’est méconnaître le rôle et la vocation assignés par la nature des choses et par la loi de l’histoire aux générations successives.
Si vous comprenez le poëte à ce moment critique, si vous dénouez ce nœud auquel tout en lui se liera désormais, si vous trouvez, pour ainsi dire, la clef de cet anneau mystérieux, moitié de fer, moitié de diamant, qui rattache sa seconde existence, radieuse, éblouissante et solennelle, à son existence première, obscure, refoulée, solitaire, et dont plus d’une fois il voudrait dévorer la mémoire, alors on peut dire de vous que vous possédez à fond et que vous savez votre poëte ; vous avez franchi avec lui les régions ténébreuses, comme Dante avec Virgile ; vous êtes dignes de l’accompagner sans fatigue et comme de plain-pied à travers ses autres merveilles. […] Aveugle et rapide en son instinct, il porte du premier coup la main au sublime, au glorieux, au pathétique, comme à des choses familières, et les produit en un langage superbe et simple que tout le monde comprend, et qui n’appartient qu’à lui16. […] Entre son génie et son bon sens, il n’y avait rien ou à peu près, et ce bon sens, qui ne manquait ni de subtilité ni de dialectique, devait faire mille efforts, surtout s’il y était provoqué, pour se guinder jusqu’à ce génie, pour l’embrasser, le comprendre et le régenter. […] Quand il y avait pourtant nécessité absolue que l’action se passât en deux lieux différents, voici l’expédient qu’imaginait Corneille pour éluder la règle : « C’étoit que ces deux lieux n’eussent point besoin de diverses décorations, et qu’aucun des deux ne fût jamais nommé, mais seulement le lieu général où tous les deux sont compris, comme Paris, Rome ; Lyon, Constantinople, etc.
Un seul homme était capable de comprendre et de sentir : il avait fait mieux ; c’était un vieillard, Bernardin de Saint-Pierre ! […] « Jeffrey n’a pas compris Byron. Fontanes a compris Chateaubriand, et n’a pas compris Lamartine. » Je dirais bien pourquoi M. de Fontanes me fut contraire : Premièrement il écrivait en vers, et moi aussi, de là une involontaire rivalité.
Ce qu’on doit retenir du fameux récit pour comprendre la pièce est peu de chose, et la pièce tout entière est le conflit de deux caractères durs, entre lesquels sont tiraillés, écrasés deux caractères faibles. […] Corneille a toujours cru que les sujets d’invention pure ne convenaient pas à la tragédie, et de là vient ce mot, qu’on a si souvent mal compris et incriminé : « Les grands sujets doivent toujours aller au-delà du vraisemblable. » Ce qui veut dire, non pas du tout que l’invraisemblance est de règle, mais que la vérité matérielle, historique des faits, est nécessaire. […] Ce goût lui était commun avec sa génération, génération de patriotes, témoins curieux et volontiers acteurs du drame politique : les Lettres de Chapelain, le Ministre d’État de Silhon, jusqu’aux dissertations de l’indifférent Balzac, mais surtout les Mémoires de Retz nous l’ont comprendre de quel état d’esprit est venue et à quel état d’esprit s’adressait la tragédie cornélienne ; elle est politique, non historique. […] Corneille n’était pas sans le comprendre, puisqu’il a essayé de créer au-dessous de la tragédie une comédie héroïque, destinée à l’analyse des caractères politiques.
Car la poésie est évidemment beaucoup plus large ; elle a pour matière tout le monde réel, y compris ses laideurs et ses discordances ; elle fait résider la beauté moins dans les objets (spectacles de l’univers physique, êtres vivants, sentiments et passions) que dans une vision particulière de ces objets et dans leur expression. […] Rencontre, explication passionnée : elle ne comprend point le mariage sans la communauté absolue des croyances et des sentiments. […] a été mariée étourdiment par sa mère à M. de Maurescamp, une nature grossière qui ne comprend point les délicatesses de sa jeune femme. […] Encore, l’outrance, l’injustice et la candeur de cette thèse, je les comprendrais chez un prêtre ou chez quelque chrétien exalté ; mais, je vous prie, en faveur de quel christianisme plaide donc M.
Et si l’on remarque, d’autre part, qu’une semblable complexité mentale, — outre qu’elle suppose que l’on est relatif par tempérament et absolu par éducation, très perspicace et d’autant moins éclairé ; que l’on n’échappe à la torture de l’idée que par le renoncement ; qu’en d’autres termes, l’on n’a au cœur rien de proprement viril, nous ne disons pas d’humain, ni la force d’être sceptique avec décision, ni le pouvoir de se passionner avec constance, — entraîne, pour l’alimentation vitale de l’esprit, la nécessité d’une transposition indéfinie de la perspective, l’on achèvera de comprendre que M. […] Anatole France est un écrivain de race qui porte en soi, comme d’autres l’empruntent, le goût de comprendre, de penser et de bien dire. […] On comprendra tout le mérite de M. […] l’idée directrice d’un cerveau, serait-elle, comprise ou seulement sentie, serait-elle ce cerveau même !