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869. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Mais une simplicité si ingénue, un christianisme d’une foi si naïve, des vers qui coulaient comme d’une source, pouvaient-ils être remarqués au moment de l’histoire contemporaine où une École célèbre, l’École de la Forme, allait triompher et où commençaient les gymnastiques enragées dans le rythme qui font de la poésie moderne la danseuse de corde aimée de M. de Banville : Saqui, l’immortelle ! […] Mais les trop rares esprits qui aiment la poésie en dehors des guerres civiles de la littérature y prirent garde et en respirèrent l’espérance. […] … Les Académies n’aiment pas les camélias parfumés et exceptionnels. Elles aiment les camélias ordinaires, qui ne sentent rien, les vrais camélias8 !

870. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

L’Italie qu’il aime et qu’il a longtemps habitée ne l’a pas pénétré de son génie ; elle ne lui a pas doré l’esprit de son rayon. Il n’a pas été perméable aux influences de ce pays préféré, quoique de grands observateurs prétendent que les êtres ardemment aimés infusent de leur âme à ceux qui les aiment. […] Il a aimé la sœur de la femme qu’il devait épouser, et cet amour adultère, admirablement raconté, est, de sentiment et de circonstance, un des récits les plus poignants et les plus attendrissants tour à tour.

871. (1896) Études et portraits littéraires

Il aime la forêt. […] Il aime aussi — et combien !  […] Mais il l’estime et l’aime. […] Il sait admirer aussi et aimer. […] Émile aime Sophie ; Sophie aime Émile.

872. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

. — Je passe à votre porte pour vous dire combien je vous aime, combien je vous estime, et à quel point je vous suis obligé ; et je vous l’écris dans la crainte de ne pas vous trouver. […] Petitot, la citation parallèle ; ce n’est, comme on le pense bien, qu’un très faible échantillon ; c’est aux curieux à pousser plus loin et dans le même sens une comparaison plus ample, qui ne fera que confirmer le premier aperçu : Charles, dit Duclos, était doux, facile, généreux, sincère, bon père, bon maître, digne d’être aimé et capable d’amitié. […] On devina mieux pour le reste : on dit qu’il aimerait la chasse passionnément ; que les princes, ses parents et ses voisins, auraient beaucoup d’envie et de jalousie contre lui, qu’ils lui susciteraient de fâcheuses affaires, qu’ils lui feraient la guerre ; qu’il serait plus heureux dans sa vieillesse que dans sa jeunesse, etc. […] Duclos, qui est philosophe et qui méprise l’astrologie, dit en deux mots : « L’on prédit, suivant l’usage, beaucoup de choses vagues, et flatteuses pour le prince régnant. » Je n’ai pas grand regret à la suppression du détail de l’horoscope ; mais, comme Duclos appliquera presque partout cette méthode de suppression et retranchera les détails qui peignent le temps, il en résulte à la longue maigreur et sécheresse, tandis que l’abbé Le Grand, qui ne songe qu’à raconter fidèlement et non à peindre, se trouve présenter un récit qui a plus de corps et de substance, et qui est nourri de ces choses particulières que l’esprit aime à saisir. […] Il trouve pourtant moyen d’omettre encore des traits : « Elle aimait passionnément les lettres », dit-il tout court. — « Elle aimait les lettres, dit l’abbé Le Grand, et elle avait une si grande passion pour la poésie, qu’elle passait les nuits à faire des vers. » La conclusion de l’Histoire de Duclos est piquante et elle a couru comme un de ces mots heureux qu’il lançait en causant.

873. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Quoique l’auteur ait dit dans une note que ce portrait est le seul qui s’applique réellement à une personne déterminée, je ne saurais croire que le portrait d’Ismène ou de la beauté sans prétention, à qui il n’a manqué pour être célèbre que de mettre enseigne de beauté ; que celui de Glycère, la femme à la mode, et qui « s’est fait jolie femme il y a vingt ans sans beauté, comme on se constitue homme d’esprit sans esprit, avec un peu d’art et beaucoup de hardiesse » ; — je ne puis croire que le portrait d’Herminie si entourée, si pressée d’adorateurs, si habile à les tenir l’un par l’autre en échec, et qui n’aime mystérieusement qu’un seul homme sans esprit, sans figure, qui n’est plus jeune, qui se porte très bien toutefois, et qui est… son mari ; — que le portrait d’Elvire, la femme de cinquante ans, qui s’avise soudainement d’un moyen de se rajeunir en s’attachant à un homme de soixante-quinze ; — que tous ces portraits si nets et si distincts n’aient pas eu leur application dans le monde d’alors. […] Voici sous quel profil assez imposant il aime à s’offrir à nous, et, dans sa prétention soit à se montrer, soit à se dérober, on peut encore saisir les défauts : Mon esprit est un terrain très inégal ; il est de plusieurs côtés borné à un point qu’on n’imaginerait pas ; il est dans d’autres parties très étendu. […] Appliquant à l’auteur de ce portrait un mot qu’il aime et auquel il n’attachait aucune idée défavorable, je dirai qu’il avait l’amour-propre fastueux 31. Le prince de Ligne, dans une lettre détaillée, achève et complète à merveille ce portrait de M. de Meilhan ; il le confirme ou le corrige sur les points essentiels : Sans en avoir l’air, lui dit-il, vous êtes plus occupé des autres que de vous ; vous ne vous aimez qu’un moment ; vous êtes fou de ce que vous avez écrit le matin, et le soir vous n’y pensez plus. […] Necker présente quelques couleurs odieuses, et qu’on s’étonne de trouver sous la plume de M. de Meilhan : mais n’est-ce pas lui qui a écrit : « On dit souvent que ceux qui savent bien haïr savent bien aimer, comme si ces deux sentiments avaient le même principe.

874. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Il aimait à se moquer de lui-même. […] Il continua, dans toute la durée de cet épisode de sa vie publique, de tout communiquer à M. de La Fayette, à l’homme que, disait-il, il aimait à consulter comme sa conscience. […] C’est un ouvrage qui laisse une impression pénible, mais très en harmonie avec l’état où l’on est quand on n’aime plus, état peut-être le plus désagréable qu’il y ait au monde, excepté celui d’être amoureux. […] Il n’aimait pas Benjamin Constant et l’écrasa plus d’une fois de toute la hauteur de son sourcil. […] Il n’y a pas de triomphe qui ne lui fasse envie ; cela lui procure des sensations. — Il croyait aimer Mme de Staël, et il n’aimait que les émotions qu’elle lui donnait.

875. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Il aima Gœthe dès lors et sentit un vague désir de se donner à lui ; mais il faut l’entendre lui-même : « Je vécus des semaines et des mois, dit-il, absorbé dans ses poésies. […] À peine arrivé, il le vit, l’admira et l’aima de plus en plus, s’acquit d’emblée sa bienveillance, vit qu’il pourrait lui être agréable et utile, et, se fixant, près de lui à Weimar, il y demeura (sauf de courtes absences et un voyage de quelques mois en Italie) sans plus le quitter jusqu’à l’heure où cet esprit immortel s’en alla. […] sa présence enivrait, et chacune de ses paroles semblait élargir le cœur48. » C’est bien là l’effet que produisent en général la lecture et le commerce de Gœthe : étendre les vues ; élargir l’intelligence ; — Eckermann, qui l’a aimé, ajoute : élargir le cœur. […] Gœthe avait beaucoup aimé Ovide dans sa jeunesse : c’était alors son poëte préféré. […] Il poussait même la conséquence logique de son idée du beau et de l’agréable jusqu’à ne pas aimer les lunettes à demeure sur le nez de quelqu’un, et rien ne lui déplaisait plus chez un visiteur que cette machine anguleuse et bizarre braquée et faisant obstacle entre le miroir de l’âme et lui.

876. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Catinat prit en mai Veillane qu’on avait manquée en janvier ; il s’y exposa tellement de sa personne qu’il en reçut des réprimandes du roi, de Louvois, de sa famille ; il promit de se corriger, mais il n’y réussit qu’imparfaitement ; tout général en chef qu’il était, les jours d’action il aimait à être au feu. […] Catinat, en apprenant la perte soudaine de l’homme qui l’avait toujours apprécié, poussé, protégé et aimé jusque dans les rudesses et brusqueries qu’il ne ménageait à personne, écrivait à Barbezieux, son fils et son successeur (20 juillet) : « Je suis dans une situation où je me fais de grandes violences pour ne me point laisser aller à la vive douleur que je ressens de la grande perte que vient de faire le roi, l’État, et moi de mon protecteur, dont l’affection m’a toujours cent fois plus touché que tous les biens qu’il pouvait me faire. » Louvois de moins, tout changeait ; Catinat perdait un point d’appui solide et puissant ; il dut être porté à en devenir plus circonspect encore. […] » Dans la quantité de félicitations qu’il reçoit, il faut distinguer celles de l’abbé de Fénelon, non archevêque encore : « Je viens de lui faire réponse à une lettre toute des plus obligeantes qu’il m’a fait l’honneur de m’écrire, où ton nom est mêlé : il paraît bien qu’il t’aime ou pour mieux dire, qu’il te chérit. » Croisilles, fort pieux et d’une piété tendre, était un des fils spirituels de Fénelon. On distingue aussi ce que Catinat dit de Vauban ; ce grand homme de bien dont on aime à unir le nom avec le sien l’avait félicité de l’honneur auquel il était promu, et Catinat l’en avait remercié en exprimant l’espérance d’une réciprocité prochaine. […] Le fait est qu’à cette date il était on ne saurait mieux informé de tout ce qui se passait jusque dans l’intimité de l’alcôve, pendant cette convalescence du duc de Savoie, entrecoupée parfois de rechutes ; il écrivait, de ce ton plaisant et badin qui était le sien, au ministre de la guerre Barbezieux, qui ne manquait pas d’en amuser le roi (29 mars 1693) : « … La comtesse de Verrue a eu des conversations particulières qui dérangent en un instant ce que les médecins ont cru arranger… Une fois pour toutes, le roi doit être informé que cette dame à part aux affaires et qu’elle est aimée.

877. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

J’ai souvent aimé à me figurer, moyennant quelques images qui parlent aux yeux, ces degrés successifs d’approximation, en quelque sorte décroissante, par où passe inévitablement l’histoire, toujours refaite à l’usage et dans l’intérêt des vivants. […] J’aime avant tout la méthode d’un esprit ferme, positif, inexorable, qui me dénombre et me déduit les faits, les points précis, et me dit : Rien au delà. […] J’aime aussi (sauf retour) la méthode d’un esprit ingénieux, hardi, habile, plein de mouvement, qui ose deviner, reconstruire, et qui m’associe à ses courageuses et doctes aventures. […] On a beau faire, nous n’aimons en France à sortir de l’horizon hellénique et de ses lignes distinctes qu’à bon escient. […] La France a longtemps été monarchique ; elle a toujours assez et, trop aimé, sauf les intervalles, aller à un seul, obéir à quelqu’un ; et cette idée, qui trouverait ses retours jusque dans le triomphe de la démocratie, vaut bien la peine qu’en temps régulier, et même à travers l’apparente défaveur, on s’y arrête encore : l’observer à loisir et la reconnaître, c’est le bon moyen d’en moins abuser.

878. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Lui, d’un courage égal, sans fantaisie comme sans défaillance, il met l’honneur à vaincre, non pas à se faire tuer, et il aime mieux être en force pour combattre l’ennemi. […] » au saint jeudi, ou d’aimer mieux avoir fait cent péchés mortels que d’être lépreux. […] L’excellent sénéchal admire, aime de tout son cœur la grande perfection qu’il voit en Louis IX. […] Il aime le bon vin, et s’est fait défendre par les « physiciens » d’y mettre de l’eau ; il aime la bonne chère et tient presque table ouverte en Syrie. […] Il aime les riches habits, et saura bien répliquer à maître Robert de Sorbon, s’il l’attaque là-dessus.

879. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Il a aimé les tableaux, les statues, mais plus encore les bâtiments : l’architecture est son art favori. […] Il a de l’intelligence au reste du goût : il aime la poésie, il fait des vers164, comme Marot, trop souvent comme Jean, mais par rencontre aussi comme Clément. […] Le cœur en elle mène l’intelligence, elle ne vit que pour aimer et se dévouer. De là son mysticisme : elle aime Dieu passionnément, d’une libre et vive tendresse qui déborde hors de tous les cadres artificiels des idées. […] Il crut de bonne foi qu’aimer, c’était jouir et dire d’agréables choses aux dames.

880. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Mais, dans ses élégies premières (Ourika, Il m’aimait, Natalie, etc.), il y a quelque mouvement, des vers heureux, parfois brillants ; d’autres fins ou spirituels. Ourika, la négresse, dira très bien de celui qu’elle aime et qui ne s’en aperçoit pas : Et si parfois mes maux troublaient son âme tendre,         L’ingrat ! […] Tandis que le poète désabusé observe ainsi et raille, Napoline aime encore et croit : voilà le piquant de ce petit poème, qui n’a pas été, ce me semble, assez compris ni goûté. […] Napoline aime, elle se croit aimée, et, à un mot qu’elle surprend, elle s’aperçoit qu’on la trompe, qu’elle a une rivale, et qu’on lui est infidèle : La vierge la plus pure a cet instinct sauvage Qui lui fait deviner une infidélité. […] Mais quand on est amoureux, quand on l’est surtout comme Antoine l’est de Cléopâtre, de telles découvertes d’infidélité ne détachent pas, elles irritent ; elles font plutôt qu’on veut rester, qu’on veut punir. « On bat sa maîtresse, me disait mon voisin qui paraissait s’y connaître, on la surveille, et on l’aime plus fort. » Et puis toute cette machine, tout ce premier nœud n’aboutit à rien.

881. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Les récits d’un tel prodige éveillèrent ma curiosité : je vis et j’aimai. […] Mme Necker, sous son air froid et contenu, aimait son mari avec exaltation, avec culte, et lui il la payait en retour du même sentiment. […] « J’aime beaucoup quelques-uns de nos philosophes modernes, mais je n’aime point leur philosophie », disait Mme Necker. […] Elle revient alors sur le passé, elle aime à y revivre. […] Peignant le bonheur de deux époux fidèles, et celui du père en particulier qui, se revoyant tout vivant dans les traits de ses enfants, y lit la pudicité de son épouse, la vérité de son émotion la fait arriver à l’expression parfaite et au coloris : Quelquefois même, un époux tendrement aimé se voit seul tout entier dans les traits de ses enfants.

882. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Il va continuer ses études au collège des Jésuites à Mauriac ; il nous peint ses maîtres, ses camarades ; il nous fait sentir et aimer ses privations, ses joies d’écolier, ses triomphes. […] Cette indulgence qui me faisait aimer devint tous les jours plus facile. […] Marmontel aime assez ce genre de locutions dramatiques, même quand il ne fait que raconter des scènes de la réalité. […] Il fut du premier jour à la mode : les financiers fastueux qui se piquaient de goût, tels que M. de La Popelinière, ne voulurent plus qu’il quittât leur salon, et les femmes qui se piquaient d’aimer la gloire, telle que Mlle Navarre, le voulurent à l’instant dans leur alcôve. […] Heureux les honnêtes gens qui aiment les arts et qui s’éloignent du tumulte !

883. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Il y a dans l’art un point de perfection, comme de bonté ou de maturité dans la nature, celui qui le sent et qui l’aime a le goût parfait ; celui qui ne le sent pas, et qui aime en deçà ou au-delà, a le goût défectueux. […] L’on devrait aimer à lire ses ouvrages à ceux qui en savent assez pour les corriger et les estimer. […] Ceux qui écrivent par humeur, sont sujets à retoucher à leurs ouvrages ; comme elle n’est pas toujours fixe, et qu’elle varie en eux selon les occasions, ils se refroidissent bientôt pour les expressions et les termes qu’ils ont le plus aimés. […] Ces passions encore favorites des anciens, que les tragiques aimaient à exciter sur les théâtres, et qu’on nomme la terreur et la pitié, ont été connues de ces deux poètes : Oreste, dans l’Andromaque de Racine, et Phèdre du même auteur, comme l’Œdipe et les Horaces de Corneille, en sont la preuve. […] Les esprits justes, et qui aiment à faire des images qui soient précises, donnent naturellement dans la comparaison et la métaphore.

884. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

« Je n’aime pas le gouvernement de la canaille », répète-t-il en cent endroits. […] J’ai aimé la physique tant qu’elle n’a point voulu dominer sur la poésie ; à présent qu’elle a écrasé tous les arts, je ne veux plus la regarder que comme un tyran de mauvaise compagnie. […] L’auteur commence par le déluge, et finit toujours par le chaos : j’aime mieux, mon cher confrère, un seul de vos contes que tout ce fatras. […] Puis, se tournant à ceux qui sont sur la terre, à l’Église militante, il les invite ; en ces termes, à prendre part aux transports de la sainte et triomphante Jérusalem. « Réjouissez-vous, dit-il avec elle, ô vous qui l’aimez ! […] On y voit aussi d’un autre côté une chasse, où tous les oiseaux qui aiment le Nil sont pris d’un seul coup de rets ; et de l’autre on y voit une pêche, où les poissons de cette rivière sont enveloppés dans un seul filet, etc. » (Lett. édif.

885. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

« Je ne veux pas vous attrister aujourd’hui, j’aime mieux finir ici ma lettre. […] — Quand vous n’auriez que le temps de m’écrire : Je me porte bien et je vous aime, cela me suffirait. […] J’aime prodigieusement vos siècles écoulés dans le temps qu’avait mis la sonnerie de l’horloge à sonner l’air de l’Ave Maria. […] Nous suivîmes son cercueil comme celui d’une vierge au linceul blanc ; c’était une âme virginale ; il n’avait aimé que Béatrice, et sa Béatrice restait sur la terre pour pleurer sur lui. […] Madame de Beaumont était cette personne qu’il avait aimée d’une si poétique affection dans ses années de sève, et dont il avait déposé le cercueil et illustré le nom dans un monument de marbre, à Rome, sous les voûtes de l’église Saint-Louis.

886. (1920) Action, n° 2, mars 1920

— Ô que je l’aime ! […] Les uns n’aiment que les paysages de la volupté. […] Le rêve de l’amour se reconnaît en vous, et les rêveurs d’aimer n’aiment que vous, peut-être. […] La musique est une mathématique qui chante, qui aime et qui ouvre les cœurs. […] Tout, comprendre, c’est tout aimer.

887. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Parmi les noms amoureux et chéris, Gabrielle d’Estrées est devenue un des plus populaires ; elle l’était peu en son temps, et, bien qu’elle fût aussi aimée, aussi bien vue en cour qu’une femme dans sa position pouvait l’être, elle n’avait pas également la voix de la bourgeoisie de Paris et du peuple. […] Quand elle était en habit de cheval, elle aimait la couleur verte : Le vendredi 17 mars (1595), dit L’Estoile, il fit un grand tonnerre à Paris avec éclairs et tempête, pendant laquelle le roi était à la campagne, qui chassait autour de Paris avec sa Gabrielle, nouvellement marquise de Montceaux, côte à côte du roi qui lui tenait la main. […] Ces scènes, au reste, avec elle étaient rares ; elle était de ces femmes qui reposent et délassent ceux qui les aiment, bien loin d’engendrer les querelles. […] Depuis qu’elle voyait croître ses espérances, elle se rendait de plus en plus courtoise et officieuse à tous, « tellement que ceux qui ne la voulaient pas aimer ne la pouvaient haïr ». […] Mes chères amours, il faut dire vrai, nous nous aimons bien : certes, pour femme, il n’en est point de pareille à vous ; pour homme, nul ne m’égale à savoir bien aimer… Il est dommage qu’on puisse écrire de ces charmantes choses à plus d’une personne en si peu de temps : car les lettres à la marquise de Verneuil suivirent de près celles que j’indique, et leur ressemblent.

888. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Toutefois il ne lui eût pas nui de savoir du latin, et il en eût fait son profit, puisqu’il aime à étudier les auteurs anciens et à commenter César, dont il se fera en ses loisirs une sorte de bréviaire. […] Il aime tout de la Hollande, même ce qu’elle a d’un peu triste, même ses difficultés et cette longue guerre qu’elle achève de soutenir contre la puissante Espagne pour son établissement et son indépendance. […] Rohan sera, à sa manière, un héros, mais un héros empêché, qui aura un fardeau à porter sur les épaules : on dirait qu’il s’y plaît encore plus qu’il ne s’y résigne ; il aime la peine. […] L’honneur qu’il me faisait, la bonne chère dont il me favorisait, l’entrée qu’il me donnait en ses lieux plus privés, m’obligent non seulement à le pleurer, mais aussi à ne me plus aimer où j’avais accoutumé de le voir. […] Il agissait dans le sens de ses talents, et ces talents eussent aimé les grandes occasions.

889. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Édouard Fournier ; il a mis au bas des pages quelques notes biographiques utiles sur les originaux qu’on reconnaît au passage, et quelques pensées des moralistes célèbres qu’on aime à rapprocher de leur grand émule. […] Il aime à tenir un fil, mais un fil seulement, et dans un labyrinthe. La Bruyère, dis-je, aime la variété, et même il l’affecte un peu. […] Il en aima pourtant qui passèrent pour légères, et il s’est piqué de les venger. […] » J’aime à croire que La Bruyère pressentait, au contraire, la vogue possible de son livre et qu’il pensait bien faire à sa petite amie un véritable et solide cadeau.

890. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Il y en a d’ailleurs de bien fines et d’excellentes, de bien vraies moralement : « Les êtres qui paraissent froids et qui ne sont que timides adorent dès qu’ils osent aimer. » « L’amour élève parfois, crée des qualités nouvelles, suspend les penchants coupables ; mais ce n’est que pour un jour. […] Elle en fait quelque chose d’essentiellement à part et qui ne ressemble pas à ce que le commun des gens entend sous ce nom : car se résigner, après tout, n’est pas si rare ni si difficile, et il n’y a pas tant de mystère ; tous les hommes y viennent plus ou moins quand la nécessité est là ; mais Mme Swetchine se méfie de ce qui est trop simple et trop commun : « Ce qui me gâte un peu la résignation, avait-elle dit, c’est de la voir si conforme aux lois du bon sens : j’aimerais encore un peu plus de surnaturel dans l’exercice de ma plus chère vertu. » En conséquence elle s’est appliquée à y introduire le plus de surnaturel possible, et elle y a réussi. […] Ses besoins d’aimer, ses ambitions d’intelligence, ses jalousies tendres qui se rassemblaient et s’accumulaient faute de mieux sur une tête chérie, ses soifs de Tantale qu’elle ne peut assouvir, ses accès de dévouement à la Décius qu’elle ne sait à quoi employer, ses colères à la Tarquin dans lesquelles elle abat impitoyablement tout ce qu’elle a dédaigné de cueillir et de respirer, tout cela s’épanche avec plus de naïveté qu’on n’aurait cru, et les ressorts humains, les mobiles naturels jouent fort distinctement devant nous, sans préjudice de la fibre religieuse fondamentale. […] Je n’ose dire pourtant, après cela, qu’on la connaît ; car elle prétend absolument « qu’il faut aimer pour connaître », et, même en la goûtant à bien des endroits, je n’ai pu aller jusqu’à l’aimer. […] il ne fait pas bon n’être pas tout à fait de son avis, et se contenter d’admirer ce qu’il aime.

891. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Elle avait été fort jolie dans sa jeunesse et aimait tendrement son mari. […] Elle était presque du même âge que le roi, et celui-ci l’aimait déjà sur ses portraits et sur le rapport de quelques seigneurs qui avaient vu en France la jeune princesse. […] Pour moi, je ne le soupçonne pas : le roi l’aime passionnément à sa mode, et elle aime le roi à la sienne. […] En même temps qu’il aimait cette reine française, il redoublait de prévention grossière et d’animosité contre notre nation. […] Sous l’empire de cette fantaisie lugubre, l’arrière-petit-fils de Charles-Quint, comme s’il eût voulu remonter tout le cours de sa race, se fit ouvrir les cercueils : celui de la reine sa mère qui fut ouvert le premier ne fit pas sur lui grande impression ; mais quand ce fut le tour de sa première femme, de cette jeune reine qu’il avait tant aimée, quand il revit ce visage altéré à peine et sa beauté encore reconnaissable à travers la mort, le coeur lui faillit, il recula en disant : « J’irai la rejoindre bientôt dans le Ciel. » — Et cette image suprême ne dut pas être étrangère à sa pensée, quand, peu après, lui le haïsseur des Français, il fit son testament en faveur de la France.

892. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Brizeux aima mieux toute sa vie se soumettre à bien des gênes que de prendre sur son cours d’eau poétique un filet suffisant pour faire tourner quotidiennement le moulin. […] Ce qu’il loue le plus, ce qu’il soutient et défend de tout son cœur, les tentatives dramatiques d’amis illustres, n’obtiennent que des succès douteux et très-combattus : il lui faut dissimuler tant qu’il peut ces résistances obstinées de la masse bourgeoise à ce qu’il admire et à ce qu’il aime. […] Quand il est forcé de louer ce qu’il aime moins, il n’y a qu’à bien l’écouter ; il indique finement le degré en baissant le ton et en mettant une sourdine à la louange. […] Lui qui avait quelquefois aimé et rêvé des monstres, il put se dire, à la vue de l’Attique, de ce pays qui a été comme créé exprès sur l’échelle humaine : « J’ai connu trop tard la beauté véritable !  […] Plus d’une m’a remis la clef d’or de son âme ; Plus d’une m’a nommé son maître et son vainqueur ; J’aime, et parfois un ange avec un corps de femme, Le soir, descend du ciel pour dormir sur mon cœur.

893. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

La Fontaine, en effet, comme Regnier son prédécesseur, aimait avant tout les amours faciles et de peu de défense. […] En vérité, bien que La Fontaine n’ait pas cessé d’essayer et de cultiver à ses moments de loisir son talent, depuis le jour où l’ode de Malherbe le lui révéla, j’aime beaucoup mieux croire à sa paresse, à son sommeil, à ses distractions, à tout ce qu’on voudra de naïf et d’oublieux en lui, qu’admettre cet ennuyeux noviciat auquel il se serait condamné. […] Ai-je passé le temps d’aimer ? […] Sa paresse lui grossissait la peine, et il aimait à s’en plaindre par manie. […] Qu’il me suffise de faire remarquer qu’il y entre une proportion assez grande de fadeurs galantes et de faux goût pastoral, que nous blâmerions dans Saint-Évremond et Voiture, mais que nous aimons ici.

894. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Tonsuré de bonne heure, élevé dans le jeu de paume et le tripot de son père qui aimait la table et le plaisir, Regnier dut au célèbre abbé de Tiron, son oncle, les premiers préceptes de versification, et, dès qu’il fut en âge, quelques bénéfices qui ne l’enrichirent pas. […] Il aime la nature, il l’adore, et non-seulement dans ses variétés riantes, dans ses sentiers et ses buissons, mais dans sa majesté éternelle et sublime, aux Alpes, au Rhône, aux grèves de l’Océan. […] Je lis, à ce propos, dans un ouvrage inédit, le passage suivant, qui revient à ma pensée et la complète : « Lamartine, assure-t-on, aime peu et n’estime guère André Chénier : cela se conçoit. […] Regnier, dans le cours de sa vie, n’eut qu’une grande et seule affaire : ce fut d’aimer les femmes, toutes et sans choix. […] André de Chénier aima les femmes non moins vivement que Regnier, et d’un amour non moins sensuel, mais avec des différences qui tiennent à son siècle et à sa nature.

895. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Car voilà le trait dominant et comme la source profonde de tout son génie : il a aimé la vie, plus largement, plus souverainement qu’aucun de ses ancêtres ou descendants intellectuels, comme on pouvait l’aimer seulement en ce siècle, et à cette époque du siècle, dans la première et magnifique expansion de l’humanité débridée, qui veut tout à la fois, et tout sans mesure, savoir, sentir, et agir. Rabelais aime la vie, non par système et abstraitement, mais d’instinct, par tous ses sens et toute son âme, non une idée de la vie, non certaines formes de la vie, mais la vie concrète et sensible, la vie des vivants, la vie de la chair et la vie de l’esprit, toutes les formes, belles ou laides, tous les actes, nobles ou vulgaires, où s’exprime la vie. […] On n’aime pas la vie, si l’on n’aime pas le vouloir vivre, la puissance qui tend à l’acte, l’aspiration de l’être à plus d’être encore : aussi Rabelais n’a-t-il qu’un principe. […] Il lui a fallu croire et professer la nature toute bonne, parce qu’il aimait toutes les manifestations de cette nature ; et son jugement moral s’est refusé à supprimer, même en désir et en pensée, aucune des formes de la vie.

896. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Il avait commencé comme le peuple commence ; il finit comme aiment à finir les esprits cultivés et avertis. […] Les Grecs aimaient l’instruction, ils l’aimaient comme vous, et bien plus encore que vous. […] …” Cet enfant, le jour de la ruine de sa patrie, écrivit ces vers sous les yeux du vainqueur, et le fier Romain ne put retenir une larme. » On leur dirait : « Les Grecs aimaient tant la poésie, qu’elle adoucissait même les guerres, chez eux si cruelles. […] Il convient de ne pas trop aller chercher les ouvriers chez eux, dans leur quartier (ils n’aiment pas cela), et aussi de ne pas trop les en éloigner. […] C’est à ce prix seulement qu’on se montrera tout à fait digne de les aimer en elles-mêmes et de les comprendre ; car c’est le seul moyen de les sauver désormais et d’en assurer à quelque degré la tradition, que d’y faire entrer plus ou moins chacun et de les placer sous la sauvegarde universelle.

897. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Saint-Simon, si amer quand il blâme, trouve, pour la louer, des grâces qui semblent inspirées par elle ; Dangeau la fait aimer par le simple récit de ses moindres actions. […] Le malheur poursuit tout ce que je protège et que j’aime. […] Mais on aimait tant la duchesse de Bourgogne à la Cour, que c’était comme un parti pris pour tout le monde de lui garder le secret, et de n’épargner qu’elle seule dans la médisance universelle. […] monsieur, vous ne m’aimez plus, il y a longtemps ; mais cela est injuste ; je ne vous ai jamais manqué. » La duchesse de Bourgogne mourante eût-elle pu dire de même au duc de Bourgogne, si celui-ci s’était avisé d’être soupçonneux autant qu’il était confiant ? […] Les quelques lettres qu’on publie d’elle au duc de Noailles, et où elle dit qu’elle n’entend rien à la politique, prouveraient plutôt que, si elle pouvait causer plus librement que par écrit, elle aimerait très bien à s’en mêler.

898. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

Il est curieux de voir le jugement qu’elle porte de l’esprit du roi futur, alors âgé de huit ans, et qui resta entre ses mains jusqu’à dix-sept : « Il avait un bon sens naturel qui, dès les premiers jours, me frappa ; il aimait la raison comme tous les autres enfants aiment les contes frivoles. » Joignez à cela l’esprit d’ordre et une mémoire étonnante. […] Mademoiselle de Clermont, une très courte nouvelle publiée en 1802, passe pour son chef-d’œuvre en effet : moi-même j’ai longtemps aimé à croire que c’en était un, mais je viens de la relire, et il m’est impossible de ne pas reconnaître que ce qu’il y a eu là-dedans d’agréable, de touchant et d’à demi bien, est désormais tout à fait passé. […] Mlle de Clermont, une petite-fille du Grand Condé, distingue et aime un simple gentilhomme, le duc de Melun, qu’elle finit par épouser secrètement ; comme princesse, elle doit faire les avances, et cette situation est assez bien dessinée. […] La dernière scène qui s’annonçait bien, quand Mlle de Clermont déclarait vouloir à tout prix pénétrer jusqu’à M. de Melun blessé et mourant, cette scène est manquée finalement, puisque la princesse se laisse détourner de sa pensée, et qu’elle ne revoit point celui qu’elle aime. […] D’une grâce infinie quand elle goûtait les gens, elle allait jusqu’à être dure quand elle n’aimait pas.

899. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Celui-ci aimait Droz et s’épanchait avec lui. […] Homme religieux, il aimera plus tard à confondre dans ses regrets et dans ses affections Ducis et Cabanis ; il se ressouvenait de celui-ci par ce côté de doute élevé et d’espérance à demi religieuse, que Cabanis a exprimé dans sa Lettre à Fauriel, et par lequel en réalité il a fini. […] Le biographe aime à y retrouver la couleur première de cette imagination douce et pure. […] Chamfort ulcéré s’écriera : « Tout homme qui est arrivé à quarante ans et qui n’est pas misanthrope, n’a jamais aimé les hommes !  […] Droz, je l’ai indiqué déjà, répugnait à ces manières de voir absolues et qui tranchent ; même lorsqu’il se fut soumis et rangé à une religion toute pratique et précise, il aimait encore à n’en pas définir trop strictement l’esprit.

900. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Il s’y met en scène sous le nom de Zelmis, et ne s’y montre pas à son désavantage : « Zelmis, comme vous savez, mesdames, est-il dit dans le récit, est un cavalier qui plaît d’abord : c’est assez de le voir une fois pour le remarquer, et sa bonne mine est si avantageuse qu’il ne faut pas chercher avec soin des endroits dans sa personne pour le trouver aimable ; il faut seulement se défendre de le trop aimer. » Ce Zelmis a rencontré à Bologne, dans une fête, une belle Provençale, une Arlésienne, mariée à un sieur de Prade, et qui, dans le roman, s’appelle Elvire. […] Je m’étais dit d’abord : cette fin n’est pas naturelle ; puisque Angélique aime réellement Valère, elle doit l’épouser malgré son défaut, et lui il continuera de jouer, sauf à la rendre malheureuse : ainsi les deux passions auront leur satisfaction et atteindront leur fin. […] Elle aime Valère, mais en aimant elle souffrira, et ne l’épousera point. […] C’est là que, durant les années désastreuses de Louis XIV, dans ce temps même où Mme de Maintenon disait qu’elle aimerait mieux vivre dans une cave avec la paix, qu’à Trianon par cette horrible calamité de la guerre générale1, Regnard avait établi son riant séjour et fondé son abbaye, qui n’est autre que celle de Thélème. […] Continuons d’aimer en lui un don de nature, une veine unique que rien n’altère ni ne mélange, et ne lui prêtons ni plus de portée morale ni plus de philosophie qu’il n’a prétendu en avoir.

901. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Elle jouit de ces charmants tableaux encore plus qu’elle ne songe à les mesurer ou à les classer ; elle en aime l’auteur, elle le reconnaît pour celui qui a le plus reproduit en lui et dans sa poésie toute réelle les traits de la race et du génie de nos pères ; et, si un critique plus hardi que Voltaire vient à dire : « Notre véritable Homère, l’Homère des Français, qui le croirait ? […] Une ode de Malherbe qu’il entendit réciter lui révéla, dit-on, son talent poétique ; il lut nos vieux auteurs, il exprima le suc de Rabelais, il emprunta de Marot son tour, il aima dans Racan un maître ou plutôt un frère en rêverie, et y apprit les élévations de pensée mêlées aux nonchalances. […] Il y aura toujours deux choses qu’il aimera mieux encore que de rimer, et, par ces deux choses, j’entends rêver et dormir. […] La Fontaine, qui aimait l’indépendance et la liberté, ne pouvait s’accommoder de l’idée que M.  […] Et notez bien que, s’il n’y avait pas de La Fontaine dans le passé, ou que si l’on cessait de le goûter et de l’aimer dans l’avenir, il n’y aurait pas ce coin d’esprit français mêlé jusque dans la poésie, qui ne se contente pas de la sensibilité pure, qui raille le vague du sentiment, et, pour tout dire, qui sourit souvent même aux beaux endroits de Lamartine.

902. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Beaucoup de lecteurs pourtant s’intéressent à l’exceptionnel proprement dit, lisant, disent-ils, pour se secouer, pour se dépayser, pour voir du nouveau et du tout nouveau, et précisément ne tenant point à contrôler, ce qui n’est que se ramener au déjà vu et au train, peu aimé, de tous les jours. […] Les amateurs d’exceptionnel en littérature et qui l’aiment, non point parce qu’ils sont blasés sur le normal, mais par goût de s’évader de la vie réelle, se trompent donc, je crois, en s’adressant à la littérature, y entretiennent en se plaisant à lui un genre qui, en littérature, est un genre faux, et feraient mieux, je crois, de s’adresser, selon leurs tempéraments particuliers, à l’un ou à l’autre des deux autres arts que j’ai dits. […] Le lecteur qui n’aime que le roman réaliste est généralement un esprit juste, droit, pondéré, qui a de bons yeux, un bon raisonnement, qui ne se trompera guère, que l’on ne trompera pas souvent et qui se tirera bien de l’affaire de la vie. […] Le lecteur de livres idéalistes n’est pas nécessairement optimiste ; mais il aime à croire à la noblesse de la nature humaine au moins chez un certain nombre d’individus privilégiés parmi lesquels il se place et non pas toujours à tort. […] Par un certain besoin de réaction contre soi-même et pour ne pas tomber du côté où l’on sent qu’on penche, c’est quelquefois le penseur très abstrait et l’homme d’examen intérieur qui aime, souvent du moins, lire des ouvrages de pure narration, et l’on a cité tel très digne héritier de Montesquieu qui faisait ses délices de Ponson du Terrail.

903. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Ces jeunes gens qui l’aiment auraient été contre lui des enfants terribles ! […] Elle aime, d’instinct, tout ce qui perd les femmes et peut déshonorer les hommes : l’argent d’abord, — et toujours, — et le luxe qu’il donne, et les grossières influences et les ivresses plus grossières encore qu’il apporte à la vanité. […] Elle est comme le démon de sainte Thérèse : la malheureuse, elle n’aime pas ! […] … Il a mieux aimé le mutisme d’âme et l’écourté de Flaubert ? […] elle impose même aux sots, et voilà pourquoi on serait tenté de l’aimer !

904. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

; — Ils oublient leurs habitudes… Enfin, ils aiment ailleurs. […] Et, en effet, ce n’est pas tout que d’aimer les femmes : il faut avoir avec elles la grâce de l’amour. […] — si tu ris ici, si tu trouves ceci un amusement, un sujet de plaisanterie, j’aime mieux que tu ries à la mort de ta mère… » La mort de ta mère ! […] Ni l’amour, ni la femme, ni sa destinée, ni la nôtre, à nous qui l’aimons, ne sont là où Michelet les a mis, exclusivement mis dans sa monstrueuse préoccupation. […] Pour l’acquit de sa conscience et de son titre, Michelet n’a pu se dispenser de nous donner une tempête de sa façon, la tempête de rigueur, qui, par parenthèse, n’est pas, au point de vue du talent, ce que j’aime le mieux dans son livre.

905. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Sans doute, comme il le disait à Odette, il aimait la sincérité, mais il l’aimait comme une proxénète pouvant le tenir au courant de la vie de sa maîtresse. […] Nous sommes toujours tentés d’introduire un élément dramatique dans notre vie ou dans celle des gens que nous aimons. […] Alors l’être avec qui nous nous plaisons à ce moment-là, le sort en est jeté, c’est lui que nous aimerons. […] Pensez à tout ce que vous avez fait, dans le temps où vous aimiez, qui n’avait aucun rapport avec la préoccupation exclusive dont vous étiez censé être habité, qui ne semblait aucunement pouvoir émaner de l’être pour lequel vous vouliez vous faire passer lorsque vous vous décriviez à l’objet aimé. […] Combien de fois n’arrive-t-il pas qu’on désire aimer un être sans y réussir ?

906. (1925) Comment on devient écrivain

Le public n’aime pas qu’on lui en impose. […] Il y a encore des gens qui n’aiment pas notre grand Molière. […] Il aimait même Boileau et adorait les classiques. […] Auguste Vacquerie n’aimait pas Racine et le disait crûment. […] Si vous êtes classique, il faut arriver à aimer le romantisme ; si vous êtes romantique, il faut vous efforcer d’aimer les classiques.

907. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Dans l’affliction que cause sa perte, il n’y a aucun remords, et personne n’a à se reprocher de ne pas l’avoir assez aimé. […] — Quand l’âge est venu, un grand poète l’a dit, il ne faut revoir ni les opinions ni les femmes qu’on aimait à vingt ans. […] « Il ne monte pas un cheval vivant : il n’aime pas ce qui vit. […] Il aimait tant les maîtres qu’il en oubliait sa propre individualité. […] Monpou aimait les rythmes difficiles, et prétendait que les coupes peu usitées amenaient des motifs nouveaux.

908. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

L’homme qui l’aimait, ancien officier, et qui semble avoir été un assez brave homme et d’une moralité au moins moyenne, s’est tué pour échapper à un procès déshonorant. […] Je suppose qu’il aime sa femme, et qu’il lui pardonne, et qu’il la veuille garder. […] — de conseiller au peuple et aux bourgeois d’avoir des mœurs pures, de « maîtriser leurs appétits », d’être moins égoïstes, de moins aimer l’argent, de renoncer à ces besoins de luxe relatif et de vanité qui déterminent les ménages français à limiter par tous les moyens le nombre de leurs rejetons.

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