C’est à ce point de vue qu’il faut se placer pour comprendre et pour admirer le Minotaure. […] Les Français ignorent généralement que Shakespeare n’est nulle part moins estimé, moins admiré, que dans sa patrie ; cet oubli injurieux, non pour le poète méconnu, mais pour l’ingrate multitude, offrait à M. […] Je suis loin d’admirer comme une révélation de génie mathématique les équations inintelligibles où il représente la démocratie, la théocratie et la monarchie par des lettres algébriques. […] Nous admirons sincèrement plusieurs scènes de la Maréchale d’Ancre ; nous ne contestons pas la finesse et le bon goût des conversations qui préparent la pièce. […] Avant même de se mettre à l’œuvre, son premier mouvement est de s’admirer ; avant même d’avoir noué la fable de son poème, avant d’avoir posé ses personnages, il se complimente et se sait bon gré de ce qu’il va faire.
Il admirait de Maistre et s’admirait lui-même, comme reflets du même soleil égal à plusieurs ; (nec pluribus impar) mais, à ses yeux, c’eût été le comble du délire de simplement supposer qu’une créature de Dieu, dans toute la durée des siècles, pût s’élever jusqu’à ces divins modèles qui raturèrent d’avance, il y a deux cents ans, tout l’avenir de l’esprit humain. […] Ceux-là, sans doute, suivent leur nature et font leur métier en détestant toute noble chose ; mais lui, l’écrivain, capable de sentir et d’admirer, il est sans excuse et disparaît déshonoré. […] Ils pourront ainsi s’admirer dans leur type comme dans un miroir concave. […] Sous prétexte qu’il leur ressemble, on dira qu’il les imite et on lui jettera à la tête, pour l’écraser, ces noms illustres, qu’il admire et qu’il révère plus que personne. […] Mais le monde n’admire pas de la sorte, et si ce Dégoûté revient deux fois à quelque chose, c’est, comme le chien de saint Pierre, à son vomissement.
Elle n’était, cette œuvre, trop admirée tour à tour et trop décriée, qu’un moment de la littérature, et c’est après coup que l’importance de ce moment peut être mesurée. […] Il admire beaucoup ce titre d’un poème de Lamartine : le Génie dans l’obscurité. […] Et il allait ainsi, plein de cette majesté débonnaire que donnent la conscience d’un grand talent, de la fortune, et quarante ans d’une existence laborieuse et irréprochable… » De ce père, qu’il admirait si profondément. […] Ils s’intéressaient très vivement sans doute à l’objet de leur discussion, car ils négligèrent d’admirer la portion du paysage où leur promenade s’égarait maintenant. […] Il est malaisé de faire un départ et de condamner les défauts en même temps qu’on admire les qualités.
Mais ce que j’admire bien davantage encore, c’est qu’on n’ait pas pris garde, en affectant de railler une semblable doctrine, de quelles autres doctrines, sous le nom d’optimisme, — basses et plates, comme il a raison de les qualifier, — on faisait les affaires. […] « Nous ne les admirons pas dans les bagatelles », comme dit Schopenhauer : personne n’a jamais trouvé qu’il y eût rien de « noble » à danser pour les pauvres, par exemple, ni qu’on méritât un renom d’intégrité pour n’avoir pas fraudé la douane. […] Pour admirer le Demi-Monde ou au Père prodigue, nous ne nous croyons pas tenus de méconnaître l’Assommoir ni Germinal, et encore moins le Nabab ou Sapho. […] à la condition pourtant qu’on les entende, ces classiques dont on parle ; qu’on ne les admire point pour ce qui leur manque, mais pour ce qu’ils ont ; et qu’on ne croie pas qu’ils aient épuisé, ni peut-être connu toutes les ressources de leur art. […] Nous aurions le droit de dédaigner, pour notre parole comme pour notre personne « tout ce que les hommes admirent ».
Je vois au contraire que le renouvellement des lettres a produit une quantité prodigieuse de poètes latins, que nous avons la bonté d’admirer : d’ou peut venir cette différence ? […] À l’égard de la rhétorique, on voudrait qu’elle consistât beaucoup plus en exemples qu’en préceptes, qu’on ne se bornât pas à lire des auteurs anciens, et à les faire admirer quelquefois assez mal à propos ; qu’on eût le courage de les critiquer souvent, de les comparer avec les auteurs modernes, et de faire voir en quoi nous avons de l’avantage ou du désavantage sur les Romains et sur les Grecs. […] L’émotion communiquée par l’orateur, bien loin d’être dans l’auditeur une marque certaine de son impuissance à produire des choses semblables à ce qu’il admire, est au contraire d’autant plus réelle et d’autant plus vive, que l’auditeur a plus de génie et de talent : pénétré au même degré que l’orateur, il aurait dit les mêmes choses, tant il est vrai que c’est dans le degré seul du sentiment que l’éloquence consiste. […] L’éloquence, dit très bien Voltaire, a tant de pouvoir sur les hommes, qu’on admira Balzac de son temps, pour avoir trouvé cette petite partie de l’art ignorée et nécessaire, qui consiste dans le choix harmonieux des paroles, et même pour l’avoir souvent employée hors de sa place. […] Du temps de la république romaine, où il y avait peu de lois, et où les juges étaient souvent pris au hasard, il suffisait presque toujours de les émouvoir, ou de les rendre favorables par quelque autre moyen : dans notre barreau il faut les convaincre : Cicéron eût perdu à la grand’chambre la plupart des causes qu’il a gagnées, parce que ses clients étaient coupables ; osons ajouter que plusieurs endroits de ses harangues qui plaisaient peut-être avec raison aux Romains, et que nos latinistes modernes admirent sans savoir pourquoi, ne seraient que médiocrement goûtés.
Si vous ne les admirez pas continuellement, ils sont vos ennemis. […] Pour moi, lui dis-je, dans mon petit particulier, je l’ai autant blâmé, qu’admiré. […] Je suis obligée de l’admirer tous les jours, quoiqu’à mes dépens. […] Alors il n’y aura plus dans les esprits ni courage, ni énergie ; alors on louera tout, on admirera tout, & nous n’aurons que des panégyristes éternels…. […] De-là vient que Virgile est beau pour tout le monde, & que Claudien ne l’est que pour un petit nombre ; qu’on admire toutes œuvres de Racine, & que les sentimens son partagés sur celles de Crébillon.
Ils ne sont pas exposés au chagrin de se demander si c’est le vrai Pascal et le vrai Montaigne qu’ils ont tant lu et tant admiré ! […] On peut aimer, admirer un maître et se dévouer à lui jusqu’au fanatisme, sans le copier pour cela. […] Chacun de ces poëtes est admiré dans son école et par une certaine portion du public, mais aucun d’entre eux n’a encore conquis cette notoriété générale qui avec le temps devient la gloire. […] On ne le jugeait plus, on l’admirait. Et que de raisons pour l’admirer !
Le raisonneur qui s’est convaincu lui-même voudra persuader les autres, nécessairement ; et le poète qui s’admire, contraindre autrui à l’enthousiasme. […] Sur le moment personne ne savait laquelle il fallait admirer de ces deux peintures aux cadres pareils. […] Mais des œuvres d’un tout autre ton furent admirées jadis par le même groupe humain. […] Quelle importance cela a-t-il que le peuple n’admire pas ce que nous admirons ? […] Forcer d’admirer est aussi méchant que de forcer d’entrer.
Et, tandis qu’on admire les muscles, l’esprit n’est, lui, que risible, voire ridicule, en tout cas absurde. […] Il admirait le poète du Satyre et, à bien des égards, il pouvait se réclamer de lui. […] Maurice Barrès, qui l’admirait, l’y avait aidé. […] L’on hésite ; on est tout près d’admirer : mais on se tient sur la réserve, si l’on est muni de prudence. […] Elle veut qu’on l’admire et, orgueilleuse, elle exagère ses effets.
Ce monde dont tu m’apportes la pestilence, j’admire la bonté de Dieu qui en tolère les abominations. […] — Assieds-toi plutôt près de moi et admire, à mon exemple, le rythme balancé de cette branche en fleurs qui semble implorer un asile. […] Je les admire longuement, puis je ferme les yeux. […] Et Jean Lorrain admire mes cravates. […] Il me paraît logique d’admirer dans les phrases de M.
Qui donc a dit à ce propos, qu’étant « une disposition compagne de la faiblesse des organes, suite de la mobilité du diaphragme, de la vivacité de l’imagination, de la délicatesse des nerfs, qui incline à compatir, à frissonner, à craindre, à admirer, à pleurer, à s’évanouir, à secourir, à crier, à fuir, à perdre la raison, à n’avoir aucune idée précise du vrai, du bon, du beau, à être injuste, à être fou », la sensibilité, pour toutes ces raisons, n’était que la « caractéristique de la bonté de l’âme et de la médiocrité du génie » ? […] Comment donc et pourquoi le succès en a-t-il été si vif en son temps, si considérable, européen autant que français ; et nous-mêmes, qu’en aimons-nous ou qu’en admirons-nous encore ? […] » Montesquieu a voulu ressembler aux Dieux, comme ces stoïciens qu’il admirait si fort, et le moyen qu’il en a pris, ç’a été, comme eux, de tout rapporter au bien de la société. […] Mais on ne comprend pas toujours ce que l’on admire, ni même ce que l’on redoute ; et, en réalité, les contemporains de Rousseau ne l’ont pas compris : premièrement, parce qu’ils sont les « mondains » qu’ils sont, les habitués des « salons » qu’il attaque ; et puis, parce qu’en leur qualité de mondains, après un peu d’émoi que leur a causé ce citoyen de Genève, d’autres distractions, d’autres curiosités, d’autres discussions, de toutes parts, les sollicitent, les appellent, et les retiennent. […] Si ses contemporains n’ont rien tant admiré chez lui qu’une extraordinaire faculté d’assimilation, servie par une facilité d’exécution ou d’expression non moins extraordinaire, on constate qu’ils les ont d’autant plus admirées qu’ils les ont vues s’appliquer, tour à tour ou ensemble, à plus d’objets, plus différents, plus étrangers eu apparence à ses intérêts d’amour-propre et de vanité.
La beauté se distingue de l’admire. […] En France, il ne sera célèbre qu’après sa mort, quand on pourra admirer les livres étonnants qu’il enfanta et qu’on ne craindra plus de donner un prestige dangereux à cet ennemi de « l’Ordre ». […] Tout le monde copie sa manière, qui consiste à déchiqueter les phrases, à les amputer, à couper ici un adjectif, ici le verbe, de sorte qu’il n’en reste plus que des torses qu’on admire parce qu’ils épouvantent. […] André Salmon admire Moréas, à qui Paul Fort l’a présenté dès 1903.
Julie avait raison d’admirer avec passion toutes les pierreries de cet écrin, de cette mine. […] — Vous n’en avez pas le droit ; si vous admirez sincèrement les miens, vous ne pouvez pas admirer les vôtres sans restriction. […] Nous autres mères, nous admirons notre enfant bossu, pour peu qu’il ait dans les yeux un rayon de cette flamme céleste qui divinise toute créature vivante. […] J’admire et j’estime sincèrement la recherche des principes du beau, et je fais le plus grand cas de celle-ci ; mais, en fait d’art, comme devant la nature, je me sens de l’école de Hugo et de Michelet plus que de celle de M. […] D’ailleurs, notre vie ne se borne pas seulement à la faculté de voir et d’admirer le monde extérieur.
Il admirait La Motte, il vantait La Motte, il exagérait pieusement les idées de La Motte, il suivait La Motte comme son ombre.
. — Tout à côté, on peut admirer à la loupe une fine miniature chinoise sur porcelaine de Japon.
Quant au chaos du fini et de l’infini, on peut l’admirer au § 31.
En effet, si l’on regarde les quatre mille vers qu’il a écrits, ce n’est ni l’abondance des idées, ni la force de l’imagination, ni la profondeur du sentiment qu’on y peut admirer.
Et j’ai songé : « Admirons les effets de la grâce divine, ou simplement peut-être de cette douceur, de cet assagissement, de cette résignation, de cette sérénité qu’apporte l’expérience aux âmes bien nées !
À la prochaine foire électorale de Neuilly ou du Quatrième, j’espère vous admirer, à côté de quelque avaleur de sabres, dans vos intéressants exercices de buveur de bagatelles.
Cette filiation est reconnue par tous les critiques » — « Tous les critiques, réplique-t-on, cela veut dire un critique copié par un autre. » J’admire ce dédain, M. de Gourmont pense-t-il qu’une opinion soit moins bonne parce que des gens compétents la partagent, et qu’on a plus de chance d’avoir raison lorsqu’on n’est d’accord avec personne ?
Donnez-moi des images poétiques semblables à celles de la ceinture de Vénus, à celles des prières dans Homère, de la Renommée dans Virgile, de Didon mourante et ouvrant les yeux pour les refermer, et mille autres aussi belles que je pourrais citer encore, j’admirerai le poète avec enthousiasme.
Faute de suivre cette méthode, l’imagination échauffée par quelques beautés du premier ordre dans un ouvrage, monstrueux d’ailleurs, fermera bientôt les yeux sur les endroits faibles, transformera les défauts même en beautés, et nous conduira par degrés à cet enthousiasme froid et stupide qui ne sent rien à force d’admirer tout ; espèce de paralysie de l’esprit, qui nous rend indignes et incapables de goûter les beautés réelles.
Seulement, si la spontanéité de ses facultés passait bien souvent par-dessus les faux cadres dans lesquels posait sa pensée, nul ne put croire tout d’abord que, la plume à la main, cette Belle Impétueuse, qui se faisait un peu trop de rayons autour de la tête avec ses longs tire-bouchons d’or pût se maintenir, comme en ces Lettres parisiennes, femme du monde spirituelle, moqueuse et adorablement frivole, dans cette simplicité qui devait être une compression, et que nous avons tant admirées dans Mlle Mars, à la scène, car le talent de Mme de Girardin dans ses Lettres parisiennes rappelle le jeu de Mlle Mars, comme dans ses Poésies les cris de Mme Desbordes-Valmore rappellent le pathétique de Dorval.
Nous avons dit plus haut ce dont il se préoccupe et ce qu’il admire, les innocentes contemplations auxquelles il se livre sur la beauté de ces compagnies qui charment aussi la grave raison de Cousin dans sa Madame de Longueville.
Malgré beaucoup d’écrits publiés sur Louis XIV et sur son siècle, la dernière portion du règne de ce roi, la seule qui soit à juger (l’autre, on l’admire, ce qui est plus agréable et plus facile), n’est point encore jugée comme elle doit l’être, et si l’on peut tirer une induction des opinions d’un premier volume qu’on a lu à celles des volumes qui n’ont pas été publiés et qui doivent suivre, il est à craindre que le livre de Moret ne contribue pas beaucoup à ce jugement définitif.
Il a commencé de s’y distinguer par des articles spirituels, écrits pour un journal fameux qui n’est plus, mais dans lesquels il imitait trop, selon moi, son rédacteur en chef, dont le talent, très admiré, à juste titre, de ceux qui l’entouraient, leur imposait à tous des formes… originales pour lui seul.
Il nous est impossible de les admirer.
Dans cette société de dandys qui ont six pieds de haut et qu’il nous peint, Georges Lawrence nuance la force ; mais une seule fois, exceptionnellement, il a opposé à toutes les riches nuances de la force, à toutes ces exaspérations ou extinctions de l’écarlate sur de l’écarlate, une faiblesse et le contraste d’une pâleur, et c’est quand il a fait raconter toute cette vie de Guy Livingstone à un pauvre camarade de collège, chétif et souffrant, qui la regarde et l’admire du fond de la sienne et de sa faiblesse.
Taine admire Byron comme le plus grand poète de l’Angleterre et comme le sujet le plus intense de ce qu’il appelle, lui, l’organisation anglaise.
Il admire l’axiome assez vulgaire de cette méthode « qu’il ne faut admettre pour vrai que ce qu’on connaît évidemment pour tel. » Comme si ce moyen de connaître évidemment le vrai, la méthode de Descartes l’avait donné jamais à personne !
Il m’a été impossible de voir dans les œuvres de cet esprit, puissant par d’autres côtés, ce que beaucoup de gens sont accoutumés d’y admirer, sur la foi de certains mirages.
Il est cartésien comme tous les philosophes qu’il admire, et qui, au xviie siècle, l’étaient tous, plus ou moins.
Il a cité beaucoup de lettres et une grande quantité de discours de saint Vincent à la compagnie de Saint-Lazare ou à ses missionnaires, dans cette éloquence sans modèle dont Bossuet surpris admirait la familiarité spirituelle, et que saint François de Sales lui-même n’avait pas.
si on admire, avec juste raison, les esprits d’une puissance dramatique assez grande pour s’incarner dans une autre peau que la leur et devenir, à leur choix, Othello ou Macbeth, le père Goriot ou Vautrin, que ne doit-on pas penser de ceux qui, laissant là la personnalité humaine, s’incarnent dans des êtres étrangers à l’humanité, comme un hêtre ou comme un centaure ?
Il m’a fait admirer un artiste auquel je ne m’attendais pas.
Elle était belle à faire mourir de jalousie Mme de Staël, si elle n’avait pas été morte, et si cette âme grande de Mme de Staël n’avait pas admiré sincèrement Mme Récamier !
voilà comme je m’y prenais dans le temps que je n’étais qu’un écolier maladroit… » Et il ne dit pas maladroit, car il s’admire rétrospectivement et son amour-propre se baise lui-même sur son front d’enfant.
Sandeau, ce débris de toutes les palettes n’est plus que le fantôme grimaçant et exsangue des fortes vivantes que nous avons admirées et que nous ne pouvons plus oublier.
Georges Lawrence nuance la force, mais une seule fois, exceptionnellement, il a opposé à toutes les riches nuances de la force, à toutes ces exaspérations ou extinctions de l’écarlate sur de l’écarlate, une faiblesse et le contraste d’une pâleur, et c’est quand il a fait raconter toute cette vie de Guy Livingstone à un pauvre camarade de collège, chétif et souffrant, qui la regarde et l’admire du fond de la sienne et de sa faiblesse.
Rien n’entre mieux dans le cœur des hommes que leur propre image qu’on leur rapporte, car jamais ils ne pourront croire que les réfléchir, ce ne soit pas les admirer !